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27 mars 2017 1 27 /03 /mars /2017 10:02

Le puissant mouvement social qui se lève en Guyane, auquel nous apportons notre soutien, porte sur des enjeux essentiels, notamment en terme de développement économique et d'emploi, de santé, d'éducation et de sécurité. Alors que des engagements précis avaient été pris en 2013 par François Hollande, avec un « Pacte pour l'avenir de la Guyane » resté lettre morte, qu'une loi « Égalité réelle outre-mer » vient d’être votée, il s'agit de passer au concret en mobilisant les moyens nécessaires à cette égalité. Les politiques publiques doivent permettre à la Guyane, comme aux autres territoires ultramarins, de choisir, en lien à l’État, son modèle de développement social, économique et culturel.

 

Le Gouvernement doit répondre aux revendications exprimées et engager un vrai dialogue.

 

 

 

 

Olivier Dartigolles, porte parole du PCF

 

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26 mars 2017 7 26 /03 /mars /2017 20:32
60 ans du Traité de Rome: l'Europe libérale a failli, il faut la refonder! (PCF)

60 ans du Traité de Rome: l’Europe libérale a failli, il faut la refonder 

Les chefs d’État européens sont réunis dans la capitale italienne 60 ans après la signature du Traité de Rome alors que l’Union européenne traverse une crise existentielle historique. Brexit, rejet populaire massif des politiques d’austérité, montée des extrêmes droites sont les conséquences d’un modèle de construction laxiste avec les pouvoirs financiers mais impitoyable avec les peuples. L’Europe libérale a failli, il faut la refonder.

 

Nous mettons en garde contre les solutions discutées au Conseil européen. Il est illusoire et dangereux de penser une « relance » de l’Union européenne par un renforcement de l’intégration économique à plusieurs vitesses, et une militarisation de notre continent, via le projet de défense européenne. Renforcer la concurrence, les inégalités entre les travailleurs, entre les pays, nous engager dans une escalade guerrière, c’est conduire les peuples européens vers plus de déchirures. A quelques semaines des élections en France, François Hollande qui a renoncé à être candidat, ne peut associer notre pays à un projet aussi néfaste.

 

L’Union Européenne se disloquera si elle n'est pas refondée. En engageant au plus vite une convergence par le haut des salaires et des droits sociaux, en utilisant, via un fonds de développement social et environnemental, la création monétaire de la BCE pour investir dans les services publics, l’industrie et la transition écologique, en respectant les choix des peuples et en devenant un acteur de paix mondiale, l’Europe peut devenir utile aux européens.

 

Le PCF est lui aussi aujourd’hui à Rome avec les forces progressistes européennes réunies par la société civile italienne pour travailler à ce projet alternatif. Il participera demain, samedi 25 mars, à la manifestation « Corteo per la Nostra Europa » organisée à 11H, Piazza Vittorio – Colosseo.

 

Parti communiste français

 

Paris, le 24 mars 2017

60 ans du Traité de Rome: l'Europe libérale a failli, il faut la refonder! (PCF)
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26 mars 2017 7 26 /03 /mars /2017 17:06
Pierre Dardot et Christian Laval sont des sociologues politiques qui ont écrit il y a quelques années un livre très documenté sur le néo-libéralisme (La Nouvelle raison du monde, Essai sur la société néo-libérale, éditions La Découverte) et tout dernièrement un essai sur la pensée de Marx. 

Pierre Dardot et Christian Laval sont des sociologues politiques qui ont écrit il y a quelques années un livre très documenté sur le néo-libéralisme (La Nouvelle raison du monde, Essai sur la société néo-libérale, éditions La Découverte) et tout dernièrement un essai sur la pensée de Marx. 

L’urgence démocratique

25 MARS 2017 PAR PIERRE DARDOT ET CHRISTIAN LAVAL


L’époque est plus que jamais asservie au couple du néolibéralisme agressif et du nationalisme identitaire et xénophobe. Casser cette mécanique devrait être la tâche prioritaire d’une gauche régénérée. Elle n’y parviendra pas dans les semaines qui viennent, estiment le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval qui, dans ce texte, tordent également le cou à la notion de « populisme de gauche ».

 

Au débat télévisé du lundi 20 mars, François Fillon est apparu bien effacé et bien terne. On avait peine à reconnaître celui qui en avait solennellement appelé au jugement du peuple contre la justice. Cet appel a-t-il marqué un tournant ? On a relevé que l’axe de l’indépendance de la justice avait disparu subitement de son programme. On s’est à bon droit inquiété de la condamnation du « racisme antifrançais » par le même individu dans un meeting à Caen le 16 mars dernier, expression dont on sait qu’elle fut forgée par Jean-Marie Le Pen en 1977. On s’est à juste titre scandalisé de la caricature antisémite de Macron publiée sur Twitter le 10 mars par Les Républicains

Cependant, la seule question qui vaille est de savoir comment interpréter ce qui ne relève pas d’écarts de langage mais d’une stratégie mûrement réfléchie. Dans un entretien au Monde, Pierre Rosanvallon a parlé à propos de la déclaration de Fillon de « tournant populiste » dans la campagne présidentielle, tout d’abord pour réunir Poutine, Orban, Trump et Erdogan sous ce terme de « populisme », ensuite pour associer Marine Le Pen, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon dans une même « culture populiste »[1]. Selon Pierre Rosanvallon, serait en jeu une « conception de la démocratie » caractérisée par un refus des « pouvoirs neutres », c’est-à-dire irréductibles au pouvoir de la majorité électorale (Cour constitutionnelle, autorités judiciaires, etc.). Mais quel crédit peut-on accorder à une catégorie dont le sens est aussi flexible ?

  • Retour sur le « populisme » 

Il nous semble tout d’abord indispensable de revenir de façon critique sur cette notion de « populisme ». Il en va en réalité de bien plus que d’une querelle terminologique et conceptuelle. La question est politique, et elle a deux volets qui sont liés. Il s’agit d’abord de savoir si ce terme suffit à caractériser la nature de l’extrême droite française. Il s’agit ensuite de savoir si la réponse politique de la gauche doit se définir sur ce même terrain du « populisme », comme certains seraient tentés de le faire en invoquant hâtivement l’exemple de Podemos.

Ce que trahit l’usage médiatique dominant de cette notion, c’est un mépris inspiré par la présomption d’une incapacité politique du peuple. Toute expression d’une opposition au néolibéralisme était immédiatement discréditée par ce vocable dans les médias dominants ou dans la « classe politique ». Mais on ne peut s’en tenir à cette critique de l’usage péjoratif et dépréciatif de ce mot. Comme le fait remarquer Catherine Colliot-Thélène, cette critique « laisse la porte ouverte à un possible retournement de sens du populisme »[2]. Par ce retournement, il s’agirait de valoriser ce qui est dévalorisé dans l’usage dominant. Le terme devrait alors être revendiqué positivement : il faudrait opposer un « populisme de gauche » à la gouvernance des élites néolibérales.

La première question que nous devons nous poser est celle du pouvoir explicatif de cette notion : peut-elle prétendre subsumer des phénomènes aussi divers que l’élection de Trump, le Brexit, la montée du Front national, la percée de Podemos, le positionnement de Mélenchon, etc. ? Sans même parler d’unité, quel dénominateur commun peut-on trouver à tous ces phénomènes ? Veut-on faire fond sur l’opposition du « peuple » aux « élites » ? Mais qu’entend-on alors par « peuple »? Ce mot peut désigner un tout comme une partie de ce tout.

Comme le note Laurent Jeanpierre[3], la différence entre le « populisme » nationaliste du Front national et le « populisme » revendiqué par Podemos, c’est que le Front national amalgame le sens social (la partie) au sens national (le tout), de manière à imposer une image homogène et unifiée qui rejette les élites hors du corps sain de la nation, du côté de l’étranger, en même temps qu’elle exclut toute opposition de classe interne au « peuple » ainsi magnifié. C’est ce passage de l’opposition interne au peuple comme tout (entre les classes populaires et les élites) à l’opposition externe du peuple pris comme tout à l’« élite cosmopolite » qui caractérise ce type de nationalisme.

Car c’est bien d’un nationalisme autoritaire et identitaire qu’il s’agit, ou d’une forme de néofascisme qui renoue avec certains des traits les plus saillants du « socialisme nationaliste » de Barrès. Ce dernier puise son inspiration dans le mouvement rassemblé autour de la personne du général Boulanger à la fin des années 1880 : volonté de « nationaliser » les petites gens et les plus déshérités, antiparlementarisme, autoritarisme dérivé d’une conception plébiscitaire de la démocratie (« Révision, référendum » fut le mot d’ordre fédérateur du boulangisme).

Barrès place ce mouvement, qui se réclame de la « sainte canaille » de 1789, de 1830, de 1848 et même de la Commune, sous le patronage de Jeanne d’Arc, qui « a été une sainte pour tous »[4]. Il propose en 1893-1894 un plan en quatre points : une taxe sur les employeurs, une taxe militaire sur les étrangers équivalente à celle payée par les Français exempts du service militaire, l’exclusion des étrangers de tous les chantiers nationaux et l’expulsion de tous les étrangers tombant à la charge de l’Assistance publique[5]. En 1898, misant sur le sentiment d’insécurité économique qui pèse sur le petit commerçant, l’agriculteur, le bourgeois et l’ouvrier en période de crise, il fait du protectionnisme le centre de son programme politique : protectionnisme contre le produit étranger et l’ouvrier étranger, protectionnisme contre la féodalité financière internationale qui élimine le travailleur français, protection contre le naturalisé[6].

  • Les emprunts au boulangisme

L’appel au peuple, le culte du chef et le sens de l’autorité forment des ingrédients directement empruntés au boulangisme. De ce strict point de vue, l’orientation imprimée au Front national par Marine Le Pen, loin de marquer un « tournant social » ou une réorientation « à gauche », trahit une inspiration plus directement fasciste que le reaganisme de son père au début des années 1980. Certes, le langage est plus policé et expurgé de ses « outrances » antisémites, et l’ennemi n’est plus l’Allemagne comme nation, mais l’eurocratie bruxelloise qui encourage « l’invasion islamiste » en favorisant l’entrée des migrants. Mais bon nombre des éléments du « socialisme nationaliste » des années 1890 sont recyclés dans une synthèse idéologique qui présente bien des traits de ce qui fut aux « origines françaises du fascisme », selon l’expression de Zeev Sternhell.

C’est en particulier le cas du recours systématique au référendum pour imposer une révision constitutionnelle. Marine Le Pen a ainsi annoncé pêle-mêle des révisions constitutionnelles sur la suppression du Sénat, sur l’abrogation du pouvoir constituant de l’Assemblée nationale, sur l’inscription de la préférence nationale dans le Préambule, sur la limitation du pouvoir constitutionnel, sur le retour au septennat non renouvelable[7]. Il est certes des différences qu’il faut se garder d’escamoter : même si son noyau historique est cimenté par cette idéologie, le Front national n’a rien du parti de masse structuré que constituait la Ligue des patriotes dans les années 1890 et ses méthodes d’action et de propagande n’ont que peu à voir avec les descentes de rue et les émeutes organisées par ce même parti. Reste, et c’est là l’essentiel, qu’en reprenant sciemment des formules lepénistes, François Fillon s’est bel et bien situé sur le terrain non du populisme, mais du néofascisme.

