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2 juin 2019 7 02 /06 /juin /2019 07:01
Jean Genet 2006, Ernest Pignon Ernest

Jean Genet 2006, Ernest Pignon Ernest

Ernest Pignon-Ernest : « Mes interventions visent à faire ressurgir l'histoire d'un lieu »
Mercredi, 29 Mai, 2019

Depuis les années 1970, Ernest Pignon-Ernest court les rues du monde. Le plasticien y colle ses dessins grandeur nature de personnages, toujours en s’inscrivant dans une démarche historique ou sociale. Un numéro de « Passage des arts » lui est consacré. Rencontre.

On vous présente souvent comme le « père » du street art, cette action artistique qui s’exprime dans les rues et que vous avez débutée un peu avant les années 1970. Quelle définition, aujourd’hui, en donnez-vous ?

Dans un de ses derniers ouvrages, le philosophe Régis Debray a eu cette phrase : « Les gens du “street art” font de la rue une galerie, Ernest en fait une œuvre d’art. » J’en suis touché, mais, moi qui doute toujours, je suis aussi un peu insatisfait. Il y a là pour certains un effet de mode. On entend parfois parler de « la plus grande galerie du monde ». Alors que moi, j’aborde d’abord la rue d’un point de vue plastique, avec la couleur des murs, leur texture, et ce qui ne se voit pas ou plus, c’est-à-dire la mémoire des lieux. Il s’agit alors d’élaborer des images en faisant remonter à la surface des souvenirs enfouis, pour mieux comprendre le présent.

Vous affirmez une démarche différente du mouvement actuel ?

En vérité, je me sens peu de points en commun avec la plupart des gens du street art. J’ai l’impression que certains redécouvrent un peu l’eau chaude. Ce n’est pas parce qu’on met dans la rue quelque chose que ça devient intéressant. On y voit certaines propositions plastiques dont on a déjà fait le tour il y a cinquante ans… Mais il y a aussi des créateurs remarquables, je pense à des artistes comme C215, qui cite des penseurs du siècle des Lumières, ou Jef Aérosol, qui exprime de vraies vibrations. Il est également remarquable que cette possibilité d’expression dans la rue a conduit dans le domaine des arts plastiques des gens qui en étaient jusque-là exclus.

L’histoire, ancienne ou contemporaine, a toujours été votre fil conducteur…

Pendant le tournage de ce documentaire, je présentais à Bruxelles une exposition rétrospective retraçant par exemple ce que j’avais collé sur les murs à propos de la Commune. J’ai toujours réalisé des images en m’intégrant dans des groupes sociaux. Cet été, je vais monter au palais des Papes, à Avignon, le travail résultant de ma présence dans un foyer d’immigrés installé dans la ville. Ce sont des images réalisées à partir de leurs récits collectés au jour le jour.

Vous avez également beaucoup travaillé à l’étranger, notamment à Haïti, comme le montre le documentaire…

C’est la lecture de l’écrivain Lyonel Trouillot qui m’y a conduit, notamment « la Belle Amour humaine ». Alors je me suis intéressé à Jacques Stephen Alexis, un Noir d’Haïti qui a fait des études de médecine à Paris, où il publia quatre romans chez Gallimard. Quelques années après, il a rencontré Mao, Ho Chi Minh, Castro, Guevara et est entré dans la résistance contre le dictateur François Duvalier. Je me suis aussi intéressé à Charlemagne Péralte, qui a dirigé la lutte contre l’occupation américaine au début du XX e siècle. Au Chili, Pablo Neruda est incontournable, comme l’est pour moi Pasolini, dont la vie et la mort incarnent l’Italie du XX e siècle.

Coller des œuvres dans les rues, c’est aller à la rencontre de ceux qui ne franchissent pas la porte des musées ?

Pas seulement. C’est une des conséquences. Mais je n’envisage pas mes collages comme des affiches. Ce ne sont pas des travaux que je mettrais dans les galeries. La rue est un des éléments de ma palette. Sachant que toujours mes interventions viennent à réinscrire l’histoire humaine sur place. Les gens passent tous les jours dans une rue, même chargée d’histoire, mais pour eux, forcément, elle se banalise. Et d’un coup, l’apparition de l’image la fait découvrir à nouveau. En fait, cette redécouverte, cet appel à l’intelligence collective, c’est le rôle de la poésie et de l’art.

Parmi les influences que vous revendiquez, il y a Picasso, que vous avec croisé pour la première fois dans d’amusantes circonstances.

Je suis issu d’un milieu modeste, et la découverte d’une certaine culture, de certaines influences s’est faite hors des écoles. Au départ, dans la famille on était tous des sportifs. J’ai fait de la bicyclette, et j’ai un frère de plus de 80 ans qui anime toujours une salle d’entraînement. Moi à 12 ans, je dessinais le pont de mon village un peu à la manière des cartes postales. Et voilà que je tombe sur un numéro de « Paris Match » dans lequel je découvre une série de déclinaisons de portraits signés Picasso sur une fille qui s’appelait Sylvette. Je me souviens même de sa queue-de-cheval. Pour moi, Picasso écrase tout. J’ai longtemps eu le sentiment qu’après lui on ne peut plus peindre. Autre exemple, Le Caravage : comme Pasolini, il a traité des grands mythes vécus par les gens de la rue.

ERNEST PIGNON-ERNEST À TAILLE HUMAINE. DOCUMENTAIRE / FRANCE 5 / SAMEDI 1 ER JUIN / 22 h 25

Entretien réalisé par Gérald Rossi
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2 juin 2019 7 02 /06 /juin /2019 06:06
COMMUNIST'ART: Mahmoud Darwich, le poète national palestinien, voix universelle de l'amour et de la nostalgie (1941-2008)
COMMUNIST'ART: Mahmoud Darwich, le poète national palestinien, voix universelle de l'amour et de la nostalgie (1941-2008)

« J'ai la nostalgie du pain de ma mère, du café de ma mère, Des caresses de ma mère… Et l'enfance grandit en moi… » : ainsi commence Oummi, fameuse ode à sa mère (1966).

 

« J'ai la nostalgie du pain de ma mère,

Du café de ma mère,

Des caresses de ma mère...

Et l'enfance grandit en moi,

Jour après jour,

Et je chéris ma vie, car

Si je mourais,

J'aurais honte des larmes de ma mère !

 

Fais de moi, si je rentre un jour,

Une ombrelle pour tes paupières.

Recouvre mes os de cette herbe

Baptisée sous tes talents innocents

Attache-moi

Avec une mèche de tes cheveux,

Un fil qui pend à l'ourlet de ta robe...

Et je serai, peut-être, un dieu,

Peut-être un dieu,

Si j'effleurais ton cœur !

 

Si je rentre, enfouis-moi,

Bûche, dans ton âtre.

Et suspends-moi,

Corde à linge, sur le toit de ta maison.

Je ne tiens pas debout

Sans ta prière du jour.

J'ai vieilli. Ramène les étoiles de l'enfance

Et je partagerai avec les petits des oiseaux,

Le chemin du retour...

Au nid de ton attente ! »

 

( A ma mère, 1966)

 

Mahmoud Darwich est un poète universel, un poète dont les images toutes personnelles, nourries de la culture du Levant, de la Palestine, font naître des échos et des émotions instantanés dans le cœur du lecteur, le ramenant au plus nu, au plus sensible, au plus beau de la vie, à son enfance. Cette émotion vibrante, c'est celle de l'amour et de la nostalgie, cette langue, d'une simplicité biblique en apparence, qui entremêle en permanence les étoiles et les oiseaux, le cosmos et le rêve, les sens et le for intérieur, c'est celle d'une vie qui se ressaisit dans sa grandeur première en-deça et par-delà les vicissitudes de l'histoire. C'est une bouée de sauvetage.

 

«  Mais que pouvais-je contre le fait que mon histoire individuelle, celle du grand déracinement de mon lieu, se confondait avec celle de mon peuple ? Mes lecteurs ont ainsi tout naturellement trouvé dans ma voix personnelle leurs voix personnelle et collective. Mais moi, lorsque j'ai chanté en prison ma nostalgie du café et du pain de ma mère, je n'aspirais pas à dépasser les frontières de mon espace familial. Et lorsque j'ai chanté mon exil, les misères de l'existence et ma soif de liberté, je ne voulais pas faire de la « poésie de résistance » comme l'a alors affirmé la critique arabe, et je ne pouvais imaginer que les lecteurs trouveraient en moi un palliatif poétique démesuré pour continuer à espérer après la défaire de ce que l'on appela la « guerre des Six-jours » » (Mahmoud Darwich, 1999)

 

Peu de poètes ont parlé à la conscience du peuple, ont pu la faire vibrer et la nourrir d'images, d'espoirs, de beauté et d'aspiration au bonheur, comme Mahmoud Darwich, en Palestine, et plus largement dans les pays arabes. Et cela à partir d'une poésie qui ne cherche jamais à dépasser le subjectif et le point de vue humain pour de la théâtralisation historique ou idéologique.

 

Chez Mahmoud Darwich, il y a un humanisme fondamental de la vision poétique qui non seulement prend en charge et combat l'injustice de l'histoire et de l'occupant colonial mais restitue toujours aussi la réalité intime complexe au-delà des clivages de la guerre.

C'est pourquoi ce poète résistant a pu aussi toucher profondément des lecteurs juifs israéliens.

Anne Berthod écrit en 2018 dans Télérama à l'occasion d'une retrospective Darwich: « Romantique avant tout, Darwich n’a jamais eu pour ambition d’être la voix du nationalisme arabe. Lui voulait être un poète de l’amour. La mystérieuse Rita, dont le nom a fait le tour du monde arabe grâce à Marcel Khalifé, est évoquée dès les premiers recueils (La Fin de la nuit, Les oiseaux meurent en Galilée…). En 1995, Darwich raconte enfin l’histoire de cette danseuse juive (nommée Tamar dans la réalité), rencontrée autrefois au bal du Parti communiste israélien, dont il était adhérent. La guerre des Six-Jours (1967) aura eu raison de leur intense idylle… « Entre Rita et mes yeux : un fusil. Et celui qui connaît Rita se prosterne. Adresse une prière. A la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel. » Rita incarne l’amour impossible. A travers elle, Darwich, toujours très métaphorique, pleurait à la fois la femme et sa terre bafouée ».

 

A lire aussi ce magnifique poème, d'une beauté déchirante : « Le soldat qui rêvait de lys blanc » :

 

«  Il rêvait de lys blancs, 

D'un rameau d'olivier, 

Des seins de son aimée épanouis le soir. 

Il rêvait, il me l'a dit, d'un oiseau

Et des fleurs de l'oranger. 

