Alors que la canicule frappe le pays, le gouvernement s’est contenté de lancer un énième numéro gratuit au lieu de prendre les mesures réglementaires qui s’imposent.
Un numéro vert pour « avoir toutes les réponses aux questions que l’on peut se poser ». La promesse formulée par le ministre de la Santé, Olivier Véran, lors du lancement en grande pompe du « Canicule info service » le 7 août, ne tient pas la route. Nous avons composé le 0800 06 66 66 pour savoir quelles mesures prendre en cas de panne de climatisation dans un open space où la température atteint les 35 °C. Au bout du fil, notre interlocuteur, qui semble presque découvrir la problématique, n’a qu’une chose à répéter : « Il faut bien s’hydrater. » Un peu léger en termes de prévention. Que peut-on faire si un salarié commence à avoir un petit coup de chaud ? « Si ce n’est pas grave, vous pouvez rappeler la ligne, si c’est un malaise, vous devez appeler le 15 », lance-t-il. Nous n’arriverons pas à arracher un conseil digne de ce nom.
« Un numéro vert ne remplace pas le personnel de terrain »
Rien d’étonnant pour Christophe Prudhomme, médecin urgentiste et membre de la fédération CGT de la santé. « Ces numéros gratuits sont sous-traités à des plateformes téléphoniques, les personnes qui décrochent ne sont pas des spécialistes. Le gouvernement s’agite, envoie des circulaires dans des mairies… Pendant ce temps-là, les hôpitaux continuent de se débrouiller seuls. » Depuis la canicule de 2003, les principes de bon sens du type « évitez l’alcool » ou « mouillez votre corps » ont été largement adoptés par la population. Cet été, le gouvernement se contente juste de rappeler l’évidence couplée aux gestes barrières contre le coronavirus. Bien en deçà des besoins concrets. « Nous n’avons pas assez de médecins, d’infirmiers alors que nous sommes confrontés à l’arrivée de pensionnaires des Ehpad aux urgences, martèle Christophe Prudhomme. Un numéro vert ne remplace pas le personnel de terrain. Il faudrait, par exemple, que les patients qui ont des traitements lourds puissent joindre leur docteur pour les ajuster. J’ai vu une femme diabétique la semaine passée qui mangeait moins à cause de la chaleur et devait donc adapter son insuline. »
Au sein des entreprises, le gouvernement pourrait également décider de renforcer les dispositifs de protection. « Il n’y a rien de précis dans le Code du travail, souligne un inspecteur du travail. Il faudrait au moins indiquer une température maximale au-delà de laquelle les salariés ne peuvent pas travailler. L’État devrait avoir la possibilité de contraindre l’employeur. Mais c’est la même chose que pour le Covid : il préfère courir le risque qu’il y ait des morts plutôt que de forcer les patrons à agir. »
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de la première lecture, j’avais eu l’occasion de présenter au nom de mon groupe une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité constitutionnelle, car ce texte remet en cause l’autonomie de la sécurité sociale.
Nous continuons à penser que ces deux projets de loi, organique et ordinaire, remettent en cause les fondements de la sécurité sociale. Cette étape supplémentaire vers une transformation de la « sécu » en filet de sécurité dépourvu de lien avec notre pacte social républicain est extrêmement grave.
Derrière ces textes de loi, nous avons en réalité deux lois budgétaires à examiner.
Tout d’abord, sur le transfert de 136 milliards d’euros à la Cades, nous contestons, avec la majorité du Sénat, le choix du Gouvernement de faire prendre en charge par cette caisse le financement d’un tiers de la dette des établissements de santé. Selon nous, la sécurité sociale n’a pas à assumer la dette des hôpitaux, qui provient principalement des investissements immobiliers.
En effet, lorsque le précédent gouvernement avait annoncé une reprise de la dette, il n’avait pas mentionné que la dette reprise serait transférée à la Cades.
La confusion que vous organisez, de plus en plus, entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale nous pose problème. Elle conduit en tout cas à un changement de l’organisation institutionnelle de notre pays, et cela mérite un débat plus poussé que celui que nous avons eu. La dette créée par la crise du covid-19 aurait dû appeler un débat budgétaire plus approfondi.
De la même manière, je rappelle notre opposition à la tentative de la droite sénatoriale d’insérer une « règle d’or » dans les comptes sociaux pour les prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Alors que nous avons pu constater l’importance de notre modèle de protection sociale lorsqu’il a fallu prendre en charge le chômage partiel des entreprises, mais également les faiblesses des hôpitaux auxquels on a imposé depuis vingt ans des budgets inférieurs aux dépenses, imposer une règle d’or reviendrait à sanctuariser l’austérité dans les dépenses sociales et donc à grignoter encore davantage sur les droits acquis.
En exonérant les entreprises du paiement des cotisations sociales, d’un côté, et en limitant les dépenses, de l’autre, vous allez réduire mécaniquement les prestations sociales versées dans notre pays. Alors même que l’Union européenne a décidé, face à la crise, de laisser de côté les déficits des États, la droite sénatoriale veut transposer le modèle européen d’austérité dans notre sécurité sociale.
Non seulement c’est complètement décalé, mais en outre, la droite sénatoriale devra assumer ce choix politique qui consiste à réduire les prestations de santé, les prestations familiales et les pensions de retraite et, plus généralement, l’ensemble des droits pour lesquels nos concitoyens ont cotisé. C’est elle qui sera responsable, demain, des lits supprimés, et des services fermés à cause de sa règle d’or !
Alors que le ralentissement économique entraîne une chute des rentrées de cotisations sociales, il y a urgence à dégager de nouvelles recettes plutôt que de fermer le robinet des prestations sociales.
Nous avons de nombreuses propositions de recettes, mais vous refusez d’ouvrir le débat sur l’efficacité des exonérations de cotisations sociales.
Plutôt que de faire peser le remboursement des 136 milliards d’euros sur les assurés sociaux par la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), on aurait pu imaginer un financement de la perte d’autonomie par les entreprises, en particulier celles qui font des milliards d’euros de bénéfices sur le dos de nos aînés.
Le deuxième volet de la réforme est une véritable opération de communication.
Alors que la crise sanitaire a démontré l’importance d’une intervention publique pour les personnes en perte d’autonomie dans les Ehpad ou à domicile, vous proposez une cinquième branche de la sécurité sociale sous-financée, qui ne permettra pas de réduire le reste à charge des familles.
En effet, la perte d’autonomie des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées devrait être prise en charge à 100 % par la sécurité sociale et gérée par la branche assurance maladie.
Selon nous, il y a véritablement urgence à créer un grand service public national de la perte d’autonomie et de l’accompagnement, incluant les établissements médico-sociaux et les aides à domicile, qui aurait vocation à revaloriser tous ces métiers effectués majoritairement par des femmes dans une grande précarité.
En 1945, gaullistes et communistes ont décidé de créer la sécurité sociale ; soixante-quinze ans plus tard, ce système a encore démontré toute sa pertinence.