Pouvoir fort contre démocratie libérale

Un tel rappel s’impose d’autant plus que le boulangisme a, par l’écho qu’il a rencontré dans les milieux ouvriers, semé un trouble profond jusque dans les courants les plus radicaux de la gauche de l’époque, au point de susciter l’ire d’Engels, de Liebknecht et de Bebel contre leurs représentants[8]. C’est tout particulièrement le cas des blanquistes, des guesdistes et, de manière plus générale, d’anciens communards. Un Édouard Vaillant ira jusqu’à apporter son soutien à ce mouvement et nombre de guesdistes, notamment en Gironde, verseront dans le boulangisme.

Quelle en est la raison profonde ? Un même attrait pour un pouvoir fort justifié par une opposition farouche à la démocratie libérale. Ainsi, Guesde n’hésite pas à écrire en pleine ascension du parti national : « Peu importe la structure du pouvoir, tout dépend de la main de la classe qui l’exerce. »[9] Aujourd’hui plus que jamais, il importe de méditer sur la séduction exercée par le boulangisme sur ce que l’on pourrait appeler un « gauchisme autoritaire », soit un gauchisme combinant l’appel à la grève générale, voire à l’action directe, avec la fascination pour le chef et le culte du pouvoir d’État exercé d’une main de fer. Car la tentation du néoblanquisme et du néoguesdisme est aujourd’hui toujours vivace au sein d’une fraction de la gauche dite radicale.

En quoi la notion de « populisme » est-elle susceptible d’éclairer la signification politique du boulangisme ? Le philosophe politique argentin Ernesto Laclau, dans son ouvrage La Raison populiste, ne veut retenir de ce phénomène que quatre éléments ou aspects « politico-idéologiques »[10]. En premier lieu, l’hétérogénéité des forces qui soutenaient le général Boulanger et leur situation de marginalité par rapport au système en place. En deuxième lieu, la concentration du soutien à Boulanger dans les centres urbains, où ce mouvement traversait la plupart des couches sociales, sans se réduire à l’élément prolétarien. En troisième lieu, l’idée qu’une intervention extraparlementaire était aussi intéressante pour la gauche radicale que pour la droite[11]. Enfin, en quatrième lieu, ce qui faisait l’unité de ces forces hétérogènes était un même dévouement à Boulanger et le charisme de ce personnage.

Pour Laclau, ces quatre éléments reproduisent point par point les dimensions qui définissent à ses yeux le populisme : le regroupement de forces hétérogènes et de demandes qui ne peuvent être intégrées dans le système institutionnel, le lien d’équivalence entre toutes ces demandes, qui ont toutes le même ennemi (la corruption du système parlementaire), la figure d’une individualité qui fonctionne comme un « signifiant vide », pour autant qu’elle soit réduite à son nom et que ce nom fasse l’objet d’un fort investissement affectif.

L’insistance de Laclau sur tous ces traits, l’équivalence par opposition, le signifiant vide, la réduction du leader à son nom, n’a d’autre fonction que de refuser de prendre en compte le contenu positif de l’idéologie boulangiste et l’attitude politique pratique que ce contenu détermine. De la même manière, son analyse de la percée électorale du Front national fait l’impasse sur les positions politiques pratiques de ce parti pour s’attacher avant tout à ce qu’il appelle « la nécessité ontologique d’exprimer la division sociale » : dès lors que le Parti communiste ne fut plus capable d’exprimer cette division, la « fonction ontologique » (sic) fut assurée par le « populisme de droite » du FN[12].

Par cette primauté accordée à la « fonction ontologique », on passe soigneusement sous silence le contenu de toute une culture politique (celle de la défense de l’« indépendance nationale » et du « Produisons français ») qui a grandement facilité ce glissement d’une partie de l’électorat du PC au FN et l’on se donne la possibilité de ménager un « no man’s land nébuleux »[13] entre populisme de droite et populisme de gauche. C’est cette primauté d’une fonction susceptible d’être remplie par des signifiants politiquement opposés qui avait permis à un Pablo Iglesias d’affirmer en 2014 que Podemos occupait le même espace politique que Syriza en Grèce, Beppe Grillo en Italie ou le Front national en France[14].

La notion de « populisme » sert alors à justifier une neutralisation des oppositions politiques au profit d’une fonction et d’un espace d’autant plus invariants qu’ils sont vides de contenu. Mais elle n’explique rien de ce que les phénomènes ont de spécifique. L’on est ainsi confronté à cette alternative : ou bien l’on tient à conserver la notion de populisme et l’on renonce alors à expliquer la différence entre « populisme de gauche » et « populisme de droite », en raison de la vacuité de cette notion ; ou bien l’on cherche vraiment à expliquer cette différence, mais il faut alors de toute nécessité introduire des éléments qui ne doivent plus rien à la notion de « populisme », ce qui revient à abandonner tout recours autre que purement verbal à cette notion.

  • Le populisme comme contre-stratégie…

La seconde question que soulève la référence insistante au « populisme » est celle de la valorisation politique de cette notion au titre d’une contre-stratégie. S’appuyant sur la Psychologie des masses et analyse du moi de Freud (1921), Laclau considère que la constitution d’un peuple n’est possible qu’au prix d’une identification de tous les individus à un même leader. Mais Laclau va jusqu’à rapprocher explicitement la relation des membres du « peuple » à leur leader de la relation des membres de l’Église au Christ : chaque chrétien doit aimer le Christ en tant qu’idéal de la masse et s’identifier à lui en aimant les autres membres de l’Église comme il est supposé les avoir aimés.

Contrairement à ce que soutient Ernesto Laclau[15], cette double relation des membres du peuple à leur leader ne rend pas ce leader « plus démocratique » qu’un leader auquel on ne s’identifierait pas, elle rend au contraire cette relation terriblement asservissante et tyrannique. En une unique figure humaine, on aurait en effet un « substitut du père » auquel on doit s’identifier en aimant tous les frères du même amour que lui et en même temps un « frère » auquel on s’identifie comme à tous les autres en raison des traits communs qu’il présente avec tous les autres.

Comment peut-on exiger du même individu qu’il aime le chef suprême comme figure de l’idéal et qu’il s’identifie directement à lui ? Cette double exigence n’est-elle pas parfaitement contradictoire dans les termes ? L’amour voué au chef implique qu’on le regarde comme très supérieur à nous et l’identification directe à ce même chef implique au contraire qu’on le considère comme notre égal. On est là plus près des aspects les plus problématiques du chavisme (culte christique du leader et relation de type plébiscitaire entre le chef et les masses) que de la véritable démocratie comme exercice organisé du contrôle du peuple sur ses propres dirigeants.

L’idée que l’on se fait de la démocratie

Cependant, ce qui est en jeu chez Laclau, c’est fondamentalement non la psychologie de la masse, mais la formation de l’identité populaire comme identité politique. On l’a vu, cette constitution requiert à ses yeux que s’instaure une équivalence entre des demandes sociales très hétérogènes, ce qui tend à en appauvrir le contenu et à la faire fonctionner comme un « signifiant tendanciellement vide »[16]. Très précisément, plus l’équivalence sera étendue, plus le signifiant unifiant toute la chaîne sera vide[17]. Selon Laclau, cet élément ne peut être qu’une individualité. Compliquant la notion classique de représentation politique, il introduit l’idée d’une double dimension inhérente à toute représentation[18].

La première dimension fait du représentant celui qui transmet la volonté des représentés, tandis que la seconde fait de lui un acteur qui « ajoute » quelque chose de décisif aux intérêts des représentés. Cet ajout n’est pas mineur, puisqu’il consiste dans l’identité des représentés : « Le représenté dépend du représentant pour la constitution de son identité. »[19] Les représentés n’ont donc pas d’identité antérieurement à la représentation et indépendamment d’elle. Mais cette seule dimension est loin d’épuiser la relation de représentation.

Il faut prendre en compte le second mouvement qui, lui, va des représentés au représentant : le représentant ne doit pas s’autonomiser totalement vis-à-vis d’eux, faute de quoi il ne pourrait plus représenter « une chaîne d’équivalences »[20]. Cette double exigence (constituer la totalité et représenter une chaîne d’équivalences) n’est pas sans poser problème : car comment re-présenter cela même que l’on constitue ? Chez Laclau, c’est la ressemblance du père aux frères (les « traits communs ») qui est investie de la fonction de réduire la distance entre représentant (le père) et représentés (les frères) : le représentant devra à la fois être un frère et un père. D’où l’insistance sur la ressemblance du représentant avec les représentés[21]. La représentation procède donc d’une identification des représentés au représentant en raison de la supposée ressemblance du représentant avec les représentés.

Le véritable enjeu de toute cette conception est assurément l’idée que l’on se fait de la démocratie. Au prétexte de combattre l’identification de la démocratie à la démocratie libérale dont un Claude Lefort se rendrait coupable, Ernesto Laclau et Chantal Mouffe invoquent, contre « la tradition libérale constituée par le règne de la loi, la défense des droits de l’homme et le respect de la liberté individuelle » une « tradition démocratique fondée sur l’égalité, l’identité entre gouvernants et gouvernés et la souveraineté populaire »[22].

 

  • Carl Schmitt et la démocratie plébiscitaire

Étrangement, c’est chez le juriste et philosophe du droit Carl Schmitt, qui adhérera au nazisme en 1933, que l’on trouve une réélaboration du concept de démocratie qui consonne avec cette supposée « tradition démocratique ». Dans sa Théorie de la constitution (1928), ce dernier définit la démocratie comme forme de gouvernement par l’identité du gouvernant et du gouverné et fait de l’« homogénéité du peuple » sa caractéristique principale[23]. Aussi fait-il de l’« acclamation » le moment privilégié où la présence du peuple physiquement rassemblé rend superflue toute représentation[24].

C’est à partir de cette logique que le même Carl Schmitt assimilera en 1932 la démocratie « directe » ou « non représentative » à la démocratie « plébiscitaire », en allant jusqu’à parler du « système plébiscitaire de la démocratie directe »[25]. Mais cette prétendue identité immédiate du peuple avec lui-même n’est nullement une caractéristique essentielle de la démocratie. Aristote parle bien d’une règle de l’alternance qui fait que chaque citoyen est tour à tour gouverné et gouvernant, mais cette réciprocité dans l’exercice du pouvoir n’a rien à voir avec une identité du peuple avec lui-même[26].

La démocratie est par essence délibérative et la pratique de la délibération collective présuppose non une homogénéité, mais une hétérogénéité du peuple. C’est même en raison de cette hétérogénéité qu’« une masse nombreuse décide mieux que n’importe quel individu », « comme un festin payé collectivement est meilleur que celui offert par une seule et même personne »[27]. Mais le festin de la délibération collective n’est pas une fête de l’acclamation.

Par conséquent, si la démocratie représentative doit être critiquée, c’est non parce qu’elle est délibérative, mais au contraire parce qu’elle n’est pas vraiment délibérative : l’oligarchie des représentants ne se constitue que par l’expropriation de la capacité collective de délibération des représentés et la « délibération » est, de ce fait, complètement faussée. À cet égard, l’introduction par Chavez du référendum révocatoire à mi-mandat dans la Constitution vénézuélienne témoigne non de la réalisation de la démocratie directe, mais de l’esprit plébiscitaire du régime[28]. C’est la révocabilité des délégués à l’initiative des citoyens qui fait la démocratie, non la réponse à une question posée par avance par les gouvernants.

