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8 avril 2019 1 08 /04 /avril /2019 05:42
Mémoire. Le Mont Valérien expose les graffitis des résistants (Aurélien Soucheyre, L'Humanité - mardi 2 avril 2019)
Mémoire. Le Mont Valérien expose les graffitis des résistants (Aurélien Soucheyre, L'Humanité - mardi 2 avril 2019)
Mémoire. Le Mont-Valérien expose les graffitis des résistants
Mardi, 2 Avril, 2019

Le Mémorial de la France combattante souhaite ouvrir davantage ses portes au public. Expositions temporaires et permanentes y sont programmées.

Le Mont-Valérien, à Suresnes (Hauts-de-Seine), est une belle colline qui domine Paris de toute sa masse boisée. Haut lieu de mémoire, il s’agit surtout du premier site français d’exécution de résistants et d’otages par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. C’est ici que Missak Manouchian et ses camarades ont été passés par les armes. Au total, 1 008 personnes ont été fusillées dans la clairière, dont Honoré d’Estienne d’Orves, Gabriel Péri, Boris Vildé, Georges Paulin, Jacques Solomon, Georges Politzer ou Joseph Epstein... Le Mémorial de la France combattante, inauguré sur place par le général de Gaulle le 18 juin 1960, reste cependant peu visité. « Nous avons la volonté que le public s’en empare. Notre ambition est d’en faire un lieu d’accueil et de pédagogie beaucoup plus ouvert », explique Antoine Grande, responsable du département mémoire à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). C’est pourquoi une nouvelle signalétique permanente a vu le jour à l’intérieur du site, ainsi qu’une toute première exposition temporaire. Visible en plein air, elle est dédiée aux auteurs des 31 graffitis encore visibles dans la chapelle.

« La plupart ont été réalisés le 2 octobre 1943. Ce jour-là, 50 résistants et otages ont été conduits ici pour être exécutés. Ils ont été enfermés dans la chapelle avant la sentence. C’est là qu’ils ont gravé leurs derniers mots avant de mourir », raconte la réalisatrice de l’exposition, Hélène Chancerel. Ces messages arrachés aux murs font ressurgir des visages et des vies détaillées grâce à l’exposition. Parmi eux, Robert Vermassen a simplement écrit son nom avant d’ajouter « fusillé le 2 octobre 1943 » puis « Vive la France ». « C’était mon oncle. On sait qu’il a fait dérailler un train puis qu’il a tué un officier nazi dans un bordel. Il a été condamné à mort, enfermé pendant un an dans des conditions épouvantables à Romainville, puis fusillé en représailles de l’attentat contre Julius Ritter réalisé par le groupe Manouchian », raconte Robert Deluard. Venu avec son petit-fils, il ajoute, ému : « Le Mont-Valérien, pour nous, c’est familial. »

Son oncle, avec son camarade Robert Bellec, tué le même jour, a également provoqué un incendie dans un local du Rassemblement national populaire, parti collaborationniste, en plus de brûler une usine de pneus utilisée par les Allemands. Avec eux, dans la chapelle, il y avait aussi Louis Melotte, otage communiste arrêté avec un pochoir « Boches assassins » sur lui. Ou encore le communiste juif Chuna Bajtsztok, le membre de l’état-major de l’Armée secrète Armand Dutreix, ou le jeune Jean Rimbert, qui peignait des croix de Lorraine en ville et participait à des actions de sabotage. « Sur les 1 008 fusillés, 60 % sont des résistants condamnés à mort par un tribunal militaire allemand. Les autres sont fusillés en tant qu’otages pour ce qu’ils sont : des juifs et des communistes. On voit bien quel était le projet répressif de la Wehrmacht : tuer les ennemis immédiats armés et tuer les ennemis idéologiques ciblés par le régime nazi », précise Antoine Grande. Et ce avec le concours des collabos, l’immense majorité des fusillés du Mont-Valérien ayant été arrêtés et livrés par des Français.

Sur la peinture bleue écaillée, un autre message : « Vive l’URSS » et, à côté, « Vice le PCF ». À quelques mètres, ce graffiti, dont l’auteur est inconnu : « Un Nord-Africain, indigène (sans ironie). J’ai reconnu en autrui une âme sœur… » En tout, 22 nationalités sont représentées parmi les victimes du Mont-Valérien. « Soit 20 % d’étrangers. Et 17 % des fusillés sont juifs. D’un point de vue partisan, 65 % sont communistes et 35 % représentent la totalité des composantes de la Résistance combattante, dont les gaullistes. Notre objectif est de faire dialoguer toutes ces mémoires, de les mettre en lumière sans les opposer, qu’il s’agisse de combattants pour la République, pour l’Internationale ou pour la France », et parfois pour les trois, détaille Antoine Grande.

Cette exposition temporaire sera d’ailleurs remplacée par une autre, en décembre, consacrée à la construction des mémoires. L’année devrait également être marquée par la découverte d’un 1 009 e fusillé, Clovis Wallon, jusqu’ici oublié et très récemment identifié grâce au travail acharné d’un passionné : Alain Simonnet. La cloche portant les noms des 1 008 exécutés depuis 2003 pourrait donc accueillir un nouveau nom. « On aimerait aussi compléter les 1 009 parcours. Faire des notices, des portraits détaillés pour chacun d’entre eux. On imagine parfois que tout est déjà rassemblé mais ce n’est pas le cas. Un grand travail de recherche est devant nous », projette Hélène Chancerel. Et un beau projet travail d’accueil. « Nous sommes passés de 18 000 visiteurs annuels à 28 000 en cinq ans, dont 65 % de scolaires. Cette transmission est très importante. Nous voulons faire davantage en mettant toujours plus les fusillés et l’histoire de la Résistance au cœur des programmes et du site sur la partie ouverte au public », apprécie Antoine Grande – la majorité du fort de forme hexagonale étant utilisée par l’armée. Il est donc possible de découvrir le Mont, pour se souvenir des 1 009, âgés de 17 à 72 ans. En ce moment, un grand soleil de printemps éclaire la colline. De quoi se dire « que la nature est belle et que le cœur me fend ».

Aurélien Soucheyre

 

A lire ces témoignages sur des résistants communistes brestois et finistériens fusillés pour une grande part au Mont Valérien:

Résistance: les derniers écrits d'un guimilien, Albert Rannou, dévoilés par Jacques Guivarc'h, de Pleyber-Christ (Le Télégramme, 3 mai 2017) - des lettres bouleversantes et une histoire de la résistance communiste de Brest à connaître à lire sur Le Chiffon Rouge

A lire aussi sur "Le Chiffon Rouge": 

Résistance et répression des communistes brestois de 1939 à 1943 (à partir des souvenirs et des enquêtes d'Eugène Kerbaul, résistant communiste)

Albert Rannou: Lettres de prison d'un résistant communiste brestois né à Guimiliau fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

Dernière lettre de Paul Monot, résistant brestois fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 avec Albert Rannou et 17 autres résistants brestois dont André Berger et Henri Moreau

Dernière lettre à sa femme de Jules Lesven, dirigeant de la résistance communiste brestoise, ouvrier et syndicaliste à l'Arsenal, fusillé le 1er juin 1943,

Lettre de Joseph Ropars, résistant communiste brestois, écrite à sa mère et à sa soeur le jour de son exécution le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

Lettre à ses parents de la prison de Rennes du résistant communiste brestois Albert Abalain, fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 (fonds d'archives ANACR 29)

Communistes de Bretagne (1921-1945)      

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 19:08
Maryam Madjidi et Glenn Le Saout défendent une véritable politique d'accueil des réfugiés et exilés en France et en Europe avec la liste de Ian Brossat - retour sur la réunion publique du samedi 6 avril à Brest, à la fac Ségalen
Maryam Madjidi et Glenn Le Saout défendent une véritable politique d'accueil des réfugiés et exilés en France et en Europe avec la liste de Ian Brossat - retour sur la réunion publique du samedi 6 avril à Brest, à la fac Ségalen
Maryam Madjidi et Glenn Le Saout défendent une véritable politique d'accueil des réfugiés et exilés en France et en Europe avec la liste de Ian Brossat - retour sur la réunion publique du samedi 6 avril à Brest, à la fac Ségalen
Maryam Madjidi et Glenn Le Saout défendent une véritable politique d'accueil des réfugiés et exilés en France et en Europe avec la liste de Ian Brossat - retour sur la réunion publique du samedi 6 avril à Brest, à la fac Ségalen
Maryam Madjidi et Glenn Le Saout défendent une véritable politique d'accueil des réfugiés et exilés en France et en Europe avec la liste de Ian Brossat - retour sur la réunion publique du samedi 6 avril à Brest, à la fac Ségalen
Maryam Madjidi et Glenn Le Saout défendent une véritable politique d'accueil des réfugiés et exilés en France et en Europe avec la liste de Ian Brossat - retour sur la réunion publique du samedi 6 avril à Brest, à la fac Ségalen
Maryam Madjidi et Glenn Le Saout défendent une véritable politique d'accueil des réfugiés et exilés en France et en Europe avec la liste de Ian Brossat - retour sur la réunion publique du samedi 6 avril à Brest, à la fac Ségalen
Maryam Madjidi et Glenn Le Saout défendent une véritable politique d'accueil des réfugiés et exilés en France et en Europe avec la liste de Ian Brossat - retour sur la réunion publique du samedi 6 avril à Brest, à la fac Ségalen
Maryam Madjidi et Glenn Le Saout défendent une véritable politique d'accueil des réfugiés et exilés en France et en Europe avec la liste de Ian Brossat - retour sur la réunion publique du samedi 6 avril à Brest, à la fac Ségalen
Maryam Madjidi et Glenn Le Saout défendent une véritable politique d'accueil des réfugiés et exilés en France et en Europe avec la liste de Ian Brossat - retour sur la réunion publique du samedi 6 avril à Brest, à la fac Ségalen
Brest, fac Ségalen, samedi 6 avril - Réunion-débat sur l'enjeu des élections Européennes et celui de l'accueil des exilés en Europe.

Brest, fac Ségalen, samedi 6 avril - Réunion-débat sur l'enjeu des élections Européennes et celui de l'accueil des exilés en Europe avec Maryam Madjidi et Glenn le Saout, candidats du PCF sur la liste de Ian Brossat. Avec Maryam Madjidi, militante pour le droit d'asile et enseignante avec des mineurs étrangers non accompagnés fuyant la guerre et la misère, nous avons disséqué les traductions et les conséquences de la politique inhumaine de l'Europe et de la France en termes de refus d'accueil des réfugiés et exilés, se traduisant par:

- une externalisation de la politique de refoulement des réfugiés, dans des conditions de violation des droits de l'homme souvent, à la Libye, au Maroc, à la Turquie
- le chacun pour soi en Europe incarnés par les odieux réglements Dublin
- des exilés déshumanisés, considérés comme des objets encombrants que l'on se refile d'un pays à l'autre
- la remise en cause du droit à l'asile politique, à l'aide médicale
- des temps d'obtention d'un permis de séjour très longs, énormement de réfugiés, d'exilés qui n'ont pas le droit de travail
- la délégation aux associations de l'aide à la survie des migrants en détresse, l'Etat laissant y compris de jeunes enfants à la rue
- plus de 2000 morts en Méditerranée en 2018, 18 000 depuis quelques années.
- la détresse et la précarité d'énormément de migrants et de jeunes et d'enfants parmi eux
- l'élimination du droit aux études en France pour les étudiants étrangers qui ne sont pas riches
- le manque de moyens et de volonté politique pour l'hébergement, l'accès aux soins, à l'aide psychologique, à la scolarisation, à l'apprentissage, à la langue française
- le tri et la concurrence entre les bons et les mauvais migrants, ceux qui peuvent avoir des droits et ceux qu'on doit plonger dans la précarité la plus absolue ou renvoyer, même quand les pays sont peu sûrs.
- les discours de Collomb sur prétendu tourisme social, bench marking des migrants
- une montée des idées et des pratiques xénophobes, y compris dans un cadre très institutionnelles
- une volonté d'opposer les pauvres entre eux pour les besoins du capital.
- une traite des femmes et des hommes par les passeurs

Nous avons avancé des contre-propositions du PCF, issues de notre Manifeste pour une France fraternelle dans une Europe solidaire, en matière d'ouverture de voies légales et sécurisées pour l'immigration, de droit à l'apprentissage du français et à la scolarisation, de suppression des tests osseux, pratique dégradante et douteuse aux fondements racistes, de création de 50 000 places d'hébergement d'urgence pour les réfugiés, de requisition des logements vides.

