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9 janvier 2018 2 09 /01 /janvier /2018 20:29
Amalgame entre antisionisme et antisémitisme, la faute grave de Macron (Dominique Vidal, entretien avec Pierre Barbancey, L'Humanité - 9 janvier 2018)
Amalgame entre antisionisme et antisémitisme, la faute grave de Macron (Dominique Vidal, entretien avec Pierre Barbancey, L'Humanité - 9 janvier 2018)

DANS "L'HUMANITÉ" - 9 janvier 2017

« Amalgame entre antisionisme et antisémitisme, la faute grave de Macron »

Journaliste et historien, auteur de nombreux ouvrages consacrés au Proche-Orient, Dominique Vidal s’élève, contre les accusations d’antisémitisme qui frappent tous les critiques d’Israël dans un nouveau livre: "Antisionisme = antisémitisme ? Réponse à Emmanuel Macron" (Libertalia, Paris, 2018).

PIERRE BARBANCEY: Si l’on en croit Emmanuel Macron, Manuel Valls ou encore Anne Hidalgo, toute critique d’Israël relèverait de l’antisémitisme. Cela ne masque-t-il pas un autre discours ?

DOMINIQUE VIDAL: Sans ignorer Manuel Valls et Anne Hidalgo, qui font du zèle, ce qui me paraît le plus grave, c’est l’initiative prise le 16 juillet 2017 par le président de la République. Non content d’inviter – pour la première fois – le Premier ministre israélien, incarnation de l’ultranationalisme, à la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv et de lui donner du « cher Bibi », il a repris à son compte – pour la première fois aussi – l’amalgame de la propagande israélienne entre antisionisme et antisémitisme. C’est une faute politique, car on ne saurait transformer une opinion en délit. Les sionistes prétendent interdire l’antisionisme. Les communistes exigent-ils l’interdiction de l’anticommunisme, les gaullistes celle de l’antigaullisme ou les ultralibéraux celle de l’altermondialisme ?

Cette faute politique se double d’une erreur historique. Jusqu’en 1939, l’écrasante majorité des Juifs rejetait le projet sioniste. Et si, ensuite, le génocide nazi a poussé nombreux d’entre eux vers la Palestine, la majorité ne vit toujours pas en Israël. La majorité des Juifs du monde est-elle antisémite ?

Cette manœuvre est couse de fil blanc : il s’agit pour Benyamin Netanyahou de faire taire les critiques de sa politique. De fait, il n’a jamais été aussi isolé dans l’opinion mondiale.

PIERRE BARBANCEY: Les États-Unis viennent de reconnaître Jérusalem « capitale d’Israël ». Est-ce un tournant dans la politique états-unienne? Quelles peuvent en être les conséquences ?

DOMINIQUE VIDAL: Non seulement cette décision viole les résolutions de l’ONU, mais elle tourne le dos aux positions affichées, de longue date, par leur diplomatie : contre la colonisation, pour deux États ayant chacun leur capitale à Jérusalem. Ce parjure sème le doute sur la parole des États-Unis et les disqualifie comme médiateurs.

Malgré l’isolement de Trump à l’ONU, cette provocation risque d’avoir de graves conséquences. Car elle encourage la radicalisation de la droite et de l’extrême droite au pouvoir à Tel-Aviv qui, tout en accélérant la colonisation, veulent désormais annexer le reste de la Palestine. La Knesset a adopté une loi en ce sens le 6 février dernier. Une autre permettra l’annexion des cinq blocs de colonies situés à l’est de Jérusalem, « bétonnant » l’hégémonie juive dans la ville et interdisant la naissance d’une capitale palestinienne. Sans parler de la nouvelle loi « verrouillant » Jérusalem. Même le Likoud, jusqu’ici plus prudent, exige l’annexion de la Cisjordanie.

Au-delà, le président américain pourrait porter un coup mortel à la solution des deux États, au profit d’un seul État où les Palestiniens n’auraient aucun droit – un apartheid à l’israélienne...