Censé permettre aux entreprises de sortir la tête de l’eau, ce texte promulgué durant la pandémie sert au contraire de marchepied pour licencier à bas coût.
Alexis Mulliez assis sur un fauteuil représentant… un salarié d’Alinéa. Cette caricature affichée sur le magasin d’ameublement de Beaucouzé, dans la banlieue d’Angers (Maine-et-Loire), en dit long sur le ressentiment ambiant. Depuis fin juillet, aux quatre coins de la France, des employés de l’enseigne manifestent leur colère contre la proposition de reprise déposée par leur propre dirigeant pour sa société placée en redressement judiciaire mi-mai. 1 065 emplois sur 2 000 seraient conservés.
Effacer ses dettes et réduire ses effectifs.
Un projet rendu possible par la promulgation le 20 mai dernier d’une ordonnance d’adaptation des droits des entreprises en période de Covid. L’article 7 permet ainsi de faciliter la reprise pour le dirigeant actuel si celui-ci est le mieux positionné. Le tribunal et le ministère public sont censés veiller à ce que le plan de cession ne soit pas seulement l’occasion pour le débiteur d’effacer ses dettes et de réduire ses effectifs. C’est là que le bât blesse chez Alinéa. Comme le résume Ingrid Seillery, secrétaire CGT du CSE central : « Alexis Mulliez a généré 60 millions d’euros de dettes par an depuis son arrivée en 2017, lui-même reconnaît qu’il a fait des erreurs ! Je ne suis pas contre cette ordonnance, mais cela doit servir aux petites sociétés. Les Mulliez, ce sont 32 milliards d’euros de fortune en 2019, et ils refusent de mettre un centime pour le plan social alors que nous sommes tous smicards ! Nous sommes aussi loindu compte en termes de préservation de l’emploi évoquée par ce texte. » Le tribunal de commerce de Marseille statuera le 31 août si cette offre, la seule en lice à ce jour, est solide.
De son côté, Orchestra Prémaman, enseigne de vêtements pour enfants en redressement judiciaire depuis fin avril, est l’un des premiers à avoir exploité ce filon. Le 19 juin dernier, le tribunal de commerce de Montpellier s’est prononcé en faveur du fondateur de la marque, Pierre Mestre, et de sa nouvelle société, NewOrch, pour la reprise de 1 110 contrats de travail. « C’est clairement un moyen d’éponger ses 650 millions d’euros de dettes. Les difficultés de l’entreprise n’ont rien à voir avec le Covid, c’est scandaleux ! » s’indigne maître Ralph Blindauer, avocat du CSE. Avant, racheter son entreprise était théoriquement interdit par l’article L.642-3 du Code du commerce mais des dérogations restaient possibles. Il fallait convaincre le procureur de la République de son bien-fondé. Désormais, la procédure est accélérée : c’est devant le tribunal qu’une requête est déposée. Avec les questionnements que cela soulève. « Le tribunal de commerce se retrouve à statuer : des hommes d’affaires locaux jugent des affaires locales. Cela ressemble à un petit arrangement entre amis », glisse l’avocat. Si la colère est grande chez les salariés, c’est que l’offre concurrente du Saoudien Al Othaim conservait autant d’emplois mais avec un dossier plus solide financièrement.
Face à cette décision, les élus du CSE ont donc fait appel, notamment sur l’interprétation problématique de cette ordonnance. « Il y a une ambiguïté. Le texte devrait préciser que le patron peut reprendre son entreprise uniquement dans le cas où il n’y a pas d’autres offres. Là, il y a un dévoiement de la loi », explique maître Blindauer. L’audience du 3 septembre devrait permettre de dénoncer une nouvelle fois cette faille. D’autres sociétés pourraient se dépêcher de s’engouffrer dans la brèche avant l’expiration de cette disposition d’urgence le 31 décembre 2020.
Par Jérémy Roggy, chimiste et historien des sciences
Alors que la crise économique de 2008 avait été suivie par un fort recours aux énergies fossiles, l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA) a dévoilé récemment un « plan de relance durable ». Focalisé sur le secteur de l’énergie, l’objectif de ce plan de long-terme consiste à la fois de permettre une remise sur pied des économies, de créer des emplois en nombre tout en opérant une transition structurelle qui permette de répondre aux enjeux climatiques.
Trois ans pour tout changer de fond en comble : c’est ce que suggère l’IEA dans son plan de relance durable focalisé sur le secteur de l’énergie dès l’année prochaine. Selon elle, l’enjeu est notoire car les décideurs politiques doivent agir dans un court laps de temps pour avoir des impacts durables sur l’économie et sur les infrastructures énergétiques. Ayant comme visée la stimulation des économies, la création de millions de nouveaux emplois à l’échelle mondiale, ce plan de l’IEA vise également la réduction durable des émissions de gaz à effet de serre afin de répondre entre autres aux objectifs des accords de Paris. Mettant l’accent sur six secteurs clés, à savoir l’électricité, les transports, l’industrie, le bâtiment, les carburants et l’innovation, l’IEA propose près de vingt mesures évaluées sous différents aspects.
En tout et pour tout, ce plan de relance nécessiterait de mobiliser seulement 1000 milliards de dollars, soit 0,7% du PIB mondial et pourrait permettre de gagner un peu plus d’un point de croissance par an. Alors qu’elle estime que près de 6 millions d’emplois sont menacés dans le secteur de l’énergie sur les 40 millions actuellement existants à cause de la pandémie, elle affirme que ce sont un peu plus de 9 millions d’emplois par an pendant trois ans qui pourraient être créés grâce aux mesures de son plan. L’objectif affiché ? Permettre une meilleure résilience face à des crises futures et viser une réduction de 4,5 millions de tonnes de dioxyde de carbone atmosphérique d’ici 2023.
Plus que tout, l’IEA insiste sur l’importance de la coopération internationale pour pouvoir mettre en cohérence les actions respectives de chaque pays et rétablir des chaines globales d’approvisionnement en énergie. Pour l’agence, trois orientations clés sont centrales : la focalisation sur la sécurité énergétique ; la révision voire la réaffirmation des engagements pour des transitions vers des énergies propres ; la création de filets de sécurité pour les entreprises et les consommateurs. Elle estime également que des leçons peuvent être véritablement tirées de la dernière crise économique qui a eu lieu en 2008-2009. D’une part, il faut déployer à grande échelle les politiques existantes pleines de succès pour permettre des retours sur le plan économique et en termes de création d’emplois. D’autre part, elle insiste sur l’importance de la recherche et développement, afin d’être prêts sur le plan technologique. Plus largement, elle considère que la formation tout comme la remise à niveau des travailleurs est cruciale pour qu’ils puissent développer des compétences nécessaires au déploiement de projets sur l’énergie.
