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21 février 2019 4 21 /02 /février /2019 18:09
Message de Robert Meeropol, fils cadet d'Ethel et Julius Rosenberg, en soutien au journal l’Humanité
Message de Robert Meeropol, fils cadet d'Ethel et Julius Rosenberg, en soutien au journal l’Humanité

Chers amis et camarades,

Je vous écris pour vous demander de continuer à publier l'Humanité.  En tant que l'un des deux fils d'Ethel et Julius Rosenberg, je peux personnellement attester qu'il s'agit d'un atout très précieux pour la gauche, et que ce serait une perte tragique s'il devait cesser sa publication.

Lorsque mon frère et moi avons visité la France dans les années 1970, lorsque nous avons commencé nos efforts pour rouvrir le dossier de nos parents, on m'a présenté un volume relié de toutes les couvertures de l'Humanité sur le cas de mes parents en 1952-1953. Je doute qu'aucun autre journal au monde n'ait eu une telle couverture médiatique.

Ce grand livre relié n'est pas seulement un trésor d'informations personnelles pour moi, c'est aussi un registre physique des événements dont les générations futures pourront s'inspirer.  C'est pourquoi je l'ai conservé pendant des décennies et l'ai récemment donné à la plus grande archive de documents relatifs à l'affaire Rosenberg aux États-Unis, à l'Université de Boston.  Cette riche ressource permettra aux chercheurs, aux étudiants et aux militants de tirer les leçons de la répression anticommuniste aux États-Unis.  Il n'y a pas de couverture radiophonique et télévisuelle de ce genre, le seul média non physique disponible à l'époque. Un journal physique occupe une position unique qui ne peut pas être égalée par toutes les nouvelles en ligne d'aujourd'hui.

J'ai trouvé ce dossier particulièrement précieux lorsque je me suis impliqué dans l'organisation contre l'exécution de Mumia Abu-Jamal, le premier prisonnier politique à être condamné à mort aux États-Unis depuis mes parents. La couverture en profondeur par l'Humanité de son cas a été un énorme avantage pour nos efforts, et le dossier physique de sa couverture du cas de mes parents a fourni une leçon importante de ce qui aurait pu arriver à Mumia si nous n'avions pas maximisé nos efforts en son nom.

S'il n'y avait pas eu l'Humanité au moment de l'affaire de mes parents et au moment où Mumia a été condamné à mort, le cri qui a failli sauver mes parents et a sauvé Mumia n'aurait pas été aussi fort.  Je crois que la solidarité internationale a sauvé la vie de Mumia et que le peuple français et l'Humanité étaient au cœur de ce mouvement.

Les luttes d'aujourd'hui peuvent être organisées très rapidement avec les réseaux en ligne, mais nous avons encore besoin de journaux physiques pour fournir une profondeur et un dossier permanent dont les générations actuelles et futures pourront s'inspirer.  Ainsi, bien que j'aie un intérêt personnel dans la publication continue de l'Humanité, sa continuation est essentielle pour soutenir la politique de gauche en France et au-delà.

Je viens de lire ceci à mon frère, Michael, et il est d'accord avec tout ce que j'ai écrit.

Merci de votre considération et de votre soutien tout au long de ces décennies.

20 février 2019

 

 

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19 février 2019 2 19 /02 /février /2019 14:35

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16 février 2019 6 16 /02 /février /2019 06:14

 

Rappel de quelques éléments souvent oubliés sur l’exode vers la frontière française de plus de 450.000 Républicains espagnols, vaincus par le fascisme, mais pas détruits.

Au milieu des célébrations, commémorations (nombreuses) d’une défaite : la « Retirada », il convient de souligner que cette victoire du fascisme en Espagne fut délibérément organisée par une sorte de « front antirépublicain » très large. Pour ce front, non désigné comme tel, l’ennemi reste les communistes, l’URSS, les révolutionnaires et la « révolution sociale »... que l’URSS ne souhait pas en Espagne.

 

La fin des années 1930, très convulsive, produit en Europe une sorte de climat de psychose, notamment anti-étrangers. Georges Bonnet, ministre français des Affaires Etrangères du gouvernement du « radical » Daladier, collabore à Paris ouvertement avec le représentant de Franco, Quiñones de León, avant même la fin du conflit... Le gouvernement français se précipite d’ailleurs pour reconnaître le « gouvernement putschiste de Burgos » et son chef, Franco, le 27 février 1939 (Accords Bérard-Jordana), avec l’Angleterre, et bloquera en France notamment le dernier envoi d’armes soviétiques aux Républicains espagnols. Daladier « offrira » à Franco l’or de la République, déposé à Mont-de-Marsan, qu’il avait précédemment refusé aux gouvernements républicains pourtant légitimes.

 

Et si toute cette Guerre, suivie de la Deuxième mondiale, ne fut « qu’une immense erreur d’intentions et de réalités » ? s’interrogeait le journaliste espagnol Eduardo Haro Tecglen. Une lettre de Roosevelt du 8 novembre 1942 s’adresse à Franco en ces termes : « L’Espagne n’a rien à craindre des Etats-Unis, mon Général, je suis votre ami sincère ».

 

Winston Churchill, quant à lui, avait pris les devants, en déclarant le 14 août 1938 au journal « La Nation » de Buenos Aires  : « Franco a entièrement raison, parce qu’il aime sa patrie. Franco défend en outre l’Europe du péril communiste. (...) Mais je préfère le triomphe des autres, parce que Franco peut être un bouleversement, ou une menace pour les intérêts britanniques, alors que les autres non ». Et Franco admirait beaucoup Churchill... Sans compter qu’une haine viscérale de l’URSS rapprochait la plupart des protagonistes.

 

Le 6 janvier 1938, Juan Negrín, chef socialiste du dernier gouvernement républicain, adressa un télégramme à Roosevelt, dans lequel il écrivait : « L’histoire sera inexorable envers tous les hommes d’Etat qui ont fermé les yeux face aux évidences ». La guerre d’Espagne, c’est l’histoire de classes, d’une « trahison ». La République s’était attaquée, timidement, aux inégalités structurelles de l’Espagne, aux déséquilibres, aux injustices d’un système de classe aux relents féodaux.

 

La fin de la Guerre Espagne sous forme de coup d’Etat (le 5 mars 1939) contre le dernier gouvernement républicain, présidé par Juan Negrín, considéré aujourd’hui par de nombreux historiens comme un homme d’Etat particulièrement avisé, et la plus fantasmée que réelle « hégémonie communiste » précipitèrent la défaite totale, le chaos, et rendirent impossible l’évacuation de milliers de Républicains qui continuaient le combat dans la « poche » de la zone centre (Valence, Alicante, etc.). Negrín, après avoir passé la frontière française fin janvier, comme tous, était retourné en Espagne, dans la zone centrale, pour tenter d’éviter le pire, et sauver le plus grand nombre de vies. Des milliers d’hommes et de femmes y refusaient encore d’admettre la défaite. Cela s’avéra impossible ; les bateaux français et anglais, les « bateaux de la liberté », restèrent, en France comme en Angleterre, à quai, ou bien encore au loin, au large.

