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27 février 2018 2 27 /02 /février /2018 06:30
Pour réformer la SNCF, une nouvelle loi à trop grande vitesse (Manuel Jardinaud, Médiapart, 26 février 2018)
Pour réformer la SNCF, une nouvelle loi à trop grande vitesse
 PAR 

Le premier ministre a présenté, ce 26 février, le plan gouvernemental pour le ferroviaire qui reprend les grands axes du rapport Spinetta prônant mise en concurrence des trains, fin de l'entreprise publique et abandon du statut des cheminots. La réforme, qui passera par la voie des ordonnances, doit être adoptée avant l'été alors qu'elle ne faisait pas partie du programme d’Emmanuel Macron.

 

La bataille du rail ne fait que commencer. Le premier ministre Édouard Philippe a présenté ce lundi 26 février le projet gouvernemental sur la réorganisation de la SNCF à la suite du rapport de Jean-Cyril Spinetta sur l’avenir du transport ferroviaire, rendu public dix jours auparavant.

Dans les grandes lignes, le pouvoir fait siennes les propositions de l’ancien PDG d’Air France sur la situation du ferroviaire en France, qui préparait les esprits à un big bang du réseau ferré. Le discours est, à majorité, identique : « Une situation alarmante, pour ne pas dire intenable », affirme le premier ministre. Selon lui, le diagnostic du rapport Spinetta « est sévère, mais malheureusement juste ».

Une société surendettée, un service défaillant et une obligation de préparer à l’ouverture à la concurrence dès 2019 : ces trois éléments doivent mener à une évolution du statut des cheminots, au motif qu'il entraverait toute transformation sociale et économique. Mais la raison sociale de l’entreprise publique évoluera aussi, pour porter une stratégie offensive et des investissements. Et une nouvelle organisation est au programme, pour déployer la « nouvelle SNCF ».

Seule concession – de taille néanmoins – faite pour ne pas s’attirer les foudres des élus locaux, et des Régions en particulier : le gouvernement n’entend pas dans l’immédiat s’attaquer à la fermeture des lignes dites « petites », déficitaires et peu fréquentées, dont le rapport Spinetta proposait de fermer une grande partie. Selon le rapport, elles mobilisent actuellement 16 % des moyens financiers, voient passer moins de 10 % des trains et transportent seulement 2 % des voyageurs.

Dans le bras de fer précédant le projet de loi, qui devrait être déposé mi-mars selon Édouard Philippe, les Régions ont donc gagné une manche. C’est d’ailleurs le sens du communiqué que leur association n’a pas manqué de diffuser sitôt le discours du premier ministre terminé. « Les Régions se réjouissent de cette décision. Elles resteront néanmoins très vigilantes sur le financement de ce réseau capillaire, nécessaire à l’irrigation des territoires, en particulier au respect des Contrats de Plan État Régions permettant sa rénovation », a-t-elle déclaré.

Les syndicats, en revanche, sortent groggy de cette présentation, même si l’exécutif assure que cette loi n’inclura pas la réforme du régime spécial des retraites des cheminots, laquelle attendra celle du régime général d’ici à 2020. Sans surprise, Édouard Philippe a annoncé la fin du statut des salariés propre à l’entreprise publique pour tous les nouveaux entrants. Les organisations syndicales maison ont appelé à manifester au cours du mois à venir afin de s’opposer à cette mesure déjà évoquée.

La gauche a vivement réagi à l’annonce des propositions gouvernementales. Une partie des élus de La France insoumise a prestement tweeté son opposition farouche au projet d’Édouard Philippe. Adrien Quatennens, député du Nord, évoque « l’assaut final du libéralisme effréné », alors que son collègue de Seine-Saint-Denis Éric Coquerel indique que privatiser la SNCF est « socialement et écologiquement une catastrophe ».

Chacun pointe aussi l’un des aspects les plus problématiques de cette réforme : la décision d’utiliser la voie législative par ordonnances, confirmée par le premier ministre.« Face à l’urgence, le gouvernement est déterminé à en faire voter les principes clés avant l’été. [...] C’est pourquoi, à la mi-mars, nous déposerons un projet de loi d’habilitation au Parlement », a-t-il annoncé en fin de discours. Une loi TGV en somme, en tout cas une volonté d'aller vite, principe macronien par excellence.

La méthode, en tout point, relève de celle utilisée pour réformer le code du travail durant l’été 2017, le premier ministre promettant « des concertations méthodiques sur les différents aspects de la réforme » tout au long du processus législatif. « Les ordonnances Travail ont prouvé que cette méthode ne confisque aucunement le débat, bien au contraire – sauf à considérer que 300 heures de concertation et une centaine de réunions n’auraient pas laissé assez de temps à l’expression des opinions contradictoires », a argué le chef du gouvernement.

Une réforme absente du programme d’Emmanuel Macron

Là se niche peut-être une faute politique, ou du moins une erreur de stratégie que l’exécutif pourrait payer dans l’avenir. D’abord parce que considérer que les concertations sont l’alpha et l’oméga du consensus autour d’une réforme relève évidemment d’une chimère. À l’issue de celle organisée pour la réforme du code du travail, et malgré le bon a priori formulé au long du processus par FO et la CFDT, force est de constater que l’ensemble des syndicats en est ressorti au moins déçu, sinon véritablement en colère quant au contenu présent dans les ordonnances.

Comme l’avait documenté Mediapart, dès la fin juillet 2017, la confiance entre organisations syndicales et gouvernement avait commencé à se fissurer. Des consultations en silo, le refus d’organiser des rencontres plénières réunissant l’ensemble des partenaires sociaux et un jeu de chat et de la souris entre le cabinet de Muriel Pénicaud et certaines centrales avaient rapidement entamé la belle façade du dialogue social moderne sauce Macron.

À l’époque, le chef de file de la CGT, Fabrice Angeï, déclarait à Mediapart : « Il y a plus une volonté d’habillage que de dialogue réel. Nous n’avons pas vraiment discuté : chacun a seulement présenté ses intentions et ses positions. Là où la ministre parle de changement de paradigme, nous pensons que le projet gouvernemental va créer un bouleversement, une véritable destruction du droit du travail. » Une analyse qui ne plaide pas forcément pour renouveler une telle méthode, pour une réforme par ailleurs hautement inflammable.

La stratégie d'asphyxie, en place depuis le début du quinquennat, est une nouvelle fois à l’œuvre avec quatre thèmes de discussion mis au débat, en même temps et à la fois. De quoi déconcerter à nouveau tous les acteurs du secteur qui pourront, certes, se sentir écoutés, mais pas forcément entendus. D'autant que les concertations auront lieu en concomitance avec les débats parlementaires sur le projet de loi d'habilitation…

De toute façon, le premier ministre aura prévenu : « Si certains sujets s'enlisent, au cours des concertations, en pâtissant de tentatives d'obstruction ou de rapports de force verrouillés, si certains tentent de confisquer le débat ferroviaire pour le pervertir en un débat idéologique déconnecté des besoins de mobilité des Français, alors le gouvernement prendra ses responsabilités. »

Demain concernant la SCNF, comme hier pour le code du travail, le gouvernement a posé un cadre strict de discussions à l'intérieur duquel il est difficile de voir en quoi les organisations syndicales pourront influer pour conserver des protections propres à l’entreprise et aux métiers du ferroviaire. Pour parer à la critique de destruction du contrat social au sein de la SNCF, et prendre en compte les spécificités des différentes professions, le premier ministre a indiqué qu’il demanderait « qu’une négociation s’ouvre au niveau de la branche, sur les garanties qui seront données en contrepartie de ces contraintes ».

Un discours censé rassurer les futurs salariés de l’entreprise publique. Oubliant néanmoins que, justement, la réforme du code du travail a amenuisé le pouvoir de l’accord de branche sur celui de l’entreprise, au sein de laquelle les organisations syndicales ont également perdu en influence. L'effet « perdant-perdant » est patent.

Autre écueil de la stratégie gouvernementale : opérer par ordonnances sur une réforme qui n’a pas – ou peu – été annoncée durant la campagne présidentielle. Et ce bien qu’Édouard Philippe affirme : « Sur ce sujet comme sur d’autres, le président de la République a fixé le cap durant la campagne. »

Or il n’y a nulle trace d’une telle réforme d’ampleur dans le programme, tel qu’il est encore aujourd’hui accessible par chacun. Au chapitre « Mobilité », il est fait mention« d’un plan d’urgence d’investissement de rénovation (rail et route) ». En aucun cas une transformation de la SNCF de fond en comble n’est indiquée, ni même sous-entendue.