Sans compliquer son rêve, il percevait les choses

Telles qu'il les ressentait... et les sentait.

Une patrie, il me l'a dit,

C'est savourer le café de sa mère,

C'est rentrer à la tombée du jour. 

Et la terre? Je lui demandai. 

Il répondit: Je ne la connaissais pas. 

Je ne sentais pas qu'elle était ma peau et mon coeur, 

Ainsi qu'il est dit dans les poèmes. 

Mais soudain je la vis, 

Comme une boutique... une rue... des journaux. 

Je lui demandai: L'aimes-tu? 

Il répondit: mon amour est une brève promenade, 

Un verre de vin... une aventure. 

- Donnerais-tu ta vie pour elle? 

- Non! 

Je ne suis lié à cette terre que par un éditorial... un discours enflammé! 

On m'a enseigné à aimer son amour. 

Mais je n'ai pas senti son coeur se fondre avec le mien. 

Je n'ai pas humé l'herbe, les racines et les branches...

- A quoi ressemblait son amour? 

Brûlant comme les soleils... la nostalgie? 

Il fit front: 

- Ma voie à l'amour est un fusil, 

Des fêtes revenues de vestiges anciens, 

Le silence d'une statue antique

D'époque et d'origine indéterminées! 

Il me parla de l'instant des adieux, 

De sa mère

Pleurant en silence lorsqu'on l'envoya

Quelque part sur le front...

De sa voix éplorée, 

Gravant sous sa peau un souhait nouveau: 

Aah si seulement les colombes grandissaient au ministère de la défense...

Aah si les colombes!...

 

... Il fuma une cigarette, puis il me dit

Comme s'il échappait d'un marécage de sang: 

J'ai rêvé de lys blancs, 

D'un rameau d'olivier...

D'un oiseau étreignant le matin

Sur la branche d'un citronnier...

- Qu'as-tu vu? 

- Mes actes, 

Ronces rouges explosées dans le sable... les poitrines...

   et les entrailles.

- Combien en as-tu tué?

- Difficile de les compter...

Mais je n'ai été décoré qu'une fois.

 

Je lui demandai, me faisant violence:

S'il en est ainsi, décris-moi un seul cadavre.

Il rectifia sa position, caressa son journal plié

Et me dit comme s'il me chantait une ritournelle:

Tente de vent sur les gravats,

L'homme enlaçait les astres brisés.

Une couronne de sang ceignait son large front

Et sa poitrine était sans médailles,

Puisqu'il s'était mal battu.

Il avait l'aspect d'un paysan, d'un ouvrier ou d'un marchand ambulant.

Tente de vent sur les gravats... Il mourut

Les bras jetés comme deux ruisseaux à sec.

Et lorsque j'ai cherché son nom dans ses poches,

J'ai trouvé deux photos,

L'une... de sa femme,

L'autre... de sa fille...

Je lui demandai: En es-tu attristé?

Il m'interrompit: Mahmoud, mon ami,

La tristesse est un oiseau blanc

Etranger aux champs de bataille. Et les soldats

Commettent un péché, s'ils s'affligent.

Je n'étais, là-bas, qu'une machine crachant un feu rouge

Et changeant l'espace en un oiseau noir.

Plus tard,

Il me parla de son premier amour,

De rues lointaines,

Des réactions après la guerre,

Des fanfaronnades à la radio et dans les journaux.

Et lorsqu'il dissimula sa toux dans son mouchoir,

Je lui demandai: Nous reverrons-nous?

Il me répondit: Dans une ville lointaine.

 

Au quatrième verre,

J'ai dit, taquin: Ainsi tu partirais... Et la patrie?

Il me répondit: Laisse tomber...

Je rêve de lys blancs,

D'une rue qui gazouille et d'une maison éclairée.

Je quête un coeur bon, non des munitions,

Un jour ensoleillé, non un instant de folle victoire... fasciste.

Je quête un enfant souriant au jour,

Non une place dans la machine de guerre.

Je suis venu ici vivre le lever des soleils,

Non leur coucher.

 

Il me fit ses adieux... Il était à la recherche de lys blancs,

D'un oiseau accueillant le matin

Sur un rameau d'olivier.

Il percevait les choses

Telles qu'il les ressentait... et les sentait.

La patrie, il me l'a dit,

C'est boire le café de sa mère

Et rentrer, à la tombée du jour, rassuré.

( 1967)
 

 

La « Guerre des six jours » est passée par là. Nous sommes en 1967. Et Mahmoud Darwich passe une nuit à boire avec Shlomo Sand, à sa libération de prison, alors que le jeune soldat israélien, fils d'un juif polonais communiste et petit-fils d'un républicain catalan, vient de combattre et « pacifier », « humilier », à Jérusalem-est... Le soldat qui rêvait de « Lys blanc », si l'on en croit Shlomo Sand, c'est lui.

https://www.alterinfo.net/Shlomo-Sand-ou-la-nouvelle-guerre-du-Soldat-qui-revait-de-lys-blancs-de-Mahmoud-Darwich_a40842.html

Rédigé à chaud, en 1967, ce poème qui met en scène un soldat israélien, Shlomo, donc, s'apprétant à quitter son pays, meurtri par la violence et les horreurs commises, a fait scandale aussi bien en Israël que du côté palestinien. Darwich a parlé des réactions polarisées suscitées par ces vers : « Le secrétaire général du Parti communiste israélien a dit “comment se fait-il qu’il écrive ce genre de poème ? Est-ce qu’il nous demande de quitter le pays pour devenir des amants de la paix ?’’ Et pendant ce temps, les Arabes affirment : “comment ose-t-il humaniser un soldat israélien ?’’ »

***

En 1967, Mahmoud Darwich a 26 ans.

Il est né, deuxième enfant d'une famille qui en compte huit, à Birwa, un village de Galilée près de Saint-Jean-d'Acre. En 1948, pendant la Naqba, les forces juives le jettent avec les siens sur les routes de l'exil.

L'écrivain syrien, opposant de gauche, Subhi Hadidi, rappelle ce souvenir de Darwich dans la note bio-bibliographique qui accompagne le recueil anthologique de Mahmoud Darwich « La terre nous est étroite et autres poèmes »  (NRF Gallimard, 2000).

« Je m'en souviens encore... Je m'en souviens parfaitement. Une nuit d'été, alors que nous dormions, selon les coutumes villageoises, sur les terrasses de nos maisons, ma mère me réveilla en panique et je me suis retrouvé courant dans la forêt, en compagnie de centaines d'habitants du village. Les balles sifflaient au-dessus de nos têtes et je ne comprenais pas ce qui se passait. Après une nuit de marche et de fuite, nous sommes arrivés, ainsi que l'ensemble de ma famille, dans un village étranger aux enfants inconnus. J'ai alors innocemment demandé : Où suis-je ? Et j'ai entendu pour la première fois le mot Liban.... Depuis ces jours au Liban, je n'ai pas oublié, et je n'oublierai jamais, les circonstances dans lesquels j'ai fait connaissance avec le mot patrie. Pour la première fois, et sans y avoir été préparé, je me suis retrouvé dans une longue file, attendant la distribution des rations alimentaires par une organisation de secours aux réfugiés. Je me souviens que le plat principal était constitué d'une portion de fromage jaune. C'est là que j'ai entendu les mots qui allaient ouvrir devant moi des fenêtres sur un univers nouveau : patrie, guerre, les nouvelles, les réfugiés, l'armée, les frontières... Avec ces mots, je découvrais une réalité nouvelle, celle qui me priverait à jamais de mon enfance ».

 

Quand, traversant la frontière clandestinement avec son oncle et un guide, Mahmoud Darwich revient un an plus tard dans son village, c'est pour constater qu'il a été rasé par les nouveaux maîtres et qu'une colonie a été installée à sa place.

La famille de Darwich va s'installer clandestinement dans un autre village, à Dayr-al-Assad. Les instituteurs de Mahmoud le cachent à chaque descente de la police israélienne, « non sans lui avoir appris, pour le cas où il serait pris, de ne jamais dire qu'il a été au Liban, mais qu'il appartient à l'une des tribus bédouines du Nord palestinien » (Subhi Hadidi).

Mahmoud s'initie à la poésie antéislamique avec ses instituteurs, et aussi aux traditions poétiques arabes avec les paysans chanteurs qui surviennent clandestinement au village, pourchassés par la police israélienne.

« J'avais douze ans, raconte Darwich, lorsqu'on me demanda de lire un poème à l'école pour célébrer l'anniversaire de la création de l’État d'Israël !... J'écrivis un poème dans lequel je parlais de la souffrance de l'enfant en moi qui fut expulsé et qui, lorsqu'il revint, trouva quelqu'un d'autre habitant sa maison et labourant le champ de son père. Je le fis en toute innocence. Le lendemain, le gouverneur militaire me convoqua et me menaça, non de m'emprisonner mais d'interdire à mon père de travailler, si je récidivais. Je trouvai la menace terrifiante. Si mon père était interdit de travailler, qui m'achèterait les crayons et le papier ? J'ai compris ce jour-là que la poésie est une affaire plus sérieuse que je ne croyais et qu'il me fallait décider de poursuivre ou d'interrompre ce jeu dangereux ».

 

***

Jeune adulte, Darwich s'inscrit au Parti communiste israélien, judéo-arabe

Darwich va continuer à résister par les mots, c'est ce qui lui vaudra d'être emprisonné à cinq reprises entre 1961 et 1967. C'est à Haïfa qu'il rejoint clandestinement en 1961 le parti communiste israélien, le Maki, regroupant des Israéliens laïcs et non sionistes et des Palestiniens. Il collabore à ses deux publications al-Ittihâd et al-Jadîd, les deux seuls organes d'expression des Palestiniens en Israël.

En 1964, il sera reconnu internationalement comme une voix de la résistance palestinienne grâce à son recueil Rameaux d'olivier (Awraq Al-zaytun). Le poème Identité (Inscris : Je suis arabe, en langue arabe Bitaqat huwiyya: Sajel ana arabi), le plus célèbre du recueil, dépasse rapidement les frontières palestiniennes pour devenir un hymne chanté dans tout le monde arabe.

« Inscris !
Je suis Arabe
Le numéro de ma carte : cinquante mille
Nombre d'enfants : huit
Et le neuvième... arrivera après l'été !
Et te voilà furieux !


Inscris !
Je suis Arabe
Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine
Et j'ai huit bambins
Leur galette de pain
Les vêtements, leur cahier d'écolier
Je les tire des rochers...
Oh ! je n'irai pas quémander l'aumône à ta porte
Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais
Et te voilà furieux !


