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11 mai 2020 1 11 /05 /mai /2020 05:52

 

Article tiré du Think Tank "Le Club des Juristes".1

Guillaume Desgens-Pasanau, magistrat, professeur associé au CNAM, ancien directeur juridique de la CNIL.

"Alors que nous traversons la plus grave crise sanitaire de l’histoire moderne, il nous appartient collectivement de veiller à ne pas porter une atteinte irréversible à nos libertés fondamentales et individuelles.

Dans le but de cartographier la propagation du virus et identifier les personnes à risque, de nombreux projets de surveillance des personnes sont désormais à l’étude. Ils reposent principalement sur des techniques de traçage des téléphones portables par géolocalisation ou utilisation de la technologie bluetooth (« contact tracing »).

Sans méconnaitre l’intérêt possible (mais pas toujours certain) de l’utilisation de ces technologies pour endiguer l’épidémie durant la phase de déconfinement, ces initiatives doivent impérativement s’accompagner d’une réflexion attentive sur les enjeux induits en termes de protection de la vie privée.

« Nous sommes en guerre ». Plutôt que d’invoquer sans cesse l’existence d’une période inédite, nous serions collectivement bien inspirés de prendre le temps d’un regard rétrospectif sur l’évolution des législations de protection des données au cours des 20 dernières années.

La « guerre » contre la crise sanitaire succède en réalité à près de 20 années de « guerre » contre le terrorisme engagée depuis les attentats du 11 septembre 2001. Cette volonté de renforcer la sécurité publique s’est traduite en France par un nombre toujours croissant de législations spéciales, venant déroger aux principes fondamentaux du droit commun de la protection des données, lequel a été tout récemment renforcé au niveau européen à l’occasion de la mise en œuvre du règlement européen général sur la protection des données (RGPD).

Un exemple marquant est celui de la vidéosurveillance, désormais appelée « vidéoprotection », et plus récemment des techniques de reconnaissance faciale dont le développement s’est progressivement élargi dans l’espace public, au gré de lois évoquant tout d’abord la prévention d’actes de terrorisme, puis la protection des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, puis la prévention des risques naturels et désormais la simple constatation d’infractions aux règles de la circulation routière. L’évolution des textes encadrant la vidéosurveillance est symptomatique de ce processus irréversible appelé « effet de cliquet » : une fois qu’une technologie de surveillance est mise en œuvre, son développement devient inéluctable et s’inscrit dans des usages de plus en plus banalisés à mesure qu’ils sont socialement acceptés. Allons-nous irrémédiablement poursuivre sur cette même pente en raison de la crise que nous traversons ?

Protéger nos données n’est pas qu’une coquetterie

L’absence de protection des données relatives à la santé des individus pourrait conduire à un grave risque de stigmatisation. C’est ainsi qu’à la fin des années 90, seule l’intervention de la CNIL a permis de mettre en œuvre un dispositif de surveillance épidémiologique des personnes séropositives tout en garantissant leur anonymat et l’absence d’exclusion sociale. Aujourd’hui encore, c’est le RGPD qui protège les salariés en interdisant aux employeurs de procéder par eux-mêmes à la collecte d’informations relatives à la recherche d’éventuels symptômes du virus, ceci étant réservé aux seules autorités sanitaires.

Plus largement, la constitution de fichiers ou de « listes noires » visant à profiler les individus peut conduire à de graves risques de discrimination sur le plan économique. A l’heure de la mise en œuvre d’outils de détection ou de surveillance d’individus atteints du COVID, quelles seraient les conséquences de la délivrance éventuelle de « certificats d’immunité » ? Que deviendra celui qui, ne disposant pas d’un tel certificat, se verrait demain interdire l’accès à des commerces ou services de première nécessité ?

N’oublions pas également que la technologie ne constitue jamais une solution miracle. Les données de localisation issues des téléphones reposent sur des infrastructures techniques dont la précision et la fiabilité sont très variables. Leur efficacité en termes de lutte contre la pandémie est de ce point de vue à relativiser et ne risque pas de remplacer nos « gestes barrières ». Comme pour toute technologie innovante, par exemple en matière de biométrie, il faut scrupuleusement évaluer le risque de « faux positif », c’est-à-dire le risque que la machine se trompe ! Le contrôle par la machine ne doit pas remplacer le contrôle par l’humain.

Ne pas céder à la tentation de législations d’exception

La réglementation européenne, qu’il s’agisse du RGPD ou de la directive « e-privacy », autorise la mise en œuvre d’outils technologiques de lutte contre la pandémie tout en préservant nos libertés fondamentales. La géolocalisation des individus est par exemple possible, à la condition de respecter certains principes fondamentaux, en particulier l’anonymisation des données. Il importe par conséquent, à court mais aussi à plus long terme, de ne pas déroger à ces règles, en exhortant nos législateurs à ne pas céder à la tentation d’adopter des législations dérogatoires qui viendraient ainsi détricoter les principes construits en France et en Europe depuis près de 45 ans, et qui, à coup sûr, perdureraient au-delà de la crise sanitaire.

De même, les contrepouvoirs institutionnels doivent pleinement jouer leur rôle dans l’analyse des dispositifs de surveillance massive de la population.

Alors que les pouvoirs publics insistent sur l’effort de transparence qu’ils entendent engager pour informer le public sur l’évolution du virus, la même transparence doit être attendue des autorités indépendantes de contrôle et en particulier de la CNIL. Son rôle ne doit pas se limiter à accompagner les acteurs institutionnels en leur rappelant poliment le cadre juridique applicable. Il lui incombe de se positionner plus clairement et communiquer publiquement sur les lignes rouges à définir concernant l’action à venir des pouvoirs publics et des opérateurs privés. S’agissant de l’utilisation de données de géolocalisation, l’anonymisation systématique et irréversible des données des individus devrait être consacrée comme l’unique solution acceptable sur le plan des libertés individuelles.

Au-delà, il appartiendra aux ordres juridictionnels de jouer pleinement leur rôle dans le contrôle de la légalité et de la proportionnalité des dispositifs envisagés.

Engager un véritable débat de société

Il ne suffit pas de rappeler que notre droit pose des règles de protection de nos données. Encore faut-il que la société veuille bien s’en emparer. Dans le contexte où les individus se sont de plus en plus accommodés à l’usage des technologies, au point de ne plus en percevoir parfois les risques (comme en matière d’exposition de soi sur les réseaux sociaux), la crise sanitaire est une occasion unique de relancer un grand débat de société sur l’équilibre à construire entre technologie, sécurité et liberté.