Résumons-nous : la seule alternative à l’oligarchie néolibérale est la démocratie comprise comme coparticipation au processus de délibération et de décision. Tout le reste n’est que bavardage et poudre aux yeux. La notion de « populisme » fait écran à cette alternative parce qu’elle brouille le concept de « démocratie » en rendant acceptable la prétendue « démocratie plébiscitaire », et c’est à ce titre qu’elle doit être catégoriquement rejetée.

Ce terme est et doit rester un mot de l’ennemi, que toute gauche digne de ce nom doit s’interdire de reprendre à son compte. Plus précisément encore, toute politique qui se revendique du populisme ne fait que conforter la dépossession politique des dominés en remettant entre les mains d’un leader leur intelligence et leur capacité d’action.

  • Le désespoir des sacrifiés du néolibéralisme

La question est donc stratégique. Comment lutter sur un double front, contre le néofascisme et contre le néolibéralisme, étant entendu que le néofascisme, dont l’essor a été favorisé par les politiques néolibérales, ne représente nullement une rupture avec le système néolibéral ? Il faut commencer par ce diagnostic : le Parti socialiste et le gouvernement portent une responsabilité écrasante dans le désastre actuel. Toute leur politique a consisté à infliger une longue série de défaites sociales aux salariés, aux retraités, aux fonctionnaires, aux gens les plus modestes. Elle se paie aujourd’hui par la désunion et la défaite politique.

On aurait pourtant pu espérer que le rejet, régulièrement exprimé au cours des dernières élections, du cours néolibéral du quinquennat, allait offrir la chance de refonder une « nouvelle gauche » désireuse de faire une politique de gauche. Cela n’a donné, mais c’était certes déjà beaucoup, que le retrait honteux de Hollande et la défaite cuisante de Valls à la primaire. Depuis, les illusions se sont envolées.

Les victimes du néolibéralisme se vengent

Le rejet du néolibéralisme par une grande partie des électeurs de gauche risque fort d’ouvrir plutôt la voie soit au néofascisme déguisé de Le Pen, soit au néolibéralisme assumé et arrogant de Macron. Cet apparent « paradoxe » a été analysé par nombre de commentateurs : d’élections en élections, les classes populaires, qui autrefois soutenaient dans une large mesure les partis de gauche, se détournent du suffrage (« ça ne sert à rien de voter ») ou entendent « renverser la table » en votant FN, tant elles se sentent abandonnées par des responsables politiques impuissants à enrayer la désindustrialisation, le chômage et la précarité.

En réalité, et les études électorales sont terribles à cet égard, le rejet populaire pour les candidats de gauche, y compris Mélenchon, est impitoyable pour des responsables accusés d’être indifférents à la situation des classes populaires. Désormais, la gauche est très largement minoritaire parmi les ouvriers et les employés.

Ce ne sont pas les dominés qui sont les premiers responsables du sort qui leur a été réservé, ce sont ceux qui ont mené une politique qui, depuis les années 1980, a cherché à affaiblir matériellement et subjectivement les classes populaires. On le sait, on l’a répété : les politiques dites « de gauche » n’ont plus cherché à partir de 1983 à remettre en question la puissance du capital, elles ont visé à la renforcer, et ceci par le grand marché européen, la monnaie unique, la concurrence interne et externe entre salariats et fractions du salariat.

L’heure est au ressentiment. Les victimes du néolibéralisme se vengent en faisant payer les reniements. Et cette vengeance profite surtout aux pires. Une partie de l’autre composante sociologique de la gauche – les cadres du secteur public, les enseignants, les diplômés –, effrayée par la perspective d’une victoire du néofascisme et peu encline à voir remonter dans les sondages le tartuffe entretenu de la « droite extrême », risque d’abandonner par calcul les deux représentants de la gauche au profit de celui qui, d’abord dans l’ombre de Hollande puis au gouvernement de Valls, a inspiré et mis en musique la « trahison » du Bourget.

Macron, illusoire « moindre mal », c’est évidemment le danger que, dans cinq ans, lorsque les digues seront sans doute tombées entre extrême droite et droite extrême, le néofascisme soit encore plus fort. Mais le calcul de ces électeurs ne va pas jusque-là et pour cause : c’est, dans l’immédiat, la division entre les deux candidats de gauche qui les pousse à cette option détestable.

 

  • L’impasse de la gauche

Que l’on ne s’y trompe donc pas : l’époque est plus que jamais asservie au couple infernal du néolibéralisme agressif et du nationalisme identitaire et xénophobe. Casser cette mécanique infernale devrait être la tâche prioritaire d’une gauche régénérée. Elle n’y est pas encore parvenue et n’y parviendra pas dans les semaines qui viennent parce qu’elle n’a pas réuni trois conditions nécessaires et liées :
1) La construction d’un pôle politique puissant à l’extérieur du Parti socialiste, ce qui aurait supposé une dynamique unitaire dont n’a pas été capable feu le Front de gauche ;
2) Le recentrement de la politique de gauche sur la « question sociale », c’est-à-dire celle de l’emploi, du travail et des inégalités et, au-delà, de la propriété ;
3) L’élimination du verrou que représente pour toute politique alternative le Parti socialiste actuel. Cette dernière condition nécessiterait soit de pouvoir arracher cette formation à l’attraction mortifère du néolibéralisme, ce qui supposerait des forces internes capables de renverser la domination de l’appareil et des élus, ce qui n’a pas été possible jusqu’à présent, tant ce parti est atteint d’oligarchisme sénile ; soit de le faire éclater en deux blocs « irréconciliables », ce qui ne s’est pas encore fait par manque de décision et d’horizon stratégique de Hamon et des autres dits « frondeurs ».

En l’absence de ces conditions, les deux candidats ont voulu prendre des voies de traverse pour sortir de l’impasse stratégique dans laquelle l’un et l’autre se sont engagés. Mélenchon a fait cavalier seul, imposant un modèle politique « populiste » à ses anciens partenaires du Front de gauche. C’est le sens de son mouvement, La France insoumise, qui se veut « hors parti » et surtout attaché à sa candidature présidentielle.

  • Les problèmes non résolus de la candidature Mélenchon

La stratégie « révolutionnaire » de Mélenchon est en réalité strictement électorale. Si au départ il était question de composer un large bloc social et idéologique autour de l’élaboration collective d’un programme, la voie suivie a plutôt consisté à parier sur l’adhésion des masses à un leader charismatique prêtant son verbe haut à un peuple révolté. À la grande différence de Podemos, parti qui s’est appuyé sur un collectif de jeunes dirigeants et a été porté par des vagues contestataires, La France insoumise repose sur l’identification à un homme exceptionnel, dont la puissance de persuasion tient à ses qualités personnelles, et surtout à l’éloquence rare des tribuns d’autrefois.

La « radicalité » mélenchonienne est cependant loin du socialisme d’antan. Plus question de socialisation des forces productives ou d’autogestion. L’essentiel du message est mis sur les institutions politiques, regardées comme la clé de toute transformation. D’où la centralité de la question de la souveraineté, de là les emblèmes républicains et nationaux : drapeaux tricolores, bonnets phrygiens, Marseillaise, Constituante et autre « levée en masse » des citoyens rassemblés à la Bastille et à la République.

Cette candidature pose un certain nombre de problèmes non résolus : comment passer à la VIe République en jouant la personnalisation à outrance et en flirtant dangereusement avec la « démocratie plébiscitaire » ? Comment croire à la maturation collective d’un projet de société en alimentant la pulsion politiquement ambiguë du « dégagisme » ? En tout cas, puisque cette candidature d’incarnation du peuple est « au-dessus des partis », il ne saurait être question du moindre arrangement avec les autres formations de gauche, traité avec mépris de « carabistouilles ». Qui m’aime me suive.

L’entreprise de Hamon n’est pas plus encourageante. À beaucoup d’égards, elle l’est moins. Le candidat socialiste ne sait sur quel pied danser, faute d’avoir changé de terrain. Plutôt que d’afficher sa rupture avec le quinquennat néolibéral, il manœuvre, il esquive. Comme s’il y avait encore quelque chose à attendre d’un appareil et d’élus qui veulent le noyer au plus vite dans les eaux fétides des accommodements et des résignations.

Pourtant, déjà trop à gauche pour l’appareil, qu’aurait-il eu à perdre en restant fidèle à ses convictions de la primaire ? Il aurait évidemment fallu lever toute ambiguïté envers l’Union européenne, sa logique de l’austérité, son dumping fiscal et social. Mais c’était tellement contraire à ses appels piteux au rassemblement de la « famille socialiste », qu’il n’a pas pu aller bien loin en ce sens. Il aurait dû savoir que beaucoup d’électeurs de gauche ne sont plus du tout disposés à lui faire une confiance aveugle, après s’être fait berner par Hollande, Macron et Valls comme ils l’ont été. Faire acclamer par 20 000 personnes les noms de Hollande, Cazeneuve et Le Drian lors de son meeting de Bercy le 19 mars est le signe même que sa double position à l’égard du quinquennat, critique et élogieuse, est proprement intenable.

Hamon enlisé dans l’héritage

Pour surmonter ses contradictions, il a cru bon, lors des primaires, de se projeter dix ou vingt ans en avant, en envisageant à l’avenir une raréfaction de l’emploi qui venait ainsi justifier sa proposition de revenu universel. Diversion qui lui a permis un moment d’obtenir un brevet d’utopie auprès d’une fraction des électeurs de gauche. Si cette utopie ne lui permet pas de renouer avec les classes populaires, dont les membres au chômage veulent un « vrai travail », elle lui a permis au moins de ne pas aborder de front les questions éminemment urgentes de la politique économique et de l’Europe. En un mot, enlisé dans l’héritage, il n’espère plus guère qu’un nouveau rapport de forces à l’intérieur du Parti socialiste.

En réalité, les deux candidats, et ils ne s’en cachent guère, se sont résignés à l’échec de la gauche. Et ne semblent plus rivaliser que pour savoir qui des deux sera le quatrième et le cinquième dans la « course » électorale. Objectif dérisoire aux yeux des électeurs de gauche, compte tenu des enjeux historiques de cette élection, mais d’une importance majeure pour les militants les plus convaincus ou les plus sectaires.


Il est d’ailleurs fort inquiétant que certains d’entre eux, mi-cyniques mi-calculateurs, s’en fassent aussi vite une raison. « C’est plié », glissent en aparté certains d’entre eux. Seule compterait la « recomposition » future de la gauche. D’où l’étrange indifférence affichée face aux sondages décevants, d’où cet aveuglement quant aux conséquences de la division. Sans doute Hamon et Mélenchon ont-ils fait semblant de se parler ; en réalité ni l’un ni l’autre ne tenait à quelque rapprochement que ce soit.

La division va sans doute permettre à l’oligarchie d’élus qui « tient » le Parti socialiste d’en reprendre le contrôle après la parenthèse de la candidature Hamon. Mais elle va surtout laisser face à face la candidate du néofascisme réchauffé et le candidat du néolibéralisme rajeuni. Qu’à la fin, cela doive se conclure aussi lamentablement a de quoi détacher beaucoup d’électeurs de la gauche et peut-être même de les dégoûter de la politique. L’amertume, de toute manière, sera au rendez-vous, et ce n’est pas avec elle que l’on reconstruit.

  •  

  • Quelle unité ?

