Henri Rol-Tanguy, à gauche, avec Paul Le Gall, Alain Signor, Pierre Le Rose, et des résistantes bigoudènes du Parti Communiste à la fête de la Bretagne dans le sud Finistère à la libération (archives Pierre Le Rose - PCF 29)
Henri Rol-Tanguy, à gauche, avec Paul Le Gall, Alain Signor, Pierre Le Rose, et des résistantes bigoudènes du Parti Communiste à la fête de la Bretagne dans le sud Finistère à la libération (archives Pierre Le Rose - PCF 29)
Le 8 septembre 2002, il y a 15 ans, disparaissait Henri Rol-Tanguy, un résistant hors normes.
Avec Henri Rol-Tanguy, décédé à Paris à l'âge de 94 ans, la Résistance communiste perdait une de ses figures mythiques, l'un des héros de la Libération de Paris. Le 25 août 1944, c'est lui, alors chef régional des Forces françaises de l'intérieur, qui avait reçu, aux côtés du général Leclerc, la reddition du gouverneur allemand de Paris, Dietrich Von Choltitz. Le lendemain, le journal l'Humanité évoquait ce militant dévoué à la cause communiste depuis l'âge de 17 ans : «Visage fin et décidé», il a un «regard franc respirant le courage et la modestie».
Né le 12 juin 1908 à Morlaix, Rol-Tanguy, de son vrai nom Henri Tanguy, avait adhéré aux Jeunesses communistes en 1925. 77 ans plus tard, il était toujours membre du Parti et continuait d'incarner, aux yeux de la jeune génération, l'engagement du «parti des fusillés» contre les nazis. Cet engagement antifasciste remonte à 1937, lorsqu'il intègre les Brigades internationales en Espagne. Quelques années plus tard, c'est en hommage à un camarade mort pendant la guerre d'Espagne, Théo Rol, qu'il choisit Rol comme pseudonyme dans la Résistance.
Je vous invite à lire un article de l’historien Roger Bourderon publié dans l’Humanité du 7 septembre 2012 :
« Ancien des Brigades internationales, résistant de la première heure, cet ouvrier métallurgiste a dirigé en août 1944 l’insurrection parisienne qui a conduit à la libération de la capitale. Indépendance d’esprit et fidélité au Parti communiste le caractérisaient.
Il y a dix ans, le 8 septembre 2002, décédait Henri Rol-Tanguy – Rol, comme on l’appelait, dernier pseudo clandestin en hommage à un combattant des Brigades internationales tué en 1938 sur le front de l’Ebre. Né le 12 juin 1908 à Morlaix, reçu au certificat d’études en 1921, à Paris en 1923, Henri Tanguy devient ouvrier métallurgiste hautement qualifié. Les journées de février 1934, la menace du fascisme, déterminent son engagement total au Parti communiste et surtout au syndicat CGT des métaux de la région parisienne, dont il est permanent en octobre 1936, puis fin 1938, après la dissolution des Brigades internationales où il s’est engagé en 1937 (il sera commissaire politique de la 14e Brigade en 1938). Il épouse le 15 avril 1939 Cécile Le Bihan, l’une des secrétaires du syndicat des métaux et sa marraine de guerre.
Mobilisé en septembre 1939, il reprend contact dès sa démobilisation en août 1940 avec ses camarades des métaux et participe à la création des premiers comités populaires clandestins. Responsable politique d’un secteur parisien du Parti communiste début 1941, il est contacté en juillet pour militer dans la lutte armée que le Parti commence à organiser. Il sera responsable militaire des FTP parisiens jusqu’en août 1942, puis responsable politique en Anjou, Poitou, et à nouveau à Paris en avril 1943. Affecté fin 1943 au titre des FTP dans les FFI en cours de constitution, élu chef régional de l’Île-de-France en juin 1944, il prépare et conduit avec son état-major l’insurrection parisienne (19-25 août). Il poursuit la guerre dans la 1re armée du général de Lattre de Tassigny et est titularisé en décembre 1945 officier d’active, lieutenant-colonel à titre temporaire.
Suspect comme communiste, il est victime de la guerre froide, relégué « personnel sans emploi » puis mis à la retraite d’office en 1962. Il est membre du Comité central du PCF de 1964 à 1987, mais jusqu’à ses derniers jours il se consacre surtout à la mémoire de la guerre d’Espagne et de la Résistance, mission pour lui essentielle.