 

Les promoteurs de ce coup d’Etat de la « junte » du Colonel Sigismundo Casado pensaient obtenir de Franco une « paix des braves », notamment en donnant comme gage l’emprisonnement à Madrid des dizaines de communistes. Franco exigea de Casado, et des autres, une « reddition inconditionnelle ».

 

Le 10 janvier 1939, le ministre de Negrín, Alvarez del Vayo, à la tribune de la Société des Nations, déclarait, s’adressant aux Anglais, aux Français, aux Américains : « Le jour viendra où vous vous souviendrez de nos avertissements, et vous comprendrez... »

 

Il faut rappeler que la « Retirada », le 28 janvier 1939, ne fut pas la fin de la guerre. Franco proclama pompeusement sa « victoire » le premier avril 1939. Ce dernier reçut un télégramme du Pape Pie XII : « Nous adressons nos sincères remerciements à Votre Excellence pour la victoire de l’Espagne catholique ».

 

La répression franquiste qui marqua la Guerre d’Espagne fut organisée, méthodiquement planifiée, avec l’appui des autorités civiles et militaires, de la Guardia civil et avec la bénédiction active de l’Eglise. Franco voulait l’anéantissement de toute opposition, l’écrasement définitif du prolétariat espagnol des campagnes et des villes. Il fallait donc « nettoyer, purifier le pays », des expressions que l’on retrouve aujourd’hui dans la bouche de Bolsonaro.

 

Les Républicains espagnols réfugiés en France seront placés par le « pays des Droits de l’Homme » au cœur des processus d’exclusion et de répression de la Troisième République, et au cœur du Statut « d’indésirables » (à partir du printemps 1938, de nombreuses lois, décrets, sont imprégnés de l’esprit sécuritaire, raciste et xénophobe, anti-classe ouvrière). Un esprit de « Croisade », de « guerre froide » (qui pourtant ne commencera officiellement qu’en 1948) soufflait également sur une partie de la France ; les classes dominantes voulaient une revanche, en France comme en Espagne, sur les Fronts populaires.

 

Pour les antifascistes espagnols exilés en France, dont 10% environ d’entre eux résistèrent, il s’agissait pour eux d’un même combat antifasciste, et leurs guerrilleros furent parmi les premiers à prendre les armes, à verser leur sang, contre le fascisme, essentiellement par internationalisme.

 

Nous rappelons tous ces faits, parce que la Guerre d’Espagne est souvent l’objet d’une insupportable réécriture. Les commémorations ne sauraient se limiter à de l’émotionnel ; il convient de leur donner le contenu politique qu’elles méritent, et exigent.

 

 

 

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10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 16:14
COMMUNIST'Art: Fernand Léger

Fernand Léger

Il voit le jour à Argentan, en 1881 et décède en région parisienne à Gif-sur-Yvette en 1955. Mauvais élève, il quitte très tôt la Normandie, dès l’âge de 19 ans, pour rejoindre Paris et s’installe à Montparnasse, dans le quartier des peintres. Nous sommes alors en 1900. Il y rencontre Picasso, y côtoie Chagall, Modigliani, Apollinaire. Le succès arrivera rapidement. Le monde entier lui tendra bientôt les bras. On le classe parmi les cubistes mais son œuvre est si singulière, si personnelle, si graphique que le terme de tubiste lui est alors attribué. Léger était un artiste protéiforme. Il avait tous les talents ! Peintre, illustrateur, décorateur, costumier, vitrailliste. Parmi ses amis les plus fidèles, citons, Blaise Cendrars, Louis Aragon et Jacques Prévert mais aussi Paul Éluard. Il adhère au Parti communiste français en 1945 et restera membre du parti jusqu’à la fin de sa vie. « C’était un homme d’une très grande gentillesse, d’un naturel et d’une bonté parfaite » dira de lui Daniel-Henry Kahnweiler, son marchand d’art et principal soutien des cubistes. Entre autre anecdote, il donnera des cours de peinture à un jeune peintre méconnu dont le nom n’est autre que Serge Gainsbourg.  

 

Hector Calchas

 

La partie de cartes – Les constructeurs – Le réveil-matin – La couseuse.

 

lire aussi:

COMMUNIST’ART - Erik Satie

COMMUNIST'Art: Fernand Léger
COMMUNIST'Art: Fernand Léger
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10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 09:26
Nécrologie. Le Rennais Guy Faisant est décédé vendredi matin, à l’âge de 93 ans. Résistant dès 1940 contre l’Allemagne nazie, il a été déporté en 1942 dans un camp de la Gestapo. Il sera l’un des piliers du concours national de la Résistance en Ille-et-Vilaine.

Nécrologie. Le Rennais Guy Faisant est décédé vendredi matin, à l’âge de 93 ans. Résistant dès 1940 contre l’Allemagne nazie, il a été déporté en 1942 dans un camp de la Gestapo. Il sera l’un des piliers du concours national de la Résistance en Ille-et-Vilaine.

 

Guy, André Faisant

Résistant, déporté - WIKI RENNES

( 23 octobre 1925 Rennes - 8 février 2019, Rennes)

Le père de Guy, ancien combattant de la guerre 1914/18, est agent de ligne aux PTT, militant syndicaliste et sa mère femme au foyer. Après l'école de la rue de Nantes il entre à l'école d'industrie pour y préparer un brevet industriel de tourneur. Il est sur la passerelle de Quineleu pour s'y rendre lors du bombardement du 17 juin 1940 par l'aviation allemande. À la fin de 1940, il est contacté par un membre d'une Organisation Spéciale (O.S.) de la Résistance pour recruter, au sein de l'école, des jeunes hostiles à l'occupation. Des collégiens s'assemblent autour de Guy : Gilbert Anquetil, Jean Annick, Michel Goltais, Jacques Tarrière, Yves Le Moigne et Pascal Lafaye, élève au cours complémentaire de l'école de la rue d'Échange, se joint au groupe en juin 1941.