Le néolibéralisme a fait des ravages et continuera d’en faire, on le sait. L’un d’entre eux, le plus pressant dans la conjoncture, c’est la progression du néofascisme. Les salariés les plus dominés, et d’autres catégories avec eux, enragent et croient voir en Marine Le Pen leur ultime recours. Tout semble fait pour renforcer son image « sociale ». Son hold up sur les thèmes sociaux (retraite, protection sociale, plein emploi « national », etc.), dont la gauche a eu longtemps une sorte de monopole, est en train de réussir au-delà de toutes ses espérances, du fait même de leur abandon par la gauche gouvernementale.

Emboîtant le pas à un Sarkozy qui dénonçait naguère le programme économique du Front national comme un programme d’« extrême gauche », nombreux sont les journalistes qui l’aident à accomplir son forfait : dès qu’un candidat de gauche ou d’extrême gauche ose avancer une mesure sociale, en prônant la retraite à 60 ans ou la suppression de la loi travail par exemple, on s’empresse de l’accuser d’imiter Le Pen.

Comment conjurer la « catastrophe démocratique qui menace », selon la formule de Laurent Mauduit[29] ? Beaucoup, désolés du spectacle à gauche, voudraient l’unité. Leur appel mérite le respect, notamment celui, dramatique, du maire communiste de Grigny, Philippe Rio[30]. Mais en appeler à l’unité des deux candidats ne sert malheureusement pas à grand-chose dans la situation actuelle. Ils se maintiendront, enfermés l’un et l’autre dans leur logique propre. Ils paieront le prix, et nous avec eux, de l’autodestruction du socialisme durant ces 30 ou 40 dernières années, faute d’avoir voulu et pu surmonter ce désastre historique. Personne pourtant n’est propriétaire de l’unité. Aucun appareil, aucun responsable, ne devrait avoir le droit d’en décider sur un coin de table de restaurant.

Mais surtout, comment ne pas voir que, si l’on désire vraiment refonder la gauche, le temps des appareils dominateurs et des leaders solitaires est passé ? Comment ne pas comprendre que toute transformation sociale réelle passe désormais par la libération des énergies démocratiques, par une déverticalisation effective de l’action politique ? Mélenchon a certes compris que le temps des vieux partis était passé, mais il a reverticalisé encore plus la relation personnelle qu’il veut entretenir avec le « peuple », selon le schéma douteux et dangereux d’Ernesto Laclau et de Chantal Mouffe.

De ce point de vue, la dette proclamée à l’égard de la « révolution bolivarienne » d’Hugo Chavez est passablement inquiétante[31]. Insistons là-dessus encore une fois : la prétendue « démocratie plébiscitaire » n’est en rien une forme particulière de démocratie, elle est la négation pure et simple de la démocratie comprise comme exercice effectif du pouvoir politique par le peuple, au moins sous la forme d’un contrôle actif sur les détenteurs du pouvoir exécutif.

Quel contraste avec le foisonnement des pratiques innovantes et des idées nouvelles en matière démocratique dont a témoigné Nuit debout. Il suffit d’être à l’écoute de toutes les expérimentations pratiques et de toutes les discussions théoriques qui ont lieu depuis des années dans ce pays et dans d’autres, dont l’Espagne, pour se rendre compte du caractère archaïque des manières de faire dans la gauche politique française.

Aucune refondation de la gauche n’aura lieu tant que l’on dissociera la parole et l’action, le projet et l’organisation. Les ficelles du passé sont trop grosses aujourd’hui pour la sensibilité politique des gens de gauche qui veulent prendre part. Et il est une autre condition et elle est élémentaire. On l’a dit, la lutte séculaire pour l’égalité sociale a été trahie par la gauche de gouvernement, et cette trahison a conduit à la désertion des classes populaires et au succès du néofascisme. Remettre au centre de l’activité politique l’égalité sociale et faire que cette politique égalitaire commence dans les dispositifs organisationnels eux-mêmes est la seule voie concevable pour que la gauche survive et se reconstitue. La transformation sociale désirée à gauche commence donc par soi-même.

  • Urgence démocratique et front commun

Il faut agir vite pour que dès les législatives le sort de la gauche anti-néolibérale ne soit pas entièrement condamné. Avec qui faire l’unité demain ? Et comment ? On ne doit se faire aucune illusion sur la nature du Parti socialiste, et l’on sait parfaitement quel obstacle il est par lui-même devenu à toute politique de rupture avec l’ordre existant. Compte tenu de la décomposition de la gauche actuelle, il importe de réfléchir à la constitution rapide d’un vaste bloc démocratique antinéolibéral, rassemblant de multiples composantes politiques, syndicales, associatives, d’accord pour faire front commun contre les deux ennemis aux destins inséparables que sont le néofascisme et le néolibéralisme.

La « gauche de gauche » française a pris un retard considérable et déçu les attentes de beaucoup, sauf lorsqu’elle s’est unie durant une trop brève période sous la forme d’un cartel d’organisations. Rappelons-nous : 1995-2005, première période de luttes massives contre les politiques néolibérales et émergence de l’altermondialisme ; 2005-2009, cafouillage sectaire et incapacité des forces politiques de gauche de donner forme politique nouvelle aux résistances sociales ; 2009-2016, vie et mort du Front de gauche, seule tentative, mais avortée, de coalition de la « gauche de gauche ».

Le « dépassement » du Front de gauche voulu par Mélenchon en 2016 débouchera-t-il, comme il le souhaite, sur une nouvelle force parlementaire ou bien sur le vide ? La désunion se paie en tout cas aujourd’hui au prix fort. La responsabilité est sans doute partagée entre les « appareils », mais elle est lourde pour chacun et n’en épargne aucun. Soit le sectarisme d’appareil se prolonge, et ce sera la fin pour longtemps de la gauche critique et radicale, soit il peut être dépassé par la création d’une nouvelle formation à la fois unitaire et diverse, et le couple infernal de ses deux ennemis pourra alors être combattu et vaincu.

Cette dynamique unitaire est d’ailleurs la condition pour que le Parti socialiste éclate entre ses deux pôles artificiellement réunis aujourd’hui sous un même chapeau. Si un groupe de « frondeurs », sociaux-démocrates à l’ancienne, parvenait à se reconstituer sur les ruines du hollandisme, il pourrait participer au front commun.

Mais nous n’en sommes pas encore là. La dynamique actuelle de division risque fort d’offrir au second tour de l’élection présidentielle le choix entre Le Pen et Fillon ou, plus probablement, Le Pen et Macron. Si tous les appels à l’unité sont restés vains, si nous ne pouvons plus rien empêcher, en tout état de cause, après les élections, il restera l’« urgence démocratique » de faire face au néofascisme, fruit d’un désespoir doublement alimenté par le néolibéralisme et l’absence d’une vraie alternative politique. Car il ne faut pas s’y tromper : la menace du néofascisme est une menace de guerre civile. C’est donc dès maintenant, si l’on veut vraiment éviter que le pire n’advienne, qu’il faut penser et expérimenter les formes d’un front commun démocratique.

 

 


[1] Le Monde du 2 mars 2017, propos recueillis par Nicolas Truong.

[2] Catherine Colliot-Thélène, « Le populisme n’est pas un concept », Cahier de l’Éducation permanente, n° 49, p. 112.

[3] Laurent Jeanpierre, « Quand je parle de “populisme”, je mets le mot entre guillemets ! », Cahier de l’Éducation permanente, n° 49, p. 96-97.

[4] Cité par Zeev Sternhell, La Droite révolutionnaire, p. 65.

[5] Ibid., p. 71.

[6] Ibid., p. 73.

[7] « Si Marine Le Pen était présidente », Mediapart.fr, le 14 mars 2017.

[8] Zeev Sternhell, op.cit., p. 38.

[9] Ibid., p. 40.

[10] Ernesto Laclau, La Raison populiste, Le Seuil, 2008. Ernesto Laclau (1935-2014) et sa collègue et compagne Chantal Mouffe ont développé depuis les années 1980 une réflexion sur la stratégie politique de la gauche, en défendant une conception positive du « populisme ».

[11] En réalité, « contrairement à ce que soutient la vison rétrospective du boulangisme, élaborée à la fin du siècle à la lumière de l’affaire Dreyfus, l’idée d’un coup d’État n’a même pas effleuré l’esprit des chefs boulangistes. Pas plus qu’elle n’a traversé celui de la foule des manifestants qui envahit les abords du restaurant Durand, où le général et son état-major sont venus fêter le raz-de-marée boulangiste » (Zeev Sternhell, op.cit., p. 57).

[12] Ernesto Laclau, La Raison populiste, op.cit., p. 108.

[13] Ibid.

[14] Voir l’entretien publié par Mediapart le 20 juin 2014.

[15] Ernesto Laclau, La Raison populiste, op. cit., p. 78.

  1. Ibid., p. 118.

[17] Ibid., p. 122.

[18] Ibid., p. 187.

[19] Ibid.

[20] Ibid. (nous soulignons).

[21] Ibid., p. 190.

[22] Ibid., p. 197 (les formules citées de Chantal Mouffe sont reprises à son compte par Ernesto Laclau).

[23] Carl Schmitt, Théorie de la constitution, puf, 1993, p. 352 et 372.

[24] Ibid., p. 382.

[25] Carl Schmitt, Légalité et légitimité, Les Presses de l’Université de Montréal, 2016, p. 46-47.

[26] Contrairement à ce que soutient Carl Schmitt, Théorie de la constitution, op. cit., p. 353.

[27] Aristote, Les Politiques, GF Flammarion, 1993, p. 263.

[28] Ahmet Insel, « La postdémocratie entre la gouvernance et caudillisme », Revue du Mauss, n° 26, 2005.

[29] Laurent Mauduit, « Pour conjurer le spectre des années 30 », Mediapart, 28 février 2017.

[30] http://www.liberation.fr/debats/2017/03/02/cher-benoit-cher-jean-luc-a-grigny-comme-ailleurs-vos-carrieres-vos-querelles-on-n-en-a-rien-a-faire_1552845.

[31] Cf. Politis 1427, 10/11/2016, p. 3, qui fait référence au livre d’entretiens de Marc Endeweld avec Jean-Luc Mélenchon, Le Choix de l’insoumission.

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25 mars 2017 6 25 /03 /mars /2017 06:09
L'urgence de l'Unité: rassemblement à Paris samedi 25 mars place de la République!
L'urgence de l'Unité: rassemblement à Paris samedi 25 mars place de la République!
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24 mars 2017 5 24 /03 /mars /2017 20:52

Elections présidentielles

Déclaration de la CGT
vendredi 24 mars 2017

La CGT vote pour le progrès social

A l’approche des élections présidentielles, la CGT souhaite continuer de porter des exigences économiques, sociales et environnementales durant cette campagne. C’est plus que jamais l’enjeu de la période et l’exigence des salariés, des retraités, des privés d’emploi et de la jeunesse. Cette campagne électorale s’éloigne trop régulièrement de ces attentes et des vrais problèmes, minée par des affaires ou des débats bien loin du quotidien et de la réalité du monde du travail.

Nous nous félicitons que les luttes de centaines de milliers de salariés, permettent qu’aujourd’hui, les questions du travail, de la précarité, de la protection sociale, de l’égalité femmes-hommes, des salaires, de l’industrie, des services publics, et de paix trouvent une place dans le débat public. Elles doivent s’imposer dans cette campagne politique.

