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29 août 2015 6 29 /08 /août /2015 06:12

Israël et territoires occupés : le désengagement de Veolia, une vraie victoire

http://www.france-palestine.org/Israel-et-territoires-occupes-le-desengagement-de-Veolia-une-vraie-victoire

La nouvelle est confirmée : Transdev, filiale de Veolia environnement et de la Caisse des dépôts, vient de céder toutes ses participations dans le tramway de Jérusalem à des investisseurs israéliens, qu’il s’agisse de sa participation de 5% dans le consortium propriétaire des équipements ou de l’opérateur du tramway, Connex Jérusalem, dont elle était actionnaire à 100%. Ainsi se concrétise le désengagement annoncé de Veolia du marché israélien et des territoires occupés. Il n’y a plus désormais aucune participation française dans cette infrastructure coloniale puisqu’Alstom avait lui-même dû revendre ses 20% de participation dans Citypass en août 2013 à des investisseurs israéliens. C’est un signe significatif de l’isolement international d’Israël auquel conduit la colonisation.

L’AFPS a chèrement payé le combat politique et judiciaire mené depuis 2007 aux côtés de l’OLP contre la participation de Veolia à la colonisation, en particulier avec sa participation au tramway colonial de Jérusalem. Elle apprécie d’autant plus la portée de ce retrait qui constitue une vraie victoire pour l’ensemble du mouvement international Boycott Désinvestissement Sanctions et pour tous ceux, à travers le monde, qui défendent le droit international.

Nous constatons qu’il n’a pas été simple pour Veolia de mener à terme son projet de désengagement de l’ensemble de ses activités du marché israélien. Ce retrait risque de s’avérer fort coûteux pour l’entreprise qui avait fait un bien mauvais choix en investissant dans un projet qui violait le droit international. On l’a vu aussi tout récemment avec Orange, le désengagement, fût-il pour une simple licence de marque, a toujours un coût.

Les entreprises françaises doivent en tirer toutes les leçons. Investir en effet sur un marché où sont massivement violés droits de l’homme et droit international comporte des risques graves tant du point de vue juridique qu’en terme d’image et de communication. Le gouvernement français doit faire passer avec plus de force un message clair aux entreprises : tout investissement qui participe, même indirectement, à la colonisation viole le droit international et les conventions de Genève et doit être proscrit.

Israël et territoires occupées: le déménagement de Véolia, une vraie victoire (communiqué AFPS)
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28 août 2015 5 28 /08 /août /2015 11:31

Un fort courant travaille EELV pour se démarquer de la ligne néo-libérale- sécuritaire du gouvernement VALLS-HOLLANDE qui n'a rien fait de sérieux pour l'écologie depuis des années, et pour chercher à construire des alliances contre l'austérité, sur le modèle de la coalition Syrisa, et avec le Front de Gauche notamment, plusieurs alliances étant sur le point d'être conclues dans des régions en vue des régionales de décembre prochain...

C'est un réel espoir pour les électeurs et les militants de gauche qui n'en peuvent plus de l'arrogance et du caractère réactionnaire de la politique de Hollande, Valls et Macron.

Celui de s'unir dans la gauche de gauche pour tenter de passer devant le PS aux Régionales par endroit, et peut-être aussi, rêvons un peu, devant le PS aux Présidentielles, avec bien sûr un risque réel aussi que le FN accède au second tour, risque qui existe de toute façon quoiqu'il arrive, du fait des conséquences catastrophiques et du caractère anti-démocratique de la politique de François Hollande, qui a trahi dans les grandes largeurs ses promesses faites à l'électorat populaire en 2012.

Celui de se rassembler à la gauche du PS au moins pour contester l'hégémonie du PS sur la gauche, parti qui comporte un certain nombre de militants aux idées de gauche mais aussi des dirigeants qui mènent sans état d'âme une politique de droite, et une politique de classe au service du capital.

Mais tout le monde ne l'entend pas de cette oreille à EELV... Jean-Vincent Placé et François de Rugy, les ci-devants députés irremplaçables qui ne doivent soi-disant rien à leur parti pour leur élection, mais en réalité tout au PS qui leur a laissé la place en 2012, ont décidé de franchir le Rubicon en affichant clairement leur raison:

- Se battre contre la politique de Hollande et de Valls en tentant l'association avec le Front de Gauche pour combattre la politique des austéritaires et des socio-libéraux, c'est être "gauchiste".

- Si la gauche doit conserver et conquérir le pouvoir, c'est forcément derrière le PS et ses dirigeants qui ne rendent plus aucun compte à leur parti et mènent une politiquement diamétralement opposée à ce qu'est la nature du socialisme.

- Il fait plus chaud du côté de la force. Etre réaliste, c'est être du bon côté du manche. Les autres sont des rêveurs, nous on sait pourquoi on fait de la politique, c'est pour en bouffer.

- Si on quitte EELV et milite pour que les écologistes fassent d'Hollande leur candidat de 1er tour aux prochaines présidentielles, il y a des bonnes places à prendre: un petit accessit ministériel, plus de probabilité d'être réélu en 2017 à l'ombre du PS qui saura se montrer reconnaissant.

Et voilà nos deux petits toutous qui rejoignent la niche socialiste... Bon débarras, penseront certains. Cela donnera peut-être encore plus de force à l'intérieur des Verts à ceux qui veulent s'allier au Front de Gauche.

Et pendant ce temps, Emmanuel Macron, l'Ange de la désolation pour les travailleurs, l'homme au beau sourire de tueur pour les gens de peu, celui que l'on façonne dans les belles écoles de l'élite bourgeoise, trouve lui que le PS, c'est encore trop à gauche, démodé et passéiste, et décide de passer sa fin de vacances avec ses vrais amis à l'Université d'été du Medef, chez les grands patrons, ces Français propres sur eux et souvent un peu sales à l'intérieur qui, comme Macron en a tracé le programme, n'ont pas eu même besoin de rêver de devenir millionnaires adolescents, car ils l'étaient déjà dans la plupart des cas. Le maquereau Gattaz a été satisfait de la danse du ventre de son petit gardon mignon aux reflets d'argent: des allègements de charges, des crédits d'impôt il pleuvra, les salariés l'auront dans le cul en se découvrant bientôt trop payés, trop protégés, dans les beaux discours du ministre de l'économie et de la finance, sur les manchettes des journaux et de BFM TV, et surtout, surtout, on ne s'attaquera pas à vos niches ni à vos paradis fiscaux. La faute au coût du travail, pas du capital... J'ai bien retenu la leçon, chefs ! J'espère qu'après la banque Rotschild et la bande à Manuel Valls, il restera un peu de place pour moi au paradis des égoïstes sans scrupule aux cols amidonnés.

Et pendant ce temps là cet été, des centaines de milliers de français ont crevé la dalle, n'ont pas eu les moyens de partir en vacances, ont galéré au chômage ou dans des emplois dévalués par les conditions de travail, victimes de la précarité ou de l'hyper-exploitation. Le dégoût monte, la colère gronde, pas forcément annonciatrice de bonnes nouvelles ou ruptures progressistes.

Mais tout va très bien, Madame la Marquise, ces beaux messieurs bien à l'aise dans leur beau linge pensent à leur ventre...

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28 août 2015 5 28 /08 /août /2015 06:21
Elias Duparc: soutenir Syrisa pour un gouvernement Tsipras de résistance (L'Humanité)

http://blogs.mediapart.fr/blog/elias-duparc/260815/soutenir-syriza-pour-un-nouveau-gouvernement-tsipras-de-resistance

Soutenir Syriza pour un nouveau gouvernement Tsipras de résistance

26 AOÛT 2015 | PAR ELIAS DUPARC

La signature d’un mémorandum par le gouvernement grec de gauche radicale suscite une considérable vague de débats dans toutes les composantes de la gauche européenne. Partout, l’expérience Syriza ouvre les yeux et les bouches sur les combats à mener pour les forces de transformation sociale : que faire ? En Grèce, risquant un vote de défiance à la Vouli, Alexis Tsipras a démissionné pour laisser son peuple trancher à nouveau et tenter de remporter une majorité solidifiée. Syriza entend gagner un soutien populaire majoritaire pour former un gouvernement de résistance à l'austérité malgré le cadre mémorandaire. Dans la foulée, la « plateforme de gauche » a quitté Syriza pour former un nouveau parti, « Unité populaire », qui préconise une sortie de l’euro alors même que nombre de dirigeants allemands et européens continuent de chercher le Grexit.

Chacun a pris conscience de la lourde défaite que les institutions et les gouvernements européens, menés par l’Allemagne, ont infligé au gouvernement grec de gauche radicale et donc au peuple grec martyrisé par l’austérité depuis 2010. Aux termes de l’accord du 13 juillet, trente cinq mesures, dont une grande majorité de mesures ultralibérales et récessives contraires au programme de Syriza, devront être implémentées par le nouveau gouvernement quel qu’il soit[1]. L’espoir de transformer l’Europe, l’euro, d’enfin mener une politique en faveur des salariés et des classes populaires s’est heurté au mur du capital. Mais cette nouvelle donne est contradictoire. À l’inverse de ce que prétendent certains anciens soutiens devenus en quelques jours dénonciateurs impitoyables, le gouvernement Tsipras a également remporté des victoires notables.

Des victoires dans la défaite

Le combat de six mois pendant lesquels les dirigeants grecs ont utilisé tous les moyens possibles et imaginables pour sortir de l’austérité a d’abord mis en lumière le fonctionnement totalitaire de la zone euro. Qui, aujourd’hui, peut encore vendre le « rêve européen » que la droite et la social-démocratie tentaient encore de nous fourguer il y a quelques mois ? Moscovici, qui vante dans son blog les mesures austéritaires au nom de la modernité ? C’est toute la patiente construction idéologico-institutionnelle des libéraux et des milieux d’affaire qui est balayée. Cinquante années de propagande sur « l’Europe de la paix », de la démocratie ou de « l’économie sociale de marché » sont parties en fumée. Au lendemain du 13 juillet, l’Europe des puissances d’argent est apparue pour ce qu’elle est : un monstre technocratique au service des seuls intérêts des conservateurs, de la finance et de l’Allemagne. Les efforts de la diplomatie allemande pour faire oublier que l’Union européenne sert principalement les intérêts du capital allemand sont aujourd’hui ruinés.

Contraint d’accepter, au terme d’un chantage inouï mené par des gouvernements conservateurs coalisés, un plan dont une large part avait été refusée par référendum quelques jours plus tôt, le gouvernement grec a apporté la démonstration que le néolibéralisme n’est plus compatible avec la démocratie[2]. Alexis Tsipras a tout fait pour mettre transparence et démocratie au centre du jeu : quel autre chef d’Etat européen a saisi le Parlement européen, injectant de la politique à haute dose dans la seule instance un tant soit peu démocratique de l’Union ?

Ces victoires idéologiques sont à mettre au crédit du combat du peuple grec, comme d’ailleurs la reconnaissance désormais quasiment universelle que les politiques d’austérité sont inefficaces et destructrices. Les droites européennes (et les sociaux-démocrates) auront, à l’avenir, encore plus de peine à entonner leur éternel refrain des « indispensables économies budgétaires ». C’est du reste la raison pour laquelle l’ex-premier ministre réclame l'implication du Parlement européen dans le contrôle de la mise en œuvre de l'accord[3]. Il veut que chaque force politique, dans chaque pays, soit contrainte de se positionner et d’évaluer les politiques d'austérité qui, sans doute aucun, feront à nouveau la preuve de leur nocivité à tous les plans. La lutte contre l’austérité doit continuer, pour les Grecs comme pour les Français et tous les européens. C’est ce qui peut et doit nous rassembler dans la durée.

Grâce au surgissement du gouvernement Syriza et du vent démocratique qu’il a porté, une rupture idéologique au sein même des forces dominantes a été mise en lumière : entre grexit et « irréversibilité de l’euro », le capital et ses représentants hésitent. Et s’il est douloureux de concéder que ce sont Syriza et Alexis Tsipras qui, quoiqu’ayant remporté une victoire historique sur un programme de fin de l’austérité et des memoranda, vont devoir être ceux qui mettent en place un troisième plan cruel, il faut souligner la défaite symétrique du docteur Schaüble. Celui qui a tant affirmé qu’il n’y aurait ni nouveau plan d’aide ni « haircut » ni maintien de la Grèce dans l’euro a dû faire passer dans son pays un plan d’aide de près de 90 milliards sur trois ans avec un futur volet de restructuration partielle de la dette, mangeant son chapeau devant une droite allemande elle-même divisée et une social-démocratie de plus en plus déconsidérée.

Enfin, le gouvernement d’Alexis Tsipras a remporté début août une « victoire dans la défaite » importante et étrangement passée sous silence : un allègement du cadre austéritaire qui enserre le pays. En effet, alors que les exigences annuelles d’excédents budgétaires étaient fixés à 1% du PIB pour 2015 et 2% pour 2016 dans l’accord du 13 juillet, ils seront finalement respectivement de 0,25 et de 0,5%. Avec le déblocage de 83 milliards d’euros de fonds européens (dont une grande partie retournera toutefois aux créanciers), des marges de manœuvre existent pour relancer l’appareil productif grec détruit.

Ces premiers gains sont certes maigres au vu la situation de la Grèce et de l’ampleur de la défaite dans le combat contre l’austérité. Mais ils ne sont pas négligeables après six petits mois de gouvernement pour la gauche radicale. Comme le dit Tsipras lui-même, « Si quelqu’un a le sentiment que la lutte des classes est une évolution linéaire et se remporte en une élection et que ce n’est pas un combat constant, qu’on soit au gouvernement ou dans l’opposition, qu’il vienne nous l’expliquer et qu’il nous donne des exemples ». De fait, partout et à toute époque, il a fallu au mouvement ouvrier des années de lutte héroïque pour arracher des victoires. Et c’est bien à la lumière de l’expérience du mouvement révolutionnaire qu’apparaît la nécessité de soutenir Syriza pour un gouvernement Tsipras de résistance.

On n’abandonne pas ses alliés dans la défaite !

L’un des apports les plus essentiels de l’expérience Syriza, et qui montre du reste qu’elle est strictement hétérogène à la social-démocratie, c’est le constat maintes fois réitéré que le gouvernement seul n’est pas à même de transformer les choses. Tsipras : « Nous savons que gagner les élections ne signifie pas, du jour au lendemain, disposer des leviers du pouvoir. C’est un combat constant. Mener le combat au niveau gouvernemental ne suffit pas. Il faut le mener, aussi, sur le terrain social ».