La dimension européenne ne devra pas être oubliée : à l’heure où Google et Apple annoncent s’associer pour rationaliser l’exploitation des données issues de nos téléphones portables, se pose crûment la question de notre souveraineté numérique. Notre modèle européen de protection des données est l’un des plus protecteur au monde. Il serait grand temps de le faire prévaloir, et de se réarmer sur le plan industriel en investissant massivement dans la conception d’outils numériques made in Europe et « privacy by design »."

Revue Progressistes | 2 Mai 2020 à 12:03 | Catégories : COVID-19 | URL : https://wp.me/p3uI8L-256

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10 mai 2020 7 10 /05 /mai /2020 06:08

 

Charlotte Blandiot-Faride, maire de Mitry-Mory, et Philippe Rio, maire de Grigny, ont été les invités de notre Direct

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10 mai 2020 7 10 /05 /mai /2020 05:53
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10 mai 2020 7 10 /05 /mai /2020 05:46

 

Les mesures de confinement multiplient des utopies utiles au capitalisme et offrent des opportunités au régime néolibéral de déréglementation, par la hausse des profits grâce à l’exploitation du virtuel et par le contrôle de la contestation.

Par Antoinette Molinié - directrice de recherche émérite au CNRS, membre du comité d’éthique du CNRS

En réponse à l’épidémie de Covid-19 que nous vivons et au confinement qui nous est imposé, beaucoup de commentaires proposent une vision optimiste dans une perspective généralement « de gauche ». Certes, à première vue on peut envisager le virus et les mesures qu’il impose comme un bâton dans les roues du capitalisme, comme une leçon d’austérité aux émetteurs de dioxyde de carbone, comme un prêche de sobriété adressé aux consommateurs, comme un acte de contrition des prédateurs de profit…

Comme souvent, tous ces sermons ne feront que conforter un capitalisme néolibéral qui a fait sienne désormais l’idéologie bien-pensante de la social-démocratie. C’est ainsi que la protection de la nature anthropomorphisée a généré de nouvelles marchandises. Produits biologiques rentables, biotourisme décimant les sociétés traditionnelles, marchandisation de la culture par patrimonialisation imposée, l’écologie et sa politique verte sont désormais sources de profits, que celui-ci soit monétaire ou idéologique. Même si elle part de bons sentiments, sa fonction idéologique implicite est bien de faire apparaître comme correcte la politique peu correcte induite par le système capitaliste : de moraliser le profit et de donner une dimension éthique au pillage de la planète. On connaît le rôle joué par l’« éthique protestante » dans l’« esprit du capitalisme » naissant.

Les mesures de confinement, par leur dimension doloriste, ne font que stimuler ces utopies, certes généreuses, mais si utiles au capitalisme. Mais elles offrent au régime néolibéral des opportunités de déréglementation aussi : d’une part, la captation de la hausse du profit par l’exploitation du virtuel ; d’autre part, le contrôle des sources de contestation du système ainsi conforté.

 

LE TRAVAIL « VIRTUEL », NOUVEAU FÉTICHISME DE LA MARCHANDISE

Au cours de la crise du Covid-19, chacun aura observé la facilité avec laquelle a été organisé le télétravail et le caractère apologétique qui l’accompagne le plus souvent. Certes, il présente des avantages pour certains travailleurs, certainement pas les plus précaires : diminution du temps de transport, aménagements personnels et compatibilité, dit-on, avec une vie de famille… On parle moins de la contribution du télétravail au profit du patronat. Or, comme le souligne IT Social du 16 mars 2020, dès le premier jour du confinement, « la Digital Workplace, le poste de travail virtualisé, améliorerait la productivité des employés en réduisant les coûts et en augmentant leur performance »https://itsocial.fr/enjeux-it/enjeux-utilisateurs/poste-de-travail/poste-de-travail-virtualise-ameliore-productivite/. Nul besoin de statistiques pour comprendre que la réduction du temps de transport profite au rendement du travail en réduisant la fatigue des trajets aux heures d’affluence. Avantage supplémentaire : les investissements en transports publics se réduisent, diminuant ainsi le « coût » du travail.

Le télétravail a un autre avantage non négligeable pour les employeurs et les assurances : en restant à la maison, le travailleur risque moins un accident de travail qui, pour être reconnu comme tel, exige de se produire dans le lieu de travail ou en route pour s’y rendre, par opposition à l’accident domestique : il coûtera moins cher aux assurances et mutuelles et, finalement, à l’employeur.

On le voit, le télétravail promu par l’épidémie de Covid-19 augmente le nombre d’heures de travail et la productivité de celles-ci. Inutile de dire qu’il augmente la plus-value et agit ainsi comme agent efficace du fétichisme de la marchandise, et partant de l’aliénation des travailleurs. L’adjectif « virtuel » par lequel on qualifie ce travail sur ordinateur en dit long sur sa prétendue virtualité : la plus-value n’a jamais été si bien dissimulée que derrière les écrans, le fétiche n’a jamais été aussi magique qu’à l’ère de l’informatique et du virtuel. Comment penser que cette leçon ne va pas être retenue par le système capitaliste ? Comment penser que les profits générés par les mesures de confinement ne vont pas être captés par les patrons et susciter leur enthousiasme ?

Mais le télétravail a un autre avantage pour un système fondé sur le profit, dont la contestation constitue toujours une menace pour le capital : il permet un meilleur pointage des salariés.

 

DU CONFINEMENT COMME MODÈLE DE CONTRÔLE

Il ne s’agit pas ici de contester l’utilité du confinement dans la lutte contre la propagation du coronavirus, et ce n’est pas notre sujet de mesurer ici sa nécessité ni d’en analyser les modalités. Cela dit, on ne peut ignorer que le confinement et, surtout, le déconfinement sont fondés sur une surveillance qui peut facilement être transposée de la crise sanitaire actuelle à la crise économique phénoménale qui ne saurait tarder.

