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24 décembre 2018 1 24 /12 /décembre /2018 06:52
Le 24 décembre 1982, Aragon disparaissait - L'Hommage du Comité Central du PCF et de L'Humanité le lendemain,  25 décembre

Louis Aragon meurt le 24 décembre 1982, dans la nuit du jeudi au vendredi, à 0h05, dans son domicile parisien du 56, rue de Varenne.

Le lendemain, samedi 25 décembre, L'Humanité lui dédie huit pages d'hommages et d'articles sur sa vie et son œuvre, souvent très denses. Et six pages encore le lundi 27 décembre 1982 pour ses obsèques prévues le lendemain.

Il y a d'abord l'hommage adopté par le Comité Central du PCF, magnifique, qui mérite d'être cité intégralement.

Il est sous un encadré avec une photo d'Aragon prise en 1982 avec son chapeau, et la formule de La Diane française "Mon parti m'a rendu mes yeux et ma mémoire"

C'est notre honneur

"Aragon n'est plus.

Pour ses camarades communistes dont il était la fierté, pour tous ceux en qui a retenti sa parole aux plus forts moments de notre vie nationale, pour les femmes et les hommes innombrables que le rayonnement de son art a atteints jusqu'au bout du monde, la perte est immense?

Présent à tous les rendez-vous de notre peuple et de sa culture avec l'histoire, Aragon a marqué son siècle.

Il l'a marqué par son œuvre, infiniment diverse et profondément une: œuvre poétique chantant sur tous les tons, à travers toutes les formes, l'amour et la colère, la douleur et l'espoir: œuvre romanesque à la taille du monde réel et de l'histoire, indissolublement croisée avec celle d'Elsa Triolet; œuvre critique attentive à tous les chemins nouveaux de la création, sans cesse attachée à mettre l'héritage au présent. Riche de cette assimilation exceptionnellement inventive de la culture française et mondiale, retrouvant et continuant notre grande tradition humaniste à travers les ruptures les plus révolutionnaires, élaborée jusqu'au plus extrême raffinement et capable d'entrer dans la sensibilité populaire jusqu'à devenir chanson, l’œuvre d'Aragon est un sommet de l'art contemporain.    

Il a marqué en même temps son siècle par cette manière de vivre jusqu'au bout l'engagement du créateur dans les combats pour changer le monde. Bien des écrivains ont joué un rôle civique dans notre histoire. Mais rares sont ceux qui ont poussé si loin la liaison délibérée de l'écriture et de l'acte politique. Ce fil perpétuel qui noue dans son œuvre vie intime et vie publique, ce croisement sans cesse renouvelé de la création littéraire avec la prise de position du journaliste et l'intervention du militant font d'Aragon une des personnalités les plus fortes de la France contemporaine.

Ce prodigieux inventeur de formes a été une haute voix de notre temps. 

Au sortir de la Première Guerre, en rupture radicale avec une esthétique et une morale qui s'étaient faites complices de la tuerie impérialiste où l'on avait jeté ses vingt ans, Aragon est l'un des fondateurs, une des figures décisives du mouvement surréaliste, cette insurrection de l'esprit dont jamais il ne reniera les choix fondamentaux. 

C'est à partir d'eux que, poussant jusqu'au bout sa remise en question de l'inacceptable ordre établi, Aragon adhère dès 1927 au jeune Parti communiste. De cette rencontre capitale avec la classe ouvrière révolutionnaire, de sa découverte concrète de l'Union soviétique naît une dimension nouvelle de son engagement politique comme de son art. A la pointe de l'action antifasciste et pour la paix, au cœur du Front populaire, il est de ceux qui ont le plus ardemment contribué à unir en une même démarche combat de classe et combat national, grandeur française et solidarité internationale.

Dans les années de douleur et de courage où la France trahie est occupée par les nazis, Aragon est au premier rang pour organiser la résistance chez les intellectuels, animer le Front national, fonder Les lettres françaises et le Comité national des écrivains. En des termes inoubliables, il est une voix sans pareille de la France debout dans la lutte contre l'envahisseur. 

Lorsque, après la grande espérance de la Libération, vient l'époque de la guerre froide et des guerres coloniales, de l'inféodation atlantique, puis du long règne de la droite, Aragon le poète, le romancier, l'essayiste, le directeur de Ce Soir et des Lettres Françaises met sans compter son prestige et son génie dans la balance de toutes les causes où se joue le bonheur des hommes, du mouvement mondial pour la paix et de la solidarité avec les pays socialistes au combat national pour l'indépendance et la démocratie. Il se voue avec Elsa à la défense et illustration de notre culture à sa rencontre avec toutes les autres. Bouleversé par ce qui vient ternir l'image du socialisme, il milite pour son visage humain. Soucieux de rassembler, il a été inlassablement de la longue bataille pour la victoire de la gauche. 

Peu de vies ont à ce point fait honneur aux couleurs de la France.

Et c'est notre honneur que pendant plus d'un demi-siècle, liant au chemin de tous sa démarche singulière, Aragon ait été sans jamais faire défaut un communiste.

Ce qu'il a apporté à notre Parti est inestimable. Il a pris dans les années 30 sa part des efforts pour en surmonter les maladies infantiles. Il n'a cessé de rendre puissamment sensibles, par-delà les cris et chuchotements de la calomnie, l'inspiration démocratique et nationale de notre politique, le souffle libérateur du marxisme, la stature de l'homme communiste. Toujours il a voulu servir, comme il aimait à le dire, et parfois jusqu'à la déchirure, ce parti qu'il avait fait sien une fois pour toutes il y a cinquante-cinq ans à partir de raisons plus profondes que toutes les failles de l'histoire. 

Devant ce qui n'y fut pas toujours selon son cœur, devant l'amertume des erreurs un temps partagées, jamais il n'a songé à rebrousser chemin, mais à agir pour avancer. Membre du Comité central depuis 1950, il a été au sens le plus vrai du mot un homme politique.

Artisan passionné d'une conception démocratique et nationale de la culture, partisan convaincu de l'alliance capitale de la classe ouvrière et des intellectuels, explorateur hardi de l'ouverture et de l'union, il a joué un grand rôle à sa mesure dans ces grands pas en avant de notre Parti qui s'appellent Argenteuil et Champigny, dans cet acte décisif qu'a été notre 22e congrès. La marque d'Aragon se lit à livre ouvert dans notre conception et notre pratique de l'avancée démocratique vers un socialisme à la française.

