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15 juin 2016 3 15 /06 /juin /2016 06:07
Double assassinat de Magnanville : Tenir bon contre la haine (Pierre Laurent)
L'assassinat d'un couple de fonctionnaires de police, sous les yeux de leur enfant de trois ans, est un acte épouvantable qui a été commis par un individu connu des services policiers et judiciaires. Cet acte provoque l'effroi.
La solidarité de la nation doit d'abord aller à ce petit garçon qui a perdu ses deux parents dans des circonstances si horribles. La société doit l'entourer et lui montrer qu'elle est capable de le protéger contre la haine et la violence.
Le PCF apporte son soutien aux familles des disparus, leurs collègues et amis. Il salue l'engagement des personnels de police qui font, au quotidien, le choix de l'intérêt général en se mettant au service de la République.
Cet acte est revendiqué par l'organe de presse internet de Daech qui, en très grande difficulté sur le plan militaire en Syrie comme en Irak, cherche une nouvelle fois à provoquer la terreur et à semer la haine dans les coeurs, même entre voisins.
Contre la haine, la division et la violence, nous devons tenir bon.
Double assassinat de Magnanville : Tenir bon contre la haine (Pierre Laurent)
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13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 18:35

LA CFDT DE PLUS EN PLUS SEULE, ET LES MEDIAS N' EN PARLENT PAS!

la pédagogie Berger ne marche plus...

Les militants commencent à fuir la centrale syndicale qui fait ami-ami avec le patronat.

En témoignage ce départ pour la CGT du responsable de l'UL CFDT de Montpellier, Jean-Louis Garcia.

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13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 12:48

RENNES , Place de la Mairie , ce soir 19h . RASSEMBLEMENT de solidarité avec les victimes du massacre homophobe et islamiste de Orlando

Orlando : "La haine et la terreur ne triompheront pas" (Pierre Laurent)

La tuerie d'Orlando perpétrée le 12 juin 2016 par un individu isolé, et à présent revendiquée par Daech, a fait à cette heure 50 morts et 53 blessés dont certains sont dans un état critique. Le PCF s'associe aux familles endeuillées et aux blessés, et exprime tout son soutien aux victimes de ce terrible attentat, au peuple américain. Racisme, homophobie, sexisme : c’est la même haine qu’il nous faut désarmer. Partout où cette intolérance frappe, elle tue. Parce que ces attaques et ce massacre sont insupportables, où qu'ils aient lieu, nous nous tenons aux côtés des victimes et de toutes celles et tous ceux qui luttent pour l’égalité. Aux États-Unis où le port d'armes est un "droit" constitutionnel ce sont des millions d'armes qui circulent et des dizaines de milliers de vies arrachées chaque année, de plus en plus souvent lors de carnages de masse comme ce fut le cas dans une église de Charleston ou au marathon de Boston. Selon certains médias états-uniens, les "crimes de haine" sont en augmentation de 800% dans ce pays, première puissance mondiale, où l'un des candidat-e-s à l'élection présidentielle, fer de lance du lobby américain des armes, appelle publiquement, et en toute impunité, aux lynchages et à la violence raciale. Construire un monde de sécurité globale et inclusive est impératif. Et les peuples ont plus que jamais besoin de solidarité pour le construire. La haine et la terreur ne triompheront pas. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF

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13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 07:33
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13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 05:24
L'ombre portée de l'Europe sur la loi travail - Martine Orange (Médiapart)

L'ombre portée de l'Europe sur la loi travail

12 JUIN 2016 | PAR MARTINE ORANGE

En juillet 2015, le Conseil européen publie ses recommandations pour la France, mise sous surveillance pour déficits excessifs. Il y préconise de favoriser les accords d’entreprise par rapport aux accords de branche. Pour de nombreux observateurs, ces recommandations sont le préambule à la loi El Khomri. La France s’est-elle fait imposer la réforme du travail par l’Europe ? Récit de la genèse de ce texte, conçu en «partenariat» avec Berlin.

C’est une justification qui revient avec insistance pour expliquer l’incompréhensible comportement du gouvernement, prêt à négocier dans des conflits sociaux annexes comme à la SNCF, mais affichant une intransigeance absolue s'agissant de la loi sur le travail, en dépit de la fronde sociale dans tout le pays. « Si le gouvernement ne négocie pas, c’est qu’il ne le peut pas. Il est tenu par ses engagements pris à Bruxelles », confie un familier des milieux gouvernementaux. Une explication donnée à plusieurs reprises par différents interlocuteurs, dont un député européen rencontré ces dernières semaines.

L’Europe coupable ! La dénonciation est devenue un classique des politiques français. Mais dans ce cas précis, qu’en est-il ? L’Europe a-t-elle pesé sur la rédaction de la loi sur le travail ? À aucun moment, le gouvernement n’a fait la moindre allusion à une quelconque demande de l’Europe, lors de la présentation de la loi et sa courte discussion parlementaire. Les défenseurs du projet de loi, à l’image du patronat, ne parlent jamais non plus de la dimension européenne de la réforme. À les écouter, il y a la France et son pré carré face au vaste monde, mais jamais l’Europe.

Pour les détracteurs de l’Union européenne, l’affaire est entendue. C’est bien l’Europe qui a dicté la réforme française du travail, qui œuvre à casser le “modèle social français”, qui veut imposer le même schéma libéral dans tous les pays de l’Union (voir des analysesici ou ici). Depuis quelques semaines, l’avertissement de Yanis Varoufakis, à l’été 2015, revient en mémoire et tourne en boucle sur les réseaux sociaux. Commentant la tragédie grecque, la faillite des plans de sauvetage successifs, la menace d’une sortie de la Grèce de la zone euro, l’ancien ministre grec des finances a mis en garde à de nombreuses reprises – y compris lors d’un entretien sur Mediapart – les Européens, parlant d’un plan caché du ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble. « La Grèce n’est qu’un test. La vraie cible du docteur Schäuble, c’est l’Italie et la France, l’État-providence français, son droit du travail, ses entreprises nationales », affirmait-il.

La concomitance des réformes du marché du travail en Europe, en tout cas, a été relevée par de nombreux observateurs. Sous la forte incitation de la Commission européenne, le premier ministre italien Matteo Renzi a adopté son “Jobs Act” en mars 2015, prévoyant la création d’un contrat unique avec des protections progressives et un assouplissement des conditions de licenciement. Les résultats sont contestés (lire Italie: l’envers du «Jobs Act» de Matteo Renzi). Début février, le gouvernement belge a annoncé à son tour un projet de loi sur le travail, visant à assouplir le temps de travail, porté de 39 heures à 45 heures et calculé sur une base annualisée. Le texte n’a pas encore été dévoilé. Mais comme en France, ce projet de réforme provoque de nombreuses protestations (voir En Belgique aussi la réforme du travail durcit le climat social).

L’attitude du gouvernement français face à la fronde sociale est observée de près par les responsables européens. Tous encouragent le gouvernement français à ne pas céder face aux syndicats et s’invitent au débat. « Renoncer à la loi sur le travail serait une lourde erreur », a soutenu le 26 mai Pierre Moscovici, désormais commissaire européen chargé des affaires économiques. Pour l’ancien ministre français des finances, « tous les pays qui ont fait une réforme sur le marché du travail (…) sont ceux qui ont réussi à faire baisser le chômage. Ceux qui se sont refusés aux réformes du marché du travail sont ceux qui ont la moins bonne performance. Et quand on regarde la France, on constate qu'elle est 21e sur 28, ça n'est pas quelque chose dont on peut se glorifier ». La loi El Khomri, selon lui, est un minimum pour réformer le marché du travail.

