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25 février 2019 1 25 /02 /février /2019 15:45
Décès de notre camarade Roland Leroy  ancien dirigeant national du Parti communiste français et directeur de l’Humanité - Hommage de Fabien Roussel et de Patrick Le Hyaric

Notre camarade et ami Roland Leroy, ancien dirigeant national du Parti communiste français et directeur de l’Humanité, est disparu cette nuit, au terme d’un long combat contre la maladie.

Cette nouvelle, que nous attendions malheureusement après les mois de souffrance contre laquelle il se battait avec courage, accompagné par sa femme Danièle, par sa famille et l’ensemble de ses amis, provoque une profonde émotion au sein du PCF, parmi ses militants et ses directions, comme au sein de la rédaction du journal L’Humanité, journal auquel Roland a tant donné. Cette profonde tristesse est à la mesure de l’apport de Roland Leroy au combat pour l’émancipation humaine, pour l’avènement d’une société débarrassée des dominations et de l’exploitation, pour un nouvel essor de la démocratie.

Fils de cheminot et cheminot lui-même, Roland Leroy avait dès ses plus jeunes années embrassé le combat contre le nazisme et l’Occupation, mené au sein du Mouvement des jeunes communistes de France dans la Résistance, où Roland anima avec courage la diffusion de la propagande.

Il se poursuivra après la guerre au sein du Parti communiste français, dont Roland deviendra d’abord le premier dirigeant en Seine-Maritime, son département auquel son image s’identifiera, puis progressivement au plan national, avec son élection au Comité central, au Bureau politique et au Secrétariat du PCF.

Il s’incarnera parallèlement avec l’Humanité, journal qu’il dirigea durant 20 ans, en lui faisant franchir les transformations indispensables, en lui permettant d’ouvrir ses colonnes à des personnalités de premier plan à l’échelle planétaire, à l’image des grands entretiens qu’il mena avec Houari Boumédiène, Rajiv Gandhi, Fidel Castro ou encore Michaël Gorbatchev. C’est sous sa direction aussi que l’Humanité érigera son nouveau siège à Saint-Denis, imaginé par Oscar Niemeyer.

Qui mieux que Roland pouvait ainsi mesurer les conséquences dramatiques pour le pluralisme, pour le débat d’idées dans notre société, des menaces pesant sur l’avenir de ce grand titre de la presse française qu’est l’Humanité ?

Roland mit cette même détermination à faire évoluer et grandir la Fête de l’Humanité, avec l’organisation notamment des premiers défilés de haute couture sur la grande scène de la Fête.

Car Roland Leroy était par ailleurs un homme de culture reconnu, avec sa contribution au Comité central d’Argenteuil en 1966 et avec la publication de son ouvrage « La culture au Présent » en 1972 qui fit date dans l’histoire du PCF. Roland contribua ainsi à affirmer une conception globale de la culture, devant être portée dans le combat politique, et à dessiner les contours de la nécessaire alliance entre la classe ouvrière et les intellectuels.

Il nourrissait sa réflexion de sa proximité, de son amitié étroite avec de grands créateurs, parmi lesquels Pablo Picasso et surtout Louis Aragon, dont il fut avec Michel Appel-Muller l’un des artisans majeurs de la Fondation créée après sa disparition.

Je me suis adressé ce jour-même à sa femme Danièle pour l’assurer, au nom de tous les communistes, mais aussi au nom des lecteurs, journalistes, diffuseurs de l’Humanité, de notre plus chaleureux et fraternel soutien dans ces tristes circonstances et lui dire combien l’héritage de Roland constituait un formidable legs pour les femmes et hommes aujourd’hui engagés dans le combat pour la libération humaine.

A Danièle, à François son fils, à ses beaux-enfants Laure et René, à ses petits-enfants Lenny, Jean-Baptiste, Adrien et Julien, j’adresse nos plus sincères condoléances et les assure de notre reconnaissance pour le combat et les idées que Roland nous laisse en héritage.

Fabien Roussel

Secrétaire national du Parti communiste français

Paris le 25 février 2019

 

Décès de notre camarade Roland Leroy  ancien dirigeant national du Parti communiste français et directeur de l’Humanité - Hommage de Fabien Roussel et de Patrick Le Hyaric
Roland Leroy l’élégance et l’humanité
Lundi, 25 Février, 2019
Par Patrick Le Hyaric, directeur de L’Humanité.
C’est avec un immense chagrin que nous apprenons, au lendemain de notre grande soirée de mobilisation pour L’Humanité, le décès de Roland Leroy. Son parcours est celui du cheminot communiste, du Résistant qu’il fut dès l’âge de 15 ans, du dirigeant devenu directeur de L’Humanité durant vingt années intenses (de 1974 à 1994), tout au long d’une période historique et marquante pour la gauche. Il fut encore un député réélu à plusieurs reprises, un membre du secrétariat et du bureau politique du Parti communiste. Il fut aussi un homme généreux et passionné, menant une vie tournée vers les autres, au service de son pays, animée par la solidarité internationale. Une vie qu’il avait voulue orientée par « la quête du bonheur », le  titre de l’un de ses livres.
Roland incarnait l’élégance et l’intelligence, le raffinement dans l’analyse et l’écriture. Ami de Picasso, de Louis Aragon et d’Elsa Triolet, des plus grands artistes, il aimait « la culture au présent ». Il fut longtemps le lien actif méthodiquement construit entre le Parti communiste et le monde de la culture et de la création. 
Directeur de l’Humanité, Il fit franchir à notre presse d’importants pas vers sa modernisation, en faisant de l’organe central du parti communiste un journal communiste plus ouvert à d’autres courants de pensée de la gauche sociale, intellectuelle et politique. Il créa notamment les pages « Idées » tout en renforçant l’attention au monde de la création et de la culture. Il ouvrit également la fête de L’Humanité à des espaces de débats, faisant preuve d’audace, notamment avec la programmation d’un défilé de mode sur la grande scène. Il aura mis l’Humanité au service de grands combats : celui du rassemblement et de la réussite de la gauche, tout en alertant sur la nécessité de mobilisations populaires, celui de la libération de Nelson Mandela ou encore du débat et du vote contre le traité de Maastricht. Roland avait le souci de permettre aux lectrices et lecteurs de l’Humanité d’accéder aux dirigeants de plusieurs pays au monde, réalisant lui-même un certain nombre de grands entretiens. Il continuait toutes ces dernières années à être proche de L’Humanité, de sa fête. A l’occasion du centenaire de notre journal, il dirigea un remarquable travail historique, conclu par la publication d’un livre  intitulé « un siècle d’Humanité ». Roland aura été un extraordinaire militant, un pilier du Parti communiste, un beau et fort directeur de L’Humanité, un député du peuple dont les populations de Seine-Maritime continuent de se souvenir. L’Humanité porte le deuil. 
A sa femme Danièle, à toute sa famille, nous présentons notre sympathie affectueuse et nos condoléances attristées.
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24 février 2019 7 24 /02 /février /2019 13:20
Marie Lambert, résistante, députée communiste du Finistère à la Libération, a aussi été journaliste à l'Huma et elle a eu, nous dit l'historien Alain Ruscio, cette lucidité au moment du début de la guerre, ou des "évènements d'Algérie", comme ils les appelaient.
Ci-joint l'article, que j'ai mis dans le Chiffon Rouge avec l'article du Maitron sur Marie Lambert que nous avait transmis Jean-Paul Cam.
Amicalement
Ismaël
 
Alain Ruscio : « La force communiste fut à l’origine de la protestation anticolonialiste en France »
Vendredi, 22 Février, 2019 entretien avec  Rosa Moussaoui

 

" Lorsque est déclenchée l’insurrection, le 1er novembre 1954, l’Humanité dépêche sur place l’une de ses journalistes, Marie Lambert. Dans un meeting au Vél’d’Hiv, le 5, Duclos prononce le mot « indépendance ». Pourquoi le communiqué officiel tardif du PCF est-il, lui, très ambigu ?

Alain Ruscio Merci de citer ces premiers reportages, totalement oubliés par l’historiographie, de l’ancienne députée communiste Marie Lambert (qui signait dans l’Humanité Marie Perrot). Grâce à elle, le mot « guerre » a été imprimé par votre journal dès le 3 novembre 1954. Vient, en effet, le 5 novembre, une réunion visant à célébrer l’anniversaire de la révolution d’Octobre, comme il était alors de rigueur. Jacques Duclos, après avoir salué les réalisations de l’Union soviétique, prononcera trois fois le mot « indépendance » . Et pourtant, vous avez raison, le mot n’apparaît plus dans le texte officiel qui suit, le communiqué du bureau politique du 8 novembre. Ici, nous sommes confrontés à un manque d’archives, les réunions du « BP » n’étant ni enregistrées, ni transcrites. Je risque une hypothèse : une semaine après le déclenchement de l’insurrection, les communistes étaient dans la totale ignorance de ses instigateurs. Rappelons que le sigle « FLN » n’était apparu que le 1er novembre. Une prise de distance est manifeste, marquée notamment par la crainte d’une provocation. Au passage, je signale que les communistes algériens, eux, ne partagèrent pas cette méfiance et tentèrent même de dissuader leurs camarades français d’utiliser cet « argument ».

 

LAMBERT Marie-Yvonne [née PERROT, Marie, puis épouse GOSNAT]

Par Christian Bougeard - pour le MAITRON

Née le 26 octobre 1913 à Landerneau (Finistère), morte à Ivry-sur-Seine le 22 janvier 1981 ; secrétaire fédérale communiste du Finistère (1947-1949) ; députée PCF du Finistère (1948-1951).

Originaire de la petite ville de Landerneau (Finistère), Marie Perrot avait un grand-père qui avait participé, contre son gré, à l’écrasement de la Commune de Paris mais aurait exprimé de la sympathie pour les Communards. Il aimait porter les jours de fêtes un chemise rouge pour manifester ses opinions.
Marie Lambert avait interrompues ses études après le brevet. Elle acquit par la suite, , en autodidacte, une importante culture. Elle avait épousé jeune Henri Lambert , avec qui elle eut trois enfants : Jean-Paul en 1932 ( serge nt cassé pour refus d’être appelé en 1956), Henri en 1935 et Annie en 1944. Elle fut brièvement institutrice pendant la "drôle de guerre".
Son mari fut un résistant FN et FTP. Arrêté en Ille-et-Vilaine en décembre 1943, torturé et déporté. Sous l’Occupation, Marie Lambert participa aux actions de son époux ,diffusant tracts et journaux clandestins dans la région de Landerneau. Elle servit d’agent de liaison à Daniel Trellu, chef des FTP du Finistère et organisa des groupes de « femmes patriotes », malgré une grossesse. Pour son action, elle obtint la médaille de la Résistance et la Croix de guerre.