Loin de se situer sur cette position de nécessaires luttes sociales de la base au sommet, l’alternative que veulent incarner les scissionnistes d’« Unité populaire » constitue un déni de la réalité des rapports de force et des enjeux de pouvoir. S’il apparaît comme séduisant et intellectuellement facile de prôner la rupture avec l’euro et l’Europe, ce refus d’une lutte globale de longue haleine pour promettre des gains immédiats et des solutions miracles par décrets gouvernementaux n’a rien de nouveau dans le mouvement ouvrier, et surtout rien de révolutionnaire[4]. Or, comment nier que la transformation de la société ne peut s’opérer que dans la durée, dans la lutte, avec de nécessaires défaites transitoires entraînant des compromis douloureux[5] ? Si l’épisode de Brest-Litovsk est volontiers utilisé par Syriza pour illustrer le « dilemme coercitif » devant lequel son gouvernement était placé[6], l’exemple du Chili d’Allende est également pertinent. Après six mois de gouvernement socialiste, a-t-on vu en 1971 les composantes les plus à gauche de la coalition partir avec armes et bagages et accuser le président chilien de « trahison » parce qu’il n’avait pas pu mettre en œuvre son programme socialiste à cause du feu nourri de la droite chilienne et des Etats-Unis ? A-t-on entendu les communistes chiliens repeindre le président en « capitulard » lorsqu’il a dû ouvrir son gouvernement aux militaires en 1973 tant la pression putschiste était forte ? On n’abandonne pas la guerre sous prétexte que le mouvement a perdu une bataille, fût-elle importante ! C’est pourtant exactement ce que font les scissionnistes de la plateforme de gauche (qui cherchaient de toutes les façons depuis le début l’occasion de faire sécession, comme l’a affirmé le secrétaire général de Syriza démissionnaire, Tassos Koronakis). De la même façon, il est inconcevable d’abandonner ses alliés parce qu’ils ont un genou à terre. C’est pourtant exactement ce que font ceux qui, en France, retirent leur soutien à Syriza pour applaudir l’ex-plateforme de gauche.

En cela, le mouvement opéré par « Unité populaire » est conforme à la mission historique du courant trotskyste, cette instance de division de la gauche de transformation sociale vouée à permettre à la droite de reprendre le pouvoir. Si le gouvernement d’Alexis Tsipras a temporairement échoué, ce n’est pas parce qu’il a refusé des alternatives, qu’il a « trahi » ou qu’il s’est rendu à la raison de ses adversaires, c’est du fait d’un rapport de force européen éminemment défavorable, d’une isolation internationale complète. « La vérité est qu'on ne peut pas choisir la forme de guerre qu'on veut, à moins d'avoir d'emblée une supériorité écrasante sur l'ennemi, et on sait ce qu'a coûté en pertes humaines l'obstination des états-majors à ne pas vouloir recon­naître que la guerre de position était « imposée » par les rapports généraux des forces qui s'affrontaient », écrit Antonio Gramsci[8]. Face à la puissance de l’Europe libérale, quelle autre guerre choisir qu’une guerre de position ? L’objectif qui doit être le notre n’est donc pas le repli hors de la lutte européenne (consacrant alors Schaüble seul maître à bord avec ses alliés populistes comme sociaux-démocrates) mais bien l’intensification de la lutte internationale et aussi pays par pays contre l’austérité et l’autoritarisme pour pousser le rapport de force à notre avantage. Hausser nos ambitions et l’intensité de la lutte pour rompre avec l’Europe merkelienne, voilà le programme de la gauche radicale européenne après le 13 juillet. C’est d’autant plus indispensable que, pour la première fois depuis des décennies, de sérieux espoirs existent.

Car quel est le bilan de ces douze derniers mois pour la gauche de la gauche européenne ? Une percée anti-austéritaire en Écosse avec le SNP ; un mouvement de masse en Irlande contre la privatisation de l'eau avec le Sinn Fein désormais tout proche d’une victoire historique ; le premier gouvernement de gauche radicale élu en Grèce ; des maires de gauche anti-austérité à Madrid, Barcelone et Dublin, Belfast, Cork et un parlement régional animé par Die Linke en Thuringe ; une vague sans précédent de grève en Allemagne, avec déjà deux fois plus de jours de grève en 2015 qu'en 2014 ; la montée d'une gauche radicale unie en Slovénie qui arrive en tête de certains sondages cet été ; le développement d'un mouvement de masse pour la victoire d'un candidat socialiste à la tête du Labour (Jeremy Corbyn) en passe de l'emporter… Dans ce contexte de dynamique internationale, les progressistes doivent faire bloc avec Syriza pour qu’ils reconstruisent une majorité dans laquelle ils pourront être à l’avant-garde du combat européen qui commence.

Réélire un gouvernement de lutte

Pourquoi renouveler notre soutien à Syriza et à Alexis Tsipras après la signature du troisième mémorandum ? Parce qu’ils lutteront pied à pied contre l’austérité dans le cadre économique contraint où la Grèce est placée depuis 2010. Ils réaliseront des réformes fondamentales contre l’oligarchie grecque comme la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale et la mise à contribution des grands médias privés via la vente des fréquences. Ils prendront des mesures sociales compensatoires en direction des classes populaires tout en continuant le combat européen contre l’accord. Obtenir des concessions des créanciers est possible : c’est déjà le cas sur le montant des surplus budgétaires annuels, ce le sera aussi sur le reprofilage de la dette.

A l’inverse, « l’alternative de gauche » par la sortie de l’euro et la dévaluation de la nouvelle drachme entraînera l’appauvrissement du peuple grec du fait de la super-austérité dont elle est synonyme[9] et de l’approfondissement de l’instabilité économique qui détruit chaque jour l’activité. Transformer la société et mener des politiques de rupture ne doit pas conduire la gauche à renoncer à sa vocation centrale de protéger les populations de la violence du capitalisme. Les Grecs n’aspirent pas à s’appauvrir mais à retrouver leur dignité. Cela passe non pas par le jusqu’au-boutisme suicidaire face à des ennemis trop puissants mais, dans ce contexte de crise économique extrême, par des investissements, du pouvoir d’achat, de la relance de l’activité, etc. C’est aussi cette stabilisation qui peut permettre le redéploiement des luttes sociales de la base au sommet. Seuls 20% des grecs souhaitent que soit envisagé un plan de retour à la drachme. L’enjeu n’est pas d’aller à toute force à la rupture, mais d’amener la majorité du peuple au combat contre l’austérité. Comme l’écrit Lénine, « Toute la tâche des communistes est de savoir convaincre les retardataires, de savoir travailler parmi eux et non de se séparer d'eux par des mots d'ordre "de gauche" d'une puérile invention ».

La place des progressistes français et, parmi eux, des communistes, est bel est bien aux côtés de Syriza, dont le PCF est l’allié véritable. Soutenir nos camarades grecs en lutte, c’est l’inverse de renoncer au combat, c’est accepter de s’inscrire dans une bataille âpre, longue, ingrate, comme les communistes en ont mené des dizaines dans leur histoire. C’est prendre la bonne mesure des rapports de force, en Europe comme en Grèce, et choisir nos combats en conséquence (« Vous êtes tenus de surveiller d'un œil lucide l'état réel de conscience et de préparation de la classe tout entière (et pas seulement de son avant-garde communiste), de la masse travailleuse tout entière (et pas seulement de ses éléments avancés) », écrit encore Lénine). C’est empêcher que le premier gouvernement de la gauche radicale élu dans la zone euro[10] soit contraint de rendre le pouvoir à la droite au bout de six mois. C’est refuser les facilités que proposent de conserve les mauvais prophètes de la sortie de l’euro et les capitulards sociaux-démocrates apôtres de l’austérité. C’est ne pas être illusionné par les solutions miracles brandies par de prétendus dépositaires de « l’unité populaire » dont la tâche est au contraire à l’évidence de diviser le peuple et la gauche. C’est, pour reprendre les mots d’Alexis Tsipras, emprunter, avec les grecs, « une voie très accidentée faite de combats constants et de revendications, afin de réussir le mieux possible pour les intérêts du peuple ». En avant !

[1] Il s’agit toutefois en plusieurs points d’un programme « moins désastreux » que ceux entérinés par les gouvernements droite-PASOK : libellé en droit européen et non en droit anglais, il comprend, au milieu de mesures globalement destructrices, quelques points positifs pour les populations (pas de privatisation de l’opérateur de distribution d’électricité, pas de rétablissement des franchises médicales de 5€ pour toute consultation hospitalière supprimées par le gouvernement Tsipras, des objectifs d’excédents primaires fortement modérés…). Lire
http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-le-retour-a-la-realite-des-creanciers-497630.html

[2] Au même moment, le passage en force de la loi Macron au parlement français en fournissait une autre illustration.

[3] Lire http://www.humanite.fr/sia-anagnostopoulou-en-grece-et-en-europe-nous-sommes-plutot-au-debut-de-la-lutte-qua-la-fin-581992

[4] A ce titre, il est piquant de noter que la « solution » de la sortie de l’euro s’inscrit typiquement dans le cadre social-démocrate : il s’agit d’une décision de sommet excluant l’intervention des travailleurs et ne reposant sur aucun enjeu de lutte sociale spécifique. C’est du reste pourquoi elle est prônée par des économistes essentiellement non-marxistes, du social-chauvin Jacques Sapir au « spinoziste » Frédéric Lordon. Lire un point-de-vue marxiste sur le sujet : http://www.humanite.fr/grece-europe-pour-un-vrai-plan-b-580326

Soulignons d'ailleurs que jamais, durant la campagne précédant le référendum du 5 juillet, aucun responsable du gouvernement ou de Syriza, ni de la majorité ni de la plateforme de gauche, n'a affirmé que le « Non » signifiait un « non à l'euro ». Parler de « front du OXI » pour qualifier le parti des scissionistes est une imposture pure et simple.

[5] Le tort de Syriza est-il, alors, d’avoir promis sans détour avant l’élection « la fin de l’austérité » et l’arrêt des mémorandums, sous-estimant ainsi la violence des adversaires et le caractère profondément défavorable des rapports de force, induisant même l’idée que l’accès aux responsabilités permettrait la modification rapide du cadre des politiques économiques ?

[6] Alexis Tsipras : « Vous savez, le compromis est un élément de la réalité politique et un élément de la tactique révolutionnaire. Lénine est le premier à parler de compromis dans son livre La Maladie infantile du communisme (le « gauchisme ») et il y consacre plusieurs pages pour expliquer que les compromis font partie des tactiques révolutionnaires. Il prend dans un passage l’exemple d’un bandit pointant sur vous son arme en vous demandant soit votre argent, soit votre vie. Qu’est censé faire un révolutionnaire ? Lui donner sa vie ? Non, il doit lui donner l’argent, afin de revendiquer le droit de vivre et de continuer la lutte. Nous nous sommes retrouvés devant un dilemme coercitif. Ce chantage est cynisme : soit le compromis – dur et douloureux – soit la catastrophe économique – gérable pour l’Europe, pas au niveau politique, mais économiquement parlant – qui pour la Grèce et la gauche grecque aurait été insurmontable. » Entretien à la radio Sto Kokkino, 29 juillet 2015.http://www.humanite.fr/alexis-tsipras-le-peuple-grec-tente-de-sechapper-de-la-prison-de-lausterite-rattrape-il-ete-place

Lire aussihttps://www.marxists.org/francais/lenin/works/1918/03/d7c/vil19180300-03c7.htm

[8] A lire ici :https://www.marxists.org/francais/gramsci/works/1933/machiavel10.htm

[9] Lire, en espagnol, l’analyse d’Alberto Garzon (Izquierda Unida) sur le sujet : http://larepublica.es/2015/08/22/alberto-garzon-habia-alternativas-a-lo-que-ha-hecho-syriza-en-grecia/

[10] En réalité le deuxième : les communistes d’AKEL ont dirigé Chypre durant la période 2008-2013, subissant d’ailleurs un coup d’état financier de la part de la BCE et de l’Eurogroupe encore plus violent que celui mené contre les Grecs.

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27 août 2015 4 27 /08 /août /2015 10:53
S'occuper des vieux, c'est se préoccuper de l'avenir de chacun: pour un droit d'alerte, appel de Jean Dréan à créer enfin des conditions d'accompagnement dignes pour la personne âgée

Sur une loi pas à la hauteur - contestée: adaptation de la société au vieillissement.

Pour la majorité des citoyens, cette loi passe à côté d'une ATTENTE MAJEURE: une prise en charge par la solidarité nationale.

Il y a urgence à remettre à l'ordre du jour les exigences exprimées sur un problème sociétal majeur que le pays doit affronter: le vieillissement.

En effet malgré les orientations politiques et les opérations d'enfumage, les Français ne voient rien venir. Il en est ainsi d'une loi qualifiée fourre-tout dite loi Macron, imposée par la force du 49/3

- Des chiffres du chômage: triturant les statistiques de pôle emploi. Voilà la nouvelle technique gouvernementale pour faire baisser le chômage.

Il risque d'en être ainsi de cette loi en gestation de longue date. Alors qu'il y a une extrême urgence: comme le clame sur les chaînes publiques le Président des Associations des Directeurs d'Etablissement, "la situation est dramatique et va devenir catastrophique".

Il faut un plan d'urgence.

Par exemple sur le Finistère l'agitation des personnels en charge des 4 maillons de la chaîne de vie des personnes âgées a trouvé large écho dans la presse. Une multitude d'appels au secours et de témoignages souvent poignants.

Pour rappel les deux les plus significatifs pleins de conviction et de dignité.

- Ceux sous les propres fenêtres de l'ex- Président du Conseil Général Maille: "dignité pour les vieux - respect, considération pour les personnels, halte à la maltraitance institutionnelle qui s'installe".

- Ceux de Morlaix: 800 personnes s'époumonant "Halte au travail à la chaîne. Néfaste pour la qualité de vie de la personne âgée, néfaste pour la sérénité, l'équilibre des personnels".

Par le plus malheureux des hasards, Monsieur le Préfet du Finistère confirmait la nécessité, la justification de ce vent de révolte "avec la réduction des dépenses publiques nous aurons des choix douloureux à faire pour les personnes, les familles".

Et voilà qu'en période estivale le calme serait revenu dans le monde du silence. N'est-on pas en droit de s'interroger sur ce "calme artificiel"?

Qu'en est-il de la rotation des personnels (service -aide-soignant) embauchés en remplacement des congés statutaires: sont-ils formés? Quel statut? Quelle expérience confirmée de la personne âgée? Pourquoi un service réduit les samedis, les dimanches? Quels moyens pour pallier aux incidents, aux accidents de la vie courante?