Le débat a été très intéressant avec notamment des interventions d'Ismaël Dupont, de Françoise Guéguen (l'accompagnement des étrangers à Pôle Emploi), de Yvonne Rainero, Claude Bellec, conseillère déléguée au logement à Brest, qui ont remis en cause l'attitude de la préfecture et de l'Etat, d'Erwan Rivoalan.

Ces 2 rendez-vous en réunions publiques de Maryam Madjidi à Brest et Morlaix corrrespondait à son début de campagne Européennes après le meeting de Marseille et le salon du livre sous l'égide de l'Humanité à Romorantin. Nous avons découvert avec elle une personne et une intellectuelle et artiste engagée extraordinaire que nous sommes très fiers de compter sur la liste du PCF conduite par Ian Brossat, une liste dont nous avons exprimé la diversité et la richesse avec des jeunes comme Glenn Le Saoût, Lucie Martin, des employés et ouvriers auteurs de combats extraordinaires, des hommes et femmes de culture, des médecins et personnels médicaux, des Gilets Jaunes, etc.

Auparavant dans l'après-midi nous avons visité avec l'écrivaine Maryam Madjidi et candidate du PCF aux Européennes sur la liste de Ian Brossat l'extraordinaire médiathèque des Capucins dans l'ancien arsenal de Brest , Jacqueline Héré, présidente du groupe communiste à la mairie de Brest, maire de quartier de Bellevue, Réza Salami adjoint à la culture PS, maire de quartier du centre-ville, réfugié politique iranien lui aussi, opposant iranien marxiste au début des années 80 comme les parents de Maryam Madjidi, Mitra, championne d'Asie et vice-championne du monde d'échecs, Glenn Le Saoût candidat finistérien aux Européennes sur la liste du PCF, Jean-Paul Cam, secrétaire de section de Brest, Erwan Rivoalan, bibliothécaire, militant communiste et CGT, et Annaëlle, la responsable de la médiation et de l'espace vie sociale-citoyenneté de la médiathèque qui nous a fait une très belle visite guidée de cet endroit porteur d'une conception de la culture ouverte et intégrant la dimension sociale.

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 19:05
Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Jean-Luc Le Calvez

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Ismaël Dupont

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Ismaël Dupont

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Ismaël Dupont

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Ismaël Dupont

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Ismaël Dupont

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Ismaël Dupont

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Ismaël Dupont

Vendredi 5 avril Morlaix - Intervention de Maryam Madjidi, photo Ismaël Dupont

L'écrivaine et sociologue Anne Guillou présente pour la conférence débat avec Maryam Madjidi

L'écrivaine et sociologue Anne Guillou présente pour la conférence débat avec Maryam Madjidi

Avec les camarades: Maryam Madjidi découvre les joies du Ti Coz et de la bière de Concarneau avec Glenn Le Saoût, candidat aux Européennes, Patrick Béguivin, Roger Héré et Ismaël Dupont. Prochain rendez avec Tri Martolod au stand du Finistère de la fête de l'Humanité!!! Le rendez-vous est déjà pris.

Avec les camarades: Maryam Madjidi découvre les joies du Ti Coz et de la bière de Concarneau avec Glenn Le Saoût, candidat aux Européennes, Patrick Béguivin, Roger Héré et Ismaël Dupont. Prochain rendez avec Tri Martolod au stand du Finistère de la fête de l'Humanité!!! Le rendez-vous est déjà pris.

L'écrivaine et candidate de la liste PCF conduite par Ian Brossat en huitième position Maryam Madjidi au local du PCF Morlaix, hier, vendredi 5 avril. Un très grand moment de partage politique et littéraire devant 56 personnes autour de l'accueil des exilés, de l'Iran, du communisme et des valeurs qu'il porte. Maryam a parlé du communisme dans sa vie, de l'engagement clandestin de ses parents en Iran, de leur condition de réfugiés politiques, de l'incarcération de ses oncles et de leur "révolution volée", de son travail social avec les réfugiés. Un discours plein de sagesse, d'humanité, de révolte et d'humour aussi, et des lectures de chapitres de "Marx et la poupée" qui ont fait vibrer tous les participants de cet exceptionnel vendredi de l'éducation populaire. La suite du programme de Maryam Madjidi dans le Finistère:
 
aujourd'hui, samedi 6 avril, à Dialogues Morlaix, 11h : échanges, lectures et dédicace autour de "Marx et la poupée" (tous les livres présents au local - 30 - sont partis hier).
 
puis, Maryam Madjidi à la Petite Librairie de Brest rue Danton près de la place Guérin à 14h pour une nouvelle rencontre
 
A 18h30, réunion publique Européennes avec Glenn Le Saoût et Maryam Madjidi avec un thème central sur l'accueil des exilés en Europe. A la Fac Ségalen à Brest
 
On vous attend nombreux pour tous ces rendez-vous!!!
 
Photos Jean-Luc Le Calvez et Ismaël Dupont
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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 19:00
photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Pierre-Yvon Boisnard - l'écrivaine Maryam Madjidi à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Ismaël Dupont - Maryam Madjidi et Géraldine Delaunay à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Ismaël Dupont - Maryam Madjidi et Géraldine Delaunay à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Ismaël Dupont - Maryam Madjidi et Géraldine Delaunay à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Ismaël Dupont - Maryam Madjidi et Géraldine Delaunay à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Ismaël Dupont - Maryam Madjidi et Géraldine Delaunay à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Ismaël Dupont - Maryam Madjidi et Géraldine Delaunay à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Ismaël Dupont - Maryam Madjidi et Géraldine Delaunay à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

photo Ismaël Dupont - Maryam Madjidi et Géraldine Delaunay à Dialogues Morlaix, 6 avril 2019

Rencontre passionnante avec Maryam Madjidi, auteur de "Marx et la poupée", à Dialogues Morlaix, animée par Géraldine Delaunay et les questions et interrogations des lecteurs. Quelques photos de Pierre-Yvon Boisnard de cet échange qui a réuni une trentaine de lecteurs. Les discussions ont roulé sur la part autobiographique et fictionnelle de son roman, sa composition stylistique diverse, les circonstances de son écriture (commencée à Pékin, où Maryam a vécu quatre ans, terminée à Istanbul où elle a vécu deux ans). Ce livre fort, original, poétique et politique, émouvant et juste, a reçu le prix Goncourt du Premier roman en 2017, le prix Ouest-France Étonnants Voyageurs, le prix de l'écrivain francophone 2018. Nous avons aussi échangé sur la littérature persane et française, leur dimension d'universalité, sur l'Iran de la révolution islamique et d'aujourd'hui, le combat des femmes pour la liberté, le parallèle possible ou non entre l'arrachement à une culture et une langue bretonne et l'exil, point de non retour et déplacement forcé, le rapport entre l'attachement à la petite patrie et l'ouverture au monde, les pièges croisés de l'assignation à l'assimilation (oublies ta culture d'origine, elle ne vaut rien, seul le Français est la culture de l'universel) comme du communautarisme et des clichés exotiques de l'orientalisme. Maryam a aussi lu un chapitre très drôle de son livre où elle montre comment plus jeune elle a, elle aussi, joué des clichés coloniaux de l'orientalisme qu'il y avait dans la tête des autres, des fantasmes que pouvaient avoir sur une femme "orientale" les hommes.

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 18:19
50 personnes à La Petite Librairie à Brest pour une rencontre autour de Marx et la poupée et de son auteur, Maryam Madjidi
50 personnes à La Petite Librairie à Brest pour une rencontre autour de Marx et la poupée et de son auteur, Maryam Madjidi
50 personnes à La Petite Librairie à Brest pour une rencontre autour de Marx et la poupée et de son auteur, Maryam Madjidi
50 personnes à La Petite Librairie à Brest pour une rencontre autour de Marx et la poupée et de son auteur, Maryam Madjidi
50 personnes à La Petite Librairie à Brest pour une rencontre autour de Marx et la poupée et de son auteur, Maryam Madjidi
50 personnes à La Petite Librairie à Brest pour une rencontre autour de Marx et la poupée et de son auteur, Maryam Madjidi
50 personnes à La Petite Librairie à Brest pour une rencontre autour de Marx et la poupée et de son auteur, Maryam Madjidi

Beaucoup de monde, et de l'enthousiasme à La Petite Librairie à Brest, hier, samedi 6 avril, une librairie indépendante rue Danton dans le quartier St Martin pour écouter Maryam Madjidi parler de son magnifique roman "Marx et la poupée", de son communisme et de sa vision de l'actualité et de la justesse du marxisme, des raisons et des circonstances de son engagement sur la liste du PCF conduite par Ian Brossat, du travail de Ian et des élus communistes à la ville de Paris, de l'engagement politique clandestin et dangereux de ses parents en Iran, de sa mère, du rapport à l'Iran, de l'exil et de la condition des exilés, du refus des approches simplistes de l'intégration, de son travail de travailleuse sociale à la Croix Rouge pour enseigner aux jeunes mineurs non accompagnés le français, de ses ateliers d'écriture avec les jeunes des quartiers populaires de région parisienne. La cinquantaine de personnes présentes à la Petite Librairie, et Maryam Madjidi elle-même, ont énormément apprécié cette rencontre. De magnifiques lectures de chapitres du livre ont émaillé ces instants magiques.

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 17:20
Patrick Le Hyaric en conférence-débat sur l'enjeu des élections européennes à Roscoff le samedi 2 mars avec deux des quatre candidats bretons du PCF aux élections Euopéennes: Cindérella Bernard et Glenn Le Saoût

Patrick Le Hyaric en conférence-débat sur l'enjeu des élections européennes à Roscoff le samedi 2 mars avec deux des quatre candidats bretons du PCF aux élections Euopéennes: Cindérella Bernard et Glenn Le Saoût

Note de travail

Sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit), quelles conséquences ?

Le Parlement britannique a rejeté plusieurs fois l’accord de retrait négocié avec l’Union européenne.

ACCORD DE RETRAIT, AMBITIONS BRITANNIQUES, DERNIERS DEVELOPPEMENTS, REACTIONS

  • L’accord de retrait

C’est l’accord négocié entre Theresa May, la Premier ministre britannique et Michel Barnier pour l’Union européenne. Ce texte de 585 pages agréé le 14 novembre 2018 règle les termes du divorce, financiers d’un côté (le Royaume-Uni s’est engagé sur une suite de dépenses communes à long termes avec l’Union européenne, comment en sortir), et juridiques (quels droits pour les citoyens européens résidants au Royaume-Uni et pour les Britanniques dans l’Union européenne). C’est dans ce texte que se trouvent aussi les garanties juridiques cruciales pour que l’Irlande ne voit pas une frontière physique la diviser de nouveau. C’est cette garantie juridique obtenue grâce à la solidarité complète des autres États européens avec l’Irlande, qui fait tiquer au Royaume-Uni. En vérité, on peut penser que garder une partie de l’Irlande au sein de l’Union européenne reviendrait à garder le Royaume-Uni.

Quel règlement financier ?

-la facture du divorce s’élève à 44 milliards d’euros, c’est le chiffrage de projets européens sur lesquels le Royaume-Uni s’est engagé comme des programmes de recherches communs. La Cour des comptes britannique estime que la somme peut attendre les 60 milliards auquel il faudra ajouter 14 milliards d’engagements sous la forme de prêts à rembourser.

-le Royaume-Uni contribuera aux budget 2019 et 2020 comme s’il était un membre à part entière.

-si la plupart des engagements financiers seront réglés d’ici 2025, certains pourraient courir jusqu’à 2064, notamment le paiement des retraites des fonctionnaires européens britanniques.

Les droits des citoyens

-les droits à la sécurité sociale des 3 millions d’Européens au Royaume-Uni et 1 million de Britanniques dans l’Union européenne sont maintenus.

-les citoyens européens dans le Royaume-Uni pourront demander la résidence, garder leur droit au regroupement familial et aides familiales britanniques.

-l’accord n’est pas soumis à la supervision directe de la Cour européenne de justice mais les tribunaux britanniques devront indéfiniment « prendre en compte » la jurisprudence de la Cour européenne de justice dans les questions relatives aux droits des citoyens européens. C’est une façon de donner aux Britanniques l’indépendance juridique complète qu’ils demandaient, notamment celle de la Cour européenne de justice, tout en maintenant les droits des citoyens en garantissant une cohérence juridique.

La période et la méthode de transition

-la période de transition ira jusqu’à 2020. Durant cette période le Royaume-Uni n’aura plus son mot à dire sur les politiques européennes mais devra appliquer le droit européen, ce qui maintiendra la liberté de circulation le temps de se mettre d’accord sur la future relation.