La véritable déclaration du président de la République sur cette réforme ne date que du 1er juillet 2017, soit après son accession à l’Élysée. Comme le rappelait récemment Mediapart, Emmanuel Macron avait annoncé ses intentions à bord du TGV qui inaugurait la ligne Le Mans-Rennes. Il promettait un big bang pour la SNCF. « Pour être franc, je pense que le modèle sur lequel on a vécu, le mythe de la SNCF, n’est pas celui sur lequel on construira la SNCF du XXIe siècle. Votre défi sera de ne pas rester sur la protection du passé […]. Le vrai défi sera de dire : si vous voulez défendre votre entreprise, il faut la réinventer », avait-il déclaré à des cheminots conviés à faire partie du voyage.

 

Sur la réforme du code du travail, l’exécutif appuyait sa légitimité sur le fait qu'Emmanuel Macron en avait déjà rendu les grands axes publics avant son élection. Point d’une telle légitimité dans les urnes aujourd’hui, concernant la SNCF. Même si le premier ministre en appelle aux citoyens pour justifier cette transformation radicale –« Il est temps d’oser mener la réforme que tous les Français savent nécessaire » –, l’argument du passage en force pourra, cette fois, obtenir un large écho.

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27 février 2018 2 27 /02 /février /2018 06:25
Proche-orient. L’appel de Mahmoud Abbas pour la reconnaissance de l'Etat Palestinien et une conférence internationale relayé à l’Assemblée
Proche-orient. L’appel de Mahmoud Abbas relayé à l’Assemblée
THOMAS LEMAHIEU
VENDREDI, 23 FÉVRIER, 2018
L'HUMANITE

Les députés communistes et FI réclament la reconnaissance immédiate de l’État palestinien. Mais, pour le gouvernement, il semble toujours urgent d’attendre.

Mardi, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, Mahmoud Abbas a réclamé la reconnaissance de l’État palestinien et l’invention d’un « mécanisme multilatéral » permettant l’organisation d’une conférence internationale pour ne pas laisser les coudées franches à Netanyahou et Trump. Jeudi, l’appel du président de l’Autorité palestinienne a été relayé par les parlementaires communistes et France insoumise lors d’un débat sur « l’évolution de la situation au Moyen-Orient et la reconnaissance de l’État palestinien ». Malgré l’intitulé de la séance, les députés macronistes ont, eux, soigneusement évité de se prononcer explicitement sur la reconnaissance de l’État palestinien.

« La France ne peut plus attendre »

S’appuyant sur la résolution, votée en décembre 2014, qui invitait le gouvernement français à reconnaître l’État palestinien – une résolution visant à obtenir le règlement définitif du conflit, mais que les exécutifs ont choisi d’ignorer jusqu’à présent –, Jean-Paul Lecoq appelle avec vigueur la France à « redevenir, en tant que membre permanent au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, mais aussi entourée des grandes nations européennes au sein de l’Union, un acteur de premier plan pour la paix au Proche-Orient ». « La reconnaissance de l’État palestinien par la France donnerait sans conteste du poids à notre diplomatie dans la résolution de ce conflit, appuie-t-il. Loin d’être un geste unilatéral, le fait de rejoindre les 138 pays qui reconnaissent cet État serait un geste diplomatique d’envergure. Cette reconnaissance par la France serait un signal positif envoyé à l’ONU avant la mise en place de la conférence internationale que Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, appelle de ses vœux. Paris pourrait être le siège de cette grande conférence. Ce geste diplomatique enverrait un signal fort à Israël en lui signifiant que la France, bien que pays ami, pourrait se montrer plus ferme quant aux agissements militaires israéliens en Palestine. »

Pour Clémentine Autain, « la France ne peut plus attendre ». Et de souligner : « Seul le peuple palestinien continue de respecter les règles de droit international, renouvelant son attachement à une solution à deux États et aux résolutions de l’ONU. Mahmoud Abbas l’a rappelé devant le Conseil de sécurité mardi, en demandant une conférence de paix internationale et multilatérale. Reconnaître l’État palestinien n’est pas une prise de position pour l’un ou l’autre peuple. C’est la simple application du droit, de la justice, de l’humanité. C’est garantir la paix et la stabilité d’une région fortement menacée. »

Dans ses réponses, Jean-Yves Le Drian veut bien admettre que la question de la reconnaissance de l’État palestinien « connaît une actualité nouvelle » après l’intervention de Mahmoud Abbas devant le Conseil de sécurité de l’ONU, mais refuse d’aller plus avant. Dans une référence à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par les États-Unis de Donald Trump, le ministre des Affaires étrangères renvoie toute décision sur le sujet à plus tard : « Reconnaître l’État palestinien aujourd’hui, ce serait une réaction unilatérale à une position unilatérale qui a créé du trouble dans la région », estime-t-il en réponse à Jean-Paul Lecoq. Se retranchant par ailleurs derrière l’attente d’un « plan de paix américain » – ce qui a vraiment de quoi préoccuper –, Jean-Yves Le Drian renvoie à la position jupitérienne d’Emmanuel Macron : « Le président de la République reconnaîtra l’État palestinien au moment où il le jugera opportun. »

Rubrique Monde
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27 février 2018 2 27 /02 /février /2018 06:15
Nuit du 27 au 28 février 1933, l'incendie du Reichstag: "acte de naissance du régime nazi", point de départ d'une arrestation de 100 000 opposants de gauche (Jean-Philippe Mathieu, historien - L'Humanité)
Dans la nuit du 27 au 28 février 1933, un incendie ravage le Reichstag, le bâtiment qui abrite le Parlement allemand. Les nazis, déjà en partie au pouvoir, accusent les communistes du forfait. Plus de 100 000 opposants communistes sont arrêtés et jetés dans les premiers camps de concentration.
https://humanite.fr/tribunes/l-incendie-du-reichstag-acte-de-naissance-du-regim-515901
https://humanite.fr/node/307170
L’incendie du Reichstag, « acte 
de naissance du régime nazi »
JEAN-PHILIPPE MATHIEU, HISTORIEN.
VENDREDI, 22 FÉVRIER, 2013
L'HUMANITÉ

Dans la nuit du 27 au 28 février 1933, un incendie ravage le Reichstag, le bâtiment qui abrite le Parlement allemand. 
Les nazis, déjà en partie au pouvoir, accusent les communistes du forfait. Plus de 100 000 opposants sont arrêtés 
et jetés dans les premiers camps de concentration.

Dans la nuit du 27 au 28 février, un incendie ravage le Reichstag, le bâtiment qui abrite le Parlement allemand. Sur les lieux, la police découvre un Hollandais de vingt-quatre ans, Marinus Van der Lubbe, ex-membre des Jeunesses communistes et « prolétaire déclassé en révolte ». Jugé à Leipzig en septembre, condamné à mort en décembre, il est exécuté en janvier 1934.

Est-il l’un des incendiaires ? Incontestablement, oui. Il a été pris pratiquement en flagrant délit. Du reste, pour inciter les Allemands à la révolte, il avait déjà essayé trois fois de mettre le feu à des bâtiments publics, sans succès (mais sans se faire prendre).

A-t-il agi seul ? Incontestablement, non. Le chef des pompiers de Berlin (qui l’a payé de sa vie) a démontré que c’était impossible.

Qui a donc mis le feu au Reichstag ?

Enquêtes, contre-enquêtes, hypothèses et réfutations ne manquent pas. Il est évidemment tentant et nullement invraisemblable d’accuser les nazis, à qui le crime profite. Le fait est que, sur le plan policier, l’énigme n’est pas résolue. Certes, l’enquête a été bâclée, entravée par les autorités nazies, et ni les complices ni les instigateurs n’ont été sérieusement recherchés, « faute de temps » selon le commissaire chargé de l’affaire… Mais cela ne permet pas de déduire l’identité des commanditaires.

La thèse nazie accusant les communistes est clairement absurde, l’acte ne correspondant ni aux méthodes, ni à la tactique, ni à la stratégie du KPD. Et les communistes avaient bien plus à perdre qu’à gagner dans cette affaire. Les flammes n’étaient pas celles de la révolution.

En revanche, l’incendie servait les intérêts du pouvoir et la thèse d’un incendiaire unique stipendié par le Parti communiste convenait parfaitement aux dirigeants nazis, qui ont 
dès lors tout fait pour qu’elle soit la seule thèse officielle.