Le président de la Commission européenne a la même analyse. « Ce n'est pas un attentat contre le droit du travail français. C’est le minimum de ce qu’il faut faire », a surenchéri Jean-Claude Juncker, le 31 mai à Paris. « Le projet de loi tel qu'il est conçu, à condition que l’article 2 [celui qui prévoit l’inversion de la hiérarchie des normes, donnant la primauté des accords d’entreprise sur la loi – ndlr] arrive à survivre, est une réforme qui va dans le bon sens. »

L’insistance du président de la Commission européenne sur le respect de l’article 2 n’est pas seulement sa “participation” au débat français. Elle est aussi un rappel des recommandations faites par le Conseil européen à la France. Ces recommandations sont le fruit des négociations entre le Conseil et les États membres et les engagements pris par ces derniers.

Le 14 juillet 2015, un jour après la négociation à l’arraché du troisième plan de sauvetage pour la Grèce, le Conseil européen publie ses recommandations sur le programme de réforme de la France en 2015 dans son cadre de surveillance budgétaire pour déficits excessifs. Tout y est passé en revue : les dépassements budgétaires, les dépenses publiques, la réforme des collectivités territoriales, la libéralisation des professions réglementées et bien sûr le marché du travail, insuffisamment réformé selon lui. « Les réformes menées récemment n'ont donné aux employeurs que peu de possibilités pour déroger aux accords de branche par des accords d'entreprise. Cela limite la capacité des entreprises à moduler leurs effectifs en fonction de leurs besoins », souligne le Conseil, jugeant que tous les accords passés ne permettent pas de « déroger aux 35 heures » dans de bonnes conditions financières.

Dans sa conclusion, la dernière recommandation du Conseil européen paraît être le préambule de la loi française sur le travail : « Réformer le droit du travail afin d'inciter davantage les employeurs à embaucher en contrats à durée indéterminée ; faciliter, aux niveaux des entreprises et des branches, les dérogations aux dispositions juridiques générales, notamment en ce qui concerne l'organisation du temps de travail ; réformer la loi portant création des accords de maintien de l'emploi d'ici à la fin de 2015 en vue d'accroître leur utilisation par les entreprises ; entreprendre, en concertation avec les partenaires sociaux et conformément aux pratiques nationales, une réforme du système d'assurance chômage afin d'en rétablir la soutenabilité budgétaire et d'encourager davantage le retour au travail. » En clair, le Conseil européen inscrit l’inversion de la hiérarchie des normes dans ses recommandations.

À la lecture de ce texte, une foule de questions se posent. Quel rôle a eu le Conseil européen dans la loi sur le travail ? A-t-il été partie prenante dans la réécriture du code du travail français ? A-t-il posé des exigences ? S’est-il contenté d’enregistrer les engagements pris par la France de lancer des « réformes structurelles pour libéraliser le marché du travail » ? Contre quoi la France a-t-elle accepté ces engagements ? Et surtout, pourquoi le gouvernement français ne s’est-il pas expliqué publiquement sur ces recommandations, et sur les suites qu’il comptait leur donner ?

Ni le ministre des finances, Michel Sapin, ni son cabinet n’ont donné suite à nos questions (voir boîte noire). Le cabinet du ministre de l’économie, Emmanuel Macron, assure de son côté que la Commission européenne n’a pas eu de rôle dans la rédaction de la loi sur le travail. « La commission serait flattée que ses recommandations apparaissent comme contraignantes. Ce n’est pas le cas. Mais il existe un diagnostic partagé. La France a besoin de faire des réformes structurelles. La loi Travail est nécessaire. La France a souvent annoncé sa volonté de faire des réformes, sans réellement les mener. Mais cette fois, le gouvernement est décidé à les faire. C’est un gage de crédibilité », explique un des conseillers du ministre.

« En partenariat » avec Berlin

Pour comprendre les conditions qui ont conduit au projet de loi sur le travail, il faut revenir à l’automne 2014, en octobre plus précisément, selon certains connaisseurs du dossier. La France est alors sous pression. L’activité économique est toujours au plus bas, le chômage, malgré le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), ne cesse de grimper, et le déficit budgétaire est toujours à 4 % du PIB. Début octobre, le gouvernement français a soumis son projet de budget pour 2015 à la Commission européenne. Il prévoit de faire une nouvelle entorse aux règles de Maastricht : contrairement aux engagements pris auparavant, son déficit budgétaire ne sera pas ramené à 3 % en 2015 mais seulement en 2017. D’ici là, il prévoit que le déficit sera de 3,8 % en 2015 – dans les faits, il s’est établi à 3,5 %.

Au nom du respect des règles et des traités, des commissaires européens et des États membres demandent que le budget français soit retoqué et que la France ne bénéficie plus d’un traitement de faveur et soit sanctionnée. Le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, est particulièrement remonté : il exige des sanctions contre la France, au nom du respect des traités, pour en finir avec l’exception française. Pour donner un peu plus de sel à la situation, c’est Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des affaires économiques, qui doit analyser l’état des finances publiques laissé par Pierre Moscovici, ancien ministre des finances.

Le 19 octobre, le magazine allemand Der Spiegel, toujours très bien informé, annonce un voyage de Michel Sapin et Emmanuel Macron pour rencontrer leurs homologues allemands à Berlin, afin de travailler ensemble sur un projet de budget français susceptible d’obtenir l’accord de Bruxelles. Le gouvernement allemand, explique le magazine, veut éviter un nouveau conflit dans la zone euro. « Un rejet du budget français par la Commission abîmerait considérablement la relation franco-allemande », dit un responsable gouvernemental allemand cité par l’hebdomadaire. En contrepartie de son soutien, Berlin se propose d’aider la France à écrire son budget, mais aussi un plan détaillé des réformes structurelles qu’elle s’engage à mettre en œuvre pour ramener son déficit en dessous des 3 %.

Au lendemain de cette information, Emmanuel Macron dément l’existence d’un document écrit portant sur un accord franco-allemand sur le budget français. « C’est faux, mais il y a la volonté de mettre en place ce deal qui est que nous, nous fassions des réformes », déclare alors le ministre de l’économie. Vingt mois plus tard, le cabinet d’Emmanuel Macron réfute toujours la moindre intervention de Berlin dans l’écriture d’un plan de réformes structurelles pour la France. « Cette réunion quadripartite[Wolfgang Schäuble, Sigmar Gabriel pour l’Allemagne, Michel Sapin et Emmanuel Macron pour la France – ndlr] portait strictement sur les efforts budgétaires que devait faire la France. Quatre milliards d’euros d’économie supplémentaire y ont été décidés. Il y a d’ailleurs eu une autre réunion quadrilatérale le 2 décembre à Berlin pour discuter du plan Juncker. Les discussions sur les réformes structurelles avec la Commission n’ont commencé qu’au printemps », assure le conseiller du ministre de l’économie.

Le soupçon d’une possible intervention de Berlin dans l’écriture d’un plan français de réformes est-il donc infondé ? Depuis l’aggravation de la crise européenne, le ministre allemand des finances ne cache plus sa volonté d’aller vers une intégration poussée de la zone euro. Dans une tribune, cosignée avec l’ancien responsable des affaires étrangères de la CDU, Karl Lamers, et publiée le 1er septembre 2014 par le Financial Times, Wolfgang Schäuble y exposait son projet. La zone euro doit poursuivre dans la voie de l’intégration économique complète pour pouvoir fonctionner et éviter de nouvelles crises, selon lui. L’idéal, défend le ministre allemand des finances, serait d’avoir un commissaire européen chargé des budgets, qui aurait le pouvoir de rejeter tous les budgets des États membres divergeant des règles. En attendant, au nom d’« une politique de croissance et d’emploi », il propose de « consolider les finances publiques, de poursuivre la régulation financière, de réformer les marchés du travail, et d’approfondir le marché intérieur en concluant le traité transatlantique et de diminuer les taxes qui nuisent à la compétition ».