Un plan ambitieux avec des mesures concrètes pour le long-terme
L’IEA fait un véritable plaidoyer pour des investissements durables car, d’après elle, cela permettra un soutien et des créations en termes d’emplois, tout en délivrant une énergie abordable et fiable. Plus largement, investir dès maintenant de manière pérenne dans l’énergie serait bénéfique pour le reste de l’économie avec de véritables effets indirects. Mieux encore, cela est incontournable selon l’agence pour garantir une réorientation structurelle de ce secteur, en vue de répondre à des objectifs de long-terme quant au défi climatique, l’accès à l’énergie et la durabilité. La pandémie a mis en exergue la nécessité urgente de soutenir et de créer de l’emploi dans un contexte où l’environnement monétaire fluctue et où les marchés des énergies fossiles sont volatiles. Également, cette même pandémie a développé selon l’IEA une conscience accrue des bienfaits d’une énergie propre et sûre, ainsi que la possibilité de changer durablement les usages et comportements.
Au-delà des enjeux qu’elle brosse, l’agence avance des mesures concrètes. Pour ce qui est de l’électricité, on retrouve l’extension et la modernisation des réseaux énergétiques, afin de basculer vers des infrastructures numériques, des réseaux intelligents ; le développement massif des énergies renouvelables que sont l’éolien et le solaire photovoltaïque ; le maintien des énergies hydrauliques et nucléaires dans le mix énergétique en raison de leurs faibles émissions de gaz à effet de serre ; de réels investissements en R&D pour réduire drastiquement les émissions et pollutions des énergies fossiles comme le charbon et le gaz. Quant aux transports, l’IEA met l’accent sur l’encouragement à l’achat de nouveaux véhicules plus efficaces et sobres ; la promotion des trains à grande vitesse au détriment de l’avion et des véhicules individuels pour assurer un meilleur maillage territorial et une réelle décentralisation ; l’amélioration des infrastructures urbaines afin de réduire la pollution et la congestion, au travers d’une meilleure disponibilité des bornes de rechargement pour les véhicules électriques individuels, du développement des bus électriques et de l’extension de l’espace urbain accordé aux piétons et aux cyclistes.
Ensuite, pour ce qui a trait au bâtiment, filière qui emploie 10% des travailleurs à l’échelle mondiale, la meilleure efficience énergétique des logements sociaux et administratifs, et dans la foulée dans l’industrie, doit être selon l’agence un premier cheval de bataille pour réduire véritablement les factures énergétiques, battre en brèche la précarité énergétique, améliorer la santé et le confort et renforcer la résilience notamment face aux événements climatiques. Toujours sur ce secteur, le déploiement des appareils ménagers connectés doit être plus que jamais mis en avant, pour réduire la consommation énergétique et les coûts d’opération du système électrique, et ce de manière conjointe avec le recyclage efficace d’appareils ménagers comme les réfrigérateurs qui contiennent de puissants gaz à effet de serre. Si on s’intéresse ensuite à l’industrie, il s’agit ici selon l’IEA d’améliorer l’efficience énergétique et l’électrification à l’échelle mondiale et sur cet aspect, les gouvernements peuvent engager une série de mesures fiscales incitatives. Il y a également nécessité à renforcer le recyclage des déchets et de matériaux tels que les plastiques, et repenser en amont le design des produits manufacturés pour limiter les déchets plus efficacement.
Enfin, en ce qui concerne les carburants, l’agence de l’énergie considère qu’il faut améliorer les procédés existants pour réduire les émissions de méthane, puissant gaz à effet de serre, provenant du pétrole et du gaz, et de permettre la reconversion des travailleurs qualifiés de secteur, menacés de licenciements, dans la réduction de telles émissions. Une réforme drastique des subventions aux énergies fossiles est également nécessaire selon l’IEA, ainsi que le soutien et l’extension des biocarburants, secteur à fort potentiel d’emploi de travailleurs peu comme très qualifiés. Pour conclure, l’agence met l’accent sur l’innovation : sans cette dernière, « la transition vers des systèmes énergétiques modernes, propres et résilients seraient mis en jeu » et « les gouvernements ont un rôle majeur à jouer en soutenant l’innovation, notamment dans des domaines que le secteur privé perçoit comme trop risqués ». C’est ainsi que l’IEA insiste sur la nécessité de développer activement les recherches sur les technologies basées sur l’hydrogène, sur les batteries, sur les petits réacteurs nucléaires modulaires et sur la capture, l’utilisation et le stockage du dioxyde de carbone.
Quelles conclusions peut-on tirer de ce plan de relance durable ?
De manière centrale, en promouvant une modernisation importante du secteur de l’énergie pour répondre aux défis économiques, sociaux et écologiques du moment, cette dernière nous montre de manière sous-jacente l’importance de la formation des travailleurs au sens large. En effet, il s’agit d’être en mesure de développer des technologies nouvelles et efficaces et d’être en mesure de les maitriser et de les comprendre, en premier lieu pour les travailleurs impliqués mais aussi pour les utilisateurs et utilisatrices de ces technologies. De tels changements, une telle valorisation de l’innovation nécessite de développer véritablement l’enseignement supérieur pour former des travailleurs qualifiés qui maitrisent une large palette de compétences clés. De fait, cela suppose de rompre avec des décennies de libéralisation de l’enseignement supérieur marquées par le sous-financement chronique, le morcellement des formations et la non-reconnaissance du travail des étudiants.
Plus que jamais, il est nécessaire de financer massivement les universités et laboratoires publics pour stimuler l’émulation et la création, de créer un salaire étudiant dans le cadre d’une sécurité emploi-formation pour reconnaitre le travail intellectuel des étudiants et sécuriser les parcours de formation des salariés. Il s’agit aussi de conditionner réellement les aides publiques au secteur privé dans le domaine de la recherche et du développement, pour garantir la création d’emplois stables et stables et surtout la formation d’un nouveau tissu industriel en France et en Europe. Alors que l’étude économique de l’IEA a été faite conjointement avec le Fonds Monétaire International et accorde un rôle prépondérant au secteur privé et aux marchés dans son plan de relance, c’est bien le renversement des logiques de compétition auquel il faut résolument œuvrer.
La remise en cause des logiques de libéralisation et de mise en concurrence des travailleurs et des territoires depuis des décennies aux échelles européenne et mondiale est cruciale. Sans cela, il est clairement impossible de permettre par exemple un développement véritable d’un pôle efficace de l’énergie, d’un réseau ferroviaire maillant tout le territoire, d’une éducation, d’un enseignement supérieur et d’une recherche libérés des logiques de rendement immédiat qui se font au détriment des objectifs de long-terme que vise le Plan de relance durable de l’Agence Internationale de l’Énergie. Pour répondre aux enjeux clé de notre époque, pour permettre une relance industrielle et écologique, c’est bien du côté du secteur public que les solutions sont à trouver.
L’Humanité, avec sa plateforme numérique l’Humanité.fr, prend l’initiative de solliciter des contributions pour repenser le monde et inventer des alternatives, avec l’ambition d’être utile à chacune et à chacun. Cette démarche sera prolongée par la publication d’un hors-série à la fin de l’été et l’organisation de grands débats publics. Aujourd’hui : « Pour un printemps des communistes », par André Gérin, Député-Maire honoraire de Vénissieux.