Lors de son 80e anniversaire, il exprimait sa joie devant ce que son Parti était devenu. Sa disparition nous fait redire avec solennité combien nous mesurons la part qu'il y a prise.

Au moment où Aragon nous quitte, où son œuvre achevée appareille vers les plus lointains lendemains, nous, ses camarades des nuits noires et des jours lumineux, nous saluons en lui, du fond de notre douleur et avec une ineffable gratitude, l'une des plus hautes images de l'homme d'aujourd'hui".

Le Comité Central du Parti Communiste Français

 

 

 

 

 

 

Aragon et Marchais

Aragon et Marchais

Georges Marchais est cité page 3: 

"Je suis bouleversé"

Aussitôt connue la mort d'Aragon, Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste français, a déclaré:

"Aragon n'est plus. Les mots me manquent pour dire la peine immense qui m'étreint. Je perds un ami très proche, notre Parti un des meilleurs des siens, la France son plus grand poète du siècle. Je suis bouleversé".

Plus tard, après avoir salué la dépouille mortelle d'Aragon, Georges Marchais, interrogé par les journalistes, a déclaré:

"J'ai beaucoup de peine, car je perds un ami. Pour beaucoup de gens, cela peut apparaître comme une attitude prétentieuse de ma part. Ce n'est pourtant pas le cas.

"Aragon a parlé avec moi pour la première fois en 1956, lorsque j'ai été élu au Comité central. Depuis, il a toujours joué un grand rôle auprès de moi. Par exemple, en 1968, quand avec Waldeck Rochet, nous avons travaillé au Manifeste de Champigny, les conseils d'Aragon ont été précieux". 

Puis il a poursuivi: "Par la suite, quand Waldeck Rochet est tombé malade et que j'ai été investi des responsabilités qui sont les miennes aujourd'hui, j'ai souvent rencontré Aragon et il m'a beaucoup aidé. 

"A la veille du XXIIe Congrès, qui a été un tournant pour le Parti, Aragon est venu me voir dans mon bureau. Il m'a apporté un témoignage qui avait une grande signification: "La Joconde", par Marcel Duchamp.

" Aragon avait une dimension nationale et internationale, une dimension qui n'a rien à voir avec la mienne. Mais c'était un ami. C'était un des meilleurs des nôtres, dans sa fidélité constante au Parti communiste, à ce Parti dont il disait "Je démissionne chaque soir, je réadhère chaque matin"

"C'est le plus grand poète de ce siècle. Pour nous, et pas seulement pour nous.

"Aragon, c'est la fidélité à son engagement, comme écrivain surréaliste, et à son engagement comme membre de son Parti. C'est un exemple de fidélité, au sens le plus fort de ce terme. Une fidélité qui n'a jamais été aveugle. C'était Aragon avec tout ce qu'il était". 

 

 

Le 24 décembre 1982, Aragon disparaissait - L'Hommage du Comité Central du PCF et de L'Humanité le lendemain,  25 décembre
Trois mots à la une : Aragon est mort
Lundi, 24 Décembre, 2012

C’est ainsi que l’Humanité annonçait sa disparition, le 25 décembre 1982, avec une photo de ses dernières années. Une foule grave avait assisté trois jours plus tard à l’hommage qui lui fut rendu, place du Colonel-Fabien, à Paris.

Le 25 décembre 1982. Sans doute est-ce alerté la veille par la radio ou la télé que l’on était allé acheter l’Huma ce matin de Noël. Un titre, un seul titre à la une, d’une clarté tranchante : « Aragon est mort ». Ces trois mots et une photo. Il n’avait sans doute pas été facile de la choisir. Quel était l’Aragon des lecteurs de l’Huma, et, bien au-delà, de tous ses lecteurs ? Le jeune homme si élégant des années surréalistes, aux mille cravates, mais qui avait déjà sur le front de la guerre, puis à l’hôpital du Val-de-Grâce où il avait rencontré André Breton, connu la souffrance, la mort et la folie ? Le poète de la Résistance ? L’auteur d’Aurélien ou celui de la Semaine sainte, celui de la Défense de l’infini en 1927 ou de ces pages hallucinées des Communistes, où il décrit comme le Triomphe de la mort, de Bruegel, le désastre de Dunkerque ? Le membre du Comité central du PCF, ancien directeur du quotidien Ce soir, directeur des Lettres françaises qui avait offert à Georges Marchais l’une des trois Joconde à moustache de Marcel Duchamp, portant ces mots en forme de provocation : « LHOOQ » ? « Autant il y a d’artistes véritables, écrivait Marcel Proust, autant il y a de mondes différents. » Aragon fut un inventeur de mondes. L’une des logiques sans doute de cet enfant sans nom, qui ne connaissait pas son père, un enfant de l’amour, comme on disait à la fin du XIXe siècle. Un enfant qui crut longtemps que sa mère était sa sœur et pour qui écrire était un « mentir-vrai ». Inventeur de mondes, se récriera-t-on peut-être, et le monde réel, alors, qu’il avait donné comme titre à son cycle romanesque des années trente ? Bien sûr… mais jamais il ne le confondit avec un plat réalisme, fût-il baptisé socialiste.

«Il nous restera de lui le pouvoir infini des mots »

Le journal avait choisi une photo des dernières années. Ces années où souvent il s’exprimait avec un de ces masques blancs des mimes, comme si dans cette traversée du siècle il s’était senti devenir une ombre. « Siècle martyr, siècle blessé, c’est de sang que sa bouche est peinte. »

Ses obsèques avaient eu lieu trois jours après. Le président de la République, François Mitterrand alors, le gouvernement n’avaient pas cru bon d’organiser des obsèques nationales. Ce fut au PCF qu’il échut de lui rendre hommage. Non qu’il lui appartînt, mais aussi parce que, peu à peu, comme le dira alors Georges Marchais, le PCF s’était reconnu en lui. Ce jour-là, place du Colonel-Fabien, devant la façade de verre de Niemeyer, il y avait une grande foule grave, avec partout les couleurs des drapeaux et des roses rouges. Pierre Mauroy, premier ministre, était venu. « Il nous restera de lui le pouvoir infini des mots et cela qui lui faisait toujours discerner la lueur d’une aube. » Le cercueil après la cérémonie publique avait été emporté à Saint-Arnoult-en-Yvelines pour être inhumé sous la grande dalle de pierre où reposait déjà Elsa avec ces mots gravés : « Quand côte à côte nous serons enfin gisants »… 25 décembre 1982. Dans un autre journal, le Figaro, Jean d’Ormesson saluait « le plus grand poète français. Un romancier de génie ».