 
Guy Faisant, après son arrestation en 1942

Ils distribuent des tracts du groupe de la Résistance de la SNCF, lacèrent des affiches prônant la collaboration, détruisent des panneaux de signalisation allemands. Le 17 juin 1941 : manifestation rennaise à laquelle ils participent au cimetière de l'Est, pour fleurir les tombes des victimes du bombardement allemand survenu un an auparavant, veille de l'entrée des troupes d'occupation dans Rennes. Le 12 novembre 1941, arrêté par la police allemande Guy est incarcéré à la prison Jacques-Cartier mais faute de preuve il est remis en liberté quelques temps après.

Guy Faisant et Yves Le Moigne sabotent un câble allemand passant sous le Pont de Nantes à Rennes. Le groupe récupère des armes à la Courrouze et dans un entrepôt des " Établissements Reiner ", boulevard de Chézy mais il est dénoncé par un étudiant en médecine qui, arrêté par la police allemande pour un trafic d'or, obtient grâce en devenant agent indicateur. Ils sont arrêtés par le S.D. (Service de Sécurité de la Police allemande). Ayant 16 ans et demi, Guy, arrêté le 5 mars 1942 au 33 rue des Ormeaux à Rennes, est le plus âgé du groupe et est incarcéré à la prison Jacques-Cartier. Au siège du S.D., au 10, rue de Robien ont lieu les interrogatoires sévères. Des perquisitions sont effectuées au domicile de chacun ainsi qu'à l'école d'industrie et des armes sont retrouvées.

Fin mai, les membres du groupe sont envoyés à Paris à la prison du Cherche Midi, en application du décret "Nacht und Nebel", "NN" ("Nuit et Brouillard"), du 7 décembre 1941. Les six Rennais sont déportés, le 4 juin 1942 vers l'Allemagne. Ils font partie du premier convoi de déportés d'Ille-et-Vilaine et le troisième convoi de France. Pascal Lafaye, qui n'a pas encore 15 ans, doit être le plus jeune déporté "NN" d'Europe Occidentale. Le 5 juin 1942, ils arrivent au camp spécial de la Gestapo à Hinzert en Rhénanie. Le 10 janvier 1944, à Breslau, Guy Faisant, ses camarades, comparaissent devant le Sonder-Gericht (Tribunal Spécial), où les armes retrouvées au domicile de ces derniers sont présentées comme pièces à conviction. Tous sont condamnés aux travaux forcés, sauf Marie Lafaye qui est condamnée à la réclusion et meurt à Ravensbrück. Les six Rennais sont envoyés dans une prison atelier de Schweidnitz, où ils doivent fabriquer des pièces. Le plus jeune, Pascal Lafaye, n'ayant pas d'expérience est dirigé au Camp de Mittelbau, bientôt rejoint par Jacques Tarrière qui après une tentative d'évasion est repris et envoyé dans le même camp. Il y meurt d'épuisement le 1er mars 1945 et Pascal Lafaye meurt pendant le bombardement du camp le 8 avril 1945.

Pendant l'avancée de l'armée soviétique, Guy et ses camarades sont transférés à pied sur 60 kilomètres, par –25 degrés, à Hirschberg, dépendant du camp de concentration de Gross-Rosen. Ils seront libérés le 8 mai 1945 par les Soviétiques.

 
Guy Faisant

Guy rentre à Rennes, le 10 juin 1945. Le groupe de collégiens de l'École d'Industrie sera incorporé aux Francs-Tireurs et Partisans Français (F.T.P.F.), Guy Faisant sera homologué sergent FFI. Grand invalide de guerre, il se remet physiquement au bout d'un an pendant lequel il suit des cours du soir à l'École des Beaux-Arts pour passer un examen de dessinateur. Le 1er juin 1946, il entre comme dessinateur à l'Intendance Militaire. En 1948, Guy épouse Jeannine et ils auront deux enfants et six petits-enfants. Il passe un concours d'entrée aux Ponts et Chaussées en 1954. En tant qu'ancien déporté, Guy peut prétendre à une retraite anticipée et quitte ce qui est devenu, entre temps, la Direction Départementale de l'Équipement (D.D.E.) le 23 octobre 1980. Il peut alors consacrer plus de temps à deux activités : les Hospitaliers Sauveteurs Bretons (H.S.B.) et la défense des intérêts moraux et matériels des anciens résistants et déportés. Pour la défense de ses anciens camarades de déportation, il s'investit dans différents comités. Guy devient le président de la section rennaise de la Fédération Nationale des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes (F.N.D.I.R.P.). Au sein du Comité de Coordination du Mouvement de Résistance (C.C.M.R.), sous la présidence de Marcel Viaud, il devient secrétaire du Comité.

Guy Faisant adhère à l'Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance (A.N.A.C.R.) depuis son origine, et en fut président départemental à partir de 2002. Privé de la parole, il se faisait un devoir de participer à toutes les grandes manifestations mémorielles. Il décède à 93 ans.


Décorations civiles et militaires :

Médaille d'or des H.S.B., Médaille de la reconnaissance de la S.N.S.M., Médaille d'or de la Jeunesse et des Sports, Médaille d'Honneur de Société et Encouragement au bien, Médaille de Combattant Volontaire de la Résistance, Médaille de Déporté Résistant, Médaille Militaire, Croix de Guerre, Officier de la Légion d'Honneur.

Liens externes

lien:http://falcya.free.fr/resistants/faisant/index.html

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10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 08:39
1939-2019:  Il y a 80 ans, la Retirada, l'exil de 500 000 républicains espagnols en France (L'Humanité, Jean Ortiz et Cathy Dos Santos, 6 février 2019)
La Retirada, un traumatisme au long cours
Mercredi, 6 Février, 2019

L’universitaire Jean Ortiz nous livre le témoignage de son père, Enrique, contraint, comme des millions d’Espagnols, à l’exil en France. Républicain, antifasciste, il a transmis le flambeau des combats qu’il a porté au nom d’un nécessaire travail de mémoire.

Enrique Ortiz Milla, placé à 10 ans chez un grand propriétaire terrien « manchego », a vite fait la différence entre une société quasiment féodale et une République prometteuse. Adolescent, il s’engagea naturellement pour défendre sa République. Il était intarissable, préférant le « nous » au « je » : « Nous sommes passés en France par la montagne, le 13 février 1939, par Prat-de-Mollo, de nuit. Une mère était tombée dans un précipice, et nous n’avons pas pu la secourir. » C’est ça, la Retirada, l’un des plus grands exodes du XXe siècle. Hitler et Mussolini exultent. La stratégie fallacieuse des démocraties occidentales, dite de « l’apaisement », de la « non-intervention », visait en fait à étrangler la jeune République espagnole. Du 28 janvier au 13 février 1939, plus de 450 000 républicains espagnols sont jetés sur les routes, après la chute de Barcelone, désormais aux mains des franquistes. De déchirantes colonnes de familles souvent séparées fuient l’avancée des troupes franquistes, qui procèdent comme elles le font partout : répandre la terreur.