Avec 40 années de néolibéralisme, la mondialisation et la bureaucratie financière ont fait naître une menace fatale pour les peuples, les États et les Nations. Elles tuent l’économie réelle et l’écosystème. C’est un schéma accéléré dans lequel la France s’est inscrite avec Giscard D’Estaing et depuis 1983, avec François Mitterrand qui abandonne les engagements du programme commun.
Ce schéma s’est poursuivi sous les divers gouvernements successifs et perdure encore aujourd’hui sous le gouvernement Macron. Bon an mal an, cette société où règnent l’inégalité, la précarité et la misère endémique, caractérise la logique du capitalisme occidental : les classes populaires sont plongées dans un processus de dépendance et sombrent dans la passivité. Les chiffres sont sans appel puisque des millions de citoyens font la grève des urnes, et d’autres votent dans de grosses proportions pour le Rassemblement national. Qu’en est-il du vote Rassemblement national ? De l’abstention ? Une analyse impérative dépourvue de toute complaisance doit être faite afin de comprendre sérieusement ce phénomène qui débute en 1980. À cette période, on constate une forte abstention dans les nouveaux quartiers. Quant aux quartiers ouvriers vieillissants, pour une part des électeurs communistes, leur choix se porte sur le vote FN. C’est donc le PCF qui en paie un lourd tribut. Si l’on rajoute à cela, les grandes villes que nous avons perdues depuis 30 ans, nous pourrions comprendre l’érosion de notre électorat. Face à cet état de fait, nous avons pour obligation de changer d’état d’esprit et de mentalité avec l’expérience et les leçons du XXe siècle. D’autant que le contexte géopolitique est marqué par la montée du terrorisme islamiste, des extrêmes droite fascistes et de l’ultragauche, violente et nihiliste. Après la chute du mur de Berlin, et depuis Deng Xiaoping, la Chine s’est convertie au capitalisme « made in China ». Les relations internationales sont donc marquées par la rivalité sino-américaine. Quant au capitalisme occidental, il est devenu le « colosse aux pieds d’argile » par opposition au dynamisme du capitalisme asiatique.
Les raisons sont nombreuses pour que le PCF porte, plus que jamais, la passion française du communisme et puisse la faire vivre. Le communisme social, moral et culturel est une passion tricolore, c’est notre marque de fabrique. Conscients de notre passion pour la Nation (selon la définition d’Ernest RENAN) et du bonheur, faisons la vivre. Quant à notre label « L’Humain d’abord », ce sont les valeurs et les idéaux du socialisme et du communisme qui ressurgissent. Le PCF a un projet pour la France que nous devons porter avec fierté, sans renier nos racines, notre héritage issu de la Révolution de 1789 et du mouvement ouvrier et intellectuel du XIXe siècle. Mais aussi de notre pensée nourrie de Marx, d’Engels et des courants socialistes : anarchistes révolutionnaires, réformistes et libertaires. Il y a eu également des périodes historiques marquantes telles que la République sociale en 1848, la Commune de Paris en 1970, la Révolution d’octobre en 1917 qui fut portée par Lénine. 10 jours qui ébranlèrent le monde. Aujourd’hui, la souveraineté de la France est en danger. Nos traditions républicaines, laïques et le principe de liberté sont en péril. Macron, sous de faux airs progressistes, porte la globalisation néolibérale, soit la recherche effrénée du profit à tout prix qui impose la dictature du moindre coût avec le salaire comme variable d’ajustement.
Il nous faut construire une opposition résolue et déterminée face à ce défi de civilisation. Pour nous communistes, l’union dans l’action ne doit pas avoir de limite. Ainsi, je suis convaincu de la démarche républicaine sur chaque sujet, sans a priori politique et idéologique (ex : aéroport de Paris). L’atout inédit du PCF consiste à s’adresser aux patrons de TPE, de PME, à tous les salariés, ouvriers et employés, ingénieurs, cadres et techniciens, avec de véritables relations d’échange, de coconstruction et de codécision. Les initiatives, les collectifs et les rassemblements pour l’emploi peuvent s’exercer sur tout le territoire, et s’articuler autour de la reconstruction industrielle et écologique. Notre triptyque emploi, pouvoir d’achat, sécurité doit fonctionner de pair et constituer l’ossature de tout ce que nous proposons avec notre projet pour la France. C’est notre force de frappe au cœur de la crise actuelle.
Concernant la sécurité, la situation est alarmante : violence, délinquance, immigration, mafias, islamisme. Dans beaucoup de quartiers populaires les habitants ont l’impression de ne plus reconnaître leur pays. Sans parler du chauffeur de Bayonne décédé suite à un déchaînement de violences et les émeutes de Dijon sur fond de trafic de drogues ou des violences urbaines qui se sont propagées dans toute la France des 13 et 14 juillet derniers. Parler de guerre civile aujourd’hui n’est pas illusoire. Pourtant, politiquement et médiatiquement, ce sont des questions qui sont minimisées voire ignorées malgré les violences urbaines qui se produisent chaque jour.
J’ai une conviction intime pour le PCF comme force politique, celle d’être en première ligne (en adoptant les principes de prévention, dissuasion et répression), être exigeant, sortir de l’angélisme dans lequel nous nous complaisons, bannir la politique de l’excuse et la victimisation. On ne peut pas résumer les questions du défi culturel de l’islam politique à des analyses économiques et sociales. Notre combat est d’empêcher cette lutte sans merci de l’islamisme, contre la République qui entrave l’intégration sociale. J’ai déjà tenu ces propos et je les réitère aujourd’hui : la gangrène de l’islamisme s’infiltre au cœur de la communauté musulmane française et contribue au communautarisme, installe la charia, endoctrine et contrôle les territoires que l’on nomme « les territoires perdus de la République ». D’ailleurs, lors des élections municipales qui viennent de se dérouler, des pratiques clientélistes, communautaristes et antirépublicaines ont été constatées. Elles deviennent monnaie courante et de plus en plus pratiquées à droite et par une partie de la gauche pour gagner à n’importe quel prix. Les méthodes employées sont dignes de groupes mafieux (C’est l’exemple de l’élection municipale de Bobigny en 2014 organisée sous l’égide de Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI).