Difficile d’imaginer qu’un mois plus tard, le ministre allemand des finances ait renoncé à ce projet. Encore plus difficile de croire qu’il n’ait pas saisi l’occasion d’écrire le plan de réformes qu’il souhaite voir adopté – imposé ? – par la France. À l’issue de cette rencontre berlinoise, la France, en tout cas, échappe à la sanction pour déficits excessifs agitée par Bruxelles et gagne deux ans pour revenir dans les règles communes. Mais à quel prix ?

Pendant tout l’automne et l’hiver 2015, le ministre des finances Michel Sapin et le directeur du Trésor Bruno Bézard vont à Bruxelles pour négocier le traitement de la France. Mais d’autres négociations ont lieu en coulisses, selon nos informations. « Plus que la Commission européenne, c’est Wolfgang Schäuble qui dirige l’attaque contre le droit du travail en Italie et en France, en s’appuyant sur Pier Carlo Padoan [ministre italien des finances – ndlr] et Emmanuel Macron. Ceux-ci n’espèrent pas seulement gagner quelques marges de manœuvre sur le déficit budgétaire mais aussi quelque chose de plus tangible sous la forme d’un transfert budgétaire, comme une assurance chômage commune. Je crains qu’ils ne soient déçus », raconte un témoin, très familier des milieux européens. Le cabinet d’Emmanuel Macron assure qu’il a très peu discuté avec Wolfgang Schäuble, qui n’est pas son homologue, comme avec Pier Carlo Padoan.

Pendant toute cette période, Emmanuel Macron se montre actif sur les dossiers européens. Il multiplie les déclarations en faveur d’une meilleure intégration de la zone euro. En juin 2015, il publie avec son homologue allemand Sigmar Gabriel une tribuneplaidant pour une poursuite de l’intégration européenne. Ils y préconisent la poursuite« des réformes structurelles (marché du travail, attractivité…), des réformes institutionnelles (notamment dans le domaine de la gouvernance économique) », mais également un rapprochement « des systèmes fiscaux et sociaux (via, par exemple, des salaires minimums mieux coordonnés ou une harmonisation de l’impôt sur les sociétés) ». Un projet qui ne diffère guère de celui de Wolfgang Schäuble, malgré toutes les nuances que souhaite y introduire son cabinet. Le ministre de l’économie parle-t-il alors en son nom ou est-il mandaté par l’Élysée ou Matignon ? C’est une autre des ambiguïtés liées au statut particulier qu’Emmanuel Macron s’est octroyé dans ce gouvernement.

C’est dans ce contexte que les recommandations du Conseil européen à la France sont publiées en juillet 2015. « Il y a sans doute eu une incitation européenne, et peut-être même une forte pression allemande. Mais je ne crois pas que le gouvernement français se soit fait vraiment tordre le bras. La haute administration française et nombre de responsables politiques n’ont pas besoin d’être contraints sur le sujet : ils sont convaincus du bien-fondé de la doctrine libérale européenne. C’est la France, à mon avis, qui a parlé de l’inversion de la hiérarchie des normes, de la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche et la loi. Bien sûr, cela ne pouvait que sonner agréablement aux oreilles des commissaires européens », dit un proche du dossier.

« Tout s'est décidé à Matignon »

François Rebsamen avait-il anticipé ce qui se préparait dans la future loi sur le travail, au vu des recommandations européennes ? Avait-il vu qu’il aurait à porter politiquement une déconstruction du code du travail ? Si, sur le coup, des observateurs n’ont guère pris garde à sa démission du ministère du travail, ils se posent la question quelques mois plus tard. La précipitation avec laquelle il a renoncé à son portefeuille de ministre le 30 juillet 2015 pour reprendre la mairie de Dijon, à la suite du décès de son successeur, les laisse songeurs.

Pour prendre sa suite, François Hollande et Manuel Valls nomment le 2 septembre 2015 Myriam El Khomri, secrétaire d’État à la politique de la ville depuis 2014 après avoir été à la mairie de Paris. Au moment de sa nomination, François Hollande, semble-t-il, ne ménage pas ses arguments pour la convaincre d’accepter : la loi sur le travail en préparation va être le grand moment politique du gouvernement. Ce sera une grande loi sociale, de gauche, marquée par le compte personnel d’activité, lui aurait-il assuré. Si elle réussit à ce ministère emblématique et difficile, elle aura une grande carrière politique devant elle. Enfin, elle est jeune (38 ans). Face aux ministres de 60 ans qui composent la majorité du gouvernement, elle va pouvoir imposer un style nouveau. Mais à aucun moment, le président de la République et le premier ministre ne lui parlent des engagements pris auprès de la Commission européenne.

La préparation de la réforme du travail a commencé, sans attendre la ministre. Des centres d’études – Montaigne, proche du patronat et de la droite, Terra Nova, proche du PS – ont déjà rédigé leur rapport. De son côté, Matignon a commandé à l’ancien directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle, un rapport sur « la négociation collective, l’emploi et le travail ». Hasard ? Ces rapports venus d’horizons différents préconisent quasiment les mêmes choses : de limiter la loi au strict minimum (48 heures de travail maximum par semaine et le salaire minimum). Tout le reste doit être du ressort de la négociation collective et de l’adaptation, et notamment « le temps de travail, les salaires, l'emploi et les conditions de travail ».

Tandis que Matignon demande à la commission Badinter, créée pour l’occasion, d’étudier les pistes de réforme pour le code du travail, Myriam El Khomri discute avec les syndicats pour dégager les pistes de réforme du code du travail. À l’arrêté des négociations, début novembre, la ministre du travail parle de « revivifier le dialogue social », en privilégiant les accords de branche et d’entreprise, par rapport à la loi. Elle insiste beaucoup sur le compte personnel d’activité et les référendums dans les entreprises, grandes réformes pour favoriser la mobilité et le dialogue social. FO et la CGT, cependant, sont réticents. Ils mettent déjà en garde contre « l’inversion de la hiérarchie des normes ».

« Myriam El Khomri avait une ambition forte, elle avait l’intention de faire une loi de gauche. La loi du travail devait envoyer un signal politique à l’électorat de gauche, afin de rééquilibrer le quinquennat dans l’autre sens. Elle croyait beaucoup au compte personnel d’activité. Mais, en réalité, elle n’avait pas la main sur le projet de loi. Tout s’est décidé à Matignon », raconte Pierre Jacquemain, ancien conseiller de la ministre du travail. Il a démissionné en février pour marquer son désaccord sur ce projet de loi qu’il considère comme un assassinat de la gauche. Un autre conseiller, cité par Le Canard enchaîné, a confirmé cette version : « La réforme est arrivée toute écrite sur le bureau du ministre. Elle n’avait aucune marge de manœuvre. »

Dans la plus grande discrétion, le directeur de cabinet de Myrian El Khomri, Pierre-André Imbert, a commencé dès les vacances de Noël à écrire le texte du projet de loi, en liaison à Matignon. Ce directeur de cabinet a été imposé à la ministre du travail par Manuel Valls, à son arrivée : il était déjà directeur de cabinet de François Rebsamen. Mais auparavant, il a surtout travaillé pendant près de dix ans dans les sociétés de conseil Altedia puis Alixio, contrôlées par Raymond Soubie, l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy. Les gouvernements changent, les mêmes idées restent ! Depuis trente ans, une poignée de personnes, très proches des milieux patronaux, influencent la politique sociale de la France. Mais pour eux, on ne parle ni de rente, ni d’avantages acquis, ni d’immobilisme.