Depuis le 30 janvier 1933, Hitler est chancelier du Reich. Il n’y a encore que deux autres nazis dans son gouvernement, dont Hermann Göring, qui obtient du maréchal 
von Hindenburg, président du Reich, pratiquement tous les pouvoirs en Prusse dès le 6 février 1933. Et Göring en use : dissolution du parlement prussien, éviction du ministère social-démocrate, incorporation des SA dans la police, ordre à celle-ci de faire usage de ses armes et garantie d’être couverte « quelles qu’aient été les conséquences de ses actes ».

Aux élections de novembre 1932, le Parti nazi, encore groupusculaire en 1930, obtient près de 12 millions de voix mais recule par rapport à juillet 1932. Le 6 février 1933, Hindenburg dissout le Parlement et fixe au 5 mars suivant les élections, qui seront « certainement les dernières du siècle à venir », selon Göring. Et ces élections, les nazis veulent les gagner coûte que coûte. Arrivés très vite devant le Reichstag en flammes, Hitler et Göring déclarent immédiatement que l’incendie est un coup des communistes et qu’il convient « d’anéantir d’un poing de fer cette peste mortelle ». Les opérations commencent dès le 28 février.

L’incendie est présenté par la presse nazie comme la première phase d’une guerre civile décrétée à Moscou. Les journaux communistes et sociaux-démocrates sont interdits ; environ 12 000 opposants au nazisme (pour l’essentiel communistes et sociaux-démocrates) sont arrêtés dans les quarante-huit heures, 100 000 dans les semaines suivantes, et jetés dans les premiers camps de concentration. Enfin, l’incendie du Reichstag sert de prétexte, dès le 28 février, à une « ordonnance du président du Reich pour la protection du peuple et de l’État » suspendant « provisoirement » les droits constitutionnels fondamentaux (liberté des personnes, inviolabilité du domicile, secret postal, liberté d’opinion, de réunion, d’association, droit de propriété).

Aussi est-ce à une véritable seconde prise de pouvoir des nazis qu’on assiste ces jours-là. L’incendie du Reichstag est bien le véritable « acte de naissance du régime nazi » (1).

Le procès de Leipzig donne lieu à une contre-attaque qui prend deux formes : la publication d’un Livre brun, et l’organisation d’un contre-procès à Londres.

Le Livre brun conclut que « Göring est l’organisateur de l’incendie du Reichstag ». 
Il consacre 80 pages à l’incendie et plus de 300 à la répression, à l’anéantissement de la culture, aux camps de concentration, à la persécution des juifs, etc. Les journaux du monde entier en rendent compte.

Fondé en mars 1933, le Comité international d’aide aux victimes du fascisme (président d’honneur : Einstein ; le président est lord Marley, vice-président de la Chambre des lords ; Gide, Romain Rolland, Malraux, Paul Langevin en sont membres) crée une « commission d’enquête internationale sur l’incendie du Reichstag », constituée de juristes, qui organise à Londres du 14 au 18 septembre 1933 un contre-procès concluant à « de fortes présomptions de la culpabilité des dirigeants nazis ».

Le procès des soi-disant incendiaires   Le 9 mars 1933, on arrête trois Bulgares, accusés d’avoir fomenté l’incendie avec 
Van der Lubbe et Ernst Torgler, député communiste. L’un des trois est Georges Dimitrov, membre du comité exécutif de l’Internationale puis responsable du Komintern, dont le 
bureau est à Berlin depuis 1929 et qui chapeaute les partis communistes allemand, français, belge, polonais, italien et autrichien. 
Dimitrov séjourne à Berlin sous une fausse identité. Le procès s’ouvre à Leipzig 
le 21 septembre et tourne rapidement 
au fiasco pour les nazis. Dimitrov, parfaitement préparé, maître de lui et d’un calme olympien, démontre l’inanité de l’accusation, ridiculise Göring devant l’opinion internationale, 
et fait voir à quel point le président de la cour 
est aux ordres du pouvoir, décrédibilisant 
la justice. Le 23 décembre, les trois Bulgares sont acquittés mais maintenus en prison. 
Le 15 février, l’URSS leur octroie la nationalité soviétique. Le 27 février, ils sont expulsés d’Allemagne et arrivent à Moscou. 
Un échec pour le régime.

(1) Lire Feu au Reichstag. L’acte de naissance 
du régime nazi, de Gilbert Badia. Éditions sociales, 
« Problèmes », 1983, 334 pages.

Nuit du 27 au 28 février 1933, l'incendie du Reichstag: "acte de naissance du régime nazi", point de départ d'une arrestation de 100 000 opposants de gauche (Jean-Philippe Mathieu, historien - L'Humanité)
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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 20:04
Brest, 26 février - photo de Jacqueline Héré, rassemblement pour la libération de Salah Hamouri

Brest, 26 février - photo de Jacqueline Héré, rassemblement pour la libération de Salah Hamouri

40 à 50 personnes place de la Liberté à Brest ce lundi 26 février pour dénoncer, par la voix de Claude Léostic, présidente de la plateforme des ONG pour la Palestine; qui a lu et commenté le communiqué du comité de soutien à Salah Hamouri, le maintien en détention de notre compatriote franco-palestinien, avocat et défenseur des prisonniers politiques, enfermé depuis le 23 août sans aucun jugement ni sans avoir accès à son dossier, vide de toute façon car on ne lui reproche que de garder la tête haute face à l'occupant. Plusieurs militants du PCF étaient présents, Ismaël Dupont, représentant le PCF Finistère, Jean-Paul Cam, secrétaire de section de Brest, Jacqueline Héré et Claude Bellec, élus à la mairie de Brest, comme des militants de l'AFPS, d'Ensemble, de l'UDB, du POI... Claude Léostic a rappelé la réponse minimaliste de Jean-Yves Le Drian à l'interpellation de la députée Elsa Faucillon à l'assemblée nationale: la France assure la protection consulaire, et rien que ça... Les organisations présentes ont signé un texte commun qui sera envoyer à l'Etat pour exiger une véritable intervention de la France pour la libération de Salah Hamouri, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent. 

Communiqué du PCF Brest: 

Le 28 février prochain, cela fera six mois que Salah Hamouri est détenu arbitrairement sans autre raison que d'être un militant de la paix, des droits et des libertés. Six mois d'emprisonnement de trop. La France ne peut se contenter d'être « préoccupée » par le sort de Salah Hamouri et d'« espérer sa libération », comme l'avait déclaré le Quai d'Orsay. Le président Macron, puisqu'il dit vouloir sa libération, doit passer aux actes et intervenir auprès du gouvernement israélien. Le PCF réclame que le président de la République française, pays des droits de l'homme, et le ministre des Affaires étrangères agissent pour la libération de notre concitoyen, et que cesse l'acharnement du gouvernement Netanyahou contre Salah Hamouri et sa famille.
Le PCF appelle à amplifier la mobilisation partout en France pour que le 28 février Salah Hamouri soit enfin libéré et à l'élargir pour obtenir la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens, dont Marwan Barghouti, enfermé depuis 2002 dans les geôles israéliennes, et
Khalida Jarrar, députée, en prison depuis juillet 2017, qui font face à l'arbitraire le plus total. Il demande à MM Macron et Le Drian d'exiger que soient d'urgence libérés Ahed Tamimi et les 300 autres enfants palestiniens actuellement emprisonnés.

Parti communiste français,

Paris, le 22 février 2018.

 

Communiqué du Comité de soutien à Salah:

"La détention administrative de Salah Hamouri est renouvelée !
La France est humiliée mais le combat continue.
Avidgor Liberman, ministre de la défense israélien a signé le renouvellement de la détention
de Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, arbitrairement incarcéré par Israël depuis le
23.07.2017. Cette détention est prolongée de 4 mois, renouvelables. L’arbitraire et l’injustice
les plus absolus continuent.
À l’arbitraire de l’Etat israélien s’ajoute les responsabilités de la France qui, au-delà de ses
affirmations, n’a pas mis en œuvre des moyens conséquents dont elle dispose pour faire
libérer un Français, victime d’un arbitraire politique qui lui vaut une détention totalement
injuste à l’étranger.
Cette absence de résolution de notre pays, malgré les paroles, aboutit à cette situation où
elle n’a pas permis de garantir que l’injustice ne se répète pas et que Salah soit libéré le 28
février comme nous n’avons cessé de le demander avec force.
Tout cela est politique. Et côté israélien et côté français. La justice, le droit ne sont, dans
cette relation entre nos deux pays, que des variables d’ajustements et non, côté français, des
principes intangibles et universels à défendre farouchement en tout lieu et en tout temps.
Puisque les responsabilités de cette situation sont ainsi clairement établies, que nous savons
tous que l’Etat d’Israël piétine sans la moindre réaction le droit et fait de l’arbitraire un principe,
nous appelons à manifester vers la présidence française notre mécontentement légitime et
notre volonté d’action à la hauteur de l’enjeu : il en va du destin d’un homme, du droit mais
aussi de celui de notre pays.