Je suis inquiet, car lorsque j’ai pris connaissance du texte collectif, de la commission PCF de lutte contre le racisme et pour l’égalité, paru dans l’Humanité du 3 juillet dernier, j’ai pu constater que des questions sont déconnectées des préoccupations de la France populaire qui souffre. Je considère que nous faisons fausse route face aux enjeux géopolitiques sur la question sociale et celle de la lutte des classes. Notre préoccupation centrale doit orienter notre combat contre le processus de marginalisation des classes populaires, dans la vie politique et l’espace public. Cette orientation politique du PCF est totalement pertinente lorsque l’on voit la haine de classe, d’une partie de la classe politique et des professions intellectuelles qui renvoient les classes populaires du côté du racisme, du sexisme ou encore de la fermeture culturelle. Remettons au premier plan notre engagement l’identité sociale de toute personne, car notre prétention est de défendre les classes populaires à la fois pour nous ressourcer par un travail d’immersion militante et nous permettre d’être en adéquation avec leurs aspirations profondes La grande question est d’aller à la reconquête des abstentionnistes et de réduire l’influence du RN sans quoi nous signerons notre marginalisation comme force politique nationale (« Le PCF apparaît comme une force comme une autre » Fabien Roussel). L’élection présidentielle s’inscrit dans ce schéma. Avec notre projet pour la France, nous voulons vraiment notre pays change de cap, qu’il endigue ces 40 dernières années de néolibéralisme qui l’ont vassalisé. Pour ce faire, il faut redonner aux classes populaires et au monde du travail au sens large, la reconnaissance et la considération que notre pays leur a refusé. Ce sont des populations qui ont souvent été reléguées, méprisées, ringardisées. Dans ces conditions, qui peut leur apporter la dimension populaire dont elles ont besoin et comment ? Quelles forces politiques ? Il n’y a que le PCF pour cela où sinon c’est l’aventure assurée ! Car la dynamique de la gauche authentique ne peut se faire qu’avec l’irruption populaire faute de quoi, demain nous pourrions avoir devant nous un long et difficile chemin avec la propulsion d’un « Trump » ou d’un « Salvini » à la française, qui tenteront de tout balayer.
Pour le PCF, c’est le moment ou jamais. Il est temps, soit de représenter la France laborieuse et exister soit de disparaître à jamais. Il est l’heure de nous préparer sans attendre et de créer les conditions pour entamer la bataille des présidentielles de 2022, avec la présence du PCF. Le PCF doit reprendre sa place électorale en première division. Notre parti doit se réarmer dans sa pensée politique, philosophique et théorique pour que la France populaire pèse de tout son poids et permette la reconstruction d’une alternative politique solide à gauche, afin d’être à la hauteur du grand défi qui nous attend, d’un pays développé comme la France en rupture avec le capitalisme. Nous n’avons surtout pas envie de refaire toutes les expériences qui ont été engagées depuis 1981 et qui débouchent sur de funestes échecs.
Le moment est donc venu pour la gauche d’éclaircir ses idées de fond, dans une confrontation indispensable de l’Europe et de l’Euro, de l’écologie et la croissance, de la crise économique et de l’identité de la France pour ne pas retourner s’enliser au milieu des sables mouvants du PS de Mitterrand, Jospin, Hollande et leur rejeton Macron. Le chantier est immense. Il faudra du temps pour régler les désaccords. Des forces considérables devront être mobilisées. Elles seront déterminées et instruites des mouvements sociaux en France et dans le monde, car depuis le début du XXIe siècle, des contestations puissantes, porteuses de luttes anticapitalistes inédites pleines d’espérance, sont en train de prendre de l’ampleur. En France, en Europe et dans le monde, le PCF est largement attendu. Nous sommes fiers d’être communistes, fiers de la présence incontournable en France, d’un parti communiste en 2020, qui va fêter son 100e anniversaire du Congrès de Tours. De nouvelles responsabilités sont posées au PCF sur les questions internationales. Nous sommes interpellés pour porter, avec audace, des idées novatrices sur les valeurs et les idéaux du socialisme et du communisme. Participons à la diffusion de manière renouvelée, des idées porteuses, et ceci, dans le respect du pluralisme, politique, philosophique et religieux, du bien commun, de la justice sociale, de la solidarité et de bien être pour l’intégrité de la personne et de la planète.
Même si l’analogie à une guerre n’est pas la meilleure manière de qualifier la lutte contre l’épidémie du coronavirus, elle peut nous aider à mettre en évidence la difficulté du gouvernement à savoir utiliser le bon arsenal, c’est-à-dire les bonnes armes au moment opportun. L’emballement sur le port du masque « obligatoire » en extérieur dans certaines zones est l’exemple typique d’une dispersion des forces sans coordination. Ici c’est le préfet qui décide, ailleurs c’est le maire qui le devance pour montrer à sa population qu’il est vraiment plus efficace que les services de l’État, puis les ARS annoncent l’arrivée de renforts qui n’arrivent pas et enfin le premier ministre se déplace sur le front pour voir les troupes. Troupes qu’il serait plus simple de doter en une seule fois du même équipement de protection : il aurait été ainsi plus efficace et surtout plus rapide de préconiser le port général du masque en intérieur et en extérieur à partir du moment où l’on se trouve dans un local ou un lieu où on est en contact rapproché et fréquent avec d’autres personnes.
Mais, pour mener une guerre, le gilet pare-balles ne suffit pas, il faut aussi des armes avec les munitions en quantité suffisante. Et c’est là que se pose le problème de la capacité à réaliser des tests de manière massive dans les zones les plus impactées. Pourquoi par exemple les 300 000 habitants de la Mayenne n’ont-ils pas été testés immédiatement pour détecter les personnes contaminées sachant que plus de 50 % des personnes infectées ne présentent aucun signe de la maladie ? Le seul moyen de neutraliser l’ennemi est en effet de le débusquer et de le neutraliser, à savoir isoler immédiatement les personnes porteuses du virus pour casser les chaînes de contamination.
En fait, la communication brouillonne du gouvernement sur les masques constitue un nouvel écran de fumée pour masquer le fait qu’il ne dispose pas du stock d’armes dont nous avons besoin. Alors que 700 000 tests par semaine nous étaient promis lors du déconfinement, les laboratoires ne sont capables d’en réaliser deux mois plus tard qu’à peine 500 000. Le constat est clair : la stratégie est encore et toujours dictée par la gestion d’une pénurie de moyens.
Nous sommes face à une nouvelle preuve de l’incurie de notre gouvernement qui est incapable d’organiser la mobilisation des troupes au bon moment, de les équiper avec du matériel adapté et de les envoyer sur la zone prioritaire du front. Rappelons-nous les grandes défaites de l’histoire quand les renforts ne sont pas arrivés au bon moment, que les équipements et les armes n’étaient pas adaptés et surtout que les chefs ont été incapables de prendre les bonnes décisions au bon moment !
En Saône et Loire, berceau de la race bovine charolaise, les prairies ressemblent à des paillassons et les ruisseaux sont à sec dans un nombre croissant de cantons ruraux. Il s’agit de la quatrième sécheresse estivale en six ans. Au point qu’il devient difficile d’installer des jeunes alors que la moyenne d’âge des éleveurs est de 53 ans. Alors que la pandémie du coronavirus nous alerte aussi sur l’importance de la souveraineté alimentaire, le pouvoir politique semble totalement indifférent face aux difficultés de la profession agricole qui s’aggravent dans la plupart des régions.
