La période politique que nous vivons est pleine de périls et de risques de basculement aux conséquences durables (dans une hégémonie ultra-libérale ou d'extrême-droite xénophobe et réactionnaire) mais en même temps extrêmement riche en événements et en bouleversements de toutes sortes.
Qui aurait pu imaginer il y a quelques semaines que disparaîtraient de la liste des présidentiables autant de prétendant tels que le président actuel, François Hollande, le président précédent, Nicolas Sarkozy, le préféré des électeurs de droite, selon les sondages, Alain Juppé, le premier ministre au menton levé, Manuel Valls et même l’égérie des verts, Cécile Duflot?
Cela fait tout de même beaucoup en très peu de temps!
Dans cette course par élimination, l’homme providentiel de la droite dure est aujourd’hui sur le devant de la scène politico-judiciaire pour son appétit du fric amassé en famille : papa Fillon employant ses enfants et son épouse à des montants de salaire et d’indemnités de licenciement qui laissent pantois, en n’oubliant pas de se servir au passage des primes particulières ristournées de l’enveloppe qui devait servir à rémunérer ses assistants.
A cette heure, la probabilité que la droite soit représentée par Fillon à la présidentielle et que ce feuilleton en soit à son dernier épisode est limitée.
Face à cet imbroglio inimaginable, un homme qui se présente comme une providence surfe sur la vague de la nouveauté en osant se présenter comme le candidat anti-système.
Pour quelqu’un qui a quitté la Banque Rotschild pour intégrer l’équipe de conseillers de Hollande puis le ministère de l’économie, c’est gonflé !!! comme anti-système on peut mieux faire…
D’autant plus quand on regarde ses réalisations : la loi Macron, la loi El Khomri qui sont les principaux marqueurs libéraux du quinquennat qui d’achève.
D’ailleurs que propose-t-il vraiment ?
Pour l’instant pas de programme construit mais quelques idées mises en avant qui ont de quoi provoquer de fortes inquiétudes.
Le cadre de ses propositions est annoncé : « il n’est pas question de brutaliser le système économique… » et de décliner les mesures : toilettage du code du travail, pérennisation du CICE, transfert des cotisations chômage et maladie sur la CSG (ce qui commence à ressembler au démantèlement de la Sécu , réforme de la formation professionnelle sans préciser quelle serait cette réforme, respect du taux de 3% du déficit budgétaire fixé par les traités européens c’est à dire poursuite de l’austérité… Voilà ce que l’on connaît de ce que Macron veut mettre en place.
Autre "candidate anti-système prétendue", Jean-Marine Le Pen qui, comme ses colistiers et confrères députés européens joue au jeu de l’embauche croisée du conjoint de l’une par un élu qui fait embaucher sa conjointe par la députée épouse du premier cité tout en rémunérant sur fonds européens des militants qui travaillent au siège du FN ou même son propre garde du corps.
Le tout pour plus d’1 million d’€uros. Son programme est toujours le même : raciste et xénophobe, libéral, anti syndical, anti social.
Jean-Luc Mélenchon est donc le candidat que les communistes (à 53% des adhérents dans une consultation directe à laquelle ont participé 40 000 militants) ont choisi de soutenir dans un contexte de morcellement de la gauche qui laisse présager un second tour entre la droite ou Macron et l’extrême droite.
Candidat qui nous paraissait avoir le plus de chance de faire accéder la gauche d'alternative contre l'austérité et de transformation sociale au second tour des présidentielles.
C'était notre candidat du Front de Gauche en 2012, c'est assurément le candidat dont le programme se rapproche le plus de celui que nous portons.
Mais nous avons aussi des désaccords sur certains aspects du discours de campagne et du programme sur lequel nous n'avons de toute façon pas eu notre mot à dire (la rupture avec l'Union Européenne, des éléments nationalistes du discours de Mélenchon, la question des langues régionales, ce qu'il dit sur la Syrie, nos rapports avec la Russie, ...), des désaccords surtout avec son projet de recomposition de la gauche passant par la "table rase", la remise en cause de l'idée de gauche et des contradictions de classe au profit d'un affrontement peuple-élites, avec les facilités populistes du "qu'ils s'en aillent tous", et avec la stratégie politique du dénigrement de tout ce qui n'est pas lui.
Des désaccords avec les facilités du discours contre le prétendu discrédit des partis politiques quand on constitue un parti post-moderne "de fans", la politique devenant l'ère du spectacle.