À ce moment-là, la ministre ignore tout du contenu du texte en préparation, discuté entre son directeur de cabinet et Matignon. « On lui disait de ne pas s’embarrasser avec les détails techniques. Sa seule mission était de dire que c’était une loi de gauche », rapporte Pierre Jacquemain. À Davos, Emmanuel Macron multiplie les déclarations provocatrices, estimant qu’il faut en finir avec les 35 heures et le code du travail. De son côté, Robert Badinter vient de rendre son rapport, dans lequel il préconise une remise à plat du code du travail pour le réduire au minimum et met au défi Manuel Valls d’aller jusqu’au bout de ses recommandations. Furieux, le premier ministre décide de placer le texte plus étroitement encore sous contrôle.

Fin janvier, une réunion se tient à l’Élysée en présence de François Hollande, Manuel Valls, Michel Sapin, Emmanuel Macron et Myriam El Khomri pour arbitrer entre les différents projets de loi en préparation. À l’issue de la réunion, l’arbitrage est rendu : il n’y aura pas de loi Macron 2. Michel Sapin présentera son texte sur « la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique », Myriam El Khomri, le texte sur la réforme du travail.

Début février, une deuxième réunion a lieu, de nouveau à l’Élysée avec les mêmes personnes, pour arbitrer le contenu de la loi. Emmanuel Macron accepte de s’effacer, à condition que le projet de loi comprenne deux dispositions qu’il avait prévu d’inclure dans la loi Macron 2 : la réécriture du licenciement économique et le plafonnement des indemnités prud’homales. Myriam El Khomri, selon plusieurs témoignages, proteste, expliquant en substance qu’elle ne peut pas porter une réforme de gauche tout en acceptant des mesures de droite. François Hollande et Manuel Valls lui donnent raison.

À l’issue de la réunion, Myriam El Khomri a le sentiment d’avoir gagné face à Macron. Dans la bataille, elle a à peine noté que le texte comporterait un changement sur l’inversion des normes, marquant la prééminence des accords d’entreprise sur les accords de branche ou la loi. A-t-elle saisi la portée de la mesure ? En tout cas, pour elle, ce n’est pas un sujet. « Je pense qu’ils avaient en tête les directives européennes. Mais on n’en parlait jamais. Le sujet européen, c’étaient les travailleurs détachés. C’est tout. Je crois qu’ils essayaient de gagner du temps », dit Pierre Jacquemain.

Une semaine après, le ton a radicalement changé. Après plusieurs réunions, Emmanuel Macron a obtenu de François Hollande et Manuel Valls la réintégration de ses mesures sur le licenciement économique et les prudhommes dans le projet de loi. Myriam El Khomri a perdu la bataille. La ministre du travail commence à comprendre que le projet de loi sur le travail ne va pas du tout être la grande réforme sociale qu’elle souhaitait. Elle espère que Matignon lui fournira au moins les éléments de langage pour défendre le texte. Pierre Jacquemain, lui, a déjà compris : il a présenté sa démission. Trois autres membres du cabinet de Myriam El Khomri l’imiteront dans les semaines suivantes.

Mercredi 17 février, Le Parisien révèle le contenu du projet de loi sur le travail. Le cabinet de la ministre du travail découvre alors la totalité du texte et l’ampleur des dégâts. Matignon est furieux, soupçonne les membres du ministère du travail d’avoir voulu torpiller le projet. Une enquête sera menée par la suite pour découvrir l’origine de la fuite : entre l’Élysée, Matignon et le ministère du travail, cinq personnes seulement étaient en possession d’exemplaires du projet de loi, et quelques autres à Bercy. Au ministère du travail, rue de Grenelle, le directeur de cabinet et la directrice adjointe de cabinet étaient les seuls à détenir un exemplaire. La ministre ne l’avait pas !

Dès la révélation du texte, le monde social s’enflamme. La pétition « Loi Travail non merci » est lancée sur les réseaux sociaux et recueille en quelques jours plus d’un million de signatures. Myriam El Khomri s’aligne résolument sur Matignon : elle défend le projet dans un entretien aux Échos et y annonce un possible emploi du 49-3 si cela est nécessaire. Une précision imposée par Matignon, contre la volonté de l’Élysée.

Le 49-3 a été utilisé par le gouvernement à la date symbolique du 10 mai, pour couper court à toutes les explications et propositions d’amendement et pour asphyxier les frondeurs. Matignon n’exclut pas d’y avoir recours à nouveau, lorsque le texte reviendra en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, si cela est nécessaire, afin d’en terminer avec ce texte avant les vacances d’été. À aucun moment, le gouvernement ne se sera expliqué sur les véritables raisons de passer en force une loi rejetée par une majorité de la population.

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13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 05:20
Départementales partielles dans la Sarthe: victoire du tandem EELV-PCF face au PS

Un tandem EELV-PCF a remporté dimanche, au second tour, une élection départementale partielle dans la Sarthe, devançant d'un cheveu, avec 17 voix d'écart, un autre binôme de gauche formé de socialistes.

Avec 1.664 voix, soit 50,26% des suffrages exprimés, Elen Debost (EELV) et Gilles Leproust, maire PCF d'Allonnes, ont gagné cette partielle dans le canton du Mans 7, organisée après l'annulation par le Conseil d'Etat, en mars 2016, du précédent scrutin qui avait vu la victoire des deux socialistes qui se représentaient.
Dans ce scrutin marqué par une très forte abstention (78,71%°), ils ne devancent que de 17 voix le tandem PS formé par la députée du Mans Sylvie Tolmont et Paul Létard, qui a recueilli 1.647 voix, soit 49,74% des suffrages exprimés.

"Je suis satisfaite de gagner, fière de faire entrer l'écologie politique au département, après, 17 voix d'écart c'est très très peu, la participation est très, très faible donc ça pose un vrai problème sur la question de la représentativité des élus", a affirmé Elen Debost dimanche soir à un photographe de l'AFP.
Adjointe au maire du Mans et secrétaire régionale d'EELV, elle avait accusé publiquement avec trois autres élues écologistes, il y a un mois, le député Denis Baupin de harcèlement et d'agression sexuelle. "Le fait de gagner aujourd'hui (...), c'est un signal comme quoi on a parlé, on a porté plainte mais on n'a pas été pénalisées dans notre vie politique parallèle, on n'est pas réduite au statut de victime", a-t-elle également souligné.
Lors du premier tour, également marqué par une très forte abstention, Elen Debost et Gilles Leproust avaient totalisé 28,18% des suffrages exprimés, contre 26,54% pour Sylvie Tolmont et Paul Létard.
Deux autres binômes avaient été éliminés : celui constitué par les candidats Les Républicains Guy Favennec et Patricia Polisset (25,55% des suffrages exprimés) et le tandem FN formé par Isabelle Lalande et Arnaud Menu (19,73%).
Le département de la Sarthe, présidé par le député (LR) Dominique Le Mèner, reste à droite.

Et sur Médiapart: Au Mans, le PS battu par l’autre gauche

13 juin 2016 | Par Lénaïg Bredoux

Dimanche, un binôme PCF/EELV a battu celui du Parti socialiste lors d’une départementale partielle dans la Sarthe. Une victoire très serrée, avec seulement 17 voix d’avance, dans le fief du ministre Stéphane Le Foll.