« Les sommets, les chemins, étaient enneigés. Nos chaussures avaient gelé. À la frontière, nous pouvions à peine marcher. Des brutes uniformées nous dépouillèrent du peu que nous avions sur nous. » Les réfugiés avançaient comme des moutons poussés par des chiens. Certains marchaient depuis Barcelone, baluchon sur le dos, bombardés par l’aviation nazie. Ce désastre, Paris et Londres s’en frottent hypocritement les mains. Elles ont opté délibérément pour l’indignité, contre les « rouges front-populistes ». La France n’est pas dépassée ; elle a choisi l’accueil indigne, policier, humiliant.

La défaite de la République, beaucoup, par intérêt de classe, la voulaient ; la France était même pressée d’envoyer un ambassadeur à Burgos, auprès des putschistes. Elle y délègue le sénateur Léon Bérard pour préparer la reconnaissance de Franco. Ce dernier refusa les propositions de « paix » faites par la « Junte de Casado », très anticommuniste, qui fit un coup d’État à Madrid en mars 1939, contre son propre camp. Franco exigeait une reddition inconditionnelle. Le correspondant du Times L. Fernsworth écrivait « de bout en bout de Pyrénées », des « hordes d’Espagnols » ; chacun porte une tragédie intime. Seule une partie de la société française se montre solidaire : syndicats, municipalités rouges, comités anarchistes, Parti communiste français…

Parmi les combattants réfugiés, nombreux sont ceux qui ne s’avouent pas battus. Le gouvernement français empêche le retour de Toulouse, Perpignan, à la zone centre-sud espagnole, encore contrôlée par les républicains. La première réaction du trio Daladier, Sarraut, Bonnet fut de renvoyer ces « indésirables » vers l’Espagne des prisons et des cimetières. Beaucoup tombèrent dans le piège. D’autres furent rapatriés de force, avant de choisir une autre stratégie : utiliser les républicains comme main-d’œuvre quasi esclave dans les départements « d’accueil ».

« Nous étions des “étrangers dangereux”, “subversifs”, “indésirables” »

La Retirada demeure un moment fondateur, un traumatisme encore bien vivant, pour des milliers de descendants de réfugiés républicains. Cet exil « rouge » fut très politique. « Moi, je n’avais pas l’intention de me réfugier en France. Le parti nous incitait à rejoindre la zone espagnole centre-sud, encore aux mains des nôtres, pour y continuer la lutte. » Juan Negrin, le chef du gouvernement de la Seconde République espagnole, voulait résister « jusqu’au bout » afin de pouvoir évacuer un maximum de républicains, et d’arracher les conditions d’une paix la moins sanglante possible. Mais Franco ne raisonnait qu’en termes d’holocauste. Le 9 février, il ratifia la « loi de responsabilités politiques », qui criminalise chaque républicain, y compris rétrospectivement. « À la frontière, les militaires et gendarmes français nous bousculaient et criaient : “Allez, allez, plus vite.” Avec la volonté de nous humilier. Toute ma vie, j’ai porté en moi cette image de la France de classe, des riches… haineux des “rouges” que nous étions. Ils nous traitaient comme du bétail. Enfin, depuis le décret de novembre 1938 du gouvernement de “centre gauche” du radical Daladier, nous étions des “étrangers dangereux”, “subversifs”, “indésirables”. Une nouvelle marche nous amena jusqu’aux plages du Roussillon, transformées en “camps du mépris”. » Un univers de sable et de barbelés. À Argelès, le 6 mars 1939, s’entassaient 87 000 personnes, parquées, surveillées par des militaires, des tirailleurs sénégalais, des spahis ; ces troupes coloniales, les Espagnols les assimilèrent aux sadiques « Maures » des troupes franquistes. « Moi, j’ai rejoint le “camp de concentration” de Barcarès. Par un hiver glacial, nous dormions au début à même le sable, et nous buvions de l’eau saumâtre. Ensuite, nous avons nous-mêmes construit nos baraques. On nous donnait un pain d’un kilo pour 24 personnes. Tous les matins, un camion bâché passait ramasser les morts de la nuit. »

J’ai hérité de la besace que mon père, Enrique, a trimballée d’un combat antifasciste à l’autre. J’y ai trouvé ses adresses : « Camp de Barcarès, îlot J, baraque 25 », et « Argelès-sur-Mer, camp n° 7, baraque 182, P.O. ». Et un « cahier de Barcarès », avec des notes, des exercices de mathématique, des poésies… Dans les camps, les différents partis se réorganisèrent clandestinement, en même temps que s’aiguisèrent leurs affrontements. La première résistance fut culturelle. Les camps ont été pour mon père, comme pour la plupart, des universités.

Jean Ortiz

Maître de conférences émérite à l’université de Pau

Histoire. La Retirada, ce douloureux exil des Espagnols en France
Mercredi, 6 Février, 2019

Le 26 janvier 1939, l’arrivée des franquistes dans Barcelone contraint 500 000 personnes à l’exode. Ils traversent alors la frontière française pour éviter la répression. Paris piétine les principes universels, en leur réservant un accueil indigne.

À pied ou en camion, emmitouflés dans des couvertures ou dans de longs manteaux, ils seront près de 500 000 femmes, enfants, vieillards puis, plus tard, miliciens de l’armée républicaine espagnole à franchir les cols enneigés des Pyrénées. L’arrivée des troupes conduites par le général Franco, le 26 janvier 1939, à Barcelone, jette sur les routes ces acteurs et défenseurs du Front populaire, contraints de fuir l’Espagne et la terrible répression exercée par les franquistes.

La Retirada (la retraite) est considérée comme l’un des exodes les plus massifs de l’histoire contemporaine espagnole. Dans un dénuement le plus total, assaillies par le froid, la faim et la peur, en moins de quinze jours, un demi-million de personnes se pressent à la frontière française dans l’espoir d’y trouver refuge après trois années de guerre, de privations et d’exactions. Paris, qui craint d’être submergé par des éléments jugés subversifs, n’autorise l’ouverture de ses frontières que le 28 janvier. Ce n’est que le 5 février que le gouvernement d’Édouard Daladier ouvre la voie aux combattants républicains, pourtant sous les feux franquistes et de l’aviation italienne. Cerbère, Le Perthus ou encore Prats-de-Mollo sont pris d’assaut. Le pays des droits de l’homme, la République amie, ne tient pas ses promesses. Avant même la chute de Barcelone, ces femmes et ces hommes sont considérés comme des indésirables par les autorités françaises. Un deuxième coup de poignard, en somme, après avoir décrété la non-intervention en août 1936 qui livrera à leur sort les progressistes espagnols.

