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22 juillet 2019 1 22 /07 /juillet /2019 08:14
Le jeune Karl Marx

Le jeune Karl Marx

Philosophie politique -

Déconstruction de l'idéologie du droit et du droit naturel de la Révolution Française

Critique du caractère bourgeois de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des libertés formelles

A propos de la question juive, 1844 -

Karl Marx (1818-1883)

"On distingue les droits de l'homme comme tels des droits du citoyen. Quel est cet homme distinct du citoyen? Nul autre que le membre de la société civile. Pourquoi le membre de la société civile est-il nommé "homme", homme tout court; pourquoi ses droits sont-ils dits droits de l'homme? Comment expliquons-nous ce fait? Par la relation entre l’État politique et la société civile, par la nature de l'émancipation politique.

Avant tout, nous constatons que ce qu'on appelle les "droits de l'homme", les droits de l'homme distingués des droits du citoyen, ne sont autres que les droits du membre de la société civile, c'est à dire de l'homme égoïste, de l'homme séparé de l'homme et de la communauté. Laissons parler la constitution la plus radicale, la constitution de 1793:

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Art 2. "Ces droits, etc. (les droits naturels et imprescriptibles) sont: l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété".  

En quoi consiste la liberté?

Art. 6. "La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui", ou, d'après la Déclaration des droits de l'homme de 1791: "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui".

Ainsi, la liberté est le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Les limites dans lesquelles chacun peut se mouvoir sans préjudice pour autrui sont fixées par la loi, comme les limites de deux champs le sont par le piquet d'une clôture. Il s'agit de la liberté de l'homme comme monade isolée et repliée sur elle-même. (...) Le droit humain de la liberté n'est pas fondé sur l'union de l'homme avec l'homme, mais au contraire sur la séparation de l'homme d'avec l'homme. C'est le droit de cette séparation, le droit de l'individu borné, enfermé en lui-même. 

L'application pratique du droit de l'homme à la liberté, c'est le droit de l'homme à la propriété privée.

En quoi consiste le droit de l'homme à la propriété privée?

Art. 16 (Constitution de 1793): " Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie. "

Par conséquent, le droit de l'homme à la propriété privée, c'est le droit de jouir de sa fortune et d'en disposer à son gré, sans se soucier d'autrui, indépendamment de la société: c'est le droit de l'intérêt personnel. Cette liberté individuelle, tout comme sa mise en pratique constituent la base de la société civile. Elle laisse chaque homme trouver dans autrui non la réalisation mais plutôt la limite de sa propre liberté. Mais ce qu'elle proclame avant tout, c'est le droit pour l'homme, de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.

Restent les autres droits de l'homme, l'égalité et la sûreté.

L'égalité, dépourvue ici de signification politique, n'est rien d'autre que l'égalité de la liberté définie plus haut, à savoir: chaque homme est considéré au même titre comme une monade repliée sur elle-même.  La Constitution de 1795 définit la notion de cette égalité conformément à sa signification:

Art.3 (Constitution de 1795): "L'égalité consiste en ce que la loi est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse." 

Et la sûreté?

Art.8 (Constitution de 1793): "La sûreté consiste dans la protection accordée à la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés". 

La sûreté est la plus haute notion sociale de la société civile, la notion de police d'après laquelle la société toute entière n'existe que pour garantir à chacun de ses membres la conservation de sa personne, de ses droits, de ses propriétés. (...) Par la notion de sûreté, la société civile ne s'élève pas au-dessus de son égoïsme. La sûreté, c'est plutôt l'assurance de son égoïsme.

Ainsi, aucun des prétendus droits de l'homme ne s'étend au-delà de l'homme égoïste, au-delà de l'homme comme membre de société civile, savoir un individu replié sur lui-même, sur son intérêt privé et son caprice privé, l'individu séparé de la communauté. Bien loin que l'homme ait été considéré, dans ces droits-là, comme un être générique, c'est au contraire la vie générique elle-même, la société, qui apparaît comme un cadre extérieur aux individus, une entrave à leur indépendance originelle. Le seul lien qui les unisse, c'est la nécessité naturelle, le besoin et l'intérêt privé, la conservation de leur propriété et de leur personne égoïste.

Il est déjà mystérieux qu'un peuple, qui commence à peine à s'affranchir, à renverser toutes les barrières séparant les divers membres du peuple, à fonder une communauté politique, que ce peuple proclame solennellement les droits de l'homme égoïste, séparé de son prochain et de la communauté (Déclaration de 1791), et renouvelle même cette proclamation à un moment où l'on réclame impérieusement le dévouement héroïque, seul capable de sauver la nation, au moment où le sacrifice de tous les intérêts de la société civile est mis à l'ordre du jour, et où l'égoïsme doit être puni comme un crime (Déclaration des droits de l'homme, etc, de 1793). Ce fait devient encore plus mystérieux quand nous voyons que les émancipateurs politiques réduisent la citoyenneté, la communauté politique, à un simple moyen, pour conserver ces prétendus droits de l'homme, que le citoyen est donc déclaré serviteur de l'homme égoïste, que la sphère où l'homme se comporte en être communautaire est rabaissée à un rang inférieur à la sphère où il se comporte en être fragmentaire, et qu'enfin ce n'est pas l'homme comme citoyen, mais l'homme comme bourgeois, qui est pris pour l'homme proprement dit, pour l'homme vrai".   

Karl Marx, Philosophie, "A propos de la question juive"(1844) - Folio Gallimard (p. 71-74)

lire aussi:

Marx et Engels: les vies extravagantes et chagrines des deux théoriciens du communisme!

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