L’actualité d’Aragon
Pour commémorer le trentième anniversaire de la mort d’Aragon, l’Équipe de recherche interdisciplinaire sur Elsa Triolet et Aragon (Erita), met en ligne un dossier, l’Actualité d’Aragon, prélude à un numéro spécial de sa revue Recherches croisées. Ce dossier comporte un bilan de la recherche aragonienne, des textes d’Aragon, des contributions de chercheurs, écrivains, artistes ainsi qu’un hommage à Michel Apel-Muller, l’un des fondateurs de l’Erita, qui vient de disparaître.

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17 décembre 2018 1 17 /12 /décembre /2018 11:27
Fernand Jacq- Document archives départementales du Finistère

Fernand Jacq- Document archives départementales du Finistère

Fernand Jacq et sa famille - Document archives départementales du Finistère

Fernand Jacq et sa famille - Document archives départementales du Finistère

Publication du PCF Finistère à la Libération - document archives Départementales du Finistère

Publication du PCF Finistère à la Libération - document archives Départementales du Finistère

http://www.archives-finistere.fr/concours-national-de-la-r%C3%A9sistance-et-de-la-d%C3%A9portation-dossier-fernand-jacq

FERNAND JACQ

médecin et élu au Huelgoat, militant communiste et résistant, fusillé à Châteaubriant le 15 décembre 1941

 

Article des Archives Départementales du Finistère, mis en ligne pour le Concours de la Résistance et de la Déportation en 2014

On retrouve la trace de l’histoire de Fernand Jacq grâce à une série de documents conservés dans une maison particulière de Pont-Aven et découverts par le nouveau propriétaire des lieux. Il est probable que les documents aient été conservés par les parents de Fernand Jacq après le décès de celui-ci.

En voici la liste :

Documents scolaires : livrets scolaires de Fernand Jacq et palmarès du collège de Morlaix (1920-1926).

Thèse de doctorat en médecine « Contribution à l'étude de la réaction de l'Acétate de cuivre chez les Cancéreux » (1934).

Arrestation et exécution du docteur Jacq : lettres du docteur Jacq à ses parents (25 juin - 15 décembre 1941).

Lettres reçues par les parents du docteur Jacq, de proches réagissant à l'événement (1942).

Article sur l'exécution du docteur Jacq paru dans le journal Le Cameroun libre (1er mai 1942).

Hommage public, obsèques solennelles du docteur Jacq au Huelgoat en décembre 1945 : correspondance, coupures de presse.

Lettre manuscrite du docteur Classe se défendant des accusations portées contre lui d'avoir contribué à l'arrestation du docteur Jacq (s. d., après 1941).

Photographies du docteur Jacq.

Biographie du docteur Jacq écrite par sa mère (s. d. [1945]).

Ces documents sont entrés par don en 2003 aux Archives départementales et sont regroupés sous la cote 1 J 448 (Archives privées).

 

Dernière lettre de condamné de Fernand Jacq -document archives Départementales du Finistère

Dernière lettre de condamné de Fernand Jacq -document archives Départementales du Finistère

FERNAND JACQ médecin et élu au Huelgoat, militant communiste et résistant, fusillé à Châteaubriant le 15 décembre 1941 (archives départementales du Finistère)

Premières années et engagement

Né à Granville (Manche) le 12 janvier 1908, Fernand Jacq, est issu d’une famille de fonctionnaires (père douanier, mère employée des PTT). Ses parents quittent peu après sa naissance la Normandie pour la Bretagne et Fernand grandit en Finistère, dans la petite commune de Pleyber-Christ.

Elève studieux et brillant malgré une santé fragile, il s’oriente vers des études de médecine et sort diplômé de la faculté de Rennes, ville où il rencontre sa femme. En 1933, il revient dans le Finistère, d’abord à Querrien, puis s’installe au Huelgoat comme médecin, terminant sa thèse de doctorat en médecine en 1934.

Communiste, sa mère écrit en 1945 dans une brève biographie de son fils, qu’elle l’interrogea avant guerre sur son engagement politique. Il lui répondit : « Parce que j’ai eu faim ! et que je travaille pour qu’il n’y ait plus de misères ».

 

En effet, dès 1930, Fernand Jacq adhère au Parti Communiste Français. Il devient conseiller municipal au Huelgoat en 1935, puis participe à sa restructuration après son interdiction en septembre 1939.  

 

L'arrivée de la guerre

Lorsque la guerre éclate, Fernand Jacq est contrarié de n’être pas mobilisé. Il est réformé pour raison de santé mais adresse un courrier au préfet du Finistère par lequel il demande d’être incorporé dans un régiment quelconque. Il souhaite, d’après le témoignage de sa mère, être aux côtés de ses camarades dans le combat. Toutefois, sa demande est rejetée et il est contraint d’attendre l’arrivée des Allemands au Huelgoat.

A l'arrivée des troupes d'occupation à Pont-Aven, commune de résidence de ses parents, un notaire menace et rappelle les engagements politiques de Fernand Jacq au père de ce dernier. Il déclare espérer que le médecin sera bientôt fusillé. La famille vit alors dans une inquiétude perpétuelle. Le médecin est en effet déchu de son mandat politique par le Gouvernement de Vichy. Toutefois, cela n’empêche pas Fernand Jacq de rejoindre la Résistance en adhérant en 1941 au Front national de lutte pour la libération et l'indépendance de la France. Il procède à de nombreux recrutements et est l'un des organisateurs des premiers groupes de FTP (Francs-Tireurs et Partisans) dans le Finistère. En juin de la même année, il est désigné comme responsable départemental du Service Sanitaire et réussit rapidement à mettre sur pied les éléments d'une organisation qui rend de grands services à la Résistance.