Inscris !
Je suis Arabe
Sans nom de famille - je suis mon prénom
« Patient infiniment » dans un pays où tous
Vivent sur les braises de la Colère
Mes racines...
Avant la naissance du temps elles prirent pied
Avant l'effusion de la durée
Avant le cyprès et l'olivier
...avant l'éclosion de l'herbe
Mon père... est d'une famille de laboureurs
N'a rien avec messieurs les notables
Mon grand-père était paysan - être
Sans valeur - ni ascendance.
Ma maison, une hutte de gardien
En troncs et en roseaux
Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?
Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.


Inscris !
Je suis Arabe
Mes cheveux... couleur du charbon
Mes yeux... couleur de café
Signes particuliers :
Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré
Et ma paume est dure comme une pierre
...elle écorche celui qui la serre
La nourriture que je préfère c'est
L'huile d'olive et le thym


Mon adresse :
Je suis d'un village isolé...
Où les rues n'ont plus de noms
Et tous les hommes... à la carrière comme au champ
Aiment bien le communisme
Inscris !
Je suis Arabe
Et te voilà furieux !


Inscris
Que je suis Arabe
Que tu as raflé les vignes de mes pères
Et la terre que je cultivais
Moi et mes enfants ensemble
Tu nous as tout pris hormis
Pour la survie de mes petits-fils
Les rochers que voici
Mais votre gouvernement va les saisir aussi
...à ce que l'on dit !

DONC

Inscris !
En tête du premier feuillet
Que je n'ai pas de haine pour les hommes
Que je n'assaille personne mais que
Si j'ai faim
Je mange la chair de mon Usurpateur
Gare ! Gare ! Gare
À ma fureur !

« Lorsque je repense à ces années, je revois la formidable capacité de la poésie à se répandre, alors qu'elle ne quête ni solitude ni grande vogue et que ni l'une ni l'autre ne sont des critères pour juger de sa beauté. Mais je sais aussi, quand je pense à ceux qui dénigrent la « poésie politique », qu'il y a pire que cette dernière : l'excès de mépris du politique, la surdité aux questions posées par la réalité et l'Histoire, et le refus de participer implicitement à l'entreprise de l'espoir » (Mahmoud Darwich, 1999)

C'est aussi grâce à leur reprise en chanson, notamment par le Bob Dylan du Levant, Marcel Khalifé, figure de proue de la chanson contestataire dans les années 1970, que Darwich, figure de l’intelligentsia palestinienne et arabe peu connue alors du grand public au début des années 60, a pu avoir une telle résonnance.

L’ami Khalifé a si bien porté ses mots qu’en 1999 il a été poursuivi par un tribunal à Beyrouth pour avoir cité le Coran dans la chanson O mon père, je suis Joseph, adaptée d’un de ses poèmes. Quelque deux mille fans chantèrent la chanson incriminée dans une manifestation de soutien, et le chanteur fut relaxé.

En 1970 Darwich est assigné à résidence à Haïfa à la suite de la publication d'articles politiques jugés trop virulents par la justice en Israël. À la suite de cela, il demande un visa d'étudiant pour quitter le pays. Il se rend à Moscou. Il y étudie l'économie politique marxiste. Il disparaît en 1971. On le retrouve quelque temps plus tard au Caire, où il travaille pour le quotidien Al-Ahram. Puis il part s'installer à Beyrouth en 1973, il dirige le mensuel Shu'un Filistiniyya (Les affaires palestiniennes) et travaille comme rédacteur en chef au Centre de Recherche Palestinien de l'OLP et rejoint l'organisation. En 1981, il crée et devient rédacteur en chef du journal littéraire Al-Karmel.

 

L'expérience de la prison a cultivé chez Darwich la force de la nostalgie et le sentiment de la vie :

 

Ma Prison (1966)

 

Mon adresse a changé.

L'heure de mes repas,

Ma ration de tabac, ont changé,

Et la couleur de mes vêtements, et mon visage et ma silhouette.

La lune,

Si chère à mon cœur ici,

Est plus belle et plus grande désormais.

Et l'odeur de la terre : parfums.

Et le goût de la nature : douceurs.

Comme si je me tenais sur le toit de ma vieille maison,

Une étoile nouvelle,

Dans mes yeux, incrustée.

 

Poésie sensuelle, romantisme lyrique, poésie révolutionnaire et patriotique, l'art de Mahmoud Darwich est tout cela à la fois, et consécutivement parfois. Au début des années 1970, Darwich, réfugié au Liban, souffrira de n'être plus perçu que comme un symbole national et un chantre du combat pour la libération de la Palestine. Il cherchera à expérimenter de nouvelles formes esthétiques et à cultiver le lyrisme et l'épopée en dehors des thèmes proprement patriotiques.

***

La plume de l'OLP et d'Arafat

Darwich est en même temps un politique, serviteur de la cause de la Libération de la Palestine et du retour des réfugiés. « Aujourd'hui, je suis venu porteur d'un rameau d'olivier et du fusil du combattant de la liberté. Ne laissez pas tomber le rameau d'olivier de ma main », déclare Yasser Arafat à l’ONU en 1974. Le discours est signé Darwich, journaliste militant qui va devenir la plume de l’OLP.

En 1982, l'invasion israélienne du Liban va faire reprendre à Darwich comme à son peuple et à ses amis de l'OLP le chemin de l'exil. Darwich écrit alors un poème-fleuve qu'il publiera en 1983, « Eloge de l'ombre haute », qu'il qualifie lui-même de poème documentaire. « Mais ne se contentant pas de dresser une grande fresque de l'invasion, de la résistance de la capitale libanaise puis des massacres de Sabra et Chatila, Darwich se pose des questions existentielles sur le sens des massacres et sur l'odyssée moderne des Palestiniens qui ont repris la mer »( Subhi Hadidi) :

 

« Et nous chantons en cachette :

Beyrouth est notre tente.

Beyrouth est notre étoile.

 

Fenêtre ouverte sur le plomb de la mer

Une rue et un muwashshah nous emportent.

Beyrouth est la forme de l'ombrage.

Plus belle que son poème, plus simple que les ragots,

Elle nous séduit de mille commencements ouverts et

d'alphabets nouveaux :

Beyrouth est notre tente,

Beyrouth est notre unique étoile

 

(…)

Beyrouth est témoin de mon cœur.

De ses rues, j'émigre, et de moi,

Suspendu à un poème sans fin.

Je dis : Mon feu ne meurt pas...

Colombes sur ses immeubles,

Paix sur ses décombres...

Je referme la ville ainsi qu'un livre

Et je porte la terre menue, telle un sac de nuages.

Je me réveille et, dans les habits de mon cadavre, je cherche trace de moi.

Et nous rions : Nous sommes encore en vie,

Tout comme le reste des gouvernants.

Merci au journal qui n'a pas annoncé que j'étais tombé là-bas par inadvertance...

J'entrouve les petits chemins devant l'air, ma foulée, les amis de passage

L'hypocrite marchand de pain et l'image nouvelle de la mer.

Merci Beyrouth les Brumes.

Merci Beyrouth les Décombres...

Mon âme s'est brisée. Je jetterai mon cadavre en pâture pour que les invasions me frappent encore,

Que les envahisseurs me livrent au poème... »

 

(La Qasida de Beyrouth, 1984)

 

Puis après un bref passage à Tunis puis au Caire, Darwich s'installe à Paris. Dans les recueils qu'il y écrit, il apparaît plus habité par ses questions intérieures, ses interrogations métaphysiques, et le dialogue avec d'autres poètes. Ses poèmes marquent un travail expérimental affirmé.

***

En 1995, Mahmoud Darwich quitte Paris et s'installe à Ramallah, d'où il continue de diriger la revue intellectuelle de la gauche critique arabe, al-Karmil (Le Carmel) publiée à Beyrouth.

Il s'oppose aux accords d'Oslo et incarne une ligne dure (ou lucide) refusant de céder à l'occupant et à ses soutiens internationaux. Elu membre du comité exécutif de l'OLP en 1987, il quitte l'organisation en 1993 pour protester contre les accords d'Oslo, dénonçant l'attitude conciliante de l'Organisation dans les négociations et « préférant une paix mais une paix juste ».

Il meurt le 9 août 2008 à Houston aux Etats-Unis, dans un hôpital, des suites de sa troisième intervention chirurgicale au cœur, à 67 ans (il avait déjà subi deux opérations du cœur en 1984 et 1998).

 

«  Pour un Palestinien, "la politique est existentielle", estimait Mahmoud Darwich. "Mais la poésie est rusée, ajoutait-il. Elle permet de circuler entre plusieurs probabilités. Elle est fondée sur la métaphore, la cadence et le souci de voir derrière les apparences", de voir "la vie, les rêves, les illusions..., le meilleur, le beau (...). Son seul véritable ennemi, c'est la haine." Aussi n'était-ce pas un hasard si le personnage du Christ, "ce Palestinien", l'avait touché par "son discours d'amour et de clémence, par cette idée qu'il est le Verbe". Pour Mahmoud Darwich, la cécité d'Israël, son entreprise d'affaiblissement systématique de l'Autorité palestinienne, l'incurie de cette dernière, le "despotisme universel" des Etats-Unis, les despotes locaux et l'exception dont bénéficie l'Etat juif en matière de droit international, étaient les causes des régressions intégristes "passéistes" de mouvements tels que le Hamas palestinien. Dans le monde arabe, et plus généralement musulman, comme en Occident, "des forces concourent à exacerber le choc des identités", estimait-il. "C'est une période transitoire, mais le présent se noie dans la tragédie". » (Mouna Naïm, dans l'article d'hommage du Monde consacré à Darwich le 11 août 2018).

 

« Etat de siège »

Un poème inédit de Mahmoud Darwich. Ramallah, publié en janvier 2002 dans Le Monde Diplomatique

ci, aux pentes des collines, face au crépuscule et au canon du temps
Près des jardins aux ombres brisées,
Nous faisons ce que font les prisonniers,
Ce que font les chômeurs :
Nous cultivons l’espoir.

* * *

Un pays qui s’apprête à l’aube. Nous devenons moins intelligents
Car nous épions l’heure de la victoire :
Pas de nuit dans notre nuit illuminée par le pilonnage.
Nos ennemis veillent et nos ennemis allument pour nous la lumière
Dans l’obscurité des caves.

* * *

Ici, nul « moi ».
Ici, Adam se souvient de la poussière de son argile.

* * *

Au bord de la mort, il dit :
Il ne me reste plus de trace à perdre :
Libre je suis tout près de ma liberté. Mon futur est dans ma main.
Bientôt je pénètrerai ma vie,
Je naîtrai libre, sans parents,
Et je choisirai pour mon nom des lettres d’azur...

* * *

Ici, aux montées de la fumée, sur les marches de la maison,
Pas de temps pour le temps.
Nous faisons comme ceux qui s’élèvent vers Dieu :
Nous oublions la douleur.

