Tous les signaux sont au rouge. L’Iran et ses alliés ont menacé Israël d’une riposte armée après l’assassinat, le 31 juillet à Téhéran, du numéro 1 du Hamas, Ismaïl Haniyeh, attribué à Tel-Aviv, et la mort, la veille, du chef militaire du Hezbollah, Fouad Chokr, tué dans une frappe israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth. Une éventualité totalement plausible dans un Proche-Orient volatile où la moindre étincelle peut mettre le feu aux poudres. Washington a indiqué prévoir « une série d’attaques conséquentes » pouvant intervenir dès « cette semaine » de la part de l’Iran et de ses alliés. Outre-Atlantique, on n’en oublie pas l’Ukraine pour autant. Le département d’État américain a averti le 12 août que l’Iran devait s’attendre à d’importantes conséquences s’il décidait de fournir des centaines de missiles balistiques à la Russie.
Les États-Unis, suivis par l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, mettent maintenant dans la balance un possible accord de cessez-le-feu dans le cadre de négociations qui devaient reprendre ce 15 août. « Les combats doivent cesser maintenant et tous les otages encore détenus par le Hamas doivent être libérés. La population de Gaza a besoin d’une aide urgente et sans entrave », écrivent le président français, Emmanuel Macron, le chancelier allemand, Olaf Scholz, et le premier ministre britannique, Keir Starmer. Il aura fallu 310 jours de guerre pour parvenir à une telle déclaration.
Après dix mois de conflit, l’instabilité régionale inquiète les États-Unis. Le Proche-Orient tient une place importante dans la campagne présidentielle américaine. Washington s’appuie sur le Qatar et l’Égypte, avec, dans l’ombre, l’Arabie saoudite, pour parvenir à un accord acceptable pour les pays arabes, l’Autorité palestinienne et partagé par certains dirigeants israéliens aptes à remplacer Netanyahou.
L’Iran cherche-t-il la guerre avec Israël ?
En avril dernier, après l’attaque de son consulat à Damas par Israël (13 morts, dont un général du Corps des gardiens de la révolution), l’Iran avait promis de riposter. Ce qu’il avait fait de manière proportionnée même si les projectiles étaient tirés depuis l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Yémen. Deux sites militaires israéliens avaient été légèrement touchés. Au-delà des déclarations, les dirigeants iraniens ne veulent pas déclencher un conflit régional. Ils n’en ont pas les moyens et ce serait politiquement inutile. Selon le site Iranwire, « certains membres du Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC) sont frustrés par le retard pris dans la réponse à l’assassinat du chef du Hamas ». Pourtant, l’agence iranienne Irna indique de son côté : « Les médias sionistes ont spéculé sur le fait que la République islamique va bientôt mener une attaque directe sur le régime israélien » (sic).
Plus intéressant encore, cette information exclusive donnée le 12 août par l’agence britannique Reuters : « Seul un accord de cessez-le-feu à Gaza, issu des pourparlers espérés cette semaine, empêcherait l’Iran de mener des représailles directes contre Israël pour l’assassinat du dirigeant du Hamas, Ismaïl Haniyeh, sur son sol, ont déclaré trois hauts responsables iraniens. » Ce qui remet Téhéran dans le jeu, même indirectement, pour un règlement final de la question de Gaza à la veille de la reprise des négociations. Le nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian, y verrait également l’opportunité de faire revivre l’accord sur le nucléaire (JCPOA), synonyme de levée de sanctions, essentielle pour donner de l’oxygène à l’économie de son pays.
Que cherche Benyamin Netanyahou ?
Et si le piège tendu par le premier ministre israélien pour rester au pouvoir se retournait contre lui ? Guidé par sa volonté de poursuivre la guerre, seul moyen selon lui d’obtenir la libération des Israéliens capturés le 7 octobre et, dans le même temps, d’éradiquer totalement le Hamas, il tente maintenant d’embraser la région. Pour ce faire, il a fait tuer le chef militaire du Hezbollah libanais puis, le lendemain, à Téhéran, le numéro 1 du mouvement islamiste palestinien, Ismaïl Haniyeh. Qui d’autre que le premier ministre israélien avait intérêt à la disparition de ce dirigeant considéré comme un « modéré » qui ne cachait pas sa volonté de faire évoluer le Hamas et dirigeait les négociations indirectes avec Israël ?
Benyamin Netanyahou n’ignore pas que le Hezbollah tout autant que Téhéran ne peuvent rester muets face à une telle provocation. Mais le dirigeant israélien sait aussi que ses alliés, à commencer par Washington, viendront à son secours. Ainsi, en avril, la plupart des tirs contre Israël ont été interceptés avec l’aide principale des États-Unis et de la France, ainsi que de la Jordanie.
Netanyahou ne veut pas d’un cessez-le-feu impliquant le retrait des troupes israéliennes de Gaza, notamment dans le secteur de Netzarim, qui coupe le territoire en deux, et sur le corridor de Philadelphie, qui marque la frontière avec l’Égypte. Il n’a de cesse de faire bombarder les écoles de Gaza, où des milliers de personnes ont trouvé refuge, comme pour saboter tout accord.
Selon la presse israélienne, Yoav Gallant, le ministre de la Défense, aurait déclaré le 12 août devant une commission parlementaire que « la raison pour laquelle l’accord (pour une trêve à Gaza – NDLR) est retardé est, entre autres, Israël. (…) Il existe une option d’accord qui mènerait à un arrangement au nord et au sud » et « une deuxième option qui est l’escalade qui mènera à la guerre ». Il aurait ajouté : « Moi et l’appareil militaire, nous soutenons la première option. » Pas Netanyahou.
Que disent les Palestiniens ?
Soumis à un génocide, au bord de la famine, menacés par les épidémies et même le retour de la polio (poliomyélite), les Gazaouis n’attendent que la fin de la guerre. Au moins 40 000 d’entre eux ont été tués. Le Hamas et son nouveau chef, Yahya Sinouar, réclament l’application d’un plan en trois phases présenté le 31 mai par Joe Biden pour une trêve dans le territoire palestinien, « plutôt que de mener plus de négociations ou d’amener de nouvelles propositions ». Ce plan, que le président américain avait faussement présenté comme émanant d’Israël, prévoyait, dans un premier temps, une trêve de six semaines accompagnée d’un retrait israélien des zones densément peuplées de Gaza et de la libération d’otages contre des prisonniers palestiniens détenus par Israël.
L’Organisation de libération de la Palestine (OLP), dirigée par Mahmoud Abbas, n’entend pas être exclue si ce n’est des négociations elles-mêmes (sous couvert d’anonymat, un diplomate palestinien a certifié à l’Humanité que le Hamas tenait l’OLP au courant) en tout cas des plans d’avenir pour la bande de Gaza. Le président palestinien s’est rendu ce 12 août à Moscou pour une visite officielle. « Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir la Palestine et le peuple palestinien », lui a promis Vladimir Poutine, répétant être attaché à l’établissement d’un « État palestinien à part entière ». La semaine dernière, dans une interview donnée à la presse russe, Abbas dénonçait l’attitude de Netanyahou, qui « cherche à prolonger la guerre ». Mais il a surtout martelé, citant l’OLP – le mouvement de libération et non pas l’Autorité palestinienne, entité politico-administrative créée par les accords d’Oslo : « Notre peuple a besoin d’un cessez-le-feu qui doit se traduire par le retrait de l’armée israélienne. Ensuite, Gaza sera dirigée par l’OLP. »