Nous demandons, dans cette situation extrême, que le Président de la République reçoive
enfin sa femme Elsa Lefort dans les plus brefs délais afin de lui faire part de ses intentions.

L’arbitraire continue. Notre action continuera en conséquence. Plus déterminée et résolue
que jamais. Ceux qui croient que nous nous lasseront se trompent. Nous puisons des forces
nouvelles dans cette décision.

 

Paris, Lundi 26 février 2018
 

libertepoursalah@gmail.com libertepoursalah.fr /"

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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 19:31

Réforme de la SNCF : une privatisation sur fond d’autoritarisme

Lors de la présentation du calendrier relatif à la réforme de la SNCF, intitulée « nouveau pacte ferroviaire », le 1er ministre, Édouard Philippe, a confirmé la volonté du gouvernement de passer en force, en recourant aux ordonnances.

Cette procédure, marque de fabrique du président Macron et déjà utilisée dans le cadre de la réforme du code du travail, est un véritable déni de démocratie, aussi bien sociale que parlementaire.

Le service public ferroviaire, bien commun de la nation, qui répond à des enjeux écologiques, de mobilité et d’aménagement du territoire extrêmement importants, mérite mieux qu’une réforme à la hussarde.

Transformation de la SNCF en Société d’économie mixte, fin du statut de cheminots, non reprise de la dette... Le pacte ferroviaire proposé par Édouard Philippe est en réalité une atomisation du service public ferroviaire.

Présenté comme novateur, ce pacte ferroviaire reprend les recettes archaïques des privatisations du rail ayant eu lieu dans d’autres pays européens, avec les résultats dramatiques que l’on connaît. Aussi bien pour les usagers, que pour les cheminots.

L’autoritarisme gouvernemental ne masquera pas la colère qui monte chez les cheminots et les usagers.

La feuille de route présentée par le 1er ministre est une attaque historique. Alors qu’elle met en péril l’avenir du rail public, menaçant l’avenir de milliers de salariés, ainsi que l’égalité d’accès au transport pour tous sur le territoire, le gouvernement doit créer les conditions pour permettre un grand débat public national.

Le gouvernement doit écouter et entendre, les propositions et les arguments des organisations syndicales, des usagers et des élus.

Le PCF dénonce le recours aux ordonnances, outil archaïque et anti-démocratique, et s’oppose à la destruction du service public ferroviaire.

Pendant que le président Macron, tente de dresser les français les uns contre les autres, le PCF appelle à soutenir et participer massivement à la journée de mobilisation organisée par les organisations syndicales le 22 mars à Paris.

Réforme de la SNCF : une privatisation sur fond d’autoritarisme (PCF, 26 février 2018)

Communiqué des députés communistes (26 février 2018):

Nouveau coup de force du Gouvernement pour casser le service public ferroviaire

Comme le laissait présager le rapport Spinetta, le gouvernement fait des cheminots les boucs émissaires de la dégradation du service public ferroviaire pour justifier la disparition de leur statut.

En opposant les agriculteurs aux cheminots, Emmanuel Macron veut nous faire croire que précariser les uns apporterait du confort aux autres. Les nantis sont ailleurs et personne n’est dupe de cette manipulation grossière.

Si le chemin de fer français est aujourd’hui fragilisé, la responsabilité en incombe en réalité aux gouvernements qui s’acharnent, depuis trente ans, à le désosser.

Sous couvert d’efficacité, le gouvernement souhaite mener cette réforme par voie d’ordonnances. Un passage en force qui montre à nouveau sa volonté farouche d’éviter le débat et son mépris pour la représentation nationale.

Les députés communistes seront aux côtés des travailleurs de la SNCF le 22 mars pour défendre le service public ferroviaire et ses travailleurs.

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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 17:12
"Le privé est globalement meilleur que le public" (Haute autorité de Santé): ou les attendus des enquêtes de satisfaction mettant en concurrence les établissements hospitaliers

Le Télégramme publie aujourd'hui une double page sur le résultat local du dépouillement de 122 000 questionnaires de satisfaction remplis par des patients des hôpitaux et des cliniques en France, donc au moins 25 fois moins en Bretagne, pour 5 millions d'hospitalisations.

Ces questionnaires représentent donc 2,5 % des hospitalisations.

Et la "Haute Autorité de Santé" , comprenez l'instance ou l'organisme chargé d'instiller la culture de l'entreprise privée, de la concurrence, et du néo-libéralisme à l'hôpital - les patients ou usagers devenant des clients, censés faire leur marché entre les hôpitaux publics ou privés différents, ce qui laisse entendre au passage qu'on a plus besoin de services publics hospitaliers de proximité, puisque les "clients" sont près à faire 200 km ou à aller dans le privé pour avoir un meilleur "accueil", de meilleurs soins - en tire des conclusions péremptoires à faire se dresser les cheveux sur la tête, quand on connaît la politique de matraquage que subit l'hôpital pour lui retirer des moyens et le soumettre à la politique du chiffre:

"Le privé est globalement meilleur que le public... Il est globalement meilleur dans tous les domaines. Le privé a une antériorité concernant la prise en compte de la satisfaction client, ce n'est donc pas étonnant de voir ces résultats. Cela donne matière à réflexion pour les établissements publics qui pourraient s'emparer de ce sujet avec l'expérience du privé" suggère Laetitia May-Michelangeli, chef du service indicateurs pour l'amélioration de la qualité et la sécurité des soins à la Haute Autorité de Santé. 

C'est surtout que le public est soumis à des charges terribles de l'ARS, de la tarification à l'activité, de la suppression des services et des moyens humains, pour retirer des milliards d'euros de moyens finançant l'hôpital public (3,5 milliards sous Hollande, et ça continue avec Macron) et que le privé a tout intérêt à mettre la communication promotionnelle et les relations publiques au premier plan de sa "machine à fric", tandis que ces outils très contemporains de mise en concurrence ne sont pas dans la culture du service public. 

Si l'on fait les comparatifs de classements pour des enquêtes pour les facs privés et publiques ou pour les lycées, collèges, écoles privées ou publiques, cela donne la même chose. Je paie, donc c'est forcément mieux, sinon je serai vraiment un âne de payer plus! 

Pour l'hôpital Morlaix, ses "notes" peu reluisantes concernent 36 questionnaires. Très représentatif. Pour Brest, l'hôpital Morvan, soi-disant la lanterne rouge de la relation aux patients-clients, 130 questionnaires, sachant qu'il y a plus de chance que des clients mécontents remplissent le questionnaire de satisfaction que des clients contents. 

Ces enquêtes de satisfaction et leur utilisation médiatique relèvent de l'imposture et de l'enfumage idéologique visant à transformer la santé en produit marchand, à faire croire que l'on peut mettre en concurrence les établissements publics, que les patients se conduisent comme des "homo œconomicus" et donc que la proximité ne s'impose pas, et à servir les intérêts des cliniques privés. On est en pleine culture du néo-libéralisme. 

Et le pire là dedans, c'est qu'on cherche à culpabiliser les personnels de santé qui subissent déjà le poids de la casse méthodique et progressive de l'hôpital public. 

Honteux!

Ismaël Dupont        

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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 12:34
Alain et Eric Bocquet au moment de leur tournée de présentation de leur best-seller sur l'évasion fiscale "Sans domicile fisc"

Alain et Eric Bocquet au moment de leur tournée de présentation de leur best-seller sur l'évasion fiscale "Sans domicile fisc"

Par Eric Bocquet, sénateur du Nord

"Il y a la finance dont on parle, les banques, les marchés financiers, les fonds d’investissement, etc., et puis il y a une finance plus discrète, tellement discrète qu’on l’appelle dans les milieux autorisés « la finance de l’ombre » (shadow banking dans la langue de Jeremy Corbyn). Et pourtant, cette finance-là contribue à l’hypertrophie financière.

La sphère financière et bancaire a connu une croissance vertigineuse au cours des dernières décennies. Le bilan des banques a crû à un rythme exponentiel au tournant des années 1990/2000 tout particulièrement en Europe où il représente désormais l’équivalent de 3.5 fois le PIB. La crise de 2007-2008 a ralenti cette tendance sans toutefois l’inverser.

