Stéphane Peu, coprésident du groupe GDR : « D’abord l’unité, ensuite l’unité et encore l’unité »
Depuis cette semaine, le député communiste Stéphane Peu est coprésident du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), en remplacement d’André Chassaigne, avec Émeline K/Bidi. Il entend participer à la cohésion entre communistes, entre forces de gauche et entre tous les républicains face à l’extrême droite.
Gaël de Santis, 4 avril 2025 - L'Humanité
Au lendemain de sa première question au gouvernement, comme président de groupe, Stéphane Peu a reçu jeudi l’Humanité. Il se dit « frappé de la frilosité de la défense de l’autorité judiciaire par le premier ministre », François Bayrou, en réaction aux attaques à la suite de la condamnation à une peine d’inéligibilité de Marine Le Pen. « Nous voulons être aux côtés de l’autorité judiciaire pour lui dire notre soutien, mais aussi notre attachement à l’État de droit et à la séparation des pouvoirs », confie-t-il.
Vous succédez à André Chassaigne à la tête du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR)…
Vous avez raison. On peut essayer de succéder à André Chassaigne, mais on ne le remplace pas.
Comment concevez-vous votre rôle ?
D’abord l’unité, ensuite l’unité et enfin l’unité. D’abord l’unité de notre groupe. Il est composé à parité de députés communistes ou apparentés et de députés ultramarins. Cela nécessite beaucoup d’écoute et la recherche permanente de convergences. Avec Émeline K/Bidi, la coprésidente, nous nous y emploierons.
Ensuite, l’unité de la gauche car la période est dangereuse, et quand la grêle menace il serait fou de faire le délicat. Enfin, l’unité des républicains. L’internationale réactionnaire se déploie dans notre pays au-delà des rangs de l’extrême droite. Elle mène une offensive contre les fondamentaux mêmes de notre République qui se définit comme démocratique et sociale.
Que doit être l’apport des députés communistes ?
Nous nous singularisons par notre ancrage dans notre circonscription, notre proximité avec les citoyens, nos liens avec les mobilisations sociales. Cette relation au terrain, conjuguée avec l’apport de l’intellectuel collectif que représente le PCF, ses organisations, le journal l’Humanité et d’autres encore, fait notre force et notre originalité.
« Si nous étions d’accord sur tout, nous ne formerions qu’un seul parti »
Malheureusement, nous sommes affaiblis. En 2024, nous avons perdu un tiers des députés communistes, dont notre secrétaire national, Fabien Roussel, et des voix fortes et respectées comme celles de Pierre Dharréville, Jean-Marc Tellier et Sébastien Jumel.
De quelle manière les députés ultramarins irriguent-ils la vie du groupe GDR ?
Les territoires ultramarins représentent des ouvertures dans l’espace géographique et dans le temps, dans l’histoire, qui conduisent à une réflexion globale sur le monde, une réflexion qui fait écho à la tradition internationaliste des communistes. Les questions de colonialité qui traversent le sud permettent une lecture du monde renouvelée qui irrigue les réflexions du groupe du fait de la présence des députés dits d’Outre-mer. De la même façon, les problématiques liées à l’urgence climatique, à la transition énergétique, à la gestion des ressources sont éclairées d’un jour particulier et riche par l’expérience des députés ultramarins. Faut-il rappeler que grâce à leur présence, les mers et les océans sont devenus des sujets de préoccupation constants ? En près de vingt ans de cheminement commun, nous avons bâti ensemble une solide culture commune sur nombre de ces sujets.
Est-il possible d’obtenir des conquêtes d’ici à 2027 ?
L’absence de majorité absolue aurait pu conduire à une revalorisation du Parlement, mais c’était compter sans la volonté d’Emmanuel Macron de poursuivre sa feuille de route. Il n’a pas respecté le résultat des urnes de juillet 2024. Le Parlement, sous le régime de la Ve République, ne possède pas le pouvoir de l’en empêcher.
Dans ce cadre, nous pouvons contrer ses textes les plus régressifs, mais il est difficile de proposer des réformes structurelles. Tous les outils parlementaires, jusqu’aux plus sournois, sont utilisés pour nous en empêcher, mais ils n’entament pas notre volonté d’obtenir des évolutions législatives, si minimes soient-elles, pour améliorer la vie de nos citoyens.
Dans notre journée d’initiative parlementaire du 5 juin, nous ferons tout pour que d’une manière ou d’une autre l’Assemblée puisse enfin se prononcer par un vote sur la réforme Borne sur les retraites.
Les débats sont parfois tendus à gauche, avec des divisions, des polémiques. Que faire du Nouveau Front populaire (NFP) ?
Nous sommes des formations politiques différentes. Si nous étions d’accord sur tout, nous ne formerions qu’un seul parti. Le débat est donc inhérent à notre diversité. Il se doit d’être exigeant entre nous, respectueux, et surtout à la hauteur des attentes du pays. Il y a une forte aspiration à l’unité, surtout dans cette période où l’extrême droite est aux portes du pouvoir. Nous devons garder cela à l’esprit.
Le NFP est donc un cadre qu’il faut préserver. Notre groupe, GDR, peut être un trait d’union dans le prolongement de l’accord de juillet autour de la candidature d’André Chassaigne à la présidence de l’Assemblée. Nous pouvons faciliter le dialogue. Le NFP reste aussi une espérance qu’il faut consolider. Concernant les échéances électorales à venir, le NFP est un point d’appui. Il faut essayer d’en faire une marche pour aller plus haut et non casser les barreaux de l’échelle, sous peine de dégringoler encore davantage.
Comment lutter contre l’extrême droite et ses idées ?
Cela passe en premier lieu par une analyse juste de la montée de cette idéologie délétère. Elle prospère en partie sur la colère et sur un sentiment de déclassement, mais son moteur central est commun : le racisme et le rejet de l’autre. L’étranger est tenu pour responsable de tous les maux.
Il faut rester fermes sur nos fondamentaux. Cela demande du courage et d’affirmer notre solidarité sans faille envers nos frères et sœurs immigrés, nos frères en humanité. Regardons l’exemple en Allemagne de Die Linke, qui a refusé de céder à la facilité et de modifier son positionnement sur l’immigration quand Sahra Wagenknecht a choisi de lancer un mouvement de gauche anti-immigration. La remontée spectaculaire de Die Linke, qui a presque doublé son score aux élections fédérales de 2025 par rapport à 2021, est en partie liée à ce choix courageux.
Comment la gauche peut-elle s’imposer dans le débat public ?
Nous devons produire plus, travailler plus, nous ouvrir davantage aux milieux intellectuels et culturels. C’est valable pour les groupes à l’Assemblée nationale et pour les organisations politiques. La dichotomie me frappe entre le débat au sein des organisations politiques et celui qui traverse la société grâce aux associations, syndicats, aux initiatives multiples de l’économie sociale et solidaire, aux actions de solidarité, de défense des droits. De nombreuses mobilisations impliquent des franges nouvelles de la société, la jeunesse. Les sujets de préoccupations des Français sont celles des services publics, du pouvoir d’achat, de la justice sociale, de l’égalité. Sur ces sujets, il y a parfois une expression paresseuse des forces politiques. Il existe beaucoup de capacités de résistance dans la société française à la vague réactionnaire, qui se manifestent mais qui se déclarent pour l’essentiel sans débouché politique. La responsabilité de la gauche est d’offrir un débouché politique à ces manifestations qui ne font pas que résister : elles offrent des perspectives nouvelles.