Ayant adhéré au PCF en 1943, ettant u rapport se geste et la licture avec la lecture de Lyssagaray et la lecture de son Histoire de la Commune., « la ménagère » Marie Lambert fut élue conseillère municipale de Landerneau en mai 1945 (réélue en 1947) dans la municipalité dirigée par l’ancien maire révoqué et ancien député (réélu en 1945), le socialiste Jean-Louis Rolland. Elle appartenait aussi en 1945 au bureau de l’UFF du Finistère. N’ayant pas été candidate en octobre 1945, Marie Lambert figurait en 4e position sur la liste communiste du Finistère aux élections à la seconde Assemblée Constituante le 2 juin 1946 qui recueillit 95 343 voix en moyenne (24,6%) et deux élus, les députés sortants Pierre Hervé et Gabriel Paul. Le 10 novembre 1946, elle était toujours 4e alors que le PCF obtenait 27,8% des voix et trois députés (Alain Signor *en plus). Mais la démission de Pierre Hervé, le 15 juin 1948, permit à Marie Lambert de lui succéder à l’Assemblée nationale en juillet. Inscrite à la commission de l’Agriculture, elle déposa plusieurs propositions de loi en faveur des ouvriers agricoles.

Auparavant, Marie Lambert était devenue une des principales dirigeantes du PCF. Elle entra au bureau fédéral élargi de 9 à 13 membres lors de la IXe conférence d’août 1946, devenant ensuite secrétaire fédérale, sans doute en 1947, lors du départ de l’instituteur Alain Cariou. En 1948 et au début 1949, Marie Lambert assura de manière transitoire la fonction de première secrétaire fédérale du Finistère. Elle en fut écartée à la suite de la XIIe conférence fédérale de février 1949 présidée par Jeannette Vermeersch, et remplacée par Daniel Trellu. Elle fut critiquée pour n’avoir pas su diriger sa fédération, en perte de vitesse, et éviter les graves conflits qui divisaient la CGT, peut-être aussi parce qu’il lui était difficile d’assurer ses tâches de direction avec son mandat de députée. Les critiques portaient sur la trop grande importance accordée par la fédération à la question de la laïcité sous l’impulsion de Pierre Hervé. Au total, 24 membres de la direction fédérale sur une quarantaine furent remplacés. Cette véritable « purge » permit un durcissement et une stalinisation de la fédération avec son lot de critiques, d’autocritiques, d’exclusions (même temporaires) et de chasse aux « titistes » et aux « mous ». En 1951-1952, le bureau politique lui-même fut contraint de reprendre les choses en main.

En mars et avril 1950, une série de grèves très dures secoua le Finistère, provoquant une forte mobilisation syndicale et de solidarité. Le 14 avril, une manifestation des femmes de l’UFF à la mairie de Brest se transforma en affrontement avec la police : la députée Marie Lambert (tabassée gravement pendant la manifestation) et deux dirigeants communistes furent arrêtés. Le 17 avril 1950, une manifestation de protestation de 5 000 personnes fut vivement réprimée provoquant la mort de l’ouvrier communiste Édouard Mazé, le frère du conseiller municipal PCF Pierre Mazé. Alain Signor fut lui aussi arrêté et Jacques Duclos interpella le gouvernement sur ces arrestations considérées comme illégales, en violation de l’immunité parlementaire. Plusieurs milliers de personnes participèrent aux obsèques d’Édouard Mazé. Rapidement libérés, Marie Lambert et Alain Signor furent condamnés à cinq et à six moi s de prison avec sursis. Comme en 1935, la violence des affrontements avec les forces de l’ordre allait marquer durablement la mé moi re du mouvement ouvrier brestois.

Lors des élections législatives du 17 juin 1951, Marie Lambert , en 3e position sur la liste communiste qui obtint 20,9 % des suffrages ne fut pas réélue, le PCF ne conservant que les sièges d’Alain Signor et de Gabriel Paul. Il semble que l’ancienne députée communiste quitta rapidement le Finistère. De toute façon, en janvier 1953, elle ne figurait plus dans aucun organisme de la direction fédérale. On sait qu’elle devint journaliste à l’Humanité puis à France nouvelle et directrice de Femmes nouvelles, le journal de l’UFF, chargé de la culture, ce qui lui permit de connaître le principaux artistes communiste, notamment le couple Aragon-Triolet.. Le 8 novembre 1954, l’Humanité publia sous le titre "Des tortures dignes de la Gestapo", un reportage de Marie Perrot : "Les arrestations se poursuivent en Algérie et de nombreuses personnes à des sévices innommables dans les locaux de la police [...] la bastonnade, le lavage d’estomac à l’aide d’un tuyau enfonce dans la bouche et le courant électrique". Ces scènes lui rappelaient les tortures qu’avaient subies son premier mari en 1943. Elle participa en 1955 au premier voyage de journaliste au premier voyage de journalistes à Hanoi. Son statut de journaliste lui permit également de découvrir le Yougoslavie et laTunisie.

Marie Perrot, vécut avec Georges Gosnat à Saint-Ouen à partir de 1950. Elle l’épousa le 30 juillet 1970 (on trouve ailleurs le 30 décembre 1970) et habita avec lui à Ivry-sur-Seine. Georges Gosnat était député d’Ivry-sur-Seine et un des principaux responsables des finances du PCF. Elle décéda en 1981 dans ce bastion du communisme de la banlieue sud-est et fut enterrée au cimetière communal.

 
SOURCES : Arch. du comité national du PCF. Organigrammes des comités fédéraux du Finistère (1953-1968). — Arch. PPo., dossier Georges Gosnat. — Eugène Kerbaul, 1918-1945 : 1640 militants du Finistère, Bagnolet, 1988, notice Henri Lambert et Marie Perrot, p. 140 et 232-233. — Isabelle Picart, Le PCF à Brest de la Libération à la fin de la Quatrième République (1944-1958), maîtrise d’histoire, Université de Bretagne occidentale, Brest, 1989. — Le bande dessinée de Kris et Étinne Davodeau, Un homme est mort, Futuropolis, 2006. — Cédérom le Maitron. Notice Georges Gosnat par Jean Maitron et Claude Pennetier.
 
 
***

Dans une lettre datée du 16 octobre 1985, Pierre Le Rose donne à Pierre Crépel, un camarade de l'IRM (Institut de Recherche Marxiste) basé à Lanester, des renseignements complémentaires sur le Parti Communiste à la Libération, période qu'il a connue en tant que dirigeant et acteur. On trouve dans cette lettre des informations tout à fait importantes d'un point de vue historique qui justifient qu'on la publie, avec l'accord de la fille de Pierre Le Rose:

"L'audience du Parti était très grande dans le Finistère à la Libération. On évaluait les adhérents à 10 000 ou 12 000. Les cartes étaient placées aux réunions publiques au lendemain de la libération. L'organisation ne suivait pas. Mais dans les localités importantes (Brest, Morlaix, Quimper, Douarnenez, Concarneau), les cellules avaient des Bureaux et des activités réelles. Le premier pointage réel que j'ai pu faire en Avril 47 (je venais d'avoir la responsabilité de l'organisation fédérale) faisait apparaître plus de 7000 adhérents. Nous avons vu jusqu'à 12 000 personnes à nos fêtes fédérales (fête de la Bretagne, notre journal, avec Marcel Cachin; 40 000 personnes à Brest sur le cours d'Ajot avec Maurice Thorez le 6 juillet 1947). Parallèlement, les JC (44-45) puis l'UJRF (à partir d'avril 45) comptaient entre 9 et 10 000 adhérents (jeunes venus des FTP, jeunes filles très nombreuses). Les jeunes prenaient leurs responsabilités pour organiser les activités ( 400 Jeunes Communistes à Quimper, 200 à Concarneau, mêmes chiffre à Douarnenez; organisations existant dans les localités rurales du Centre Finistère, Riec sur Belon, etc...). Les meetings des JC rassemblaient autant et parfois plus d'auditeurs que le Parti. Ce sont les JC (garçons et filles) qui ont vite fourni les cadres du Parti (peut-être au détriment de l'organisation des jeunes).

L'audience du Parti est venue du combat clandestin, puis de l'activité des militants, des élus et des ministres communistes, activité qui continuait le combat national, le confirmait.

Dans des élections législatives à la proportionnelle, le Parti Communiste recueillait 70 000 voix en novembre 1945 (2 députés), 80 000 voix en mars 1946 (2 députés), 105 800 voix en novembre 1946 (3 députés sur 10 députés finistériens).

La part de la jeunesse et des femmes fut considérable dans cette période. Nous avions la première femme maire (Kernevel), des adjointes. Notre Parti faisait le plus confiance aux jeunes (Gabriel Paul, député et secrétaire fédéral à 26 ans), Marie Lambert, députée et secrétaire fédérale à 33 ans (idem dans les Côtes d'Armor avec Hélène Le Jeune). On retrouve des jeunes de nos fédérations bretonnes également à Ouest-Matin (sur Rennes comme correspondants).

La direction du PCF milite pour la reconnaissance politique des femmes: "Les femmes viennent de plus en plus à la vie politique. Il faut les organiser et laisser de côté les préjugés encore tenaces sur l'infériorité de la femme qui ne sont pas dignes de communistes".  

La fédération vient de transférer son siège à Brest. Elle connaît déjà quelques difficultés financières qui l'ont contraint à réduire son nombre de permanents.  

* Note biographique de Jean-Claude Cariou sur Marie Lambert et Pierre Hervé

Marie Lambert remplaça ensuite à l'Assemblée Nationale Pierre Hervé (du secteur de Morlaix-Lanmeur), lequel quitta plus tard le PCF pour rejoindre la SFIO puis un groupuscule gaulliste. Il redevint professeur de philosophie, son métier initial en région parisienne. Sa femme, résistante, avait servi de modèle à Jacques Prévert, dont il était l'ami, pour son célèbre poème "Barbara". Marie Lambert divorça ensuite de l'officier d'infanterie dont elle était l'épouse et quitta la Bretagne avec son nouveau mari, Georges Gosnat, trésorier national du PCF et membre du Bureau politique. 

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23 février 2019 6 23 /02 /février /2019 06:46
Footballeur à Argenteuil et au Red Star, Rino Della Negra avait participé à une quinzaine d’actions armées de la résistance. Archives de la famille Della Negra

Footballeur à Argenteuil et au Red Star, Rino Della Negra avait participé à une quinzaine d’actions armées de la résistance. Archives de la famille Della Negra

Deux chercheurs préparent un ouvrage sur ce membre du groupe Manouchian fusillé par l’armée allemande il y a 75 ans. Et devenu, depuis peu, une icône des supporters du club audonien.

Une tribune du stade Bauer, à Saint-Ouen, porte son nom. Les traits de son visage apparaissent sur les banderoles et les maillots des supporters du Red Star. Mais que sait-on vraiment de Rino Della Negra, ce footballeur résistant durant la Seconde Guerre mondiale ?