L'humain aurai-il des temps de relâche? Quelle réserve de personnels compétents?

A l'occasion de la canicule n'a t-on pas entendu des propos contradictoires confirmant la nécessité d'une vigilance absolue. Une situation à risques qui ne fera que s'aggraver. Pour confirmation s'imprégner des directives de Pierre Maille aux gestionnaires: "avec moins, faites plus".

Pour décider d'une réflexion concertée devant conduire à l'action, "pour une loi de progrès social" analysons quelques propos de presse provoqués par le coup de chaleur de nos aînés. Et ceci malgré les "opérations d'enfumage" de Mmes Touraine et Rossignol.

- Dans les résidences on n'a pas un moment de répit. Avec un ratio de personnel médiocre on travaille à la chaîne.

- Madame la Ministre se veut rassurante: "situation maîtrisée"

- Le Président de Samu-Urgence n'est pas de cet avis: "situation critique, alarmante".

- Le Président de A.D.P.A: L'essentiel des leçons du drame de 2003 n'a pas été tiré: l'inertie des pouvoirs publics face à la crise.

- VALLS dans sa superbe en appelle à la solidarité

- A.D.P.A l'a pris au mot et réitère la proposition de la création de 200 000 emplois. C'est un impératif éthique et ce serait en même temps une réponse à la crise économique.

La presse nous apprend qu'un délégué de A.D.P.A entamait "à pied" un tour de France de l'aide aux personnes âgées. Pour défendre leur cause. Faire émerger des points de convergence et de divergence. Tout en rappelant l'urgente nécessité de créer 200 000 emplois!

Il y a donc urgence à se rassembler, à travailler ensemble, à situer clairement les responsabilités d'une situation intolérable. Faisons notre coup de colère du président Chanvert: les politiques n'ont pas su ou voulu anticiper le vieillissement.

Ensemble, imposons-leur de voter enfin une loi de progrès social.

'Gagner partout et pour tous le bien vieillir dignement en citoyen à part entière".

Pour raison de santé de mon épouse nous avons rejoint une EHPAD en connaissance de cause. Je salue le courage de tous les personnels, leur engagement, leur dévouement pour un salaire qui n'est pas à la hauteur des exigences.

ENSEMBLE, USAGERS, FAMILLES, PERSONNELS, GENS DE PROGRES

TRAVAILLONS A L'ELABORATION D'UNE VERITABLE CIVILISATION DE LA PERSONNE AGEE, ou selon dernier congrès de la Gériatrie tout ou presque reste à inventer.

Jean Dréan (UL CGT Quimper - 9, allée Samuel Piriou, 29000 Quimper)

S'occuper des vieux, c'est se préoccuper de l'avenir de chacun: pour un droit d'alerte, appel de Jean Dréan à créer enfin des conditions d'accompagnement dignes pour la personne âgée
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27 août 2015 4 27 /08 /août /2015 10:29
Yanis Varoufakis

Yanis Varoufakis

Yanis Varoufakis à Frangy-en-Bresse:

© Stéphane Burlot l http://HansLucas.com

Je vais vous dire pourquoi je suis ici, avec des mots que j'ai empruntés à un vieux manifeste célèbre. Je suis ici parce que :

Un spectre hante l'Europe - le spectre de la démocratie. Toutes les puissances de la vieille Europe ont conclu une sainte alliance pour exorciser ce spectre: les banquiers parrainés par les États et l'Eurogroupe, la Troïka et le Dr Schäuble, les héritiers de l'héritage politique de Franco, le leadership berlinois du SPD, les gouvernements baltes qui ont soumis leurs populations à une récession terrible et inutile, et l'oligarchie grecque en résurgence.

Je suis ici en face de vous parce qu'une petite nation a choisi de s'opposer à cette sainte alliance. Pour la regarder dans les yeux et lui dire : Notre liberté n'est pas à vendre, notre dignité n'est pas aux enchères. Si nous renonçons à la liberté et à la dignité, comme vous l'exigez, l'Europe perdra son intégrité et renoncera à son âme.

Je suis ici en face de vous parce que rien de bon ne peut arriver en Europe qui ne parte pas de la France.

Je suis ici en face de vous parce que le printemps d'Athènes qui a uni les Grecs et leur a redonné

• Leur sourire

• Leur courage

• Leur liberté contre la peur

• La force de dire non à l'irrationalité

• Non à la non-liberté

• Non à la subjugation qui au final ne bénéficie même pas à l'Europe forte et puissante

Le magnifique Printemps d'Athènes, qui a culminé à 62% par un Non majestueux à la non-raison et à la misanthropie,

Notre Printemps d'Athènes, qui était aussi une chance pour un printemps de Paris, un printemps de Frangy, de Berlin, de Madrid, de Dublin, d'Helsinki, de Bratislava, de Vienne.

Je suis ici parce que notre Printemps d'Athènes a été écrasé, comme le fut celui de Prague. Bien sûr pas par des tanks, mais par des banques.

Comme Berthold Brecht l'a dit une fois "Pourquoi envoyer des assassins quand nous pouvons recourir à des huissiers?"

Pourquoi faire un coup d'état quand vous pouvez envoyer le président de l'Eurogroupe dire, au nouveau ministre des finances d'un gouvernement fraîchement élu, trois jours après son entrée en fonction, qu'il a le choix entre le programme d'austérité antérieur qui a plongé son pays dans une énorme dépression, ou la fermeture de ses banques nationales?

Pourquoi envoyer des troupes quand des visites mensuelles de la Troika peuvent contrôler chaque branche du gouvernement et écrire chaque loi du pays?

Les élections ne peuvent rien changer

Lorsque, durant ma première réunion de l'Eurogroupe, en février, j'ai suggéré aux ministres des finances un compromis entre le programme antérieur d'austérité de la Troika et l'agenda de réformes de notre nouveau gouvernement, Michel Sapin a pris la parole pour me donner raison – pour argumenter avec éloquence en faveur d'un terrain d'entente entre le passé et le futur, entre le programme de la Troika et le manifeste électoral de notre nouveau gouvernement que les Grecs venaient juste d'élire.

Le ministre des finances allemand intervint immédiatement : "Les élections ne peuvent pas changer quoi que ce soit. Si à chaque fois qu'il y a une élection les règles changeaient, l'Eurozone ne pourrait pas fonctionner.”

Reprenant la parole, je répondis que, vu la façon dont notre Union était conçue (très, très mal!) peut-être que le Dr Schäuble marquait un point. Mais j'ajoutai “S'il est vrai que les élections ne peuvent rien changer, nous devrions être honnêtes et le dire à nos citoyens. Peut-être devrions-nous amender les traités européens et y insérer une clause suspendant le processus démocratique dans les pays obligés de d'emprunter auprès de la Troïka. Suspendre les élections jusqu'à ce que la Troïka décide qu'elles pourront se tenir. Pourquoi soumettrions-nous notre peuple au rituel d'élections coûteuses si les élections ne peuvent rien changer? Mais, ai-je demandé à mes collègues ministres, est-ce ce que l'Europe est d'accord avec ça ? Est-ce que nos peuples ont voté pour ça?

Pensez-y, admettre une telle chose serait le meilleur cadeau à faire au parti communiste de Chine qui lui aussi croit que les élections constituent une complication dangereuse entravant l'efficacité du gouvernement. Bien sûr ils ont tort. Comme Churchill l'a dit, la démocratie est un système terrible. Mais c'est la meilleure de toutes les alternatives, également en termes d'efficience économique à long terme.

Un silence glacé de quelques secondes s'en est suivi dans l'Eurogroupe. Personne, même le si souvent abrasif Mr Djisselbloem, ne trouvait quoi que ce soit à dire, jusqu'à ce que des collègues d'Europe de l'Est brisent le silence avec une autre incantation sortie du Livre des psaumes de l'austérité de la Troïka. Du coin de l'oeil je voyais l'air désolé de Michel Sapin. Je me rappelais une chose qu'il m'avait dite à Paris, quand je l'avais rencontré pour la première fois à son bureau: "La France n'est plus ce qu'elle était".

Depuis mon jeune âge je regardais vers la France pour l'inspiration, peut-être en me souvenant de la façon dont la réémergence de la Grèce dans le monde moderne avait été inspirée par la révolution française, avec des citations de Voltaire et Rousseau résonnant dans ma tête. A ce moment, le silence de Michel était très difficile à supporter. La perception de l'impuissance est le signe avant-coureur d'une Europe qui s'est égarée.

Un coup d’État très européen

Retour vers les jours de notre dictature 1967-1974, quand les tanks occupaient les rues d'Athènes, les démocrates Grecs venaient en France, voyageant vers l'Allemagne, l'Autriche, la Suède, le Canada, l'Australie, afin d'obtenir un soutien pour la nation grecque assiégée. Afin de galvaniser la solidarité avec le peuple grec dans sa lutte contre la dictature fasciste.

Amis, je ne suis pas ici aujourd'hui afin de rallier un soutien pour la démocratie grecque écrasée.

Je suis ici pour exprimer le soutien du peuple grec et sa solidarité avec la démocratie française.

Pour ce qui est en jeu. La démocratie française. La démocratie espagnole. La démocratie italienne. La démocratie à travers toute l'Europe.

La Grèce a été, et demeure malheureusement, un laboratoire où les forces destructrices de l'austérité ont été essayées et testées.

La Grèce n'a jamsi été la question pour la Troïka et ses favoris. Vous l'êtes!

Il n'est pas vrai que l'intérêt de nos créanciers soient d'obtenir leur argent de l'état grec. Ou qu'ils veuillent voir la Grèce réformée. Si tel avait été le cas, ils auraient discuté sérieusement nos propositions de restructurer la dette publique grecque de façon à le permettre. Ils ont plutôt insisté sur notre reddition. C'est la seule chose qui les préoccupait.

Ils voulaient une seule chose; confirmer la maxime du Dr Schäuble selon laquelle les élections ne sont pas autorisées à changer quoi que ce soit en Europe. Que la démocratie s'arrête quand l'insolvabilité commence.

Que les fières nations confrontées à des questions de dettes doivent être condamnées à la prison de dette dans laquelle il est impossible de produire la richesse nécessaire pour rembourser les dettes et sortir de prison. Et c'est ainsi que l'Europe, maison commune, est devenue cage de fer partagée.

C'est important. Vous lisez des journaux et écoutez des programmes de radio et de télévision qui vous bombardent avec des douces histoires selon lesquelles l'Eurogroupe, la Troïka autour desquels l'Europe est construite, les programmes d'austérité sont tous des RÉFORMES, pour forcer la Grèce à développer son économie défaillante afin qu'elle paie ses dettes et cesse de peser sur le reste de l'Europe.

Seulement ce n'est pas ainsi que l'Europe fonctionne en pratique. Si vous étiez une mouche sur le mur observant nos négociations, vous verriez comme je l'ai vu qu'une seule chose intéressait Mme Lagarde, M. Draghi, M. Juncker, certainement le Dr Schäuble: nous dicter les "termes de la reddition".

Des termes qui mettent fin au Printemps d'Athènes. Des termes qui effacent le sourire de ceux qui à travers l'Europe nous regardaient et pensaient qu'une nouvelle politique est possible. Des termes incroyables imposés par les créanciers, garantissant que nous, l'endetté, ne pourrions pas rembourser nos dettes, anciennes et nouvelles.

Remède toxique

Beaucoup d'entre vous demanderont, à juste titre: Mais pourquoi les créanciers imposent-ils à la Grèce des conditions qui réduisent sa capacité à leur rembourser ses dettes? Pourquoi les créanciers demandent-ils au gouvernement grec de faire des choses qui l'empêchent de mettre en oeuvre de vraies réformes? Des réformes qui amélioreraient la place de la Grèce en Europe? Se pourrait-il que la Troïka soit simplement en train d'essayer de faire prendre à la Grèce un remède amer mais nécessaire? Et que les Grecs ne veuillent pas prendre leur remède? Ne veuillent pas faire leurs devoirs, comme pourrait le dire Mme Merkel?

Ce sont des questions cruciales. Pour vous, pour le peuple de France. Pourquoi? Parce que si nous Grecs sommes responsables de nos propres problèmes, et s'il est vrai que nous soyons gâtés, paresseux, refusant de faire nos devoirs et de prendre notre remède amer, alors vous n'avez rien à craindre. Vous ne devriez pas perdre de temps à écouter des gens comme moi.

Mais si, en fait, le remède que l'on nous demande de prendre encore et encore est toxique, si nous avons fait nos devoirs mais que le maître ne veut même pas les lire, alors ce qui arrive dans des endroits comme la Grèce n'a rien à voir avec la Grèce. Cela concerne la politique de l'Europe, de la France en particulier.

Aussi soyons clairs: le remède n'est pas juste amer. Il est toxique. Un médecin délivrant une telle potion à un patient serait arrêté et radié de l'Ordre des médecins. Mais dans l'Eurogroupe le fait que la potion tue le patient est vue comme la preuve que le remède est bon. Que la dose doit être augmentée!

Pendant cinq ans, le programme d'austérité de la Troïka a créé la récession la plus longue et la plus profonde de notre histoire. Nous avons perdu un tiers de notre revenu collectif. Le chômage a augmenté de 10% à 30% dans un pays où seulement 9% des chômeurs ont déjà reçu des allocations de chômage. La pauvreté a submergé 2 de nos 10 millions de concitoyens.

En 2010, l'Etat grec a fait faillite. Il ne pouvait pas payer ses dettes aux banques françaises et allemandes. Alors, qu'est-ce que l'Europe a fait? Elle a décidé de donner à l'Etat grec en faillite le prêt le plus important dans l'histoire, sous des conditions d'austérité qui ont réduit le revenu devant permettre de payer les énormes prêts, anciens et nouveaux. Un enfant de dix ans pourrait dire que celui qui est en faillite ne peut pas s'en sortir avec de nouveaux prêts si on lui impose des conditions faisant chuter ses revenus.

L'austérité diminue les revenus tandis que les dettes grossissent. Toujours plus de dette, sous la forme de nouveaux prêts d'urgence, à condition qu'une austérité de plus en plus forte sape de plus en plus les revenus : cela conduit avec une précision mathématique à une catastrophe.

Tout le monde le savait. Alors, pourquoi l'Europe l'a-t-elle fait?