Tout d’abord, les heures effectivement passées à télétravailler font l’objet d’une comptabilité automatique effectuée par le poste de travail virtuel (digital workplace) : à tout moment il est possible de « tracer » la présence de l’employé. Finis les instants de répit, causettes de bureaux et conversations autour de la cafète pendant que le boss est en réunion. Les heures de travail effectif sont désormais vérifiées à distance. Ce contrôle pourrait ne pas s’exercer seulement sur les heures de travail, mais s’étendre à l’ensemble de la sociabilité et à sa réduction induite par le travail virtuel : le confinement pour réduire la propagation du Covid-19 peut suggérer un modèle de limitation des interactions sociales. Comment imaginer dès lors des réunions syndicales virtuelles ? Certes on pourrait organiser celles-ci par vidéo : on comprend vite que l’expression des travailleurs serait moins rude que si elles se tenaient sur le carreau d’une mine ou sur la chaîne de production d’une usine.

On connaît l’importance des cafés parisiens dans la diffusion des idées des Lumières. Dès 1785, les guinguettes des faubourgs de Paris accueillent les contestataires des fermiers généraux. Le 12 juillet 1789, c’est devant le Café de Foy que Camille Desmoulins prononce son grand discours devant la foule réunie au Palais-Royal ; deux jours plus tard, la Bastille est prise ! Les cafés parisiens deviennent désormais le siège des sociétés patriotiques et autres clubs. On y échafaude les émeutes du lendemain. Danton, Robespierre et Marat ne se sont-ils pas réunis le 28 juin 1793 dans l’arrière-boutique du Cabaret de la rue du Paon ?

C’est pourquoi la fermeture des restaurants, des salles de spectacle et autres boîtes de nuit imposée par le confinement coronavirus peut suggérer un moyen efficace de contrôler les mécontentements de la population. C’est évidemment encore plus vrai pour des cultures méditerranéennes, comme celle de l’Espagne, où les débats de comptoir constituent le pilier de la contestation sociale et politique.

On déplore que le confinement signe la mort des salles de spectacles et autres loisirs collectifs, et avec eux celle des commerçants. Il faut noter la rapidité avec laquelle certaines d’entre elles ont su s’adapter aux limitations de circulation, et même se sont organisées pour en tirer profit. C’est ainsi que nous avons appris à savourer des opéras joués aux quatre coins du monde grâce à Internet. Gratuitement à une date fixée à l’avance ou pour moins de 5 € à toute heure nous pouvons assister à un spectacle de qualité au Metropolitan Opera de New York. Nous n’avons pas à prendre de fâcheux transports ni à dépenser un centime en soupers fastidieux après l’extase de Mozart. Une sociabilité virtuelle pourrait ainsi se bâtir sur le modèle d’un confinement réel et souvent non exempt de profits. Nous sommes heureux de payer 5 € pour un spectacle qui, sans virtualité, nous en eût coûté 200. Mais ce produit du MET se vend dans le monde entier à des millions de spectateurs. Va-t-on ainsi confiner des corps jouissants et potentiellement explosifs en réorganisant le financement de la politique culturelle ?

D’autres réglementations se profilent à l’horizon du capitalisme non réglementé. Pour freiner la propagation du Covid-19, il va falloir procéder à des tests et des diagnostics massifs, à un tri de la population selon des critères certes médicaux, mais non contradictoires avec ceux du profit. Il est question que les vieux et les malades soient plus volontiers voués au confinement alors qu’ils représentent, car moins mobiles, moins de risques d’être de contaminants que la jeunesse. En revanche, les jeunes, plus amenés aux rassemblements, seraient appelés à sortir plus vite du confinement. Certes, ils sont plus robustes et résistants à la maladie. Et surtout leur travail est plus à même de générer du profit. Cette typologie des âges en fonction des effets du virus ne peut-elle pas guider une possible discrimination en fonction de la force de travail ? Et que penser d’une banalisation du tri et de son usage pour une discrimination des droits du citoyen, telle qu’elle pourrait être générée par la crise économique sans précédent qui nous attend ?

C’est ainsi que l’épidémie de coronavirus, par le confinement qu’elle implique, loin d’ouvrir sur des lendemains radieux de conscience citoyenne, risque d’inspirer un capitalisme financier en pleine mutation. Il est vrai que la virtualité du travail n’est pas une invention du confinement : mais elle acquiert, dans celui-ci, une légitimité de sauvetage qui invite à son extension. Il est vrai également que la réduction de la sociabilité réelle et le développement des relations virtuelles sont largement répandus par le numérique, par les réseaux sociaux, par la dimension masturbatoire des selfies et autres pornographies du contact. Tout cela n’est évidemment pas nouveau. C’est l’association de ces pratiques à une catastrophe sanitaire qui leur confère une dimension salvatrice dont le capitalisme, avec la dynamique exponentielle qui lui est propre, va pouvoir s’emparer.

Revue Progressistes | 30 Avr 2020 à 21:40 | URL : https://wp.me/p3uI8L-24x

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8 mai 2020 5 08 /05 /mai /2020 05:39

 

Aggravation des inégalités sanitaires, territoriales, sociales, économiques, manque de démocratie et de moyens financiers, reprise de l’activité au seul service des profits, voilà la réalité du plan de déconfinement du gouvernement.

 

 

La différence de couleur des régions ne vient pas de « résultats moins bons » comme l’affirme le Premier Ministre qui fait porter de manière inacceptable la responsabilité sur les Français.e.s. Elle vient d’une politique gouvernementale de casse de l’hôpital public, dans le prolongement des politiques menées ces dernières décennies. L’engagement des Français.e.s a lui été total, marqué par la dignité et le civisme, tout au long du confinement.


En effet, si le Pas de Calais, la Seine-saint-Denis ou Mayotte et d’autres sont en tension hospitalière, c’est surtout à cause du manque de lits chronique en réanimation ! La différence est édifiante entre la moyenne nationale qui est de 1 lit de réanimation pour 12 600 habitants et le Pas de Calais qui en compte 1 pour 17 000, la Seine-saint-Denis qui en compte 1 pour 16 500 ou Mayotte, avec 1 lit pour 27 000 habitants. Cette situation est inadmissible dans une République dont une des valeurs fondatrices est l’égalité. Les députés et sénateurs communistes, avec les responsables syndicaux, ont multiplié les alertes et les propositions pour renforcer l’hôpital public.