Depuis plusieurs mois, la CGT porte des propositions alternatives économiques et sociales en adéquation avec les exigences, les possibilités de notre époque et les aspirations des travailleurs, retraités, privés d’emplois. 
Elle porte au cœur de sa démarche, la question du travail. Derrière ce mot, nous parlons de son organisation, du paiement des qualifications et de l’expérience, de la formation initiale et continue, des souffrances qu’il peut générer sur la santé.

Il est insupportable que certains perdent leur vie au travail, pendant que d’autres la perdent parce qu’ils n’en n’ont pas.

C’est pourquoi, nous revendiquons notamment une augmentation des salaires et des pensions avec, comme référence, le SMIC à 1800 euros, une réduction du temps de travail avec, comme référence, une durée de 32 heures hebdomadaire, un nouveau statut du travail et une sécurité sociale professionnelle, une protection sociale de haut niveau, des moyens supplémentaires pour les services publics, comme par exemple la santé, la culture et l’éducation, et la construction d’une véritable Europe sociale.

Nous nous félicitons que, pour une part, ces propositions soient reprises par certains candidats.

Dans un pays où les 40 plus grandes entreprises viennent de dégager 75 milliards d’euros de bénéfices et de verser à leurs actionnaires près de 500 milliards en 10 ans, les moyens existent.

Nous alertons le monde du travail contre ceux, à l’extrême droite, dont le FN est l’un des porte-drapeaux, qui prônent la division des travailleurs du fait de leur origine, leur statut ou leur situation sociale. Diviser pour mieux régner, c’est un vieux dicton toujours d’actualité aux yeux de certains. C’est aussi une façon de ménager et de servir les véritables responsables de la crise qui continuent de s’enrichir de façon insolente. Alors qu’au contraire les salariés ont besoin d’être unis.

Ceux qui veulent faire porter au syndicalisme la responsabilité des problèmes de notre pays, jouent à un jeu dangereux. Restreindre le rôle et la place du syndicalisme en imposant de nouvelles règles de démocratie sociale, en favorisant la création de pseudo syndicats ou d’associations pour accompagner les décisions patronales ou gouvernementales, ce n’est pas un signe de modernité et cela dessert l’intérêt des salariés.

Il faut d’abord renforcer le rôle et la place des syndicats en faisant respecter une liberté essentielle, le droit de se syndiquer, de militer et de revendiquer sans peur des représailles.

La liberté syndicale fait partie des droits fondamentaux.

Voter est un droit dont beaucoup de citoyens dans le monde, sont privés. C’est la marque de la démocratie, les travailleurs doivent s’en saisir. Les exigences et les choix du peuple doivent être respectés avant, pendant et après les élections. Les salariés doivent être entendus lorsqu’ils se mobilisent, lorsqu’ils revendiquent et qu’ils proposent des alternatives.

Nous refusons d’avoir le choix entre le pire et le moins pire. Nous voulons le meilleur.

Montreuil, le 24 mars 2017

Elections présidentielles: déclaration de la CGT, 24 mars 2017
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24 mars 2017 5 24 /03 /mars /2017 20:26
Le Luxembourg est le paradis fiscal préféré de proches de Macron
 PAR MATHIEU MAGNAUDEIX ET ANTTON ROUGET

Le programme d’Emmanuel Macron est assez taiseux en matière de lutte contre les paradis fiscaux. Est-ce parce qu’il connaît trop bien la « grammaire des affaires » ? Plusieurs de ses proches – membres de la campagne, conseillers ou soutiens – ont eu, en qualité de dirigeant d’entreprise ou pour leur propre compte, des activités transitant par le Luxembourg, paradis fiscal au cœur de l’Europe.

 

Emmanuel Macron a bâti toute sa candidature à la présidentielle sur un principe : ne pas faire de promesses qu'il sait ne pas pouvoir tenir. L'ancien secrétaire général adjoint de l'Élysée, chargé du programme économique de François Hollande en 2012, sait trop combien la promesse du Bourget, non tenue, de domestiquer la « finance » a plombé le quinquennat qui s'achève. Sur ce sujet précis, le programme libéral de l'ancien banquier d'affaires, présenté le 2 mars, alterne entre laisser-faire et modestes intentions régulatrices.

La question de la lutte contre les paradis fiscaux, par exemple, n'occupe que quelques petites lignes dans son programme. L'ancien ministre de l'économie promet d'« alourdir les sanctions » contre la fraude fiscale. Il souhaite faire de la lutte contre l’« optimisation fiscale » des « grands groupes de l’Internet » comme Amazon ou Google, une « priorité » de sa politique européenne.

En réponse à une question posée par Mediapart lors de la conférence de presse organisée pour la présentation de son projet, le fondateur d’En Marche ! a ajouté qu'il n'accepterait « aucun accord commercial qui ne s’accompagne d’un accord d’harmonisation fiscale et de lutte » contre la finance offshore et a indiqué qu'il pousserait « tous les pays membres de l’Europe et a fortiori de la zone euro à éradiquer les traités bilatéraux avec des paradis fiscaux ». Des propositions déjà énoncées en décembre dans Révolution, son livre-programme.

Macron, qui se targue de connaître mieux que les autres la « grammaire des affaires », porte son « pragmatisme » en bandoulière. Il est d'ailleurs bien placé pour savoir que la vie des affaires s'accommode et profite chaque jour de l'existence de règles juridiques et fiscales différentes selon les États. Comme l'attestent plusieurs documents consultés par Mediapart, cinq de ses proches – membres de la campagne, conseillers ou soutiens – ont eu, en qualité de dirigeant d'entreprise ou pour leur propre compte, des activités transitant par le Luxembourg, qui reste malgré la levée du secret bancaire un paradis fiscal au cœur même de l'Union européenne.

Le banquier Christian Dargnat, chargé de la collecte des fonds de la campagne, mais aussi une déléguée nationale d'En Marche !, Françoise Holder, sont concernés. De même que le financier Bernard Mourad et le lobbyiste Mathieu Laine, amis et conseillers d'Emmanuel Macron. Ou le fondateur du site de rencontres Meetic, Marc Simoncini, soutien de la première heure d'Emmanuel Macron, prêt à l'aider « financièrement et médiatiquement » tout en dirigeant une holding dans le Grand-Duché.

Ces activités, si elles sont déclarées au fisc français (ce qui est le cas selon En Marche !), n’ont rien d’illégal. Depuis que le secret bancaire a été levé, le 1er janvier 2015, le Grand-Duché n’est d’ailleurs plus le grand coffre secret permettant l’évasion des riches fortunes. Il reste cependant un point de passage incontournable pour l’optimisation fiscale des entreprises et des entrepreneurs. En 2014, l’affaire LuxLeaks, fruit des révélations du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) sur les « tax rulings » (rescrits fiscaux) pour le compte de 343 multinationales, a démontré le dumping fiscal exercé par le Luxembourg au détriment de ses partenaires européens.

Chargé de la collecte des fonds – plus de 8 millions d'euros déjà recueillis auprès de donateurs anonymes –, mais aussi de la négociation du prêt de plusieurs millions d'euros qu'Emmanuel Macron est en train de contracter en vue du premier tour, Christian Dargnat est un personnage clé de la campagne. Président (bénévole) de l'association de financement d’En Marche !, il a administré pendant six ans un fonds d’investissement au Luxembourg dans le cadre de ses responsabilités à la BNP. Le 25 septembre 2015, Dargnat, alors directeur général de la branche « gestion d’actifs » de la BNP (« BNP Asset management »), a été renouvelé pour un an dans sa fonction d’administrateur de ce fonds d’investissement, « InstiCash », une des plus grosses sicav françaises. Il a démissionné de cette fonction en novembre 2015, avant de rejoindre son champion.

 

« Il ne s’agit pas d’optimisation fiscale mais de flexibilité juridique : le droit luxembourgeois est plus souple, argumente En Marche !. Christian Dargnat était administrateur au titre de ses fonctions, il ne touchait pas de jetons de présence et n’a pas investi un euro dans cette sicav. »

À l’instar de ses concurrents, la BNP ne s’est jamais cachée d’avoir pris la direction du Grand-Duché, par lequel transite de fait une grande partie de l’assurance vie européenne : le Luxembourg offre un réel savoir-faire et une souplesse juridique certaine en termes de conception de fonds d’investissement. Mais il a aussi le mérite de ne quasiment pas taxer les actifs financiers. Comme les révélations Lux Leaks l'ont démontré, le Luxembourg est, grâce aux « tax rulings », un paradis fiscal pour certaines entreprises qui obtiennent du gouvernement des réductions des taux d’imposition sur les revenus de prestations de service de leurs sociétés de gestion de fonds. Ce fut notamment le cas, d'après les documents publiés par l’ICIJ, de la BNP Paribas en 2009 et 2010. Époque pendant laquelle Christian Dargnat occupait déjà des responsabilités au sein de la banque.

Ami d'Emmanuel Macron, Bernard Mourad, ancien numéro deux du groupe Altice dirigé par Patrick Drahi, se retrouve dans une situation assez similaire. Cet ancien de la banque Morgan Stanley se présente comme« conseiller spécial auprès d'Emmanuel Macron » – même si curieusement, En Marche ! assure qu'il n'a pas de rôle officiel dans la campagne.

Bernard Mourad était chargé de l’opération de rachat de SFR par Drahi en 2014. Parmi la myriade de sociétés de télécommunications, câblo-opérateurs et médias du groupe, la holding luxembourgeoise Altice Media Group est chargée des investissements dans la presse. En décembre 2015, lors de l’entrée de la holding de Bruno Ledoux (coactionnaire du quotidien Libération) dans le capital d’Altice Media Group, Bernard Mourad a pris une part dans cette société.

« Il était cadre dirigeant et on lui a proposé de devenir actionnaire du groupe, or les holdings d’Altice sont au Luxembourg, comme c’est souvent le cas dans le cas de LBO[« achat par effet de levier », un type de montage financier très prisé par Patrick Drahi – ndlr], explique En Marche !. Tous ses dividendes ont été intégralement fiscalisés en France. » Bernard Mourad a-t-il cédé cette participation depuis ? Oui, répond l’équipe du candidat, même si les documents luxembourgeois consultés par Mediapart n'ont pas encore été actualisés.

Optimisation

D’autres membres de l’entourage d’Emmanuel Macron ont utilisé la légendaire souplesse juridique luxembourgeoise dans le cadre de la gestion de leurs affaires. C’est notamment le cas de Françoise Holder, déléguée nationale du parti En Marche !, ancienne responsable nationale du Medef et nommée coprésidente du « Conseil de la simplification » lorsque Emmanuel Macron était ministre de l’économie.

Cofondatrice du groupe de boulangeries Paul, elle a participé avec son mari, Francis Holder, au développement de H’Corp, une société anonyme de droit luxembourgeois. Cette holding est une des actionnaires du roi du macaron Ladurée, racheté par le groupe Holder en 1992, et dirigé par son fils David – qui n’est plus résident fiscal français. 