Parce que l'objectif n'était pas de renflouer la Grèce, l'Irlande, le Portugal ou l'Espagne! L'objectif était de sauver la Deutsche Bank, BNP Paribas, Finanz Banque, la Société Générale, les banques allemandes et françaises avec l'argent des contribuables, et de faire peser le fardeau sur le plus faible des Européens, en provoquant une crise humanitaire en Grèce et une récession à combustion lente en France.

Et puis, quand il fut révélé que toute cette austérité avait augmenté la dette grecque de 120% à 180% du revenu national, au lieu de la réduire, que fit l'Europe officielle?

La même chose en 2012, en 2013, en 2014. Les revenus ont continué à baisser, la pauvreté a augmenté, le chômage a atteint le record du monde, tout le monde devait de l'argent à tout le monde et personne ne pouvait payer. Une politique économique consistant à prêter à l'état plus d'argent payé par les plus faibles des citoyens ne pouvait pas marcher. Comme Macbeth qui a commis crime après crime, essayant de cacher son crime précédent en en commettant un nouveau, la Troïka a ajouté sauvetage toxique après sauvetage toxique, étendant la crise, l'approfondissant, en ne cessant de prétendre qu'elle était sur le point d'être résolue.

C'est ce processus misanthrope qui a éteint l'espoir en Grèce de 2010 à 2015. En janvier dernier, nous avons été élus pour redonner espoir. Plutôt que de nous asseoir dans l'ombre et de maudire l'obscurité, nous avons décidé d'allumer une bougie. Pour donner de l'espoir et une autre chance à la rationalité. Et les gens l'ont remarqué. La petite bougie que nous avons allumée a illuminé les visages des gens, et pas seulement en Grèce.

Du point de vue de la Sainte Alliance de la vieille Europe, c'était un crime terrible pour lequel nous, et ceux qui avaient voté pour nous, devions être punis. Avec un autre prêt énorme. Avec plus d'austérité autodestructrice portant notre dette publique à 205% du revenu national. Avec une autre décision de l'Eurogroupe condamnant notre peuple à des souffrances inutiles pour le crime odieux d'avoir espéré et, pire encore, que l'espoir se propage dans le reste de l'Europe.

Un terrain d'entente?

Pour en revenir à mes premiers pas dans l'Eurogroupe, je dois dire que j'y allais avec la volonté de trouver un terrain d'entente, comme Michel Sapin. Permettez-moi de vous lire des extraits de mon intervention dans laquelle je proposais un nouveau partenariat avec les institutions et avec mes collègues, les autres ministres des Finances:

Le nouveau partenariat que nous vous proposons devrait être basé sur des objectifs réalistes et des politiques efficaces.

Nous, le nouveau gouvernement grec, devons gagner une monnaie très précieuse sans dilapider un bien capital: nous devons gagner votre confiance, sans perdre la confiance de notre peuple - des électeurs qui, pour le moment, nous approuvent fortement. Une telle approbation est un important capital dans la lutte de l'Europe pour réformer la Grèce et la rendre stable et nor
male.

En cette période de changement, nous percevons vos préoccupations au sujet des intentions de notre gouvernement. Nous devons, de toute évidence, les apaiser.

Je suis ici aujourd'hui pour vous transmettre un message clair sur le programme et les engagements du nouveau gouvernement envers ses partenaires de l'Eurogroupe.

La Grèce, en tant que membre de la zone euro, s'engage pleinement à trouver une solution discutée conjointement entre les partenaires, afin de renforcer notre un
ion monétaire.

Nous nous engageons à coopérer de bonne foi avec tous nos partenaires européens et internationaux, sur un pied d'égalité.

Nous nous engageons à des finances publiques saines. La Grèce a fait un vaste ajustement au cours des cinq dernières années avec un immense coût social. Son déficit est maintenant en dessous de 3% en termes nominaux, en baisse de 15% en 2010. Nous avons maintenant un excédent primaire et notre excédent structurel, tel que mesuré par le Fonds monétaire international, est le plus grand dan
s l'UE.

Le nouveau gouvernement prend cet ajustement comme point de départ. Nous souhaitons maintenant aller de l'avant, sur la base d'un nouveau partenariat mutuellement bénéfique avec nos partenaires européens.

Nous nous engageons à de profondes réformes structu
relles.

Notre programme de réforme vise à recréer la confiance entre les citoyens grecs, la croissance de l'économie, et la crédibilité en Europe. Il reconnaît le besoin de réformes profondes pour ancrer la prospérité à long terme de la Grèce dans la zone euro.

Nous reconnaissons que le programme d'ajustement précédent reflète les engagements pris par la Grèce et ses partenaires de l'Euro
groupe.

Nous reconnaissons les efforts considérables déployés par les contribuables de vos pays pour soutenir la dette de la Grèce et maintenir l'intégrité de l'euro.

Cependant, des objectifs budgétaires autodestructeurs et irréalistes ont été imposés à notre pays et à la population: ils doivent être révisés. Un objectif d'excédent primaire de plus de 3% du revenu national n'a pas de précédent historique dans une situation ressemblant à celle de la Grèce aujourd'hui. Il sera tout simplement impossible pour notre pays de se développer si nous continuons sur la voie de l'austérité imposée à notre économie car elle sape la croissance. C'est également tout à fait incompatible avec la réalisation d'un ratio durable dette-r
evenu.

Le nouveau contrat que nous proposons de discuter avec vous devrait reconnaître cette évidence.

Le nouveau contrat se fondera sur les réformes qui sont «possédées» par des citoyens et des institutions nationales, en utilisant de nombreux éléments de l'ordre du jour politique convenu précédemment. Cela signifie également que l'espoir de prospérité partagée doit être relancé à travers l'
Europe.

Nous voulons discuter avec vous de ce programme du pays qui reflète à la fois nos contraintes potentielles et spécifiques. Nous souhaitons que notre croissance soit inclusive, fondée sur l'investissement, et des gains de productivité. Une croissance fondée sur une compression supplémentaire du coût du travail ne peut pas marcher en Grèce et a été rejetée par notre peuple.

Basé sur des objectifs d'excédent primaire plus réalistes et sur le programme de réforme et de croissance de notre pays, le nouveau contrat que nous proposons permettra de restaurer une trajectoire durable de la dette.

Nous invitons le Fonds monétaire international à travailler avec nous pour évaluer la soutenabilité de la dette grecque fondée sur les engagements du gouvernement. La Grèce sera prête à faire des propositions concrètes à ses partenaires, en temps voulu, sur une série d'instruments novateurs pour réduire le fardeau de la dette de manière efficace, y compris les échanges de de
ttes.

Ensuite, j'ai conclu avec ces mots:

Chers collègues,

L'Europe est entière et indivisible, et le gouvernement de la Grèce estime que la Grèce est un membre permanent et inséparable de l'Union européenne et de notre union monétaire.

Certains d'entre vous, je le sais, ont été mécontents d'une victoire d'un parti de gauche, de gauche radicale. A ceux-là je dis ceci: Ce serait une occasion perdue de nous voir comme des
adversaires.

Nous sommes résolument européistes. Nous nous soucions profondément de notre peuple, mais nous ne sommes pas populistes, promettant tout à tout le monde. En outre, nous pouvons mener le peuple grec le long d'un accord véritablement bénéfique pour l'Européen moyen. En nous, vous trouverez des partenaires de confiance qui ne voient pas ces réunions comme un moyen d'extraire quelque chose de rien, de gagner au détriment de qui que ce soit.

Je suis impatient de discuter avec vous maintenant, dans un véritable esprit de coopération et de partenariat, et d'écrire ensemble cette nouvelle page de notre relation.

Je vous remercie beaucoup pour vo
tre attention.

Pardon d'avoir lu tous ces extraits. Mais je voulais vous donner une idée de l'esprit de coopération avec lequel nous avons approché l'Eurogroupe. Alors que je récitais ces lignes dans l'Eurogroupe, des "sources" de Bruxelles prétendaient que j'étais impoli, que je faisais des cours à mes collègues, que je rejetais les «réformes» de la troïka. Je ne prenais pas ces fuites personnellement parce qu'elles ne me visaient pas personnellement. Elles faisaient partie d'une campagne de propagande brutale visant à justifier la diabolisation de notre gouvernement, à nous peindre comme des communistes radicaux afin de préparer l'opinion publique européenne à notre renversement.

Pendant cinq longs mois, de notre côté il y eut clarté et propositions sophistiquées:

• sur la réforme de l'administration fiscale, qui la rendrait totalement indépendante de mon ministère, mais aussi de l'oligarchie
• sur une restructuration de la dette qui minimiserait les nouveaux prêts de la Grèce et maximiserait nos remboursements à nos créanciers
• sur une nouvelle banque de développement qui ferait appel à des biens publics, en partenariat avec la Banque européenne d'investissement
• sur une nouvelle mauvaise banque avec laquelle faire face aux dettes privées non performantes du système bancaire grec, aux mauvaises dettes privées qui bouchent les circuits de crédit, avec laquelle empêcher les banques de prêter même à des taux rentables, les entreprises axées sur l'exportation
• sur les mécanismes de lutte contre la corruption, la fixation des prix dans les marchés de détail, le travail non déclaré dans les marchés du travail, la réforme des retraites qui a réduit la retraite anticipée sans pousser plus de personnes âgées dans la pauvreté.

Chaque fois que nous avons proposé une mesure ou une réforme sensible, nous avons été repoussés. Mes collègues français étaient clairement sans épaisseur, avec un déprimant manque d'influence. Même lorsque nous convenions d'une certaine mesure avec Michel Sapin ou Pierre Moscovici, et alors? Si le président de l'Eurogroupe en décidait ainsi, notre accord n'était même pas entendu dans l'Eurogroupe - pas sûr que M. Djisselbloem n'ait jamais pris ces décisions de son propre fait. Lorsque, conscient de cela, je posai la question au Dr Schäuble, il a refusé de négocier avec moi sur quoi que ce soit de substantiel: C'est le programme existant (échoué) ou la route, telle était sa ligne. «Allez aux institutions." Ce que j'ai dûment fait.

Mur de pierre

Sauf que nos négociations avec les institutions, la Troïka, étaient l'expérience la plus frustrante que l'on puisse avoir. Comme certains personnes ennuyeuses qui veulent vous parler de tout à la fois, ce qui signifie que vous finissez par ne parler de rien du tout, les institutions ont insisté sur un "examen complet" conduisant à un "accord global", ce qui signifiait qu'ils voulaient parler à propos de tout.

Ils disaient: nous avons besoin de toutes vos données sur la trajectoire budgétaire où est aujourd'hui l'économie grecque, nous avons besoin de toutes les données sur les entreprises publiques, toutes les données sur les fonds de pension, sur les sociétés d'énergie, sur ceci, cela et l'autre. Pour démontrer notre coopération nous avons avancé, répondu aux questionnaires, tenu d'innombrables réunions qui fournissaient les données. Après avoir perdu beaucoup de temps à chercher des données qu'ils avaient déjà, et avant que nous les ministres en prenions connaissance, ils nous demandaient ce que nous avions l'intention de faire sur la taxe sur la TVA. Nous faisions de notre mieux pour leur expliquer nos plans modérés sensibles pour la TVA. Ils écoutaient, semblant sceptiques, rejetaient notre proposition mais ne parvenaient pas à en faire une. Et puis, avant d'avancer vers un accord sur la TVA, ils passaient à une autre question, comme la privatisation. Ils demandaient ce que nous voulions faire au sujet de la privatisation, nous mettions en avant quelque chose de sensé et de modéré, ils le rejetaient. Ensuite, ils se déplaçaient sur un autre sujet, comme les pensions, puis sur les marchés de produits, puis sur les relations de travail, etc. C'était comme un chat qui court après sa queue.

Peut-être le plus grand obstacle à la conduite d'une négociation raisonnable était la fragmentation de la Troïka. Le FMI était proche de nous pour reconnaître l'importance de la restructuration de la dette, mais il a insisté pour que nous retirions toutes les protections restantes des droits des travailleurs et des professionnels de la classe moyenne, comme les pharmaciens ou les ingénieurs. La Commission était beaucoup plus sympathique à notre égard sur ces questions sociales, mais interdisait toute référence à la restructuration de la dette de peur que ça ne dérange Berlin ou Francfort. La BCE avait son propre ordre du jour. En bref, chacune des institutions avait différentes lignes rouges, ce qui signifiait que nous étions emprisonnés dans une grille de lignes rouges.

Pire encore, nous avons dû faire face à la "désintégration verticale " de nos créanciers, car les patrons du FMI et de la Commission avaient un programme différent de leurs sbires ou que les ministres des finances allemands et autrichiens avaient un ordre du jour en contradiction totale avec celui de leurs chanceliers.

Pendant ce temps, comme les jours et les semaines passaient en raison de la détermination de nos créanciers à retarder, retarder et retarder, tandis que des fuites dans la presse prétendaient dans le même temps que nous empêchions les négociations, notre gouvernement a été asphyxié par la BCE. Même avant que notre élection, la BCE avait indiqué qu'elle réduirait en Grèce l'accès bancaire aux liquidités. Nos adversaires dans la presse ont tourné cela en une gigantesque campagne de peur, incitant efficacement les déposants à retirer leur argent des banques. Il n'y a rien de plus facile au monde que de créer un bank run - bank run que les banques centrales ont été créées pour empêcher.

Quelques jours après notre élection, je me suis précipité à Londres pour parler aux financiers de la ville afin de calmer leurs nerfs et de les convaincre que notre gouvernement était favorable à l'entreprise, tout en étant déterminé à sauvegarder l'intérêt de notre population en difficulté. Ça a marché. Le lendemain matin, la bourse grecque a augmenté de 12% et la Banque d'actions de 20% et plus. Le jour d'après, la BCE a annoncé qu'elle devait limiter l'accès de nos banques au mécanisme de liquidité. La bourse fut de nouveau écrasée. Pourquoi la BCE fit-elle cela à notre nouveau gouvernement?

La réponse officielle fut que «le programme» de la Grèce venant à expiration à la fin de Février, cela "soulevait des questions sur la garantie des banques grecques". En réalité, la BCE mettait la pression sur notre gouvernement afin qu'il arrête le rêve de rallumer l'espoir et accepte le programme échoué de la Troïka tel qu'il était - peut-être avec quelques modifications cosmétiques.