La météo nous annonce des journées de grande chaleur, tandis que plus de 60 départements de la France métropolitaine sont déjà soumis à des restrictions d’eau. Nous avons, dans plusieurs articles récents, fait état des conséquences de la sécheresse printanière pour l’élevage et la production céréalière. Une fin d’automne 2019 trop pluvieuse pour réussir les semis d’hiver, suivie d’un printemps trop sec en de nombreuses régions, a débouché sur une récolte de blé et d’orge inférieure de 20 % à la moyenne des cinq années précédentes. Mais, depuis déjà plusieurs semaines, c’est l’élevage à l’herbe qui devient de plus en plus coûteux pour les paysans. Les prairies ressemblent désormais à des paillassons et cette situation va durer. Le prix des fourrages qu’il faut acheter pour compenser le manque d’herbe est en hausse sensible, ce qui augmente aussi le prix de revient de chaque litre de lait et de chaque kilo de viande dans l’immense majorité des fermes.
Quatre années de sécheresse sur six en Saône-et-Loire
Dans le département de la Saône-et-Loire, berceau de la race bovine charolaise, la sécheresse de cet été succède à celle de l’été dernier, laquelle succédait à celle de 2018, tandis que celle de 2015 avait également été sévère. Quand on traverse ce département en train ou en voiture, les vaches de couleur crème et leurs veaux font partie du paysage. Elles paissent sur des prairies naturelles souvent pentues avec des haies arborées. Qualifiées de « zones intermédiaires » dans le langage des agronomes, ces terres herbagères sont difficilement convertibles pour produire des céréales, faute de disposer d’une fertilité suffisante pour avoir des rendements couvrant les coûts de production. Voilà pourquoi, l’élevage des bovins allaitants est l’activité la plus appropriée. Mais, malgré le maintien en France de la prime annuelle à la vache allaitante payée par le budget agricole de l’Europe, tirer un revenu de l’élevage de bovins allaitants devient de plus en plus difficile. Les sécheresses récurrentes y sont pour beaucoup. Surtout quand les prix des animaux sont orientés à la baisse. Sur le marché de Châteaumeillant le 20 juillet dernier, les « broutards » vendus à des engraisseurs étrangers cotaient 2,66 € le kilo vif, contre 2,75 € un an plus tôt et 2,95 € en juillet 2018.
Jusqu’à 30 000 € de dépense en fourrages cette année
L’Agence France Presse (AFP) donnait la semaine dernière la parole aux éleveurs de Saône-et-Loire. Installé sur la commune de Trivy, Jean-Michel Rosier faisait le constat suivant : « Avant c’était exceptionnel. Maintenant on a des sécheresses tous les ans. Encore un peu et on va devenir comme le Sahel. Une charolaise, normalement ça broute l’herbe verte dix mois sur douze. Mais maintenant, on doit leur donner du fourrage dix mois sur douze ». Selon Christian Béjard, président de la FDSEA en Saône-et-Loire, le surcoût en fourrage pour 2020 par rapport à une année normale sera entre 15 000 et 30 000 € par exploitation. Une telle dépense peut priver de nombreux éleveurs du moindre revenu, sauf à « décapitaliser ». Cette pratique consistera à vendre cette année, pour la boucherie, des vaches que l’on aurait préféré garder pour faire naître un autre veau l’an prochain. Ce processus est déjà en cours. En quatre ans, le cheptel de vaches allaitantes du département est passé de 230 000 têtes à 200 000 seulement.
Du coup, installer des jeunes devient difficile alors que la moyenne d’âge des éleveurs de charolaises est de 53 ans en Saône-et-Loire, selon Christian Decerle, président de la Chambre d’agriculture du département. Lui se fait du souci pour la relève et affirme que de plus en plus d’éleveurs se posent des questions sur l’avenir de leur profession. Ce qui se passe en Saône-et-Loire vaut aussi pour d’autres départements de la Bourgogne-Franche-Comté. Mais c’est également le cas sur des nombreuses zones d’élevage dans les grandes régions Auvergne Rhône-Alpes, Nouvelle Aquitaine, dans une partie de l’Occitanie et même des Pays de la Loire. Les deux principales causes des difficultés de l’élevage allaitant dans ces régions sont le changement climatique et les accords de libre-échange que l’Europe négocie avec des pays tiers.
Agir pour préserver notre souveraineté alimentaire
Alors que les sécheresses augmentent les coûts de production chez nous, les contingents d’importation de viandes bovines dédouanées en provenance de pays tiers mettent une pression permanente sur les cours en France, ce qui ne cesse de réduire le revenu des éleveurs français. Malgré cela, la Commission européenne serait proche de conclure deux accords de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle Zélande. Avec, là encore, des contingents d’importations accrus de viande bovine et de viande ovine à droits nuls. Ces négociations se déroulent avec l’accord des pays membres de l’Union européenne dont la France.
En France, le président de la République a pourtant parlé de souveraineté alimentaire à plusieurs reprises face aux conséquences du coronavirus sur le commerce mondial. De son côté la « Convention citoyenne », mise en place à la demande d’Emmanuel Macron suite à ses débats dans le pays, insiste sur la nécessité de prendre en compte les objectifs de l’accord de Paris sur le climat « dans les négociations commerciales ». Elle demande la « mise en place de sanctions pour les États récalcitrants » et des « clauses environnementales dans les négociations d’accord commerciales »
Mais, alors que les incendies criminels repartent en Amazonie en vue de faire croître l’élevage de bovins et la production de soja pour l’exportation, la France n’a toujours pas dit clairement qu’elle mettra son veto à l’accord de libre-échange signé en juin 2019 entre la Commission européenne et le Mercosur. On voudrait ruiner l’élevage bovin en France que l’on ne s’y prendrait pas autrement.
Alors que depuis plusieurs semaines, les plans sociaux s’accumulent à un rythme inédit, projetant dans l’angoisse des milliers de salariés, déjà durement éprouvés par la pandémie liée au Covid-19, l’entreprise Verallia, spécialiste de la production de verre, licencie 198 salariés, ferme un four de production à Cognac et distribue, en même temps, 100 millions d’euros de dividendes ! En pleine crise, le gouvernement doit interdire ce choix honteux du groupe qui privilégie les dividendes et préfère licencier.
La situation du groupe est pourtant loin d’être critique. Verallia affiche en effet un chiffre d’affaires florissant de 2,5 milliards d’euros et une croissance de 9%. Le cynisme de l’entreprise est tel que l’avant veille de l’annonce du plan de restructuration, le 10 juin 2020, le conseil d’administration votait le versement d’un dividende de 100 millions d’euros aux actionnaires, dont 55 millions au fonds d’investissement américain Apollo, 7,5 millions à la Banque Publique d’Investissement, 4,9 millions aux 40 cadres dirigeants de Verallia et 2,1 millions pour le seul PDG, Michel Giannuzzi. Un dirigeant qui augmente par ailleurs son salaire de 20%, passant de 875 000 euros à 1,1 million annuel.
Dans ces conditions, l’annonce d’un tel plan social, « dans le but d’accélérer la réduction des coûts », sonne comme une véritable provocation, socialement irresponsable. Fleuron de notre industrie verrière, riche de plus de deux cents ans d’histoire dans notre pays, Verallia et ses salariés méritent mieux qu’une gestion exclusivement financière et tournée vers le profit à court terme.