Pour augmenter le capital de H’Corp, Françoise Holder y a investi l’équivalent de 6,3 millions d’euros en 2010, au moyen d'un apport en nature consistant en l’usufruit de 57 444 actions de la SAS Holder qu’elle dirige en France. Des actions quasi instantanément rétrocédées à son fils. Quel est le but de la manœuvre ? Cette question reste sans réponse. « Françoise Holder n’a aucune part dans H’Corp qui appartient à un de ses enfants, s’est contenté d’expliquer En Marche !, malgré nos relances (lire en Boîte noire). Elle ou son ancien mari ne sont impliqués dans aucun schéma d’optimisation fiscale et ne détiennent aucun compte à l’étranger. »

Autre proche d’Emmanuel Macron – il affirme échanger« quotidiennement » avec lui –, Mathieu Laine a lui aussi pris la direction du Luxembourg. Cet économiste et essayiste très libéral, ancien conseiller d’Alain Madelin,prônait il y a quelques mois encore une alliance entre François Fillon et Emmanuel Macron. Propriétaire des cabinets de conseil Altermind et Altermind UK à Paris et Londres, il a fondé en 2013 la holding « Altermind Group » dans le Grand-Duché. Dotée d’un capital de 2,78 millions d’euros, cette dernière a vocation, dit-il, à« faciliter l’internationalisation » de ses activités « dans un environnement juridique et fiscal stable et incitatif  ».

Ce montage permet-il de drainer vers le Luxembourg une partie de ses revenus tirés de ses activités dans l’Hexagone ? « Altermind France paie évidemment tous les impôts liés à son activité en France », répond l’économiste. Résident fiscal au Royaume-Uni depuis 2013, il juge que « la structure de [ses] sociétés n’implique aucune optimisation fiscale particulière au regard de la fiscalité française ».

Il est aussi question de millions d’euros avec Marc Simoncini. Le patron du site de rencontres Meetic, tête de proue de la French Tech tant vantée par Emmanuel Macron, est un fervent supporter de l’ancien ministre, qu’il a promis de soutenir « au maximum», « financièrement et médiatiquement ».

Simoncini dirige dans le Grand-Duché la société « Oxley Properties » depuis 2010. En avril 2011, son mandat d’administrateur a été renouvelé pour six ans. Cette coquille, rapatriée des îles Vierges britanniques vers le Luxembourg, est en réalité la maison mère du célèbre opérateur français de poker en ligne Winamax, que Simoncini a racheté en 2010 avec Alexandre Roos et Christophe Schaming, deux des fondateurs de la messagerie Caramail chère aux internautes de la fin des années 1990. Joueur de poker réputé, le chanteur Patrick Bruel a lui aussi investi dans la holding, comme l’avait révélé L’Express en 2012. « En soi, cette localisation n’est pas illégale, mais ses bénéficiaires peuvent ainsi échapper à l’impôt français », écrivait alors l’hebdomadaire, estimant que « ce montage a déjà permis à Bruel et à ses associés de placer jusqu’à 1,14 million deuros au Luxembourg ».

 

Interrogé à l’époque par l’AFP, le président de Winamax, Alexandre Roos, avait assuré :« Nous payons tous nos impôts [sur le revenu et ISF] en France, où nous vivons. »Avec 400 000 joueurs et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, la plate-forme de poker en ligne est aujourd’hui le leader incontesté du marché français. Soucieux de se diversifier, Winamax a également investi le marché des paris sportifs en juin 2014.« Winamax a été créée à l’époque où le poker en ligne n’était pas encore légal en France », explique En Marche ! pour justifier l’activité de la holding luxembourgeoise. Mais force est de constater qu’« Oxley Properties » existe toujours…

Pour toutes ces activités, l’équipe d’En Marche ! rappelle leur caractère légal et déclaré. Elle réfute le terme d’« optimisation fiscale », préférant parler du Luxembourg comme d’une place financière où règnent sécurité juridique et stabilité fiscale. L’argument paraît recevable pour les fonds type sicav – la situation de Christian Dargnat –, mais il l’est moins dans le cas de holdings personnelles : si le Grand-Duché n’est plus la boîte noire qu’il fut, il reste fiscalement avantageux d’y localiser des montages financiers. « Le maintien d’une certaine compétitivité, loyale, entre les États dans le domaine fiscal est indispensable », justifiait d’ailleurs Pierre Gramegna, le ministre des finances luxembourgeois, au moment des LuxLeaks. Cette tradition, Emmanuel Macron ne semble guère pressé de la bousculer.

 

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23 mars 2017 4 23 /03 /mars /2017 19:41
Macron et Hollande

Macron et Hollande

Étroitement associé à la politique économique du président François Hollande, le candidat du mouvement En marche ! se présente pourtant comme un homme « hors système », loin des partis et des coteries. Cautionnée par la presse, la métamorphose de M. Emmanuel Macron en évangéliste politique masque mal la trajectoire banale d’un technocrate dont l’entregent lui a permis de brûler les étapes.

 
Michel Herreria. — « L’Os de la parole », 2009

Ce 17 mars 2015, l’agenda de M. Emmanuel Macron s’annonce chargé. À 7 h 45, la revue Politique internationale attend le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique pour un petit déjeuner-débat. Au menu : exposé face à un aréopage de patrons, de diplomates et de responsables politiques. Une heure plus tard, direction Bercy. Le ministre participe à l’ouverture d’une conférence sur les dispositifs publics de soutien à l’exportation, où se mêlent hauts fonctionnaires et dirigeants du privé, avant de s’entretenir avec les sénateurs socialistes au sujet de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Vers 13 h 15, il retrouve les convives du Cercle Turgot pour un déjeuner-débat. Le président en exercice de ce think tank, M. François Pérol, patron du groupe Banque populaire – Caisse d’épargne (BPCE), l’accueille : « Bienvenue, Emmanuel. Tu arrives juste du Sénat. Y a-t-il trop d’articles à ton projet de loi ? Comme on disait en d’autres temps, trop de notes s’agissant de la musique de Mozart ? » Pareil hommage tient en partie de l’autocélébration, tant la carrière de M. Macron ressemble à celle de M. Pérol : fils de médecin, énarque, passé par l’inspection des finances, par la banque Rothschild et par les services de l’Élysée. Le ministre a vite fait d’emballer financiers, journalistes et autres cadres, qui l’intronisent membre d’honneur de leur cercle. Après les questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, M. Macron s’attarde pour un long entretien avec M. Pierre Gattaz, président du Mouvement des entreprises de France (Medef). Puis, Saint-Patrick oblige, il reçoit M. Richard Bruton, son homologue irlandais.

Une succession d’apparitions brèves dans les sphères du pouvoir, avec la volonté de faire forte impression à défaut de laisser une empreinte profonde : ce 17 mars 2015 résume à bien des égards la trajectoire du candidat à l’élection présidentielle française.

Il se rêvait normalien, il atterrit à Sciences Po. Là, l’historien François Dosse le présente en 1999 au philosophe Paul Ricœur, qui cherche une petite main pour achever le manuscrit de La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli (1). Cette collaboration ouvre à l’étudiant les portes d’Esprit, revue intellectuelle française proche de la « deuxième gauche » qui soutint par exemple le plan de réforme de la Sécurité sociale du premier ministre Alain Juppé en 1995. Il y théorise sa conception de l’exercice du pouvoir : « Le discours comme l’action politique ne peuvent plus s’inscrire dans un programme qu’on proposerait au vote et qu’on appliquerait durant les cinq années du mandat (2).  » Au politique, il faudrait, selon lui, un horizon plutôt qu’un catalogue de mesures. C’est auprès de piliers de la « deuxième gauche » qu’il trouve l’idéologie donnant sens à son engagement.

Sous le fouet de la sainte concurrence

Énarque stagiaire dans l’Oise à l’automne 2002, M. Macron se lie d’amitié avec Henry Hermand. Enrichi dans l’immobilier commercial, l’homme d’affaires (décédé en 2016) a été l’une des figures tutélaires et nourricières d’une gauche chrétienne et « anti » : anticommuniste, anticolonialiste et antijacobine (3). Puis, en 2007, le chef de l’inspection des finances, M. Jean-Pierre Jouyet, débauché par M. Nicolas Sarkozy pour le secrétariat d’État chargé des affaires européennes, présente ce jeune homme prometteur à M. Jacques Attali.


L’ancien conseiller de François Mitterrand, qui préside la commission pour la libération de la croissance, le nomme rapporteur général adjoint. On discerne en sourdine dans le document final cette volonté de dépasser des clivages ordinaires que le candidat vocifère désormais sur toutes les estrades. « Ceci n’est ni un rapport, ni une étude, mais un mode d’emploi pour des réformes urgentes et fondatrices. Il n’est ni partisan ni bipartisan : il est non partisan. » Les « non-partisans » de la commission pourfendent « la rente (…) triomphante : dans les fortunes foncières, dans la collusion des privilégiés, dans le recrutement des élites » (4) et défendent un projet de société fondé sur la concurrence et la déréglementation.

Ces esprits inspirés ne se contentent pas de recommander la réorientation massive de l’épargne des Français vers les marchés d’actions six mois avant l’effondrement financier de 2008. La mise en concurrence généralisée revient à opposer entre elles des fractions des classes populaires : fonctionnaires et salariés du privé, artisans taxis contre chauffeurs Uber. Une telle vision du monde sied bien à un fringant inspecteur des finances qui, outre le comité de rédaction d’Esprit, qu’il intègre, fréquente des cénacles sociaux-libéraux et partisans de la construction européenne telle qu’elle se fait, comme En temps réel ou les Gracques. Le premier se présente comme un « lieu de rencontre entre acteurs publics et privés soucieux de confronter leurs expériences et analyses, (…) dédié à la construction de puissantes bases intellectuelles d’un agenda réformiste ». Le second proclame que le marché « est le moyen de remettre en cause les situations acquises, les privilèges et les rentes ».

La rente sociale de M. Macron, elle, reste à l’abri des grands vents de la « modernité ». En 2008, M. Xavier Fontanet, alors président d’Essilor, M. Serge Weinberg, ancien conseiller de M. Laurent Fabius, président du fonds Weinberg Capital Partners, M. Jean-Michel Darrois, avocat d’affaires, et M. Alain Minc — le seul à ne pas avoir été membre de la commission Attali — le recommandent auprès de la banque Rothschild. Son ascension y sera fulgurante, grâce à un marché conclu en 2012 pour le compte de Nestlé, dont le président, M. Peter Brabeck-Letmathe, avait participé à ladite commission.


M. Attali a présenté M. Macron à M. François Hollande en 2010, lorsque celui-ci ne dirigeait plus le Parti socialiste (PS) et que M. Dominique Strauss-Kahn ou Mme Martine Aubry semblaient assurés de jouer les premiers rôles aux primaires de 2011. Le jeune trentenaire coordonne pour le futur président le travail d’économistes comme Philippe Aghion (encore un membre de la commission Attali). Après la victoire de 2012, M. Attali et M. Jouyet — revenu de son aventure sarkozyste et à nouveau intime de M. Hollande — appuient sa candidature au poste de secrétaire général adjoint de l’Élysée, chargé des questions économiques.

En 2014, c’est encore M. Jouyet qui, en sa qualité de secrétaire général de l’Élysée, annonce la nomination de son protégé au ministère de l’économie. « C’est quand même exaltant, à cet âge-là, d’avoir en charge l’économie, les entreprises, l’industrie, tout ça, lui explique-t-il au téléphone juste après l’annonce du remaniement. Tu te rends compte, le numérique, tout ce que j’aurais aimé faire ! Je pensais, quand même, à l’inspection des finances, être le maître, maintenant, c’est toi qui vas être le maître (5).  » Le nom du jeune prodige sera vite associé à une loi qui promeut le bus plutôt que le train, à l’ouverture dominicale des commerces et au travail de nuit. Il assouplit les règles des licenciements collectifs et hâte la privatisation de la gestion d’aéroports régionaux.