-si la période de transition est étendue au-delà de 2020 (on parle de deux années supplémentaires dans le cas où on n’arriverait pas à se mettre d’accord sur la future relation), le Royaume-Uni devra contribuer à hauteur de 10 à 15 milliards d’euros annuels au budget européen.

L’Irlande : le filet de sécurité ou « Backstop »

-c’est un protocole spécial prévu pour l’Irlande du Nord avec le « filet de sécurité » qui garantit la libre circulation des personnes et des biens en Irlande (pas de frontière physique) le temps qu’un nouvel accord le remplace. Ceci lie l’Irlande du Nord à l’union douanière et au marché unique européen, mais il n’est pas précisé pour combien de temps.

-ce « backstop » doit être accompagné d’une union douanière Union européenne-Royaume-Uni allégée qui doit éviter les contrôles, droits de douanes entre les deux ensembles.

-pour les unionistes d’Irlande du Nord du DUP, le partenaire de coalition de Theresa May, le problème cela revient à s’éloigner du Royaume-Uni alors que l’essence même de leur mouvement est le maintien dans le Royaume-Uni. Ce qui était censé être une question mineure devient finalement un des points d’achoppement de l’accord de retrait du fait de l’importance du DUP pour la coalition de Theresa May.

Les engagements britanniques

-pour s’assurer que les Britanniques ne vont pas chercher à contrebalancer les effets économiques du Brexit par une fuite en avant dans le dumping fiscal et social, le Royaume-Uni s’engage à suivre les règles de concurrence et maintenir l’environnement juridique en termes de droits du travail, fiscalité et environnement.

Rien n’est par contre réglé sur la question de l’accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques riches en poisson après 2020. C’est pourtant une question vitale pour les pêcheurs normands et bretons, comme j’ai pu le constater lors d’un déplacement à Roscoff.

La « gouvernance » de l’accord

-la « gouvernance » de l’accord est le système juridique qui garantit son application. Tout accord intra-européen est placé sous l’autorité de la Cour européenne de justice, mais comment faire avec un Royaume-Uni qui refuse cette supervision ? Le résultat est le système de gouvernance le plus complexe jamais négocié, il est calqué sur l’accord d’association avec l’Ukraine, mélangeant un système de résolution des différends entre États lorsque leurs positions diffèrent sur un point juridique et des dispositions qui assurent à la Cour européenne le dernier mot en ce qui concerne les aspects liés au droit européen.

La déclaration sur les futures relations

-le texte est accompagné d’une déclaration politique de bons sentiments réciproques sur des relations commerciales « aussi proches que possible », mais qui n’engage en rien. Les Britanniques voulaient un texte beaucoup plus explicite, notamment le gouvernement May pour faire passer l’accord de divorce auprès de son Parlement. Or la déclaration n’est pas suffisamment claire sur la limitation du « backstop » dans le temps, et au lieu de parler « d’équivalence » des normes industrielles, financières et sanitaires, ce qui faciliterait un accès des Britanniques au marché européen, on s’en tient à de vagues engagements. Pour résumer : les négociateurs européens n’ont rien lâché à leurs homologues britanniques qui voulaient peser sur les négociations de la future relation avec ce texte.

Un des points de sortie du blocage actuel pourrait être de modifier ce texte en donnant aux Britanniques quelques assurances.

  • Ce que voulait le gouvernement britannique

 

Voici ce qui était défini dans le plan de Chequers (lieu de villégiature du Premier ministre britannique) du 12 juillet 2018 :

-des règles communes Union européenne-Royaume-Uni pour tous les biens et marchandises MAIS « avec des arrangements différents pour les services », « lorsqu’il est dans notre intérêt d’avoir une flexibilité règlementaire » (donc la possibilité de faire du dumping).

-une coopération dans la politique de concurrence MAIS une politique de concurrence britannique autonome.

-une harmonisation continue des normes entre Union européenne et Royaume-Uni, l’absence d’une frontière physique en Irlande et un commerce fluide via un « territoire d’union douanière combinée » MAIS une politique commerciale britannique indépendante. C’est très dangereux car si les Britanniques acceptent dans le cadre de futures accords commerciaux des produits que nous refusons comme du bœuf aux hormones américain, ces produits pourraient se servir du Royaume-Uni comme porte dérobée pour rentrer sur le territoire européen. Il était même proposé que ce soit les Britanniques qui collectent les droits de douanes pour l’Union européenne à l’entrée de produits destinés au continent.

-un « cadre de mobilité » pour les citoyens européens donc la possibilité de circuler, MAIS le contrôle de la circulation des personnes laissé aux Britanniques.

-la reconnaissance de la primauté de la Cour européenne de justice sur les affaires liées au droit européen MAIS elle n’aurait pu trancher les futures disputes entre Union européenne et Royaume-Uni.

Dès le départ, les propositions des conservateurs britanniques étaient irréalistes et contradictoires avec les éléments d’apaisement destinés aux Européens. On s’inscrit donc dans une négociation tentant d’obtenir le plus possible des partenaires européens, c’est à dire garder un statut quo sur le marché unique si important pour le patronat britannique tout en réaffirmant la souveraineté britannique sur le commerce, la circulation des personnes et la supervision de la Cour européenne de justice.

 

  • La stratégie de Mme May

Après trois rejets de son accord de retrait par son Parlement (le dernier ce vendredi), puis avoir caressé l’espoir de le faire passer lors d’une quatrième tentative, Theresa May s’apprête enfin à parler avec l’opposition, alors que la date prévue du Brexit, le 29 mars, est déjà dépassé. Pourquoi cette approche ?

Le calcul de Theresa May a toujours été de mettre son Parlement au pied du mur. Dans l’opposition à l’accord de retrait négocié par son gouvernement, deux visions s’opposent : les « soft-brexiters » (ceux qui veulent un Brexit doux) menés par les travaillistes du Labour et Jeremy Corbin, qui veulent pousser May vers un accord comme celui avec la Norvège pour rester dans le marché unique, et les « hard-brexiters » (partisans Brexit dur) qui ne veulent pas d’accord et encore moins d’un Brexit doux. Mais si Theresa May perd la main, les « soft-brexiters » pourraient imposer leur vision, et peut-être même pousser pour un second référendum, ce qui pouvait les pousser « hard-brexiters » à se rallier finalement à l’accord de retrait comme un moindre mal.

Dans cette tragique histoire Theresa May n’a compté que sur l’arithmétique au sein de son propre parti, les conservateurs, pourtant responsables du Brexit. C’est pourquoi elle a la semaine dernière encore fait monter la pression sur les « hard-brexiters » en retardant le Brexit. Après un premier délai du 29 mars au 12 avril, un second délai était annoncé toujours avec le risque d’un « soft-Brexit » qui pourrait prendre le dessus, toujours pour mettre la pression sur son propre camp.

Le vote de ce vendredi marque l’échec de sa stratégie et oblige May à se détourner d’une partie des conservateurs pour faire en quelques jours ce qu’elle s’est refusée à faire pendant deux ans : parler avec l’opposition. Cette situation est affligeante et démontre le niveau d’irresponsabilité atteint par les conservateurs dans cette histoire. Elle démontre aussi la profonde division qui traverse la société britannique sur le Brexit. La plus raisonnable des choses à faire aurait été de consulter les Britanniques pour définir quel type de sortie ils veulent, et à défaut de faire ce nécessaire dialogue avec son opposition.

Devant ce chaos les Européens sont prêts à faire des concessions sur la future déclaration. Leurs seules conditions sont que les Britanniques organisent des élections européennes chez eux si nous dépassons le 22 mai pour le délai et qu’ils s’engagent à ne pas influencer sur les décisions européennes tant que durera cette transition.

LES CONSEQUENCES DU BREXIT POUR LES BRITANNIQUES

 

  • En cas de non accord

Elles sont évaluées dans 28 documents de prospectives du gouvernement britannique :

-fin des financements des programmes européens, à compenser par le trésor britannique

-circulation des voitures britanniques bloquées à la frontière sans documents d’homologation européens

-dans les entreprises, les différends juridiques transfrontaliers sur les affaires font l’objet de plans pour en limiter les impacts, mais les différends familiaux (divorce, garde d’enfants) s’annoncent extrêmement compliqués

-l’homologation des produits britanniques à destination de l’Union européenne par des fonctionnaires britanniques ne sera plus reconnu par l’Union européens, les produits britanniques pour le marché européen devront respecter les règles des pays européens

-dans l’autre sens, certains biens avec des prérequis très techniques comme les voitures ne pourront plus rentrer sur le marché britannique

-les producteurs de voitures au Royaume-Uni mais destinées au marché européen comme la MiniCooper ou les grandes usines Toyota pourraient faire le choix d’avoir des unités de production ne suivant que les normes de l’Union européenne. C’est laborieux, la chaine de valeur serait perturbée, et on perdrait en flexibilité

-la participation des entreprises britanniques aux marchés publics européens sera remise en cause

-les chaines de télévision installées à Londres et qui diffusent en Europe (BBC, Discovery, Disney Chanel) ne pourront plus le faire, d’où les rumeurs d’une délocalisation de BBC international à Bruxelles

-tous les arbitrages de concurrences dans le Royaume-Uni (antitrust, distorsion, monopole, cartels etc.) seront entièrement gérés par des Cours de justice britanniques, on ne sait pas du tout dans quel sens cette nouvelle jurisprudence ira, d’où les incertitudes

-tout transfert de données personnelles européennes vers le Royaume-Uni devra certifier que les données seront traitées selon le cadre européen ce qui amènera lourdeurs et frais juridiques

-les règles de limitations d’émissions de pollution dans l’industrie continueront à être celles de l’Union européenne à la demande de l’industrie britannique. De même pour les règles environnementales qi devront être garanties par des entités locales (mais reconnues par l’Union européenne).

-pour chaque navire britannique rentrant dans un port européen, de nouvelles demandes d’information (10 dernières destinations, liste de l’équipage et passagers) et procédures seront à prévoir

-énorme demande de renouvellement de passeports britanniques car les règles de Schengen imposent un passeport pas plus vieux que 9 ans et avec encore 6 mois de validité

-exclusion du GPS européen Galileo et du programme spécial d’observation de la terre Copernicus (mais côté européen cela met Galileo en retard dans son développement)

  • Quelques éléments chiffrés(pour les Britanniques) :

Dans les 28 documents de prospectives du gouvernement britannique, on peut trouver les chiffres suivant (https://www.gov.uk/government/collections/how-to-prepare-if-the-uk-leaves-the-eu-with-no-deal#money-and-tax) :

-Un PIB diminuant  de 6% d’ici 2030 comparé à un scénario normal

-5 400 euros en moins par foyer dans un scénario d’accord de libre-échange type Canada

-7,2 milliards de droits de douanes perçus aux frontières européennes sur les produits britanniques

-augmentation du taux de chômage de 1,5% en deux ans (prévision du FMI) soit 950 000 emplois en moins d’ici 2020. PriceWaterhouseCoopers table lui sur +3% de chômage

-manque à gagner pour le Trésor britannique du fait de la perte d’activité de 20 à 40 milliards d’euros annuels d’ici 2020 selon les estimations.

  • Les conséquences pour l’État britannique

Le Royaume-Uni se voit obliger de construire une nouvelle administration reprenant en charge tout ce qui avait été délégué à l’Union européenne, de la PAC à Euratom en passant par le rôle des agences européennes (plus d’une cinquantaine).

Dans le droit : Le « Great Repeal Bill » est le projet de loi qui doit abroger l’European Communities Act de 1972 et qui prendra effet au moment effectif de la sortie du Royaume-Uni. C’est lui qui va incorporer le droit européen dans le droit britannique et clarifier la position britannique sur la Cour Européenne de Justice et ses arrêts passés. Tous les textes européens seront intégrés dans le droit britannique via ce Great Repeal Bill (ou loi de grand remplacement) qui va littéralement copier les 19 000 pour les intégrer.

Les arrêts passés de la Cour européenne de justice continueront à s’appliquer et auront la même portée que les arrêts de la Cour suprême britannique.

Enfin pour aligner les textes européens avec la structure de droit britannique (par exemple s’il y a référence à une agence, un régulateur européen qui n’a plus de pouvoir sur le Royaume-Uni), un millier « d’instruments statutaires » sont prévus pour modifier ces textes dans une forme qui les fait passer dans le corpus britannique (donc pas de modification sur le fond). La petite histoire veut que ces instruments statutaires passeront par des pouvoirs établis par Henry VIII au XVième siècle limitant les pouvoirs de suivi parlementaire.

Deux avantages : on garde une continuité législative qui rassure (les lois en vigueur ne changeront pas du jour au lendemain), et on dispose d’une structure législative compatible avec l’Union européenne facilitant les négociations du futur accord commercial.