C'est une victoire à l’arraché. Mais pour une fois, elle a tourné à l’avantage de l’autre gauche. Dimanche, le binôme PCF/EELV a battu avec 17 voix d’avance les candidats du PS lors d’une élection départementale partielle dans la Sarthe, le fief du porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll. Le communiste Gilles Leproust et l’écologiste Elen Debost ont recueilli 50,26 % des voix face aux socialistes Sylvie Tolmont, la suppléante de Le Foll à l’Assemblée nationale, et Paul Létard. Le scrutin, qui a très peu mobilisé les électeurs (78,71 % d’abstention), était organisé par l’annulation par le Conseil d’État de la précédente élection datant de 2015. C’était le PS qui l’avait alors emporté 3 dans un canton historiquement communiste. « Cette victoire vient démentir celles et ceux qui théorisent l’absence d’une alternative écologiste et sociale à la politique du gouvernement, s’est félicité Europe Écologie-Les Verts (EELV) dans un communiqué. Ni le balancier électoral vers la droite ni la progression du Front national ne sont inexorables. » Elen Debost, qui a par ailleurs porté plainte contre Denis Baupin, s’est réjouie de ne pas avoir été « pénalisée » par son témoignage : « On a parlé, on a porté plainte mais on n'a pas été pénalisées dans notre vie politique parallèle, on n'est pas réduites au statut de victime. »

« Cette élection marque aussi un échec, celui de la stratégie cynique de la direction du PS et du gouvernement de se faire élire grâce aux voix de la droite et d’extrême droite, a réagi le PCF dans un communiqué. On ne peut laisser la droite et l’extrême droite se faire les arbitres des débats à gauche et attiser les divisions. Les électeurs ont récusé la théorie des deux gauches irréconciliables, en disant qu’il y avait qu’une gauche, celle incarnée par Gilles Leproust et Elen Debost et qu’elle ne pouvait être que sur les valeurs anti-libérale, de liberté, d’égalité et de fraternité. » Pendant l’entre-deux-tours, les débats entre le PS et le rassemblement de gauche qui comprenait, outre le PCF et EELV, le Parti de gauche, Nouvelle Donne et le Parti pirate, ont parfois été très vifs. Les socialistes, arrivés en deuxième position au premier tour, avaient refusé de se retirer, et Stéphane Le Foll avait pris sa plume pour écrire aux électeurs. Les candidats PS « incarnent une gauche respectueuse du dialogue et de la négociation, une gauche du pragmatisme et de l’action qui désapprouve les violences dans les manifestations, les blocages des dépôts de carburant et les grèves politiques dans les transports », écrivait-il, dans une lettre signée par les grands élus de la Sarthe.

Cet appel explicite aux électeurs de droite n’a pas suffi. Mais il a tout de même permis au PS de réduire l’écart entre les deux tours. « On ne fait pas de triomphalisme. C’était, à la base, un canton communiste », explique l’écologiste Alexis Braud, élu à Allonnes où Gilles Leproust est maire. Une ville où le PCF et EELV sont alliés depuis 2008. « Cela se passe très bien », dit encore Braud, qui rappelle que les communistes de la Sarthe, contrairement à leurs camarades de Loire-Atlantique, sont opposés à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (NDDL). Cette victoire va en tout cas encourager ceux qui plaident pour des alliances larges à la gauche du PS. Réunis en congrès, samedi 11 juin à Pantin, les écologistes d’EELV ont acté la rupture avec les socialistes. Le PCF, lui, est plus ambigu et multiplie, depuis 2012, les alliances à géométrie variable.

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12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 18:08
Mardi 14 juin: Philippe Martinez de la CGT promet une mobilisation énorme  (L'Humanité)

Le leader de la CGT, Philippe Martinez, prédit une mobilisation plus importante mardi à Paris contre le projet de loi El Khomri que le 31 mars, journée de manifestations qui avait rassemblé près 1,2 million personnes dans 250 villes françaises.

"Ca va être énorme", a commenté Philippe Martinez lors d'un meeting sur le site pétrochimique de Lavéra à Martigues (Bouches-du-Rhône).

A ceux qui "spéculent" sur la démobilisation, a-t-il poursuivi, "nous allons faire la démonstration le 14 juin avec une mobilisation comme nous n'en avons jamais connue depuis quatre mois". "Nous étions 1,2 million dans toute la France. Là, ce sera pareil, avec un temps fort à Paris."Nous avons recensé en région parisienne plus de 450 cars qui vont venir sur Paris", a-t-il ajouté, même s'il est "difficile d'avoir des cars en ce moment (...) parce que le patronat est soudé".

"Je suis tout à fait disponible pour renconter Myriam El Khomri"

Le leader de la CGT a redit devant la presse qu'il était "disponible" pour rencontrer la ministre du Travail Myriam El Khomri "dès ce soir ou dès demain", si "elle veut avancer" le rendez-vous fixé le 17 juin. "Elle a fixé un rendez-vous à vendredi, elle connaît mon numéro de portable. Si elle veut l'avancer, je suis tout à fait disponible". L'entourage de la ministre avait de son côté indiqué vendredi qu'elle était prête à avancer le rendez-vous "si Philippe Martinez est prêt à lever les blocages". "Nous irons voir la ministre, pas pour qu'elle nous dise ce qu'il faut faire, mais pour lui dire ce qui doit être fait", a répliqué samedi le patron de la CGT.

Enfin interrogé sur le déroulement de l'Euro 2016 qui a débuté vendredi à Paris par le match France-Roumanie, il a constaté que "le match d'hier s'est très bien passé". "Le stade était plein, (...) tout le monde a pu venir". "Faire la fête et poursuivre le mouvement social, ça n'est pas paradoxal, ça n'est pas antinomique", a-t-il affirmé.

Dans une interview au Parisien, ce samedi, le secrétaire général de la CGT rappelle les revendications de son syndicat face au gouvernement : "on demande qu’il retire les cinq articles qui font la colonne vertébrale du texte. Et qu’on rediscute. C’est-à-dire l’article 2, celui sur les plans de sauvegarde de l’emploi, notamment. Il y a aussi la question du référendum d’entreprise et celle de la médecine du travail."

Mardi une journée de mobilisation nationale contre le projet de loi travail, avec un défilé unique à Paris de la place d'Italie aux Invalides, est organisée à l'appel de sept syndicats dont la CGT. Des délégations de syndicats belge (FGTB), espagnols (CCOO et UGT), italien (CGIL), suisse (USS) devraient également se joindre à cette manifestation à Paris où, mardi, aucun match de l'Euro de football n'est programmé.

Lire aussi :

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12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 18:03
Mardi 14 Juin 2016: mobilisation générale pour le retrait de la loi El Khomri!

Mardi 14 Juin 2016

On ne lâche rien ...

La mobilisation pour le retrait de la loi travail se poursuit

Actions et mobilisations, grèves...

rassemblements sur le Finistère
le 14 jui
n :

Plusieurs cars partiront de Brest Morlaix Quimper pour Paris (4 cars de la CGT, 1 car de Solidaires et un car pour FO au moins).

Pour ceux qui n'auront pas la chance ou la possibilité d'aller à Paris, il est annoncé plusieurs rassemblements et initiatives :

Brest : place de la Liberté à 11h00
Quimper : place de la résistance à 11h00
Quimperlé : place Jean Charter à
10H30

Morlaix : place de la Mairie à 11h00

Châteaulin :

présence Nuit Debout toute la journée à partir de 10h00

Rassemblements locaux possibles à

Carhaix, Concarneau, Douarnenez...