PIERRE BARBANCEY: La politique française au Proche-Orient a-t-elle changé depuis l’accession à la présidence d’Emmanuel Macron ?

DOMINIQUE VIDAL: Franchement, la politique proche-orientale du président de la République donne le tournis. Officiellement, il se prononce pour la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël avec Jérusalem-Est pour capitale. Mais il refuse de reconnaître cet État pourtant entré à l’ONU et à la Cour pénale internationale. En revanche, il semble être intervenu, fin 2017, en faveur de la libération de Salah Hamouri – il était temps !

Mais il n’y a pas que la situation en Palestine. La France d’Emmanuel Macron est absente du conflit syrien comme du chaos libyen. Elle se pose en libératrice du Premier ministre libanais, mais se tait devant les crimes perpétrés par l’Arabie saoudite et ses alliés au Yémen… À quand une grande initiative pour faire baisser la tension entre Ryad et Téhéran et empêcher qu’elle ne débouche sur une guerre régionale ?

PIERRE BARBANCEY: Revenons sur la campagne menée par Boycott-Désinvestissement-sanction (BDS).

DOMINIQUE VIDAL: Sous la pression d’Israël et de ses inconditionnels français, Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient mis le doigt dans l’engrenage de la criminalisation. Mais sur des milliers d’action, seules quelques-unes avaient été jugées.

Car ce n’est pas si simple. Il n’existe pas de loi réprimant le boycott. Et le jugement de la Cour de cassation de 2015 pourrait être « retoqué » par la Cour européenne des droits de l’Homme. Federico Mogherini, la ministre européenne des Affaires étrangères, a précisé : « L’Union européenne se positionne fermement pour la protection de la liberté d’expression et de la liberté d’association, en cohérence avec sa Charte des droits fondamentaux, qui est applicable au territoire des États membres, y compris en ce qui concerne les actions BDS. »

C’est une question de liberté, mais aussi d’efficacité dans la solidarité. Car il y a le boycott militant, mais aussi institutionnel : quand le Fonds de pension pour l’avenir de Norvège, la Danske Bank, la société de sécurité G4S ou encore Veolia et Orange se retirent des Territoires occupés, voire d’Israël, on comprend l’inquiétude des dirigeants israéliens. En qualifiant BDS de « menace stratégique majeure », Netanyahou nous montre le chemin. La meilleure réponse à la radicalisation de Tel-Aviv et de Washington, c’est BDS !

Amalgame entre antisionisme et antisémitisme, la faute grave de Macron (Dominique Vidal, entretien avec Pierre Barbancey, L'Humanité - 9 janvier 2018)
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9 janvier 2018 2 09 /01 /janvier /2018 20:20
Jérusalem

Jérusalem

La majorité au pouvoir en Israël durcit les lois contre les migrants et les « terroristes ». Une liste d’organisations internationales interdites de territoire est publiée.

La droite et l’extrême droite israéliennes se sentent pousser des ailes. En l’espace de quelques semaines, via le gouvernement ou leur majorité à la Knesset (le Parlement), elles ont pris une série de mesures au caractère nettement fascisant. Qu’on en juge : le 3 janvier, Israël a annoncé le lancement d’un programme destiné à imposer à près de 40 000 migrants en situation irrégulière de choisir entre leur expulsion ou leur incarcération. La majorité sont des Érythréens et des Soudanais qui ne peuvent rentrer chez eux, au vu de la situation. Le régime érythréen a été accusé par l’ONU de crimes contre l’humanité « généralisés et systématiques ». Quant au Soudan, son président, Omar Al Bachir, fait l’objet de mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, contre l’humanité et génocide. Qu’à cela ne tienne, Tel-Aviv s’est empressé de signer des accords avec le Rwanda et l’Ouganda afin qu’ils acceptent sur leur sol les migrants chassés d’Israël et à qui il aura été remis un billet d’avion et près de 3 000 euros. Pour solde de tout compte ? Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a exprimé son inquiétude face aux mesures du gouvernement israélien, rappelant notamment qu’Israël avait « des obligations légales s’agissant de la protection des réfugiés ».