Il est intéressant de comparer ce que la BCE nous a fait avec ce qu'elle avait fait l'été 2012, lorsqu'un nouveau gouvernement avait été élu et que, à nouveau, le «programme» grec était dans les limbes. La BCE avait alors augmenté la liquidité des banques à des niveaux très hauts en une seule fois et l'augmentation du crédit de la carte (ou T-Bill) limite de l'Etat grec de 15 milliards à 18. 3 milliards. Dans notre cas? Dans notre cas, la BCE a augmenté la liquidité des banques peu à peu, jour après jour, créant chez les déposants la peur que peut-être demain la limite ne serait pas relevée et que les banques seraient à sec. Naturellement, le bank run a empiré.

Quant à la limite de la carte de crédit du gouvernement, au lieu de la pousser jusqu'à 15 à 18.3 milliards, la BCE a poussé vers le bas, utilisant une astuce juridique sans précédent, passant de 15 à 9 milliards. Et tout cela à un moment où je devais trouver 7 milliards pour effectuer des paiements au FMI, paiements devant à l'origine être faits avec de nouveaux prêts qui ne nous ont été jamais donnés.

Leur stratégie était très, très simple: retarder tout accord avec nous, nous en faire porter le blâme, parler du manque de «crédibilité» de nos propositions, jusqu'à ce que notre gouvernement, l'État, soit à court de liquidités. Puis nous poser un ultimatum sous la menace de la fermeture immédiate de la banque. Ce ne fut rien d'autre qu'un coup d'Etat.

Comme je l'ai dit, en 1967, il y eut les tanks et en 2015 il y eut les banques. Mais le résultat est le même: avoir renversé le gouvernement ou l'avoir forcé à se renverser - en tant que Premier ministre Tsipras malheureusement a décidé de le faire le soir de notre magnifique référendum, la nuit, je démissionnais de mon ministère, et puis de nouveau le 12 juillet.

Les gros poissons à frire

Pour en revenir à Février, je pouvais voir l'écriture sur le mur. Je pouvais voir que la troïka n'était pas intéressée par les réformes touchant l'oligarchie, en partie parce qu'ils étaient dans une relation confortable avec les oligarques (dont la presse a soutenu la Troïka dans sa lutte contre nous) et en partie parce qu'ils avaient d'autres gros poissons à frire, la France étant le plus gros.

Que pouvais-je faire pour qu'il leur soit difficile d'ignorer nos propositions? J'ai fait deux choses. Je leur ai suggéré ce que je pensais était un compromis décent et raisonnable en ce qui concerne le processus de négociations. Je leur ai dit: nous convenons de trois ou quatre réformes importantes, comme le système fiscal, la TVA, un système pour lutter contre la corruption dans les marchés publics, et nous les mettons en œuvre immédiatement, pendant que la BCE assouplit les restrictions sur notre liquidité. Vous voulez un accord global? Continuons la négociation pour y arriver - mais en attendant, laissez-nous nous soumettre ces réformes au parlement.

Leur réponse? "Non, non, non, ce doit être un examen complet. Rien ne sera mis en œuvre si vous osez introduire une législation. Ce sera considéré comme une action unilatérale hostile au processus pour parvenir à un accord ".

Donc, en réponse, j'ai essayé quelque chose d'autre, qui m'a été recommandé par une personne très haut placée dans le Fonds monétaire international. Avec une équipe d'experts talentueux, je crée un plan de 60 pages pour le redressement de la Grèce, un programme de réformes pour la Grèce, un plan directeur pour mettre fin à la crise grecque. Dans cette équipe travaillent des experts non grecs: le ministre britannique des finances, Thomas Mayer, ancien économiste en chef de la Deutsche Bank, mon grand ami Jamie Galbraith, de l'Université du Texas, et Mariana Mazzucato, de l'Université de Sussex. Ensuite, Jeff Sachs, de l'Université Columbia, qui a aidé à mettre sur pied de nombreux programmes nationaux de réforme au nom du Fonds monétaire international, m'a aidé à modifier le document.

J'ai remis ce document à d'autres ministres des Finances, l'ai envoyé aux gouvernements et aux fonctionnaires des institutions. Quelqu'un y a-t-il porté attention? Bien sûr que non. Même mon Premier ministre a été trop timide pour le soumettre à d'autres chefs de gouvernement, de peur que la Troïka ne le voie comme un défi à son autorité, à son "processus d'examen complet"?

Pendant ce temps, la Troïka, diverses personnes de la Commission, du ministère allemand des Finances et d'autres sources de pouvoir, ont accéléré les fuites dans les médias disant que nous refusions de réformer le pays, que nous perdions notre temps, que nous n'avions rien crédible à offrir!

Je vous invite à regarder mon site où je l'ai téléchargé ce document et, si vous avez le temps et l'énergie, de le comparer à l'«accord» qui a finalement été imposé au Premier ministre Tsipras. Un rapide coup d'œil vous convaincra que notre plan, celui dont personne ne discute, que même le gouvernement grec n'a pas réussi à faire connaître, mettrait fin à la crise grecque, contrairement aux termes de la reddition dictée le 12 Juillet, que notre Parlement a adoptée récemment, et qui va alimenter la crise avec en outre des effets catastrophiques sur les plus faibles des citoyens grecs.

Jeu final

Et la négociation s'est poursuivie sans fin, jusqu'à ce que notre Etat manque complètement de liquidités. A la 11ème heure, le 25 Juin, quatre jours avant que les banques grecques ne soient fermées par la BCE, la Troïka nous a donné sa proposition d' accord. C'était un ultimatum. Vous acceptez, ou vos banques ne rouvriront jamais leurs portes.

Nous lisons leurs propositions. Elles étaient absolument toxiques ... totalement non viables et toxiques. Ils voulaient que nous engagions une nouvelle austérité ridicule, que nous augmentions la TVA sur les hôtels de nos îles de l'Egée de 6% à 23%, quand en Turquie, il est de 7%, que nous réduisions les pensions des retraités les plus pauvres d'un tiers. La liste des horreurs sur lesquelles ils insistaient était sans fin.

Pendant des mois, ils ont asphyxié notre gouvernement et l'économie avec simultanément un bank run et un resserrement des liquidités, ils exigeaient que notre État stressé rembourse le Fonds Monétaire International au détriment de sa propre substance en décomposition, et ils ont freiné les négociations jusqu'à ce que nous arrivions au bord de la falaise. Et à ce moment ils ont fait le genre de proposition qu'on fait quand on ne veut pas d'accord. La question est: Pourquoi donc faisaient-ils cela?

Ont-ils tout fait pour que nous acceptions ces réformes? Bien sûr que non. Nous souhaitions désespérément introduire des réformes. Quand ils parlaient de réformes, ce n'est pas de réformes qu'ils parlaient. Ce n'est pas une réforme de réduire la pension mensuelle d'un retraité de 300 euros par mois à 200 euros par mois. Nos propositions de réforme du système de retraite étaient de véritables réformes - nous avions un plan pour utiliser comme levier les biens publics afin de créer des investissements versant des dividendes qui, à leur tour, soutiendraient les fonds de pension. Nous avons proposé une restructuration des fonds de pension et des restrictions drastiques sur la retraite anticipée. Mais cela ne les a pas intéressés.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question de la dette. L'objectif d'une restructuration de la dette est de réduire les nouveaux prêts nécessaires pour sauver un débiteur en faillite. Les créanciers offrent un allègement de la dette pour obtenir plus de valeurs en retour et réduire les nouveaux financements. Les créanciers de la Grèce ont fait le contraire. Ils ont refusé de restructurer la dette et insisté pour que nous nous endettions de plus en plus, dans des conditions rendant le remboursement impossible.

Au cours des négociations, je ne cessais de suggérer à nos créanciers une série de swaps intelligents de la dette qui auraient deux objectifs: réduire au minimum les nouveaux prêts, et s'assurer que la Grèce bénéficie du même soutien de la BCE dont le reste des Etats membres de la zone euro bénéficient quotidiennement, ce qui est la meilleure façon de cesser d'emprunter auprès des contribuables européens. Ils ont rejeté mes propositions et ont imposé un nouveau prêt qui est le double de ce qui était nécessaire.

Nos propositions n'ont même pas été rejetées: elles n'ont jamais été discutées, c'est ça le vrai problème! Même si nous étions habilités à dire qu'elles étaient techniquement rigoureuses et juridiquement solides, la volonté politique de l'Eurogroupe était de les ignorer, de laisser les négociations échouer, de fermer nos banques, et de forcer le gouvernement grec à capituler sur tout - y compris sur un nouveau prêt massif beaucoup plus grand que ce que nous avions proposé.

Pourquoi?

Donc, retour à la terrible question: Pourquoi les créanciers de la Grèce préfèrent-ils un nouveau paquet de prêts beaucoup plus grand que nécessaire? Pourquoi ignoraient-ils nos propositions de réforme dont ils savaient que nous pouvions et voulions les mettre en œuvre? Pourquoi ont-ils gaspillé l'opportunité que nous représentions en tant que gouvernement ayant le soutien de la grande majorité du peuple grec? Nous pouvions demander aux Grecs de prendre un remède amer, mais pas toxique, de la médecine réformiste. Pourquoi ont-ils exigé que le médicament soit toxique et non thérapeutique?

Il n'y a pas de réponse économique ici. La seule réponse est en termes de puissance politique. La plus grande crainte de la troïka était que notre gouvernement puisse réussir. Que sa grande sagesse et son autorité soient mises en cause par vous, chers amis, par les peuples d'Europe. La Troïka ne se préoccupe pas de la plaie purulente permanente qu'est la Grèce. Le ministre allemand des Finances n'est même pas préoccupé par le remboursement des contribuables allemands.

Ceux qui dirigent le spectacle en Europe sont prêts à verser beaucoup plus d'argent de leurs contribuables dans la fosse sans fond grecque, pendant que les Grecs souffrent, si c'est la seule façon qu'ils ont de perpétuer leur contrôle sur leur propre peuple.

• La dette est le pouvoir du créancier et la dette insoutenable donne aux créanciers encore plus de puissance.

• Ils ne voulaient pas rembourser votre argent.

• Ils voulaient renverser notre gouvernement à vos frais.

• Encore mieux, ils nous voulaient étendus [sur] un lit de clous, dépendant de leur bon vouloir, et les en remerciant.

• Ils voulaient humilier le seul gouvernement qui a osé questionner la logique d'une politique économique illogique.

Notre longue négociation de cinq mois fut un conflit entre le droit des créanciers de gouverner un pays débiteur et le droit démocratique des citoyens de cette nation d'être autogouvernés. Il n'y a jamais eu une négociation entre l'UE et la Grèce en tant qu'Etat membre de l'UE.

Voilà pourquoi je suis ici. Je suis ici parce que ce qui nous est arrivé est en train de vous arriver. La Grèce est un champ de bataille sur lequel une guerre contre la démocratie européenne, contre la démocratie française, a été tentée et testée.

En mai dernier, en marge d'une autre réunion de l'Eurogroupe, encore un autre, j'avais eu le privilège d'une conversation fascinante avec le Dr Schäuble. Nous avions parlé longuement à la fois de la Grèce et de l'avenir de la zone euro. Plus tard ce jour-là, l'ordre du jour de la réunion de l'Eurogroupe comportait un article sur les changements institutionnels à venir pour renforcer la zone euro. Dans ces conversations, ce que le Dr Schäuble prévoyait pour l'Europe est devenu très clair. Il était également clair que la grande majorité des ministres des Finances étaient d'accord. Michel Sapin n'était pas parmi eux, mais, je ne me souviens pas de l'avoir vu contester ouvertement la vision de Dr Schäuble. Clairement, la France n'est plus ce qu'elle a été...

Et quel est le plan? François Mitterrand savait que la zone euro avait été mal construite. Il croyait que la première grande crise de l'euro obligerait ses successeurs à introduire l'union politique nécessaire pour sauver l'Europe d'une fragmentation semblable à celle des années 1930. Il avait tort.

Une crise à grande échelle est bien sûr inévitable lorsque le contrôle sur l'argent de différentes nations est concédé à des "technocrates" déconnectés de tout processus parlementaire susceptible de l'infléchir si nécessaire. Une fois que la crise inévitable éclate, les intérêts nationaux refont surface sur un mode vengeur. L'histoire a prouvé que Mitterrand avait tort: La crise a opposé une nation fière à un autre et a repoussé à un avenir lointain une solution fédérale.

Nous sommes restés avec le plan de Dr Schäuble: Un seigneur du budget Eurozonal (peut-être une version glorifiée de président de l'Eurogroupe) muni uniquement de pouvoir négatif, ou de veto, sur les budgets nationaux. Sur le budget de la France, pour être précis. Un Eurogroupe qui devient de plus en plus puissant pendant que la Commission européenne se fane à l'arrière-plan, confinée à des questions d'importance mineure.

A ceux qui disent «plus d'Europe» et parlent en faveur d'une «union politique», je dis: méfiez-vous! L'Union soviétique était aussi une union politique. La question est: Quel genre d'union politique? Un royaume démocratique de prospérité partagée? Ou une cage de fer pour les peuples d'Europe?

Une démocratie fédérale comme l'Allemagne, les Etats-Unis ou l'Australie, permettez-moi de vous le rappeler, est fondée sur la souveraineté de ses citoyens, comme en témoigne le pouvoir de ses représentants fédéraux de légiférer au nom du peuple souverain.

En contraste, le Plan Schäuble conçoit seulement des pouvoirs négatifs: Un seigneur du budget qui peut seulement dire «non», mais a une capacité très limitée de recycler les excédents vers les régions déficitaires de l'Europe - ce qu'un système fédéral ferait.

Le problème posé par ce plan est double. Premièrement, il ne permet pas de protéger et de gérer la macro-économie de la zone euro. Deuxièmement, il viole les principes fondamentaux de la démocratie libérale occidentale.

Alors, que vient faire la Grèce dans tout cela? Elle est utilisée dans une sorte de conte moral, pour vous démontrer à vous ce qui vous attend si vous résistez à cette version disciplinaire de l'union politique. Le Grexit est conçu comme une menace pour forcer le peuple de France à accepter comme un moindre mal l'austérité permanente, la crise permanente et le contrôle de votre destin par des irresponsables, des gens sans visage, des pseudo-technocrates économiquement analphabètes.

Ne vous méprenez pas: notre gouvernement a été écrasé, car nous avons osé dire non à la Troïka à une époque où elle avait des plans pour venir à Paris. Vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été prévenus. "Nous sommes tous des Grecs désormais" non pas parce qu'il y a quelque chose de supérieur chez les Grecs, mais parce que le printemps d'Athènes a allumé une petite bougie d'espoir chez tous les Européens. Une bougie que la Troïka devait éteindre à tout prix, de peur que son autorité soit contestée par le spectre de la démocratie.