Membre du groupe Manouchian, il a été fusillé par les nazis le 21 février 1944 au Mont-Valérien, il y a tout juste 75 ans.

Deux historiens, Jean Vigreux et Dimitri Manessis, ont décidé de se pencher sur son parcours. Leur ouvrage sortira cet automne. Le premier, spécialiste du communisme et enseignant à l’université de Bourgogne, est le maître de thèse du second, étudiant… et supporter du Red Star.

« Un jour, Dimitri portait une écharpe Tribune Rino Della Negra, raconte Jean Vigreux. Je lui ai demandé qui était ce Rino, et on a commencé à s’interroger sur les travaux qui avaient été menés sur lui. On avait sa biographie dans le Maitron des fusillés(NDLR : dictionnaire biographique des exécutés durant l’Occupation), mais elle était très incomplète. »

« Le Mbappé de l’époque »

Les deux chercheurs ont alors épluché les archives de la Seconde Guerre mondiale et reconstitué le parcours du jeune homme né le 18 août 1923 à Vimy (Pas-de-Calais). Son père, briquetier, était originaire d’Udine, dans le Frioul (Italie).

Rino et ses parents déménagent rapidement à Argenteuil (Val-d’Oise), dans le quartier de Mazagran, où vivent 3 000 habitants originaires du Nord-Est de l’Italie qui avaient fui le régime de Mussolini. « C’est très important car cette immigration s’était structurée autour d’un pôle antifasciste, explique Dimitri Manessis. Et si ses parents n’étaient pas particulièrement engagés, Rino va fréquenter beaucoup de gens qui vont l’acclimater à cette culture. »

Mais à 14 ans, il n’est encore qu’un apprenti ajusteur aux usines Chausson, à Asnières (Hauts-de-Seine). Et brille, sur son temps libre, dans tout un tas de disciplines avec le club omnisports d’Argenteuil. « Ce n’était pas qu’un footeux, poursuit le chercheur. Il avait notamment été chronométré 11 secondes au 100 m. » « Niveau vitesse, c’était un peu le Mbappé de l’époque ! » sourit Jean Vigreux.

On le savait aussi superstitieux. « Sa mère racontait qu’il embrassait toujours ses crampons avant les matchs, en disant qu’ils lui apporteraient la victoire », sourit Yolande Della Negra, la belle-sœur de Rino, qui habite toujours le Val-d’Oise.

Un « militant de choc » de la Résistance

Rino joue ailier droit lorsqu’il est repéré par le Red Star, l’un des plus grands clubs français de l’époque. Vainqueur du championnat en 1941, il avait décroché sa cinquième coupe en 1942. Rino y est transféré l’été suivant.

Si Léon Foenkinos, son capitaine à l’époque, disait de lui qu’il était alors « l’un des plus grands espoirs » du foot hexagonal, trop jeune, il ne jouera pas en équipe première lors de la saison 1942-1943.

Et sa carrière s’arrête en février 1943. Rino refuse sa convocation au STO, le service du travail obligatoire, et entre dans la résistance. Dans les archives de police, les historiens réalisent que le footballeur, connu sous plusieurs pseudos dont « Robin », avait participé à une quinzaine d’opérations armées entre mai et novembre 1943. « Ce qui en faisait un militant de choc sur la période », explique Jean Vigreux.

Une phrase de sa lettre de fusillé avait été effacée

Autre découverte, les auteurs ont pu reconstituer deux lettres envoyées par Rino à sa famille avant son exécution, à l’âge de vingt ans. Ses reproductions circulaient… Mais un bout avait été effacé. « C’est une phrase dans laquelle Rino demandait à ses proches de faire un banquet, explique Dimitri Manessis. Mais ensuite, il ajoute : Et prenez tous une cuite en pensant à moi ! »

Pourquoi ces mots ont-ils été cachés pendant 75 ans ? « Il y a plusieurs hypothèses, poursuit-il. Soit la famille avait voulu les enlever par pudeur. Soit ce sont des associations de résistance, ou même le Parti communiste, qui estimaient que cela ne correspondait pas à un certain modèle de la dernière lettre d’un résistant fusillé, et qui ont voulu gommer cette référence à la boisson. »

 

« IL A EU UN COURAGE EXTRAORDINAIRE »

Comment un footballeur n’ayant jamais joué un seul match avec le Red Star a-t-il pu entrer dans le cœur des supporters audoniens ?

Dans la « tribune Rino », on supporte l’Etoile rouge mais on se retrouve aussi derrière un engagement bien ancré à gauche, des chants antifascistes et des banderoles promptes à évoquer l’actualité, à dénoncer des violences policières comme à soutenir l’accueil de réfugiés en France.

Ce n’est qu’en 2004 qu’une plaque en mémoire de Rino Della Negra a été inaugurée à l’entrée du stade Bauer. « Mais pendant près de dix ans, il n’y avait qu’un dépôt de gerbe tous les ans », explique Vincent Chutet-Mezence, président du collectif Red Star Bauer, l’association des supporters du club.

Qui a souhaité, à partir de 2013, « rendre vivante » la mémoire de Rino. « On ne voulait pas que ces hommages restent sans lendemain », poursuit-il. Le collectif organise alors une conférence sur son parcours, et fait une demande pour que leur tribune soit officiellement renommée.

« Plus qu’un joueur de foot »

« Elle n’a jamais été refusée, mais elle est restée sans lendemain », regrette le président, qui compte bien remettre le sujet sur la table après la rénovation du stade.

« Rino Della Negra était plus qu’un joueur de foot, poursuit-il. Car au-delà de ses qualités sportives, ses valeurs nous touchent très profondément. Il aurait très bien pu faire sa carrière et ne jamais se mettre en danger. Non, il a choisi de s’engager et il l’a payé de sa vie. Il a eu un courage extraordinaire. »

Dans ce stade, qui porte déjà le nom d’un docteur juif résistant, fusillé en 1942, Dimitri Manessis voyait donc un « terrain propice » pour que l’esprit de Rino soit honoré : « Le club est marqué par sa culture communiste, ouvrière, populaire, bien inséré dans la banlieue rouge », explique le chercheur.

Il fut aussi propriété de Jean-Baptiste Doumeng, le fameux milliardaire rouge. « Et Georges Marchais, dont le gendre était gardien de l’équipe, fréquentait aussi les tribunes ».

A.L.

Groupe Manouchian : qui était Rino Della Negra, le footballeur résistant du Red Star ? (Le Parisien, Anthony Lieures,  20 février 2019)
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23 février 2019 6 23 /02 /février /2019 05:57
Maurice et Josette Audin

Maurice et Josette Audin

Alain Ruscio dans l'Humanité du 22 février, entretien avec Rosa Moussaoui:  La force communiste fut à l’origine de la protestation anticolonialiste en France
Fernand Yveton communiste exécuté pendant la guerre d'Algérie pour aide aux indépendantistes (avec refus de grâce de Mitterrand)

Fernand Yveton communiste exécuté pendant la guerre d'Algérie pour aide aux indépendantistes (avec refus de grâce de Mitterrand)

Alain Ruscio : « La force communiste fut à l’origine de la protestation anticolonialiste en France »
Vendredi, 22 Février, 2019

Dans un essai alerte, les Communistes et l’Algérie (la Découverte), l’historien analyse le rôle que jouèrent les communistes, en France et en Algérie, dans les luttes anticoloniales. En dépit des hésitations, des détours et des erreurs, il y eut bien, affirme-t-il, une « résistance communiste » à la guerre d’Algérie.

Une certaine historiographie a longtemps lu dans la politique algérienne du PCF un anticolonialisme « usurpé ». Vous parlez, au contraire, d’une « résistance communiste » à la barbarie coloniale. Quel rôle les communistes ont-ils joué dans l’émergence, en France, d’une subjectivité politique anticolonialiste ?

Alain Ruscio Sur cette vaste et ancienne problématique « communisme et anticolonialisme », bien des auteurs ont jugé nécessaire de « choisir un camp » : majoritairement les « contre », de façon secondaire les « pour ». « Aux creux réquisitoires succédaient autant de vaines réhabilitations », comme l’écrivait Marc Bloch à propos de la vie de Robespierre. Je me suis inscrit, modestement, dans cette lignée « blochienne ». On connaît l’expression :« L’Histoire jugera. » Oui, mais pas l’historien. Ce qui ne m’empêche pas de souligner, dans la première partie du livre, qui couvre la période précédant la guerre d’indépendance, que la « force communiste » (je préfère cette expression, car elle englobe des dirigeants et militants du Parti, mais aussi ceux qui consacraient surtout leur activité aux syndicats, aux mouvements de jeunesse, aux « organisations de masse », type Mouvement de la paix) a été à l’origine de la protestation anticolonialiste en France et qu’elle a souvent été bien seule, hors quelques intellectuels plus ou moins « compagnons de route ». C’est au sein de cette « force communiste » qu’est née l’Union intercoloniale, animée par le futur Hô Chi Minh, qu’est née et s’est renforcée l’Étoile nord-africaine, première organisation regroupant des Maghrébins (presque uniquement des Algériens) en métropole. Ce sont le PCF et la Jeunesse communiste qui, les premiers, ont clamé le droit à l’indépendance des peuples colonisés, qui ont mené les luttes (très minoritaires) contre la guerre du Rif, l’usage de la guillotine en Indochine, l’indécente Exposition coloniale de 1931.

Quels facteurs ont provoqué la retombée de l’élan anticolonialiste qui s’était exprimé pendant la guerre du Rif ?

Alain Ruscio L’une des erreurs, à mon sens, d’une certaine historiographie critique à l’égard du PCF est d’avoir oublié ce « détail » : il y a eu, en France, pendant quatre générations, un lobby puissant, qui a accaparé tous les moyens d’information, qui a réussi à engluer la grande majorité de la population française dans une idéologie colonialiste et raciste. L’élan dont vous parlez a été le fruit d’un effort exceptionnel de la « force communiste ». Mais il est fatalement retombé lorsque les affrontements, aux colonies, étaient moins violents et, il faut bien le dire, devant le fossé alors créé entre une avant-garde combative et une masse de la population beaucoup moins concernée. Ce fut d’ailleurs un phénomène permanent. Mais il faut dire également que la ligne politique des communistes, sur la question, n’a pas été sans détours ni renoncements. Quand on est solidement attaché aux valeurs de la démocratie, on est enthousiaste en pensant au Front populaire et à la Libération. Mais on est perplexe en constatant que les hommes de la gauche gouvernementale de ces deux moments ont été des « serviteurs loyaux du colonialisme », assortissant leurs discours de vœux vagues sur une démocratisation du système. Et, dans ces deux moments, les communistes ont renoncé au mot d’ordre d’indépendance des colonies. Les militants et les électeurs du PCF ne pouvaient qu’en être troublés. Pour ne rien dire de la rancœur, ouverte ou intériorisée, des nationalistes des pays colonisés.