« Une République des travailleurs de toutes conditions »

C’est pourtant sur cette terre d’Espagne que se nouent les espoirs et les tragédies de l’Europe du XXe siècle. Après des années de révoltes populaires et de conflits face à un pouvoir rétrograde et conservateur, la Seconde République est proclamée le 14 avril 1931. Un séisme politique sans précédent. La nouvelle Constitution instaure « une République des travailleurs de toutes conditions ». Outre le droit de vote accordé aux femmes, elle affiche des ambitions inédites en matière de protection sociale comme autant de ruptures révolutionnaires dans les domaines de la santé, de l’éducation publique ou encore du logement. Le Texte fondamental s’attaque aux latifundistes avec une réforme agraire sans précédent. Il ose la laïcité dans un pays où l’Église catholique est omnipuissance. L’alphabétisation sera le moteur de cette nouvelle Espagne qui entend désormais se débarrasser de l’ignorance et des obscurantismes séculaires. Mais l’avant-gardisme de ses réformes se heurte aux forces de la réaction en Espagne comme dans le reste de l’Europe déjà rongé par les fascismes. En 1933, la coalition des droites l’emporte aux élections générales. Les tergiversations et contradictions qui étreignent la gauche ne sont pas étrangères à sa défaite. Désormais au pouvoir, la Ceda cherche à dépecer le vaste programme de réformes encore balbutiantes avec l’aide du clergé, de l’oligarchie et de l’armée. La grève générale d’octobre 1934 est férocement réprimée par un certain général Franco. Pourtant, deux ans plus tard, le Front populaire s’impose aux législatives de février 1936.

Trois longues années meurtrières qui divisent le pays et l’Europe

Durant les six premiers mois de gouvernance, il tente de réactiver ses politiques sociales en faveur des ouvriers et des paysans ouvriers. Mais, dès la victoire des progressistes, l’armée conspire. Gradés, élites et Église sont du complot. L’extrême droite se charge d’insuffler un climat de terreur. Le 17 juillet, le signal est donné. Des généraux se soulèvent dans les garnisons des îles Canaries et Baléares, ainsi que dans les enclaves espagnoles au Maroc pour renverser la jeune République. Le 18 juillet, le coup d’État militaire se répercute dans la péninsule. Démarre alors une guerre terrible qui va durer trois longues années. Trois longues années meurtrières qui divisent le pays et l’Europe, une vaste répétition de ce qui allait advenir.

En France, le gouvernement fait le choix de la « non-intervention », ainsi que l’exécutif conservateur anglais. L’URSS se range aux côtés de la République, tandis que l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste prêtent main-forte aux nationalistes. Les pilotes de la légion Condor procèdent aux tout premiers bombardements de populations civiles, dont l’un des plus tragiques épisodes a lieu en 1937, dans le village basque de Guernica. Le camp républicain tient grâce à l’extraordinaire élan de solidarité internationale. L’un des plus beaux chapitres a été rédigé par ces 35 000 femmes et hommes qui ont livré bataille aux côtés des républicains au sein des Brigades internationales, faisant preuve d’un courage et d’une clairvoyance sans pareils.

Dans les zones qui tombent aux mains des franquistes, la vengeance est sauvage. Les paseos des opposants et de leurs proches, ces promenades orchestrées par les militaires et les militants de la Phalange, s’achèvent dans le sang. Encore aujourd’hui, 100 000 cadavres pourrissent dans des fosses communes. Avant même l’offensive finale contre Madrid « l’héroïque », pour nombre d’Espagnols il n’y a plus de choix : il faut partir.

Malgré la défaite, l’humiliation, les républicains s’organisent et résistent

Cet exil se transforme très vite en un nouveau cauchemar. Les points de passage militarisés aux frontières françaises donnent lieu à des fouilles dégradantes, insultantes. La plupart des femmes, des enfants et des anciens sont dispersés dans plus de 70 départements. Les structures d’hébergement sont précaires mais la solidarité des habitants, celle des militants communistes, des démocrates, améliore un quotidien douloureux. Dans les zones frontalières, en revanche, le dénuement est grand. On parque les combattants désarmés dans des camps d’internement, de concentration qu’ils doivent parfois eux-mêmes bâtir. Les conditions de vie sont inhumaines. À Argelès-sur-Mer, Barcarès et Saint-Cyprien, on dort dans des trous creusés à même le sable. Le froid glacial, la famine et la vermine n’épargnent personne. D’autres encore sont placés à l’isolement, sans aucun autre jugement, dans des camps disciplinaires tels Collioure ou Le Vernet dans l’Ariège. Septfonds, Rieucros, Bram, Agde sont de ce dispositif qui fait honte aux autorités françaises. Ou encore le camp de « Gurs, une drôle de syllabe, comme un sanglot qui ne sort pas de la gorge », écrira Louis Aragon. Paris trébuche sur les principes universels : des Espagnols seront renvoyés de force vers leur pays d’origine où la mort les attend. Dès le mois d’avril 1939, par un décret-loi, des milliers d’Espagnols sont embrigadés dans les compagnies de travailleurs étrangers pour fortifier les frontières. Le premier convoi de déportés vers l’Allemagne quitte Angoulême pour le camp de Mauthausen, en Autriche, le 20 août 1940, avec 900 républicains espagnols. D’autres sont déportés dans des camps en Afrique du Nord et livrés aux nazis.

Malgré la défaite, l’humiliation, les républicains s’organisent et résistent. Certains rejoignent le maquis et entrent dans la Résistance. Lors de la libération de Paris, les premiers chars qui pénètrent dans la capitale portent les noms des grandes batailles d’Espagne. Le gouvernement de la République espagnole est en exil. Ses acteurs sont persuadés que les démocraties, libérées de la bête immonde, leur viendront en aide pour déloger le dictateur Franco. Il n’en sera rien. Troisième coup de poignard. Sur les 240 000 Espagnols qui resteront en France, 40 % sont des exilés républicains. Ils ne renonceront jamais à leur idéal, qu’ils transmettront sans répit. Un idéal qui leur survivra.