Perte de la souveraineté sur les ministères clés de l'Etat

Une des choses les plus choquantes pour moi, après que je fus devenu ministre des Finances, fut de comprendre à quel point cinq ans de règne de la Troïka avaient transformé l'Etat grec en fromage suisse. Des pans entiers de notre gouvernement avaient été engloutis par la Troïka, leur répondant directement à eux, ne rendant pas compte aux ministres, voire au Parlement.

Et ce n'était pas seulement la Banque de Grèce, qui était incorporée dans la Banque centrale européenne et qui, au lieu d'aider notre gouvernement (comme il était prévu que les banques centrales le fassent), nous a asphyxiés. Non, je pense à d'autres institutions cruciales comme le Fonds hellénique de stabilité financière - HFSF - (qui détient pour le compte de l'Etat toutes les banques), à l'instance qui gère toutes les privatisations, à l'Office statistique et, bien sûr, au secrétariat de mon propre ministère.

Quand j'ai décidé de réduire les énormes salaires des gestionnaires de HFSF, nommés en grande partie par la Troïka, je reçus une lettre de M. Thomas Wieser, le président du groupe de travail euro, un fonctionnaire clé de la Troïka, qui m'a dit que je ne pouvais pas le faire sans son approbation. Dans un pays où la Troïka exige des réductions de salaire et de retraite constants, le ministre ne peut pas réduire les salaires exorbitants des favoris garçons et filles de la Troïka - salaires versés par notre nation en faillite.

À une autre occasion, j'ai essayé d'interroger le secrétariat de mon propre ministère à propos du retard de quatre mois qui affectait l'ouverture de l'application Web par laquelle les entreprises soumettent leurs déclarations de revenus. Or durant ces quatre mois notre État était asphyxié et avait grand besoin de recettes fiscales. On m'a dit que je n'avais aucune autorité sur le Secrétariat des recettes publiques, qui était effectivement directement relié à la Troïka. Bientôt, au cours des négociations, la Troïka donna plus d'autonomie au secrétariat général qui aidait à l'asphyxie de notre État!

Et quand, après ma démission, je parlai à un groupe de financiers de mon plan pour rétablir la souveraineté nationale sur ce secrétariat particulier, je fus soudain confronté à une campagne, par les médias grecs amis de la Troïka, dans le but de me faire inculper pour ... haute trahison.

Je vous dis tout cela afin que vous soyez avertis. Lorsque la Troïka viendra à Paris, en personne ou en esprit, sachez ceci: une privation hideuse de souveraineté nationale sera imposée aux ministres français aussi - si ce n'est pas déjà fait.

Déficit démocratique

Permettez-moi de revenir à la fin Juin. Le premier ministre Tsipras avait annoncé le référendum car nous n'avions le mandat ni d'accepter un accord non-viable, ni d'entrer en conflit avec l'Europe. Donc, nous avons demandé au peuple grec de donner son avis sur l'ultimatum.

Lors de la réunion de l'Eurogroupe qui a suivi, le 27 Juin, je suis fustigé par plusieurs ministres des Finances pour avoir posé des questions financières complexes à des gens ordinaires. Quoi ? N'est-ce pas une question de démocratie? Poser des questions complexes aux gens ordinaires, sur la base de : une personne, une voix? Avais-je bien entendu? L'Eurogroupe - l'organe de la plus grande économie du monde où toutes les décisions qui façonnent nos économies sociales sont prises - me jetait la démocratie au visage?

Lors de cette réunion, le président Dijsselbloem a annoncé qu'il était sur le point de convoquer une deuxième réunion tard dans la soirée, sans moi : sans que la Grèce ne soit représentée. Je protestais qu'il ne pouvait pas, de lui-même, exclure le ministre des Finances d'un État-membre de la zone euro et j'ai demandé un avis juridique sur la question.

Après une courte pause, l'avis est tombé du Secrétariat de l'Eurogroupe: "L'Eurogroupe n'existe pas dans le droit européen. C'est un groupe informel et, par conséquent, aucune règle écrite ne peut contraindre son président". Aucune règle écrite, aucun procès-verbal (permettant aux citoyens de voir ce qui a été dit en leur nom), aucun respect pour la démocratie. Voilà l'institution qui décide pour vous et moi, pour vos enfants et les miens. Est-ce l'Europe pour laquelle Adenauer, De Gaulle, Brandt, Giscard, Schmidt, Kohl, Mitterrand, etc. avaient travaillé? Ou est-ce l'épitaphe de l'Europe que nous avions toujours pensée être notre point de référence, notre boussole?

Une semaine plus tard, le peuple de Grèce, malgré les banques fermées et la peur exploitée par des médias grecs corrompus, a prononcé un NON retentissant au référendum. Le lendemain, le Sommet Euro a répondu en imposant à notre Premier ministre un accord qui ne peut être décrit pour notre gouvernement qu'en termes de capitulation. Et l'arme de choix du Sommet Euro? La menace illégale d'amputer la Grèce de la zone euro.

Quoi qu'on pense de notre gouvernement, et malgré les divisions entre nous occasionnées par cette capitulation, cet épisode restera dans l'histoire de l'Europe comme le moment où l'Europe officielle a déclaré la guerre à la démocratie européenne. La Grèce a capitulé, mais c'est l'Europe qui a été défaite.

Notre mécontentement

Comme vous avez pu l'entendre, cette nuit-là j'ai été en désaccord avec le Premier ministre Tsipras et j'ai démissionné. Nous avions été en désaccord sur un certain nombre de questions auparavant.

Avoir concédé à la Troïka fin avril des excédents primaires ridiculement élevés, sans mon consentement, a été une façon d'enhardir nos créanciers. Une fois que vous acquiescez sur des excédents primaires élevés, vous acceptez une nouvelle austérité, vous signalez que vous n'êtes pas vraiment sérieux quand vous parlez de restructuration de la dette. Et une fois que vous cédez sur l'austérité et la dette, la Troïka sait que vous êtes battu. Tout ce qu'ils avaient à faire était d'attendre notre capitulation.

La raison pour laquelle je n'ai pas démissionné alors, fin avril et début mai, c'était que j'étais certain que la Troïka ne donnerait pas à mon Premier ministre un accord à moitié décent, même après qu'il leur eut accordé presque tout ce qu'ils avaient demandé. Car leur but était notre humiliation, plutôt qu'un accord très dur d'austérité. Et donc j'ai attendu que Alexis durcisse le ton. Le référendum lui a donné cette chance.

Lorsque l'Eurogroupe a demandé à la BCE de fermer nos banques en représailles à notre référendum - les mêmes banques que la BCE avait déclaré à plusieurs reprises être insolvables - je recommandais deux ou trois actes en représailles de notre côté. Quand je fus mis en minorité au sein de notre cabinet de guerre, je savais que c'était fini.

Et pourtant les personnes courageuses de Grèce, en dépit de la propagande menée par les oligarques de la télévision et de la radio, ignorant les banques fermées, avaient voté un retentissant «Non» à la capitulation. Cette nuit-là Danae et moi avons senti que nous avions une autre chance. Ou que, à tout le moins, nous devrions démissionner si nous pensions que nous avions usé toutes nos armes, prenant la rue avec notre peuple courageux. «Pas en notre nom» aurait dû être notre réponse de défi à la demande de la Troïka que nous signions son catastrophique «nouveau» plan.

Ces désaccords entre Alexis Tsipras et moi sont maintenant de l'eau sous le pont. Je suis désolé que nos chemins aient divergé. En particulier, il me désole d'entendre mon camarade se battre pour appuyer un programme dont il sait qu'il n'est pas fait pour marcher.

Pouvons-nous aller de l'avant unis dans la différence? La gauche n'a pas été bonne à cela dans le passé. Cela s'améliore maintenant. Nous devons laisser la porte ouverte à tous ceux qui ont l'envie et la capacité de nous rejoindre dans la lutte pour récupérer l'intégrité et l'âme de l'Europe. Pour démocratiser la zone euro.

Une fausse, mais divertissante, histoire de l'euro

Pourquoi nous, Européens, avons créé l'euro? Une réponse peu analytique mais divertissante:

Les Français craignent les Allemands

Les Irlandais voulaient échapper à la Grande-Bretagne

Les Grecs étaient terrifiés par la Turquie

Les Espagnols voulaient devenir comme les Français

Les Italiens du Sud voulaient des droits migrateurs vers... l'Allemagne

Les Italiens du Nord voulaient devenir allemands

Les Néerlandais et les Autrichiens étaient presque tous devenus allemands

Les Belges ont cherché à guérir leurs profondes divisions en rejoignant à la fois la Hollande et la France sous l'égide d'un Deutsch mark reconfiguré

Les pays baltes frissonnaient à la pensée d'une résurgence de la Russie

Les Slovaques n'avaient nulle part où aller après la séparation d'avec leurs frères tchèques

La Slovénie fuyait les Balkans

La Finlande devait faire quelque chose que la Suède ne ferait pas

Et, enfin, les Allemands craignaient les ...Allemands !

Comme tous les gros mensonges, cette liste contient d'importantes petites vérités. Les Français craignaient vraiment les Allemands. Et les Allemands avaient des raisons de craindre cette peur, ainsi que la capacité à l'autodestruction de leur propre État-nation.

Sur ce point, je tiens à différer de ceux qui ont imputé la crise de l'Europe "à l'Allemagne" et "aux Allemands". Je me suis toujours opposé à cela pour deux raisons.

Tout d'abord, "les Allemands" ça n'existe pas. Pas plus que "les" Grecs. Ou "les" Français. Quiconque connaît les sociétés allemande, grecque, française sait qu'il y a beaucoup plus de différences de caractère, de vertu ou d'opinion parmi les Grecs, les Français ou les Allemands qu'il n'y a de différences entre Allemands, Français et Grecs.

La deuxième raison pour laquelle je m'oppose à la censure de l'Allemagne est que Paris porte une plus grande responsabilité que Berlin dans notre pagaille actuelle. Permettez-moi de vous ramener au 18 Septembre 1992. Ce jour-là, deux jours avant que les Français ne votent lors du référendum sur le traité de Maastricht, Le Figaro avait écrit:

Les adversaires de Maastricht craignent que la monnaie commune et la nouvelle Banque centrale ne fortifient la supériorité du Deutsche Mark et de la Bundesbank. Mais c'est exactement le contraire qui va se passer. Si elle vient à Maastricht, l'Allemagne devra partager sa puissance financière avec les autres. «L'Allemagne paiera», disaient-ils dans les années 1920. Aujourd'hui, l'Allemagne paie vraiment. Maastricht est le Traité de Versailles sans la guerre.

Aucun Allemand ne pouvait pardonner une telle insensibilité. Que l'établissement français lutte de cette façon pour convaincre un électorat français sceptique de voter «OUI» au référendum n'était pas une excuse.

Le Traité de Versailles de 1919 a condamné les Allemands à la misère indicible, a humilié la fière nation allemande, et a préparé le terrain aux voyous nazis. Les nazis seraient restés une note historique en bas de page s'il n'y avait pas eu les réparations impossibles du traité de Versailles.

Ce ne fut pas seulement le capricieux éditorial de certains journaux français. Le Président De Gaulle avait également envisagé l'union monétaire avec l'Allemagne comme "la guerre par d'autres moyens», précisément dans l'esprit du Figaro. Et puis en 1983, lorsque François Mitterrand a décidé d'abandonner les politiques anti-austérité du gouvernement socialiste pour apaiser les marchés et la Bundesbank, Jacques Delors a fait valoir qu'il embrassait l'austérité parce que l'austérité pouvait être seulement vaincue au niveau européen. Le plan de Delors était de capturer une institution chérie par le peuple allemand, la Bundesbank, de la subsumer dans une banque centrale française dominée, et d'étendre en Allemagne et au reste de l'Europe des politiques chères au coeur de Paris.

Oui, il est vrai que j'en ai eu assez d'entendre les politiciens allemands, comme Wolfgang Schäuble, parler et parler sur la sainteté de règles inapplicables. Mais nous devons être honnêtes: les élites de la France sont responsables d'avoir mis les élites de l'Allemagne sur la défensive. Les diplômés des Grand Ecoles françaises tiennent des beaux discours sur le bien commun de l'Europe, mais en réalité, ils ont tenu à sacrifier les intérêts de la majorité du peuple français sur l'autel de leur étroit intérêt. Ils n'ont cessé d'exiger de leur propre peuple et du reste de l'Europe de faire des sacrifices afin que la classe dirigeante de la France prospère, avec des Deutsch mark ou des euros plein les poches.

L'euro a changé tout cela. Enfermés dans son étreinte d'acier, les administrateurs sophistiqués de la France se rendent compte maintenant que l'union monétaire ne va pas leur offrir l'Allemagne sur un plateau. En effet, ils se rendent compte que non seulement ils ne gagnent pas sur l'Allemagne mais qu'ils perdent la France. Cela ne nous offre, à nous humanistes européens engagés, aucun réconfort. Nos peuples en France, en Allemagne, en Grèce, en Finlande souffrent de la manipulation inepte par nos prétendues élites de la crise inévitable de l'euro.

Les fourmis et les sauterelles

Pour en revenir à ce vieux manifeste avec lequel j'ai commencé mon discours, il reste vrai que l'histoire de l'humanité est l'histoire de la lutte de classes. La seule force politique qui l'a oublié est la ... Gauche. La droite n'a jamais cessé de poursuivre la guerre de classe dans la pratique tout en utilisant chaque crise pour opposer les unes aux autres les nations fières.

L'idée que les fourmis vivent toutes dans le Nord et les sauterelles toutes dans le Sud, en plus de l'Irlande, est absurde. Il y a des fourmis et il y a des sauterelles dans chacune de nos nations. Pendant les «bons» moments de la zone euro, les sauterelles du Nord et les sauterelles du Sud ont dévoré frénétiquement. Et quand leurs péchés ont conduit à la crise, ce sont les fourmis du Nord et les fourmis du Sud qui ont été forcées à payer la facture.

La Troïka et l'Eurogroupe sont les instances qui ont endossé l'agenda des sauterelles de l'Europe officielle, partout en Europe, tournant les fourmis du Nord contre les fourmis du Sud dans une Europe qui est en train de perdre son âme du fait des stéréotypes, des dénis et à cause des sales prétendues élites extrêmement déterminées à ne pas lâcher les leviers du pouvoir mal acquis.