Les syndicats ont d’ailleurs formulé de nombreuses propositions pour développer l’entreprise. Innover, monter en gamme, reconquérir des marchés abandonnés, accompagner les marchés d’avenir ou encore se positionner résolument sur le bio.
Alors que notre pays ambitionne de s’engager dans une reconquête industrielle à long terme, il serait incompréhensible de laisser un tel groupe, florissant et porteur d’avenir, détruire ainsi des emplois et des savoir-faire.
C’est la raison pour laquelle j’ai interpellé Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, afin qu’une médiation entre les salariés et les dirigeants soir rapidement organisée pour empêcher ces licenciements. Dans l’attente, ces suppressions d’emplois ne doivent pas être autorisées.
*Laurent Brun est Secrétaire général de la Fédération CGT des cheminots
Le texte ci-dessous est une tribune écrite par le syndicaliste Laurent Brun, dans laquelle il ne mâche pas ses mots à l’égard de la politique ferroviaire actuelle. Outre ses critiques sur la question à l’encontre du gouvernement actionnaire majoritaire de la SNCF , il esquisse ici un plan de relance massif du secteur ferroviaire
Je vais me concentrer sur ce que je connais : le ferroviaire… Plus d’un mois après l’annonce du déconfinement, manifestement, les usagers ont encore un peu peur de se retrouver dans les espaces clos que sont les trains. La fréquentation remonte plus doucement que prévu et pour ceux qui ont le choix, ils semblent privilégier la voiture individuelle. Cette situation est renforcée par un pétrole « bon marché », ce qui devrait durer avec la baisse de l’activité économique. Je ne m’arrêterais pas sur ce point, qui mériterais à lui seul un développement (paradoxe du marché libre : il favorise la pollution en cas de ralentissement économique).
Je reste donc sur la logique de « relance »… première mesure impérative : il faut redonner confiance aux usagers. Ce qui saute immédiatement aux yeux dans les gares, c’est que malgré la faible fréquentation, les files d’attentes sont de retour (amplifiées par la distanciation). C’est le résultat d’une application typique du R/D (Recettes sur Dépenses). On reprend donc les mesures de gestion classiques : moins d’activité = moins de personnel. Mais du coup on recréait les files d’attente et ce n’est pas du tout rassurant. Donc l’une des premières mesures devrait être au contraire de bannir les attroupements en mettant du personnel en surnombre à la vente. Pour les trains de l’été c’est la même logique. La SNCF a expliqué qu’un TGV n’est rentable qu’à partir d’un remplissage de 70%. Donc on va probablement tenter de remplir les trains à mort en juillet et août pour retrouver la profitabilité antérieure. La suppression de TGV va dans ce sens la. Et ce faisant, la fraction de la population la plus craintive ne remettra pas les pieds dans nos trains. Il faudrait au contraire rester dans une offre excédentaire, au moins jusqu’à la fin de l’année. Évidemment, du point de vue économique c’est délicat. C’est là que l’Etat et son plan de relance économique pourrait intervenir avec une aide financière temporaire qui le permette. Il devrait aussi remettre en cause (ou au moins reporter) sa logique d’ouverture à la concurrence, car il est clair que la SNCF ne sera pas incitée à prendre des mesures coûteuses pour rassurer ses usagers dans une situation où elle risque de se faire tailler des croupières par des compagnies concurrentes… pour l’instant les mesures sanitaires ou autres peuvent être amorties sur l’ensemble du réseau ferroviaire… c’est une forme de solidarité nationale qui persiste malgré la destruction des outils les plus importants dans les dernières réformes (péréquation tarifaire notamment)… il ne faudrait pas rentrer dans la logique infernale du fret !
Au-delà du court termes, le plan de relance ferroviaire devrait marquer une rupture avec la situation antérieure pour redonner envie aux usagers de croire dans le train, et en convaincre de nouveaux de changer de mode de déplacement. C’est une occasion inespérée de report modal. Au-delà de la remise en cause de la concurrence évoquée plus haut, il convient de ré examiner les choix récents : le rapport Duron sur les infrastructures (quoi qu’on en pense par ailleurs) présentait 3 scenarii : 1) la concentration des investissements sur un périmètre réduit de lignes et l’abandon du reste (2,4 milliards d’euros par an) ;2) des investissements sur l’ensemble du réseau (3 milliards d’euros par an) ;3) des investissements supérieurs pour accélérer la réalisation des travaux et résoudre plus rapidement les problèmes des usagers (4milliards d’euros par an). Le gouvernement a choisi le scénario que je qualifierait de « 1,5 » soit 2,7 milliards d’euros par an, mais il a en outre imposé à la SNCF de les assumer presque exclusivement sur ses fonds propres comme au joyeux temps de la construction des LGV, grâce à un mécanisme pervers de « dividende » versé par SNCF Voyageurs à SNCF Réseau. L’une des mesure les plus significative en faveur du rail serait donc de passer au scénario 3, et que ce soit l’Etat qui assume en totalité le financement de ces investissements. En apportant 4 milliards par an pendant 20 ans au système ferroviaire : – il rééquilibrerait la situation avec le mode routier (dont la collectivité finance 100% des infrastructures),- il permettrait de résoudre plus rapidement les problèmes d’infra qui empoisonnent la vie des usagers et des cheminots,- il permettrait à SNCF Réseau de dégager 2 milliards par an pour améliorer encore le service public (retour à une politique de prévention dans la maintenance, arrêt de là sous-traitance, réouverture immédiate des petites lignes…). Dans le mécanisme de financement des TER c’est l’Etat qui paye les sillons à la place des Régions, il pourrait donc aussi demander la baisse du prix des sillons pour ré-attribuer cette somme sous forme de dotation aux régions afin qu’elles puissent faire face à la perte de recette liée à la crise…- et il dégagerait SNCF voyageurs de ces obligations (dividende) ce qui lui permettrait d’améliorer le service offert (réserves de personnels pour pallier les incidents, présence humaine dans les gares et les trains…) et pourquoi pas de créer de nouveaux droits (réduction de 90% sur un aller retour par an pour chaque français au titre du droit aux vacances… ce qui ferait découvrir le train à beaucoup de gens et encouragerait le tourisme intérieur)…
Évidemment, on ne peut pas parler de plan de relance sans aborder le FRET… les cheminots (y compris ceux des EF privées) ont assurés : 60 à 70% des trains ont continué à rouler pour assurer l’approvisionnement de la nation. Mais toutes les compagnies sont dans un état critique. Cela vient à un moment où l’Union Européenne a déjà fait le constat de l’impasse de la libéralisation et a donc autorisé discrètement l’année dernière les États membres à recommencer à subventionner le FRET. Donc le Gouvernement en profite et va annoncer une aide publique de 100 à 150 millions d’euros. Ce sont bien les subventions qui vont maintenir la pérennité de l’activité. Mais cela ne va permette que la consolidation des trafics actuels, en aucun cas un report massif de la route sur le rail, dont nous avons pourtant cruellement besoin. Il est donc temps d’abandonner la concurrence, de fusionner toutes les compagnies privées moribondes dans la SNCF, et de mettre en place une politique plus ambitieuse de report modal, planifiée, coordonnée avec tous les acteurs (ports, Marchés d’Interêt National, grands logisticiens…). La CGT fera des propositions concrètes sur ce point très bientôt. Alors je terminerai par ce que va faire le Gouvernement… Même si il ne nous parle pas (nous ne sommes que de pauvres salariés, lui il parle avec les patrons), nous entendons des choses… Et pour l’instant, c’est plutôt tout le contraire de ce qu’il faudrait : il a imposé à SNCF Voyageurs de verser en juillet un dividende de 760 millions d’euros à SNCF Réseau. Ils ne veulent pas reconnaître l’aberration de cette mesure issue de la réforme de 2018 donc ils poussent à ce qu’elle soit respectée, quitte à tout casser autour.