 

Arrestation et internement

Fernand Jacq est arrêté le 3 juillet 1941, probablement victime d’une des innombrables lettres de délation envoyées aux autorités sous l’Occupation. Il est immédiatement conduit dans le camp d’internement de Choisel, à Châteaubriant (Loire-Inférieure), section politique, baraque 7. Voici son témoignage le lendemain de son arrivée (correspondance à ses parents) :

Dans les lettres suivantes adressées à sa famille, le Docteur Jacq ne renie jamais ses engagements et redit sa fierté de partager le sort de millions d’Hommes, d’être enfermé à Choisel au milieu de camarades constituant « l’élite de la France ». Il écrit aussi : « Il y a plus d’intelligence ici que dans n’importe quel lycée de France et nous vivons dans l’attente d’un avenir que nous sentons très proche, avec la certitude de la victoire ». Toutes ses lettres dénotent d’une grande foi en l’avenir et la victoire finale du camp de la Liberté.

L’abattement n’est donc pas de mise et Fernand Jacq est très actif dans le camp. Il dispense durant sa captivité des cours de breton pour les autres otages du camp et met en place une chorale bretonne.
 
 
 

Côté population, il faut aller chercher dans la correspondance préfectorale (200 W 68) pour mesurer l'émoi suscité par l'arrestation du médecin. En décembre 1941, en effet, deux courriers du Sous-Préfet de Châteaulin sont transmis à son supérieur direct, le Préfet du Finistère.

Il demande la grâce du Docteur Jacq, assortie d'une mesure d'éloignement du département.

La raison de cette démarche volontariste du Sous-Préfet transparaît clairement dans ses écrits. La population "... commence à le (Fernand Jacq) considérer comme un héros". La libération par les autorités à la période de Noël "... dissipera définitivement le malaise dont j'ai pu être témoin depuis quelques semaines au cours de mes tournées dans la région susvisée".

L'arrestation de Fernard Jacq choque donc bien la population du Huelgoat, à tel point que le Sous-Préfet de Châteaulin semble craindre que son maintien en détention ne constitue un danger dans le rapport des autorités avec la population locale.

Cette initiative du Sous-Préfet restera toutefois lettre morte, intervenant trop tardivement

 

 

Les Neuf de la Blisière

En effet, à la suite d’attentats à Paris, les Allemands décident de fusiller 100 otages ; neuf seront pris dans le camp de Choisel. Parmi eux figure Fernand Jacq. Vers midi, le 15 décembre 1941, les feldgendarmes conduisent les neuf otages en plein cœur de la forêt de Juigné, au bord de l’étang de La Blisière où ils sont exécutés aux alentours de 15 heures.

Au moment du départ des otages pour le lieu de l’exécution, les prisonniers du camp de Choisel s’étaient mis à entonner la Marseillaise, certains chantèrent le Bro gozh ma zadoù (hymne national breton), d’autres enfin entonnèrent l’Internationale en breton.
L’espoir et la résistance à l’oppression ne quitta pas ces hommes comme en témoigne encore la dernière lettre de Fernand Jacq, lettre d’adieux rédigée à ses parents le jour même de l’exécution (Voir ci-contre).
 

Fernand Jacq ne manque d’ailleurs pas de rappeler dans cet écrit que lui et ses camarades ne sont pas les premières victimes de l’occupant au camp de Choisel et commémore les fusillés du 22 octobre 1941. Ce jour là, en représailles à l’assassinat du commandant de Nantes, le Feldkommandant Fritz Holtz, les Allemands avaient fusillés 27 détenus du camp de Choisel dont le jeune Guy Môquet (17 ans).

L’émotion est grande à la mort du médecin du Huelgoat. Les premiers témoignages d’afflictions des proches de la famille en attestent bien sûr, mais c’est à la libération qu’on mesurera l’impact qu’eurent ces exécutions arbitraires de civils parmi la population française.

  

Toutefois, dès 1942, le frère de Fernand Jacq, Marcel, sous-lieutenant des Forces Françaises Libres (FFL) du Cameroun, apprend la nouvelle et l’organe de presse des FFL du Cameroun mentionne son exécution, honorant sa mémoire d’un vribant discours combattant contre l’occupant (Voir ci-dessous).

FERNAND JACQ médecin et élu au Huelgoat, militant communiste et résistant, fusillé à Châteaubriant le 15 décembre 1941 (archives départementales du Finistère)
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12 décembre 2018 3 12 /12 /décembre /2018 05:36
Anne Guillou: Guerre d'indépendance de l'Algérie, blessures intimes - photos du Mardi de l'éducation populaire du PCF pays de Morlaix, 11 décembre 2018
photo Jean-Luc Le Calvez

photo Jean-Luc Le Calvez

Anne Guillou: Guerre d'indépendance de l'Algérie, blessures intimes - photos du Mardi de l'éducation populaire du PCF pays de Morlaix, 11 décembre 2018
Anne Guillou: Guerre d'indépendance de l'Algérie, blessures intimes - photos du Mardi de l'éducation populaire du PCF pays de Morlaix, 11 décembre 2018
Anne Guillou: Guerre d'indépendance de l'Algérie, blessures intimes - photos du Mardi de l'éducation populaire du PCF pays de Morlaix, 11 décembre 2018
Anne Guillou: Guerre d'indépendance de l'Algérie, blessures intimes - photos du Mardi de l'éducation populaire du PCF pays de Morlaix, 11 décembre 2018
Anne Guillou: Guerre d'indépendance de l'Algérie, blessures intimes - photos du Mardi de l'éducation populaire du PCF pays de Morlaix, 11 décembre 2018

Mardi de l'éducation populaire hier soir, 11 décembre, au local du PCF à Morlaix.
Une petite trentaine de personnes présentes qui ont été très intéressées par une heure et demi de conférence sur le thème "Guerre d'Algérie, blessures intimes", suivis d'une demi-heure d'échanges et d'un apéro convivial.
Anne Guillou revient sur la mort de son fiancé, jeune officier, pendant la guerre d'Algérie en août 1960, sur son éducation léonarde et conservatrice qui ne prédisposait pas à comprendre les enjeux des "évènements d'Algérie", sur les racines de cette guerre d'indépendance, de libération nationale, impitoyable, sur les mémoires meurtries et la possibilité néanmoins de la réconciliation. Sur la colonisation brutale de l'Algérie à partir de 1830. Une conférence passionnante, profondément humaine, avec une écrivaine et sociologue qui parvient bien à expliquer les choses avec finesse, simplicité et profondeur. Des anciens appelés d'Algérie étaient présents et ont pu témoigner eux aussi.