Mais deux arguments du Brexit disparaissent : le « plus de démocratie » (on passe par des instruments législatifs d’Henry VIII pour être dans les temps), et le « reprendre le contrôle » prôné par les conservateurs (il est plus que limité étant donné que le passif européen est intégré et que les futurs textes européens seront désormais écrits sans eux, tout en s’imposant via le marché unique quel que soit la forme d’union douanière).

Conséquences sur des politiques clefs :

Avec la sortie de l’Union européenne c’est aussi la sortie du Traité Euratom (traité instituant la communauté européenne de l’énergie atomique datant de 1957). Or toutes les questions de surveillance nucléaire, coopérations et fourniture de combustible nucléaire, venant de l’Union européenne ou d’ailleurs, passent par Euratom ou des accords entre l’Union européenne et des pays tiers. De plus le traité est garanti par la Cour européenne de justice. Pour les Britanniques, il y a donc des questions vitales sur la fourniture de combustible à leurs centrales (qui passent par Euratom) ou la gestion des déchets nucléaires sur le sol britannique pour le compte d’Euratom (les Britanniques ont le plus gros stock du monde de plutonium civil).

L’agriculture britannique est dépendante des subsides de l’Union européenne pour 50 à 60% de ses revenus, il n’est pas sûr que l’OMC permette légalement que ces subsides puissent être réintroduits par les Britanniques.

Concernant la qualité : toutes les lois de protection de l’environnement (environ 800) sont européennes, avec le « Great Reppeal Bill » on peut les copier mais comment les faire respecter sans Cour européenne de justice pour les garantir légalement, et sans agences pour faire les inspections (ou surveiller la façon dont sont faites les inspections). Cela vaut également pour toutes les questions de sécurité sanitaire. Il y a donc danger pour les Britanniques sur la qualité de leur alimentation mais aussi risque de dumping.

-Concernant les services financiers, on a mis en avant la notion « d’équivalence » (on estime que les standards nationaux respectent les standards européens). Mais on est bien loin du « passeport pour les services » voulu par les Britanniques. Ce dernier permettait à toute entreprise établie au Royaume-Uni de proposer ses services financiers dans l’Union européenne. Avec l’équivalence, on est sur une autorisation par type de service (donc moins large) accordée par l’Autorité européenne de surveillance des marchés qui peut être retirée à tout moment (ce qui crée une instabilité juridique dont les marchés ont horreur). Les Britanniques seront alors dépendants du bon vouloir des régulateurs européens pour le rayonnement de leur place financière, la City.

-Le Royaume-Uni a beau ne pas être membre de Schengen, en termes d’immigration les règles de Dublin permettaient de renvoyer chaque année un millier de demandeurs d’asile vers les autres pays de l’Union européenne (ces règles prévoient de pouvoir les renvoyer vers leur premier pays d’entrée sur le continent). Avec la fin de ces règles, l’immigration vers le Royaume-Uni pourrait finalement devenir beaucoup plus tentante puisque que le Royaume-Uni deviendrait le seul pays de l’Europe dont l’on ne peut vous pas renvoyer (vers un autre pays de l’Union européenne).

-Enfin, dans l’optique d’un nouvel accord de commerce Union européenne-Royaume-Uni, se trouvera forcément une clause de règlement des différends. Quel est alors l’intérêt de vouloir se sortir de la juridiction de la Cour européenne de justice pour tomber sous celle d’un tribunal d’arbitrage privé ?

Gibraltar, Ecosse Irlande

Les Espagnols ont d’abord bloqué l’accord de retrait, ces derniers voulant que tout accord avec le Royaume-Uni « ne s’appliquera (pas) à Gibraltar sans le consentement du Royaume d’Espagne et du Royaume-Uni ». Ils ont ainsi obtenu dans l’accord de retrait qu’un passage sur le futur accord mentionne qu’il est flexible territorialement et donc que ce futur accord ne s’appliquera pas automatiquement à Gibraltar.

Les Espagnols ont également modifié leur position vis à vis de l’Ecosse. Auparavant l’Espagne était contre toute adhésion de l’Ecosse à l’Union européenne (de peur que ça n’inspire la Catalogne), ce que les autorités britanniques ne manquaient pas de rappeler aux indépendantistes écossais. Désormais la diplomatie espagnole se montre plus ouverte.

L’Ecosse a voté à 62% pour rester dans l’Union européenne. Deux jours après la lettre de Theresa May activant l’article 50, le Parlement écossais vote une motion (69 contre 59) pour un nouveau référendum (le précédent fut perdu le 18 septembre 2014 par 55,4%). Pour les autorités britanniques tant que le Brexit n’est pas négocié c’est impossible.

Irlande. L’accord dit « du vendredi Saint » de 1998 institutionnalise les relations entre l’Irlande du Nord et l’Irlande, il met fin à une lutte fratricide entre partisan de l’union avec le Royaume-Uni (unionistes) et ceux d’un rattachement avec l’Irlande comme le Sinn Fein. Cet accord introduit une large autonomie vis à vis du Royaume-Uni. Les Irlandais refusent que le Brexit déstabilise cet équilibre et qu’il réintroduise une frontière physique entre l’Irlande du Nord et l’Irlande.

Les conséquences pour l’Union européenne:

-le manque de financement pour le budget de l’Union européenne s’élèvera à 10 milliards d’euros annuels. Pour la Politique agricole commune (PAC), on estime le déficit de financement entre 1,2 et 3,1 milliards d’euros.

-des effets de transferts de quotas d’importations agricoles joueront. Par exemple les viandes sud-américaines qui rentraient dans le marché britannique le faisaient via des quotas européens. Le Royaume-Uni sorti, les quotas resteront en place, donc ces viandes pourront au lieu d’aller au Royaume-Uni aller en France ou ailleurs dans l’Union européenne. Ce surplus de viandes déséquilibrera un peu plus l’élevage déjà bien en difficulté et menacé par d’autres accords de commerce en négociations.

-les perturbations sectorielles sur des industries de réseaux comme les télécoms, l’énergie, le transport aérien et toutes les chaines de production industrielles.

– Le 13 mars, le gouvernement britannique a publié les droits douaniers qu’il appliquerait aux produits européens en cas de sortie de l’Union européenne sans accord. Dans ce scénario, et pendant un an à partir du 29 mars à 23h, les entreprises britanniques ne paieraient pas de droits sur 87 % des importations européennes. Seuls 13 % de ces importations se verraient appliquer des droits de douanes ou contingents (limitations) tarifaires. Ce serait le cas, entre autres, de certains produits agroalimentaires et de la pêche, des véhicules, des bananes et du sucre de canne brut. Cette initiative vise à minimiser l’impact d’un ‘no deal‘ sur les consommateurs et producteurs britanniques.

-le partage de l’effort climatique pour la réduction des émissions qui devra être recalculé, ajusté avec le Brexit.

-Pays-Bas, Belgique, Irlande seront les plus touchés (perte de croissance de 1 à 1,8 points d’ici 2021 selon le cabinet Euler Hermes), l’Allemagne perdrait 8,4 milliards d’exports dont 2,4 dans l’automobile. La France sera le 5ème pays le plus touché.

Les risques pour la France :

(synthèse des calculs de différents cabinets d’études)

-50 000 emplois sont menacés dans l’hypothèse d’une réduction de 25% des exports vers le Royaume-Uni (en Allemagne c’est 102 000)

-pour les entreprises françaises, il y a un risque de perte de 3,2 milliards d’euros d’exports vers le Royaume-Uni soit 0,5% de nos exportations. Cela concerne le secteur de la chimie pour 600 millions d’euros, de la machine-outil pour 500 millions, de agriculture pour 400 millions, mais très ciblé essentiellement sur les viandes. L’agriculture bretonne est très exposée.

-pour les ports français, il y aura de nouveaux besoins d’infrastructures douanières, et il y aura un transfert des routes Irlande-Royaume-Uni-continent vers des routes directes Irlande-continent passant par la France.

-l’accès des pêcheurs français aux eaux britanniques sera perturbé si ce n’est interdit, alors que pour certaines espèces, l’essentiel est fait dans les eaux britanniques.

Pour conclure

 

L’Union européenne a fait front, à tel point que ce qui semblait être un point mineur, l’Irlande, est devenu le point de fixation avec le « backstop ». Les droits des citoyens européens ont été défendus comme l’intégrité du marché intérieur.

Pour la première fois de l’histoire de leur relation avec le continent, les Britanniques n’ont pas pu diviser pour mieux régner.

Quelle que soit l’issue, « hard Brexit » ou « soft Brexit », les négociations sur la future relation devront s’assurer que le Royaume-Uni ne pourra tenter la carte du dumping règlementaire ou fiscal.

 

Le Brexit se voulait l’affirmation du renouveau de la puissance britannique libérée d’un soi-disant frein européen, la réalité est que l’économie du Royaume-Uni est déjà une des plus dynamiques du continent (2% en 2015, 1,9% en 2016) avec un taux de chômage proche de 4,8%. Mais c’est justement la très forte inégalité de la répartition de cette richesse créée et la précarité croissante des classes populaires qui ont fait le vote du Brexit.

A cela s’ajoute une nostalgie de la puissance victorienne, un retour au « Great Britain » puissance globale, avec un Royaume-Uni à l’avant-garde des négociations commerciales. Mais :

1) avec les indépendances relancées directement en Ecosse et la question irlandaise rouverte avec la présence d’une frontière sur l’île le Great Britain, la Grande-Bretagne, peut devenir Little England, petite Angleterre, avec des risques de tensions.

2) Difficile pour le Royaume-Uni de s’affirmer sur la scène commerciale, alors que tous ses partenaires ont annoncé publiquement qu’ils préfèrent négocier avec l’Union européenne que le Royaume-Uni (les négociations seront d’autant plus difficile que le Royaume-Uni n‘a plus de diplomatie commerciale). Le Japon précise qu’il n’offrira pas des termes aussi avantageux que le JEFTA, l’accord signé avec l’Union européenne, seuls les anciens « dominions » Australie, Nouvelle-Zélande, Canada se sont montrés ouverts. Même l’Amérique du Nord semble vouloir la jouer dure (leur dernier mouvement étant de vouloir sortir les Britanniques des négociations sur un pacte mondial des marchés publics en discussion à l’OMC).

Enfin les consommateurs britanniques qui étaient protégés par une Union européenne défendant le principe de précaution et des législations environnementales et sanitaires les plus protectrices au monde ne le seront plus. Seuls face aux Américains, pas sûr que les Britanniques puissent continuer d’interdire viandes aux hormones et OGM.

Sur le fond lorsque l’on compare les objectifs clamés (reprise du contrôle des lois, refus de la Cour européenne de justice) et les réalités (intégration des lois européennes et de la jurisprudence de la Cour européenne de justice, perte d’influence sur les futurs textes et standards européens qui s’imposeront par l’importance du marché unique), on assiste à la perte de la substance du pouvoir pour le mirage de la souveraineté (pour paraphraser un éditorial du Financial Times). De puissance faisant les règles européennes, le Royaume devient exécutant des futures règles.

Enfin on ne peut sortir le Brexit du débat de fond sur le futur de l’Union européenne, et noter une tragique ironie : ce qu’ont toujours demandé les conservateurs au Royaume-Uni, c’est à dire une Union européenne du business, de la concurrence au maximum et des protections réduites au minimum, la Commission européenne le fait. Au moment où le dogme ultra-libéral a triomphé sur le continent, le Royaume-Uni se retire d’un projet politique qu’il a lourdement influencé.

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 17:14
Patrick Le Hyaric à Roscoff pour une réunion publique sur le Brexit début mars avec Cindérella Bernard, Glenn Le Saoût, et Vincent, le patron du restaurant bar C'est ici! sur le port de Roscoff

Patrick Le Hyaric à Roscoff pour une réunion publique sur le Brexit début mars avec Cindérella Bernard, Glenn Le Saoût, et Vincent, le patron du restaurant bar C'est ici! sur le port de Roscoff

La construction européenne selon le modèle ultralibéral fabrique sans cesse de plus en plus d’inégalités. Ainsi selon plusieurs études, les 500 personnes les plus fortunées en France ont capté 2,2% des richesses produites ces trente dernières années. Durant cette période, elles ont accumulée 20 milliards d’euros de plus, soit 38 millions pour chacune. Sur l’ensemble de l’Europe de l’Ouest, les 1% les plus riches ont capté 17% de la croissance des revenus. Cela n’a pas empêché M. Macron de rajouter dans le cadre du dernier budget de la nation un cadeau de 1,27 milliards d’euros pour 5.034 personnes. La demande de révolution fiscale dans l'Union européenne comme en France est plus que jamais d’actualité. Les enjeux de justice et de solidarité doivent être portés avec force et constance.