En 1929, un accident à Wall Street a commencé le processus qui a démantelé la monnaie commune de l'époque - le Gold Standard. En 2008, un autre accident à Wall Street a commencé le processus de fragmentation de la zone euro. À ces deux occasions, les Français se retournèrent contre les Allemands, les Allemands contre les Français, avant que les Français ne se retournent contre les Français, les Grecs contre les Grecs et les Allemands contre les Allemands. À ces deux occasions, dans les années 1930 et maintenant, les seuls bénéficiaires ont été les bigots, les nationalistes, les xénophobes, les misanthropes. L'œuf du serpent n'a pas mis longtemps à éclore dans de telles circonstances.

Anti-nationaliste, anti-nazi

Voilà pourquoi il est si important que nous évitions de commencer des phrases par «Les Allemands ceci» ou «Les Français qui" ou "Les Grecs". Voilà pourquoi il est impératif que nous comprenions que "les" Allemands, "les" Grecs ou "les" Français n'existent pas. Que nous sommes tous des Européens face à une crise très européenne.

Lors de ma première visite à Berlin, au cours de la conférence de presse que je donnais avec le Dr. Wolfgang Schäuble, j'ai dit:

En tant que ministre des Finances d'un gouvernement confronté à des circonstances d''urgence causées par une crise de dette déflationniste sauvage, je pense que la nation allemande est celle qui peut le mieux nous comprendre. Personne ne peut mieux comprendre que les gens de ce pays à quel point une économie très déprimée, soumise à un rituel d'humiliation nationale et de désespoir sans fin, peut voir éclore l'œuf du serpent en son sein. Quand je rentrerai à la maison ce soir, je vais me retrouver dans un Parlement où le troisième plus grand parti est un parti nazi.

L'Allemagne peut être fière du fait que le nazisme a été éradiqué ici. Mais c'est l'une des ironies cruelles de l'histoire que le nazisme ait montré son visage laid en Grèce, un pays qui a mené une forte lutte contre lui. Nous avons besoin du peuple de l'Allemagne pour nous aider à lutter contre la misanthropie. Nous avons besoin que nos amis allemands restent fermes dans le projet européen de l'après-guerre; c'est à dire, ne plus jamais permettre une dépression comme celle des années 1930, divisant les fières nations européennes. Nous ferons notre devoir à cet égard. Et je suis convaincu que c'est ce que feront nos partenaires européens.

Donc, jamais plus de stéréotypes sur les Grecs, les Allemands, les Français, tout le monde. Tendons la main à tous ceux qui veulent refaire de l'Europe un royaume démocratique de prospérité partagée.

CONCLUSION

Je vous ai assez fatigués. Laissez-moi en mon nom et celui de Danaé, exprimer nos profonds remerciements à Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti pour leur hospitalité, leur amitié et pour nous avoir permis de vous rencontrer vous tous aujourd'hui - pour cette occasion de commencer quelque chose d'important, ici, à Frangy.

La France est le laboratoire de l'Europe. En apportant en France l'esprit du printemps d'Athènes on peut donner à l'espoir une autre chance.

Chers amis, la diversité et la différence n'ont jamais été le problème de l'Europe.

Notre continent a commencé à se réunir avec de nombreuses langues et des cultures différentes, mais il est en train de finir divisé par une monnaie commune.

Pourquoi? Parce que nous laissons nos dirigeants faire quelque chose qui ne peut pas être fait: dépolitiser l'argent, pour faire de Bruxelles, de l'Eurogroupe, de la BCE, des zones franches apolitiques.

Quand la politique et l'argent sont dépolitisés ce qui se passe c'est que la démocratie meurt. Et quand la démocratie meurt, la prospérité est confinée au très petit nombre de gens qui ne peuvent même pas en profiter derrière les portes et les clôtures qu'ils ont eu besoin de construire pour se protéger de leurs victimes.

Pour contrer cette dystopie les peuples d'Europe doivent croire à nouveau que la démocratie n'est pas un luxe offert aux créanciers et refusé aux endettés.

Peut-être le temps est-il venu d'un réseau européen dont l'objectif explicite soit la démocratisation de l'euro. Pas un autre parti politique, mais une coalition inclusive paneuropéenne de Helsinki à Lisbonne et de Dublin à Athènes, s'engageant à passer de l'Europe de «Nous, les gouvernements» à l'Europe «Nous, le peuple». S'engageant à mettre fin au jeu du blâme. Attaché à la maxime selon laquelle il n'existe rien de tel que "les" Allemands, "les" Français ou "les" Grecs.

Le modèle des partis nationaux qui forment des alliances fragiles au Parlement européen est obsolète. Les démocrates européens doivent se réunir d'abord, former un réseau, établir un programme commun, et ensuite trouver des façons de se connecter avec les communautés locales et au niveau national.

Le réalisme exige de notre nouveau réseau européen de chercher des moyens d'adapter les institutions européennes existantes aux besoins de nos peuples. D'être modestes et d'utiliser les institutions existantes de façon créative. Pour oublier, au moins pour l'instant, les modifications des traités et les mesures fédérales qui ne pourront suivre que lorsque nous, et le spectre de la démocratie, aurons mis fin à la crise.

Prenez les quatre domaines où la crise de l'Europe se déroule. La dette, les banques, l'insuffisance des investissements et la pauvreté. Ils sont tous les quatre actuellement laissés dans les mains des gouvernements qui sont impuissants à agir sur eux. Européanisons les!

Que les institutions existantes gèrent une partie de la dette des Etats-membres, place les banques en faillite sous une juridiction européenne commune, donne à la BCE la tâche d'administrer un programme pan-européen de récupération de l'investissement. Et, enfin, utilisons les bénéfices comptables accumulés dans le Système européen de banques centrales pour financer un programme de lutte contre la pauvreté partout en Europe - y compris en Allemagne.

J'appelle ça un programme primordial d'européanisation décentralisée car il européanise nos problèmes communs, mais ne propose pas de trésor fédéral, pas de perte de souveraineté, pas de transferts fiscaux, pas de garanties allemandes ou françaises pour la dette irlandaise ou grecque, pas de modifications des traités, pas de nouvelles institutions. Il donne plus de liberté aux gouvernements élus. Il limite leur impuissance. Il rétablit le fonctionnement démocratique de nos parlements.

Il y a quelques années, Michel Rocard a défendu cette proposition, et en a même écrit la préface. Ce peut être le point de départ des réflexions de notre réseau paneuropéen réunissant la gauche française, la gauche radicale grecque, une société allemande plus confiante, et même les conservateurs qui reconnaissent que les dispositions actuelles empoisonnent la démocratie et font dérailler nos économies.

Nous ne sommes pas d'accord sur tout. Démarrons avec l'idée commune que la zone euro doit être démocratisée.

Lorsqu'on a demandé à Gandhi ce qu'il pensait de l'Union Européenne, il a répondu par son célèbre: "... Ce serait une très bonne idée".

Si l'on nous demandait ce que nous pensons de notre Union européenne aujourd'hui, nous dirions: "Quelle idée splendide! Si seulement nous pouvions la retirer!"

Nous pouvons la retirer. Tout ce que nous devons faire est d'aider le spectre de la démocratie à hanter ceux qui la détestent.

Permettez-moi de terminer en ajoutant aux idéaux français de la liberté, de fraternité et d'égalité des notions que notre Printemps d'Athènes a mises en avant et que la nouvelle Europe doit de nouveau embrasser: l'espoir, la rationalité, la diversité, la tolérance et, bien sûr, la démocratie.

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Le texte anglais de cette conférence à été publié et introduit hier par Christian Salmon:

http://blogs.mediapart.fr/blog/christian-salmon/240815/notre-printemps-dathenes-par-yanis-varoufakis

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27 août 2015 4 27 /08 /août /2015 09:41

Parti communiste français

JEUDI, 27 AOÛT, 2015

La réunion du 24 août entre la chancelière allemande et le président français n'avait pas pour objectif de formuler des solutions d'accueil aux dizaines de milliers de réfugiés qui tentent de trouver la vie sauve en Europe. Non. Le but d'Angela Merkel était bassement tacticien : envoyer un signal à la veille du 2e Sommet des Balkans qui s'ouvre ce 27 août à Vienne – un signal de rejet, un signal d'exclusion. La chancelière allemande cherche à imposer son exigence de voir l'UE établir une liste de pays dits « sûrs » comme fondement d'un système unifié du droits d'asile. Angela Merkel et François Hollande visent en premier lieu les ressortissants des pays des Balkans qui constituent 43 % des demandeurs d'asile en Allemagne et qu'elle souhaite pouvoir exclure d'emblée des procédures d'asile pour accélérer leur expulsion.

Madame Merkel exploite la tragédie que vivent les réfugiés et demandeurs d'asile syriens, irakiens et érythréens, en pratiquant à la fois l'amalgame entre réfugiés et immigrés et, dans le même mouvement, en renforçant la stigmatisation des immigrés. François Hollande marche là encore dans ses pas. Les deux dirigeants européens répondent par de froids calculs quant il s'agirait d'apporter une aide d'urgence et de concevoir une politique pérenne.

La chancelière allemande et le président français surfent dangereusement sur la vague populiste qui, elle, menace réellement l'Allemagne, la France et l'Europe. Le président François Hollande se révèle, une fois encore, plus sensible aux discours sécuritaires qui flirtent de plus en plus avec le racisme et la xénophobie qu'à la détresse de femmes et d'hommes tentant d'échapper à des guerres et des violences dont la France, l'Allemagne ou l'UE ne sont pas complètement étrangères. La situation des réfugiés est la plus grave depuis la Seconde guerre mondiale qui avait provoqué en Europe même le déplacement de 10 millions de réfugiés. Aujourd'hui, devant la tragédie qui touche des millions de femmes et d'hommes dont les pays sont ravagés par la guerre et les violences , il s'agit de respecter des engagements liés à la Convention de Genève sur les réfugiés.

Les propositions d'aide européenne pour la création ou l'amélioration de centres d'accueil pour l'Italie, la Grèce ou l'Autriche, identifiées comme « hotspots » ou pays d'entrée sont un minimum vital pour les réfugiés et ces pays – elles ne constituent pas des solutions, encore moins une politique. Les pays de premier accueil ne peuvent à eux seuls faire face à la situation, il faut donc abroger les directives de Dublin qui contraignent les réfugiés à demeurer dans les pires conditions sur leur lieu d'arrivée et dégager les financements et moyens nécessaires à l'accueil des demandeurs d'asile.

C'est à un plan exceptionnel d'accueil des réfugiés que l'UE et ses pays membres doivent s'atteler. Il est urgent d'établir des voies légales et sécurisées d'arrivée en Europe pour les réfugiés et cela implique un esprit et une politique de solidarité avec les réfugiés. La protection des personnes est l'obligation première des États. Dans ce cadre, l'UE doit prendre des mesures afin que la Hongrie, État membre, démantèle le mur de la honte qu'elle a érigé.
Enfin, les pays membres de l'UE et l'UE elle-même doivent résolument s'engager en faveur de processus politiques de résolutions des conflits, de véritables politiques de paix et de développement en prenant des engagements ambitieux à l'occasion de la conférence internationale sur l’aide européenne au développement, qui se tiendra les 20 et 21 octobre 2015 au Luxembourg. L'UE avait proclamé l'année 2015, année européenne du développement, elle ne peut décemment pas en faire l'année européenne de l'aveuglement

PCF: Réfugiés / Europe: un monde en commun appelle à un devoir d'humanité
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27 août 2015 4 27 /08 /août /2015 07:29

Décès de Claude Cabanes « Une grande plume de l’Humanité s’est éteinte » Pierre Laurent

Ce matin, il fait un temps splendide à Paris. Et pourtant , aujourd'hui, la chaude voix du sud de Claude Cabanes s'est éteinte, vaincue par le cancer.

Claude était une des grandes plumes de l'Humanité, dont il a dirigé la rédaction de longues années. Personne n'oubliera ses éditoriaux cinglants. Il fut aussi une grande voix du journal dans de nombreux médias, de France Inter puis à RTL.

Ave sa voix rocailleuse, son sourire ou sa plume aiguisée et pleine d'humour, il aimait les mots, il aimait le débat d'idées, la confrontation des esprits. Il aimait l'impertinence, le monde ouvrier, la vie.

Claude détestait les injustices, toutes les injustices. Il trouvait à chaque occasion, le bon mot, la bonne phrase qui ferait mouche. Il pouvait parfois même être de mauvaise foi, mais toujours pour la bonne cause. Cela fut vrai dans ses nombreuses tentatives d'arrêter la cigarette.

J'ai eu la chance d'apprendre mon métier à l'Humanité quand Claude en était l'une des signatures illustres. J'ai pu apprécier son envie de faire comprendre les enjeux politiques du moment. J'ai vu comment il cherchait les angles d'attaques d'un éditorial, d'un article. Comment dire simplement des choses compliquées. Je l'ai vu chercher toujours comment renouveler le journal, ce qui valait de belles empoignades dans la rédaction.

Homme d'une grande culture, Claude a toujours partagé cette richesse avec les lecteurs de l'Humanité et de l'Humanité dimanche, mais aussi à la Fête du journal où il aimait polémiquer sur les estrades.

A sa famille, sa femme que j'ai eue hier au téléphone, à tous ses proches, à ses amis journalistes du monde de la culture, j'adresse le salut fraternel du Parti Communiste. A tous, j'adresse mon affection et mon amitié dans ce moment si difficile.

Décès de Claude Cabanes: une grande plume de l'Humanité s'est éteinte
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27 août 2015 4 27 /08 /août /2015 06:42

Le samedi 2 août, les adhérents du PCF Finistère se retrouveront à la salle polyvalente de Ploujean à l'invitation de la section de Morlaix (75 adhérents) pour une séquence de réflexions et de débats consacrés le matin aux questions environnementales, énergétiques, et d'infrastructures en Bretagne:

- L'aéroport de Notre-Dame-des-Landes

- La Centrale à Gaz de Landivisiau

Le midi, un buffet sera servi aux camarades.

En début d'après-midi, nous pourrons échanger sur les leçons à tirer des événements en Grèce depuis le début de l'été: dans quelle direction s'engager pour lutter efficacement contre l'austérité et la dictature du libéralisme et du capitalisme en Europe?