Anne Guillou a dédicacé de nombreux exemplaires de son livre de témoignage, d'enquête, sorti chez Skol Vreizh début 2018: "Une embuscade dans les Aurès" (15€). 

Anne Guillou: Guerre d'indépendance de l'Algérie, blessures intimes - photos du Mardi de l'éducation populaire du PCF pays de Morlaix, 11 décembre 2018
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4 décembre 2018 2 04 /12 /décembre /2018 05:54
En novembre 2018, parution de Irlande en révolutions, un essai historique de Olivier Coquelin aux éditions Syllepses

Un livre à conseiller de notre ami universitaire Olivier Coquelin que nous avions eu déjà eu le bonheur de publier dans le Chiffon Rouge:

Soviets irlandais : expériences autogestionnaires dans l’Irlande révolutionnaire (1918-1923) (1/2) par Olivier Coquelin

https://autogestion.asso.fr/soviets-irlandais-experiences-autogestionnaires-dans-lirlande-revolutionnaire-1918-1923-12/

 

Pour comprendre les particularités de l’Irlande contemporaine, l’auteur nous invite à un voyage dans une histoire des revendications émancipatrices du peuple irlandais.
La partition de l’île d’Irlande, qui perdure à ce jour, fut l’une des conséquences de la Révolution de 1916-1923. Inachevée, la rupture avec l’ordre ancien contribua surtout à renforcer le pouvoir des forces conservatrices, à l’œuvre des deux côtés de la frontière.
Pareil phénomène oblige à s’interroger sur la nature même des mouvements politiques (révolutionnaires comme constitutionnels) et sociaux (agraires comme ouvriers) irlandais qui se réclamèrent du nationalisme, à partir du siècle des Lumières.

Dans quelle mesure se faisaient-ils les partisans de desseins progressistes dans la perspective d’une Irlande indépendante, autonome ou maintenue dans le giron britannique ?

Entre nationalismes et conservatismes: une histoire politique et sociale (18e-20e siècles)

Collection : « Histoire : enjeux et débats »

Auteur-e : Olivier Coquelin

Parution : Novembre 2018
Pages : 544
Format : 150 x 210
ISBN : 978-2-84950-693-6

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19 novembre 2018 1 19 /11 /novembre /2018 21:16
Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

 
 
Patricia et André, nos camarades de La Feuillée, nous avaient recommandé l'exposition éphémère in situ de Street Art de Guy Denning, un grand artiste vivant à La Feuillée, dans les Monts d'Arrée, près de Morlaix.
Dans la veine des Ernest Pignon Ernest.
Notre ami photographe Jean-Marc Nayet, qui a lui-même beaucoup travaillé sur le souvenir de la première Guerre Mondiale, a été voir et nous a ramené une magnifique collection de photographies.
Une exposition de plein air à découvrir avant que le temps ne l'efface.
 
Voici la présentation de l'artiste anglais, et breton d'adoption, Guy Denning, sur son blog:
 
“112” – Le projet du centenaire de l’armistice pour La Feuillée

L’idée de ce projet m’est venue de l’intérêt des médias pour le centenaire de la Première Guerre mondiale. Mais, plutôt que de me concentrer sur le début de ce lamentable épisode de notre histoire, j’ai jugé plus opportun de porter mon attention sur l’armistice.
La Première Guerre mondiale est devenue obsédante pour moi lorsque mes parents m’ont emmené à Verdun découvrir les lieux des champs de batailles et visiter les cimetières militaires alors que je n’avais que 12 ans. Avant cela, ma réflexion sur la guerre se réduisait aux petits soldats en plastique, aux chars d’assaut et aux films de guerre diffusés généralement à la télévision le dimanche après-midi. Je ne pense pas que ma vision de la guerre était très différente de celle de la plupart des enfants anglais de l’époque. C’était juste un moment de divertissement dans nos vies, un peu comme les westerns américains ou les mauvaises séries télévisées de science-fiction.
J’ai le souvenir que cette visite à Verdun, a tout changé pour moi. En 1916, en à peine dix mois, près d’un quart de million de soldats sont morts sur un champ de bataille de moins de vingt kilomètres carrés. Le résultat de ces meurtrières batailles s’inscrit dans le paysage, ligne par ligne de pierres tombales. Mon besoin d’essayer de comprendre ce que pouvait représenter dans la réalité ces cimetières, m’a permis de me forger les convictions sociales et politiques qui m’animent aujourd’hui.
Je vis dans un petit village breton du Finistère, et les jours de commémoration de l’armistice, je me rends, accompagné de mon chien, jusqu’au monument aux morts sur la place du village. Au pied de la statue d’un soldat silencieux, je prends quelques minutes pour lire et réfléchir devant les 112 noms gravés de jeunes gens morts pour la patrie.
En cette année de centenaire de l’Armistice de la «der des der» (la dernière des dernières guerres), j’ai souhaité apporter en témoignage de mon respect pour ceux qui ont perdu la vie mais aussi pour leurs familles qui se souviennent, une œuvre d’art créée dans mon atelier, dans ce village qui m’est cher.
Il y a 112 noms inscrits sur ce mémorial, ce qui représente près d’un dixième de la population du village, disparus pendant la première guerre mondiale. J’ai donc pensé que cela pourrait rendre la réalité un peu plus concrète que l’abstraction des nombres ou une liste de noms, si je collais 112 dessins grandeur nature figurant ces soldats autour de cette place.
Ce ne serait que temporaire; le vent, la pluie et le temps repoussent lentement ce geste moderne de mémorial. Mais à mon avis, cela me semble tout à fait approprié de prendre à nouveau conscience de leurs existences et de regarder lentement ces présences nous quitter.
Au tout début de cette année, j’ai prudemment présenté mon projet à Monsieur le Maire et celui-ci m’a immédiatement apporté son soutien et son enthousiasme. Je lui ai alors fournis quelques esquisses préliminaires afin qu’il ait des éléments visuels à soumettre au Conseil Municipal, à l’Association Locale des Anciens Combattants, puis aux résidents des propriétés proches de la place. Tous ont unanimement approuvé ce projet.