Cette vie intense repose sur un principe majeur, la volonté d’avoir les compétences professionnelles indispensables pour accomplir ses tâches. Ce fut le cas quand il était ouvrier métallurgiste. Ce le fut pour le métier des armes, découvert avec passion lors du service militaire, forgé par l’expérience essentielle de la guerre d’Espagne, perfectionné par de nombreuses lectures sur la théorie et la pratique militaires, consolidé dans la Résistance, avec le souci permanent de la préparation minutieuse des opérations, liée à la connaissance du terrain, à la réalité des rapports de forces, aux impératifs tactiques et stratégiques. Rol ne cessa de souligner l’importance capitale du travail collectif et des relations de confiance entre les membres de l’état-major, comme il ne cessa de rappeler combien il tenait pour essentiel le rôle, souvent sous-estimé, des femmes dans la Résistance. Cécile Rol-Tanguy, qui fut continûment sa secrétaire et son agent de liaison, en est un remarquable exemple.
Dans le cadre d’une fidélité constante au Parti communiste – il n’était pas de ceux qui prétendent avoir tout compris d’emblée de la réalité du stalinisme –, une réelle indépendance d’esprit traverse la vie de Rol : pour lui, l’accord politique est un cadre, non un carcan. Attitude permanente : remplissant sa « bio » lors de la guerre d’Espagne, il ne répond pas aux questions inquisitoriales ; face au pacte germano-soviétique, il affirme que son existence ne doit obérer en rien la lutte antifasciste – comme des milliers d’autres militants, il n’apprendra qu’après la guerre les tentatives légalistes du parti à l’été 1940 ; responsable FTP, il ne donne pas suite aux consignes qu’il estime inadaptées vu le rapport des forces ; chef régional FFI, il estime ne devoir désormais dépendre que de la hiérarchie FFI, et non des FTP ; élu au Comité central, il refuse d’être reversé dans le travail syndical, pour lequel il se trouve désormais incompétent, comme il refusera d’être responsable des questions militaires sous l’exclusive autorité de Georges Marchais. Cette éthique militante lui valut des inimitiés et la non-utilisation de ses compétences dans les instances du PCF, mais son rôle éminent dans la libération de Paris le préserva de toute réaction publique officielle.
Le 23 août 2004, dans le discours qu’il prononça lors de l’inauguration de l’avenue Rol-Tanguy à Paris, le général de Boissieu, chancelier de l’ordre de la Libération – Rol avait été fait compagnon de la Libération par le général de Gaulle le 18 juin 1945, date hautement symbolique –, dira d’Henri Rol-Tanguy : « Militant communiste et syndicaliste, il restera, toute sa vie durant, fidèle à ses idéaux d’humanisme et de justice sociale, imprégné des valeurs de la tradition française. »
Bibliographie : Libération de Paris, les cent documents, de Colonel Rol-Tanguy et Roger Bourderon, avant-propos de Jacques Chaban-Delmas, Hachette Littérature, Paris 1994 ; Rol-Tanguy, de Roger Bourderon, préface de Christine Levisse-Touzé, Tallandier, 2004.
Rol avant la guerre
1908. Henri Rol-Tanguy naît dans une famille de marins bretons, fils d’un officier marinier et d’une blanchisseuse. Il est ouvrier métallurgiste dès l’âge de quatorze ans.
1925. Il est tôlier en carrosserie chez Renault. Il adhère aux Jeunesses communistes.
1929. Il fait son service militaire en Algérie au 8e régiment de zouaves. Il quitte l’armée combattant d’élite avec une formation de mitrailleur mécanicien, de télémétreur et d’armurier.
1930. Embauché à l’entreprise Nessi à Montrouge (Hauts-de-Seine), puis chez Bréguet, il suit des cours de perfectionnement et devient tôlier-formeur, chaudronnier en cuivre, tuyauteur, soudeur.
1936. Il devient secrétaire du syndicat des travailleurs de la métallurgie CGT de la région parisienne.
Lire aussi:
17 août 1944: le commandant FFI du grand Paris, Rol-Tanguy, parle aux Parisiens...
"25 août 1944. Le métallo (Rol-Tanguy) et les généraux" par Roger Martelli
Communistes de Bretagne (1921-1945)
Ci-joint, un bel article du Figaro sur Henri Rol-Tanguy.
HISTOIRE - Le 8 septembre 2002, le colonel Henri Rol-Tanguy, figure marquante de la Résistance, s'éteignait après une vie riche de combats sociaux, politiques et militaires. Retour en cinq points sur le parcours de cet homme extraordinaire.