Nous avons des désaccords aussi avec la stratégie du "tout ou rien", "c'est moi ou le déluge" n'envisageant pas la nécessité pour construire une majorité de gauche qui serait forcément composite et plurielle, de travailler au rassemblement et de faire des compromis. Nous ne pensons pas que zigouiller le Parti Socialiste est le but en soi ni qu'il faudrait laisser les collectivités à la droite ou à l'extrême-droite, et se refuser d'y faire rentrer dans leur gestion au service de la population les représentants d'une gauche authentique, pour garder une "pureté révolutionnaire".
Nous avons des désaccords avec le sectarisme qui disqualifie tout ce qui ne pense pas exactement comme soi-même.
Des désaccords avec la construction d'une posture et d'une pratique d'homme providentiel, de leader charismatique engoncé finalement les travers de la Ve République tout en prétendant en sortir, regardant les autres du haut de son nombrilisme narcissique et prétendant tout renverser par la magie du verbe et du volontarisme.
Des désaccords avec le mode de structuration très verticale et pyramidale de France Insoumise, et avec la volonté qu'a eu Mélenchon d'enterrer le Front de Gauche du jour au lendemain pour créer un outil politique plus conforme à ses intérêts et davantage sous son contrôle, plus consistant d'un point de vue militant, là où le Parti de Gauche, du fait de certaines pratiques politiques internes, était passé de 12 000 adhérents à 2 000 en l'espace de 3 ans et demi.
Mais le Front de Gauche avec ses contradictions, ses débats, était un outil ouvert qui aurait été utile dans la période pour agréger d'autres forces déçues du PS, refusant le libéralisme à tout crin et la droitisation de la gauche "de gouvernement".
Ce à quoi les communistes travaillent depuis un an, c’est à un programme partagé par la gauche authentique permettant de présenter une candidature commune à l’élection présidentielle et à une alliance qui pourrait assurer l’élection d’une majorité de députés à l’assemblée nationale.
Cette perspective n’est pas morte, d’autant plus que la primaire du PS a condamné la politique libérale menée par Hollande ces 5 dernières années et montré l'aspiration de l'électorat, y compris social-démocrate, à autre chose qu'à une politique libérale et austéritaire, s'alignant sur les thématiques et les préconisations de la droite. Nous avons des désaccords avec le programme d'Hamon qui par certains aspects apporte une réponse à des défis du temps (la crise écologique, le travail raréfié par le progrès technologique, la désindustrialisation et la mondialisation) mais qui est un peu trop "bobo" et qui ne nous semble pas aller assez loin dans la remise en cause des logiques capitalistes, libérales, européennes actuelles, mais il peut tout de même s'appuyer à son crédit sur une opposition de gauche sans ambiguïté depuis plus de deux ans à la politique du gouvernement et de Hollande, même si Hamon se débat aujourd'hui dans des contradictions, avec des députés potentiels déjà investis qui ont soutenu cette politique et qui sont aujourd'hui virtuellement le socle de la majorité potentielle d'un frondeur.
Il y a des convergences entre les programmes avancés par Mélenchon, Hamon et Jadot et les sondages récents qui donnent 15% à Hamon, 11% à Mélenchon et 1% à Jadot permettent d’envisager la présence du candidat de la gauche authentique au 2éme tour.
L’addition de ces scores envisagés fait 27%, soit mieux que Jean-Marine Le Pen qui est créditée de 26% quand Fillon est à 21% et Macron à 20%.
Nous sommes une majorité à refuser les idées de l'extrême-droite et du néo-libéralisme (la loi travail que Macron et Fillon voudraient encore aggravée était rejetée par deux tiers des Français), à vouloir le progrès social, écologique, démocratique. Toutes celles et ceux qui se mobilisent sur ces questions, toutes celles et ceux qui les soutiennent veulent des suites politiques en adéquation avec leurs attentes, leurs espoirs. Elles et ils ont raison.
Pour le moment chacun campe sur ses positions et ce sont les égos qui prennent le dessus sur la raison et les communistes ne s’y résolvent pas.
Benoît Hamon a appelé à "construire ensemble une majorité gouvernementale "cohérente et durable pour le progrès social, écologique et démocratique". Cette proposition mérite d'être examinée sérieusement même si toutes les ambiguïtés et hypothèques à ce stade sont loin d'être levées.
Le PS n'est plus hégémonique à gauche, c'est un juste retour des choses par rapport à des années de trahison de promesses de justice sociale et à sa gestion si calamiteuse du pays lors du quinquennat Hollande.
Mais nous ne nous résignons pas, de notre côté, au pire, et nous visons une majorité politique à l'Assemblée Nationale mettant en oeuvre une politique résolument à gauche. Elle ne pourra qu'être pluraliste.
