«L’ennemi intérieur». C’est ainsi que les dirigeants de l’Etat hébreu qualifient l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem et le mouvement La paix maintenant après que leurs responsables ont accepté de témoigner devant le Conseil de sécurité de l'ONU à l’occasion d’une réunion organisée vendredi soir sur la situation dans les Territoires palestiniens occupés depuis juin 1967.

Benyamin Nétanyahou et ses principaux ministres visent spécialement Hagaï el-Ad, le secrétaire général de B’Tselem, qu’ils présentent comme un «menteur» et un «traître». Parce qu’il a évoqué les arrestations arbitraires, les destructions de maison et les obstacles à la libre circulation de la population locale ? Surtout parce qu’il a appelé le Conseil de sécurité «à agir concrètement pour arrêter l’occupation».

Mesure discriminatoire

Furieux, Nétanyahou et les partis de la majorité veulent d’ailleurs punir B’Tselem. Ils promettent de voter une loi interdisant aux volontaires du service national – un substitut au service militaire armé – de travailler pour l’ONG. Plusieurs députés de la majorité annoncent également un texte supprimant l’exemption fiscale pour les dons accordés à cette organisation.

Une mesure discriminatoire supplémentaire pour B’Tselem, qui est déjà, avec une quinzaine d’autres ONG également classées à gauche, obligée par la loi de signaler sur chacun de ses courriers et publications qu’elle est «financée par des gouvernements étrangers».

La virulence de la réaction de Nétanyahou aux propos d’El-Ad en dit long sur ses inquiétudes. Car lui et ses principaux ministres redoutent vraiment de voir, dans les prochaines semaines, le Conseil de sécurité voter une résolution ordonnant l’arrêt de la colonisation ou l’évacuation des Territoires occupés. Un texte qui aurait force exécutoire et auquel les Etats-Unis n’auraient pas, pour une fois, opposé leur véto.

Un texte musclé

La nervosité israélienne est d’autant plus palpable que la veille de l’intervention d’El-Ad, le conseil exécutif de l’Unesco, la branche culturelle de l’ONU, a adopté un projet de résolution présentant l’Etat hébreu comme une «puissance occupante» à Jérusalem. Un texte musclé qui dénonce également la limitation de l’accès des musulmans au Haram al-Sharif, l’esplanade des Mosquées. Certes, ce projet de résolution porté par la Palestine et plusieurs pays arabes affirme l’importance de la ville pour les trois religions monothéistes. Mais il n’emploie que le nom arabe des différents lieux saints. Ce qui revient, aux yeux d’Israël, à «nier le lien historique entre le peuple juif, le mont du Temple [sur lequel est bâtie l’esplanade des mosquées], ainsi que le mur des Lamentations».

Qualifiant ce texte de «révisionniste parce qu’il équivaudrait à nier le lien de la Chine avec la grande muraille et de l’Egypte avec les pyramides», Nétanyahou a donc annoncé vendredi que son pays coupait immédiatement les ponts avec l’Unesco. En théorie, le projet de résolution devrait être adopté mardi à l’occasion d’une séance plénière de l’Unesco. Mais tout porte à croire que ce ne sera pas le cas. Michael Worbs, le président du Conseil exécutif de l’organisation, plaide d’ailleurs en faveur du report du scrutin au printemps prochain «afin de donner une chance au dialogue».

Nissim Behar à Tel-Aviv