A lire sur le blog de Gérard Filoche et, sous une forme plus concise, dans L'Humanité Dimanche du 16 juin.
95 % du « film d’horreur de la droite » sur le droit du travail sont déjà dans le projet de loi El Khomri !
Lors du « grand » meeting parisien du 8 juin 2016, Jean-Christophe Cambadélis, prononçait un discours qui ne fera pas forcément date mais qui n’en est pas moins un lourd symptôme de l’impasse dans laquelle se retrouve François Hollande.
Un « grand » meeting
En qualifiant le meeting du 8 juin de « grand », le premier secrétaire du Parti socialiste faisait un aveu. Considérer comme une prouesse de réunir 400 personnes à Paris, pour un parti qui revendique plus de 100 000 adhérents et qui annonçait lors de son congrès de 2015 qu’ils seraient bientôt 500 000, en dit long sur le degré d’isolement atteint par le Président de la République et le Premier ministre.
Les « effets spéciaux » de la droite
En considérant que la droite est en train d’écrire, au Sénat, une partie du « mauvais film d’horreur de la droite », Jean-Christophe Cambadélis semble oublier que le droite conserve 95 % du contenu du projet de loi El Khomri. Elle ajoute, certes, quelques « effets spéciaux » et réussit à rendre le film réalisé par le gouvernement de Manuel Valls encore plus « gore ». Elle conserve, cependant, la presque totalité du projet de loi travail et notamment ce qui le structure de bout en bout : l’inversion de la hiérarchie des normes. Dans le projet de loi El Khomri, comme dans celui de la droite sénatoriale, l’entreprise devient le lieu ou s’écrit le droit du travail parce que c’est là que les salariés sont les plus fragiles, les plus vulnérables au chantage à l’emploi.
La droite conserve précieusement, aussi, toutes les autres régressions sociales du projet de loi travail : mise en place des forfaits jours par un simple accord avec un salarié ; fractionnement du repos quotidien et hebdomadaire ; définition du travail de nuit ; négociation des accords d’entreprise avec un simple salarié mandaté ; référendum d’entreprise ; vote électronique pour les élections professionnelles ; légalisation des faux « indépendants » ; légalisation d’une forme de éhontée de précarité avec le portage salariale ; réduction du rôle de la médecine du travail ; suppression de la fixation par la loi du nombre de jours de congés ; rémunération et organisation des astreintes ; délai de prévenance pour l’organisation du temps partiel ; négociations annuelles reportées à trois ans, par accord d’entreprise…
Les étranges accusations de Jean-Christophe Cambadélis
Le premier secrétaire du Parti socialiste accuse la droite d’en finir avec les 35 heures. Mais elle ne fait qu’aller au bout de ce que propose le projet de loi El Khomri. 35 heures c’est le seuil hebdomadaire de déclenchement des heures supplémentaires et le projet de loi travail le contourne allègrement en permettant de réduire le coût des heures supplémentaires de 25 % à 10 % par un simple accord d’entreprise et en autorisant à ne payer les heures supplémentaires qu’à partir de la 4 822ème heure de travail, par accord de branche.
Il reproche à la droite d’en finir avec les 24 heures minimum de travail partiel. Mais il n’y a strictement rien sur les 24 heures minimum dans le projet de loi El Khomri !
Il reproche à la droite de simplifier les licenciements économiques alors que c’est exactement ce qu’organise, dans le détail, l’article 30 du projet de loi El Khomri.
Il reproche à la droite de plafonner les indemnités accordées par le juge prud’homal alors que ce plafonnement figurait dans le projet de loi travail initial et que c’est la mobilisation sociale qui a obligé Manuel Valls à reculer. Un recul tout symbolique puisque le Premier ministre a annoncé que ce barème deviendrait « indicatif » et ferait l’objet d’un décret afin qu’il puisse fonder une nouvelle jurisprudence.
Pas d’hésitation, conclut pourtant Jean-Christophe Cambadélis : au nom du progrès social, défendons le projet de loi El Khomri contre le projet de la droite !
Voyage au cœur des ténèbres
Puisque « film d’horreur » il y a, allons jusqu’au cœur des ténèbres et imaginons un scénario, certes différent, mais écrit avec une logique aussi grossière, aussi cousue de fil blanc, que celui que nous propose Jean-Christophe Cambadélis.
Un gouvernement rétablit la peine de mort au moyen de la guillotine. Certaines directions syndicales, fidèles à elles-mêmes, se précipitent pour négocier l’épaisseur de la lame. L’opposition exige que la mort soit infligée par pendaison. Le gouvernement appelle alors à défendre le progrès social et sociétal : la guillotine.
Qui pourrait se mobiliser, qui pourrait voter, pour défendre un tel « progrès » ? La seule solution serait de se mobiliser contre la peine de mort, qu’elle soit infligée par la guillotine ou par la pendaison.
Il en va de même pour la défense du Code du travail. La seule réponse est de nous mobiliser aussi bien contre le projet de loi El Khomri que contre le projet de la droite sénatoriale, tous les deux porteurs de redoutables régressions sociales. Obtenir le retrait du projet de loi El Khomri serait, d’ailleurs, la meilleure garantie contre le projet de la droite. La droite, si elle l’emportait en 2017, serait alors obligée d’y regarder à deux fois avant de s’en prendre de nouveau au Code du travail.