* * *

Rien ici n’a d’écho homérique.
Les mythes frappent à nos portes, au besoin.
Rien n’a d’écho homérique. Ici, un général
Fouille à la recherche d’un Etat endormi
Sous les ruines d’une Troie à venir.

* * *

Vous qui vous dressez sur les seuils, entrez,
Buvez avec nous le café arabe
Vous ressentiriez que vous êtes hommes comme nous
Vous qui vous dressez sur les seuils des maisons
Sortez de nos matins,
Nous serons rassurés d’être
Des hommes comme vous !

* * *

Quand disparaissent les avions, s’envolent les colombes
Blanches blanches, elles lavent la joue du ciel
Avec des ailes libres, elles reprennent l’éclat et la possession
De l’éther et du jeu. Plus haut, plus haut s’envolent
Les colombes, blanches blanches. Ah si le ciel
Etait réel [m’a dit un homme passant entre deux bombes]

* * *

Les cyprès, derrière les soldats, des minarets protégeant
Le ciel de l’affaissement. Derrière la haie de fer
Des soldats pissent — sous la garde d’un char -
Et le jour automnal achève sa promenade d’or dans
Une rue vaste telle une église après la messe dominicale...

* * *

[A un tueur] Si tu avais contemplé le visage de la victime
Et réfléchi, tu te serais souvenu de ta mère dans la chambre
A gaz, tu te serais libéré de la raison du fusil
Et tu aurais changé d’avis : ce n’est pas ainsi qu’on retrouve une identité.

* * *

Le brouillard est ténèbres, ténèbres denses blanches
Epluchées par l’orange et la femme pleine de promesses.

* * *

Le siège est attente
Attente sur une échelle inclinée au milieu de la tempête.

* * *

Seuls, nous sommes seuls jusqu’à la lie
S’il n’y avait les visites des arcs en ciel.

* * *

Nous avons des frères derrière cette étendue.
Des frères bons. Ils nous aiment. Ils nous regardent et pleurent.
Puis ils se disent en secret :
« Ah ! si ce siège était déclaré... » Ils ne terminent pas leur phrase :
« Ne nous laissez pas seuls, ne nous laissez pas. »

* * *

Nos pertes : entre deux et huit martyrs chaque jour.
Et dix blessés.
Et vingt maisons.
Et cinquante oliviers...
S’y ajoute la faille structurelle qui
Atteindra le poème, la pièce de théâtre et la toile inachevée.

* * *

Une femme a dit au nuage : comme mon bien-aimé
Car mes vêtements sont trempés de son sang.

* * *

Si tu n’es pluie, mon amour
Sois arbre
Rassasié de fertilité, sois arbre
Si tu n’es arbre mon amour
Sois pierre
Saturée d’humidité, sois pierre
Si tu n’es pierre mon amour
Sois lune
Dans le songe de l’aimée, sois lune
[Ainsi parla une femme
à son fils lors de son enterrement]

* * *

Ô veilleurs ! N’êtes-vous pas lassés
De guetter la lumière dans notre sel
Et de l’incandescence de la rose dans notre blessure
N’êtes-vous pas lassés Ô veilleurs ?

* * *

Un peu de cet infini absolu bleu
Suffirait
A alléger le fardeau de ce temps-ci
Et à nettoyer la fange de ce lieu

* * *

A l’âme de descendre de sa monture
Et de marcher sur ses pieds de soie
A mes côtés, mais dans la main, tels deux amis
De longue date, qui se partagent le pain ancien
Et le verre de vin antique
Que nous traversions ensemble cette route
Ensuite nos jours emprunteront des directions différentes :
Moi, au-delà de la nature, quant à elle,
Elle choisira de s’accroupir sur un rocher élevé.

* * *

Nous nous sommes assis loin de nos destinées comme des oiseaux
Qui meublent leurs nids dans les creux des statues,
Ou dans les cheminées, ou dans les tentes qui
Furent dressées sur le chemin du prince vers la chasse.

* * *

Sur mes décombres pousse verte l’ombre,
Et le loup somnole sur la peau de ma chèvre
Il rêve comme moi, comme l’ange
Que la vie est ici... non là-bas.

* * *

Dans l’état de siège, le temps devient espace
Pétrifié dans son éternité
Dans l’état de siège, l’espace devient temps
Qui a manqué son hier et son lendemain.

* * *

Ce martyr m’encercle chaque fois que je vis un nouveau jour
Et m’interroge : Où étais-tu ? Ramène aux dictionnaires
Toutes les paroles que tu m’as offertes
Et soulage les dormeurs du bourdonnement de l’écho.

* * *

Le martyr m’éclaire : je n’ai pas cherché au-delà de l’étendue
Les vierges de l’immortalité car j’aime la vie
Sur terre, parmi les pins et les figuiers,
Mais je ne peux y accéder, aussi y ai-je visé
Avec l’ultime chose qui m’appartienne : le sang dans le corps de l’azur.

* * *

Le martyr m’avertit : Ne crois pas leurs youyous
Crois-moi père quand il observe ma photo en pleurant
Comment as-tu échangé nos rôles, mon fils et m’as-tu précédé.
Moi d’abord, moi le premier !

* * *

Le martyr m’encercle : je n’ai changé que ma place et mes meubles frustes.
J’ai posé une gazelle sur mon lit,
Et un croissant lunaire sur mon doigt,
Pour apaiser ma peine.

* * *

Le siège durera afin de nous convaincre de choisir un asservissement qui ne nuit
pas, en toute liberté !!

* * *

Résister signifie : s’assurer de la santé
Du cœur et des testicules, et de ton mal tenace :
Le mal de l’espoir.

* * *

Et dans ce qui reste de l’aube, je marche vers mon extérieur
Et dans ce qui reste de la nuit, j’entends le bruit des pas en mon intention.

* * *

Salut à qui partage avec moi l’attention à
L’ivresse de la lumière, la lumière du papillon, dans
La noirceur de ce tunnel.

* * *

Salut à qui partage avec moi mon verre
Dans l’épaisseur d’une nuit débordant les deux places :
Salut à mon spectre.

* * *

Pour moi mes amis apprêtent toujours une fête
D’adieu, une sépulture apaisante à l’ombre de chênes
Une épitaphe en marbre du temps
Et toujours je les devance lors des funérailles :
Qui est mort...qui ?

* * *

L’écriture, un chiot qui mord le néant
L’écriture blesse sans trace de sang.

* * *

Nos tasses de café. Les oiseaux les arbres verts
A l’ombre bleue, le soleil gambade d’un mur
A l’autre telle une gazelle
L’eau dans les nuages à la forme illimitée dans ce qu’il nous reste

* * *

Du ciel. Et d’autres choses aux souvenirs suspendus
Révèlent que ce matin est puissant splendide,
Et que nous sommes les invités de l’éternité.

Mahmoud Darwich

 

Ismaël Dupont, 30 mai 2019 

 

Lire aussi dans la rubrique "Communist'Art" du Chiffon Rouge:

COMMUNIST'ART: Paul Eluard - par Hector Calchas

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COMMUNIST’ART - Erik Satie

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COMMUNIST'ART - Jacques Prévert, par Hector Calchas

COMMUNIST'ART: Elio Petri, le cinéaste renégat - par Andréa Lauro

COMMUNIST'ART: Mario Monicelli, cinéaste italien, auteur de Les camarades (1963)

Communist'Art: Soy Cuba - Un film de Michail Kalatozov, une émotion visuelle incroyable qui laisse enchantés et déconcertés - la chronique cinéma d'Andréa Lauro

 

 

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1 juin 2019 6 01 /06 /juin /2019 11:49
Collaboration. 1989, fin de cavale en soutane pour Paul Touvier
Vendredi, 31 Mai, 2019

Nourri et logé pendant 40 ans par une faction traditionaliste de l’Église, gracié par le président Pompidou, l’ex-milicien, arrêté le 24 mai 1989 à Nice, est le premier Français condamné pour « complicité de crimes contre l’humanité ».

Portant Lacroix (!) comme pseudonyme, l’ancien chef milicien à Lyon est arrêté au prieuré Saint-Joseph, un ensemble immobilier (chapelle, couvent, jardin) au cœur du Vieux Nice, concédé en 1987 par la municipalité Médecin à la Fraternité Saint-Pie-X, constituée par l’évêque « traditionaliste » Marcel Lefebvre.

Dans cette planque, Paul Touvier, à 74 ans passés, pouvait se sentir comme un ange (1) dans la célèbre baie. En 1989, Nice, jumelée avec Le Cap (Afrique du Sud), capitale de l’apartheid, est choisie par le FN pour y tenir l’année suivante son premier congrès national, qui aura comme invité d’honneur un ancien SS, Franz Schönhuber. Nice fut aussi, selon le vœu de Pétain, la « fille aînée de la Révolution nationale ». C’est dans ses arènes antiques de Cimiez que, le 22 février 1942, est porté sur les fonts baptismaux le Service d’ordre légionnaire (SOL), une organisation paramilitaire dévouée au maréchal. Elle est dirigée par Joseph Darnand (2), qui, en janvier 1943, fondera la Milice, sinistre police chargée de combattre la Résistance.

Élevé dans le culte du royaliste Charles Maurras

En chemise kaki et béret bleu, mille légionnaires font le serment de « lutter pour la civilisation chrétienne, contre le bolchevisme, la lèpre juive et la franc-maçonnerie ». Un programme qui convient parfaitement au jeune Touvier, né en 1915 dans une famille catholique et élevé dans le culte de l’écrivain royaliste Charles Maurras, pour qui la victoire allemande de mai 1940 est « une divine surprise ». Pour le modeste employé de gare, en mal d’ascension sociale après avoir raté son entrée au séminaire, ce contexte tragique de la défaite offre aussi l’opportunité d’entamer une carrière de gangster sous couvert de militantisme politique. Démobilisé à Chambéry, il adhère dès octobre 1940 à la maréchaliste Légion française des combattants, puis, en 1942, au SOL, dont il devient le secrétaire général pour la Savoie. Remarqué par Darnand pour son zèle policier, il est bombardé, fin 1943, chef du 2e service (renseignement et répression) de la Milice, d’abord pour Chambéry, puis à partir de janvier 1944 pour toute la région lyonnaise. Son quotidien de flic au service de la Gestapo est fait de rackets de prisonniers et de pillages dans des logements réquisitionnés appartenant à des juifs. Et il est impliqué dans l’arrestation suivie de l’assassinat, en janvier 1944, de Victor Basch, fondateur de la Ligue des droits de l’homme, et de son épouse Hélène, tous deux octogénaires, ainsi que dans l’exécution de sept otages juifs qu’il a personnellement sélectionnés.