Ce livre s’ouvre sur un tableau de l’opinion française à la veille du déclenchement de l’insurrection algérienne. Vous citez des sondages témoignant de l’hégémonie du parti colonial, la définition que le Larousse donne du mot « Arabe » en 1953 : « Race batailleuse, superstitieuse et pillarde » . Pourquoi les ouvriers n’échappent-ils pas à cette pensée colonialiste dominante, alors même que l’influence communiste dans cette classe est à son apogée ?

Alain Ruscio On en revient à l’affirmation précédente : l’omniprésence de la propagande du lobby colonial. Pourquoi la classe ouvrière aurait-elle été épargnée ? Si les cadres de la CGT (hommage au passage à André Tollet, Marcel Dufriche, bien d’autres), si les délégués syndicaux ne ménagèrent pas leurs efforts, l’internationalisme et l’antiracisme ne furent jamais totalement implantés dans la classe ouvrière. Je pense que les communistes ont été quelque peu piégés par leur propre discours sur le « rôle historique de la classe ouvrière » (Maurice Thorez), sans voir suffisamment qu’une partie de la classe ouvrière était, elle aussi, gangrenée par le racisme. D’une formule, je dirais que l’anticolonialisme a été une greffe en état de rejet permanent. Il faut savoir regarder cette réalité en face.

Lorsque est déclenchée l’insurrection, le 1er novembre 1954, l’Humanité dépêche sur place l’une de ses journalistes, Marie Lambert. Dans un meeting au Vél’d’Hiv, le 5, Duclos prononce le mot « indépendance ». Pourquoi le communiqué officiel tardif du PCF est-il, lui, très ambigu ?

Alain Ruscio Merci de citer ces premiers reportages, totalement oubliés par l’historiographie, de l’ancienne députée communiste Marie Lambert (qui signait dans l’Humanité Marie Perrot). Grâce à elle, le mot « guerre » a été imprimé par votre journal dès le 3 novembre 1954. Vient, en effet, le 5 novembre, une réunion visant à célébrer l’anniversaire de la révolution d’Octobre, comme il était alors de rigueur. Jacques Duclos, après avoir salué les réalisations de l’Union soviétique, prononcera trois fois le mot « indépendance » . Et pourtant, vous avez raison, le mot n’apparaît plus dans le texte officiel qui suit, le communiqué du bureau politique du 8 novembre. Ici, nous sommes confrontés à un manque d’archives, les réunions du « BP » n’étant ni enregistrées, ni transcrites. Je risque une hypothèse : une semaine après le déclenchement de l’insurrection, les communistes étaient dans la totale ignorance de ses instigateurs. Rappelons que le sigle « FLN » n’était apparu que le 1er novembre. Une prise de distance est manifeste, marquée notamment par la crainte d’une provocation. Au passage, je signale que les communistes algériens, eux, ne partagèrent pas cette méfiance et tentèrent même de dissuader leurs camarades français d’utiliser cet « argument ».

Comment expliquez-vous les relations compliquées et tourmentées entre nationalistes et communistes, français ou algériens ?

Alain Ruscio Les communistes français, tout en affirmant (épisodiquement, et c’est bien là le drame) le droit à l’indépendance de l’Algérie, avaient comme objectif suprême une libération totale, l’instauration d’un régime nouveau. Les nationalistes algériens considéraient qu’il ne fallait mener que le combat pour l’indépendance, sans chercher à définir la nature d’une société algérienne future. Alors que l’historiographie dominante dénonce les limites du communisme français, j’ai essayé, dans mon livre, de démontrer que les « torts du divorce » étaient partagés.

En 1956, tandis que de nombreux communistes algériens rejoignent le maquis, le PCF vote les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet. Vous évoquez la contestation et le malaise suscités au PCF par ce vote. Peut-on parler de crise interne ?

Alain Ruscio Je consacre un long (et sévère) développement à cette question des pouvoirs spéciaux. Ce vote est une manifestation supplémentaire d’un mal du mouvement ouvrier – et donc communiste – français, l’européocentrisme. Début 1956, à la suite d’une victoire du Front républicain (socialistes et radicaux), votre journal titra « Vive le nouveau Front populaire », manifestation de la croyance que, vingt ans après, il y avait une possibilité de changer la société française. C’était évidemment pure illusion, compte tenu de l’orientation réelle du Parti socialiste. Le drame vint du fait que cette croyance pouvait concerner également la guerre d’Algérie. Le PCF est passé de « Vive le nouveau Front populaire… » à «… pouvant entraîner la fin du conflit ». Or, s’il y avait quelques éléments positifs (une prise de contact discrète d’émissaires gouvernementaux avec le FLN), d’autres, bien plus massifs, auraient dû provoquer une prise de distance avec le gouvernement Mollet : la honteuse capitulation du 6 février (« journée des tomates ») et, surtout, l’affirmation qu’il fallait renforcer les rangs de l’armée avant toute solution négociée – éternel argument des bellicistes. Alors, oui, crise il y eut bien. D’abord au sein du groupe parlementaire. Si aucun député communiste ne vota contre, les débats, au sein du groupe, furent houleux. Comme dans les rangs mêmes du Parti, et pas seulement chez les intellectuels. Je cite bien des témoignages, émanant de cellules diverses. Sans compter un fait significatif : le départ du Parti de nombreux Algériens communistes.

Vous consacrez de belles pages aux communistes algériens d’origine européenne qui payèrent de leur vie leur engagement dans le combat d’indépendance : Iveton, Maillot, Laban, Raymonde Peschard, etc. Dans quelle mesure ces figures suscitèrent-elles la méfiance d’un Parti faisant du « travail de masse » la priorité absolue ? Étaient-ils vus, au PCF, comme des « aventuriers »  ?

Alain Ruscio Première affirmation : les militants que vous évoquez s’étaient engagés au nom du PCA, non du PCF. Ils avaient l’aval de leur Parti et c’était le plus important. Vues de Paris, certaines de ces initiatives ont été incomprises, parfois effectivement assimilées à des « aventures ». Mais ce n’est pas qu’il y avait de « bons » communistes d’un côté (PCA) et des « apparatchiks » obtus de l’autre (PCF). Non, chacun analysait la situation avec des optiques différentes. Si reproche peut être fait au PCF, c’est de n’avoir pas écouté l’argumentaire de leurs camarades algériens. D’où l’absence dramatique de réaction lors de l’initiative de Fernand Iveton et la protestation tardive avant son exécution. D’où également le silence des premiers jours lorsque Henri Maillot s’empara d’un camion d’armes. Mais je signale également que ce silence ne fut pas absolu. Ainsi, l’Humanité publia, courageusement, la lettre de Maillot, les députés communistes, à la Chambre, le défendirent, au milieu d’une cascade de quolibets et d’injures.

En quoi l’affaire Audin et la publication du témoignage d’Henri Alleg sur la torture marquent-elles un basculement, en interne et dans l’opinion publique ?

Alain Ruscio Dans l’opinion publique, l’effet fut foudroyant. Dès 1954, pourtant, la dénonciation de la torture et des exécutions sommaires était omniprésente dans une partie de la presse : l’Humanité, mais aussi l’Observateur et l’Express. Qui voulait savoir le pouvait. Force est de constater que les victimes s’appelant Rachid ou Ahmed, l’émotion n’était pas générale, c’est le moins que l’on puisse dire. Avec ces deux affaires, Alleg et Audin, entrecroisées, on a franchi un pas. La publication de la Question, en mars 1958, puis son interdiction, les premières révélations sur la « disparition » de Maurice Audin, ont projeté une ombre sinistre sur le conflit. Le livre d’Henri Alleg eut pour la guerre d’Algérie la même conséquence que le « J’accuse » de Zola pour l’affaire Dreyfus. Le parallèle est d’ailleurs adéquat : car les intellectuels se mobilisèrent en masse, de Sartre à Aragon, en passant par Pierre Vidal-Naquet et Roger Martin du Gard, à la notable et triste exception d’Albert Camus. Un temps, la France entière évoqua ces terribles expériences. L’occasion pour les militants de la première heure de rappeler que la grande majorité des Algériens « musulmans » connaissaient des drames similaires.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui
 
Bibliographie

Cambodge, an I. Journal d’un témoin. Les Indes savantes, 2008. Vo Nguyen Giap. Une vie (entretiens, Hanoï, 1979-2008). Les Indes savantes, 2010. Y’a bon les colonies ? La France sarkozyste face à l’histoire coloniale, à l’identité nationale et à l’immigration. Le Temps des cerises, 2011. L’Humanité censuré 1954-1962, un quotidien dans la guerre d’Algérie. Le Cherche Midi, 2012. Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS. La Découverte, 2015.

Alain Ruscio dans l'Humanité du 22 février, entretien avec Rosa Moussaoui:  La force communiste fut à l’origine de la protestation anticolonialiste en France

Ci-dessous la fiche Maitron de la députée communiste du Finistère et journaliste de l'Humanité citée par Alain Ruscio dans son interview sur les communistes face au colonialisme. Merci à Jean-Paul Cam pour la transmission de la fiche Maitron de Marie Lambert.

LAMBERT Marie-Yvonne [née PERROT, Marie, puis épouse GOSNAT]

Par Christian Bougeard

Née le 26 octobre 1913 à Landerneau (Finistère), morte à Ivry-sur-Seine le 22 janvier 1981 ; secrétaire fédérale communiste du Finistère (1947-1949) ; députée PCF du Finistère (1948-1951).

Originaire de la petite ville de Landerneau (Finistère), Marie Perrot avait un grand-père qui avait participé, contre son gré, à l’écrasement de la Commune de Paris mais aurait exprimé de la sympathie pour les Communards. Il aimait porter les jours de fêtes un chemise rouge pour manifester ses opinions.
Marie Lambert avait interrompues ses études après le brevet. Elle acquit par la suite, , en autodidacte, une importante culture. Elle avait épousé jeune Henri Lambert , avec qui elle eut trois enfants : Jean-Paul en 1932 ( serge nt cassé pour refus d’être appelé en 1956), Henri en 1935 et Annie en 1944. Elle fut brièvement institutrice pendant la "drôle de guerre".
Son mari fut un résistant FN et FTP. Arrêté en Ille-et-Vilaine en décembre 1943, torturé et déporté. Sous l’Occupation, Marie Lambert participa aux actions de son époux ,diffusant tracts et journaux clandestins dans la région de Landerneau. Elle servit d’agent de liaison à Daniel Trellu, chef des FTP du Finistère et organisa des groupes de « femmes patriotes », malgré une grossesse. Pour son action, elle obtint la médaille de la Résistance et la Croix de guerre.