 
Oeuvre de Guy Denning - photo à La Feuillée de Jean-Marc Nayet

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18 novembre 2018 7 18 /11 /novembre /2018 09:57
18 novembre 1952, mort de Paul Eluard

On lui refusa les obsèques nationales. ...
Il mourut le 18 novembre 1952....
C'est le poète de l'engagement et de l'amour. ....
" nous ne faisons que commencer à comprendre ce qui nous est enlevé " Louis Aragon au Père Lachaise pour rendre hommage au poète communiste

Le 22 novembre 1952.

Au cimetière du Père-Lachaise, le gouvernement n’accordera pas d’obsèques nationales au poète communiste, figure du surréalisme et de la Résistance littéraire, Paul Éluard.

Aragon eut ces mots :« Nous ne faisons que commencer à comprendre ce qui nous est enlevé. »

Avec cette biographie, rédigée à la première personne comme l’exige la collection de l’éditeur lyonnais Jacques André, la philosophe Odile Nguyen-Schœndorff s’est glissée avec délicatesse dans la peau d’Éluard pour corriger « ce risque d’oubli », selon la belle formule de l’ancien ministre Jack Ralite, qui signe la préface.

Une forme d’écriture originale qui a le mérite d’offrir un récit vivant, intime et accessible. Documentée et nourrie d’échanges avec la fille du poète, Cécile, et l’Association des amis de Paul Éluard, l’auteure met en scène, sans la trahir, la vie privée, publique, artistique et politique du poète.

L’essentiel de l’existence et de l’œuvre de l’auteur de Capitale de la douleur ou des Poèmes pour la paix, Liberté, pour ne citer qu’eux, y est ainsi raconté avec beaucoup d’affection par la philosophe elle-même engagée et auteure de poèmes. Ponctué de citations et illustré de photos, l’ouvrage permet d’assister à l’éclosion littéraire et de suivre le cheminement politique, inextricablement liés, du petit Eugène Émile Paul Grindel, qui adoptera le pseudonyme Éluard, du nom de sa grand-mère maternelle : « Je garderai ainsi la sonorité “el”, ou “aile”, que j’aime bien », développe Paul sous la plume d’Odile…

Ainsi de sa naissance, le 14 décembre 1895 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), à sa mort, à 57 ans, le lecteur, précipité dans la peau de celui dont « la poésie est l’étoffe de sa vie », traverse son enfance heureuse et son adolescence maladive, goûte à son coup de foudre avec Gala, en 1913, sa muse initiatrice, éprouve ses chagrins amoureux, (re)découvre ses premiers poèmes, expérimente sa mobilisation durant les deux guerres…

Bouleversé, gazé, Éluard témoignera de l’horreur de la guerre dans plusieurs recueils, dont le Devoir et l’Inquiétude.

Chacun(e) revit son combat contre le nazisme, le fascisme et le colonialisme, son engagement au Parti communiste en 1927, l’aventure surréaliste aux côtés de Breton, Soupault, Aragon, ses amitiés fécondes et complexes avec Ernst, Picasso, Desnos…

Un récit haletant, empli d’amour et d’engagements, qui se lit d’un souffle.

Anne Musso

 

18 novembre 1952, mort de Paul Eluard
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16 novembre 2018 5 16 /11 /novembre /2018 06:53
Alfred Gerson (photo L'Humanité)

Alfred Gerson (photo L'Humanité)

Immense tristesse d’apprendre la mort d’Alfred Gerson, notre « Fredo », ancien dirigeant du journal l'Humanité, militant anticolonialiste, torturé par l'armée française pendant la guerre d’Algérie. Il était responsable du journal clandestin la Voix du soldat, diffusé parmi les appelés.

Rosa Moussaoui, journaliste à l'Humanité

" Frédo, dont le rôle est alors sous-estimé par l’armée française, arrive à échapper aux griffes des paras jusqu’au printemps 1957. Mais, le 27 mars, à 5 heures du matin, il est arrêté et conduit à la tristement célèbre villa Sésini. Il y passera trois semaines, « à subir la gégène et la baignoire », avant d’être emprisonné à Barberousse, puis dans le camp de Lodi, où fut aussi détenu Henri Alleg. Méconnaissant son rôle exact, le tribunal militaire condamna Alfred Sepselevicius à dix-huit mois de prison. « Au total, j’ai été privé de liberté pendant trente-deux mois, racontait-il. Mon avocat, Jules Borker, m’avait demandé si j’étais d’accord pour qu’une campagne soit organisée pour moi en France. Mais comme ils n’ont jamais pu établir que j’étais l’envoyé du PCF – mon nom d’état civil n’est pas le même que celui sous lequel je militais –, j’ai jugé préférable d’en rester à ma version d’un engagement individuel. » Il est finalement expulsé vers Paris. Mais l’Algérie ne l’a jamais quitté". 

L'ACTION CLANDESTINE DANS LE CONTINGENT
Mardi, 1 Novembre, 1994 - L'Humanité

Durant toute la guerre d'Algérie, des journaux clandestins ont appelé les soldats à la lutte. Des centaines de militants communistes ont participé au sein même de l'armée à l'action pour mettre fin à l'aventure coloniale.

SOUVENT méconnue, l'activité politique menée auprès des soldats du contingent français n'en a pas moins été un aspect important du combat des communistes contre la guerre d'Algérie. En partie clandestine, pour des raisons imputables au contexte répressif et idéologique de l'époque, cette action a toujours été intégrée, durant près des huit années du conflit, à la lutte globale du Parti communiste dans la société française. Il est peu de dire encore aujourd'hui combien les communistes ont combattu à «contre-courant» cette guerre, que le pouvoir masquait sous l'appellation de «pacification». Tant était fort pour nos concitoyens ce «principe» affirmé depuis cent trente ans que l'Algérie était la France. Le mouvement en faveur de la paix a connu ses périodes d'essor mais aussi de crise, et même de reflux.

Ainsi, en 1955, le rappel des disponibles et l'envoi de renforts en Algérie, à majorité composée d'hommes du contingent, provoquent les premiers grands mouvements d'opposition. Ces derniers, cependant, ne parviennent pas à mobiliser en profondeur population et soldats. Pourtant, un peu partout en France, à l'initiative des communistes, des manifestations ont lieu devant les casernes ou dans les gares, où les trains sont bloqués.