À la Libération il prend la fuite, les poches pleines, avec l’aide de l’abbé collabo Vautherin, fondateur de l’ordre des Chevaliers de Notre-Dame, un groupement de scouts anticommunistes. Recrutant après guerre parmi les nostalgiques des croisades, c’est cette même secte qui prendra en charge l’ex-milicien durant ses derniers mois de clandestinité. Dans l’intervalle, bien que condamné à mort par contumace, à Lyon en 1946 et à Chambéry en 1947, le « chef Paul » a bénéficié de la protection d’une partie de la hiérarchie catholique. Autant d’ailleurs par « connivence idéologique » que par application du droit d’asile, ainsi que le soulignent les conclusions de la commission d’historiens formée, en juillet 1989, par l’archevêque de Lyon, Mgr Decourtray.

La commission épingle entre autres Mgr Rodhain, fondateur du Secours catholique, qui a fourni une aide financière mensuelle à la famille Touvier. Elle établit la (longue) liste des abbayes, monastères et autres chartreuses de diverses obédiences qui ont offert un abri au criminel antisémite, souvent déguisé en curé, ainsi que celle des associations religieuses et des nombreux mitrés qui se sont « mis à son service ». Parmi ces derniers, Mgr Duquaire, ancien secrétaire du cardinal pétainiste de Lyon Mgr Gerlier, puis, au Vatican, du cardinal Villot, qui réussit, en 1971, à convaincre Georges Pompidou d’accorder sa grâce présidentielle au fuyard. Lequel, dès lors, revient tranquillement habiter, en famille, à Chambéry !

Révélée par l’Express, cette infamie se retourne contre Touvier, obligé de replonger dans la clandestinité après le dépôt de plaintes pour « crimes contre l’humanité ». En 1979, une nouvelle instruction est ouverte. L’enquête est confiée à la gendarmerie nationale, plutôt qu’à la police, qui, en 1947, avait laissé s’échapper le condamné à mort, après l’avoir interpellé à Paris à la suite du cambriolage d’une boulangerie !

C’est en pistant une certaine Geneviève P., ancienne secrétaire de l’abbé Duben (lequel avait remarié Touvier en 1947) en lien avec le Secours catholique et les Chevaliers de Notre-Dame, que le gendarme Recordier a pu, après plusieurs années de traque, mettre fin à la cavale de Touvier, le 24 mai 1989, à Nice. Ce dernier, finalement jugé et condamné, est mort d’un cancer à la prison de Fresnes, le 17 juillet 1996.

Auteur de Nice. Un siècle d’histoire populaire, 1860-1960, Gilletta, 2017. (1) Poisson apparenté au requin. (2) Entrepreneur à Nice, ministre de l’Intérieur en juin 1944, fusillé le 10 octobre 1945.
 
Philippe Jérôme

 

 

Collaboration. 1989, fin de cavale en soutane pour Paul Touvier - Philippe Jérôme, L'Humanité, 31 mai 2019
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30 mai 2019 4 30 /05 /mai /2019 17:04
« Cent ans d’avenir »

En 2020, le Parti communiste fêtera ses 100 ans : cent ans de combats, cent ans d’alliances populaires, cent ans de résistances, cent ans de recherches, cent ans de conquêtes, cent ans d’ambitions, cent ans d’inventions…

Ce centenaire, il est celui de toutes celles et tous ceux qui ont milité dans ce parti, qui ont voté pour ce parti, qui ont souscrit pour ce parti, qui ont rêvé avec ce parti, qui ont lutté avec ce parti. Il est celui de tous ceux qui savent que le visage de la France d’aujourd’hui ne serait pas le même si des millions d’hommes et de femmes - métallos et artistes, cheminots et scientifiques, mineurs et instits, paysans et artisans… - n’avaient pas décidé d’agir avec le Parti communiste pendant ces dix décennies.

Il est celui des nouvelles générations qui arrivent dans un monde sans qu’on leur ait dit le souffle des batailles d’hier : pour la paix entre les peuples, pour la liberté et la décolonisation, pour la République et l’égalité, pour la Sécurité sociale, pour la retraite à soixante ans, pour la libre disposition de leur corps par les femmes, pour la réduction du temps de travail, pour un statut de la fonction publique, pour une grande recherche publique, pour la culture…

Il est celui de notre peuple qui cherche si difficilement une issue dans ce monde qu’il sait défiguré et menacé par la tyrannie capitaliste.

Le Parti communiste va donc animer, pendant toute l’année 2020, une grande année centenaire, tournée vers le plus grand nombre.

Dans une note du 16 avril 2019, la banque Natixis n’explique-t-elle pas que dans les années 1950, 1960 et 1970, les entreprises étaient obligées de « partager des revenus », en faveur des salariés car le taux de syndicalisation de ceux-ci était fort et le Parti communiste français à son apogée ? Belle variante actualisée de la fameuse formule d’Yvon Chotard, vice-président du CNPF (ancêtre du MEDEF) dans les années 1970 et 1980 : « On ne fait pas la même politique avec un PCF à 20 % et à un PCF à 10 % ». Il faudra donc parler de la richesse et de la pluralité de cette empreinte laissée par cent années d’activité communiste organisée.

La question ne se pose pas qu’en des termes mémoriels - même si la mémoire est un combat qui parle d’avenir - mais bien au présent, à l’heure où le PCF paraît, au plan électoral en tout cas, en difficulté et où les partis sont questionnés.

C’est bien pour le présent et à partir des enjeux du présent, que le PCF va organiser cette série d’événements. À l’heure où la conscience écologique se renforce et où le rejet du capitalisme reste fort mais sans alternative jugée massivement crédible, ce centenaire devra poser en grand la question du communisme pour notre siècle.

Ce centenaire, nous voulons qu’il ait cette couleur communiste si singulière : pleinement populaire, pleinement politique, pleinement culturelle. Avec des temps forts nationaux et des déclinaisons dans tous les territoires, il s’agira de donner à voir en grand cent ans de combats communistes, cent ans d’avenir.

Guillaume Roubaud-Quashie, membre du Comité exécutif national.

Collectif national de préparation du centenaire

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29 mai 2019 3 29 /05 /mai /2019 07:50
Corentin Celton, un héros (communiste finistérien) oublié des Bretons (Le Télégramme, Serge Rogers, dimanche 26 mai 2019)
Corentin Celton, un héros (communiste finistérien) oublié des Bretons (Le Télégramme, Serge Rogers, dimanche 26 mai 2019)
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27 mai 2019 1 27 /05 /mai /2019 19:14
 Communist'Art: Soy Cuba - Un film de Michail Kalatozov, une émotion visuelle incroyable qui laisse enchantés et déconcertés - la chronique cinéma d'Andréa Lauro
 Communist'Art: Soy Cuba - Un film de Michail Kalatozov, une émotion visuelle incroyable qui laisse enchantés et déconcertés - la chronique cinéma d'Andréa Lauro

« Soy Cuba » - Un film, une émotion visuelle incroyable qui laisse enchantés et déconcertés

À Cuba, le cinéma est arrivé en janvier 1897 grâce à Gabriel Veyre, représentant des Frères Lumière. La première projection eut lieu à La Havane et le mois suivant le premier film fut tourné sur l’île : la simulation de l’intervention des pompiers dans une ville.

En 1898, après la fin de la guerre hispano-américaine, fut réalisé le premier court-métrage El brujo desapareciendo œuvre de l’acteur José Esteban Casasús, suivi des films d’Enrique Díaz Quesada, le cinéaste le plus significatif de l’époque du muet, auteur de nombreux documentaires et du premier long métrage cubain Manuel García, rey de los campos de Cuba (1913). Sa production massive a été détruite en 1923 par un incendie quelques mois après sa mort. Le travail de Ramón Peón a également été remarquable. Mais le cinéma hollywoodien monopolisait le secteur de la distribution, facteur qui s’accentua avec l’ascension du pouvoir de Fulgencio Batista qui gouverna sans cesse l’île, protectorat USA, de 1933 à 1959.

Ce n’est pas par hasard que le véritable développement du cinéma cubain a eu lieu seulement après la Révolution dirigée par Fidel Castro et Ernesto « Che » Guevara, qui avaient montré plus d’un intérêt pour le septième art, faisant reprendre leur action dans les années de la révolution par Julio García Espinosa. En 1959 fut fondé l’ICAIC (Institut cubain de l’Art et de l’Industrie Cinematográficos), l’Institut du cinéma d’État né pour organiser, établir et développer l’industrie cinématographique, et produire et distribuer les films cubains. L’ICAIC, dirigé par Alfredo Guevara, collabore avec des cinéastes européens (dont l’italien Cesare Zavattini) et soviétiques (dans la période de plus grande collaboration entre les deux pays). De l’une de ces collaborations est né le film cubain le plus important et connu, Soy Cuba dirigé par le soviétique Michail Kalatozov.

Auteur de Letjat zhuravli (Quand passent les cigognes, 1957), Palme d’or au Festival de Cannes en 1958, Michail Konstantinovic Kalatozov (Tbilissi, 28 décembre 1903 – Moscou, 27 mars 1973), le moins staliniste parmi les réalisateurs soviétiques, eut l’idée de tourner un film sur Cuba dès 1961 à la suite de sa première rencontre avec le Directeur de l’ICAIC Alfredo Guevara.

Soy Cuba (littéralement Je suis Cuba) a pris forme lorsque Fidel Castro même a commandé le film pour célébrer les fastes du système politique cubain et les horreurs de l’ancien régime de Batista. Ils ont également travaillé au projet le poète soviétique Evgenij Aleksandrovic Evtušenko et l’écrivain cubain Enrique Pineda Barnet qui ont édité le scénario, Carlos Fariñas qui a composé la musique poignante et Sergey Urusevsky méticuleux directeur de la photographie qui avait déjà travaillé avec Kalatozov pour Quand passent les cigognes. Après quatorze mois de travail et la collaboration de Mosfilm de Moscou, le film est sorti dans les salles.

Suite à un bref prologue, présenté par la « voix de Cuba » (la voix est de Raquel Revuelta) qui accompagnera tout le film, Soy Cuba raconte quatre histoires de violences et d’abus qui se déroulent dans les derniers jours du régime de Batista. Dans la première, la jeune Maria (Luz María Collazo) est contrainte par la misère de se prostituer avec les riches Américains, entre alcool et night-clubs; dans la deuxième, le pauvre paysan Pedro (José Gallardo), informé que la terre qu’il cultive a été vendue à United fruits, met le feu à toute la plantation; dans la troisième histoire, Enrique (Sergio Corrieri, puis membre du Comité Central du Parti Communiste Cubain et député) renonce à tuer le chef de la police, qui ensuite le tue lâchement lors d’une manifestation. Dans le quatrième et dernier épisode Mariano, qui vit dans la Sierra avec sa famille, se joint aux barbudos après la mort de l’un de ses quatre enfants.