Au niveau mondial, les actifs gérés par les banques ont pratiquement triplé au cours des années 2000, passant d’un peu plus de 50 000 milliards de dollars fin 2003 à 133 000 milliards de dollars fin 2015. Rappelons que le commerce de marchandises des pays du G7 était de 3000 milliards de dollars en 2008 et le PIB mondial de 75 500 milliards de dollars en 2016. Ces quelques chiffres, histoire de situer les échelles. Ce qui fait dire à certains spécialistes aujourd’hui que le secteur financier n’est plus au service de l’économie réelle, sachant qu’il s’échange en une année à peu près 70 fois la valeur du commerce international.

Cette croissance sidérante de la finance s’est aussi accompagnée d’une forte concentration des activités. Il existe aujourd’hui dans le monde une trentaine de banques dites « systémiques », c’est-à-dire qu’elles sont tellement grosses que l’effondrement d’une seule d’entre elles entraînerait automatiquement une crise financière mondiale, un nouveau krach de 1929 ! D’après François Morin, en 2015, ces groupes bancaires systémiques pesaient plus de 50 000 milliards de dollars. Ces établissements sont strictement privés mais ils bénéficient de fait de la garantie des États (les spécialistes appellent ça l’aléa moral), c’est-à-dire que lorsqu’il y a le feu dans la maison « finances », c’est la force publique qui vole à son secours, y compris en s’endettant. Évidemment, les paradis fiscaux sont au cœur de ce système, ces territoires représentent 18% du chiffre d’affaires des banques européennes et 29% de leurs profits à l’étranger contre seulement 9% de l’effectif qu’elles emploient à l’étranger.

Donc, si je comprends bien, impossible de mettre en cause dans la crise financière en cours, ni les fonctionnaires, ni les employés des EHPAD, ni les surveillants de prisons, encore moins les cheminots, pas davantage les enseignants, les retraités, les infirmières…

Mais alors, il est passé où ce fric ?"

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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 11:50

Jean-Michel Galano, philosophe, membre du PCF, contribue aux débats santé de l'atelier régional santé PCF-Front de Gauche du PCF, il a participé au débat sur la Grande-Bretagne et l'Irlande après le Brexit organisé par le PCF Finistère à la fête de l'Humanité, et aux formations sur la pensée de Karl Marx organisées en janvier-février à Morlaix et dans les Côtes d'Armor.  

 

BIOETHIQUE, ETHIQUE MEDICALE : DES QUESTIONS QUI REBONDISSENT

 

Le développement exponentiel des savoirs et des savoir-faire est un fait avéré, bien connu en théorie, mais aux conséquences pratiques difficilement maîtrisables. On a fait il y a de cela plusieurs décennies le constat que la contenu du savoir et des savoir-faire humains doublait tous les dix ans. A cet accroissement quantitatif de plus en plus rapide correspondent des mutations qualitatives, des distorsions et des remises en questions de plus en plus radicales. Mais la spirale de développement des connaissances et des moyens nouveaux ne se déploie pas dans le ciel bleu de la théorie, et il est un peu facile de déplorer le décalage croissant entre ce que les sciences et leurs applications permettent et l’état relativement stable des mentalités.

En effet, la recherche et ses applications sont pour une très large part soumises à des impératifs budgétaires relevant de logiques d’argent et de rentabilité.

Le développement d’un capitalisme de plus en plus financiarisé, exclusivement soucieux de son auto-valorisation, pose des problèmes qualitatifs inédits de par son impératif de rentabilité rapide, à la recherche et à ses applications, notamment en matière de prévention. Il y a davantage encore : la poussée démographique lente mais continue d’une population en demande de soins et de politiques de santé mais non solvable financièrement. 

Les questions d’éthique dans ces conditions reviennent en force à tous les échelons de la pratique médicale, sanitaire et sociale, et sont de plus en plus incontournables. Il ne s’agit plus de « la machine élargie qui attend un supplément d’âme », comme le disait Bergson, (métaphysicien idéaliste mais bon connaisseur des évolutions scientifiques et techniques du début du XX° siècle). Plutôt qu’un  « supplément d’âme », c’est une prise de contrôle civique et démocratique qui s’avère plus nécessaire que jamais. Un contrôle et un ensemble d’interventions seuls susceptibles de soustraire les progrès actuels aux logiques de l’argent et du profit rapide. Et aussi seuls susceptibles d’ouvrir en grand, pour toute l’humanité, des perspectives thérapeutiques vraiment nouvelles.

Or une condition à remplir pour que ce contrôle civique et démocratique s’exerce pleinement, c’est la vigilance à l’égard des schémas de pensée auxquels nous avons spontanément recours, des mots et des notions que nous employons sans trop y réfléchir. Appelons cela : la rigueur catégorielle. C’est le souci constant de ne pas confondre le naturel et l’historique, le virtuel et le réel, le possible et le nécessaire, l’environnement naturel et le monde humain, la liberté et l’irresponsabilité, l’utile et le rentable, l’indispensable désacralisation et l’injustifiable instrumentalisation. Ce souci est rien moins que nouveau. Il a pour une large part commandé le combat mené par Marx dès sa jeunesse à la fois contre l’idéalisme mystificateur et contre son contraire, le matérialisme réducteur, « vulgaire », souvent associé aux diverses variantes de l’utilitarisme. Un combat toujours actuel, et qui déborde largement les frontières de ce qu’il est convenu d’appeler « la philosophie ».

 

Génome : se mettre au clair sur l’essence humaine –

Les possibilités de thérapies géniques sont désormais avérées et déjà expérimentées. Elles se voient souvent opposer un interdit dont on devine l’origine religieuse : celui de toucher à un ordre naturel d’essences posées comme transcendantes par rapport à l’intervention humaine. Il est à noter que cet interdit a été transgressé depuis très longtemps en ce qui concerne les espèces végétales voire certaines espèces animales. On « fabrique » des porcs de moins en moins gras et des poreaux de plus en plus blancs pour les besoins du marché de l’alimentation, et le mot « hybridation », dérivé pourtant du grec hubris (=démesure de quiconque enfreint l’ordre naturel des choses) a perdu sa charge péjorative. Il n’en reste pas moins que déjà dans le cas des industries agro-alimentaires il s’agissait de répondre à la demande d’un marché agrandi par la croissance démographique mais aussi gonflé par les perspectives de profit et de rentabilité à court terme. La peur des OGM est un fait. Toute la question est de savoir si c’est la modification du génome en soi qui doit inquiéter, ou bien les critères et les finalités de cette modification. Problématique qu’on retrouvera, infiniment plus grande, dans le cas du génome humain.

Ce que les changements déjà effectifs ont révélé, c’est que les espèces naturelles n’étaient pas seulement soumises à des variations essentielles dans le temps long de l’évolution (découverte capitale de Darwin en 1840), mais que des mutations essentielles étaient concevables dans le temps court des techniques et de l’invention technoscientifique. L’évolutionnisme avait bousculé voire balayé le dogme religieux de la fixité des espèces. C’est leur intangibilité qui est maintenant mise en cause. Avec un corollaire qui apparaît immédiatement : l’altération d’un ordre naturel est un acte aux conséquences irréversibles et dans une large mesure non prévisible. Qui peut s’en arroger le droit ? Des activités humaines, dictées notamment par l’appât du gain, ont amené et amènent encore la destruction pure et simple de dizaines de milliers d’espèces animales et végétales. Des altérations ou des modifications irréversibles valent-elles mieux ? Sont-elles pires ? Et en fonction de quels critères ?

Ces problèmes ne se posent pas dans l’abstrait. C’est ainsi que la loi française interdit la création de « chimères », à savoir l’hybridation de l’humain et de l’animal. Dans le chapitre de « La Connaissance du Vivant »[1] intitulé « La Monstruosité et le monstrueux », Georges Canguilhem rappelait que de telles hybridations ont été tentées sous le III° Reich, et l’on peut voir dans ce souvenir traumatique l’une des origines de la défiance codifiée par le législateur. Pour autant, la recherche avance, et ce qui est interdit dans le sens animal > homme pourrait s’avérer important et fécond dans le sens homme > animal, comme l’expliquent certains chercheurs en diabétologie intéressés par la culture de cellules souches pancréatiques humaines sur des cochons, chose qu’en son état actuel la législation n’autorise pas.