Un journal. clandestin

La moitié des 60.000 rappelés d'alors participent à la contestation. Mais, dans l'armée, la chasse aux sorcières est systématique. Les réfractaires sont isolés, voire déportés. Tout communiste repéré est éliminé des écoles d'officiers de réserve. L'action des civils en direction de l'armée est elle-même durement réprimée. En 1955 et 1956, 270 personnes sont inculpées pour avoir participé aux manifestations des rappelés. 120 d'entre elles sont condamnées à des peines de prison. Dans ce climat répressif, nier «l'Algérie française» et parler d'indépendance entraînent la saisie des journaux. Distribuer des tracts «factieux» vaut aux militants communistes d'être arrêtés et inculpés au chef «d'atteinte à la sécurité du territoire.» «L'Humanité» du 24 août 1955 est saisie pour avoir dénoncé «la sale guerre», et son correspondant Robert Lambotte est expulsé d'Algérie. Bien d'autres numéros seront saisis dans les sept années suivantes...

Dans l'armée, toute expression légale des communistes est impossible. Depuis 1949 des mesures discriminatoires y interdisent les diffusions de la presse du PCF. Le travail politique auprès des soldats du contingent prend corps, notamment avec la diffusion de journaux clandestins. Le premier en date est «Soldat de France», créé en 1950 en pleine guerre d'Indochine. Grâce aux informations fournies par les appelés, le journal se fait l'écho des contestations qui éclatent dans les casernes. Il publie de précieux indices sur le «climat» dans l'armée, les difficultés que rencontre la «pacification», et surtout il révèle les tortures infligées aux prisonniers, les pillages des villages, les exactions de toutes sortes... En mars 1957 «Soldat de France» dénonce l'exhumation, tenue secrète, de 1.400 soldats au cimetière d'El-Alia, à Alger, et de 2.900 autres dans toute l'Algérie avant que les corps soient peu à peu remis aux familles. Dans le même temps, le chiffre officiel ne faisait état que de 1.892 tués entre le 1er novembre 1954 et le 31 décembre 1956.

De décembre 1954 à mars 1962, 44 numéros de «Soldat de France» seront édités. Certains tirages atteindront 180.000 exemplaires lors des événements de 1960 et de 1961. Au cours de l'été 1958, après le retour de de Gaulle au pouvoir, trois autres titres clandestins verront le jour: «Secteur postal... Algérie», «le Parachutiste» et «Marin de France». Au total 5 millions d'exemplaires de ces journaux ont été imprimés et distribués par les voies les plus diverses. Grâce aux jeunes soldats communistes, à leurs familles, à leurs proches et aussi avec l'aide des militants cheminots, dockers, marins qui, lors des transferts, étaient en contact avec les conscrits.

La voix du soldat

Au cours des années 1955 et 1956, une expérience semblable a été conduite en Algérie avec la publication clandestine de «la Voix du soldat». En juillet 1955, le secrétaire de la section communiste du 18e arrondissement de Paris, Alfred Gerson, se rend à Alger avec pour mission, auprès du Parti communiste algérien, quelques mois avant que celui-ci ne soit interdit, de poursuivre un travail politique auprès des soldats français sur le sol algérien. En septembre 1955 est publié le premier numéro de «la Voix du soldat». Le réseau de fabrication et de diffusion est mis en place dans des conditions extrêmement dangereuses. Il s'étend cependant à toutes les régions de l'Algérie et son activité durera 14 mois, pendant lesquels 17 numéros ont été publiés, représentant environ 15.000 exemplaires. Les responsables du réseau sont activement recherchés. Alfred Gerson, Lucien Hanoun et André Moine (ces deux derniers membres du PCA) sont arrêtés à l'automne 1956 et condamnés respectivement à 19 mois, 4 ans et 5 ans de prison. André Moine devait plus tard témoigner que des contacts avec les combattants algériens de l'Armée de libération nationale avaient rendu possible, notamment en Kabylie, la diffusion des exemplaires de «la Voix du soldat» auprès des appelés. Soit en les lançant sur les pistes, soit en les accrochant aux arbres ou bien même aux cornes du bétail.

S'il est toujours difficile de mesurer l'impact qu'a eu la presse clandestine, on sait toutefois qu'elle fut prise sérieusement en compte par les ultras. Dans son livre «la Vraie Bataille d'Alger», le général Massu fait savoir que les militants du réseau «la Voix du soldat» sont «activement recherchés». «Le PCA, écrit-il, édite une espèce de torchon appelé «la Voix du soldat», visant à démoraliser les troupes.»

Dans l'hebdomadaire officiel de l'armée, «le Bled», tiré à 300.000 exemplaires, un certain caporal-chef Holeindre (aujourd'hui dirigeant du Front national de Le Pen) se plaint dans une livraison de mars 1957: «Il serait temps de mettre hors d'état de nuire les propagandistes communistes et autres jean-foutistes. Ces gens-là étant sûrs d'être suivis par la masse inerte d'indécis qui forment la grosse majorité de la jeunesse française, en particulier sous les drapeaux.»

L'intervention des communistes auprès de la jeunesse, dont une bonne partie était destinée à aller combattre en Algérie, s'est appuyée sur un travail patient de dénonciation de la guerre et de l'utilisation du contingent dans la répression. «Nous ne demandons pas aux soldats un refus d'obéissance isolé et qui ne peut conduire à rien, mais d'organiser la fraternisation comme un mouvement conscient», déclarait Maurice Thorez au Congrès constitutif de l'Union de la jeunesse communiste en décembre 1956. Ce fut là le choix politique fondamental du PCF durant la guerre.

Le refus d'Alban Liechti

Cependant, à l'automne 1956, le refus d'un jeune communiste, Alban Liechti, d'être envoyé en Algérie et le mouvement de solidarité qui se crée autour de lui suscitent une réflexion sur les moyens d'amorcer un nouveau courant de résistance. A la suite d'Alban, une quarantaine de jeunes communistes font publiquement savoir au gouvernement, entre 1957 et 1959, leur opposition à aller combattre le peuple algérien. Tous seront emprisonnés sans que leur démarche soit véritablement comprise par l'opinion publique. Fallait-il continuer à soutenir ces refus qui privaient de leur influence dans l'armée des jeunes gens convaincus de l'injustice de cette guerre?