Les débats et les rencontres à l’occasion de la campagne des élections européennes sont l’occasion d’expliquer les solutions possibles comme l’a merveilleusement fait Ian Brossat à l’occasion du débat de jeudi dernier. Le vote aux européennes pour sa liste est un vote pour le pouvoir d’achat. C’est cette liste qui agit pour qu’on crée dans l’Union européenne un niveau plancher de salaire minimum en deçà duquel on ne pourrait pas descendre ; ce niveau devrait évoluer vers le haut chaque année avec des politiques de rattrapage là où les salaires sont les plus bas. Il faut augmenter les salaires en Roumanie et les augmenter en France pour réduire jusqu’à supprimer le principe de concurrence entre salariés. La fiscalité est un autre outil pour améliorer le pouvoir d’achat en baissant la fiscalité indirecte sur les ménages et en augmentant la fiscalité du capital et sur les grandes fortunes, en chassant l’évasion fiscale tout en fermant les paradis fiscaux.

Avec le débat de jeudi dernier la campagne électorale franchit une nouvelle étape ; les rencontres, les débats et les réunions que nous faisons montrent l’intérêt et la volonté de mobiliser pour rassembler autour du vote en faveur de la liste de rassemblement populaire conduite par Ian Brossat, dont la plupart des éditorialistes ont souligné la performance à la télévision.

Ce sont ces éléments de décryptage qui sont au cœur de mon éditorial de L’Humanité Dimanche cette semaine autour de la réfutation de l’idée selon laquelle « le macronisme serait un progressisme » alors qu’il en est l’antithèse.

Le macronisme, antithèse du progressisme - éditorial de Patrick Le Hyaric pour l'Humanité dimanche, 3 avril

La concomitance de la fin de ce qui a été baptisé « grand débat », de la présentation de la liste macroniste pour le scrutin européen du 26 mai prochain et de l’édition d’un livre de deux conseillers du président de la République dont on apprend qu’il devait porter la signature de M. Macron, font mesurer la nature et l’ampleur de l’opération « enfumage » organisée au sommet de l’Etat.

D’abord, il y a le vol et le détournement des mots. Le livre de MM. Emelien et Amiel (1) se veut être une définition nouvelle du « progressisme » quand la liste conduite par Mme Loiseau porte le nom de « Renaissance ». Deux mots soustraits aux penseurs des Lumières et aux marxistes malaxés dans le pétrin macronien pour nier la lutte des classes et discréditer les politiques solidaires, porteuses de progrès social et humain.

La liste macroniste est, elle aussi, construite pour brouiller les pistes, réunissant des personnalités aux options contradictoires. Les belles paroles de campagne ne convaincront donc pas sur les futurs votes des députés issus de cette liste digne de la foir’fouille. Elles vont heurter de plein fouet les exigences d’un mouvement de plusieurs mois qui, en dépit des efforts entrepris pour le déconsidérer, continue d’être soutenu par une majorité de nos concitoyens, comme celles formulées par tous les mouvements sociaux qui réunissent dans la rue enseignants, parents, soignants, fonctionnaires ou salariés de telle ou telle entreprise menacée.

Selon les conseillers du palais, il suffirait pour mieux vivre « d’élargir l’opportunité pour chacun » de donner « la possibilité de choisir soi-même sa vie ». Le problème n’est donc pas l’oppression, l’exploitation d’une classe par une autre mais la capacité de « s’en sortir » ou pas. Il est vrai qu’en Macronie, le pauvre, l’opprimé, le sans diplôme, l’« illettré », le « réfractaire », le « rien » sans « sens de l’effort », représente l’antithèse du « progrès ». Il n’est d’aucune façon envisagé de placer quelque espérance historique que ce soit dans l’accession au pouvoir des classes populaires. Leur Europe est celle de l’élite et de l’oligarchie opposées au peuple et à ses velléités de souveraineté et de démocratie. « Il faut que l’Europe se charge de grands sujets, quitte à se rendre temporairement impopulaire » clament les écrivains de l’Elysée considérant avec un mépris sans nom que les élites placées au service des puissants feront le bien des populations malgré elles.

C’est d’ailleurs au nom de ces principes qu’a été décidée, dès le traité de Maastricht, une construction européenne basée d’abord sur des critères comptables destinés à rassurer les marchés financiers au détriment des travailleurs et des Etats relégués au rang de pourvoyeurs de fonds du grand capital et des banques comme ce fut le cas lors de la crise de 2008.

De traités en traités, ces garrots ont sans cesse été renforcés. Il a même été décidé par M. Sarkozy et Mme Merkel un traité dit de « stabilité, de coordination et de gouvernance de l’Union européenne », le TSCG. C’est en son nom, faisant fi des conclusions du grand débat, que le pouvoir veut éliminer 120 000 postes d’agents des services publics, reculer encore l’âge donnant droit à la retraite ou privatiser Aéroports de Paris, Engie et La Française des Jeux. Or ce texte qui sert à fabriquer les budgets des Etats n’a plus d’existence légale depuis le 1er janvier dernier puisqu’aucune majorité au Parlement européen n’a pu le reconduire (2). Cette situation pourrait être un puissant coup de pistolet dans le grand concert de l’austérité. Il pourrait être remplacé sans attendre par un nouveau dispositif défendu par la liste que conduit Ian Brossat : créer un fond ou même une banque permettant de défendre et d’améliorer les services publics de l’école et de la santé et de financer la transition environnementale par le développement des lignes de chemins de fer, fret compris, accompagné d’un grand plan européen de construction et de rénovation de logements économes en énergie. Voilà qui serait une avancée très concrète vers un réel « progressisme européen », loin de la propagande macronienne et de ses mots volés.

(1) Le progrès ne tombe pas du ciel ; David Amiel, Ismael Emelien, éditions Fayard

(2) J’avais révélé ce fait le 5 décembre dans un article de L’Humanité

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 15:38

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 08:44
Rwanda: un million de morts et une tache sur le drapeau français ( 6 avril 2019- Fabrice Arfi, Médiapart)
Rwanda: un million de morts et une tache sur le drapeau français
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Il y a vingt-cinq ans débutait à 6200 kilomètres de Paris, dans un confetti de l’Afrique équatoriale appelé Rwanda, le dernier génocide du XXe siècle. Il y a vingt-cinq ans, la France s’est compromise avec un régime génocidaire. Voici pourquoi.

 

Il y a vingt-cinq ans débutait à 6 200 kilomètres de Paris, dans un confetti de l’Afrique équatoriale appelé Rwanda, le dernier génocide du XXe siècle.

En latin, il existe une catégorie juridique pour qualifier un événement tellement horrible qu’il vaut mieux ne pas le nommer. Cela s’appelle le nefandum. Dans la nuit rwandaise, le nefandum peut tenir en deux chiffres : un million et cent.

Un million de morts en cent jours.

Entre avril et juillet 1994, un million de personnes, hommes, femmes et enfants, issus, pour l’immense majorité, de la minorité tutsie, ont été assassinées dans une fureur meurtrière collective qui a amené, outre les forces gouvernementales et les milices impliquées, des habitants à massacrer leurs propres voisins, parfois leurs propres familles.

Il y a vingt-cinq ans débutait à 6 200 kilomètres de Paris, dans un confetti de l’Afrique équatoriale appelé Rwanda, le dernier génocide du XXe siècle.

Depuis un quart de siècle, la France est engluée dans des accusations de compromissions multiples – d’ordre politique, diplomatique et militaire – avec le régime génocidaire.

Depuis un quart de siècle, des documents compromettants émergent et des façades se lézardent. Des militaires parlent. Des journalistes révèlent. Des chercheurs trouvent.

Mais depuis un quart de siècle, la France officielle est, elle, incapable de regarder cette histoire dans le miroir tendu à notre propre jugement.

Toute la tragédie rwandaise ne se résume pas, loin de là, au seul rôle de la France dans la région des Grands Lacs, mais rien des événements qui ont plongé une nation entière dans les ténèbres ne peut être compris en détournant le regard de celui-ci. Faute de quoi, l’histoire du génocide des Tutsis du Rwanda risque de faire une victime de plus : la vérité.

Le président de la République, Emmanuel Macron, vient d’envoyer un signal qui inquiète de nombreux observateurs en déclinant l’invitation de son homologue rwandais, Paul Kagame, de venir participer à Kigali aux commémorations du 25e anniversaire du génocide.

La raison invoquée pour justifier cette absence – une incompatibilité d’agenda – n’est pas vraiment de nature à rassurer. Car il faut bien nommer les choses : avancer un souci de calendrier pour sécher la commémoration d’un génocide a quelque chose de navrant, en plus d’entretenir la culture étatique du déni français face à ce passé qui ne passe pas.

Aucun membre du gouvernement ne sera non plus présent. La France a choisi pour la représenter d’envoyer un député de La République en marche, Hervé Berville, un orphelin tutsi adopté par une famille française après le génocide. L’Élysée veut y voir un symbole fort.

Mais dans une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron, plus de 300 personnalités françaises perçoivent au contraire dans l’absence du président à Kigali une erreur, pour ne pas dire une faute. « Monsieur le Président, la France a rendez-vous avec l’Histoire », affirment les signataires, parmi lesquels se trouvent les époux Klarsfeld, l’ancien ministre Bernard Kouchner, le Prix Nobel de littérature Maria Vargas Llosa, ainsi que plusieurs historiens, journalistes et politiques français de renom, spécialistes ou non de la question rwandaise.

« Car le fait est établi : une politique de collaboration a été menée avant, pendant et après le génocide par une poignée de responsables placés au plus haut niveau de l’appareil d’État à la fin du second septennat de François Mitterrand », écrivent les signataires.

Ils ont raison.

Voici pourquoi.

 I. AVANT

Le Rwanda est un tout petit pays de l’Afrique de l’Est, bordé par l’Ouganda (au nord), le Burundi (au sud), le Congo (à l’ouest) et la Tanzanie (à l’est). Il est de coutume de dire que deux ethnies composent l’essentiel de la population rwandaise : les Hutus (ultramajoritaires) d’un côté et les Tutsis de l’autre. Les premiers seraient plutôt cultivateurs et les seconds éleveurs. Il s’agit en réalité, d’après de nombreux spécialistes, d’une codification ethnico-sociale très largement héritée de l’époque coloniale, d’abord allemande puis belge.

Le Rwanda est devenu indépendant en 1962. À intervalles réguliers, l’histoire du pays a été ensanglantée par des vagues de massacres perpétrés contre la minorité tutsie : en 1959 (la « Toussaint rouge »), en 1963, en 1973.

1973 est aussi l’année d’un coup d’État qui a porté un autocrate hutu à la tête du pays, Juvénal Habyarimana. L’homme est souvent présenté comme un esthète du double discours, entre besoin de satisfaction des extrémistes, qui composent une partie non négligeable de son entourage direct, et nécessité d’apaisement vis-à-vis de la communauté internationale, pour faire bonne figure.

 

Les massacres poussent de nombreux Tutsis à l’exode, essentiellement en Ouganda. On les appellera « les Tutsis de l’extérieur », dont un parti politique, le Front patriotique rwandais (FPR), créé en 1987, deviendra le porte-étendard – ainsi qu’une force militaire.

La France apporte, elle, un soutien sans faille au régime Habyarimana à la faveur d’un biais géopolitique qui sera largement responsable de l’aveuglement français quand le pire surviendra. Le FPR, soutenu par l’Ouganda, est alors vu par la France comme le bras armé des Anglo-saxons et surtout des Américains, qui viseraient par son intermédiaire à rogner l’influence française dans les Grands Lacs.

Un soutien inébranlable aux Forces armées rwandaises (FAR) du régime Habyarimana serait par conséquent la garantie d’un statu quo qui permettrait le maintien de la chasse gardée française dans la région. Dès lors, « la menace FPR » offre au régime hutu et à la France un ennemi commun : les Tutsis. À l’Élysée, il est même de bon ton de parler des Tutsis du FPR comme des « Khmers noirs », une expression qu’affectionne tout particulièrement, y compris dans des notes écrites, le chef d’état-major particulier de François Mitterrand, le général Christian Quesnot.

Cette vision des choses, très largement partagée au sein de l’armée et à l’Élysée, sera particulièrement accentuée après l’effondrement de l’Union soviétique et l’hégémonie américaine qui en découle mécaniquement.

Les résultats s’en font vite ressentir sur le front des opérations militaires. En 1990, une offensive du FPR au Rwanda est matée par le régime Habyarimana grâce au soutien de la France ; c’est l’opération Noroît. Les troupes françaises restent sur place et continuent de former les FAR.