Des vignettes de la Fête de l'Huma à La Courneuve du 11 au 13 septembre seront à vendre sur place et il sera possible de prendre sa réservation pour le repas Choucroute de la Mer au stand Finistère le vendredi 11 septembre (25€: 8 huîres/ choucroute de la mer/ Kouign Aman)

Assemblée des adhérents du PCF Finistère à Morlaix le samedi 29 août
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27 août 2015 4 27 /08 /août /2015 06:24
Ville de Gaza

Ville de Gaza

Signez la pétition en cliquant sur ce lien

La reconstruction de Gaza pourrait prendre 17 ans avec seulement 5 % des matériaux de construction autorisés à entrer à Gaza un an après lire la suite du communiqué

Pétition adressée au Coordinateur spécial de l’ONU M. N. Mladenov, à MM. les Présidents B. Obama et F. Hollande, à Mme. la Chancelière A. Merkel, au Premier ministre D. Cameron, au Sheikh Al Thani, à Mme. la Haute Représentante F. Mogherini et aux autres dirigeants concernés :

Pendant une année entière le gouvernement israélien a empêché l’entrée à Gaza des matériaux de construction de base. Aucun des 19 000 logements bombardés et détruits n’a été reconstruit totalement.

Un an après, près de 100 000 Palestiniens de Gaza demeurent sans-abri, les hôpitaux et écoles sont encore en ruines, et des quartiers entiers n’ont pas accès à l’eau courante.

Mais pour l’anniversaire du cessez-le-feu, nous pouvons aider à reconstruire les logements et l’espoir.

Nos gouvernements se sont déjà engagés à reconstruire Gaza et ont appelé le gouvernement israélien à lever le blocus. Si à présent nous leur montrons que, partout dans le monde, les gens réclament des actions urgentes pour en finir avec cette injustice, ils seront davantage enclins à insister pour qu’Israël cesse d’entraver la reconstruction, les familles pourront reconstruire leurs maisons et les enfants pourront enfin retrouver leurs écoles.

Signez la pétition et partagez-là. Atteignons 1,8 million de voix pour une action urgente, une voix pour chaque personne vivant à Gaza.

Seulement 5% des 6 700 000 tonnes de barres d’acier, de ciment et d’agrégats nécessaires à la reconstruction ont pu entrer à Gaza. A ce rythme, la reconstruction de Gaza prendrait 17 ans.

Les partis politiques palestiniens n’ont pas réussi à se réconcilier et à accorder la priorité à la reconstruction, et la fermeture par l’Egypte de sa frontière a davantage limité l’entrée de matériaux à Gaza. Le principal obstacle à la reconstruction est le blocus israélien. Alors qu’Israël justifie les restrictions par des raisons de sécurité, les Nations unies et le Comité International de la Croix Rouge ont rappelé à Israël que le blocus est une violation du droit international.

En restreignant le mouvement des biens et des personnes, le blocus punit des civils innocents pour des actes dont ils ne sont pas responsables. Il ne saurait avoir de raison pour laisser des familles sans abris et des malades sans hôpitaux.

Les médias ont actuellement les yeux rivés sur Gaza, les politiciens auront donc plus tendance à agir. Signez cette pétition urgente ; demandons à nos gouvernements des actes plutôt que des paroles, et une diplomatie plus forte.

Pour plus de renseignements, consultez les chiffres-clés sur Gaza de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine.

See English version here

La reconstruction de Gaza pourrait prendre 17 ans avec seulement 5 % des matériaux de construction autorisés à entrer à Gaza un an après

Plus de 400 000 personnes à travers le monde ont apporté leur soutien à un appel sans précédent lancé par 36 organisations humanitaires, confessionnelles, de développement et de défense des droits de l’homme, exhortant les dirigeants mondiaux à accentuer la pression sur le gouvernement israélien pour lever le blocus de Gaza et mettre fin aux restrictions sur l’importation de matériaux de base requis pour reconstruire la bande de Gaza.

Alors que le nombre de personnes soutenant l’appel croît d’heure en heure, cela est rapidement devenu le plus grand appel mondial jamais émis par des organisations internationales et le grand public pour mettre fin au blocus sur la bande de Gaza, exigeant ainsi que les dirigeants mondiaux tiennent les promesses faites il y a un an pour la reconstruction de Gaza.

A l’occasion de l’anniversaire de la fin du conflit entre le gouvernement israélien et les groupes armés palestiniens, les organisations demandent que les matériaux de construction comme le bois, le ciment et les barres d’acier soient autorisés à entrer à Gaza afin de reconstruire urgemment les hôpitaux, les écoles et les maisons.

L’année dernière, plus de 19 000 maisons ont été détruites et 100 000 personnes laissées sans abri à cause du conflit. Les bailleurs de fonds ont promis 3,5 milliards de dollars pour reconstruire Gaza, mais un an plus tard, les restrictions israéliennes continuent de causer des retards. Les travaux de reconstruction ont commencé sur un peu plus de 2 000 des 19 000 maisons détruites l’an dernier mais aucune maison n’a été entièrement reconstruite.

Soutenant la campagne, Fadi Quran, Chargé de campagnes à Avaaz a déclaré : « Il est scandaleux qu’un an après la dernière guerre à Gaza, pas une seule maison n’ait été entièrement reconstruite et que le monde ait laissé les familles dans les décombres. Les gouvernements permettent à Israël de violer les lois humanitaires les plus élémentaires, et depuis le début du blocus, trois guerres ont éclatées et des centaines d’enfants ont été tués. Cet appel massif montre que partout dans le monde des gens veulent que leurs gouvernements agissent maintenant pour mettre fin à ce blocus illégal, inhumain et dangereux. »

La campagne lancée par le mouvement citoyen mondial Avaaz et les organisations signataires précise : « En imposant des restrictions sur le mouvement des biens et des personnes, le blocus punit des civils innocents pour des actes dont ils ne sont pas responsables. Aucun motif ne peut justifier de laisser des familles sans domicile et des malades sans hôpital ».

Ibrahim ElShatali, habitant de la ville de Gaza, témoigne depuis l’intérieur de la bande de Gaza :

« Beaucoup de mes amis et des membres de ma famille sont sans-abri depuis des mois maintenant - comment pouvons-nous vivre comme cela, entourés par des gravats, sans espoir et sans aucune perspective pour un avenir meilleur ? Tout ce dont nous avons besoin, ce sont des matériaux de construction et un nouveau départ dans la vie ».

Selon un récent rapport publié par des ONG internationales, le blocus illégal imposé par Israël a entravé les efforts de reconstruction, et aggravant ainsi la crise humanitaire dans la bande de Gaza :

• Seulement 5% des 6,7 millions de tonnes de matériaux de reconstruction urgemment requis pour réparer ce qui a été détruit l’été dernier ont été autorisés à entrer dans Gaza un an après le cessez-le feu. A ce rythme, la reconstruction pourrait prendre 17 ans.

• 11 écoles et universités ont été totalement détruites et 253 autres institutions scolaires ont été gravement endommagées pendant la guerre, privant ainsi 559 000 étudiants d’un enseignement de qualité ;

• 120 000 personnes n’ont toujours pas accès aux réseaux d’eau et de traitement des eaux usées. Les réparations des 35 000 mètres de canalisations endommagées ou détruites sont très lentes. L’assainissement dans certaines parties de la bande de Gaza est épouvantable, avec des bassins qui débordent et des déchets non traités qui s’écoulent à travers les rues.

• 81 hôpitaux et cliniques ont été endommagés ou détruits par le conflit. Malgré les fonds alloués pour la reconstruction de certaines de ces installations, les matériaux de construction requis n’ont pas été autorisés à entrer à Gaza.

D’après Tony Laurance, Directeur Exécutif de Medical Aid for Palestinians : « Ce dont Gaza a besoin plus que tout est la reconstruction, mais le gouvernement israélien limite l’entrée des matériaux de construction, même les plus élémentaires. Ces restrictions strictes empêchent la reconstruction des infrastructures les plus vitales dans la bande de Gaza, y compris les hôpitaux et les cliniques. Les gens à travers le monde sont en train de dire « ça suffit », et exhortent les leaders mondiaux à accentuer la pression sur Israël pour mettre fin au blocus maintenant. »

Si la responsabilité de lever le blocus de Gaza incombe avant tout à Israël, les organisations adhérant à la campagne reconnaissent que la reconstruction est également entravée par l’échec des partis politiques palestiniens à se réconcilier et à prioriser la reconstruction, ainsi que par la fermeture par l’Égypte de sa frontière avec Gaza.

Le gouvernement israélien justifie les restrictions pour des raisons de sécurité. Cependant, les Nations Unies et le Comité international de la Croix-Rouge ont rappelé à plusieurs reprises que le blocus est une violation du droit international. En effet, rien ne peut justifier de punir collectivement une population entière et de laisser des dizaines de milliers de familles sans abri et des centaines de milliers d’enfants sans écoles ou centres de santé.

William Bell, Chargé de Plaidoyer pour Israël et les Palestiniens à Christian Aid, a déclaré : « Avec les égouts débordant sur les trottoirs, l’approvisionnement très limité en eau et en électricité et les écoles qui ressemblent plus à des sites de bombardements qu’à des lieux où les enfants peuvent recevoir une éducation, l’espoir s’amenuise et l’avenir de la bande de Gaza reste sombre. Le blocus a contribué à créer des taux de chômage et de dépendance à l’aide parmi les élevés au monde, plongeant dans la misère plus de 1,8 million de civils. Il doit prendre fin maintenant. »

Le texte intégral de la pétition soutenue par les organisations signataires peut être lu ici. Il appelle notamment les dirigeants des États-Unis et de l’UE à faire pression pour mettre fin au blocus et autoriser l’importation des matériaux de construction requis désespérément, y compris le bois, les agrégats, les barres d’acier et le ciment.

Les organisations signataires sont :
1. Avaaz
2. Action Against Hunger (ACF)
3. ActionAid
4. Asamblea de Cooperacion por la Paz (ACPP)
5. Alianza por la Solidaridad
6. Broederlijk Delen
7. Christian Aid
8. COSPE, Cooperazione per lo Sviluppo dei Paesi Emergenti
9. CISP-Comitato Internazionale Sviluppo dei Popoli
10. CCFD-Terre Solidaire
11. Diakonia
12. Embrace the Middle East
13. Fobzu (Friends of Birzeit University) GVC
14. HelpAge international
15. Heinrich Böll Foundation Palestine/Jordan Office
16. HEKS/EPER
17. Japan International Volunteer Center
18. Medical Aid for Palestinians (MAP – UK)
19. medico international
20. Mennonite Central Committee
21. Norwegian Church Aid (NCA)
22. Norwegian People’s Aid (NPA)
23. Overseas
24. Oxfam
25. Pax Christi Flanders
26. Pax Christi International
27. Physicians for Human Rights – Israel
28. Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
29. Rebuilding Alliance
30. Secours Islamique France
31. Trócaire
32. Terre des Hommes Italy
33. The Lutheran World Federation
34. The Swedish Organisation for Individual Relief/ IM- Swedish Development Partner
35. World Vision International

NOTES AUX RÉDACTEURS

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24 août 2015 1 24 /08 /août /2015 11:42
Christophe Prudhomme « Il est temps de sortir de ce système consumériste »

propos recueillis par Cécile Rousseau

Jeudi, 20 Août, 2015

L'Humanité

Entretien
L’urgentiste appelle à une refondation du système de prise en charge des patients avec plus de docteurs formés et une meilleure collaboration entre urgences et médecine de ville. Christophe Prudhomme Porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf)

Un rapport a été remis fin juillet à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, pour proposer une nouvelle organisation territoriale des services d’urgences. Il préconise, entre autres, une plus forte mobilisation des médecins généralistes. Qu’en pensez-vous ?

Christophe Prudhomme

Ce plan est axé sur la réorganisation territoriale inscrite dans la loi « santé » avec la diminution du nombre d’hôpitaux et leur regroupement massif, donc ce n’est pas la bonne réponse. Ces propositions sont incantatoires. Comment mobiliser plus les généralistes alors que leur nombre ne cesse de diminuer ? Depuis trente ans, en matière de santé, les gouvernements de droite comme de gauche persistent dans une politique très libérale, visant à basculer toujours plus d’activités dans le privé. En France, on est déjà les champions d’Europe des parts de marché détenues par des cliniques privées. Il faudrait remettre notre système ¬à plat. Commençons déjà par appliquer l’accord sur le temps de travail des urgentistes.

En quoi l’accord sur la limitation du temps de travail des urgentistes, obtenu après la grève en décembre 2014, constitue-t-il un premier pas ?

Christophe Prudhomme

Il s’agit de limiter le temps de travail à 48 heures par semaine et de restreindre le travail posté à 39 heures. Si cet accord n’est pas mis en place rapidement, si les médecins ne voient pas une amélioration de leurs conditions de travail très tendues, les cas comme celui de Firminy (deux urgentistes sont partis dans le privé – NDLR) vont se multiplier. On assiste à une fuite des urgentistes de l’hôpital public. À la cinquantaine, ils ont du mal à faire 6 à 8 nuits par mois. Dans mon hôpital, un chef d’unité du service hospitalisation des urgences est parti exercer en gériatrie. Les jeunes, eux, restent quatre à six ans. Ensuite, ils n’en peuvent plus !

Que préconisez-vous pour réformer en profondeur la prise en charge des urgences ?

Christophe Prudhomme

À l’arrivée de Marisol Touraine, on avait posé sur la table l’objectif de revenir au niveau de passage aux urgences du début des années 2000, soit 50 % de moins qu’aujourd’hui. Ce service n’est pas là pour se substituer aux carences de la médecine de ville. Le généraliste doit sortir du cabinet libéral « à la papa » qui ne correspond plus aux besoins de la population. Le bon modèle, c’est le centre de santé où les généralistes se retrouvent avec d’autres professionnels, infirmiers, kinés… Cette structure pourrait accueillir des petites urgences en soirée, disposer d’un plateau technique, permettre de réaliser des prises de sang, des radios… Les postes de médecins doivent aussi devenir plus attractifs. Quand vous êtes urgentiste à bac +9 et qu’on ne vous propose que des CDD de trois mois renouvelables, ce n’est pas possible ! Ils méritent un vrai statut et de meilleures conditions de travail. La solution passe également par l’augmentation du nombre de médecins en formation. Seuls quelques centaines d’urgentistes sont formés chaque année. Il y a trente ans déjà, on avait alerté sur la pénurie, avec un numerus clausus excessivement bas jusqu’aux années 1990. Le numerus clausus a été augmenté dans les années 2000 mais comme il faut dix ans pour devenir docteur, là, on paie encore les années où seules 4 000 personnes par an étaient en formation (contre 7 800 aujourd’hui). Résultat, sur les 200 000 médecins exerçants en France, 40 000 ont eu leur diplôme à l’étranger. Il est temps de sortir de ce système consumériste où les patients ne sont pas bien pris en charge.

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