Un fervent militant
Né à Morlaix le 12 juin 1908, fils de marin et d'une mère blanchisseuse, Henri Rol-Tanguy débarque à Paris à la gare Montparnasse en 1923. Grâce à la communauté bretonne parisienne, le jeune Henri trouve un travail aux usines Talbot. Il devient alors ouvrier métallurgique avant d'entrer chez Renault comme tôlier-carrossier. C'est à cette époque là qu'il assiste à une réunion des jeunesses communistes. Débute alors sa formation de militant. Nommé responsable des jeunes communistes, il se syndicalise à la CGTU. Après son service militaire à Oran en Afrique du Nord, il retrouve un travail chez Bréguet. Il s'y perfectionne et devient chaudronnier en cuivre, tuyauteur et soudeur. Les journées de 1934 et la montée du fascisme déterminent son engagement total au parti. Licencié en décembre 1935 suite à une grève, il devient permanent au puissant syndicat des métaux. Il est plus particulièrement chargé d'animer la campagne de solidarité avec la jeune République espagnole, après le putch des généraux. Tanguy se propose de partir combattre auprès des Espagnols.
Un combattant acharné contre le franquisme
En février 1937, Rol-Tanguy quitte la France pour s'engager dans les Brigades internationales. Sensibilisés au danger du fascisme et de l'Hitlérisme, les volontaires des BI venaient de 53 nations: on y recensait au moins dix-mille français, pour la plupart des communistes. Rol-Tanguy arrive donc à Albacete. Au début, loin du front , il exerce les fonctions de commissaire politique de l'arsenal et du parc automobile de cette ville. Puis avec la 14eme Brigade, il participe à l'offensive de l'Ebre en 1938. Blessé par un tir de mitrailleuse, il rentre à Paris en novembre. Les Brigades internationales se retirent et c'est la fin de la République espagnole.
Rol-Tanguy tirera les leçons de la guerre d'Espagne pour les mettre à profit dans son futur combat de résistant.
Un résistant de la première heure
Mobilisé en 1939, il participe aux combats contre les Allemands. Après la défaite, il se jette aussitôt dans la Résistance. C'est là qu'il prend le nom de Rol en souvenir d'un camarade tombé lors de la guerre d'Espagne. Dès les premiers mois d'occupation, il participe à la mise en place de l'Organisation spéciale (OS) et aux premiers sabotages de la machine de guerre Hitlérienne. Cécile, son épouse l'accompagne dans tous ses combats contre les nazis: elle est à la fois son agent de liaison et sa secrétaire. Rol-Tanguy devient chef des FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français), l'organisation du parti communiste. Affecté fin 1943 au titre des FTP dans les FFI (Forces Françaises de l'intérieur), il y est désigné chef régional de l'Île-de-France en juin 1944. Son quartier général se situe dans les catacombes non loin de la statue du lion de Belfort, place Denfert-Rochereau. De là il organise l'insurrection parisienne (19 au 25 août), rejoint par la 2ème division blindée de Leclerc.
Le 25 août 1944, Rol-Tanguy appose sa signature sur l'acte de reddition du général von Choltitz. Le voici artisan de la libération de Paris.
Un soldat aguérri
Après la capitulation de Paris, Rol-Tanguy poursuit une carrière militaire. Il est intégré avec le grade de lieutenant-colonel à titre temporaire jusqu'en 1962. Il s'engage dans l'armée du général de Lattre de Tassigny. Il reçoit la croix de compagnon de la Libération. La campagne d'Allemagne le conduit jusqu'à Berlin avant d'être nommé gouverneur de la ville de Coblence. Pendant la guerre froide en raison de ses convictions communistes, il est relégué au «Dépôt central des isolés» à Versailles pour dix longues années. Il organise des cours de stratégie militaires. Il se retire en 1962 date de sa retraite.
Un communiste convaincu
Fidèle aux idéaux communistes, il siège au comité central du P. C. F jusqu'en 1987. Rol-Tanguy n'est pas toujours en accord avec les choix des dirigeants de son parti, notamment avec Georges Marchais. Pourtant, quelques années plus tard, il le soutient lors de la polémique sur son comportement pendant la guerre.
Il s'éteint à l'âge de 94 ans. Le 13 septembre 2002 un hommage national est célébré par Jacques Chirac aux Invalides: «Je veux saluer la mémoire du combattant qui se fit stratège, et avec quel talent, pour défendre sa liberté et la République», soulignait alors le chef de l'État. Rol Tanguy est inhumé à Monteaux, petit village du Loir-et-Cher.
Illustre personnage qui, jusqu'à son dernier souffle, est resté d'une exemplaire fidélité à tous ses engagements.
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