Or, dans un télégramme diplomatique du 15 octobre 1990, l’ambassadeur de France à Kigali, Georges Martres, évoque, quatre ans avant qu’il ne survienne, la crainte d’un génocide : « Les Tutsis sont convaincus, écrit-il, que si la victoire du pouvoir actuel était totale, le départ des troupes françaises et belges aurait pour résultat d’aggraver la répression et les persécutions et conduirait à l’élimination totale des Tutsis. »

Un mois plus tard, en novembre 1990, un haut responsable militaire français en poste au Rwanda, le général Jean Varret, recueille de la bouche d’un proche du président Habyarimana, Pierre-Célestin Rwagafilita, alors chef d’état-major de la gendarmerie, une sinistre confidence : « On est en tête à tête, entre militaires, on va parler clairement… Je vous demande des armes, car je vais participer avec l'armée à la liquidation du problème. Le problème, il est très simple: les Tutsis ne sont pas très nombreux, on va les liquider ».

Averti à chaque fois par ce qu’on appellerait aujourd’hui des lanceurs d’alerte, Paris ne fait rien et continue de soutenir aveuglément le régime en place.

Et de fait, des massacres de Tutsis ont de nouveau lieu ; en 1990, 1991 et 1992. Ce n’est pas encore le génocide, mais son prélude.

En 1993, la collaboration française avec le régime rwandais connaît son paroxysme quand un militaire, le colonel Didier Tauzin, va prendre de fait le contrôle de l’armée rwandaise pour empêcher une nouvelle percée du FPR, qui avait lancé une offensive pour mettre fin aux massacres de Tutsis commis dans les préfectures de Gisenyi et Kibuye. C’est l’opération Chimère. Le nom de code est bien choisi ; une chimère est une idée sans rapport avec la réalité.

Car la réalité, à ce moment-là, a le goût d’une tragédie programmée et qui s’accélère. Le 24 janvier 1993, au journal télévisé de France 2, Jean Carbonare, le fondateur de l’association Survie et membre d’une délégation de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) qui revient d’une mission au Rwanda, donne l’alerte devant des millions de téléspectateurs. « On a parlé d’affrontements ethniques, mais nous avons pu vérifier qu’il s’agit d’une politique organisée, il y a une mécanique qui se met en route. On parle de purification ethnique, de génocide, de crimes contre l’humanité […] Notre pays, qui supporte financièrement et militairement ce système, a une responsabilité », affirme Jean Carbonare, avant de reprendre, la voix étranglée de sanglots face à Bruno Masure qui l’interroge : « Nous devons faire quelque chose pour que cette situation change parce qu’on peut la changer. »

 

Quelques années plus tard, confronté à cette séquence sur le plateau de l’émission Arrêt sur images, le secrétaire général de l’Élysée au moment des faits, Hubert Védrine, dira : « Ce pseudo-avertissement sur le génocide, c’est une présentation comme ça, pour ameuter le chaland. » La morgue avec laquelle une telle phrase peut être lâchée, quatre ans après l’anéantissement d’un million de personnes, en dit long, rétrospectivement, sur l’état d’esprit qui habitait alors le sommet de l’État français, la présidence de la République au premier chef.

Tous les signaux ont été ignorés. Tous.

Et quand, sur un terrain purement diplomatique et géopolitique, la Délégation des affaires stratégiques (DAS) du ministère de la défense réclame, dans une note « confidentiel défense » du 10 avril 1993, un changement radical dans la politique française au Rwanda, c’est le même silence assourdissant qui accueille la demande.

« Le régime en place [au Rwanda] n’est pas plus représentatif que le FPR », peut-on lire dans ce document, qui précise que « notre maintien peut être interprété comme une garantie offerte aux dictateurs ». Rétrospectivement, l’auteur de la note, Pierre Conesa, confiera au Monde : « Rien ne justifiait qu’on tienne le régime Habyarimana à bout de bras. » C’est pourtant ce qui fut fait.

L’apathie de la France face à la tragédie annoncée fut aussi celle de la communauté internationale dans son ensemble et, plus particulièrement, de l’Organisation des Nations unies (ONU). Un épisode résume à lui seul cette situation, quand, le 11 janvier 1994, l’un des représentants de l’ONU au Rwanda, le général canadien Roméo Dallaire, envoie un télégramme alarmiste dans lequel il évoque l’existence d’un plan d’extermination des Tutsis. Précision macabre : le rapport du militaire, qui repose sur les confidences d’un extrémiste Hutu repenti, parle d’une capacité meurtrière permettant de tuer mille Tutsis toutes les vingt minutes.

Conséquence ? Aucune. Il ne se passera rien, strictement rien, comme le montre de manière implacable le film Retour à Kigali, du documentariste Jean-Christophe Klotz, qui sera diffusé le 25 avril prochain sur France 3.

 II. PENDANT

Depuis longtemps, le génocide des Tutsis du Rwanda existait dans les têtes avant d’être perpétré dans les faits – des journaux comme Kangura ou la funeste radio des Mille Collines ont déversé pendant des années une propagande criminelle appelant à l’extermination des Tutsis, réduits à l’état d’« insectes » à éliminer. Le génocide était également financé et armé, en machettes notamment, de longue date. Mais il a bien fallu une étincelle pour le déclencher. Le moment qui fera qu’il y aura un avant et un après.

Celui-ci a pris la forme d’un missile qui, le 6 avril 1994, a déchiré le ciel de Kigali et abattu, aux alentours de 20 h 25, le petit avion qui transportait à son bord le président Juvénal Habyarimana et son homologue du Burundi. Le chef de l’État rwandais revenait de Tanzanie où il venait de conclure, la mort dans l’âme, un accord politique avec les rebelles du FPR contre l’avis de la frange la plus radicale du Hutu Power, mouvement extrémiste ultranationaliste.

Dans les minutes qui ont suivi l’attentat, les massacres de masse contre les Tutsis, annoncés depuis si longtemps, ont débuté.

Qui a tiré ? Cette question hante depuis vingt-cinq ans la discussion publique autour de l’attentat du 6 avril. Deux thèses s’affrontent : l’une évoque la responsabilité du FPR tandis que l’autre avance celle des extrémistes hutus.

Dans le doute, l’Élysée privilégie aveuglément la première, parce que c’est elle qui est le plus en phase avec sa politique passée et présente. Le chef d’état-major particulier de Mitterrand va même jusqu’à défendre l’idée, dans une note datée du 29 avril 1994, que le FPR a provoqué le massacre de sa propre ethnie dans l’espoir de prendre le pouvoir à la faveur d’une guerre civile dont il sortirait vainqueur, fût-ce au prix du sang des siens. « C’était exactement ce que voulait le FPR, car le président Habyarimana constituait le seul véritable obstacle à sa prise de pouvoir », écrit ainsi le général Quesnot.

Sur place, dans les heures et jours qui suivent l’attentat, les forces armées françaises déploient plus d’énergie à retrouver les boîtes noires de l’avion abattu plutôt que les terroristes qui ont tiré. Pourquoi ?

Politiquement, l’attentat ne change rien. La France maintient son soutien total au régime. C’est si vrai que le gouvernement intérimaire – en réalité, le gouvernement génocidaire – va se former, le 8 avril, dans les locaux mêmes de l’ambassade de France à Kigali. Et le 27 avril, l’Élysée et Matignon accueillent à Paris une délégation du gouvernement génocidaire, parmi laquelle se trouve un certain Jean Bosco Barayagwiza, membre du parti extrémiste CDR et futur condamné à 35 ans de prison pour sa participation au génocide des Tutsis.

Seulement voilà, ainsi que Mediapart et Radio France l’ont déjà rapporté, la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) écrit, dès le 22 septembre 1994, dans une note « confidentiel défense » que la piste d’un attentat commis contre le président Habyarimana par la frange hutue la plus radicale du régime est l’ « hypothèse la plus plausible ». Le colonel Théoneste Bagosora, ancien directeur du cabinet du ministre de la défense et proche de la veuve Habyarimana, est pointé du doigt par les services secrets français comme étant l’un des commanditaires de l’attaque – il a été condamné à 35 ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda pour avoir été l’architecte du génocide et purge sa peine au Mali.

Cette note, comme de nombreuses autres de la DGSE, qui a été d’une clairvoyance totale dans la tragédie rwandaise, est méprisée par l’Élysée. Comme si tout ce qui ne cadre pas avec la ligne politique de la présidence n’existait pas.

Depuis, l’hypothèse d’un attentat commis par les Hutus extrémistes a été renforcée, non seulement par plusieurs notes de services étrangers (belges ou américains), mais aussi par une longue instruction judiciaire française qui a fait litière de l’accusation portée contre le FPR. L’enquête a établi, expertises à l’appui, que la « zone de tir la plus probable » d’où sont partis les missiles se situait sur le « site de Kanombe », soit le quartier général de la garde présidentielle.

Le 10 juin 1994, pendant que Tutsis et Hutus modérés se faisaient méthodiquement assassiner à l’autre bout du monde, le président François Mitterrand donnait un discours saisissant, mais saisissant de cynisme avec le recul, à Oradour-sur-Glane, cinquante ans après le massacre commis par les nazis dans ce petit village de la Haute-Vienne. « Et lorsque nous essayons à travers le monde et d'abord en Europe, de construire une nouvelle amitié, entre des peuples qui se sont déchirés, ce n’est pas simplement pour faire la part du rêve, c'est aussi et surtout, parce que nous ne voulons pas que cela recommence et qu’il appartient aux générations prochaines de bâtir un monde où les Oradour ne seront plus possibles », affirmait, solennel, le chef de l’État français.

 

Le Rwanda, au même moment, c’est en réalité quinze Oradour quotidiens, et ce, pendant trois mois et dix jours. Les deux tiers des victimes ont trouvé la mort dans les cinq premières semaines.

Dès les premiers jours du génocide, Bernard Kouchner se rend sur place et essaye d’alerter l’Élysée de l’urgence d’une intervention. « François Mitterrand m’a répondu: Kouchner, vous exagérez, allons, je vous connais, vous exagérez” », rapportera l’ancien ministre à La Croix des années plus tard.

Tandis que Médecin sans frontières lance, le 17 juin, un appel pour une intervention au Rwanda — « On n’arrête pas un génocide avec des médecins » –, l’ONU donne mandat, enfin, à une opération militaire pilotée par la France, baptisée Turquoise, « pour mettre fin aux massacres partout où cela sera possible, éventuellement en utilisant la force ».

Officiellement opération « humanitaire », qui, indéniablement, a permis de sauver des vies, Turquoise alimente par ailleurs depuis vingt-cinq ans une vive polémique au sein de l’armée sur son rôle caché : protéger la fuite du régime hutu en déroute, donc des génocidaires, et le réarmer dans la perspective éventuelle de reprendre le pouvoir face au FPR, mené militairement par Paul Kagame, l’actuel président rwandais, qui ne cesse de gagner des positions.

Cette thèse est soutenue par plusieurs militaires ayant participé à la force Turquoise, dont le lieutenant-colonel Guillaume Ancel, qui a raconté son expérience dans un livre important, Rwanda, la fin du silence (Les Belles Lettres, 2018). Dans cet ouvrage, le militaire raconte notamment avoir personnellement assisté à des livraisons d’armes de la France au profit des génocidaires. Livraisons que finira par reconnaître, en 2014, devant l’Assemblée nationale, Hubert Védrine, tout en affirmant que c’était « sans rapport avec le génocide ».

La justice française enquête aujourd’hui sur d’autres livraisons d’armes, pilotée par le génocidaire Théoneste Bagosora (le responsable de l’attentat du 6 avril, selon la DGSE), financée par une banque française, la BNP.

Pour beaucoup de spécialistes, historiens ou journalistes, Turquoise, c’est l’image d’une France aux deux visages au Rwanda. À l’Élysée, le principal promoteur de cette stratégie du double discours est le général Quesnot, qui écrivait, dès le 6 mai 1994, dans une note adressée au président de la République : « À défaut de l'emploi d’une stratégie directe dans la région qui peut apparaître politiquement difficile à mettre en œuvre, nous disposons des moyens et des relais d'une stratégie indirecte qui pourraient rétablir un certain équilibre ». La note est « signalée » par Hubert Védrine et « vue » par François Mitterrand.

Il est aujourd’hui certain que l’armée française a laissé s’enfuir, sans les arrêter, des génocidaires connus comme génocidaires, ainsi que l’a encore prouvé récemment un reportage de la chaîne France 24.