Ce faisant, le message qu’ils envoient à la SNCF est : débrouillez-vous pour tenir vos objectifs financiers malgré la crise, donc pressurez à nouveaux vos salariés, réduisez les investissements pour vos usagers (sauf si ça touche les multinationales du BTP, dans ce cas vous maintenez les chantiers comme le CDG Express), revenez à des conditions de transport dégradées, mais payez ce dividende !Il se murmure aussi que certaines filiales pourraient être vendues… sont-ce celles dont nous n’avons que faire car pas ferroviaires et trop éloignées pour représenter un intérêt de coopération ? Non, ce serait celles qui détiennent du capital ferroviaire en France (on parle de Ermewa, filiale SNCF à 100%, qui est un loueur de matériel roulant et possède aujourd’hui les wagons fret par exemple…). Nous sommes décidément bien restés dans l’ancien monde. Le nouveau ne viendra que par nos luttes ! Alors préparons nous, syndiquons-nous, organisons-nous, il faut que ça chauffe !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l’initiative collègue Éric Bocquet et à la demande du groupe CRCE, nous examinons aujourd’hui l’avenant à la convention fiscale entre notre pays et le Luxembourg, un texte qui en précise les modalités d’application pour 107 000 de nos travailleurs frontaliers.
Cet avenant ne change rien au fond de cette convention, entrée en vigueur le 19 août 2019, et dont l’objectif affiché était de mieux lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscales : elle comporte notamment une clause anti-abus générale contre les montages ayant un objectif principalement fiscal.
Seulement, une fois encore – c’est la raison pour laquelle nous avons demandé un retour à la procédure d’examen normale – s’agissant du Luxembourg, de telles dispositions ne sauraient être examinées dans la précipitation et regardées par le petit bout de la lorgnette, car ce petit État de 600 000 âmes, niché au cœur de l’Europe, pays fondateur du marché commun et de l’Union européenne, présente quelques caractéristiques fiscales qui méritent que l’on s’y attarde.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Pierre Laurent. Citons, d’abord, l’existence au Luxembourg de ports francs, espèces de bunkers surprotégés, inaccessibles sauf aux initiés, où sont stockées des œuvres d’art à la valeur vertigineuse. Sacha Guitry, grand amateur d’art, aimait dire qu’il existait deux types de collectionneurs : les collectionneurs « vitrine » et les collectionneurs « placard ». Avec les ports francs, on est plutôt dans la seconde catégorie.
Mme Nathalie Goulet. Excellent ! (Sourires.)
M. Pierre Laurent. L’anonymat des propriétaires est la règle. Nombreux sont les clients des ports francs qui créent une société offshore domiciliée dans les îles Vierges britanniques ou dans toute autre juridiction de ce type, et louent un box sous le nom de cette compagnie.
Il faut également noter que le Luxembourg a fait l’objet de poursuites judiciaires de la part de la Commission européenne, pas plus tard qu’au mois de mai dernier au sujet des lois visant à empêcher le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale.
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Pierre Laurent. En mai 2018, l’Union européenne a pris de nouvelles dispositions ayant pour but de contrôler les actifs financiers de responsables politiques et d’entreprises. Or il se trouve que le Luxembourg fait partie des États membres qui n’ont pas encore complètement mis en œuvre ces mesures.
L’exécutif européen a instamment demandé au Grand-Duché de modifier une loi permettant aux entreprises de réduire leurs charges fiscales au-delà de ce qui est autorisé dans le cadre des règles de l’Union, dans la mesure où cela réduit les ressources fiscales dans les autres États membres.
Le Luxembourg est un pays de 600 000 habitants qui accueille autant d’investissements directs à l’étranger que les États-Unis et beaucoup plus que la Chine, indication donnée par un rapport du FMI l’an dernier. La valeur de ces investissements atteindrait 4 000 milliards de dollars. Une très grosse partie de cet argent est stockée dans des coquilles vides créées par des multinationales, sans activité réelle au Luxembourg, des véhicules financiers spécifiques, dont la seule raison d’être est de bénéficier d’une fiscalité plus clémente.
Enfin, nous nous devons de citer les révélations récentes de deux lanceurs d’alerte français à propos d’un groupe national majeur, le troisième groupe d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) en France, qui a envoyé au moins 105 millions d’euros au Luxembourg entre les mois de mars 2017 et mars 2019. Il s’agit là encore d’une histoire de montages financiers complexes, impliquant des sociétés-écrans et d’autres coquilles vides, qui s’imbriquent les unes dans les autres.
L’opacité de ces structures offre à leurs promoteurs une source d’enrichissement défiant l’entendement du citoyen ordinaire. Le troisième groupe du marché des Ehpad français est ainsi détenu par une société basée au Luxembourg, « un paradis fiscal parmi les plus agressifs au monde » selon l’organisation non gouvernementale Oxfam. Quand on sait que les aides publiques allouées aux Ehpad sont passées en dix ans de 5 à 10 milliards d’euros par an en France, on comprend que nos impôts financent ainsi des structures à l’opacité redoutable.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Pierre Laurent. Mes chers collègues, chacun comprendra que, dans ces conditions, et au vu de ces éléments, mon groupe ne peut s’en tenir à l’examen d’un avenant. Il exprime son plus grand scepticisme quant à la valeur d’un engagement du Luxembourg au bas d’une convention fiscale bilatérale.
Ce débat est une nouvelle occasion de poser des questions sur la politique de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales de notre pays et de l’Union européenne au moment où l’on cherche tant d’argent en Europe. Quand on pense qu’on a entendu les Pays-Bas, sur lesquels il y aurait aussi beaucoup de choses à dire en matière d’évasion fiscale, donner des leçons de rigueur à l’Europe tout entière durant des semaines… Je ferme la parenthèse.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Pierre Laurent. Avec beaucoup d’autres, nous disons qu’il est urgent d’engager un processus pour affranchir l’Union européenne et ses relations commerciales des paradis fiscaux. Le groupe CRCE votera contre la signature de cette convention fiscale entre la France et le Luxembourg, aux fondements de laquelle l’avenant que nous examinons aujourd’hui ne change rien.
:
Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste.
Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale.
Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.