La question se posait ainsi à la fin de l'année 1959. La direction du PCF répondait par la négative et confirmait la nécessité du travail politique d'explication au sein des unités. Cette action délicate en direction du contingent a été poursuivie jusqu'aux émeutes de janvier 1960 à Alger qui ont marqué la rupture entre les ultras et les appelés. Celle-ci se confirmera lors du putsch de 1961 avec un refus massif du contingent de suivre les généraux rebelles.

Durant les derniers mois de la guerre, la fidélité aux institutions républicaines se manifeste avec la création dans les unités, souvent impulsée par les jeunes communistes, de «comités anti-OAS». Ceux-ci se sont chargés de repérer les officiers factieux et ont empêché dans bien des cas le vol d'armes et de munitions destinées à des attentats. La lutte contre les activistes fascistes est devenue dès lors inséparable du combat pour la paix.

DOMINIQUE BARI

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13 novembre 2018 2 13 /11 /novembre /2018 06:38
La Shoah, l'antisémitisme en Pologne: Valère Staraselki sera l'invité des Amis de l'Humanité pour une conférence à Brest le mercredi 14 novembre à 19h, à la Petite librairie rue Danton

Valère Staraselki évoquera la question de l'antisémitisme à partir
de son livre "Le Parlement des cigognes".à la Petite Librairie
le 14 novembre à 19 h
L'écrivain Valère Staraselki sera le 14 novembre à 19 h à la Petite Librairie 4 bis rue Danton à Brest quartier ST Martin à l'invitation de l’Association des Amis du journal l’Humanité pour évoquer la question de l'antisémitisme à partir des recherches accomplies pour l'écriture de son dernier livre: "Le Parlement des cigognes" (2017) sur la Shoah et la complicité de polonais dans l'extermination des juifs (prix Licra), C'est aussi l'auteur de plusieurs autres romans "Sur les toits d'Innsbruck", "Une histoire française" (sur la France prérévolutionnaire, en janvier 1789), "L'Adieu aux rois" (un roman qui se passe pendant la Révolution Française, en 1794), "Le Maître du Jardin. Dans les pas de La Fontaine", "Nuit d'hiver", "Un homme inutile", etc. Mais aussi d'un très beau texte sur la Fête de l'Humanité, Comme un Air de liberté (2005), de 1909-2009:«Un siècle de Vie Ouvrière»avec Denis Cohen (Cherche-Midi), de Voyage à Assise.

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13 novembre 2018 2 13 /11 /novembre /2018 05:51
 Rosa Moussaoui 10 novembre ·    Dans la grande boucherie de 1914-1918, les colonies ont fourni, souvent au prix de recrutements forcés allumant des révoltes, un demi-million de soldats.

Rosa Moussaoui 10 novembre · Dans la grande boucherie de 1914-1918, les colonies ont fourni, souvent au prix de recrutements forcés allumant des révoltes, un demi-million de soldats.

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11 novembre 2018 7 11 /11 /novembre /2018 07:34
Bonsoir m'amour: la pièce de théâtre musicale du Théâtre de la Corniche le 11 novembre 2018 à la Salle Gallouedec de St Martin des Champs, 16h

Le nouveau spectacle du Théâtre de la Corniche :

1925, le 11 novembre, dans un bar à Morlaix. A la fin de la commémoration de l'armistice, le bar a programmé une évocation de la grande guerre en chansons. Pour animer la soirée on retrouvera un musicien ambulant et le petit fils du cabaretier. Le premier a été sur le front et a surmonté les horreurs de la guerre grâce à la musique, le jeune, lui, aurait aimé avoir l'âge de combattre surtout depuis la mort de son père en 1917. Ça discute, ça s'apostrophe, ça évoque la mémoire des amis disparus, les faits d'armes du maréchal Foch, le voisin de Ploujean, ou des planqués de l'arrière, plus occupés à faire des affaires qu'à remonter le moral des troupes. Ça chante les refrains de l'époque qui traduisent bien l'évolution des états d'esprits, de la fleur au fusil des premières semaines au découragement ressenti devant l'interminable mitraille.

Le tout devant la philosophie du patron qui, lui, a connu celle de 70 et le siège de Paris par les Prussiens, et qui a donné à son bistrot le nom d'une chanson à succès du début du siècle « Bonsoir m'amour » dont l'air avait été utilisé par les auteurs anonymes de la chanson de Craonne alors encore interdite!

Entrée au chapeau

photo Jean-Marc Nayet

photo Jean-Marc Nayet

Photo Jean-Marc Nayet

Photo Jean-Marc Nayet

INVITATION - REPRÉSENTATION PUBLIQUE

Salle Gallouedec à Saint-Martin des Champs

dimanche 11 novembre à 16h

Organisée par le PCF pays de Morlaix - entrée libre, participation au chapeau

La pièce de théâtre - spectacle chanté et musical - Bonsoir m'amour du Théâtre de la Corniche (Claude Bonnard, Antoine Asnar, Jerôme André) revisite la culture et l'impact de la guerre 14-18. Elle est originale, formidable, drôle, émouvante.

Elle nous confronte aux très belles, et parfois fort amusantes chansons, de cette époque tragique, évoquée 7 ans après depuis un bar-cabaret de Morlaix, la ville du Maréchal Foch, tenu par un homme dont le fils est mort à la guerre et son petit-fils orphelin, François Le Coz, et à la souffrance des soldats et des civils face à la boucherie.

Elle nous fait réfléchir sur la sinistre farce que peut être la guerre et le nationalisme cocardier, au profit des marchands de canons.

"Bonjour m'amour" était une valse chantée écrite et créée en 1911 par Jean Sablon. Sa mélodie a été utilisée par les nombreux auteurs anonymes de "La Chanson de Craonne", recueillie par l'intellectuel communiste Paul Vaillant-Couturier qui aurait peut-être écrit le dernier couplet en 1917. On trouve déjà des traces de ces thèmes en 1914-1916. A chaque fois le titre prend le nom d'un champ de bataille. 

Cette commémoration pacifiste du centenaire de la fin de la Grande guerre et du 11 novembre 1918 s'inscrit dans une volonté d'avoir des initiatives départementales du PCF pour revivifier la mémoire de ce grand gâchis humain si lourd de conséquences pour le XXe siècle et dont la révolution bolchevique et le mouvement communiste sont sortis.   

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