Ayant adhéré au PCF en 1943, ettant u rapport se geste et la licture avec la lecture de Lyssagaray et la lecture de son Histoire de la Commune., « la ménagère » Marie Lambert fut élue conseillère municipale de Landerneau en mai 1945 (réélue en 1947) dans la municipalité dirigée par l’ancien maire révoqué et ancien député (réélu en 1945), le socialiste Jean-Louis Rolland. Elle appartenait aussi en 1945 au bureau de l’UFF du Finistère. N’ayant pas été candidate en octobre 1945, Marie Lambert figurait en 4e position sur la liste communiste du Finistère aux élections à la seconde Assemblée Constituante le 2 juin 1946 qui recueillit 95 343 voix en moyenne (24,6%) et deux élus, les députés sortants Pierre Hervé et Gabriel Paul. Le 10 novembre 1946, elle était toujours 4e alors que le PCF obtenait 27,8% des voix et trois députés (Alain Signor *en plus). Mais la démission de Pierre Hervé, le 15 juin 1948, permit à Marie Lambert de lui succéder à l’Assemblée nationale en juillet. Inscrite à la commission de l’Agriculture, elle déposa plusieurs propositions de loi en faveur des ouvriers agricoles.

Auparavant, Marie Lambert était devenue une des principales dirigeantes du PCF. Elle entra au bureau fédéral élargi de 9 à 13 membres lors de la IXe conférence d’août 1946, devenant ensuite secrétaire fédérale, sans doute en 1947, lors du départ de l’instituteur Alain Cariou. En 1948 et au début 1949, Marie Lambert assura de manière transitoire la fonction de première secrétaire fédérale du Finistère. Elle en fut écartée à la suite de la XIIe conférence fédérale de février 1949 présidée par Jeannette Vermeersch, et remplacée par Daniel Trellu. Elle fut critiquée pour n’avoir pas su diriger sa fédération, en perte de vitesse, et éviter les graves conflits qui divisaient la CGT, peut-être aussi parce qu’il lui était difficile d’assurer ses tâches de direction avec son mandat de députée. Les critiques portaient sur la trop grande importance accordée par la fédération à la question de la laïcité sous l’impulsion de Pierre Hervé. Au total, 24 membres de la direction fédérale sur une quarantaine furent remplacés. Cette véritable « purge » permit un durcissement et une stalinisation de la fédération avec son lot de critiques, d’autocritiques, d’exclusions (même temporaires) et de chasse aux « titistes » et aux « mous ». En 1951-1952, le bureau politique lui-même fut contraint de reprendre les choses en main.

En mars et avril 1950, une série de grèves très dures secoua le Finistère, provoquant une forte mobilisation syndicale et de solidarité. Le 14 avril, une manifestation des femmes de l’UFF à la mairie de Brest se transforma en affrontement avec la police : la députée Marie Lambert (tabassée gravement pendant la manifestation) et deux dirigeants communistes furent arrêtés. Le 17 avril 1950, une manifestation de protestation de 5 000 personnes fut vivement réprimée provoquant la mort de l’ouvrier communiste Édouard Mazé, le frère du conseiller municipal PCF Pierre Mazé. Alain Signor fut lui aussi arrêté et Jacques Duclos interpella le gouvernement sur ces arrestations considérées comme illégales, en violation de l’immunité parlementaire. Plusieurs milliers de personnes participèrent aux obsèques d’Édouard Mazé. Rapidement libérés, Marie Lambert et Alain Signor furent condamnés à cinq et à six moi s de prison avec sursis. Comme en 1935, la violence des affrontements avec les forces de l’ordre allait marquer durablement la mé moi re du mouvement ouvrier brestois.

Lors des élections législatives du 17 juin 1951, Marie Lambert , en 3e position sur la liste communiste qui obtint 20,9 % des suffrages ne fut pas réélue, le PCF ne conservant que les sièges d’Alain Signor et de Gabriel Paul. Il semble que l’ancienne députée communiste quitta rapidement le Finistère. De toute façon, en janvier 1953, elle ne figurait plus dans aucun organisme de la direction fédérale. On sait qu’elle devint journaliste à l’Humanité puis à France nouvelle et directrice de Femmes nouvelles, le journal de l’UFF, chargé de la culture, ce qui lui permit de connaître le principaux artistes communiste, notamment le couple Aragon-Triolet.. Le 8 novembre 1954, l’Humanité publia sous le titre "Des tortures dignes de la Gestapo", un reportage de Marie Perrot : "Les arrestations se poursuivent en Algérie et de nombreuses personnes à des sévices innommables dans les locaux de la police [...] la bastonnade, le lavage d’estomac à l’aide d’un tuyau enfonce dans la bouche et le courant électrique". Ces scènes lui rappelaient les tortures qu’avaient subies son premier mari en 1943. Elle participa en 1955 au premier voyage de journaliste au premier voyage de journalistes à Hanoi. Son statut de journaliste lui permit également de découvrir le Yougoslavie et laTunisie.

Marie Perrot, vécut avec Georges Gosnat à Saint-Ouen à partir de 1950. Elle l’épousa le 30 juillet 1970 (on trouve ailleurs le 30 décembre 1970) et habita avec lui à Ivry-sur-Seine. Georges Gosnat était député d’Ivry-sur-Seine et un des principaux responsables des finances du PCF. Elle décéda en 1981 dans ce bastion du communisme de la banlieue sud-est et fut enterrée au cimetière communal.

Pour citer cet article :

http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article89611, notice LAMBERT Marie-Yvonne [née PERROT, Marie, puis épouse GOSNAT] par Christian Bougeard, version mise en ligne le 8 octobre 2010, dernière modification le 23 décembre 2018.

Par Christian Bougeard

SOURCES : Arch. du comité national du PCF. Organigrammes des comités fédéraux du Finistère (1953-1968). — Arch. PPo., dossier Georges Gosnat. — Eugène Kerbaul, 1918-1945 : 1640 militants du Finistère, Bagnolet, 1988, notice Henri Lambert et Marie Perrot, p. 140 et 232-233. — Isabelle Picart, Le PCF à Brest de la Libération à la fin de la Quatrième République (1944-1958), maîtrise d’histoire, Université de Bretagne occidentale, Brest, 1989. — Le bande dessinée de Kris et Étinne Davodeau, Un homme est mort, Futuropolis, 2006. — Cédérom le Maitron. Notice Georges Gosnat par Jean Maitron et Claude Pennetier.

 

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22 février 2019 5 22 /02 /février /2019 21:03
L'homme du jour. Julien Lauprêtre, président du Secours Populaire: le flambeau de Manouchian (Audrey Loussouarn, L'Humanité, 22 février 2019)
L’homme du jour. Julien Lauprêtre Le flambeau de Manouchian
Vendredi, 22 Février, 2019

Soixante-quinze ans jour pour jour après l’exécution du groupe Manouchian au Mont-Valérien, le souvenir de ceux qu’il a côtoyés est encore vif pour Julien Lauprêtre, le président du Secours populaire français (SPF). À 16 ans, en 1942, celui-ci fonde avec deux copains une équipe de résistance. Ses actions le mèneront au 20 novembre 1943. Ce jour-là, il est cueilli par la police et enfermé dans une cellule, qu’il partage avec un homme. « J’avais seulement 17 ans. Quand il m’a regardé dans les yeux et m’a dit “je vais être fusillé mais toi, tu vas t’en sortir, il faudra continuer le combat”, ça a impacté ma vie. » Cet homme, c’était Missak Manouchian, mais il ne le saura que plus tard. Julien Lauprêtre se souvient d’un autre des membres de l’Affiche rouge, Thomas Elek, « un petit intellectuel, particulier dans le groupe » et fusillé à 19 ans. Il s’était engagé après s’être « fait insulter de “sale juif” au lycée », raconte le président du SPF, qui fait un parallèle avec les « attaques antisémites, racistes » qui surviennent encore aujourd’hui. Commémorer ceux qui ont « laissé leur peau pour la France » et leur « combat magnifique », c’est faire vivre ce « besoin de résister face à la haine de l’étranger ». Celui qui ne cesse d’alerter sur le « raz-de-marée de la misère » poursuit : « Ça me marque encore aujourd’hui. Au SPF, je m’efforce de mériter cette idée du dévouement. » Alors que « les attaques se multiplient sur la vie des Français », il s’agit, selon lui, de se rappeler « leur combat pour l’humanité ».

L'homme du jour. Julien Lauprêtre, président du Secours Populaire: le flambeau de Manouchian (Audrey Loussouarn, L'Humanité, 22 février 2019)
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21 février 2019 4 21 /02 /février /2019 18:13
Il y a 75 ans, le 21 février 1944, les nazis exécutent 23 francs-tireurs et partisans de la main d’œuvre immigrée

21 février 1944, les nazis exécutent 23 francs-tireurs et partisans de la main d’œuvre immigrée:

Celestino Alfonso, Espagnol, 27 ans
Olga Bancic, Roumaine, 32 ans (seule femme du groupe, décapitée en Allemagne le 10 mai 1944)
József Boczor, Hongrois, 38 ans, 
Georges Cloarec, Français, 20 ans
Rino Della Negra, Italien, 19 ans
Elek Tamás, Hongrois, 18 ans
Maurice Fingercwajg, Polonais, 19 ans
Spartaco Fontano, Italien, 22 ans
Jonas Geduldig, Polonais, 26 ans
Emeric Glasz, Hongrois, 42 ans
Léon Goldberg, Polonais, 19 ans
Szlama Grzywacz, Polonais, 34 ans
Stanislas Kubacki, Polonais, 36 ans
Cesare Luccarini, Italien, 22 ans
Missak Manouchian, Arménien, 37 ans
Armenak Arpen Manoukian, Arménien, 44 ans
Marcel Rajman, Polonais, 21 ans
Roger Rouxel, Français, 18 ans
Antoine Salvadori, Italien, 24 ans
Willy Schapiro, Polonais, 29 ans
Amédéo Usséglio, Italien, 32 ans
Wolf Wajsbrot, Polonais, 18 ans
Robert Witchitz, Français, 19 ans

" Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant » Il y a soixante-treize ans, le 21 février 1944, les nazis exécutaient au Mont-Valérien les héros de l'Affiche rouge".
" Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. On va être fusillé cet après-midi à 15 heures (...). Tout est confus en moi et bien clair en même temps. " Missak Manouchian.}
« Les avis placardés sur les murs prenaient, dans l'ombre, un ton blême. C'était l'hiver et déjà, dans le pré-verdict d'une guerre qui commençait à basculer sur le front de l'Est où les armées nazies craquaient sous la pression de l'armée soviétique, la France, elle, assommée par les " couvre-feux " et la répression, commençait à ne plus être la même. Chaque jour plus efficace, l'armée des ombres occupait ce pays occupé et préparait, de l'intérieur, ce débarquement qui, tôt ou tard, viendrait. Dans Paris, la tête de guingois et les yeux parfois révulsés, les passants regardaient, placardée sur les murs, la propagande s'exhiber. Notamment une. Tristement célèbre, glauque. Surtout la nuit, plus sombre encore qu'à la lumière. Sombre à jamais. Mais symbolique pour toujours. On l'appelait " l'Affiche rouge " et elle s'appellera toujours ainsi.
Pour les générations d'après-guerre}}, ils furent un poème d'Aragon, puis une chanson, quand Ferré y mit une musique. Pour les contemporains de la guerre, ils furent d'abord dix visages sur une affiche qui disait dans toute la France à la fin février 1944 : " Des libérateurs ? La libération par l'armée du crime ! " Dix jeunes hommes inconnus que le propagandiste en chef s'appliquait à montrer étrangers, juifs surtout, mais aussi espagnol ou italien, arménien comme leur chef, Manouchian, poète à ses heures. Tous communistes. Les nazis, ici, en quelque sorte, ne mentaient pas : car la Résistance armée à Paris et dans la région parisienne, c'était eux, pas seulement eux, étrangers et Français s'y côtoyaient, avec leurs camarades, et formaient un tiers des effectifs des Francs-tireurs et partisans de la main-d'ouvre immigrée. Eux disparus, massacrés, les FTP-MOI étaient en partie démantelés.
L'Affiche rouge n'en présentait que dix, mais le " tribunal militaire allemand ", jugeant pour la première fois des francs-tireurs en audience publique, les 17 et 18 février 1944, en avait condamné à mort vingt-trois. Vingt-deux furent exécutés au Mont-Valérien, le 21 février. À 15 heures. La vingt-troisième était une femme, la Roumaine Olga Bancic, et parce qu'elle était une femme elle n'eut pas les " honneurs " de l'exécution avec ses camarades, indigne de mourir avec eux debout face à la mitraille des bourreaux. Envoyée à Stuttgart, " jugée ", elle fut décapitée à la hache le 10 mai - jour de son anniversaire. La veille, elle avait été de nouveau torturée.
" Je ne suis qu'un soldat qui meurt pour la France. Je vous demande beaucoup de courage comme j'en ai moi-même : ma main ne tremble pas, je sais pourquoi je meurs et j'en suis très fier " Celestino Alfonso.
Torturés, bien sûr, ils l'avaient tous été. Plusieurs mois durant. Et sur cette Affiche rouge, c'est aussi cela que des Français lisaient dans leurs traits ravagés. La haine exprimée, on la retrouve aussi dans les propos du colonel allemand qui présidaient la cour martiale. Il justifiait ainsi les condamnations : " De quels milieux ces terroristes sont-ils issus ? Dans la plupart des cas, ce sont des juifs ou des communistes qui sont à la tête de ces organisations (...). Leur but étant l'avènement du bolchevisme international, le sort de la France et des Français ne les intéresse pas "
Qui étaient-ils vraiment, ces " étrangers, comme on les nomme encore ", " ces étrangers d'ici qui choisirent le feu ", comme l'écrivit Paul Eluard, ces " vingt et trois étrangers et nos frères pourtant ", comme les immortalisa Louis Aragon ? Ces héros appartenaient aux détachements de FTP d'immigrés de la région parisienne, dont la direction avait été confiée à Manouchian par la haut commandement des Francs-tireurs et partisans français depuis deux ans. Or, les " prouesses " de cette armée dépassaient infiniment celles que le réquisitoire avait découvertes. Sauf qu'ils n'avaient jamais travaillé en " groupe de vingt-trois ". Répartis en unités de trois ou cinq combattants, selon les méthodes générales édictées par les FTP, reliés à un seul supérieur hiérarchique, selon un cloisonnement strict exigé par les règles de sécurité de l'action clandestine. Sur certains points, les Allemands disaient juste : Joseph Boczov, ingénieur chimiste et ancien volontaire des Brigades internationales en Espagne, était bien le concepteur des techniques de déraillement ou destruction par explosif d'éléments stratégiques qui délabraient les convois SS. Et Spartaco Fontano était bien communiste : mais ils l'étaient tous. Notamment Missak (Michel) Manouchian, avant-guerre secrétaire du comité de secours pour l'Arménie soviétique, rédacteur en chef du journal Zangou destiné aux immigrés de son pays. Les " juges " ignoraient que le jeune Thomas Elek avait, aussi, incendié seul et en plein jour une librairie allemande, boulevard Saint-Michel. Ils ne savaient pas non plus que Alfonso, Fontano et Marcel Rayman étaient les auteurs de l'attentat ayant pulvérisé, le 28 juillet 1943, la voiture bourrée d'officiers supérieurs du commandant du " Gross Paris ".
" Que veux-tu que je te dise, ma chérie ; il faut bien mourir un jour. Je t'ai beaucoup aimée, mais il ne faut pas pour cela oublier que ta vie continue, à toi (...). La vie sera meilleure pour vous " Léon Goldberg.
Qui étaient-ils ? Des " étrangers " qui, lorsque leur patrie avait été ravagée et meurtrie par les ennemis de la liberté et de la dignité humaine, étaient venus en France, auréolée du prestige des Lumières, de la Révolution et de la Déclaration des droits de l'homme. Un refuge. Une lucarne dans la nuit du fascisme triomphant, croyaient-ils. Dans les années trente, environ trois millions de travailleurs immigrés rejoignent la France, chassés par la misère et/ou par la répression raciale et politique. Il importe d'autant plus d'organiser leur défense, d'appeler à la solidarité, que des campagnes xénophobes se développent, accusant les étrangers d'être responsables du chômage. À son 3e Congrès, en janvier 1924, le Parti communiste français appelle à " organiser politiquement et syndicalement les masses de travailleurs de langue étrangère. Politiquement, les prolétaires immigrés doivent être organisés en groupe de langue étrangère ". Il sera précisé deux années plus tard que les immigrés s'organisent essentiellement sur leurs lieux de travail, dans les entreprises, sans distinction de nationalité, tout en participant à ces groupes de langue rassemblés en une commission centrale de main-d'œuvre étrangère (MOE) qui deviendra rapidement la célèbre MOI (Main-d'œuvre immigrée).
{{Dès le début de la guerre, ceux-ci s'engagent}} dans le combat. Sans restriction. Cent trente-deux mille se portent volontaires et des dizaines de milliers se battent dans les Ardennes, sur la Somme, sur la Loire. Parmi eux, un grand nombre ont déjà participé aux Brigades internationales en Espagne : on les retrouvera dans les premiers groupes clandestins formés par le Parti communiste. Le sang-froid de ces hommes, exceptionnel(s), recouvrait une disponibilité de cour non moins remarquable. Implacables face à l'ennemi en uniforme et non contre le peuple allemand, le récit de quelques-uns de leurs faits d'arme démontre combien ils étaient " économes " en vies humaines. Et avaient une conscience sociale affirmée. L'Espagnol Celestino Alfonso, ancien lieutenant de l'armée républicaine de son pays, déclara : " J'estime que tout ouvrier conscient doit, où qu'il soit, défendre sa classe. " Les rafles antisémites vont également faire affluer dans leurs rangs de jeunes communistes juifs déterminés, dont les familles ont été décimées ou le seront.
" Excuse-moi de ne pas t'écrire plus longuement, mais nous sommes tous tellement joyeux que cela m'est impossible quand je pense à la peine que tu ressens (...). Ton Marcel qui t'adore et qui pensera à toi à la dernière minute "Marcel Rayman ».
Au cours de l'année 1943, les actions des résistants se multiplient. Les polices allemandes, aidées par les services de Vichy, la Milice, unissent leurs efforts pour les traquer. Le président de la cour martiale, à propos du groupe Manouchian, affirma d'ailleurs : " Les services de surveillance allemands ont fait un travail admirable. C'est un grand succès d'avoir mis hors d'état de nuire un groupe particulièrement dangereux. " " Il faut dire aussi que la police française a fait preuve d'un grand dévouement ", ajouta-t-il, avant de rendre hommage à Joseph Darnand, " particulièrement résolu à combattre aux côtés des Allemands ", ainsi qu'à ses miliciens.
On le sait mieux aujourd'hui, l'arrestation des FTP-MOI de la région parisienne fut le fait, notamment, des inspecteurs des Renseignements généraux (une centaine sont sur le " coup " en permanence), fer de lance avant-guerre de la lutte anticommuniste. On comprend mieux les ressorts et la mécanique de la traque, laissant des hommes en liberté ici, pour mieux les " loger " ensuite, en arrêtant immédiatement d'autres là, pour couper des réseaux déjà identifiés, désignant les Résistants, dans les rapports, sous le nom de la rue ou de la station de métro où ils furent aperçus la première fois. Ainsi, Manouchian est " Bourg ", Epstein est " Meriel ". Boczov, lui, chef du réseau de sabotage, devient " Ivry ".
Pour la police française, ils deviennent l'un des objectifs primordiaux. De proche en proche, en s'intéressant d'abord aux organisations étrangères non armées, par un tissu de patientes filatures ensuite, enfin par le chantage et la torture, la " police " sera en mesure de mettre la main sur la quasi-totalité du réseau.
Le 16 novembre, le groupe et celui qui en a pris}} la tête, Manouchian, sont arrêtés. Sur les 35 personnes " repérées ", cinq seulement pourront s'échapper. Après Epstein, 40 résistants sont arrêtés, dont 29 seront fusillés. Chef de tous les FTP de la région, Joseph Epstein, le célèbre " colonel Gilles ", sera torturé et ne livrera à ses bourreaux pas même son nom ! .
" Jusqu'au dernier moment, je me conduirai... comme il convient à un ouvrier juif. Je vais mourir, mais ne m'oublie jamais et, quand tu en auras la possibilité, si quelqu'un de ma famille vit encore, raconte-lui " Szlomo Grzywacz.
Ils furent dix visages montrés sur une affiche... Puis, comme s'il voulait contrer un antisémitisme stalinien d'après-guerre qui, parfois, pesa sur la reconnaissance du rôle de la FTP-MOI, Aragon mit des mots sur ces visages, pour l'éternité... Puis cette poésie devint chanson... Mais en 1985, une sinistre polémique visait à démontrer que le réseau fut livré par le Parti communiste lui-même, " sacrifiant des troupes devenues encombrantes ". Ignoble tentative, qu'on croyait enterrée. Erreur. Cette semaine, sur Arte, sans débat ni information préalable aux téléspectateurs, le documentaire Des terroristes à la retraite, certes dans une version raccourcie de 12 minutes, a été rediffusé. Il comporte des témoignages émouvants et précieux de résistants survivants, immigrés et juifs, mais il se livre, une nouvelle fois, à une manipulation historique. On connaît la thèse : Philippe Ganier Raymond et l'historien Stéphane Courtois avancent l'idée selon laquelle la direction clandestine du Parti communiste aurait abandonné, voire sacrifié les 23. Voilà l'" hommage " de la télévision aux soixantième anniversaire d'un engagement jusqu'au sang versé, pour la liberté de la France !.
Interrogé par le regretté Philippe Rochette, dans Libération du 21 février 1994, Denis Peschanski analysait : " Je vois quelques raisons au démantèlement. D'abord, les énormes moyens déployés par la police française. Il y a ensuite l'imprudence de jeunes gens : le fait par exemple de déjeuner tous les jours au même endroit, qui permet, après l'échec d'une filature, de retrouver les gens le lendemain à midi. Puis le fait d'avoir fait parler un responsable va permettre de mettre des noms sur un organigramme déjà largement reconstitué. Les FTP-MOI étaient des militants conscients, qui auraient pu se mettre au vert s'ils l'avaient désiré. " Car au printemps 1944, effectivement, d'autres réseaux tombent en France, à Nantes, à Bordeaux. Partout la Milice, qui sent la guerre " tourner " sur le front de l'Est et s'attend au débarquement, flingue à tout va. Des fusillés parmi d'autres, dont plus de 1 000 au Mont-Valérien, auxquels le plasticien Pascal Convert a rendu leurs noms sur une ouvre, une cloche de bronze, exposée dans la clairière, comme le souhaitait Robert Badinter. L'artiste en a tiré un documentaire, Mont-Valérien, aux noms des fusillés, diffusé sur la chaîne Histoire mais que certains ont voulu faire déprogrammer. Ce film est une merveille. Et on ne le montre pas sur une chaîne hertzienne...
" Je t'écris une première et dernière lettre qui n'est pas très gaie : je t'annonce ma condamnation à mort et mon exécution pour cet après-midi à 15 heures, avec plusieurs de mes camarades (...). Je meurs courageusement et en patriote pour mon pays (...). Je te souhaite d'être heureuse, car tu le mérites ; choisis un homme bon, honnête et qui saura te rendre heureuse (...). Vive la France ! " Roger Rouxelle (*).
Février 1944. Face à la mort, par-delà le néant et le temps, le groupe Manouchian tombe mais sa signature, dans le sang, scelle une invulnérable idée de la France. L'Affiche rouge nazie tente de semer la division en appelant au racisme et à la xénophobie. L'inverse se produit. Des inscriptions anonymes fleurissent : " Morts pour la France ". Leur massacre n'arrête pas les combats. Des compagnies poursuivent leur activité en région parisienne et plusieurs milliers de combattants seront sur les barricades du mois d'août, poursuivant jusqu'à la Libération l'ouvre entreprise par les martyrs du Mont-Valérien - et de partout. »
Jean-Emmanuel Ducoin.