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12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 09:01

Loi travail. Laurent Berger dénonce le "jeu de rôle" de la CGT - le jeu de Berger, lui, est clair, ne surtout pas faire trop de mal à la loi El Khomri et au gouvernement Valls, Hollande, Macron, ses amis!


http://www.ouest-france.fr/economie/emploi/loi-travail/loi-travail-laurent-berger-denonce-le-jeu-de-role-de-la-cgt-4294243

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12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 06:59
Comment le néolibéralisme a défait la démocratie

11 JUIN 2016 | PAR CHRISTIAN SALMON

Les violences policières lors des manifestations contre la loi sur le travail s'inscrivent dans un cycle plus large de régression démocratique qui affecte toutes les libertés fondamentales. Cette régression est la conséquence directe de la victoire du néolibéralisme. Un néolibéralisme qui ne se contente pas de limiter les contre-pouvoirs mais désactive et rend caduc le projet politique même de la démocratie. Il est l'explication de l’échec démocratique du quinquennat de François Hollande.

« Il faudrait une histoire des rapports entre répression et lexique, twittait récemment le philosophe Mathieu Potte-Bonneville. 1986, pelotons voltigeurs motocyclistes. 2016, grenade de désencerclement. » 1986 : c’est l’année des manifestations contre la loi Devaquet, c’est aussi la mort de Malik Oussekine sous les coups de CRS opérant sur des motos tout-terrain. 2016 : c’est la mobilisation contre la loi sur le travail, marquée par des violences policières sans précédent qui ont fait de nombreux blessés, dont deux grièvement.

À cette occasion, le lexique de la répression policière s’est enrichi de nombreux termes, comme Flash-Ball ou LBD, les armes utilisées contre les manifestants, mais aussi des mots nouveaux comme gazage, nasse et même d’anglicismes comme kettling, cette technique anglo-saxonne qui vise à encercler, immobiliser, couper les cortèges en deux ou trois, créer des « souricières » pour réguler le flux et noyer de gaz lacrymogènes les manifestants. L’usage des smartphones sur les lieux de manifestation a permis de documenter de nombreuses violences des forces de l’ordre que Mediapart a récemment rassemblées dans un ensemble accablant.

L’inspection générale de la police a elle-même lancé en 2013 un site « anti-bavures » dans le but de donner une bonne image des forces de l’ordre. Mais le mot même de « bavures », qui réduit la violence policière à des dérapages isolés, exclut de fait toute analyse systémique de ces violences alors que l’évolution du lexique répressif constitue un bon indicateur des changements à l’œuvre dans la stratégie de maintien de l’ordre.

Cette stratégie articule la nature des armes utilisées, le mode opératoire des forces de l’ordre, leur mise en place et leur déploiement, mais aussi la logique qui préside à l’encadrement de la foule par les forces de l’ordre, logique qui substitue au simple maintien de l’ordre le contrôle et l’occupation de l’espace public, et à la protection des manifestants, la confrontation avec eux. Les provocations incessantes de la police contre les occupants de la place de la République à Paris en sont le signe manifeste.

  • Une « acculturation » démocratique

Cette histoire du lexique répressif devrait embrasser non seulement les techniques de répression policière et de maintien de l’ordre pendant les manifestations mais également les formes nouvelles de répression politique. Car ce phénomène de répression s’inscrit dans un cycle de régression démocratique qui affecte toutes les libertés fondamentales depuis plus d’un an : état d’urgence ou d’exception, perquisitions de jour et de nuit, assignations à résidence, projet de déchéance de nationalité, gardes à vue, notes blanches, interdictions administratives de manifester, filatures, écoutes téléphoniques, surveillance numérique, couvre-feu, interdictions de réunion, de circulation, fichage en dehors de tout cadre légal, fiches S, contrôles au faciès, reconduites aux frontières...

Le lexique se fait inventaire à la Prévert. Il désigne des interdits mais aussi des licences que s’accorde le pouvoir exécutif, usant d’un droit d’exception banalisé, des interdits d’actes mais aussi des interdits de langage, comme l’apologie du terrorisme, ou des injonctions comme celle de chanter La Marseillaise dans les écoles ou de brandir le drapeau aux fenêtres. Il s’étend par nappes de mots, redessine les frontières du licite et de l’illicite, du légitime et de l’infâme. Tous ces interdits se croisent, formant, comme le disait Foucault dans L’Ordre du discours, « une grille complexe », qui ne cesse de se resserrer sur les zones en crise : l’identité, la nation et la nationalité, la religion et son double, la laïcité…

Le débat sur la déchéance de nationalité en a été l’exemple le plus éloquent. Les applaudissements qui ont salué, lors du Congrès réuni à Versailles, cette proposition transpartisane du président de la République sont le symptôme d’une véritable « acculturation » démocratique chez ceux qui sont les garants des institutions démocratiques. Mais ce n’est pas le seul. L’arsenal législatif de lois scélérates adopté à la suite des attentats terroristes de janvier et de novembre 2015 a rendu possible une régression démocratique qui concerne toutes les libertés fondamentales.

Ainsi à la faveur de la mise en place de l’état d’urgence, héritage colonial s’il en est, les lois liberticides se retournent aujourd’hui contre des citoyens français et en dehors de tout contrôle judiciaire. Et encore cette régression démocratique déborde-t-elle les mesures de l’état d’urgence, elle participe d’un climat liberticide général. Le nouveau lexique de la répression nourrit une novlangue désormais partagée par nos élites médiatico-politiques par-delà les affiliations idéologiques ; du Front national au Parti socialiste en passant par Les Républicains. Une novlangue avec son lexique, sa sémantique et sa syntaxe.

  • Un moment crucial

C’est un moment crucial et à ce titre peut-être plus important que ne le fut Mai-68 : l’accouchement au forceps du néolibéralisme en France. Le néolibéralisme considéré non pas comme une simple politique économique (la politique de l’offre) mais comme une logique rationnelle générale qui vise à « reformuler » toutes les formes d’expériences et d’existences en termes purement économiques. Ce travail de réécriture, la loi El Khomry l’effectue en partie, elle en est le symbole et le test.

Mais la preuve et la signature de cette entreprise de reformulation, c’est la régression démocratique qui affecte toutes les libertés fondamentales dans ce pays. La liste des atteintes aux droits fondamentaux s’allonge, à l’abri de l’autocensure de plus en plus flagrante de médias passés aux mains de quelques milliardaires. Le licenciement politique d’Aude Lancelin, la directrice adjointe de L’Obs, en offre une image presque caricaturale.

La logique managériale néolibérale qui est celle des actionnaires de cet hebdomadaire s’impose à toute autre logique et au principe même du débat d’idées qui est l’oxygène du journalisme et de la démocratie. Les sociétés de rédacteurs du groupe Le Monde, qui appartient au même trio d’actionnaires, ne s’y sont pas trompées : elles ont dénoncé d’une seule voix cette ingérence des actionnaires dans la politique éditoriale. Les raisons managériales invoquées pour justifier ce licenciement ne sont pas le masque qu’on a voulu y voir, celui d’une éviction à l’évidence politique comme l’a démontré Mediapart ; elles sont le vrai visage de l’absolutisme néolibéral qui ignore et exclut toute autre rationalité politique ou même démocratique. Nous y reviendrons à la fin de cet article…

Les habits neufs de l’hégémonie culturelle

À l’évidence, ce licenciement participe de cette « bataille des idées » qui fait rage, selon les éditorialistes qui recyclent le vieux concept d’« hégémonie culturelle » d’Antonio Gramsci, selon lequel la victoire des idées précède toujours les victoires politiques. L’état-major de cette guerre culturelle, Gramsci le qualifiait d’« intellectuel organique ». Mais qu’en est-il aujourd’hui de l’intellectuel organique ? Où est-il donc passé après 2008 et la crise financière ? Faut-il le chercher (le repêcher) à gauche où il a sombré corps et âme avec le Mur de Berlin ? Ou bien se cache-t-il à droite, dans quelque think tank ou agence de lobbying ? On ne peut, dans le cadre limité de cet article, que formuler quelques hypothèses :

1. Première hypothèse : l’intellectuel organique n’est pas là où on le croit. D'Alain Finkielkraut à Éric Zemmour, les figures médiatiques d’une pensée de droite centrée sur les questions de l’identité nationale, de l’immigration et de la laïcité occupent les plateaux de télévision et les pages débats des journaux mais sont totalement inopérantes s’il s’agit de penser les questions de la souveraineté, du pouvoir et des formes nouvelles de gouvernance. Ces auteurs, qu’on les qualifie de philosophes, de publicistes ou d’éditorialistes, ne sont nullement une spécialité made in France. Ils participent d’un phénomène que je propose de qualifier de « trumpisation des esprits ». La « trumpisation des esprits » n’a rien à voir avec l’hégémonie culturelle et ce pour plusieurs raisons, que l’on peut décliner conformément aux hypothèses suivantes.