Interrogés, les responsables français de l’époque, Hubert Védrine à l’Élysée ou l’amiral Jacques Lanxade, alors chef d’état major des armées, apportent toujours la même réponse : le mandat de l’ONU ne prévoyait pas spécifiquement l’arrestation des génocidaires. C’est vrai, pas en ces termes. Mais il réclamait sans équivoque la fin des massacres et comment penser raisonnablement que cela ne puisse pas passer par l’appréhension de ceux qui les commettent, les orchestrent ou les incitent ?

S’il ne devait y avoir qu’un exemple de l’ambiguïté de Turquoise, il tient en un mot : Bisesero. Les collines de Bisesero, à l’ouest du Rwanda, ont été le théâtre d’un spectaculaire fiasco de l’armée française, dont des officiers ont découvert le 27 juin 1994 des survivants tutsis de massacres réclamant une intervention d’urgence pour mettre fin aux atrocités en cours.

Quand elles sont découvertes, les victimes sont dans un état de décharnement et de mutilation extrêmes. Les militaires français qui les trouvent leur promettent de revenir au plus vite, mais leur hiérarchie refuse, comme plusieurs officiers en témoigneront devant des juges français. Une vidéo révélée par Mediapart le prouve également.

Il faudra trois jours au Commandement des opérations spéciales (COS) de Turquoise pour intervenir enfin, acculé. En somme : l'armée française n'avait qu’une chose à faire – sauver des vies, comme le lui imposait le mandat de l'ONU – mais a refusé en connaissance de cause.

Entre-temps, un millier de Tutsis ont été éliminés.

Cette inaction coupable est-elle la preuve de la participation active de l'armée au génocide ? Juridiquement, la question est épineuse. Plusieurs responsables de Turquoise ont été placés par la justice dans ce dossier sous le statut de témoins assistés pour « complicité de génocide » et « complicité de crimes contre l’humanité » – c’est-à-dire qu’ils ne sont pas extérieurs au crime reproché, mais pas suffisamment impliqués non plus pour être mis en examen.

Tout laisse à penser que l’instruction va se clore par un non-lieu, même si de nombreuses parties civiles, survivants ou associations (Ibuka, Survie, la Licra), dénoncent une instruction qui n’a pas procédé à toutes les auditions nécessaires à la manifestation de la vérité.

Mais regarder le rôle de la France au Rwanda sous le seul angle judiciaire ne peut être exclusif, si l’on considère que l’absence de faute pénale formellement établie ne signifie pas pour autant l’absence de faute politique, militaire et morale.

III. APRÈS

Paris, le 23 novembre 1996. François Mitterrand est mort, Jacques Chirac est à l’Élysée et Hubert Védrine publie dans Le Point une tribune dont le titre parle de lui-même : « Hutus et Tutsis : à chacun son pays ».

Ainsi, deux ans après un génocide qui a provoqué la disparition d’un million d’êtres humains, l’ancien secrétaire général de la présidence de la République persiste et signe dans une vision purement ethniciste d’un pays, dont il reconnaît volontiers ne pas être un spécialiste. Cette même vision qui a permis de faire le lit pendant des décennies d’une haine qui a abouti au crime des crimes, comme si la mixité n’existait pas au Rwanda, comme si le métissage entre Hutus et Tutsis n’était pas une réalité, comme si chacun était l’otage d’une origine.

Cette tribune n’est rien en soi, mais elle dit tout du déni qui va paralyser l’attitude des plus hautes autorités françaises face au drame rwandais : la France n’a rien à voir là-dedans.

Depuis vingt-cinq ans, l’ère du verrou semble régner. Souvent interviewé à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du génocide, Hubert Védrine continue d’accuser le FPR d’être en quelque sorte à l’origine du génocide. « Il n’y aurait jamais eu de génocide, il n’y aurait jamais eu la grande guerre civile ni le génocide si Kagame n’avait pas été déterminé à reprendre le pouvoir à n’importe quel prix […] Les attaques de Kagame sont le fait déclencheur », assurait-il il y a encore quelques semaines à un journaliste, Michael Sztanke, auteur d’un documentaire pour France 24, Rwanda, chronique d’un génocide annoncé.

 

Comme Védrine, Alain Juppé, le ministre des affaires étrangères du gouvernement Balladur au moment du génocide (aujourd’hui au Conseil constitutionnel), pense que parler de la responsabilité de la France dans les événements de 1994 relèverait de « l’une des plus belles opérations de falsification historique ». C’est ce qu’il a confié au journaliste de La Croix Laurent Larcher, auteur de Rwanda, ils parlent (Seuil), un livre saisissant, qui restitue la parole brute et la vérité nue de nombreux acteurs de cette période. « Le fond de ma pensée, poursuit Juppé, c’est qu’en réalité Kagame, avec le soutien de l’Ouganda, et puis certains autres soutiens, était décidé à prendre le pouvoir quoi qu’il arrive. » Tout est dans le « quoi qu’il arrive ». Comprendre : même s’il fallait en passer par un génocide.

L’actuel patron du Parti socialiste, Olivier Faure, ne dépareille pas. Refusant de signer la lettre ouverte à Macron évoquée au début de cet article, il a écrit le 15 mars dernier à l’un des promoteurs de cette initiative, Benjamin Abtan, pour lui expliquer qu’il ne peut accoler son nom à un tel texte parce que celui-ci « exclut la complicité d’acteurs depuis lors au pouvoir et qui précisément instrumentalisent le génocide pour consolider leur dictature ».

Le fait que Paul Kagame règne aujourd’hui au Rwanda au prix de dérives autoritaires – nul ne le conteste ici – ne devrait pas permettre pour autant une analyse anachronique de ce qu’il s’est passé il y a vingt-cinq ans. Non, les victimes ne sont pas les coupables.

Comme l’écrit Laurent Larcher à la fin de son ouvrage au sujet de tous les responsables politiques et militaires français qui ont failli face à la tragédie rwandaise : « Ils savaient mieux que les Rwandais ce qui convenait. Ils ont échoué, mais ne l’admettent pas […] Ces hommes sont intervenus comme des apprentis sorciers. […] C’est ça le scandale de la décision politique : l’incapacité à se remettre en question, l’incapacité à accueillir des paroles qui contredisent le tableau général. »

Nicolas Sarkozy fut le seul président de la République à faire des concessions à la vérité en reconnaissant, en 2010, que la France avait commis de « graves erreurs d'appréciation, une forme d'aveuglement » sur la question du génocide au Rwanda, tout en refusant toute demande de pardon.

L’enjeu est donc grand aujourd’hui, qui pèse sur les épaules du président Macron. Tout en créant la polémique en refusant de se rendre à Kigali pour les commémorations du génocide, il a promis d’ouvrir l’intégralité des archives françaises, dont beaucoup sont encore cadenassées, afin qu’une commission ad hoc, présidée par l’historien Vincent Duclert, mais de laquelle ont été écartés deux spécialistes de renom (Hélène Dumas et Stéphane Audoin-Rouzeau), puisse y accéder.

L’avenir dira si c’est vrai.

La seule chose certaine en la matière a été écrite il y a déjà bien longtemps, en 1815, par Benjamin Constant : « On ne conjure point les dangers en les dérobant aux regards. Ils s’augmentent au contraire de la nuit dont on les entoure. »

 

 

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7 avril 2019 7 07 /04 /avril /2019 05:52
Génocide au Rwanda: les trop petits gestes d’Emmanuel Macron (par Ellen Salvi, Médiapart, 4 avril 2019)
Génocide au Rwanda: les trop petits gestes d’Emmanuel Macron
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Le président de la République ne se rendra pas à Kigali pour le 25e anniversaire du génocide. Mais il a promis d’ouvrir à un comité d’historiens trié sur le volet « l’ensemble des fonds d’archives ». Qu’en sera-t-il vraiment ?

Emmanuel Macron se sait observé. À la veille du 25e anniversaire du génocide contre les Tutsis au Rwanda, où 800 000 à 1 million de personnes furent tuées en l’espace de trois mois en 1994, le président de la République a fait le 5 avril une série d’annonces censées répondre à la promesse de nouvelles relations franco-rwandaises. « Nous avons décidé de travailler ensemble de manière pragmatique sur les sujets d’intérêt entre nos deux pays », avait-il déclaré fin mai 2018, lors de la venue à Paris de son homologue rwandais Paul Kagame.

Avant d’ajouter, toujours aussi « pragmatique » : « Il ne s’agit en aucun cas de sous-estimer les difficultés du passé et la complexité de la relation bilatérale, mais […] d’assumer cette complexité, de savoir la surmonter et de penser à l’avenir de nos jeunes générations. » Pour « assumer cette complexité » jusqu’au bout, le chef de l’État aurait pu s’emparer de l’invitation hautement symbolique que lui a adressée Kagame, en se rendant à Kigali où se tiendront dimanche les commémorations des 25 ans. Mais il y a finalement renoncé, choisissant d’envoyer à sa place le député La République en marche (LREM) des Côtes-d’Armor, Hervé Berville.

Des raisons d’agenda ont d’abord été invoquées. « Il y a un contexte national [la crise des « gilets jaunes » – ndlr] qui fait que le président a limité ses déplacements internationaux ces derniers temps », explique une source diplomatique, assurant que si l’Élysée avait « beaucoup réfléchi au signal » à adresser, il n’avait jamais été question que Macron se rende au Rwanda à ce moment précis. C’est donc au Palais qu’il a reçu, vendredi matin, des membres de l’association Ibuka (« Souviens-toi »), auxquels il a annoncé qu’un membre du gouvernement participerait à la cérémonie qui se tiendra dimanche au parc de Choisy, à Paris.

L’éventualité que la France soit représentée le même jour à Kigali par un responsable de haut niveau a-t-elle été envisagée ? « Un signal ministériel, ça nous semblait en dessous de ce qui était attendu, répond la même source. Il y a déjà eu des ministres qui se sont rendus à Kigali. L’idée n’était pas de faire quelque chose qui répétait les expériences précédentes. » Pour Paris, le choix d’Hervé Berville, orphelin rescapé du génocide et arrivé à l’âge de 4 ans en France, où il a été adopté par une famille bretonne, est donc un « signal nouveau en termes de profil, de génération, et de signification du message ». Mais pour beaucoup, il est loin d’être suffisant.

C’est d’ailleurs ce que soulignent près de 300 personnalités dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, initiée par le mouvement antiraciste européen Egam (European Grassroots Antiracist Movement). « Monsieur le président, le 7 avril prochain, votre place est à Kigali. Au sein des plus hauts représentants de la communauté internationale. Auprès des rescapés », écrivent les signataires du texte (parmi lesquels figurent des soutiens du chef de l’État, comme Daniel Cohn-Bendit ou encore une poignée de députés LREM et MoDem), rappelant que « la France [sous le quinquennat de François Hollande – ndlr] avait annulé sa participation aux 20es commémorations du génocide » et que sa présence, pour le 25e anniversaire, serait l’occasion de « réparer cette indignité ».

« Depuis votre élection, vous avez envoyé des signaux laissant espérer une rupture avec le déni et l’omerta qui ont caractérisé la position de la France depuis le génocide, poursuivent-ils. Après vingt-cinq ans, il est désormais temps d’effectuer des pas décisifs pour la vérité et la justice. » Le président de l’Egam, Benjamin Abtan, rappelle qu’Emmanuel Macron avait été le seul candidat, pendant la campagne présidentielle, à parler du Rwanda dans un tweet posté le 7 avril 2017, en hommage aux victimes du génocide et à leurs proches. Le 10 juin de la même année, il y avait de nouveau fait référence dans un discours prononcé à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne). C’est encore lui qui avait pris contact avec Paul Kagame dès son arrivée à l’Élysée, avant de le recevoir un an plus tard à Paris, où le président rwandais ne s’était plus déplacé depuis 2015.

« Il y avait pas mal d’espoirs qu’Emmanuel Macron fasse des choses, qu’il aille plus loin que Nicolas Sarkozy », affirme Abtan. Nicolas Sarkozy qui avait été le premier président français à se rendre à Kigali depuis 1994 et à y reconnaître, en février 2010, de « graves erreurs d’appréciation et une forme d’aveuglement » de la part de la France, sans pour autant présenter d’excuses. Mais ces espoirs ont été douchés par la décision du chef de l’État de rester à Paris le 7 avril. « C’est une grosse occasion manquée », regrette le président de l’Egam, estimant que la représentation choisie par la France « n’est pas au niveau » – d’autant que des parlementaires, Hervé Berville compris, auraient très bien pu faire partie de la délégation.