Influencé par le Cinema Novo brésilien, le néoréalisme italien, la nouvelle vague française et les images d’Orson Welles, Kalatozov (s’accordant de larges nuances artistiques) réalisa un chef-d’œuvre en enregistrant la ferveur politique du moment. Pure distillation de cinéma, habilement embellie par une photographie expérimentale qui convertit chaque image en une exception visuelle, le film a été agrémenté par la technique soviétique, des cadres « obliques », des longs et « acrobatiques » plans séquence, inoubliable la reprise de l’enterrement de l’étudiant montrant la douleur d’un pays entier.

Le réalisateur déclara qu’il voulait réaliser une fresque exhaustive, quelque chose, si ce n’est pas trop ambitieux, comme les Rougon-Macquart d’Émile Zola, mais la première et unique coproduction Cuba-URSS fut vivement critiquée à sa sortie. Les cubains rebaptisèrent le film No soy Cuba en voyant une représentation stéréotypée de leurs habitudes, tandis que les soviétiques le trouvèrent assez peu révolutionnaire. Le film fut ainsi retiré de la circulation et marqué comme expérience de propagande avortée.

Soy Cuba, joué par des acteurs non professionnels, a été redécouvert trente ans plus tard, en 1992, au Telluride Film Festival dans le Colorado lorsque deux hauts représentants de la New Hollywood, Martin Scorsese et Francis Ford Coppola, ils l’ont qualifié de chef-d’œuvre et ont réussi en 2005 à le remettre dans les salles. Les raisons pour lesquelles il fut attaqué à l’époque, les innovations artistiques, devinrent les mêmes pour la redécouverte.

L’histoire, le « making of » et l’accueil du film sont racontés dans le documentaire Soy Cuba, le mammouth sibérien (2004) dirigé par le réalisateur brésilien Vicente Ferras qui recueille les témoignages des protagonistes de l’époque aujourd’hui étonnés de la réévaluation. Comme le critique américain James Hoberman l’a dit, le film a été ressuscité d’un oubli de décennies, comme un mammouth réapparaît après des millénaires dans la glace sibérienne.


Depuis, le cinéma cubain a produit des milliers de films, parmi des longs-métrages, des documentaires, des dessins animés; il a fait émerger des réalisateurs de renommée internationale comme Tomás Gutiérrez Alea et Juan Carlos Tabío (Fraise et Chocolat), Humberto Solás (Lucía), Daniel Díaz Torres (Alice in Wondertown), mais Soy Cuba, film qui a failli être effacé des pages de l’histoire du cinéma, reste un aperçu d’un monde qui n’existe plus. Tourné en pleine guerre froide, il décrivit la dictature de Batista, souligna « l’infaillibilité » de Castro, dénonça le capitalisme. Il montra plus simplement combien l’idée même de la Révolution peut être belle.

Andréa Lauro


lire aussi:

COMMUNIST'ART: Elio Petri, le cinéaste renégat - par Andréa Lauro

COMMUNIST'ART: Mario Monicelli, cinéaste italien, auteur de Les camarades (1963)

Portrait - Andréa : un italien à Morlaix

 

Michail Kalatozov

Michail Kalatozov

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13 mai 2019 1 13 /05 /mai /2019 20:18
mardi 14 mai, 18h au local du PCF Morlaix: L'historien Jean-Paul Sénéchal raconte le Finistère du Front Populaire, 1934-1938:  Prochain Mardi de l'éducation populaire

Prochain Mardi de l'éducation populaire du PCF Morlaix

Réunion publique ouverte à tous

Le Mardi 14 mai à 18h au local du PCF Morlaix

2 petite rue de Callac derrière le Corto Maltese

Le syndicaliste et historien Jean-Paul Sénéchal viendra nous conter:

Le Finistère du Front populaire, 1934-1938

à partir des travaux de sa thèse et de son passionnant ouvrage du même nom Le Finistère du Front Populaire, 1934-1938. Logique de blocs et lutte pour l'hégémonie politique (1938)

Cette conférence sera suivie d'échanges avec l'auteur et historien, d'une dédicace de son livre et d'un apéritif convivial.

A lire aussi:

Le Front Populaire dans le Finistère: C'était 1936, le Front Populaire vu de Bretagne

 

mardi 14 mai, 18h au local du PCF Morlaix: L'historien Jean-Paul Sénéchal raconte le Finistère du Front Populaire, 1934-1938:  Prochain Mardi de l'éducation populaire
Article Ouest-France

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29 avril 2019 1 29 /04 /avril /2019 20:15
Disparition. Julien Lauprêtre, celui pour qui  les pauvres ne doivent pas baisser la tête (Olivier Chartrain, 29 avril, L'Humanité)
Disparition. Julien Lauprêtre, celui pour qui «   les pauvres ne doivent pas baisser la tête »
Lundi, 29 Avril, 2019

Il dirigeait le Secours populaire français depuis 1955 : Julien Lauprêtre s’est éteint à Paris, vendredi 26 avril. Il avait su donner à l’ancien « Secours rouge » l’élan qui en fait aujourd’hui l’une des plus importantes organisations de solidarité françaises.

«J’avoue que j’ai vécu. » En citant le grand poète chilien Pablo Neruda, dans une interview donnée à l’Humanité en 2003, Julien Lauprêtre résumait du même coup sa propre existence : une longue aventure, faite d’engagement et de fidélité à la lutte contre l’injustice. Celui qui vient de s’éteindre vendredi, à 93 ans, alors qu’il était hospitalisé après une chute, était entré au Secours populaire français (SPF) au cours du terrible hiver 1954. Il s’agissait alors de donner un coup de main, « pour quelques semaines ». Un an plus tard, il en devenait le secrétaire général, puis le président en 1983. Soixante-cinq ans au service de ce qui est devenu, sous son impulsion, l’une des plus grandes associations françaises de solidarité, présente sur tous les fronts et dans le monde entier, avec 80 000 bénévoles et plus d’un million de donateurs.

Né le 26 janvier 1926 dans le 12e arrondissement, où ce véritable « titi » parisien a toujours vécu, le jeune Julien a donc 10 ans au moment du Front populaire. Son père, Jean, blessé au cours de la Grande Guerre, est cheminot et communiste ; sa mère, Marie, travaille dans une conserverie de poisson. Cet été-là, il découvre la mer à l’île de Ré, grâce au Secours ouvrier international – qui deviendra le Secours populaire en 1945. Il y fait aussi, déjà, la connaissance de Jeannette, qui deviendra sa femme dix ans plus tard, et d’enfants allemands, espagnols ou italiens dont les parents ont été chassés de leurs pays par les régimes fascistes qui s’y étaient installés.

C’est peut-être dans ces rencontres que s’est enraciné son combat pour le droit de tous aux vacances, concrétisé par les Journées des oubliés des vacances qui, chaque année, permettent à des milliers d’enfants – et de familles – de partir au moins une journée. C’est certainement là que se trouve aussi la source de Copain du monde, créé en 1992 pour faire se rencontrer des enfants de tous les pays. Rien ne rendait plus fier le président du SPF que de voir ainsi, dans un de ces « villages » organisés chaque été, des enfants palestiniens hébergés avec des enfants israéliens, ou des enfants marocains et sahraouis jouer ensemble au foot.

De l’injonction de Missak Manouchian, qu’il a côtoyé sans le savoir en 1943 dans les geôles de la préfecture de police de Paris, à « continuer la lutte contre l’injustice », Julien Lauprêtre, ce jeune résistant de 17 ans, a fait la ligne conductrice de sa vie. Ainsi expliquait-il en 2015 dans nos colonnes, pour les 70 ans du SPF : « Notre vision de la solidarité, c’est que ceux qui donnent et ceux qui reçoivent participent de la même initiative. Ainsi parfois des donateurs d’hier se retrouvent demandeurs de notre aide. Et inversement, des personnes qui ont eu besoin de la solidarité s’en sortent grâce à elle et deviennent à leur tour des gens actifs au Secours populaire. Nous créons ainsi les conditions d’une nouvelle résistance et renforçons la citoyenneté. C’est l’idée que les pauvres ne doivent pas baisser la tête. »

C’est aussi au nom de cette conception de la solidarité que ce communiste de toujours – il fut membre du comité central du PCF de 1970 à 2000 – s’efforçait de combattre l’opposition, jugée artificielle, entre action politique et action humanitaire. Il s’en expliquait en 2007 dans l’Humanité Dimanche : « Aider en urgence ceux qui en ont le plus besoin, c’est énorme pour ces personnes. Quand on n’est pas concerné, cela peut sembler accessoire. Ce n’est pas du tout le cas quand vous êtes au fond du trou. Nous tenons les deux bouts de la chaîne : la solidarité populaire, indispensable pour la sauvegarde d’urgence des personnes, et l’action pour que les pouvoirs publics prennent les mesures visant à supprimer les causes de la pauvreté. » Pour lui, le SPF devait être un « aiguillon » qui s’efforce non de se substituer aux carences des pouvoirs publics, mais de les mettre devant leurs responsabilités.

Alors que sous son impulsion le Secours populaire est devenu une association gigantesque, intervenant lors d’une catastrophe naturelle à l’autre bout du monde comme dans les quartiers de nos villes, entraînant dans son action stars et multinationales, présidents de la République et champions sportifs, il ne manquait pas de rappeler que, parmi tous ces partenaires, « le premier fut l’Huma ». « Aussi loin que remontent mes souvenirs, racontait-il, je revois mon père Jean apporter l’Huma à la maison. Jusqu’à son dernier souffle, il l’a diffusé place Rambouillet, son quartier du 12e ​​​​​​​arrondissement. » Un long compagnonnage grâce auquel notre journal, de reportages en appels à la solidarité, de numéros solidaires en hors-séries spéciaux, a permis à ses lecteurs de partager les combats du Secours populaire.

Julien Lauprêtre a passé des années à dénoncer et à combattre ce qu’il nommait le « raz-de-marée de la pauvreté », qui n’a cessé de prendre de l’ampleur, sans jamais baisser les bras ni perdre l’espoir, suivant en cela scrupuleusement le conseil de Manouchian. Son décès amènera forcément une page d’histoire à se tourner. Mais soyons assurés qu’il est parti en sachant qu’ils sont des milliers, après lui, pour continuer à porter ce combat. Et un jour, le remporter.