2. Deuxième hypothèse : la « trumpisation des esprits » n’est pas un courant d’idées, c’est l’expression d’un ressentiment. Elle exprime un ras-le-bol indistinct qui vise aussi bien l’étranger que l’élite, le religieux comme l’athée, l’exclu et le milliardaire. Son succès dans l’opinion n’en fait pas une pensée hégémonique car elle ne vise pas à créer une nouvelle subjectivité mais se contente de faire écho à des ressentiments. En ce sens, les intellectuels « trumpistes » ne sont pas « organiques » mais « allergiques » : ils se contentent de nourrir la nostalgie du récit perdu, la grandeur de la Nation, blanche, chrétienne, uniculturelle et monolingue, sa culture, son empire et ses satellites ou colonies.

C'est une pensée réactive plutôt que réactionnaire, qui sert tout au plus d’exutoire au malaise « identitaire » qui, en effet, travaille les sociétés dans toute l’Europe et aux États-Unis. Pensée allergique mais sûrement pas régulatrice, pour rester dans la métaphore organique qu’utilisait Gramsci pour penser l’hégémonie culturelle.

3. Troisième hypothèse : l’hégémonie culturelle d’un courant de pensée ne se mesure pas seulement à son influence ou à son audience médiatique mais à sa centralité dans le fonctionnement et la légitimation du système social. L'« intellectuel organique » tel que l’avait défini Gramsci peut donc se reconnaître à sa capacité à transformer un corpus d’idées et de valeurs. Il est celui qui œuvre en faveur de la construction d’une hégémonie en produisant du discours, des concepts et des instruments de gouvernance, nous dirions aujourd’hui des récits, un nouvel « ordre » narratif capable d’inspirer et de « conduire les conduites » (Foucault).

Dans l’immédiat après-guerre, « l’intellectuel organique » en Occident était représenté par le courant keynésien qui élabora, scénarisa et répandit le grand récit fordiste duwelfare state. Nous en connaissons l’intrigue et les personnages. Mais en coulisses, un autre « intellectuel organique » était en gestation : l’intellectuel organique néolibéral. LaSociété du Mont-Pèlerin (en anglais Mont Pèlerin Society, MPS) en fut la couveuse et l’atelier d’écriture. Fondée en 1947 par Friedrich Hayek, Karl Popper, Ludwig von Mises ou Milton Friedman, la Société du Mont-Pèlerin élabora le récit d’un nouvel ordre social, « néolibéral », qui allait s’imposer peu à peu dans les cercles du pouvoir, les médias puis le grand public, avant de triompher à la fin des années 1970 en jetant le discrédit sur le welfare state et en proposant une nouvelle intrigue et un nouvel héros : non plus le consommateur enchanté, mais « l’entrepreneur de soi ».

Cette vision nouvelle de l’homo œconomicus allait inspirer une nouvelle manière de considérer l’État, la gouvernance, les rapports sociaux et internationaux. Ce récit néolibéral allait trouver ses grands narrateurs en la personne de Ronald Reagan et Margaret Thatcher. « L’économie est le moyen, déclara cette dernière en 1988. L’objectif est de changer les âmes. » Pour l’essentiel, l’objectif est atteint. Les ingénieurs de l’âme néolibéraux ont achevé leur travail. Un nouveau sujet néolibéral s’est imposé, dont les qualités et les valeurs sont la flexibilité, l’agilité, l’adaptabilité, la capacité à changer de stratégie en fonction des circonstances, un nouveau moi volatil, axé sur le court terme et libéré du poids de l’expérience passée.

4. Quatrième hypothèse : comprendre l’hégémonie suppose donc de partir non des idées et de leur influence, mais d’une description de ce système, de ses rouages essentiels. Une récente enquête de La Revue du crieur (à lire ici sur Mediapart) dresse le portrait d’un de ces praticiens et producteurs d’idées qui fabriquent les concepts et techniques du néocapitalisme mondialisé.

L’auteur de cette enquête, le sociologue Razmig Keucheyan, a rencontré l’un d’eux : Emmanuel Gaillard. En 2014, le magazine Vanity Fair l’a classé à la seizième place des« Français les plus influents du monde », juste derrière Xavier Huillard, le PDG de Vinci (et avant l’actrice Eva Green !). Le portrait de cet « intellectuel discret au service du capitalisme » bouleverse bien des idées reçues sur l’hégémonie. Gaillard est un expert en arbitrage international. Son grand œuvre est un austère traité de théorie du droit intituléAspects philosophiques du droit de l’arbitrage international. Rien d’un Sartre ou d’un Foucault !

En quoi peut-il être qualifié d’« intellectuel organique » ? L’arbitrage international répond à un problème crucial du néocapitalisme : comment gérer les inévitables frictions ou conflits qui résultent de la mondialisation du capital ? Comment, plus généralement, produire un espace mondial lisse, où le capital puisse circuler sans entraves ? Gaillard est un « courtier » du capitalisme. Se faisant l’intermédiaire entre plusieurs cultures juridiques, lui et ses semblables œuvrent à la mondialisation du capital par le droit.

La démocratie comme un murmure

5. Cinquième et dernière hypothèse : l’hégémonie de l’intellectuel organique ne repose pas sur l’orthodoxie idéologique, la consistance propre à une pensée ou une idéologie mais au contraire sur l’hétérodoxie, la récupération, le braconnage conceptuel. Elle puise sa force dans une sorte de « hacking idéologique », pour reprendre uneexpression de Jérôme Batout dans un article récent. Il prend pour exemple le primat de l’économie sur le fonctionnement social, matrice fondamentale de la gauche marxiste mais qui a pour effet de légitimer à droite une certaine méfiance à l’égard de la politique.« Si l’infrastructure économique commande la superstructure politique, alors il en découle que la politique est une illusion. La politique n’a pas de réalité propre. »

Un autre exemple : dans ses cours au Collège de France, en 1979, Michel Foucault insistait sur le fait que le néolibéralisme n’appréhendait pas les individus comme des consommateurs, mais comme des producteurs et qu’il visait à « substituer à un homo œconomicus partenaire de l’échange, un homo œconomicus entrepreneur de lui-même ». Les idées de Foucault ont inspiré bien des théoriciens du néolibéralisme. Emmanuel Gaillard, lui, s’inspire des concepts de l’œuvre de Pierre Bourdieu !« L’arbitrage, déclare-t-il, est devenu un véritable champ social au sens de Bourdieu ; il se caractérise par une lutte entre acteurs possédant des “capitaux” économiques, culturels et sociaux différents. »

Cet exemple de braconnage idéologique est l’un des traits d’une pensée hégémonique. Capter et mettre à profit les idées de l’autre camp permet de parvenir à un degré de compréhension et de conscience de soi supérieur, en intégrant et en « dépassant » la critique. Cela permet aussi de désamorcer ce que ces idées ont de subversif en les intégrant au bloc d’idées hégémonique.