Cathy Dos Santos
1939-2019:  Il y a 80 ans, la Retirada, l'exil de 500 000 républicains espagnols en France (L'Humanité, Jean Ortiz et Cathy Dos Santos, 6 février 2019)
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10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 08:11
Alain Mila, professeur d'histoire, écrivain, petit-fils d'un enfant réfugié espagnol accueilli au Guilvinec après la Retirada, invité du PCF Quimper le mercredi 27 février aux Halles Saint François, 18h
Alain Mila, professeur d'histoire, écrivain, petit-fils d'un enfant réfugié espagnol accueilli au Guilvinec après la Retirada, invité du PCF Quimper le mercredi 27 février aux Halles Saint François, 18h

Retrouvez Alain Mila, professeur d'histoire, écrivain tarbais, auteur d'"Une enfance retrouvée" sur l'histoire de son grand-père, d'une famille de républicain espagnol victime de la répression fasciste, accueilli par des communistes au Guilvinec, autour d'une conférence/dédicace à la Halle St-François à #Quimper, MERCREDI 27 février à 18h sur l'accueil des espagnols en 1939 dans le Finistère (et réfugiés d'aujourd'hui) à l'initiative du PCF Finistère. Je vous rappelle que mes droits d'auteurs des ouvrages vendus à cette occasion vont en totalité à la station de sauvetage en mer SNSM du Guilvinec.

Alain Mila, professeur d'histoire, écrivain, petit-fils d'un enfant réfugié espagnol accueilli au Guilvinec après la Retirada, invité du PCF Quimper le mercredi 27 février aux Halles Saint François, 18h
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10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 06:52
Résistance bretonne: Stephanie Trouillard en dédicace pour Mon oncle de l'ombre le 22 et le 23 février 2019 à Dialogues Brest et Dialogues Morlaix

Stephanie Trouillard, l'auteur de "Mon oncle de l'ombre" sur son oncle résistant du maquis de St Marcel chez Skol Vreizh sera en dédicace dans le Finistère le: 

vendredi 22 février : rencontre/dédicace à la librairie Dialogues de Brest (29) à 18h

samedi 23 février: dédicace à la librairie Dialogues de Morlaix (29) à partir de 10h30

Par Catherine Lozach - le Télégramme, 2 janvier 2019

Le 9 février 2019 aux Invalides à Paris, trois enfants recevront la médaille de la Résistance française au nom de leur arrière-grand-oncle André Gondet. Une longue quête pour Stéphanie Trouillard qui rend sa place dans l’histoire et dans sa famille au jeune maquisard fusillé le 12 juillet 1944 à Kerihuel, en Plumelec (56).

En septembre 2018, Stéphanie Trouillard publie « Mon oncle de l’ombre. Enquête sur un maquisard breton ». La journaliste livre alors six ans d’enquête dans les pas d’André Gondet.

Dans la famille, ce grand-oncle n’est plus qu’un portrait. Son histoire tragique a imposé le silence, si bien que le jeune résistant breton est aux portes de l’oubli. Sur le terrain auprès des derniers témoins ou dans les archives, Stéphanie Trouillard retrouve patiemment une grande partie du puzzle des 23 ans de la vie de son grand-oncle. « En décembre 2015, je me suis renseignée auprès de l’Ordre de la Libération pour savoir s’il avait été décoré de la médaille de la Résistance », raconte la journaliste, passionnée d’histoire. Elle découvre alors qu’il avait bien sa carte de combattant volontaire de la résistance, mais pas de médaille. « Ils étaient surpris ».

 

Des demandes encore possibles

 

Trois de ses compagnons FFI, fusillés à ses côtés le 12 juillet 1944 à la ferme Gicquello de Plumelec, ont reçu cet hommage : Henri Louail, Emmanuel Le Breton et Georges Grillon. « Les familles avaient dû faire les démarches nécessaires dès les années 1960, mais à l’époque mes arrière-grands-parents étaient déjà décédés », explique Stéphanie Trouillard. Elle apprend alors qu’il est toujours possible de demander cette reconnaissance à titre posthume pour les personnes tuées pendant la guerre ou morts en déportation pour des faits de résistance. Elle dépose le dossier d’André Gondet début 2017 au bureau des décorations, émanation du ministère de la Défense.

Une cérémonie aux Invalides

 

La bonne nouvelle est venue en avril 2018 : par décret signé du président de la République, le jeune maquisard s’est vu attribuer la médaille de la Résistance française. Et Stéphanie Trouillard vient de l’apprendre : elle sera officiellement remise à la famille le 9 février 2019 aux Invalides, jour anniversaire de la création de cette distinction.

« Nous aurons d’abord une visite du musée de l’Ordre de la Libération », détaille la jeune femme. Deux autres visages de l’histoire de son grand-oncle y seront présents : Pierre Marienne et François Martin, parachutistes SAS et compagnons de la Libération, eux aussi tombés à Kerihuel. Puis ce sont les trois benjamins de la famille, de 4, 6 et 8 ans, qui recevront la médaille des mains d’un général. Toute la famille assistera ensuite à l’allumage de la flamme du soldat inconnu sous l’Arc de triomphe.

 

Faire vivre la mémoire

 

« André Gondet a repris sa place dans notre famille et dans l’histoire. Il a aujourd’hui un chemin à son nom dans son village de Bohal (56). Cette cérémonie est une belle manière de conclure. Tout cela c’est pour lui, mais comme mon livre, c’est aussi pour tous les oubliés », souligne Stéphanie Trouillard, heureuse que les gens viennent la voir pour partager leur histoire, commencer des recherches et ouvrir le dialogue dans leur famille autour de ce sujet encore lourd. Mais peut-elle vraiment conclure ? Dans quelques mois, seront commémorés les 75 ans de la bataille du maquis de Saint-Marcel et du massacre de Kerihuel. « Les dernières cérémonies importantes avec les témoins encore vivants… » Elle y sera évidemment présente.


En savoir plus
Stéphanie Trouillard fera une conférence le samedi 12 janvier, à 15 h, à la médiathèque de Saint-Jean-Brévelay (56).
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8 février 2019 5 08 /02 /février /2019 16:48
Portrait. Danielle Casanova, la déterminée (Claude Pennetier, historien - L'Humanité, vendredi 8 février 2019)
Portrait. Danielle Casanova, la déterminée
Vendredi, 8 Février, 2019

Née le 9 janvier 1909, la Corse Danielle Casanova est une femme de la période Front populaire du communisme français marquée par l’antifascisme, la volonté d’ouverture, la redécouverte de la Révolution française. Elle meurt à l’âge de 34 ans, le 10 mai 1943, en déportation à Auschwitz.

Ce n’est pas uniquement son martyre, sa mort à Auschwitz, qui fait sa grandeur, c’est aussi sa création et sa direction déterminée de l’Union des jeunes filles de France (UJFF), ainsi que son rôle de premier plan dans le communisme clandestin et son entrée en résistance. Où a- t-elle puisé cette fermeté, cette force de caractère, cette humanité, ce charisme qui ont contribué à la pérennité de sa mémoire ? Elle est la femme communiste la plus honorée. Depuis 1989, un paquebot transporteur de la compagnie maritime SNCM porte son nom.