Le 21 février 1944, Missak Manouchian et 22 membres de son groupe de FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans - Main d'œuvre immigrée) étaient fusillés par les nazis au Mont-Valérien.

Missak Manouchian

Résistant mort pour la France

Orphelin du génocide arménien, ouvrier et poète, cofondateur de revues littéraires, le futur symbole de la lutte armée contre l'occupant n'avait aucun goût pour les armes.

Figure emblématique de la résistance française, Missak Manouchian était un rescapé du génocide de 1915. Ce fils de paysans né en 1906 à Adiyaman, dans l'Empire ottoman, a 9 ans quand son père est assassiné par les soldats turcs. Sa mère échappe au massacre et parvient à cacher ses deux fils, mais les villages arméniens sont isolés par l'armée. Elle meurt de la famine provoquée par l'armée turque.

Missak et son frère Karabet sont recueillis par des paysans kurdes qui les abritent jusqu'à la fin de la guerre. En 1918, la communauté arménienne organise la récupération des enfants rescapés depuis la Syrie, placée sous contrôle français. Les frères Manouchian sont accueillis dans un orphelinat de Jounieh, au Liban, où Missak apprend le métier de menuisier tout en étudiant la littérature arménienne.

Les deux frères débarquent à Marseille en 1925. Ils vivent d'abord à la Seyne-sur-Mer, près de Toulon, où Missak gagne péniblement sa vie comme menuisier. Karabet tombe malade, en un temps où il n'existe aucune forme de protection sociale. Ils décident alors de monter à Paris, où Missak trouve un emploi d'ouvrier tourneur chez Citröen. Mais la maladie emporte Karabet en 1927. Seul à Paris, Missak Manouchian fréquente la communauté arménienne, s'intéressant plus à l'activité culturelle qu'à la politique. Il s'inscrit à la Sorbonne en auditeur libre et se passionne pour la poésie française, en cette époque d'effervescence poétique marquée par le surréalisme. Il écrit articles et poèmes et participe à la fondation de deux revues littéraires arméniennes.

Les conséquences de la crise de 1929 provoquent une vague de licenciements chez Citröen, et Manouchian se retrouve au chômage au début des années 1930. Il vit de petits métiers dont celui de modèle pour un sculpteur. Hitler s'empare du pouvoir en Allemagne et Missak ne peut être indifférent à la violence qui s'exprime tant dans les discours du Fürher que dans les manifestations des foules fanatisées. Quand cette violence gagne Paris, quand les ligues fascistes marchent sur le Palais Bourbon, le 6 février 1934, il veut agir.

Il adhère au Parti Communiste, répondant à l'appel à l'unité d'action contre le fascisme. Cette date d'adhésion n'est pas sans signification. Manouchian ne semblait jusque-là guère porté sur le mode d'organisation quasi militaire et moins encore sur le sectarisme bolchevik.

Mais en 1934, le PCF tire les leçons de la tragédie allemande : il veut rompre l'isolement et construire un front unique contre le fascisme. Missak Manouchian devient communiste pour conjurer la répétition du génocide, sur d'autres, clairement désignés par les discours exterminateurs d'Adolf Hitler. Pour le PCF, ce n'est pas une recrue ordinaire. Sa participation aux revues arméniennes lui vaut une certaine notoriété dans la communauté. Il est donc tout désigné pour animer le Comité de secours des Arméniens (HOC, suivant la formulation arménienne) qui collecte des fonds pour aider la République soviétique d'Arménie.

Un révolutionnaire professionnel

Au HOC, Missak rencontre une militante du comité de Belleville, Mélinée Assadourian, qui devient sa compagne en 1937. Manouchian devient ce que que l'on nomme, dans le langage du parti, un révolutionnaire professionnel, rédacteur en chef de Zangou , organe du HOC, membre actif du comité de soutien à l'Espagne républicaine. Comme tous ceux qui ont rejoint le PCF pour combattre le nazisme, il vivra douloureusement la période du pacte germano-soviétique. Comble d'horreur, il est arrêté en 1939 pour son rôle d'animateur d'une organisation liée à l'URSS ou, plus exactement, à l'Arménie soviétique. Il ne tarde pas à prouver qu'il ne se trompe pas d'ennemi.

Libéré, il s'engage dans l'armée française ; son régiment, cantonné en Bretagne, ne participera jamais aux combats de 1940. Revenu à Paris, il reprend contact avec le parti, ce qui lui vaut d'être de nouveau arrêté, en juin 1941, lorsque l'Allemagne lance son offensive contre l'URSS. Le PC demande à Mélinée de lui transmettre en prison l'ordre de signer un engagement à n'entreprendre aucune action contre les troupes d'occupation allemandes. Il signe, en sachant que ce reniement sera de pure forme.

Libéré, il passe cependant par une période d'observation. Il survit grâce à l'aide d'un couple d'amis de la famille de Mélinée, Micha et Knar Aznavourian, les parents de Charles Aznavour. Lorsqu'ils sont convaincus de sa droiture, les dirigeants du Groupe de Main-d'Oeuvre immigrée (MOI) du PC confient à Missak Manouchian la direction de la section arménienne.

De la fin 1941 au début 1943, l'objectif est de rallier la communauté arménienne à la cause de l'URSS, alors que la Wermacht avance dans le Caucase et menace la République soviétique d'Arménie.

Le PC a engagé la lutte armée dans Paris, mais les premiers groupes tombent rapidement. Vingt-cinq militants communistes sont condamnés à mort et fusillés en avril 1942. Le PC décide alors d'armer des groupes d'étrangers et la MOI demande à Missak Manouchian de participer à l'action armée en février 1943. Le voici responsable militaire de combattants Francs-tireurs et partisans (FTP), lui qui n'avait aucun goût pour les armes. Ses compagnons sont très jeunes : Marcel Rayman, 20 ans, Thomas Elek, 19 ans...

A 37 ans, il ferait figure de doyen s'il n'avait à ses côtés Imre Glasz, 42 ans, et Armenak Manoukian, 44 ans. Le plus jeune, Wolf Wajsbrot, n'a pas 18 ans. Les jeunesses communistes, menées par Henri Krazucki, 15 ans, apportent un soutien logistique. Ce détachement FTP parvient à terroriser les Allemands pendant plusieurs mois. Des bombes explosent dans les cinémas et les cafés réservés aux soldats allemands. Le groupe abat Julius Richter, général nazi chargé, en France, du recrutement des ouvriers pour les usines allemandes, le fameux STO.

Mais la police française prouve son efficacité à ses maîtres allemands. Missak Manouchian tombe en novembre 1943, alors qu'il se rend à Evry-Petit-Bourg pour rencontrer Joseph Epstein, chef des FTP d'Ile-de-France. L'occupant nazi fera un symbole de son groupe, placardant partout la fameuse Affiche rouge, dénonçant la Résistance comme une « armée du crime » composée d'étrangers. Cette affiche fera entrer Manouchian et ses compagnons dans l'histoire, onze ans plus tard, lorsque Mélinée apportera à Aragon la dernière lettre écrite par Missak, avant d'être fusillé, le 21 février 1944 au mont Valérien.

Guy Konopnicki

(Marianne, Hors série d'avril 2015 : Les Arméniens, une histoire française)

La dernière lettre de Missak Manouchian à sa femme Mélinée

21 février 1944, Fresnes

Ma chère Mélinée, ma petite-orpheline bien-aimée,

Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. On va être fusillé cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais, pourtant, je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m'étais engagé dans l'armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la liberté et de la paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous ! J'ai un regret profond de ne pas t'avoir rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté. Marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi et à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre, tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération. Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes biens chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu.

Ton ami, ton camarade, ton mari.

Manouchian Michel.

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21 février 2019 4 21 /02 /février /2019 18:09
Message de Robert Meeropol, fils cadet d'Ethel et Julius Rosenberg, en soutien au journal l’Humanité
Message de Robert Meeropol, fils cadet d'Ethel et Julius Rosenberg, en soutien au journal l’Humanité

Chers amis et camarades,

Je vous écris pour vous demander de continuer à publier l'Humanité.  En tant que l'un des deux fils d'Ethel et Julius Rosenberg, je peux personnellement attester qu'il s'agit d'un atout très précieux pour la gauche, et que ce serait une perte tragique s'il devait cesser sa publication.