Au-delà des contraintes d’agenda invoquées pour justifier l’absence d’Emmanuel Macron à Kigali, les autorités françaises ont surtout estimé que la situation n’était pas encore mûre pour un tel déplacement, notamment en raison de procédures judiciaires toujours en cours. L’idée d’un discours a, elle aussi, été écartée, certains jugeant qu’une prise de parole du président de la République serait forcément décevante, dans la mesure où il n’irait pas plus loin, dans l’expression, que Nicolas Sarkozy

 

D’autres sources invoquent également la proximité du pouvoir actuel avec deux personnages clefs de cette période de cohabitation, qui ont toujours vertement récusé les accusations de complicité de génocide : l’ancien secrétaire général de l’Élysée Hubert Védrine et l’ex-ministre des affaires étrangères Alain Juppé. « La France accusée de complicité de génocide, c’est révoltant ! » s’exclamait encore le premier, fin mars, dans Le Figaro. En octobre dernier, le second n’avait pas non plus caché sa colère de voir l’ancienne ministre des affaires étrangères rwandaise, Louise Mushikiwabo, être élue secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) avec le soutien de Macron.

Aucun spécialiste du génocide des Tutsis dans le comité

Dans les arcanes du pouvoir, pour expliquer qu’Emmanuel Macron n’aille pas plus loin que Nicolas Sarkozy en terme de reconnaissance, plusieurs personnes pointent enfin le poids des armées, avec lesquelles le président de la République entretient déjà des relations fort complexes depuis le limogeage brutal, en juillet 2017, de leur ancien chef d’état-major, Pierre de Villiers. Or les armées sont, on le sait, directement concernées par le sujet. Au début des années 1990, jusqu’à mille soldats français avaient été déployés au Rwanda.

L’opération « Turquoise », menée à l’époque par l’armée française et présentée comme une opération humanitaire, avait permis, par la création d’une « zone sûre » à l’ouest du pays, de protéger de nombreux tueurs en fuite devant l’avancée du Front patriotique rwandais (FPR). Dans un récent entretien accordé à Mediapart et à la cellule investigation de Radio France, le général Jean Varret dénonçait encore les « fautes » de la France commises sous la pression d’un « lobby militaire ».

Malgré les nombreux travaux d’historiens et de journalistes, corroborés par les témoignages d’anciens militaires, documentant l’implication des autorités et de l’armée françaises dans le génocide, le gouvernement continue de s’en tenir à la conclusion du rapport de la mission d’information parlementaire, datant de 1998 : « Si la France n’a pas apprécié à sa juste valeur la dérive politique du régime rwandais, elle a été le pays le plus actif pour prévenir la tragédie de 1994. » Ce rapport de Paul Quilès a finalement « absous la France et ses soldats de toute responsabilité », explique Laurent Larcher dans son enquête Rwanda, ils parlent (Éditions du Seuil, 2019). Et vingt ans après sa rédaction, il permet encore à la France d’éviter d’affronter son histoire.

C’est encore à ce rapport que Florence Parly a choisi de se référer, le jour où elle a été interrogée par Larcher sur les révélations de l’ancien officier artilleur engagé dans l’opération « Turquoise », Guillaume Ancel (Rwanda, la fin du silence, éd. Les Belles Lettres, 2018). « Je constate qu’en France, seule une thèse a le droit d’être exposée dans les médias, avait confié la ministre des armées, en mai 2018. Après, cet officier peut continuer d’expliquer des choses qui, il me semble, ne sont pas corroborées par les informations issues des documents déclassifiés et analysés par la commission parlementaire. Je ne peux que le regretter parce que de très nombreux militaires voient tous les jours leur honneur bafoué. Et surtout, je ne souscris pas du tout à cette idée selon laquelle la France serait à l’origine du génocide : c’est contraire à la vérité. »

C’est peu ou prou ce que l’amiral Jacques Lanxade, ancien chef d’état-major des armées (de 1991 à 1995) sous François Mitterrand, a lancé à Guillaume Ancel, le 20 mars, à l’occasion d’un débat à huis clos organisé à Sciences-Po Paris et réservé à ses seuls étudiants. « Ce qui m’est un peu plus désagréable, c’est que la publication de votre livre est venue relancer et alimenter des attaques tout à fait inacceptables et injustes sur l’action de la France et sur les officiers français qui ont exécuté strictement les ordres qu’ils ont reçus », lui a-t-il dit, comme le rapporte Le Monde, avant de lancer à l’assistance, sûr de son fait : « Quand on ouvrira les archives, vous verrez qu’il n’y a rien ! »

L’historien Stéphane Audoin-Rouzeau, l’un des plus grands spécialistes du sujet, a récemment expliqué dans La Croix que ce sont aussi ses propos sur les soldats français qui lui ont valu d’être aujourd’hui écarté du comité d’historiens et de chercheurs chargé de travailler sur les archives concernant le rôle de la France au Rwanda, dont Emmanuel Macron a dévoilé les contours lors de sa rencontre avec l’association Ibuka. « On m’a fait comprendre que mes propos, notamment sur l’armée française, interdisaient que je fasse partie de cette commission. Cela aurait mis tous les feux au rouge et aurait empêché le travail de la commission », a affirmé Audoin-Rouzeau, citant notamment un article publié en 2010 dans la revue Esprit.

Le chercheur de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) y écrivait que « certaines accusations [du rapport Mucyo – ndlr] sur le comportement des soldats français ne pouvaient pas être balayées d’un revers de main » : « Cela concernait une forme d’abstention aux barrières dans la zone Turquoise et également, des effets d’aubaine sexuelle sur des rescapées protégées par des Français mais également violées par certains d’entre eux. » Toujours selon lui, Hélène Dumas, autre spécialiste du sujet, aurait également été écartée dudit comité. Contactés par Mediapart, ni l’un ni l’autre n’ont répondu à nos sollicitations.

« Cette commission fait l’objet de beaucoup de spéculations, nuance une source diplomatique. Personne n’en est a priori exclu, mais personne n’en est non plus membre de façon automatique. La dernière chose qu’on souhaiterait faire, c’est quelque chose qui ressemble à l’écriture d’une histoire officielle. » Dans les faits, comme on l’a appris vendredi, aucun spécialiste du génocide des Tutsis ne figure dans la liste des chercheurs retenus. « Un choix méthodologique totalement assumé », argue l’Élysée. « Cette commission va devoir investiguer de manière précise sur les processus de décisions. Comment elles ont été prises, sur quelles bases, avec quelles informations, comment elles ont été influencées, quelles informations ont été prises en compte ou n’ont pas été prises en compte, si c’est le cas.... »

Pour établir un « diagnostic le plus objectif possible » et éviter que ressurgissent « les clivages anciens » et les « a priori » des uns et des autres, poursuit un conseiller de la présidence, le comité réunira des « personnes qui connaissent le processus des décisions publiques, des personnes qui connaissent le maniement des archives publiques, et des personnes qui ont une expérience de travail sur des contextes hors norme, qui ont travaillé sur les actes des génocides ». Mais aucune qui ne maîtrise parfaitement ce sujet précis, donc.

« Il faut désormais un discours de la vérité »

L’idée d’un déplacement du président de la République à Kigali ayant été abandonnée pour les raisons invoquées plus haut, la mise en place de ce comité est présentée l’une des annonces phares du chef de l’État dans le cadre des 25 ans. Cette proposition avait d’ailleurs été formulée par ses soins dès mai 2018. « Un groupe de chercheurs sera constitué dans les mois à venir » pour « faire progresser notre connaissance sur l’un des pires drames de la fin du XXe siècle », avait-il indiqué lors d’une conférence de presse commune avec Paul Kagame.

Et d’ajouter : « L’enjeu fondamental, c’est celui de la place du génocide des Tutsis dans notre mémoire collective. Ce travail de mémoire, c’est un impératif et un devoir. Il est temps de mener un travail apaisé, documenté, et d’y consacrer les moyens nécessaires. » Comme nous l’écrivions quelques jours plus tôt, la présidence de ce comité a été proposée à l’historien Vincent Duclert, directeur du Centre d’études sociologiques et politiques Raymond-Aron (CESPRA), chercheur titulaire à l’EHESS et professeur associé à Sciences-Po.

Inspecteur général de l’éducation nationale, Duclert est aussi l’auteur du « Rapport de la Mission d’étude en France sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse », remis en février 2018. Dans la lettre de mission qui lui a été adressée et que Mediapart a pu consulter, le président de la République écrit souhaiter que « ce 25e anniversaire marque une véritable rupture dans la manière dont la France appréhende et enseigne le génocide des Tutsis ». Ainsi veut-il permettre au comité de « consulter l’ensemble des fonds d’archives français disponibles » sur la période 1990-1994, afin de rédiger un rapport « dans un délai de deux ans », avec une note intermédiaire prévue au bout d’un an.

Pour mener à bien leurs travaux, les membres de ce comité bénéficieront « à titre exceptionnel, personnel et confidentiel », d’une « habilitation générale d’accès et de consultation » de l’ensemble des fonds d’archives français sur la période en question : archives de la présidence, du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, du ministère des armées, et de la mission d’information parlementaire sur le Rwanda. Ils pourront ainsi prendre connaissance de tous les documents, y compris ceux qui sont encore classifiés.

« C’est quelque chose d’assez inédit », se réjouit une source diplomatique, estimant que « toutes les conditions seront réunies » pour que l’engagement du président de la République soit tenu. Cette démarche comporte toutefois un écueil : comme l’avait expliqué Mediapart en 2015, lorsque François Hollande avait promis l’ouverture des archives de l’Élysée relatives au Rwanda entre 1990 et 1995, la plupart des documents sont déjà connus depuis plusieurs années. Ceux qui ne le sont pas, et qui ont sans doute le plus d’intérêt, se trouvent dans les archives présidentielles de François Mitterrand et dans le fonds Rwanda 1990-1998, conservé au service historique de la défense au Château de Vincennes (Val-de-Marne) et dans les tiroirs de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), dont une partie seulement sera accessible.

Protégées, comme le fonds Rwanda 1990-1998, pour un délai légal de 60 ans, les archives présidentielles de François Mitterrand ne peuvent être consultables qu’après accord de la mandataire Dominique Bertinotti, membre du conseil d’administration de l’institut éponyme dont le président n’est autre… qu’Hubert Védrine. « Cette impossibilité d’accéder à des archives publiques récentes, qui relève des normes d’un État démocratique et qui est aussi une protection accordée au citoyen, nourrit sur cette faillite collective face à un génocide le soupçon d’une entreprise de verrouillage de la vérité qu’attendent beaucoup de Français », souligne Vincent Duclert, dans Le Monde.

À l’Élysée, on se veut toutefois confiant sur l’issue du processus. « Ces fonds-là feront l’objet d’une demande de la commission auprès de la mandataire, explique un conseiller présidentiel. Jusqu’à présent, tout laisse penser que la réponse sera positive. » D’autant que beaucoup de choses ont été concédées pour ne pas froisser la Mitterrandie. À ce titre, le fameux « choix méthodologique » pour lequel le Palais a opté en écartant les spécialistes du sujet, est loin d’être anodin : « Il va permettre l’accès exhaustif à l’ensemble du tableau », glisse le même conseiller.

Pour Benjamin Abtan, « le sujet n’est de toute façon pas celui des archives ». « Se concentrer sur cette question est une diversion, estime le président de l’Egam. La connaissance de l’histoire, on l’a déjà. On sait qu’une politique de collaboration a été menée avant, pendant et après le génocide par des responsables placés au plus haut niveau de l’appareil d’État. » Rappelant qu’Hubert Védrine avait lui-même reconnu en 2014, lors de son audition par la commission de la défense de l’Assemblée nationale, l’existence de livraisons d’armes à l’armée rwandaise pendant le génocide des Tutsis, Abtan estime que seule « une reconnaissance au plus haut niveau de l’État des faits qui sont établis » est aujourd’hui nécessaire.

Un « discours de vérité » qui devrait inévitablement entraîner, selon lui, une réponse judiciaire : « Il y a beaucoup de génocidaires qui vivent en toute impunité en France. », dit-il. Vendredi, le président de la République a annoncé « le renforcement des moyens du pôle du Tribunal de Grande Instance chargé du traitement des procédures relatives au génocide des Tutsi au Rwanda » et « l’augmentation des effectifs de police judiciaire, afin que les génocidaires présumés faisant l’objet de poursuites puissent être jugés dans un délai raisonnable », précise un communiqué de presse de l’Élysée.

 

Mais pour le président de l’Egam, les gestes d’Emmanuel Macron réalisés à l’occasion des 25 ans du génocide, tout comme l’absence de gestes d’ailleurs, ne changeront in fine rien aux alliances récemment nouées entre Paris et Kigali – où la France n’a plus d’ambassadeur depuis 2015. « C’est un scandale d’État, mais ça n’est toujours pas un sujet au centre des intérêts… » souffle-t-il.

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