L’évocation des « chimères » nous conduit à poser de façon plus précise la question de l’essence humaine : sacrée, ou tout au moins intransgressible ? C’est à voir…

Il convient d’abord de remarquer que l’essence humaine n’est pas un absolu. Aucune « essence » ne l’est. L’essence humaine est scindée. Comme toute espèce animale, elle possède une base biologique, constituée dans le temps long et exprimée fans l’ADN, structure, qui lui est commune à 96% avec le chimpanzé. Mais les acquisitions culturelles et civilisationnelles ont amené la constitution d’un gigantesque patrimoine humain extérieur aux individus, non fixé dans le code génétique, et donc non transmissible héréditairement mais transmis (ou non) dans le cadre des rapports familiaux et sociaux tels qu’ils existent à une époque et dans un milieu donné. L’essence humaine distend de plus en plus ses liens avec sa base biologique pour acquérir une réalité toute différente : celle d’être moins un donné biologique qu’un transmis social. C’est en ce sens que Marx écrit avec une grande lucidité (Thèses sur Feuerbach 6) que « dans sa réalité effective, l’essence humaines est constituée par la totalité des rapports sociaux ». L’essence n’est pas une espèce de quintessence existant substantiellement de toute éternité à l’intérieur de chacun d’entre nous à la manière d’une nature : elle possède, certes, un support biologique lui-même soumis à une évolution dans le temps long, mais elle se constitue, sur ce support, comme une production historico-sociale mouvante qui s’enrichit en permanence des progrès et des expériences de l’humanité devenue par là-même non plus espèce humaine, mais genre humain.

Ces considérations doivent nous permettre de mieux cerner l’enjeu du problème : toute action sur le génome s’exerce sur la base de l’essence humaine, et met de ce fait hors circuit l’ensemble de ce qui constitue l’ordre culturel humain socialement et historiquement constitué. Cela dit la radicalité de telles actions. Et cela pose d’emblée la question : qui décide ? Et en fonction de quoi ? Or la situation appelle sérieux et discernement. D’un côté, il est notoire que les gènes de nombreuses maladies héréditaires sont identifiés (le diabète, par exemple) et qu’il faut bien distinguer la thérapie génique des manipulations génétiques – ce que souvent l’on néglige de faire, par sensationnalisme ou pour jouer sur des peurs. D’autre part, la confusion règne dans de nombreux autres cas – pour ne pas parler du charlatanisme prétendant assigner une origine génétique à la violence ou à l’homosexualité. Confusion et charlatanisme où se manifeste sans doute quelque chose de significatif quant à l’état présent du genre humain, et qui invitent à une certaine prudence.  Il est notoire aussi que le gène, objet relativement neuf d’observation et éventuellement d’expérimentation, est pour l’essentiel aujourd’hui l’objet du génie génétique, lequel sépare, amplifie, fragmente et reproduit des gènes clonés et purifiés, obtenus en partie par synthèse chimique, traités souvent comme des usines à protéines, de sorte que les frontières mêmes du naturel et du synthétique deviennent floues. La culture de cellules souches à des fins thérapeutiques exige des moyens industriels, alors qu’en France notamment, l’insuffisance des budgets de recherche condamne d’excellentes équipes à l’artisanat et que l’industrie pharmaceutique se désintéresse de plus en plus de la recherche fondamentale pour des raisons de non-rentabilité[2]. . D’un autre côté, il y a un marché de ces biotechnologies. La dynamique de la recherche et celle du marché se chevauchent, parfois se rencontrent mais souvent se séparent.

Les enjeux de la question apparaissent alors nettement : la possibilité d’agir sur le génome humain est effective, mais ne saurait être recevable que dans le cadre de décisions de politique de santé publique élaborées démocratiquement. Toute autre forme de décision court-circuiterait les exigences humaines et humanistes élaborées au fil de la constitution d’un genre humain qui se doit d’être à lui-même son propre objet. Substituer une décision technique à une décision politique renvoie à une conception élitiste et paternaliste de la responsabilité : c’est typiquement celle de Hans Jonas, élaborée dans « Le Principe de responsabilité ». A quoi il convient d’opposer une conception toute différente de la responsabilité. Il s’agit donc d’éviter deux extrêmes : d’une part la sacralisation du génome : il y a 3.000 maladies géniques monofactorielles recensées, et l’éthique ne saurait se résigner à ne rien laisser faire contre elles. Mais d’autre part, la vue qui rabat l’humain sur le génétique amène à des dérives eugénistes inquiétantes : banque de sperme de prix Nobel, stérilisation massive de malades mentaux et autres sujets « anormaux », et cela pas seulement dans l’Allemagne nazie…  [3]

Dès lors, il semble bien que la solution se profile : c’est l’usage social du génome, donc en définitive ce que l’homme fait de l’homme qui est la clé du problème. Trois interdits semblent se dessiner (1) celui d’une catégorisation biologique des personnes les mettant à la merci des employeurs, assureurs, etc.,  sans leur consentement (2) l’interdiction, en l’état actuel des savoirs, de toute thérapie génique germinale, c’est-à-dire de toute modification de l’ADN des gamètes affectant la descendance (3) empêcher la prise de brevets industriels sur le génome humain et donc l’appropriation à but lucratif d’informations sur les gènes de l’homme à des fins d’applications biotechnologiques.[4]

 

L’embryon humain, objet d’expérimentation ?

Beaucoup de confusions au sujet du statut de l’embryon tiennent à ce que l’on entend quand on le désigne comme « être humain potentiel ». En effet, il n’est pas potentiel au sens où le fruit est en puissance dans la fleur. Ce qui est en puissance en lui, c’est la base. L’être humain et humanisé n’est pas en puissance dans l’embryon.  « Personne potentielle », cela s’oppose d’abord à personne « actuelle » : l’embryon ne peut faire valoir ses droits, cette responsabilité incombe à des tiers. Ensuite, l’embryon n’est qu’une potentialité d’être humain, et notre respect va à son présent dans la mesure où nous y considérons son avenir. Le véritable respect humain est prospectif, comme l’attestent les décisions d’IVG dans les cas de malformation graves du fœtus.

Dès lors, la question de l’expérimentation sur l’embryon humain suppose un critère d’acceptabilité centré sur un projet recevable du point de vue de l’éthique. Ce critère semble meilleur que celui d’un seuil chronologique (les Anglais disent : 14 jours) toujours quelque peu arbitraire. En fait, l’humain n’est pas le génétique. Bien plutôt que le déroulement linéaire d’un programme, la formation d’un être humain est d’abord un processus épigénétique, auxquels se substituent très tôt les facteurs socio-culturels de la personnalisation. L’embryon n’est pas plus sacré que le génome. Ce qui est sacré, comme le dit Anne Fagot-Largeault, « ce sont des valeurs liées à l’idée que nous nous faisons de l’humanité ». Dans le temps où la famine tue des millions d’enfants, où selon les chiffres de l’UNICEF 2.5 millions de nourrissons meurent chaque année faute de soins, le sacrifice de quelques milliers d’œufs ou d’embryons surnuméraires est justifiable s’il a des finalités strictement curatives ou prophylactiques, à l’exclusion de tout tri ou de sélection des êtres humains.

 

Querelles dans la famille

 

Il faut résolument tenir le même fil : la personne humaine, fût-elle potentielle, n’est jamais simple objet ni simple sujet, mais le lieu d’un processus dialectique où l’un et l’autre sont en jeu. Un enfant est, dans de nombreux cas (notamment dans nos sociétés, mais ne généralisons pas trop) l’aboutissement d’un projet parental, le fruit d’un amour ou tout au moins d’un désir. Mais nous le savons tous, l’identité d’une personne humaine se fait en très grande partie par différenciation par rapport à ce projet parental, dans le différentiel entre la place assignée et la place revendiquée. Même quand la place assignée est assumée, il y a processus critique et moment décisionnel. L’identité voulue par la famille voire plus globalement par le corps social entrave souvent, ou du moins complique, la nécessaire auto-identification.

Dans ces conditions, le législateur doit mettre au premier plan l’intérêt de l’enfant, y compris son intérêt ultérieur d’être humain civilisé. L’évaluation de l’intérêt de l’enfant n’est pas une simple appréciation subjective : elle doit s’appuyer sur le droit de l’enfant, notamment tel qu’il a été codifié dès 1947 par les Nations Unies. L’enfant a droit à un nom, à un foyer, à être protégé, soigné et éduqué. Le fait est que ce droit rencontre le désir de nombreuses familles, stériles mais aussi homosexuelles, recomposées, monoparentales d’adopter des enfants. On ne voit pas en quoi un modèle de structure familiale devrait s’imposer ; on le voit d’autant moins que l’expérience tragique des guerres a conduit, notamment dans nos pays, à la constitution de nombreux foyers de ce type.