Lorsque mon frère et moi avons visité la France dans les années 1970, lorsque nous avons commencé nos efforts pour rouvrir le dossier de nos parents, on m'a présenté un volume relié de toutes les couvertures de l'Humanité sur le cas de mes parents en 1952-1953. Je doute qu'aucun autre journal au monde n'ait eu une telle couverture médiatique.

Ce grand livre relié n'est pas seulement un trésor d'informations personnelles pour moi, c'est aussi un registre physique des événements dont les générations futures pourront s'inspirer.  C'est pourquoi je l'ai conservé pendant des décennies et l'ai récemment donné à la plus grande archive de documents relatifs à l'affaire Rosenberg aux États-Unis, à l'Université de Boston.  Cette riche ressource permettra aux chercheurs, aux étudiants et aux militants de tirer les leçons de la répression anticommuniste aux États-Unis.  Il n'y a pas de couverture radiophonique et télévisuelle de ce genre, le seul média non physique disponible à l'époque. Un journal physique occupe une position unique qui ne peut pas être égalée par toutes les nouvelles en ligne d'aujourd'hui.

J'ai trouvé ce dossier particulièrement précieux lorsque je me suis impliqué dans l'organisation contre l'exécution de Mumia Abu-Jamal, le premier prisonnier politique à être condamné à mort aux États-Unis depuis mes parents. La couverture en profondeur par l'Humanité de son cas a été un énorme avantage pour nos efforts, et le dossier physique de sa couverture du cas de mes parents a fourni une leçon importante de ce qui aurait pu arriver à Mumia si nous n'avions pas maximisé nos efforts en son nom.

S'il n'y avait pas eu l'Humanité au moment de l'affaire de mes parents et au moment où Mumia a été condamné à mort, le cri qui a failli sauver mes parents et a sauvé Mumia n'aurait pas été aussi fort.  Je crois que la solidarité internationale a sauvé la vie de Mumia et que le peuple français et l'Humanité étaient au cœur de ce mouvement.

Les luttes d'aujourd'hui peuvent être organisées très rapidement avec les réseaux en ligne, mais nous avons encore besoin de journaux physiques pour fournir une profondeur et un dossier permanent dont les générations actuelles et futures pourront s'inspirer.  Ainsi, bien que j'aie un intérêt personnel dans la publication continue de l'Humanité, sa continuation est essentielle pour soutenir la politique de gauche en France et au-delà.

Je viens de lire ceci à mon frère, Michael, et il est d'accord avec tout ce que j'ai écrit.

Merci de votre considération et de votre soutien tout au long de ces décennies.

20 février 2019

 

 

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19 février 2019 2 19 /02 /février /2019 14:35

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16 février 2019 6 16 /02 /février /2019 06:14

 

Rappel de quelques éléments souvent oubliés sur l’exode vers la frontière française de plus de 450.000 Républicains espagnols, vaincus par le fascisme, mais pas détruits.

Au milieu des célébrations, commémorations (nombreuses) d’une défaite : la « Retirada », il convient de souligner que cette victoire du fascisme en Espagne fut délibérément organisée par une sorte de « front antirépublicain » très large. Pour ce front, non désigné comme tel, l’ennemi reste les communistes, l’URSS, les révolutionnaires et la « révolution sociale »... que l’URSS ne souhait pas en Espagne.

 

La fin des années 1930, très convulsive, produit en Europe une sorte de climat de psychose, notamment anti-étrangers. Georges Bonnet, ministre français des Affaires Etrangères du gouvernement du « radical » Daladier, collabore à Paris ouvertement avec le représentant de Franco, Quiñones de León, avant même la fin du conflit... Le gouvernement français se précipite d’ailleurs pour reconnaître le « gouvernement putschiste de Burgos » et son chef, Franco, le 27 février 1939 (Accords Bérard-Jordana), avec l’Angleterre, et bloquera en France notamment le dernier envoi d’armes soviétiques aux Républicains espagnols. Daladier « offrira » à Franco l’or de la République, déposé à Mont-de-Marsan, qu’il avait précédemment refusé aux gouvernements républicains pourtant légitimes.

 

Et si toute cette Guerre, suivie de la Deuxième mondiale, ne fut « qu’une immense erreur d’intentions et de réalités » ? s’interrogeait le journaliste espagnol Eduardo Haro Tecglen. Une lettre de Roosevelt du 8 novembre 1942 s’adresse à Franco en ces termes : « L’Espagne n’a rien à craindre des Etats-Unis, mon Général, je suis votre ami sincère ».

 

Winston Churchill, quant à lui, avait pris les devants, en déclarant le 14 août 1938 au journal « La Nation » de Buenos Aires  : « Franco a entièrement raison, parce qu’il aime sa patrie. Franco défend en outre l’Europe du péril communiste. (...) Mais je préfère le triomphe des autres, parce que Franco peut être un bouleversement, ou une menace pour les intérêts britanniques, alors que les autres non ». Et Franco admirait beaucoup Churchill... Sans compter qu’une haine viscérale de l’URSS rapprochait la plupart des protagonistes.

 

Le 6 janvier 1938, Juan Negrín, chef socialiste du dernier gouvernement républicain, adressa un télégramme à Roosevelt, dans lequel il écrivait : « L’histoire sera inexorable envers tous les hommes d’Etat qui ont fermé les yeux face aux évidences ». La guerre d’Espagne, c’est l’histoire de classes, d’une « trahison ». La République s’était attaquée, timidement, aux inégalités structurelles de l’Espagne, aux déséquilibres, aux injustices d’un système de classe aux relents féodaux.

 

La fin de la Guerre Espagne sous forme de coup d’Etat (le 5 mars 1939) contre le dernier gouvernement républicain, présidé par Juan Negrín, considéré aujourd’hui par de nombreux historiens comme un homme d’Etat particulièrement avisé, et la plus fantasmée que réelle « hégémonie communiste » précipitèrent la défaite totale, le chaos, et rendirent impossible l’évacuation de milliers de Républicains qui continuaient le combat dans la « poche » de la zone centre (Valence, Alicante, etc.). Negrín, après avoir passé la frontière française fin janvier, comme tous, était retourné en Espagne, dans la zone centrale, pour tenter d’éviter le pire, et sauver le plus grand nombre de vies. Des milliers d’hommes et de femmes y refusaient encore d’admettre la défaite. Cela s’avéra impossible ; les bateaux français et anglais, les « bateaux de la liberté », restèrent, en France comme en Angleterre, à quai, ou bien encore au loin, au large.

 

Les promoteurs de ce coup d’Etat de la « junte » du Colonel Sigismundo Casado pensaient obtenir de Franco une « paix des braves », notamment en donnant comme gage l’emprisonnement à Madrid des dizaines de communistes. Franco exigea de Casado, et des autres, une « reddition inconditionnelle ».

 

Le 10 janvier 1939, le ministre de Negrín, Alvarez del Vayo, à la tribune de la Société des Nations, déclarait, s’adressant aux Anglais, aux Français, aux Américains : « Le jour viendra où vous vous souviendrez de nos avertissements, et vous comprendrez... »

 

Il faut rappeler que la « Retirada », le 28 janvier 1939, ne fut pas la fin de la guerre. Franco proclama pompeusement sa « victoire » le premier avril 1939. Ce dernier reçut un télégramme du Pape Pie XII : « Nous adressons nos sincères remerciements à Votre Excellence pour la victoire de l’Espagne catholique ».

 

La répression franquiste qui marqua la Guerre d’Espagne fut organisée, méthodiquement planifiée, avec l’appui des autorités civiles et militaires, de la Guardia civil et avec la bénédiction active de l’Eglise. Franco voulait l’anéantissement de toute opposition, l’écrasement définitif du prolétariat espagnol des campagnes et des villes. Il fallait donc « nettoyer, purifier le pays », des expressions que l’on retrouve aujourd’hui dans la bouche de Bolsonaro.

 

Les Républicains espagnols réfugiés en France seront placés par le « pays des Droits de l’Homme » au cœur des processus d’exclusion et de répression de la Troisième République, et au cœur du Statut « d’indésirables » (à partir du printemps 1938, de nombreuses lois, décrets, sont imprégnés de l’esprit sécuritaire, raciste et xénophobe, anti-classe ouvrière). Un esprit de « Croisade », de « guerre froide » (qui pourtant ne commencera officiellement qu’en 1948) soufflait également sur une partie de la France ; les classes dominantes voulaient une revanche, en France comme en Espagne, sur les Fronts populaires.

 

Pour les antifascistes espagnols exilés en France, dont 10% environ d’entre eux résistèrent, il s’agissait pour eux d’un même combat antifasciste, et leurs guerrilleros furent parmi les premiers à prendre les armes, à verser leur sang, contre le fascisme, essentiellement par internationalisme.

 

Nous rappelons tous ces faits, parce que la Guerre d’Espagne est souvent l’objet d’une insupportable réécriture. Les commémorations ne sauraient se limiter à de l’émotionnel ; il convient de leur donner le contenu politique qu’elles méritent, et exigent.

 

 

 

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10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 16:14
COMMUNIST'Art: Fernand Léger

Fernand Léger

Il voit le jour à Argentan, en 1881 et décède en région parisienne à Gif-sur-Yvette en 1955. Mauvais élève, il quitte très tôt la Normandie, dès l’âge de 19 ans, pour rejoindre Paris et s’installe à Montparnasse, dans le quartier des peintres. Nous sommes alors en 1900. Il y rencontre Picasso, y côtoie Chagall, Modigliani, Apollinaire. Le succès arrivera rapidement. Le monde entier lui tendra bientôt les bras. On le classe parmi les cubistes mais son œuvre est si singulière, si personnelle, si graphique que le terme de tubiste lui est alors attribué. Léger était un artiste protéiforme. Il avait tous les talents ! Peintre, illustrateur, décorateur, costumier, vitrailliste. Parmi ses amis les plus fidèles, citons, Blaise Cendrars, Louis Aragon et Jacques Prévert mais aussi Paul Éluard. Il adhère au Parti communiste français en 1945 et restera membre du parti jusqu’à la fin de sa vie. « C’était un homme d’une très grande gentillesse, d’un naturel et d’une bonté parfaite » dira de lui Daniel-Henry Kahnweiler, son marchand d’art et principal soutien des cubistes. Entre autre anecdote, il donnera des cours de peinture à un jeune peintre méconnu dont le nom n’est autre que Serge Gainsbourg.  

 

Hector Calchas

 

La partie de cartes – Les constructeurs – Le réveil-matin – La couseuse.

 

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