  • Comment le néolibéralisme a défait la démocratie

Reste la question centrale : en quoi la régression démocratique participe-t-elle du triomphe du néolibéralisme ? C’est là que l’horizon temporel choisi par Mathieu Potte-Bonneville pour son histoire lexicale de la répression prend tout son sens : 1986-2016. Il recouvre grosso modo le cycle des trois décennies de la révolution néolibérale. L’épisode grec de l’été 2015 a mis en évidence la férocité de la lutte que mènent les néolibéraux lorsqu’il s’agit de disqualifier, d’affaiblir et finalement d’abattre tout ce qui s’oppose à la gouvernance néolibérale. Comment articuler le processus de régression démocratique et le cycle historique au cours duquel le néolibéralisme s’est imposé ? La démocratie serait-elle soluble dans le néolibéralisme ?

Le néolibéralisme n’a rien d’une politique du « laisser faire », comme le libéralisme avec lequel on le confond. C’est une politique volontariste, qui se propose de construire les conditions sociales et individuelles d’une forme de gouvernance nouvelle qui reconfigure tous les aspects de l’existence en termes économiques et financiers.

Dans un livre événement encore inédit en France, Wendy Brown décrit comment le néolibéralisme ne se contente pas de limiter les contre-pouvoirs dans l’exercice de la démocratie. Il désactive et rend caduc le projet politique même de la démocratie libérale comme forme sociale et historique autonome.

Wendy Brown faisait déjà ce constat en 2007 dans un précédent essai (Les Habits neufs de la politique mondiale, éditions Les Prairies ordinaires, 2007). « Dans les pays où domine la rationalité politique néolibérale », écrivait-elle, la tendance veut que la« classe dirigeante ne soit plus constituée d’hommes de loi mais d’hommes d’affaires, que les juges soient critiqués et les légalismes soient dénoncés comme des verrous, et que le gouvernement fasse un usage stratégique de la loi comme – pourquoi pas ? – de la transgression de la loi. »

Son nouveau livre, Undoing the Demos,> va plus loin. Selon Wendy Brown, le néolibéralisme a pour effet structurel de débrancher toutes les formes de la délibération démocratique en les faisant basculer dans un registre purement économique. « La démocratie se réduit à un murmure dans les nations euro-atlantiques, affirme Wendy Brown. Alan Greenspan peut déclarer que les élections ont perdu de leur importance parce que, grâce à la mondialisation, le monde est régi par les forces du marché. Ainsi le sens de la démocratie se réduit-il à ce qu’il reste de la liberté personnelle. » Brown décrit en détail comment le néolibéralisme reformule, conformément à sa propre rationalité, tous les ingrédients de la démocratie : la jurisprudence, la gouvernance, la culture politique, les pratiques de citoyenneté, les formes du leadership, le vocabulaire et l’imaginaire démocratiques…

Son argument diffère des critiques habituelles du néolibéralisme, selon lesquelles l’argent et le marché corrompent ou dégradent la démocratie, ou qui décrivent comment les institutions démocratiques sont dominées par la finance. L’analyse de Wendy Brown, et c’est ce qui fait sa force et son originalité, se concentre sur la manière dont la raison néolibérale est en train de subvertir le caractère propre de la raison politique en la reformulant en termes économiques. Les institutions démocratiques ne peuvent survivre à cette transmutation. La modernisation néolibérale ne pourrait donc s’imposer qu’au prix d’une régression démocratique. Nul besoin de dictateurs comme Pinochet au Chili pour cela ! Le néolibéralisme y suffit quand il n’a pas recours à sa forme néoconservatrice pour précipiter le mouvement.

Le livre fournit une série d’études de cas qui illustrent cette déconstruction du Dèmos. Citons-en deux. L’exemple de l’Irak : Wendy Brown montre comment l'Autorité provisoire de la coalition, dirigée par Paul Bremer, a cherché à transformer l'Irak en un paradis néolibéral. Par un simple décret, Bremer a brisé l’autosuffisance céréalière des Irakiens en imposant des restrictions à la réutilisation des semences, ouvrant ainsi la voie aux importations de Monsanto et à ses semences génétiquement modifiées.

Penser l’échec de François Hollande

L'arrêt Citizens United, rendu le 21 janvier 2010 par la Cour suprême des États-Unis. C'est un autre exemple de cette pénétration de la logique néolibérale dans le fonctionnement démocratique. Afin de supprimer les limitations fixées par la loi en matière de financement des campagnes électorales américaines, cette décision assimile les dons des entreprises à l’exercice du droit d’expression défini dans le premier amendement de la Constitution. Brown fait valoir qu’une telle extension du droit d’expression au financement des campagnes par les entreprises a pour effet de mettre sur un même plan le lobbying des entreprises et l’expression de la souveraineté populaire. De fait, la libre expression se trouve assimilée à une forme d’activité économique et les flux discursifs sont identifiés à des flux financiers. Les uns et les autres peuvent être alors considérés comme également légitimes, jouissant des mêmes droits. Ce qui constitue une refonte complète du concept même de Dèmos.

  • « Ce TINA que donc je suis »…

« Undoing the Demos est un livre pour l'âge de la résistance, affirme Costas Douzinas, directeur du Birkbeck institute for the Humanities, pour les occupants des places, pour la génération d'Occupy Wall Street. La philosophe offre une critique dévastatrice de la façon dont le néolibéralisme a évidé la démocratie. Mais la victoire de l'homo œconomicus sur l’homo politicus n’est pas irréversible. Après avoir lu Brown, seule la mauvaise foi peut justifier la tolérance à l’égard du néolibéralisme. »

Ainsi le prétendu déblocage des sociétés opéré par les néolibéraux partout dans le monde s’effectue-t-il sous les modalités concrètes d’un verrouillage brutal des droits fondamentaux. Le livre de Brown permet de comprendre, au-delà des conjonctures et des tactiques locales, comment le néolibéralisme reconditionne les lois et les formes de la démocratie. Il fournit une base solide à la réinvention de formes démocratiques nouvelles. Il permet aussi de penser l’échec démocratique du quinquennat de François Hollande autrement qu’en termes moralistes ou mélancoliques et de comprendre comment un président « normal » est devenu un président d’« exception », responsable d’un rétrécissement historique des droits et des libertés.

L’oligarchie néolibérale qui gouverne le pays serait bien ingrate de ne pas lui en savoir gré, car ce président, plus qu’aucun autre, a réussi l’impossible : discipliner la société, soumettre tout le champ social au calcul économique, faire accepter l’idée que la souveraineté populaire doit être soumise non plus seulement à une autorité politique incarnée, mais à une logique absolutiste désincarnée à laquelle le souverain est lui-même soumis. Ce n’est donc pas seulement de « trahison » qu’il faudrait accuser François Hollande (la trahison de ses promesses, de ses alliances, de son électorat…) mais aussi d’allégeance et de loyauté à l’égard de Bruxelles, du Medef, de l’Otan et surtout de soumission à la raison néolibérale, ce TINA (There is no alternative) qui les inspire et les gouverne.

C’est la leçon du quinquennat sans doute la plus révoltante. Nous sommes dominés non pas par des tyrans, mais par des fondés de pouvoir, une classe « dirigée » et non pas dirigeante, soumise à une autre rationalité que celle qui inspire la démocratie depuis les Lumières. TINA est son cogitoet François Hollande, son interprète. En jouant sur les verbes « être » et « suivre », à la manière de Jacques Derrida, son slogan de campagne pourrait être : « Ce TINA que donc je suis »…

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