Olivier Chartrain
Disparition. Julien Lauprêtre, celui pour qui  les pauvres ne doivent pas baisser la tête (Olivier Chartrain, 29 avril, L'Humanité)
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29 avril 2019 1 29 /04 /avril /2019 19:22
    une photo de la conférence de réunification de 1986 où l'on reconnaît à la tribune de gauche à droite Jean-Lou Moal, secrétaire de la section d'Huelgoat, Michel Coz, secrétaire de l'UD CGT, Julien, moi-même, Jean-Claude Perrot qui présidait la séance, Alain David, Louis Leroux          Au 2ème rang on aperçoit notamment José Corre penché et Jean Kervision.

une photo de la conférence de réunification de 1986 où l'on reconnaît à la tribune de gauche à droite Jean-Lou Moal, secrétaire de la section d'Huelgoat, Michel Coz, secrétaire de l'UD CGT, Julien, moi-même, Jean-Claude Perrot qui présidait la séance, Alain David, Louis Leroux Au 2ème rang on aperçoit notamment José Corre penché et Jean Kervision.

une photo de 1993 à Brest d'une réception du Secours Populaire où était présent Julien Lauprêtre

une photo de 1993 à Brest d'une réception du Secours Populaire où était présent Julien Lauprêtre

Julien Lauprêtre et le PCF Finistère, souvenirs de Piero Rainero

 

Le décès de Julien Lauprêtre rappelle à beaucoup de camarades les moments difficiles vécus par les communistes du Finistère il y a plus de 30 ans maintenant, marqués par la réunification des 2 fédérations en 1986, et la présence attentive à nos côtés de Julien, chargé par Paul Laurent et Georges Marchais de nous apporter le soutien politique de la direction du PCF.

Il venait au moins une fois par mois dans le Finistère, tout en continuant d'assumer pleinement ses responsabilités au Secours Populaire.

Je garde de lui, comme tous les camarades qui étaient alors investis dans la vie du parti dans notre département (1), Alain David m'en a fait part et d'autres également, le souvenir de son intelligence politique, de sa disponibilité, de ses qualités d'écoute, de respect des autres, de son autorité naturelle, de sa modestie, et aussi de son sens de l'humour de "titi parisien" comme il disait.

Il parlait très peu de lui, car il détestait se mettre en avant, et il fallait notre insistance amicale pour qu'il fasse le récit des ses combats :
son engagement tout jeune dans la Résistance aux nazis; son action pour développer la solidarité, en France certes, mais aussi à l'égard des résistants Algériens, Sud-Africains, Vietnamiens, Palestiniens et de leurs familles. Les droits des enfants de tous pays lui tenaient particulièrement à coeur.

Nous avions noué des liens d'amitié, je le voyais souvent alors qu'il ne venait plus dans le département (la direction du parti lui avait demandé de "suivre" les Ardennes et moi la Mayenne) mais il continuait de s'intéresser au Finistère et à la Bretagne. Je pense à ces repas de crabes (qu'il pêchait souvent lui-même) et de thon qu'il faisait griller dans le petit jardin de la maison qu'il louait à l'ile de Groix et à nos promenades, à nos déjeuners au Comité Central, à la fête de l'Huma où nous nous rencontrions chaque année, l'année dernière encore et il me rappela alors "ses bons souvenirs finistériens", j'ai appris beaucoup dans ce département disait-il souvent, mais nous surtout avons beaucoup appris avec lui.

Nous lui devons beaucoup, le parti, les communistes dans le Finistère lui doivent beaucoup.

Toute sa vie il a mis en exergue de son engagement "L'Humain d'abord", belle visée portée par le PCF et la liste conduite par notre camarade Ian Brossat aux européennes.

C'est une grande figure du mouvement communiste et du mouvement de solidarité qui nous quitte.

Amicalement.

Piero Rainero, conseiller municipal communiste de Quimper, ancien secrétaire départemental du PCF Finistère et membre du Conseil National du PCF

(1) Me viennent à l'esprit les noms de plusieurs de ces camarades, aujourd'hui disparus : Louis Leroux membre du Comité Central, François Tanguy et François Echardour de Brest, dirigeants départementaux de la CGT, Marcel Lucas de Trégunc responsable départemental et national du SNI et de la FEN, Pierre Le Rose trésorier de la fédé et ancien secrétaire fédéral, Louis Monfort de Concarneau ancien trésorier fédéral, Michel Mazéas alors maire de Douarnenez, Albert Trividic figure de la résistance dans le Cap-Sizun, Jean-François Hamon secrétaire de la section de Quimper, Daniel Trellu de la section de Châteauneuf du Faou, lieutenant-colonel Chevalier dans la Résistance, et ancien secrétaire fédéral, Alphonse Penven d'Huelgoat, ancien député du Finistère, François Paugam, de Morlaix, figure du syndicalisme et de la solidarité que Julien Lauprêtre décora de la Légion d'honneur  et combien d'autres encore...

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26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 16:16
Fabien Roussel et Julien Lauprêtre

Fabien Roussel et Julien Lauprêtre

Cheminot, Résistant, communiste, infatigable militant du bonheur des Hommes, Julien Lauprêtre nous a quittés. Je pense aujourd’hui aux centaines de milliers de familles, d’enfants qui ont retrouvé le sourire et une part de dignité grâce au Secours populaire sous sa présidence.

Déclaration de Fabien ROUSSEL

Secrétaire national du Parti communiste français

 

Avec Julien Lauprêtre, disparaît une grande figure du combat pour la justice et la dignité.

Parce qu’il avait chevillé au corps, depuis son plus jeune âge, le principe de fraternité proclamé par notre République, Julien Lauprêtre aura consacré l’essentiel de sa vie à l’animation du Secours populaire, dont il sera devenu la figure centrale depuis 60 ans.

C’est sous son impulsion que l’association sera devenue l’un des principaux recours des oubliés et des victimes d’un système capitaliste qui reproduit en permanence ses insupportables privilèges et inégalités. C’est aussi grâce à lui qu’elle sera devenue, en 1985, un « Établissement d’utilité publique ». Et c’est encore grâce à son inépuisable énergie qu’elle se sera toujours placée en première ligne des actions de solidarité avec celles et ceux qui affrontent les humiliations du quotidien comme les grandes tragédies humaines, des résistants espagnols à la dictature de Franco aux opposants chiliens au général Pinochet, du peuple vietnamien écrasé par la plus puissante armée du monde aux populations de Palestine sous les bombes, des enfants victimes du SIDA aux rescapés des grandes catastrophes naturelles.

Avec Julien Lauprêtre, le Secours Populaire aura inscrit tous ses engagements sous le mot d’ordre : « Nos vies s’appellent solidarité. » Il avait coutume d’invoquer les « nouvelles résistances » qu’il convenait d’organiser, et les plaçait dans la continuité du programme du Conseil national de la Résistance. À l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, en 1989, il avait même lancé une campagne autour de « nouveaux cahiers de doléances », initiative quoi prend de nos jours une singulière résonance.

Aujourd’hui, dans un monde en convulsions, la précarité et la misère saccagent d’innombrables vies, l’accès aux droits fondamentaux comme à la culture n’est plus garanti pour des dizaines de millions d’êtres humains, les libertés fondamentales sont remises en questions dans de très nombreux pays, l’humanité se voit mise en péril p,ar le dérèglement climatique. Jamais nous n’aurons eu autant besoin de cette vision plaçant l’Humain au cœur des politiques publiques. Les familles qui, chaque année dans notre pays, auront connu pour un court moment le bonheur des vacances, peuvent en témoigner.

Les communistes ne sauraient, au demeurant, oublier que Julien Lauprêtre aura fait ses premiers pas militants dans les rangs du PCF. Fils de cheminot communiste et syndicaliste CGT, lui-même tailleur de glace, il rejoindra la Résistance aux heures les plus noires de l’Occupation. Il intégrera alors le réseau clandestin de la Jeunesse communiste, sera arrêté en 1943, et partagera la cellule de Missak Manouchian, figure emblématique de l’Affiche rouge et de la Main-d’œuvre immigrée. Cela le marquera pour le reste de son existence et l’amènera, après la Libération, à devenir l’un des responsables nationaux de la JC puis du Parti communiste français. Il sera ainsi, trente ans durant, membre de son comité central. Bien qu’ayant décidé de se consacrer exclusivement aux activités du Secours populaire, après 2000, il se retrouvera encore très souvent à nos côtés dans le combat sans cesse renouvelé en faveur d’un autre avenir pour l’humanité. Il était ainsi venu faire partager aux membres du conseil national sa grande inquiétude devant la gravité de la situation des droits humains fondamentaux en France et dans le monde.

Aujourd’hui, tous les humanistes, tous les progressistes se sentent orphelins. Julien Lauprêtre restera pour chacun et chacune un exemple de courage, d’humanité et de détermination. Il va terriblement manquer à l’action contre l’ordre absurde de notre société.

Au nom du Parti communiste français, j’adresse mes condoléances émues à ses quatre enfants et à sa famille. Et je veux assurer ses proches, ses amis du Secours populaire, de toute notre affection et de notre solidarité.

FABIEN ROUSSEL, secrétaire national du PCF

 

Julien Lauprêtre vient de nous quitter.
Président du Secours Populaire, il était la générosité faite homme.

Merci Julien, pour ce que tu étais, pour tout ce que tu as fait, et qui nous donne envie de poursuivre le combat.

Ian Brossat, porte-parole du PCF, candidat aux Européennes de la liste l'Europe des gens contre l'Europe de l'argent

 

Hommage de Jean Dréan, militant du PCF Morlaix, en maison de retraite à Quimper

Un sacre bonhomme. Depuis 3 on 4 ans, on tentait d'obtenir la légion d'honneur pour François Paugam Homme des luttes sociales.. Responsable du secours populaire de morlaix. Un dossier en béton établi par le commissaire Le Borgne. Ca ne passait pas. A la fete de l'huma le passage de Julien: une idée de génie, je lui en parle..... 15 jours plus tard un coup de fil du commissaire....Francois Paugam officier de la légion d'honneur. Une première a Morlaix.....une céremonie grandiose à la mairie.... Alain David l'acteur actif d'une céremonie digne d un empereur.... La fédé des cheminots au premier rang. Le camarade Andouard  que j'ai rencontré plus tard en gare de Saigon- Ho-chi-minh ville.. .en mission de formation des cheminotes viets au syndicalisme. De quoi écrire un vrai roman......on ne va pas continuer à se laisser berner par le président des riches... A la lutte camarades..... " Jean Dréan

 

Hommage de Pierre Outteryck

Depuis 1995, Julien Lauprêtre m'a accompagné au sein du Secours populaire français.
Grâce à lui j'ai acquis la certitude que personne ne pourra briser ma force et ma volonté de participer à la transformation du monde et en même temps d'aider chaque jour tous ceux qui souffrent.