Pour tous les départements, rouges ou verts, c’est d’une réelle stratégie de déconfinement dont le pays à besoin. Le PCF a rendu public ce jour ses propositions. Fin de l’état d’urgence, fonds de 50 milliards, masques gratuits pour tous et politique de test massive, sélection des activités économiques, réduction du temps de travail, report de l’ouverture des écoles pour accueillir tous les élèves, augmentation des salaires… Des mesures fortes peuvent et doivent être prises pour un déconfinement réussi.


La vie humaine doit être protégée partout, dans toute la France et pour tous nos concitoyen.ne.s. Et la reprise de l'activité ne peut pas se faire comme avant : la transformation de notre mode de développement au service de l’humain et de la planète est plus nécessaire que jamais.

 

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7 mai 2020 4 07 /05 /mai /2020 13:03

LA LETTRE D'INFORMATION DU MRN

Mai 2020

 

Nous préparons la suite

Après une première découverte le 29 février et dans les jours qui suivirent du nouveau site du MRN à Champigny-sur-Marne, dans le bâtiment mis à disposition par le Conseil départemental du Val-de-Marne, les portes ont dû se refermer à cause de l’épidémie de COVID-19. Aujourd’hui, et même s’il est difficile de le faire sans les retours des visiteurs du musée, sans vous, comme l’ensemble des sites culturels, le MRN prépare demain et continue de travailler aux enjeux d’histoire et de transmission qui nous réunissent.
Malgré de fortes contraintes sanitaires, nous finissons d’installer plusieurs aménagements scénographiques ; de restaurer plusieurs des œuvres présentées au public et nous préparons la future programmation culturelle et la rentrée pédagogique.
Notre prochaine newsletter permettra de vous tenir au courant des actions à venir et de la manière dont nous pourrons, en cette période si particulière et dans les mois à venir, continuer d’assurer une transmission juste et émouvante, au plus grand nombre, de l’histoire et de la mémoire de la Résistance.
Prenez soin de vous.

 

Nouveau musée à Champigny-sur-Marne | 29 février 2020 | cérémonie d’ouverture

Le 29 février, après un chantier global qui aura duré plus de trois ans, le MRN à Champigny-sur-Marne aouvert ses portes pour une première découverte de ses nouveaux espaces. Christian Fautré, maire de Champigny-sur-Marne ; Christian Favier, président du Conseil départemental du Val-de-Marne ; Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France ; Georges Duffau-Epstein, président de l’association des amis du Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne et Lucienne Nayet, présidente du réseau Musée de la Résistance nationale ont prononcé chacun une allocution avant de couper le ruban. La cérémonie s’est déroulée devant un public nombreux : anciens résistants et leurs familles, donateurs et bénévoles, adhérents du MRN et des autres associations de mémoire, partenaires ou simples particuliers ont bravé la pluie et le vent pour assister à la cérémonie. Après celle-ci et le lendemain, ce sont plus de 1 500 personnes qui ont découvert la nouvelle exposition permanente du MRN présentée dans l’Espace Aimé Césaire mis à disposition et aménagé grâce au Conseil départemental du Val-de-Marne et grâce à la ville de Champigny-sur-Marne, aux ministères des Armées – et à sa Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives –, de la Culture et de l’Éducation nationale, à la Région Île-de-France, aux départements de la Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine, à la ville de Paris, à l’établissement public territorial Paris-Est-Marne et Bois, à la Fondation pour la mémoire de la Shoah, à la SNCF, et à de nombreux autres partenaires, associations, comités d’entreprises et mécènes.
Dès que le musée pourra rouvrir, une visite inaugurale permettra de découvrir l’ensemble des installations muséographiques et de présenter notre programmation culturelle et pédagogique.
Photos : Alain Bouissy

Images du mois | 8 et 9 mai 1945 – célébration populaire aux Champs-Élysées

Le fonds photographique de presse dit du Matin conservé au MRN est riche d’images des cérémonies et de la liesse populaire qui a suivi l’annonce de la défaite de l’Allemagne nazie.
Le 7 mai 1945, à Reims, au quartier général de l'état-major des forces alliées, l'Allemagne signe la reddition sans condition de ses armées. Le 8 mai 1945, un second acte de capitulation allemande est signé à Berlin, entérinant la défaite de l'Allemagne et la fin de la guerre en Europe. La nouvelle de la victoire alliée se répand immédiatement : les cloches du pays sonnent à la volée, l'annonce de la  "capitulation sans conditions" et les portraits des vainqueurs font la une des journaux. Le 8 mai 1945, à 15 heures, la victoire des forces alliées sur l’Allemagne nazie est officiellement annoncée par le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République française (GPRF) dans un discours radiodiffusé, qui est aussi transmis dans les rues de la capitale. Dès le 7 mai 1945, une foule immense avait envahi les rues parisiennes pour fêter la victoire. Des défilés s'improvisent le 8 et le 9, convergeant vers les grands boulevards et l'avenue des Champs-Élysées. Des concerts de chants patriotiques et des bals populaires sont organisés. Le 9 mai, l'aviation de l'armée française défile au-dessus des Champs-Élysées.

 

Réseau MRN | Un appel du Comité parisien de la Libération (CPL) à commémorer différemment le 75e anniversaire de la défaite nazie

La terrible crise sanitaire que traverse le pays ne doit pas occulter la célébration du 75e anniversaire de la capitulation sans condition des armées nazies, le 8 mai prochain, même si le confinement général interdit les manifestations publiques. Dans ce contexte, le Comité parisien de la Libération et de nombreuses associations mémorielles appellent nos concitoyens – tout en respectant les gestes barrières, la distanciation physique et les modalités des déplacements dérogatoires – à aller individuellement déposer le 8 mai 2020 une fleur, un bouquet, un dessin, un poème sur les monuments aux morts, au pied des plaques du souvenir de toutes les victimes du nazisme de votre commune. De 1940 à 1944, dans la France envahie, nos aînés ont bravé l’occupant et ses collaborateurs et chaque 1er mai, 14 juillet et 11 novembre ont su trouver le moyen de fleurir les monuments aux morts de nos communes. 75 ans plus tard nous devons rappeler leur héroïsme et leur victoire, celle de la liberté et de la démocratie sur la barbarie nazie.

 

Publications récentes | Conseils de lecture du MRN

Alors que les librairies vont pouvoir ouvrir de nouveau leurs portes, lisons ! Le MRN rappelle la sortie de trois livres récents des commissaires associés de son exposition permanente qui renouvellent et enrichissent l’histoire de la Résistance.