Autant dire que la vraie question est celle de l’épanouissement futur de l’enfant plutôt que celle de la réalisation du désir des adultes – même si dans l’immense majorité des cas, il n’y a pas contradiction mais complémentarité entre les deux, l’enfant étant en définitive la vérité du couple ( ?) parental, son objectivation en un sujet différent. Pour autant, l’être humain n’est pas un produit (primat du passé) mais un producteur (primat du possible) dans le cadre d’une biographie où il ne cesse d’être à la fois réceptif et actif, dans une densité d’échanges où sa personne se construit dans un processus qui relativise de plus en plus sa base biologique. A la nécessité biologique se surimpose une liberté psychologiquement et socialement construite. Liberté construite, non pas donnée mais acquise, qui n’est nullement incompatible avec la transmission de valeurs ou d’un héritage culturel, mais à laquelle l’assignation d’une filiation n’apporte, il faut avoir le courage de le dire, strictement rien. Autant la projection du désir parental dans l’enfant constitue le plus souvent un prolongement et un épanouissement, autant le symétrique est appauvrissant : l’être humain en quête de ses origines s’expose à ne trouver que du biologique et du géographique, seulement le déterminisme d’une nature et jamais la force d’un projet. « La source n’est qu’un point géographique, elle ne contient pas la force vive du fleuve », disait déjà Bachelard[5].  La généalogie n’est jamais une genèse[6]. Les demandes par une personne née sous X de connaître son géniteur doivent d’abord être comprises comme des symptômes de mal-être, voire des symptômes névrotiques, auxquels la divulgation de la vérité n’apporterait qu’une satisfaction illusoire.  D’autant plus qu’il y aurait conflit de légitimité, le don anonyme ne pouvant par définition exister sans garanties de son anonymat, ce qui en outre empêche a priori toute démarche intéressée, tout chantage etc. L’éthique du don, en tous domaines, est une garantie d’indépendance par rapport aux logiques d’argent et de marchandisation. De même, l’insémination post-mortem se fait non seulement au détriment du nécessaire travail de deuil, mais à celui de l’enfant à naître, sur qui pèsera le risque de la névrose. Or c’est tout de même en la matière la névrose qu’il convient si possible d’éviter.

De ce point de vue, « la famille dans la tourmente »[7], comme disait François Dagognet, est aussi le lieu d’une certaine et très positive créativité : familles recomposées, monoparentales, multi-parentales, homosexuelles, souffrent davantage du regard et des préjugés d’autrui que d’une inaptitude foncière à remplir leur rôle affectif et éducatif. La vraie question s’avère être en définitive celle des moyens que l’Etat et la société d’une façon générale mettent à leur disposition, et de sa volonté à faire reculer les stéréotypes de genre. 

Ce sont les lois du marché et les logiques d’argent qui obscurcissent les problèmes : un objet n’est jamais loin d’être une marchandise. Ce qui menace l’enfant-projet, c’est de devenir enfant-objet, enfant-enjeu. L’anonymat s’avère à cet égard être un garde-fou. Mais d’un autre côté, de nombreuses associations regroupant des personnes nées sous X dénoncent la « culture du secret », symbolisée par « les armoires verrouillées » que l’Etat refuse d’ouvrir, même 18 ans après le don.  La question est complexe. Il y a là, on l’a dit plus haut, un conflit de légitimité. Dans l’immédiat, il semble que le « receveur » devrait avoir accès au moins à la partie médicale du dossier du donneur, afin de pouvoir identifier d’éventuelles prédispositions et maladies héréditaires.  Pour le reste, le fantasme de l’origine, exacerbé en cette occasion, est commun à tous les humains. Ne convient-il pas de travailler à son dépassement, en chacun de nous ? Faire de l’origine quelque chose d’essentiel et non plus de basal, n’est-ce pas rabattre l’humain sur le génétique, et donc qu’on le veuille ou non sur le biologique, avec toutes les dérives prévisibles ?

 

SORTIR LE « POUR AUTRUI » DES LOGIQUES D’ARGENT –

Tout a été dit sur les abus, non seulement potentiels mais tragiquement réels, d’une pratique telle que la GPA. Sauf peut-être l’essentiel, à savoir qu’en l’état actuel de nos sociétés, elle est intégralement soumise aux lois du marché, ce qui la distingue radicalement du don d’organe anonyme et gratuit. Une grossesse, ce n’est pas anonyme, et cela peut se monnayer, être une prestation marchande comme une autre. Mais réfléchissons à ce que pourrait être un service librement consenti, sans contrepartie financière, d’une femme féconde à une femme stérile, voire à un couple d’hommes. Où serait le scandale ? Utopie ? Pas plus que l’accouchement sans douleur. Il y a peut-être lieu de tirer quelques enseignements à cet égard de ce que la PMA nous a appris : en France, où l’on y a recours de façon relativement plus fréquente que dans d’autres pays, les PMA représentent moins de 1% des naissances. Sur ces 1%, l’immense majorité représente un recours destiné à pallier l’infécondité de l’homme ou de la femme. Ne peut-on envisager, dans un futur peut-être pas si lointain, l’établissement de nouvelles relations entre femmes et hommes émancipées des lois du marché, où des mères porteuses cesseraient d’être des mères vendeuses ? La vraie question n’est-elle pas plutôt celle de l’évaluation des risques qui font de toute PMA un acte peu banal, nécessitant information et suivi – suivi dont les enfants issus de PMA gagneraient peut-être sur un plan médical à bénéficier, même s’il faut mettre cet intérêt éventuel en balance avec la rupture de l’anonymat qu’elle semble devoir entraîner inévitablement. A l’inverse, une grossesse est un événement sinon banal, du moins le plus souvent normal, alors que les aléas d’une grossesse à risques sont connus…

Les considérations qui précèdent invitent à mettre en cause dans tous les cas l’idée de modèle. Les valeurs attachées au respect de la personne sont toujours porteuses de tensions au moins potentielles par rapport aux modèles, aux structures et aux institutions dans lesquelles elles trouvent pourtant en général satisfaction, dans un temps donné qui peut être très long et dans une société donnée. Famille nucléaire, famille élargie sont des structures bien connues, liées d’un lien assez lâche à des modes de production, d’habitat et de consommation eux-mêmes en évolution constante. L’émergence au grand jour de nouvelles formes, monoparentales, homosexuelles et surtout recomposées, est une invitation à relativiser et surtout à dédramatiser les questions de filiation au profit de celles de la qualité du tissu familial et éducatif. A la problématique passéiste voire fataliste des origines, ne convient-il pas de substituer celle, dynamique et véritablement structurante, du commencement dans la vie ?

 

PROBLEMATIQUES DE LA FIN DE VIE –

La fin de vie pose des problèmes redoutables, réactivés par un certain nombre de débats actuels, notamment dans le domaine législatif (loi Leonetti, etc). Il semble que cette question fasse, elle aussi, intervenir la notion de modèle, avec tout ce que cette dernière comprend de relatif voire de discutable.

S’il y a consensus à peu près total pour condamner l’euthanasie, pratique dans laquelle se manifeste de façon évidente l’imposition autoritaire d’un modèle auquel seul irait le respect dont nous avons posé qu’il était dû à la personne, avec tout le poids des terribles précédents historiques , le « suicide assisté » quant à lui est souvent revendiqué comme l’établissement d’un droit nouveau. Il convient ici de resserrer l’analyse.

Un certain nombre de personnes, à dire vrai un très petit nombre, choisissent volontairement de mettre fin à leur vie. Parmi ce très petit nombre, un certain nombre de malades chroniques las de souffrir, et constatant l’échec des thérapeutiques.

Certes, il faut s’opposer à l’acharnement thérapeutique prolongé au-delà de toute raison, et sans autre finalité concevable qu’une prolongation artificielle d’une vie purement végétative. C’est en général la volonté exprimée par les familles, les seules exceptions relevant d’intérêts juridiques et légaux qui n’ont plus rien à voir avec le respect du mourant. Mais par contre, qui décidera de la « qualité de la vie » du mourant ? Toutes les études, tous les témoignages montrent que tel malade souhaite un jour « en finir », le lendemain s’accroche de nouveau à la vie, que tel grand brûlé qui souhaitait mourir a de nouveau une vie familiale épanouie malgré des lésions corporelles irréversibles… ne faut-il pas en conclure qu’en la matière, on est en présence d’une approche irrémédiablement subjective ?