Le président Julien Lauprêtre répétait : "ce que nous faisons au Secours populaire ne règle rien et en même temps c'est tellement important, tellement essentiel pour toutes celles et tous ceux que chaque jour nous aidons."
Handicapé, je partage pleinement cette philosophie profondément humaniste.

Je suis acteur de cette belle campagne Ouvrir le Panthéon au monde ouvrier, Martha Desrumaux, pour une ouvrière au Panthéon !
Le président Julien Lauprêtre s'était engagé dans cette campagne d'autant plus que depuis les années 30 Martha était une grande amie du Secours populaire.
Oui, Martha a toute sa place au Panthéon, Julien Lauprêtre l'a lui aussi !
Et avec lui d'autres grandes figures défendant la Solidarité, la Justice et la Paix comme l'Abbé Pierre, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Soeur Emmanuelle et Joseph Wresinski.

Pierre Outteryck

 

Julien Lauprêtre, le président du Secours populaire est décédé - L'Humanité
Vendredi, 26 Avril, 2019

Le Secrétariat national du Secours populaire et la famille ont annoncé ce vendredi matin le décès de Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français, à 93 ans.

Communiqué du Secours Populaire Français.
Le Secrétariat national du Secours populaire et la famille ont l’immense tristesse d’annoncer le décès de Julien Lauprêtre, Président du Secours populaire français, survenu à 93 ans, dans un hôpital parisien des suites d’une chute pour laquelle il avait été hospitalisé.
Plus qu’un Président, c’est un ami que tous les membres du Secours populaire ont perdu aujourd’hui. Julien se présentait toujours comme « bénévole à Paris ». C’est vrai qu’il n’était pas un Président ordinaire. Sa porte et son écoute étaient ouvertes à tous, sans distinction, à n’importe quel moment de la journée. Une humanité, une simplicité et une sincérité qui allaient droit au coeur des 80 000 bénévoles de l’Association.
Julien aimait répéter : « La solidarité ne règle pas tout, mais pour celles et ceux qui la reçoivent, elle est irremplaçable. » Et il ajoutait aussitôt cette phrase d’Henri Barbusse : « La solidarité, ce ne sont pas des mots, mais des actes. » Toute sa vie, Julien a refusé l’inacceptable, la pauvreté, l’injustice. Toute sa vie a été orientée vers les autres. Il a fait de la solidarité son combat quotidien, et du Secours populaire, un grand mouvement de solidarité populaire.
Dès son arrivée en 1954, Julien et un petit groupe d’hommes et de femmes vont faire du Secours populaire, l’une des plus importantes associations de solidarité de notre pays. Très vite, il a compris que l’association avait tout à gagner à se recentrer sur son rôle d’association de solidarité plutôt que d’intervenir sur le champ politique. Il en a fait une association rassemblant toutes les bonnes volontés pour que se développe une solidarité populaire indépendante des pouvoirs établis, qu’ils soient publics ou privés, philosophiques, confessionnels, politiques ou syndicaux.
Au Secours populaire, nous sommes quotidiennement les témoins de ceux qui vivent un véritable parcours du combattant pour régler leurs factures, faire trois repas décents par jour, se soigner… Nous sommes aussi les témoins, avec nos partenaires dans le Monde, des situations des enfants, des femmes, des hommes qui luttent pour survivre. La pauvreté est là. Elle ne recule pas. Elle s’aggrave.
Avec une ténacité incroyable, Julien a fait front pour ne pas laisser la désespérance prospérer. Il a sillonné le monde, fait le tour de notre pays pour mobiliser les bénévoles à agir sans relâche pour les personnes dans la précarité, et sensibilisé les dirigeants à la lutte contre la pauvreté en France, en Europe et dans le Monde.
Il avait aussi à coeur d’offrir aux enfants l’opportunité de prendre la parole, d’agir, de s’organiser. C’est ainsi qu’est né en 1992 le mouvement d’enfants bénévoles au Secours populaire, les « copains du Monde ».
Il a consacré sa vie pour que celles et ceux qui n’ont rien, ou si peu, relèvent la tête et soient plus forts pour s’en sortir grâce à la solidarité, dans une démarche d’égal à égal entre celui et donne et celui qui reçoit.
Aujourd’hui, les membres du Secours populaire sont plus que résolus à continuer son combat pour faire triompher l’entraide et la solidarité et faire reculer la pauvreté et l’exclusion.

 

 

JULIEN LAUPRÊTRE, TITI PARISIEN DES BARRICADES ET MIRACULÉ DE LA PLACE DU COMBAT

Le président du Secours populaire français a lancé un groupe de résistance dès l’âge de seize ans. Un exemple emblématique de l’audace de ces jeunes qui ont su défier l’occupant et joué un rôle majeur, avec la Jeunesse communiste clandestine, dans la libération de Paris.
Il est si jeune, et c’est déjà un homme. Julien Lauprêtre affiche dix-huit ans à peine lorsqu’il pose à côté de la barricade édifiée en bas de chez lui, fin août 1944, rue Érard, dans le 12e arrondissement de Paris. Sur cette photographie, le visage juvénile contraste avec la posture bien campée de celui qui en a beaucoup vu. Il a déjà passé cinq mois en prison pour propagande anti-hitlérienne, appris le métier d’ouvrier spécialisé dans le taillage de miroirs, parti pour l’exil, devenu l’un des responsables parisiens de la Jeunesse communiste clandestine. Il n’a encore que dix-sept ans quand il rencontre, dans les geôles de la préfecture de police, Manouchian et des hommes de l’Affiche rouge. Une rencontre qui marquera pour toujours la vie de celui qui deviendra le président du Secours populaire français (SPF). Mais, avant même d’être ballotté par les soubresauts de la grande histoire, le jeune Julien a été l’un de ces jeunes titis parisiens anonymes qui, dans leur quartier, dans leur rue, ont fait montre d’une incroyable audace face à l’occupant. Et il incarne l’irréductible esprit de liberté des militants de la Jeunesse communiste clandestine, qui ont joué un rôle majeur dans la libération de Paris.
Comme son père, Julien est rapidement 
fiché, traqué et recherché
Dès 1942, échauffé par les tracts que lui donne son père, syndicaliste cheminot passé dans la clandestinité dès 1941, Julien Lauprêtre monte un groupe avec deux copains d’école du 12e arrondissement. « Nous n’étions pas très organisés mais nous avons commis quelques faits d’armes… Le plus important, ce fut d’enlever la barrière qui empêchait le passage des Parisiens devant la caserne de Reuilly, occupée par les Allemands. Nous sommes allés la briser dans les escaliers du métro Faidherbe-Chaligny. » Les trois compères ne s’arrêtent pas en si bon chemin. « Nous changions l’orientation de tous les panneaux de signalisation en allemand, et passions consigne aux enfants du quartier d’envoyer en sens inverse les soldats qui demandent leur chemin. » Julien entre ensuite en contact avec la Jeunesse communiste clandestine. Leurs actions prennent alors une tout autre dimension. Les « Mort aux boches » écrits à la craie deviennent des énormes graffitis à la peinture Minium. « Nous balançions les tracts en vélo au marché d’Aligre ou ailleurs et nous organisions des prises de parole dans les cinémas, par groupes de trois. Si le premier se dégonflait, le deuxième prenait le relais, et pareil pour le troisième… » Opération réussie : les salles ont dû rallumer la lumière pendant les actualités allemandes. Parallèlement, Julien Lauprêtre devient apprenti dans une miroiterie pour aider sa mère. Comme son père, Julien est rapidement fiché, traqué et recherché. Jusqu’au jour où son « contact 01 », responsable de plusieurs groupes de jeunes, se fait pincer. Affreusement torturé, le camarade parle et les brigades spéciales envoient Julien à la préfecture de police. Il y partagera, huit jours durant, la même cellule que des FTP-MOI du groupe Manouchian. À quelques jours de son exécution, le chef de l’Affiche rouge lui dira alors : « Toi, tu vas t’en sortir. Alors promets-moi d’être utile aux autres, de continuer le combat tant que règne l’injustice sur cette terre. » « Je m’en souviens comme si c’était hier », confie l’octogénaire qui préfère évoquer ses batailles futures avec le SPF que l’anniversaire de ses dix-huit ans, célébrés derrière les hauts murs de la prison de la Santé. Après cinq mois d’enfermement, il parvient à sortir avec une promesse d’embauche. Mais le service du travail obligatoire le rattrape. Julien se réfugie chez des parents, à Oullins, en banlieue lyonnaise. Il n’y restera que quelques semaines. Dès qu’il apprend le débarquement allié en Normandie, il prend le train « pour libérer Paris ». Il retrouve enfin son père, qui organise l’insurrection décisive des cheminots. Lui se charge de lancer la première barricade dans le 12e arrondissement, au pied de l’immeuble familial. Il se démultiplie. Un peu trop même. Quelques jours après la libération de la capitale, il distribue un tract avec le titre « Vengeons Pimpaud », qu’il croit fusillé. Marcel Pimpaud, devenu entre-temps le lieutenant-colonel Dax, était un ex-secrétaire de la JC du 12e arrondissement parti avec les Brigades internationales. « Tandis que je continuais ma distribution, un gaillard me met la main sur l’épaule, et me dit : “Pimpaud, c’est moi ! Maintenant tu poses tes tracts et je vais t’apprendre à faire des cocktails Molotov.”. » Finalement, il ne sera pas de la lutte armée. Ce qui ne l’empêche pas de passer à deux doigts de la mort, sur la – bien nommée – place du Combat (ancien nom de la place du Colonel-Fabien). « Nous avons été chargés d’aller chercher des armes avec un camion à gazogène, rue de Flandre. Nous sommes tombés sur des nazis. Mon responsable s’est enfui et s’est fait tirer dessus. Je suis descendu avec le chauffeur, les mains à l’air, des Luger pointés sur ma nuque. Les Allemands m’ont fait traverser la place. Des corps jonchaient le sol, le long de la rue. Je pensais que j’allais mourir. Quand soudain, un traction avant FFI arriva et déclencha une fusillade. J’ai filé à l’anglaise. » Un véritable miracle. Avant même la fin des combats, Julien Lauprêtre sera chargé, par le Conseil national de la Résistance, de réquisitionner des locaux pour installer des organisations démocratiques. Boulevard Diderot, il débarque avec son revolver au QG des collabos du RNP pour en faire le siège du Parti communiste. Rue Érard, il installe le local de la Jeunesse communiste. « Les jeunes y ont afflué de manière impressionnante. On pouvait revivre. C’était une nouvelle vie. » Une nouvelle vie de combat.

Julien Lauprêtre

Julien Lauprêtre

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