Elles ont suivi de Gaulle de Sébastien Albertelli, Perrin/ministère des Armées, 544 pages, 25 euros
Cet ouvrage s’intéresse à la première unité militaire féminine dans l’histoire de l’armée française, le Corps féminin, créé à Londres en 1940 et rebaptisé l’année suivante Corps des Volontaires françaises (CVF). Plus de six cents femmes choisirent cette voie entre 1940 et 1944 pour rallier les Forces françaises libres et le général de Gaulle. Sébastien Albertelli fait sortir leurs histoires du cercle familial, s’appuyant sur des trajectoires individuelles, emblématiques et documentées pour retracer une histoire collective et injustement méconnue.

La lutte clandestine en France. Une histoire de la Résistance – 1940-1944 de Sébastien Albertelli, Julien Blanc et Laurent Douzou, éditions du Seuil, 448 pages, 26 €
Composé par trois historiens spécialistes de la Résistance, cet ouvrage de synthèse propose une approche anthropologique de la Résistance. Tout en suivant la trame chronologique de la période, depuis les premières manifestations du refus en 1940 jusqu’aux libérations du territoire à l’été et à l’automne 1944, les auteurs mettent l’accent sur la densité extrême du temps résistant, scrutent ses pratiques et ses sociabilités, interrogent les liens qui se tissent peu à peu avec la société. Leur synthèse cherche à comprendre ce que vivre en Résistance pouvait concrètement signifier.

Les maquisards – Combattre dans la France occupée de Fabrice Grenard, éditions Vendémiaire, 616 pages, 26 €
Cet ouvrage signé Fabrice Grenard, directeur historique de la Fondation de la Résistance, est la première grande synthèse sur l’histoire des maquisards à l’échelle de toute la France, réalisée à partir de recherches menées pendant plus de dix années dans de nombreux fonds d’archives, nationaux ou départementaux et des témoignages des derniers survivants.

 

Nos peines

Plusieurs amis, administrateurs et chevilles ouvrières du MRN nous ont quittés. Le MRN a adressé ses condoléances à leurs familles les assurant que le combat de leur proche en faveur de la transmission de l’histoire et de la mémoire de la Résistance et de la Déportation serait continué.

• Daniel Davisse
Né en 1938 en Allemagne dans une famille juive, celui qui s’appelait alors Daniel Herz fuit le nazisme avec sa famille pour le Luxembourg puis la France. Déportés à Auschwitz, ses parents n’en reviendront pas. Caché à Marseille, il est finalement adopté par la famille qui l’a protégé durant la guerre. Devenu instituteur au début des années 1960, il exerce à Ivry-sur-Seine puis à Vitry-sur-Seine. Engagé parallèlement au sein du Parti communiste, il en devient une figure nationale. En 1981, il est le chef de cabinet de Charles Fiterman, le ministre des Transports. Daniel Davisse a également été maire de Choisy-le-Roi durant 18 ans et vice-président du Conseil départemental du Val-de-Marne.
Enfant de déportés, Daniel Davisse a toujours eu à cœur de transmettre l’histoire et la mémoire de la Résistance et de la Déportation. Président de l’AFMD-94, il a été un adhérent fidèle du MRN avec son épouse Annick. Tous deux avaient participé le 29 février dernier à la cérémonie d’ouverture du nouveau MRN.

• Bernard Epin
Né en 1936, Bernard Epin est instituteur à partir des années 1950 à Paris puis en Seine-Saint-Denis. Très rapidement, il a des responsabilités au sein du syndicat national des instituteurs. Passionné par la vie culturelle, Bernard Epin entre en 1957 au collectif de rédaction de L’École et la Nation, revue pédagogique mensuelle du PCF traitant des questions relatives à l’enseignement. À son retour du service militaire qu’il effectue en Algérie de 1959 à 1961, il en devient le secrétaire de rédaction, puis le rédacteur en chef en 1968. Il a contribué aussi à d’autres revues comme l’hebdomadaire Révolution, le mensuel Regards ou à L’Humanité. Bernard Epin a publié également une dizaine d’ouvrages devenus des références dans le domaine du livre de jeunesse avec la volonté de contribuer à l’idéal d’émancipation par l’école et à la démocratisation de la lecture.
Installé à Saint-Ouen au début des années 1960, il s’y investit politiquement et devient conseiller municipal à plusieurs reprises, plus particulièrement chargé des actions culturelles.
Il a été secrétaire général de l’association départementale des Amis du Musée de la Résistance nationale en Seine-Saint-Denis et une des chevilles ouvrières de son festival « La Résistance au cinéma ».

• Max Weinstein
Né en 1927, Max Weinstein grandit à Nancy où ses parents, juifs polonais, se sont réfugiés au début des années 1920. En mai 1940, avec sa famille, il rejoint Roanne. Il retrouve son frère Georges à Villeurbanne en septembre 1943. Par son intermédiaire, il entre en résistance au sein de l’Union de la jeunesse juive (UJJ), issue de la MOI (Main-d’œuvre immigrée). Max Weinstein devient agent de liaison et participe à des opérations de lancer de tracts, distribue le journal clandestin Jeune combat, colle des papillons et trace des graffitis sur les murs des lieux publics, participe à des prises de parole en public, etc. Il participe également à des actions directes comme des sabotages. Le 24 août 1944, il participe à l’insurrection de Villeurbanne. Après la Libération, il intègre le 1er régiment du Rhône, constitué de résistants. Il quitte l’armée peu de temps après.
Il fut l’un des premiers adhérents du Musée de la Résistance nationale, membre de son conseil d’administration, membre des Amis parisiens du MRN. Depuis les années 1990, il œuvrait plus particulièrement à faire connaître la Résistance des communistes de la section juive de la MOI en zone Sud, en particulier celle peu connue des jeunes de l’UJJ. Il fut à l’origine de la création de MRJ-MOI (Mémoire des Résistants Juifs de la Main-d’œuvre immigrée), association membre du réseau MRN, dont il était le président d’honneur.