À ce stade d’une trajectoire de météore, on distingue déjà l’épure d’un style : être introduit dans une institution de pouvoir par un influent pygmalion, n’y passer que le temps nécessaire à la constitution d’un dense réseau de relations, puis recommencer à un poste d’un prestige supérieur. M. Macron ne restera pas plus longtemps à Bercy qu’à l’inspection des finances, chez Rothschild ou au secrétariat de la présidence : moins de trois ans. Quand il lance à 38 ans, en avril 2016, son mouvement En marche !, il mobilise les contacts accumulés à chaque étape de sa carrière.

À Sciences Po, où il enseigna à sa sortie de l’École nationale d’administration (ENA), M. Macron se lie d’amitié avec M. Laurent Bigorgne. C’est à l’adresse privée de ce dernier qu’il domiciliera En marche ! Fin 2010, M. Bigorgne devient directeur général de l’Institut Montaigne. Du très libéral institut, le candidat débauchera Mme Françoise Holder, codirectrice du groupe du même nom (boulangeries Paul et pâtisseries Ladurée), et recourra un temps aux services de l’agence de communication, Little Wing. Il ne boude pas pour autant les think tanks de l’autre bord politique : il est proche de M. Thierry Pech, ancien cadre de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et directeur général de la fondation Terra Nova, proche du Parti socialiste.

D’anciens membres de la commission Attali se mettent aussi « en marche ». L’essayiste Erik Orsenna était au premier rang pour le lancement du mouvement à la Mutualité (La Tribune, 31 août 2016). La rapporteuse de la commission, Mme Josseline de Clausade, passée du Conseil d’État à la direction du groupe Casino, M. Jean Kaspar, ancien secrétaire général de la CFDT désormais consultant en stratégies sociales, M. Darrois ainsi que M. Stéphane Boujnah, président d’Euronext, la société qui gère les Bourses d’Amsterdam, Bruxelles, Lisbonne et Paris, ont fait le déplacement pour le premier grand meeting de campagne, le 10 décembre 2016, à la porte de Versailles. C’est d’ailleurs M. Boujnah, ancien « DSK boy », vice-président d’En temps réel, qui aurait présenté à M. Macron l’homme qui désormais lève des fonds pour sa campagne présidentielle : M. Christian Dargnat. Cet ancien patron de la gestion d’actifs de BNP Paribas et du Crédit agricole a également présidé le comité « Monnaies et système monétaire international » du Medef de 2010 à 2013. Le patron du cabinet de conseil Accenture, M. Pierre Nanterme, autre ancien de la commission Attali et de la direction du Medef — sous la présidence de Mme Laurence Parisot —, a déclaré avoir versé 7 500 euros (le plafond autorisé) à En marche ! (Les Échos, 27 janvier 2017).

Côté syndical, outre M. Kaspar, la connexion macronienne se nomme Pierre Ferracci. L’homme a transformé le cabinet d’expertise Secafi, proche de la Confédération générale du travail (CGT), en un groupe spécialisé dans le conseil aux syndicats, aux représentants du personnel et aux directions d’entreprise, le groupe Alpha. Son fils Marc et sa belle-fille Sophie occupent une place importante dans la garde rapprochée du candidat. Témoin de mariage du couple Macron, le premier est professeur d’économie, chercheur associé à la chaire « Sécurisation des parcours professionnels » que cofinancent à Sciences Po le groupe Alpha, la société de travail intérimaire Randstad, Pôle emploi et le ministère du travail. Avocate d’affaires, la seconde fut cheffe de cabinet du ministre à Bercy avant d’intégrer son équipe de campagne.

D’autres anciens membres du cabinet ministériel ont rallié En marche ! Son directeur (6), M. Alexis Kohler, qui a rejoint la direction financière du deuxième armateur mondial, MSC, continue de conseiller M. Macron, quand son adjoint, M. Julien Denormandie, se consacre à temps plein à la campagne. Tous deux sont passés par le cabinet de M. Pierre Moscovici, aujourd’hui commissaire européen.

Le conseiller chargé de la communication et des affaires stratégiques de M. Macron à Bercy, M. Ismaël Emelien, fait appel à des entreprises spécialisées dans la collecte et l’analyse de données de masse afin de caler l’« offre » politique sur les desiderata des électeurs (Le Monde, 19 décembre 2016). Le porte-parole d’En marche !, M. Benjamin Griveaux, ne faisait pas partie de son cabinet ministériel, mais il cumule les propriétés de ses jeunes membres : surdiplômé — École des hautes études commerciales (HEC) de Paris, Sciences Po —, formé au sein de la droite du PS (auprès de MM. Strauss-Kahn et Moscovici), passé par un cabinet ministériel (celui de Mme Marisol Touraine). En outre, il a exercé des mandats électoraux (à Chalon-sur-Saône et dans le département de Saône-et-Loire), tout comme le secrétaire général d’En marche !, le député et conseiller régional du Finistère Richard Ferrand, ancien directeur général des Mutuelles de Bretagne.

Héritier de la noblesse d’État

Ainsi l’homme qui se présente comme neuf, sans passé et sans attache incarne-t-il, tant personnellement que par son entourage, l’héritage cumulé de la noblesse d’État (Bercy), de l’expertise et de la haute finance : le noyau du « système », en somme, que sanctionne son appartenance au club Le Siècle.

Trente ans après que M. Hollande, M. Jouyet et quelques autres caciques socialistes ont proclamé que « la gauche bouge (7)  », la vieille garde et les Jeunes-Turcs de M. Macron rejouent l’éternelle histoire du modernisme : un homme situé au-dessus des partis qui agrège les bonnes volontés, les compétences techniques et les méthodes dernier cri pour piloter le pays. Dès lors, l’essentiel n’est pas d’avoir un programme. C’est de rassembler, de la droite de la gauche (par exemple M. Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, connu pour sa sollicitude envers la hiérarchie catholique) à la gauche de la droite (comme la députée européenne Sylvie Goulard, auteure de l’inénarrable L’Europe pour les nuls).


C’est surtout de pouvoir compter sur l’appui d’individus influents, tel M. Jean Pisani-Ferry, ancien commissaire général à la stratégie et à la prospective, et sur les nombreux experts qu’il draine dans son sillage. Cet ancien conseiller de M. Strauss-Kahn et de M. Jouyet sait pourtant l’inconvénient d’un tel positionnement. Peu après le « Brexit », il constatait : « Nous sommes les experts, ceux que 52 % des Britanniques détestent » (Le Figaro, 4 juillet 2016). Il faudra à M. Macron beaucoup de charisme pour maintenir l’illusion qu’il appartient à l’autre camp. Lui suffira-t-il de croiser le mythe pompidolien du banquier lettré sachant conduire les affaires avec le fantasme giscardien du jeune homme progressiste ?


François Denord & Paul Lagneau-Ymonet

Sociologues. Auteurs de l’ouvrage Le Concert des puissants, Raisons d’agir, Paris, 2016.

[Source : Le Monde Diplomatique]


(1) Marc Endeweld, L’Ambigu Monsieur Macron, Flammarion, Paris, 2015.

(2) Emmanuel Macron, « Les labyrinthes du politique. Que peut-on attendre pour 2012 et après ? », Esprit, Paris, mars-avril 2011.

(3) Vincent Duclert, « La deuxième gauche », dans Jean-Jacques Becker et Gilles Candar (sous la dir. de), Histoire des gauches en France, vol. 2, XXe siècle : à l’épreuve de l’histoire, La Découverte, Paris, 2004.

(4) Commission pour la libération de la croissance française présidée par Jacques Attali, 300 décisions pour changer la France, XO Éditions – La Documentation française, Paris, 2008.

(5) Yves Jeuland, À l’Élysée, un temps de président, documentaire diffusé sur France 3 le 28 septembre 2015.

(6) Les rôles de directeur et de chef de cabinet ne se confondent pas, le second assumant plutôt des fonctions d’organisation.


(7) Jean-François Trans (pseudonyme collectif), La gauche bouge, Jean-Claude Lattès, Paris, 1985.

 
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23 mars 2017 4 23 /03 /mars /2017 16:20

Hamon-Mélenchon: une victoire, pas deux défaites! Ne laissons pas MACRON, FILLON OU LE PEN gagner! 

Frédéric Boccara

Face au blitzkrieg des droites,
Union – action – plate-forme commune

Chacune des trois droites (F. Fillon, M. Le Pen, E. Macron) programme un blitzkrieg pour recomposer notre pays en phase avec le nouvel ordre que cherche  le capital financier et qu’il n’arrive toujours pas à trouver. Référendum dans la foulée pour l’une, ordonnances en quelques mois pour les deux autres (avec plus de flou chez Macron). Dans tous les cas : profiter d’une tétanisation post-élection pour assommer le mouvement populaire et engager une révolution conservatrice.

Tous les trois cherchent, de façon différente, à répondre aux défis nouveaux révolution informationnelle et numérique, nouvelle phase de la mondialisation (Trump, Chine, Brexit, migrations, militarisation), crise écologique au service du capital financier. F. Fillon s’appuie sur une base sociale traditionnelle, ultra-conservatrice sur les « valeurs » qu’il utilise pour rassurer certains sur le « sociétal », il programme un choc de compétitivité anti-social au service des profits et un enrôlement renforcé dans la guerre économique avec une intégration politique et économique accrue autour de la zone euro au sein d’un pôle eurasien, et avec une militarisation accentuée. M. Le Pen utilise le prétendu « coût de l’immigré » pour masquer le coût du capital, détourner la colère populaire face à l’insuffisance des services publics, aux délocalisations et au chômage, et faire l’Union sacrée nationale derrière le patronat pour une guerre économique renforcée. E. Macron conjugue un appui sur le grand capital et sur les couches moyennes supérieures (cadres supérieurs et aspirants patrons) par un discours chatoyant sur l’entreprise et sur la modernité technologique et sociétale (lui pourtant si ambivalent sur les étrangers vivant en France), pour effectuer lui aussi un choc de compétitivité anti-social, mais dans une fuite en avant fédéraliste vers une intégration européenne atlantiste et un condominium européen de quelques gouvernements au service des grandes multinationales financières.

Face à cela, les enjeux d’une gauche de contenus sont aigus, fondamentaux, pour relever les défis objectifs que le capital financier prétend relever. Mais comment s’attaquer à ces enjeux si, à la présidentielle, la gauche est éliminée dès le premier tour ?

M. Valls battu, cela change la donne. Une plateforme politique est encore possible. On peut partir d’un certain nombre d’objectifs sociaux et écologiques qui sont communs : le rejet de la loi El Khomri, un revenu pour chacun, une émancipation du travail, une nouvelle culture écologique pour une nouvelle production et une nouvelle consommation, le développement des services publics et sortir de l’austérité jusqu’au niveau européen, l’antiracisme et le refus du rejet de l’Autre. L’accord affirmerait que l’enjeu consiste en la conquête de nouveaux pouvoirs sur des moyens financiers au service de ces objectifs, qui doivent être eux-mêmes suffisamment ambitieux. C’est le triptyque fondamental objectifs sociaux et écologiques/moyens sur l’argent/pouvoirs nouveaux qu’a toujours rencontré la gauche ; soit lors de ses échecs (le « Mur de l’argent » durant le cartel des gauches, les « 200 familles » de la Banque de France lors du Front populaire, la « dictature de la finance » depuis 1982-83) ; soit lorsqu’elle a réussi en les affrontant victorieusement (notamment à la Libération).