Il s’impose à l’esprit son origine corse. Elle naît le 9 janvier 1909, à Ajaccio. La famille Perini, des instituteurs, porte des valeurs républicaines. Les grands-parents de Piana se disent du « clan Landy » républicain. Mais il n’est pas question de communisme. Un frère aîné est même un journaliste radical-socialiste. C’est Vincentella (premier prénom de celle qui se fit appeler Danielle) qui, encouragée par ses parents à faire des études de dentisterie à Paris, est gagnée au communisme et qui, avec sa force de conviction, entraîne l’essentiel de sa famille et aussi son amoureux, l’étudiant en droit Laurent Casanova, qui devient le collaborateur de Maurice Thorez.

C’est aux Jeunesses communistes que la jeune femme s’affirme

Certes, son militantisme commence avant le Front populaire : adhésion à l’Union fédérale des étudiants en 1927 (mouvement qui n’avait pas été créé par les communistes, mais où ceux-ci sont de plus en plus présents), adhésion aux Jeunesses communistes (JC) en 1928, responsabilités au Parti communiste en 1930. Mais c’est bien aux JC que la jeune femme va s’affirmer et, en quelques années, devenir l’élément féminin de la direction, celle qui parle, qui écrit, qui organise. Très tôt, elle s’initie aux tâches clandestines qui nécessitent de la discrétion, de la méthode, du sang-froid et, bien sûr, du courage. Elle le fait dans le cadre de l’activité antimilitariste et des questions coloniales.

Moment important et initiateur pour elle, l’invitation au VIe congrès de l’Internationale communiste des jeunes en septembre-octobre 1935, où elle entre au comité exécutif de l’ICJ, suivi du congrès de Marseille des JC en mars 1936 qui la voit monter sur la marche supérieure parmi les quatre secrétaires, avec mission de fonder et de diriger l’UJFF. Pourquoi séparer garçons et filles ? On peut faire appel à la montée des thématiques familialistes sous le Front populaire. Danielle Casanova s’en explique en invoquant les réticences des familles populaires de l’époque à laisser s’engager des jeunes filles dans des mouvements mixtes et en misant sur un développement rapide d’un tel mouvement, ce qui se confirme.

Danielle Casanova, entourée de Claudine Chomat et de Jeannette Vermeersch, jouit de ses qualités naturelles d’organisatrice et de son sens des relations humaines. De plus, elle bénéficie de l’amitié de Thorez, qui apprécie sa présence et celle de Laurent Casanova dans les repas entre proches. Elle garde son jardin secret, la coopération avec le Kominterm pour les actions de transmissions et de déplacements. Maurice Tréand veille à la discrétion de ces missions qui nécessitent l’emploi de femmes jeunes, cultivées et sûres. L’UJFF est un vivier de choix. N’oublions pas que le PCF est encore, jusqu’en 1943, une section de l’Internationale communiste, avec la nécessité de faire circuler des cadres. Toujours est-il que, mieux que beaucoup d’autres, elle maîtrise les techniques de base de la clandestinité, ce qui lui donne un temps d’avance lorsque le Parti entre dans la clandestinité, puis la Résistance.

Revenue de Corse, elle choisit aussitôt de disparaître après le pacte germano-soviétique et l’interdiction du PCF en septembre 1939, évitant les arrestations et les internements administratifs qui touchent durement les militants et les libertés républicaines. Chargée un moment de superviser la propagande politique dans l’armée, elle s’oriente à partir d’octobre 1940 vers la mise en place des comités féminins dans la région parisienne et la zone occupée, avec une belle réussite. Elle suit également les rapports avec les intellectuels. Amaigrie, habillée avec élégance comme une bourgeoise, elle se déplace dans la plus grande discrétion. Mais la police réussit à l’arrêter le 15 février 1942, chez Maïe et Georges Politzer. Elle connaît la prison, l’internement à Romainville. Si les Allemands ne fusillent pas les femmes en France, préférant les déporter, elles apprennent les exécutions de leurs maris, frères et amis, notamment au Mont-Valérien.

En déportation à Auschwitz, elle est dentiste au Revier (l’infirmerie). Sa mort du typhus, le 10 mai 1943, affecte ses codétenues.

Le PCF honore sa mémoire en faisant d’elle, à juste titre, une héroïne nationale célébrée le jour de la fête de Jeanne d’Arc. Le tableau de Boris Taslitzky, la Mort de Danielle Casanova, peint en 1950, en est l’expression artistique, ainsi que sa présence dans le Musée Grévin d’Aragon. Charlotte Delbo en fait un personnage marquant de son œuvre. Dans le martyrologue qui s’affirme, elle est « la femme », Guy Môquet « le jeune », Gabriel Péri « l’intellectuel », Pierre Semard « le cheminot », Jean-Pierre Timbaud « le métallo ».

Tous les noms qui figurent dans ce papier sont accessibles librement sur le site maitron-en-ligne.univ-paris1.fr
 
Claude Pennetier Historien, codirecteur du <i>Maitron</i>

 

 

Portrait. Danielle Casanova, la déterminée (Claude Pennetier, historien - L'Humanité, vendredi 8 février 2019)
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8 février 2019 5 08 /02 /février /2019 16:45
Manifestation le 5 juillet 1961 à Gennevilliers pour la paix en Algérie. Mémoire d’Humanité/AD de la Seine-Saint-Denis

Manifestation le 5 juillet 1961 à Gennevilliers pour la paix en Algérie. Mémoire d’Humanité/AD de la Seine-Saint-Denis

Essai. Une histoire algérienne
Jeudi, 7 Février, 2019

Les Communistes et l’Algérie Alain Ruscio La Découverte, 663 pages, 28 euros
Alain Ruscio aborde avec passion le fil de cette relation très forte et compliquée entre les communistes, leurs organisations et l’Algérie.

Voici un grand livre dont personne ne pourra mésestimer l’importance. L’analyse profonde des relations singulières, extrêmement compliquées, entre le communisme contemporain et l’histoire de l’Algérie supposait audace, subtilité et probité : l’auteur n’a manqué ni de l’une, ni des autres. Interroger des mémoires multiples, souvent contraires, consulter des travaux innombrables, travailler dans les « sources » à la recherche de données nouvelles (archives publiques et privées, procès-verbaux d’organismes politiques comme l’Internationale communiste, le PCF, le PCA, etc.), s’informer dans les journaux, relire les débats parlementaires, consulter les enquêtes, officielles ou non… Alain Ruscio n’avance rien dans son livre qui ne soit référencé. Son ouvrage sera une pièce maîtresse dans le vaste forum livresque consacré à l’histoire de la révolution algérienne.