• Paulette Szlifke [épouse Swiczarczyk, changé en Sarcey]
Paulette Szlifke naît en 1924 à Paris dans une famille juive ayant fui la Pologne. Dans sa jeunesse, elle participe aux activités des patronages juifs progressistes et des Pionniers dans le quartier de Belleville.
Elle entre en résistance avec un groupe de jeunes militants communistes de la section juive de la MOI dont fait partie Henri Krasucki. Elle participe alors à des actions clandestines très diverses : distribution de tracts, manifestations, aide à la réalisation d’actions armées, sabotages notamment dans l’usine de fourrures où elle s’est fait embaucher et qui fabrique des canadiennes pour l’armée allemande.
Après une traque minutieuse des policiers français des Brigades spéciales, elle est arrêtée le 23 mars 1943 avec la quasi-totalité de son groupe. Torturée, elle est emmenée à l’Hôtel-Dieu. Grâce à un médecin, elle réussit à correspondre avec son responsable Adam Rayski à qui elle communique un rapport sur les circonstances de leur chute.
Elle est transférée à Drancy et déportée le 23 juin 1943, à Auschwitz par le convoi n° 55. Elle a 19 ans.
La majorité des déportés de son convoi est gazée immédiatement. Paulette est affectée à divers kommandos de travail. Elle aimait rappeler l’action collective et solidaire des déporté-e-s, l’importance de la solidarité, de rester ensemble pour survivre.
En janvier 1945, elle survit à la « marche de la mort » qui l’emmène à Ravensbrück. Elle retrouve Paris et sa famille le 22 mai 1945.
Après-guerre, Paulette Sarcey travaille dans les foyers de l’UJRE et milite pour les droits et la mémoire des victimes de la déportation. Parallèlement, elle s’investit dans de nombreuses organisations dont le Musée de la Résistance nationale. Tout au long de sa vie, elle a inlassablement témoigné, notamment auprès des jeunes. En 2015, elle a publié son témoignage aux éditions Tallandier : Paula, survivre obstinément.

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7 mai 2020 4 07 /05 /mai /2020 11:41
Annie Thébaud-Mony, directrice de recherches à l'Inserm :  Tous les soignants auraient dû être testés, avec ou sans symptômes (L'Humanité, entretien avec Florent Le Du, 5 mai 2020)
Mardi, 5 Mai, 2020
Annie Thébaud-Mony : « Tous les soignants auraient dû être testés, avec ou sans symptômes »

 

Directrice de recherches à l’Inserm, Annie Thébaud-Mony dénonce l’incurie et les insuffisances coupables de l’État dans la prévention des personnels médicaux. Entretien.
 

Spécialiste de la question des maladies professionnelles, Annie Thébaud-Mony a publié, en 2008, Travailler peut nuire gravement à votre santé, ­récompensé par le prix de la revue Prescrire. Convaincue que « le travail ne pourra pas reprendre comme avant », elle appelle à adapter le Code du travail à la nouvelle situation créée par le virus.

Depuis bientôt deux mois, vous alertez sur les risques encourus par les personnels soignants durant cette crise. L’État a-t-il failli dans son devoir de protection vis-à-vis d’eux ?
Annie Thébaud-Mony Il y a eu clairement une multitude de défaillances du gouvernement dans la gestion de la crise sanitaire, et cela a des conséquences terribles sur la santé de la population, en particulier des soignants. Ceux-ci sont victimes des pénuries d’équipements, mais aussi de tests. Tous les soignants qui sont dans des services où le risque est important devraient être testés systématiquement et avec un renouvellement de ces tests régulier, qu’ils soient symptomatiques ou non. S’ils sont positifs, ils doivent ensuite être mis en arrêt de travail, et même en arrêt pour accident de travail.

Il faudrait donc définir un droit à être dépisté ?
Annie Thébaud-Mony Oui, c’est vraiment une question de droit. Un travailleur, quand il travaille, a droit à la santé et à la prévention. Le Covid-19 est un risque du travail. À partir de là, les modalités pour que ce droit soit appliqué doivent être précisément déterminées et anticipées en amont. Le fait de tester est un droit, qui se rapporte aux devoirs de l’État de prendre en charge les cas positifs et de protéger les autres. Il faudrait même l’étendre à d’autres professions, comme les enseignants. C’est une certitude : la grande majorité des soignants est dans une situation de danger quasi permanent. Face à cela, permettre à chacun d’avoir des équipements de protection et d’être testé régulièrement, cela aurait dû être le minimum syndical !

Olivier Véran a balayé cette possibilité de dépister régulièrement les soignants, arguant que cela serait impossible, notamment en raison du nombre limité de tests. Qu’en pensez-vous ?
Annie Thébaud-Mony Il faut inverser le propos. Le gouvernement a la responsabilité de mettre des tests à disposition des personnels soignants et de tous ceux pour qui c’est nécessaire. Partant de là, il doit donc faire tout le nécessaire pour que le nombre de tests soit suffisant. Cela veut dire réquisitionner des entreprises si besoin, assumer les coûts, acheter les produits qui sont en pénurie et assurer rapidement leur distribution dans les laboratoires… Le gouvernement doit assumer les conséquences de son incurie. Le discours sur l’impuissance de l’État est insupportable. Dans une période de pandémie, ce n’est pas possible. C’est leur devoir de trouver les moyens de mettre à disposition des tests, de garantir le droit à tous les soignants d’être testés. C’est ça, la santé publique. On a laissé s’installer l’épidémie, et on continue à le faire, pour de basses raisons de coûts. L’État n’a pas assumé sa mission.

Il n’existe en France aucune évaluation officielle du nombre de personnels soignants atteints du Covid-19. Comment l’expliquez-vous ?
Annie Thébaud-Mony Il y a une inquiétude énorme sur l’absence d’évaluation pour savoir qui, parmi les soignants, a été infecté, quelles ont été les conséquences, lesquels sont décédés… C’est, une fois de plus, la conséquence d’une carence abyssale de la santé publique en France, qui ne se donne pas les moyens de recenser les malades. Quelle que soit la maladie, il n’existe aucun outil de vigilance et de recensement réellement exhaustif et efficace. Un recensement systématique des soignants malades aurait dû, a minima, être mis en place dans chaque service hospitalier. Mais cela demande forcément des moyens et l’hôpital public n’en a plus.

Tous les soignants sont-ils exposés de la même façon aux risques d’infection ?