Ici, il convient de choisir entre deux formes de respect : le respect dû à une vie conçue comme intransgressible voire sacrée, et le respect dû à une personne en voie de dépersonnalisation.  De ce point de vue, l’un des intérêts de la loi Leonetti (votée à l’unanimité à l’Assemblée Nationale en 2005) et de ses prolongements en 2016 (loi Leonetti – Claeys), est de fournir un cadre et de donner des moyens à l’expression de la volonté de la personne (mise au point de protocoles et de directives de fin de vie, désignation de « personnes de confiance » par la personne elle-même. S’y ajoute la codification de la « sédation profonde et continue ») ainsi que de distinguer, dans les soins, le thérapeutique du palliatif.

Ces aménagements ne sont pas seulement quantitatifs. Ils permettent de poser des garde-fous et de centrer le respect sur la personne plutôt que de conditionner ce respect au seul maintien de la vie biologique.

De fait, la personne, en tant qu’être culturel, repère symbolique, référence mémorielle, survit au-delà de sa vie biologique. « L’humanité se compose de plus de morts que de vivants », disait déjà Auguste Comte. Le cadavre lui-même ne saurait être considéré comme « chose parmi les choses ». S’il y a lieu d’encourager le don d’organes, on ne saurait tolérer le dépeçage de cadavres. Là encore, des évolutions de long terme mettant en jeu les pouvoirs publics, notamment par le biais de l’éducation, mais aussi et surtout le débat citoyen, sont la condition nécessaire à une évolution des mentalités.

 

CONCLUSION ; SE METTRE A LA HAUTEUUR DES PERSPECTIVES –

 

Il importe de ne pas confondre responsabilité et conservatisme.  Depuis déjà des décennies, des greffes ambitieuses, des cultures de plasma et de tissus organiques « ni morts ni vivants » (François Dagognet)[8], des innovations chirurgicales hardies telles que le by-pass, avaient permis de prolonger de nombreuses vies tout en bousculant des tabous multiséculaires. Les perspectives ouvertes par les thérapies géniques annoncent une révolution plus importante encore : on commence à entrevoir la possibilité non plus simplement de greffer des morceaux de génome, mais de construire des génomes artificiels. La greffe de neurones humains ouvre des perspectives thérapeutiques inenvisageables il y a encore peu d’années, et met à mal la représentation traditionnelle de neurones voués à une irrémédiable dégradation. L’implantation de neurones permettant la reconstitution de tissu cérébral chez la souris ouvre aussi de grands espoirs. Encore faut-il apprendre à espérer, à espérer de façon rationnelle, active, audacieuse, , et rien dans les cultures héritées du passé ne nous y prépare. Anticiper puissamment sur le réel, ce n’est pas se bercer d’iullusions. C’est une culture à acquérir.

Car les possibilités évoquées ont évidemment leur envers et appellent vigilance, responsabilité des pouvoirs publics, éducation des citoyens. A plus long terme, elles poseront une question philosophique majeure : dans quelle mesure l’humanité a-t-elle le droit de faire ce dont elle aura bientôt le pouvoir : modifier de façon irréversible le génome de l’espèce humaine ? Peut-elle agir sur sa base spécifique sans cesser d’être le genre humain ? Question immense et encore en grande partie obscure, mais à laquelle un fait déjà avéré peut aider à élaborer un commencement de réponse. Ce fait, c’est la quantité et la puissance des armements susceptibles de détruire définitivement le genre humain et toute vie sur terre, et ce que les ressources financières et technologiques investies dans la course aux armements pourraient permettre d’accomplir si elle étaient mises au service de l’éradication de la faim, de la misère et de l’analphabétisme – fléaux dont la survivance est le scandale avéré de notre temps. Le défi est là.

 

[1] Vrin, 1971

[2] Sur toutess ces questions, je reprends, parfois à la lettre, les analyses de Lucien Sève dans Pour une critique de la raison bioéthique (Odile Jacob 1994)

[3] Voir à ce sujet Lucien Sève, op.cit. , notamment le chapitre sur « Le Respct ».

[4] L. Sève, op. cit.. – Voir dans le même chapitre les recommandations en la matière du CCNE

[5] L’Eau et les rêves, Corti 1942

[6] Les affiches de « La Manif pour tous » exigeant pour les enfants adoptés la même « traçabilité » que pour la viande de boucherie en apportent un contre-exemple où le grotesque le dispute à l’odieux…

[7] Titre du second chapitre de « Une Nouvelle morale » (Seuil 2002)

[8] La Raison et les remèdes, PUF 1961 p.175 : « La chirurgie moderne apprend à dépasser l’antinomie mort-vivant. La philosophie de la guérison ou de la restauration impose un statut ontologique intermédiaire, celui du demi-vivant ou, ce qui revient au même, du mort retardé. (…) le plasticien travaille le plus souvent avec une matière qui n’est ni vivante ni morte. La banque d’os, de téguments, de cornées ou de veines capitalise des éléments en vie latente. Puisque le vivant comme le mort suscitent des réactions d’incompatibilité, il ne faut se servir que de tissus déspécifiés, qui ont perdu leurs cellules en ne conservant que leur trame conjonctive. ».Et l’auteur de citer en note le cas des microbes formolisés et celui du sérum…

Jean-Michel Galano

Jean-Michel Galano

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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 11:43
Laurence Cohen, sénatrice communiste, membre de la commission des Affaires Sociales

Laurence Cohen, sénatrice communiste, membre de la commission des Affaires Sociales

Mépris et contre vérités de la ministre de la santé, A. Buzyn, face aux parlementaires communistes. Elle se défend malgré les faits de piquer 1, 6 milliards d’euros aux hôpitaux publics . Et la hausse des salaires des personnels des EHPAD: + 0,03% par an . C’est pas du mépris?

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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 11:35
HONTE AU GOUVERNEMENT FRANCAIS: IL A LAISSE L'EXTREME-DROITE AU POUVOIR A TEL-AVIV PROLONGER DE 4 MOIS RENOUVELABLES LA DETENTION ARBITRAIRE DE SALAH HAMOURI.

HONTE AU GOUVERNEMENT FRANCAIS: IL A LAISSE L'EXTREME-DROITE AU POUVOIR A TEL-AVIV PROLONGER DE 4 MOIS RENOUVELABLES LA DETENTION ARBITRAIRE DE SALAH HAMOURI.

Communiqué du Comité de soutien à Salah:

"La détention administrative de Salah Hamouri est renouvelée !
La France est humiliée mais le combat continue.
Avidgor Liberman, ministre de la défense israélien a signé le renouvellement de la détention
de Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, arbitrairement incarcéré par Israël depuis le
23.07.2017. Cette détention est prolongée de 4 mois, renouvelables. L’arbitraire et l’injustice
les plus absolus continuent.
À l’arbitraire de l’Etat israélien s’ajoute les responsabilités de la France qui, au-delà de ses
affirmations, n’a pas mis en œuvre des moyens conséquents dont elle dispose pour faire
libérer un Français, victime d’un arbitraire politique qui lui vaut une détention totalement
injuste à l’étranger.
Cette absence de résolution de notre pays, malgré les paroles, aboutit à cette situation où
elle n’a pas permis de garantir que l’injustice ne se répète pas et que Salah soit libéré le 28
février comme nous n’avons cessé de le demander avec force.
Tout cela est politique. Et côté israélien et côté français. La justice, le droit ne sont, dans
cette relation entre nos deux pays, que des variables d’ajustements et non, côté français, des
principes intangibles et universels à défendre farouchement en tout lieu et en tout temps.
Puisque les responsabilités de cette situation sont ainsi clairement établies, que nous savons
tous que l’Etat d’Israël piétine sans la moindre réaction le droit et fait de l’arbitraire un principe,
nous appelons à manifester vers la présidence française notre mécontentement légitime et
notre volonté d’action à la hauteur de l’enjeu : il en va du destin d’un homme, du droit mais
aussi de celui de notre pays.

Nous demandons, dans cette situation extrême, que le Président de la République reçoive
enfin sa femme Elsa Lefort dans les plus brefs délais afin de lui faire part de ses intentions.

L’arbitraire continue. Notre action continuera en conséquence. Plus déterminée et résolue
que jamais. Ceux qui croient que nous nous lasseront se trompent. Nous puisons des forces
nouvelles dans cette décision.

 

Paris, Lundi 26 février 2018
 

libertepoursalah@gmail.com libertepoursalah.fr /"

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