Il en va de même pour les législatives quand partout en France, France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon, sur décision de sa direction, constituée par le clan Mélenchon, refuse toute alliance avec les partis de gauche tels qu’Ensemble ou le PCF, ou EELV, ou d'autres dans un cadre pluraliste où on ne parlait pas simplement de ralliement derrière un "chef" et sa logique politique mais où on pourrait faire exister un rassemblement dans la diversité et le respect réciproque.
Les candidats France Insoumise sont présentés partout y compris contre des députés communistes et du Front de Gauche sortants qui, valeureusement à l'Assemblée, ont combattu pendant 5 ans la politique de Hollande, Ayrault et Valls et réussi à créer des synergies pour résister avec d'autres députés, verts ou socialistes frondeurs.
Ce positionnement peut s’expliquer par la volonté de Mélenchon de transformer son mouvement en organisation politique ce qui nécessite un financement. C’est sur ce principe que repose le financement des partis politiques. Jean-Luc Mélenchon aimerait aussi affaiblir autant que possible le Parti Communiste, qui, avec ses 60 000 militants à jour de cotisation, ses milliers d'élus, son histoire politique presque centenaire, ses pratiques mettant l'intérêt populaire dans les collectivités et la construction de rassemblements de contenu pour battre la droite et l'extrême-droite, est perçu par lui comme un concurrent et un obstacle pour construire une hégémonie sur la gauche de lutte et de transformation sociale.
Dans la IV éme circonscription du Finistère, les communistes ont avancé ma proposition de candidature, pensant que j'étais un candidat sérieux en tant qu'élu du Front de Gauche à Morlaix et Morlaix Communauté, candidat du Front de Gauche aux législatives en 2012, arrivé en troisième position derrière le PS et la droite (5,7%), devant le FN et les Verts, en restant ouverts à la discussion permettant de trouver la voie d’une candidature rassemblée de la gauche authentique.
Des propositions de rencontre et d'alliance ont été faites à l'UDB et au NPA au niveau départemental, à France Insoumise, à Nouvelle Donne, au Parti de Gauche, à EELV au niveau local. Nous étions prêts à laisser la tête de liste, à nous intégrer dans un processus de construction collective d'une plateforme programmatique commune aux élections législatives.
Force est de constater que ces propositions et ces efforts n'ont pas abouti.
Ce n'est peut-être pas le dernier mot de l'histoire.
Les électeurs pourraient se réveiller le lendemain du second tour des présidentielles avec un sacré mal de tête et un désir d'unité pour faire barrage à la droite (on inclut Macron dedans) et à l'extrême-droite.
Rien n’est impossible comme le montre la candidature de François Ruffin, réalisateur du film « Merci Patron » et initiateur de Nuit Debout, qui est soutenue à Amiens nord par le PCF, France Insoumise, EELV et Ensemble.
Persévérer dans la voie du chacun pour soi est une attitude suicidaire qui peut conduire à une défaite qui serait préjudiciable aux intérêts des classes populaires.
Sans possibilité d’union nous maintiendrons nos candidatures dans chaque circonscription, à regret, mais en considérant que les candidats du PCF-Front de Gauche ont toute légitimité pour porter la défense des idées d'une gauche combative, qui priorise les intérêts populaires, qui combat la finance, l'oligarchie et les inégalités, qui lutte pour la démocratie au niveau européen, national, local, en s'appuyant sur le bilan des élus Front de Gauche au Parlement qui, même si Mélenchon et France Insoumise n'en parlent presque jamais, car cela ne les arrange pas (il n'y avait pas un seul député Parti de Gauche, Marc Dolez ayant démissionné du Parti de Gauche, et Mélenchon n'avait pas le contrôle des groupes parlementaires, à son grand regret), et sur les combats qu'ils ont menés et que nous continuerons à mener:
- contre la loi travail (El Khomri), la loi Macron, l'ANI, autant de mesure de remise en cause des droits des travailleurs.
- contre l'austérité
- contre les milliards d'euros transférés vers les gros groupes dans le cadre du CICE.
- contre la casse des services publics, de la santé et de la protection sociale
- pour de vraies mesures de justice fiscale et une loi contre l'évasion fiscale
- pour la nationalisation de certaines banques, des autoroutes, et le contrôle public de secteurs stratégiques (énergie, transports).
- contre l'état sécuritaire et l'état d'urgence permanent
- contre TAFTA, CETA, la loi du libre-échange et de la dérégulation capitaliste, et le renforcement de la domination d'instances européennes non démocratiques (commission, BCE).
- pour l'égalité homme-femmes, les retraites agricoles, la conquête de nouveaux droits pour les jeunes, les personnes âgées, les handicapés
Ismaël Dupont