Annie Thébaud-Mony Étant donné l’importance de l’épidémie, on peut considérer que chaque soignant de France est exposé. De plus, dans tous les services concernés par le Covid, les pénuries d’équipements ont été criantes au début de l’épidémie et restent encore très problématiques. Que ce soit les services de soins, les urgences et, de manière encore plus lourde, dans les Ehpad. Il y a aussi des catégories très peu évoquées, comme les agents de nettoyage. On est là face à une inconnue, parce qu’aucune enquête n’a été réalisée auprès de ces personnels. Le nettoyage n’intéresse pas les financeurs de la recherche, et il est très compliqué d’interroger les travailleurs, régulièrement menacés par leurs employeurs, lorsqu’ils osent parler de leurs conditions de travail. Sur le travail de nettoyage dans les hôpitaux, les cliniques, les Ephad, il serait pourtant très important d’interroger les agents, pas toujours prioritaires dans l’attribution des masques, des combinaisons, du gel…

Pour ces personnels, c’est aux hôpitaux ou aux entreprises sous-traitantes de fournir les équipements ?
Annie Thébaud-Mony En principe, comme le risque vient de l’hôpital, c’est à lui, donneur d’ordres, d’assurer les mesures de protection. Mais les plans de prévention qui devaient entériner cela n’ont pas été faits. Il y a donc un flou. Les directions d’hôpital rechignent à exercer leur devoir vis-à-vis de ces personnels, salariés d’une autre entreprise. À cela s’ajoute le fait que les ­hôpitaux équipent en priorité leurs propres salariés, médecins, infirmiers, aides-soignants, etc. ­Résultat : les personnels de nettoyage sont les moins bien équipés. Idem dans les Ephad. Par ailleurs, les aides à domicile ou aides-ménagères sont aussi dans cette situation. Ce sont souvent des salariés d’associations qui doivent se ­débrouiller pour trouver des équipements de protection.

Cette nécessité de protection peut-elle aussi avoir des conséquences sur leurs conditions de travail ?
Annie Thébaud-Mony Bien sûr, il faut les prendre en compte. Les soignants qui travaillent avec un masque, ou ont besoin de prendre une douche entre deux rendez-vous, vont mettre beaucoup plus de temps pour effectuer leurs tâches quotidiennes. Cela n’a pas été du tout abordé dans les prévisions de déconfinement. Muriel Pénicaud, qui a voulu que les chantiers du bâtiment démarrent très vite, s’est bien gardée d’adapter les règles auxquelles les employeurs doivent être contraints de se conformer pour garantir la protection des travailleurs, d’en définir le coût et de dire qui prenait ça en charge.

Il faudrait donc adapter le Code du travail à la situation ?
Annie Thébaud-Mony Absolument. Il faut que les règles du Code de travail soient modifiées par des décrets, des circulaires d’application, des arrêtés. Par exemple, il est indispensable qu’un texte soit adossé aux articles régissant le temps de travail, pour définir des conditions spécifiques au temps de travail avec un masque. Il y a toute une réflexion à avoir en amont, avec des ergonomes, des psychologues du travail, des ingénieurs… Dans le nettoyage ou le service à la personne, il y a un travail abyssal à faire là-dessus, qui aurait dû être commencé pendant la période de confinement. Le gouvernement a perdu un temps hallucinant. Quelle que soit la profession, d’ailleurs, le travail ne reprendra pas dans les mêmes conditions qu’avant. Je plaide donc pour que les salariés, collectivement, utilisent leur droit de retrait et qu’il y ait dans les entreprises des droits d’alerte qui les soutiennent. Parce qu’il n’est pas possible d’envoyer les gens travailler dans ces conditions.

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6 mai 2020 3 06 /05 /mai /2020 12:27
Commémoration de la victoire du 8 Mai 1945 : appel pour les 75 ans du 8 Mai 1945

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6 mai 2020 3 06 /05 /mai /2020 12:21
La Danse (1925) - Picasso

La Danse (1925) - Picasso

Ce printemps, la musique n’est pas à la fête, et pourtant…

 

48e jour de confinement. Opinion.

Chronique d’un échange entre un artiste et un pacifiste, confinés en Finistère et en Ille-et-Vilaine.

 

... avant les annonces du 6 mai du président Macron sur la culture.

 

Point n’est besoin d’attendre les annonces de l’Élysée de ce mercredi concernant la culture, dont nous devinons déjà la nature gestionnaire et administrative. Encore une fois, on annonce des annonces. Nous avons de la part de nos responsables politiques surtout des mots, des éléments de langage, néanmoins accompagnés de mesures exceptionnelles décidées de manière autoritaire, sans concertation véritable, des outils qui ont pour nom : décrets, lois, ordonnances, règlements, brigades, amendes, sanctions, directives, circulaires… Alors que nous manquons de masques, de tests et de respirateurs, d’aide aux personnes âgées ou à risque. Face à ces lacunes, pour certaines inadmissibles, quelle signification donner, au-delà du respect nécessaire des consignes sanitaires, à l’expérience de discipline et civisme des citoyens, face à un test d’obéissance et de soumission à l’autorité, « inédit » comme l’affirme le cinéaste Gérard Mordillat. Un test qui est renouvelé et réinventé de jour en jour au fil des annonces médiatiques du Président et du Gouvernement. Ce test va t-il se poursuivre encore longtemps selon la dynamique de surenchère et à grand renforts de moyens technologiques contrôlés par le pouvoir. Tout ceci renforce chaque jour un autoritarisme exagéré et pas forcément responsabilisant. Nous sommes citoyens, nous attendons des mesures sanitaires s’appuyant sur le code de la santé publique et pas des mesures autoritaires voire militaires découlant d’un régime d’exception prolongé susceptible de porter atteinte aux libertés individuelles et collectives et qui peut être l’antichambre d’une défaillance politique et démocratique

La musique (et l’art en général) est souvent qualifiée de langage universel. Les artistes pratiquent un internationalisme au quotidien, mélanges de traditions, de cultures, de nationalités: aujourd’hui le contrôle de la circulation des individus, le système de visas et contrôle des frontières, remet en cause toute une pratique d’échanges à laquelle nous étions naturellement habitués et attachés.

 

Dans les professions du spectacle, l’anxiété prime du fait :

  • des informations de l’Etat, désordonnées, incomplètes et souvent incohérentes concernant cette branche d’activités sans cadre ni perspectives réfléchies,

  • que l’introduction d’une date butoir de dé-confinement amène une série de questions anxiogènes, car n’apportant que des questionnements et peu de réponses à court terme

  • qu’aux interrogations sans réponses concernant l’avenir de la culture en tant qu’activité à part entière de notre société, s’ajoute la certitude et la conscience de la communauté artistique que cet épisode va générer de nombreuses victimes, des dommages collatéraux, psychosociaux qui concerneront d’ailleurs toutes les professions, toutes les tranches d’âges, toutes les classes sociales à l’heure où des disparités et inégalités sont déjà identifiés et où des professions entières sont déjà en situation de survie.