Il aborde d’abord la précocité et la force de la pénétration du « communisme » en Algérie, dès les années 1920, à la suite de la création du PCF et jusqu’à la fondation du Parti communiste d’Algérie en 1936. Jamais l’historien ne perd de vue le poids déterminant du statut colonial et spécifique de l’Algérie, en sorte qu’on saisit à quel point toutes les tentatives de prétendues réformes, qui ont toutes avorté, n’ont fait que nourrir l’aspiration grandissante des masses autochtones arabo-musulmanes, soumises à la règle de l’indigénat, à l’indépendance de l’Algérie. C’est dans ce cadre qu’Alain Ruscio évalue l’importance relative des mouvements que les protagonistes de la domination coloniale appellent les « séparatistes ». C’est aussi à cette aune qu’il faut apprécier le caractère utopique, illusoire voire fantomatique, de la thèse émise par Maurice Thorez en 1939 de « la nation algérienne en formation » qui devint la référence constante des communistes de France jusqu’à 1954-1956.

l’évolution du PCF et celle spécifique du PCA

Si la revendication de l’indépendance de l’Algérie est devenue dès avant 1940 le fondement du rassemblement politique du peuple algérien, le recours à l’insurrection armée de novembre 1954 doit beaucoup à la violence ahurissante, déshonorante, du colonialisme français en Algérie, surtout après les massacres de mai-juin 1945. À cette barbarie insupportable, contre laquelle en France même, hors les communistes et quelques grands esprits clamant dans le désert, l’opinion publique, gangrenée par la réalité même du colonialisme porteur de racisme, fut pour le moins indifférente. Le programme du Conseil national de la Résistance, si avancé, fut, par exemple, de grande indigence s’agissant des colonies, en particulier sur l’Algérie.

La partie la plus éclairante du livre nous replace en plein dans la « guerre d’Algérie », comme on dit désormais officiellement après avoir condamné si longtemps ceux qui la dénonçaient en réclamant la paix ! Le récit montre l’évolution du PCF et celle, spécifique, du PCA, face à une insurrection nationale qui s’impose dans les faits, dès 1955, comme la seule voie d’accès à l’indépendance. Le PCA s’y ralliera sans réserve et ses militants, certains d’origine européenne, seront intégrés dans l’Armée de libération nationale. Retenons ici, au milieu d’un récit haletant, les pages consacrées à Maillot, Iveton, Alleg, Audin, les Guerroudj, Inal. L’évolution du discours du PCF se lit en deux phases : la première de 1954 à 1957, à la suite de l’échec de la mobilisation du 17 octobre, le fait passer de la réclamation de la paix par la reconnaissance du droit à l’indépendance (au « divorce » !), à la réclamation d’une négociation impliquant l’indépendance, intégrant la fin des illusions relatives à une prétendue « union française ». Le moment terrible du vote des pouvoirs spéciaux, en mars 1956, cette fatale « erreur » (Roland Leroy, 2001), a facilité le ralliement de la social-démocratie française à la stratégie colonialiste et à la relance de la visée impérialiste. Qui oserait encore réhabiliter les Mollet, Lejeune et Lacoste, adeptes enfiévrés du fusil d’assaut et du sac au dos ? Il est vrai qu’à l’époque, la SFIO, antécédent du PS d’hier, était, non à « gauche » mais à l’« Ouest », et à ce titre accueillait le tout-venant de la droite atlantiste et du centre, comme le Mitterrand de ce temps-là, garde des Sceaux et patron de la guillotine, qui osa déclarer : « La négociation, c’est la guerre ! »

L’auteur ne sous-estime jamais les difficultés du combat de soutien en France à la cause de l’Algérie, ni les effets de l’évolution interne du FLN, ni les possibles alternatives internes qui ont pu se manifester. Il montre combien les tensions internes au nationalisme algérien ont conduit les insurgés FLN à éliminer les fidèles du MNA de Messali ; il note combien les positions aventuristes de quelques-uns dans la fédération de France ont pu rendre difficiles, en France même, les mobilisations de l’opinion alors que la répression, les saisies de la presse communiste et les intimidations systématiques en rendaient l’exercice périlleux… Ce qui ne fait que renforcer la grande portée de l’engagement des avocats communistes, celui d’Aragon et des Lettres françaises, le courage de grands universitaires communistes comme Jean Dresch, dont l’enseignement est aussi inoubliable que l’engagement.

Rien donc ne manque dans l’essai d’Alain Ruscio, ni l’élan du savoir, ni la précision des faits analysés. Sa démonstration se montre fidèle à ce qu’énonçait son introduction et que livre sa conclusion : il y a eu « une résistance communiste » à la guerre d’Algérie. Et celle-ci a porté la marque et montré les limites de ce qu’on savait alors de la nécessité historique des mouvements de libération anticolonialiste, qui relevaient encore pour une part de l’impensé. Ici se mesurent à la fois la grandeur et les limites de la bataille communiste.

Claude Mazauric Historien
Les communistes et l'Algérie - Alain Ruscio, La Découverte, 663 pages, 28 euros

Les communistes et l'Algérie - Alain Ruscio, La Découverte, 663 pages, 28 euros

Les communistes et l'Algérie - Alain Ruscio, La Découverte, 663 pages, 28 euros

Dans cette somme exceptionnelle, Alain Ruscio propose une lecture érudite et accessible des actions et positions du communisme face à la question coloniale en Algérie. S'appuyant sur une quantité remarquable de documents, il nous permet d'appréhender cette question méconnue de manière dépassionnée, tout en restituant les faits selon leur chronologie propre.
C'est un paradoxe : l'histoire du communisme reste aujourd'hui encore, alors que ce mouvement n'a plus dans la vie politique ni le poids ni la force d'attraction d'antan, un objet de controverses à nul autre pareil, en " pour " et en " contre ". Cet état d'esprit atteint un paroxysme lorsqu'il s'agit d'évoquer les actions et analyses du communisme – français et algérien – face à la question coloniale en Algérie, des origines dans les années 1920 à la guerre d'indépendance (1954-1962). Et s'il était temps, écrit Alain Ruscio, de sortir des invectives ?

Les communistes et l'Algérie - par Alain Ruscio - Une histoire algérienne, Claude Mazoric

Mercredi 13 février à 19 h/ ALGÉRIE :à l’occasion de la parution du livre Les Communistes et l’Algérie de l’historien Alain Ruscio, débat avec Sadek Hadjerès, secrétaire du Parti communiste algérien pendant la guerre d’indépendance, Éloïse Dreure, historienne, doctorante à l’université de Bourgogne-Franche-Comté d’histoire, et Alain Ruscio, historien.
Le débat est organisé au siège national du PCF, 2 place du Colonel-Fabien, Paris 19e.

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