Ce type d’accord serait une base donnant sens à une unité pour la présidentielle, avec une pluralité de candidatures aux législatives et une conception de l’union pluraliste, reposant sur l’autonomie d’action créatrice de ses composantes et la primauté à l’intervention populaire.

Cette unité est possible dans un débat à gauche, avec des propositions précises. Le débat de la Bellevilloise du 28 février l’a montré. Intitulé La finance est (toujours) notre ennemi, il a rassemblé les 5 formations de gauche pour cette présidentielle (Verts, PS, France insoumise, Ensemble, PCF) ... Parallèlement, un appel à l’unité a été signé en quelques jours par plus de 5 000 personnes. Intitulé Rassemblement à gauche : urgence, il est initié par des citoyens aux engagements différents (syndicalistes, intellectuels, artistes, responsables du PS, responsables du PCF, nationaux et fédéraux, élus...). Il propose 8 points précis avec des éléments de convergence et de débat : Emploi, travail, salaires ; Protection sociale ; Services publics ; Écologie ; Argent ; Europe ; Démocratie ; Egalité et Justice.

Rien n’est donc joué. Il est encore possible de conjurer la catastrophe. Nous refusons la « politique du pire ». C’est la ligne constante des communistes français depuis 1934, qu’ils ont réaffirmée à 94 % pour cette présidentielle en continuant « d’agir jusqu’au bout pour parvenir à une candidature commune et empêcher la victoire de la droite et de l’extrême droite ». Car s’unir, ce serait lancer une dynamique nouvelle, qui peut mener loin.

Il est indispensable de porter des contenus précis dans les deux campagnes : présidentielle et législatives. C’est le moyen de tenir la gauche debout, avec des idées communistes debout et renouvelées, un parti communiste debout en cette année 2017. C’est le moyen de contrer les idées de renonciation, de collaboration avec le grand capital financier ou de rejet de l’Autre. Et ceci, en prenant au sérieux les défis de nouveauté portés par les révolutions informationnelle, écologique, monétaire, démographique et militaire.

C’est le moyen d’unir le plus largement ceux qui souffrent, jusqu’aux élections législatives où peut se manifester une union d’un type nouveau à gauche pour appuyer des candidats présentés par le PCF dans une démarche ouverte, pour battre aussi bien l’extrême droite et la droite que la gauche de renonciation ou que le gauchisme. Ce dernier tend à stériliser la radicalité, à l’enfermer et à conforter ainsi la division, donc la pôle position de Macron, en refusant au nom du « tout ou rien » tout type d’alliance à gauche.

Pourtant, la radicalité est plus nécessaire que jamais. Car ce qui est à l’ordre du jour, ce n’est pas de mettre des digues ou des barrières au capitalisme hyper-financiarisé actuel, mais bien d’engager concrètement le dépassement du capitalisme et du néolibéralisme, pour aller vers une civilisation de partages pour chacun.e, commune à toute l’humanité. Bref, une radicalité en prise sur le réel et non de simple posture. Farfelu ? Loin de là. La social-démocratie est profondément en crise parce que l’ordre du jour est de dépasser le capitalisme. Les gens le sentent bien. C’est pourquoi il serait fou de parier sur une recomposition sociale-démocrate de la gauche, vers une sorte de parti socialiste d’avant 1914, même avec un courant communiste ou marxiste. La recomposition de la gauche se fera sur des idées, et avec une grande dose de communisme autogestionnaire, pour chacun.e. Elle demande un PCF épanoui, autonome, ressourcé dans les luttes du monde du travail et de la société. Un PCF moderne, qui n’a pas peur d’être lui-même. Ce ne sera pas facile, mais nous n’avons pas le choix.

En économie politique, dépasser le capitalisme, c’est relever le défi d’une nouvelle efficacité et se libérer, pour cela, de la domination du capital financier. C’est ce que partagent différents amis d’Économie & Politique à l’étranger que nous avons pu rencontrer ces derniers mois dans leur pays ou en France : Chinois, Russes, Italiens, Brésiliens, équatoriens ou Cubains.

Cette approche peut permettre de construire des majorités autour d’idées, de propositions radicales et réalistes à la fois. La dernière en date s’est formée au Conseil économique social et environnemental autour de l’avis adopté pour « Le financement des PME/TPE au service de l’emploi et de l’efficacité », avis que j’ai présenté. Seul le MEDEF l’a rejeté, avec son satellite CGPME, tandis que la CFDT s’abstenait et que tous les autres groupes l’ont appuyé par un vote positif, toutes les autres confédérations syndicales mais aussi les artisans ou les professions libérales.

Alors portons l’unité et les contenus indissociables, avec un Parti communiste debout et des idées communistes dans la présidentielle et les législatives, pour ouvrir une nouvelle voie, desserrer l’étau, et surtout être utiles à tous et à notre monde. Nous vivons des « temps déraisonnables » où l’on prend « les loups pour des chiens », mais « quand les blés sont sous la grêle / fou qui fait le délicat / fou qui songe à ses querelles au coeur du commun combat ».

Fréderic Boccara

Frederic Boccara

Frederic Boccara

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22 mars 2017 3 22 /03 /mars /2017 20:27

 Rassemblement Paris
http://www.humanite.fr/videos/les-collectifs-anti-linky-interpellent-les-candidats-la-presidentielle-633741

Et on va leur faire confiance .... ?????
https://blogs.mediapart.fr/andre-locussol/blog/220317/engie-condamne-refuser-linky

https://reporterre.net/Face-aux-methodes-brutales-pour-imposer-le-compteur-Linky-la-resistance-grandit

 

Lire aussi sur le Chiffon Rouge: 

Un déploiement des compteurs Linky qui pose de sérieuses questions et suscite des oppositions fondées

Compteurs Linky: voeu présenté par l'opposition de gauche à Morlaix au Conseil Municipal du jeudi 16 mars 2017 à 18h30

Et le voeu présenté par l'opposition de gauche à Morlaix à l'initiative de Ismaël Dupont, voté par 9 élus (les 8 élus de gauche plus une élue de la majorité d'Agnès Le Brun): 

Voeu présenté au Conseil Municipal de Morlaix du jeudi 16 mars 2017 par Jean-Philippe Bapcérès Elisabeth Binaisse, , Jean-Pierre Cloarec, Ismaël Dupont, Hervé Gouédard, Sarah Noll, Valérie Scattolin, Jean-Paul Vermot

Des compteurs Linky qui interrogent et inquiètent: la nécessité d'une information du citoyen et d'un débat contradictoire.

Vu l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales ;

Vu l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales ;

Vu l’article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales ;

 

ENEDIS a entrepris en décembre 2015 l'installation sur le territoire national des compteurs « Linky » dits compteurs communicants parce qu'ils possèdent la faculté de transmettre à distance les relevés de consommation. Le remplacement des compteurs actuels est inscrit dans la loi de transition énergétique du 18 août 2015, transposition en droit français d'une directive européenne (2009/72/CE). D'ici à 2021, plus de 80 % des abonnés pourraient être équipés du « Linky ».

À Morlaixdes usagers ont été informés que leur mise en place pourrait se faire à compter du deuxième semestre de cette année.

Le remplacement du parc sur l'ensemble du territoire représente une dépense de 5 milliards d'euros pour 35 millions de compteurs installés, avec une durée de vie très limitée (7 à 15 ans). En considération du coût énorme d'une telle entreprise, l'Allemagne a fait le choix de renoncer à l'adoption systématique de ce système (l'obligation n'est applicable qu'aux gros consommateurs d'électricité), suivant les conclusions d'une étude qui indique que l'adoption massive des nouveaux compteurs n'est pas dans l'intérêt du consommateur allemand.

En France un nombre croissant de communes, prenant appui sur leur statut d'autorité organisatrice de distribution d'électricité, contestent la nécessité du remplacement des compteurs existants. À ce jour plus de 300 collectivités, pour des motifs économiques, sociaux, environnementaux et éthiques, ont pris position par un vote de leur assemblée délibérante contre l'installation des compteurs « Linky ».

Nous proposons d'adopter nous aussi un vœu contre le déploiement àMorlaix des compteurs connectés « Linky » en lieu et place des équipements existants .

Considérant que les compteurs électriques relèvent du domaine public de la commune,

Considérant que les communes ont pour vocation de servir l'intérêt général, et que le programme de compteurs communicants, au contraire, s'insère dans une logique de dérégulation de la fourniture d'électricité et vise à favoriser les intérêts privés ;

Considérant que l'exploitation de ces compteurs conduira à la suppression de plusieurs milliers d'emplois (4000 à 6000 selon les études), principalement d'ingénieurs et de techniciens chez ENEDIS, mais également dans les PME sous-traitantes ;

Considérant qu'il est économiquement et écologiquement non justifié de se débarrasser des compteurs actuels alors qu'ils fonctionnent et ont une durée de vie importante, que le coût de cette opération, exorbitant au regard du service rendu, sera à terme répercuté sur la facture de l'usager ;

Considérant que le compteur « Linky » rend possible la coupure de courant à distance et la réduction de puissance, comme l'augmentation automatique des tarifs de l'abonnement si constat d'une consommation supérieure, sans contact humain avec l'usager ;

Considérant que Linky émet un rayonnement électromagnétique du courant porteur en ligne (CPL) et que le Centre international sur le cancer a classé les ondes des radiofréquences comme « cancérigènes possible », de sorte que le principe de précaution devrait s'appliquer ;

Considérant que ce système fait peser un risque sur la confidentialité des données et donc sur la protection de la vie privée ;

Considérant que le compteur communicant n'apporte pas d'avantage significatif du point de vue du service rendu à l'usager, qu'il ne lui permet pas d'évaluer sa consommation énergétique poste par poste, et donc de mettre en œuvre une véritable démarche d'économie d'énergie ;

Considérant que le modèle « Linky » est déjà dépassé, qu'il existe, par exemple, des dispositifs connectés permettant de piloter des appareils électriques ;

Considérant que la dépense générée par ce programme à l'échelle nationale, pourrait être consacrée plus utilement à d'autres investissements, notamment dans le développement des énergies renouvelables ;

Considérant l'article L.322-4 du code de l'énergie qui dispose que les ouvrages et réseaux publics de distribution appartiennent aux Autorités Organisatrices de Distribution (AOD) ;

Le Conseil Municipal, après en avoir délibéré, et avant de se prononcer sur le bien fondé de l'installation des compteurs « Linky » sur le territoire de la commune de MORLAIX et du déclassement des compteurs électriques existants, appelle à l’organisation d’un débat contradictoire afin que chaque citoyen puisse se faire un avis éclairé .

 

Agnès Le Brun sur les compteurs Linky: "on ne peut pas s'opposer à leur installation" (Le Télégramme, samedi 18 mars)

 

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22 mars 2017 3 22 /03 /mars /2017 07:27
Ensemble, construisons une majorité de progrès social! La France en Commun: clip de campagne des candidats PCF-Front de Gauche: en 2017, l'Humain d'abord!
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