 

Un battement d’aile d’un papillon matérialisé par un morceau d ’ARN parvenu de Chine ou peut-être d’Amazonie, nous a fait découvrir ici que de grands événements annuels parfois festivaliers, de grandes machines à l’origine de produits culturels à succès se sont effondrées. Demain la culture saura-t-elle, comme cela a été le cas tout au long de l’histoire, s’inventer, s’adapter ?

« Gouverner c’est prévoir », dit la maxime. Notre président semble suivre d’autres préceptes, ce que la gestion des masques, des tests et la gestion l’hôpital semble confirmer.

Pouvoir, rôle de l’art et de la musique en particulier, pour créer du lien social, de la résilience, de la capacité à rapprocher. Qu’en est-il quand on parle de distanciation physique et de distanciation sociale ?

Le numérique présenté comme solution quasi universelle, même dans le domaine de la culture, permettra-t-il d’aller au-delà de cette nouvelle forme de pensée unique qu’induit le numérique, via ses applications, alors que les grandes firmes qui y sont au centre exercent à la vue de tous, un contrôle qui se déploie de la Silicon Valley jusqu’à Versailles ?

Alors que la logique du « clic », adapté à une gestion qui ne reconnait que le « j’aime – j’aime pas», favorise un modèle de pensée binaire par excellence qui ne semble pouvoir comptabiliser que des sommes de clics ? Par contre, parallèlement et subrepticement, il permet de tracer à travers des algorithmes secrets, des réalités plus individuelles, plus complexes et de les exploiter au bénéfice d’un marché et des profits qui vont avec.

Quand une vidéo qui recueille de nombreuses vues, (nous parlons seulement de ‘vues’ pas de lecture), devient ‘virale’ (tiens, tiens) il y a de quoi s’interroger.

Les artistes et les intermittents dans la diversité de leurs métiers sont souvent des travailleurs invisibles de la culture et du spectacle vivant, comme l’est la production non quantifiée des richesses produites par les bénévoles de nos associations, les militants, tous ces enthousiastes et passionnés divers. Ces productions de richesses n’ont pas leur place dans la notion de PIB dont le calcul ne répond qu’à des règles comptables étriquées.

Notre modèle culturel productiviste doit être questionné afin d’inventer quelque chose de nouveau, et non pas reproduire systématiquement ces événements rituels, saisonniers et touristiques, prioritairement économiques, d’un monde d’avant. Comment prendre en compte des échelles plus humaines, plus diversifiées et originales, en respect de tous les talents d’ici ou d’ailleurs dans la recherche permanente de la beauté et de la qualité ? Comment ancrer les créations dans leurs territoires avec leurs identités, leurs spécificités, leur caractère plus populaire ? Comment développer les échanges internationaux actuellement gelés mais pourtant nécessaires pour faire vivre les créations multiculturelles, les échanges et coopérations facteur de qualité, de compréhension mutuelle, de respect et de paix.

Construire la paix ne se fera jamais sans la culture, l’éducation, sans ces artisans de l’art, ces femmes et hommes dont le domaine est « les œuvres de l’esprit, du corps, du geste, de la parole… », alliés à tous ces bénévoles, militants, passionnés qui les accompagnent. Ce qui implique des choix budgétaires de l’Etat : de nouvelles armes nucléaires ou culture et bien-être ? Il est certain que la pensée, la créativité, l’engagement citoyen ne vont pas connaître de récession mais vont être confrontées à des obstacles économiques voire antidémocratiques, créant des difficultés inédites quant à leur expression et diffusion. Il est urgent de réfléchir ensemble pour mieux réagir et agir.

 

Tout comme la liberté et la démocratie, la pensée et l’art ne peuvent pas, ne doivent pas être confinés.

 

Pol Huellou,

Artiste musicien, syndicaliste

 

Roland Nivet,

Militant pour la Paix en Bretagne.

 

 

Pol Huellou et Daniel Le Bigot à la fête du Viaduc 2018

Pol Huellou et Daniel Le Bigot à la fête du Viaduc 2018

Roland Nivet

Roland Nivet

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6 mai 2020 3 06 /05 /mai /2020 12:16

Un vœu de l’ensemble des organisations syndicales adopté par le comité technique ministériel

« Notre priorité est d’abord la santé des élèves et des personnels et l’ouverture des écoles doit être conditionnée à des garanties indispensables. », affirment l’ensemble des syndicats dans un vœu adopté le 5 mai à l’occasion d’un comité technique ministériel. Ils demandent donc à l’exécutif « de renoncer à l’imposer » et « s’opposeront à toutes tentatives de pression sur les personnels. »

Le vœu

Image Logos Ctm

Après le discours du Premier ministre devant l’Assemblée nationale, nos organisations syndicales ne peuvent que constater, à ce jour, que la date d’ouverture de l’École et l’organisation de la reprise sont précipitées.

La reprise scolaire envisagée par le gouvernement repose sur le volontariat des familles ce qui contrevient aux objectifs du système scolaire. Beaucoup d’entre elles d’ailleurs subiront des pressions économiques qui les contraindront à envoyer leurs enfants à l’École.

Les annonces du Premier ministre d’une reprise avec un cadre insuffisamment préparé mettent les personnels en difficulté et insécurité et font peser sur les acteurs locaux une responsabilité qui n’est pas la leur.

Les réalités matérielles existantes (sanitaires, superficie des salles de classe et des locaux…), le nombre d’adultes effectivement présents (enseignants, AESH et ATSEM) et les équipements de protection réellement disponibles font que les conditions sanitaires d’une réouverture des écoles n’ont pas été apportées par le gouvernement pour une reprise à partir du 11 mai.

Notre priorité est d’abord la santé des élèves et des personnels et l’ouverture des écoles doit être conditionnée à des garanties indispensables.

Nos organisations demandent au président de la République et à son gouvernement de renoncer à l’imposer, elles s’opposeront à toutes tentatives de pression sur les personnels.

Paris, le 05 mai 2020

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