Nettoyer Israël de tout ce qui n’est pas juif

Benyamin Netanyahou semble bien disposé à aller jusqu’au bout sur toutes les questions qui, à terme, reflètent son but ultime : nettoyer Israël de tout ce qui n’est pas juif, purifier la société israélienne en utilisant tous les moyens à disposition et, s’ils ne sont pas suffisants, en faisant voter de nouvelles lois à la Knesset. Un projet de loi prônant la peine de mort pour les « terroristes », c’est-à-dire, dans le vocabulaire de l’extrême droite israélienne, les Palestiniens, a été adopté toujours le 3 janvier, en lecture préliminaire au Parlement. La peine capitale est prévue dans la loi militaire israélienne en Cisjordanie occupée, mais n’a jamais été prononcée. Jusqu’à présent, son application nécessitait l’accord unanime des trois juges du tribunal. La majorité (deux sur trois) suffirait désormais si le texte était définitivement adopté.

Enfin, ce pays, qui se présente comme « la seule démocratie du Moyen-Orient », se comporte en réalité comme la pire des dictatures. Les autorités israéliennes viennent en effet de publier une liste de 20 organisations de par le monde dont les membres ne seront plus autorisés à entrer en Israël à cause de leur soutien à la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS). En tête de liste européenne, l’Association France Palestine solidarité (AFPS). On trouve également des organisations britanniques (dont l’une dans laquelle se trouve Jeremy Corbyn, dont on se demande comment fera Israël s’il devient premier ministre de Grande-Bretagne !), mais aussi américaines comme The American Friends Service Committee, lauréate du prix Nobel de la paix en 1947, pour avoir aidé et sauvé des victimes du nazisme, ainsi que Jewish Voice for Peace. En clair, Tel-Aviv interdit même à des juifs de se rendre en Israël ! Notons que l’occupation étant ce qu’elle est, il sera donc impossible à ces organisations de rencontrer les associations palestiniennes en Cisjordanie, puisque, pour s’y rendre, il faut passer par Israël. « Nous ne nous laisserons pas intimider, a fait savoir Bertrand Heilbronn, président de l’AFPS. Nous allons demander d’urgence un rendez-vous au président de la République et au ministre des Affaires étrangères. »

Grand reporter
Israël: : liste noire et peine de mort au menu de Netanyahou (Pierre Barbancey, l'Humanité, 9 janvier 2018)
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9 janvier 2018 2 09 /01 /janvier /2018 20:15
Corruption: le fils de Netanyahou incrimine son père dans un enregistrement
 PAR 

Enregistré au terme d’une nuit de débauche à Tel Aviv en 2015, Yaïr, le fils du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, affirme que son père aurait intercédé pour qu’un homme d’affaires empoche plus de 16 milliards d’euros dans le cadre d’un accord gazier.

Jérusalem, de notre correspondante.– L’origine de l’enregistrement reste inconnue, mais la chaîne Arutz 2, qui l’a dévoilé lundi, assure qu’il a été diffusé légalement. La scène se déroule un vendredi soir de l’été 2015. Yaïr Netanyahou, 24 ans à l'époque, fils aîné du premier ministre israélien, se trouve dans une voiture en compagnie de deux amis. Il y a Ori Maïmon, fils de l’homme d’affaires israélien Kobi Maïmon. Et Roman Abramov, que les médias israéliens soupçonnent d’avoir été embauché indûment par le milliardaire australien James Parker, proche de Benjamin Netanyahou.

Les trois amis viennent de sortir d’un club de strip-tease du centre de Tel Aviv. Visiblement éméchés, ils plaisantent sur leur nuit de débauche et les sommes qu’ils ont dépensées. Ori Maïmon se vante notamment d’avoir payé une addition de 2 400 shekels, soit près de 600 euros. Soudain, la conversation prend un tour politique. « Mon père a fait gagner 20 milliards de dollars [plus de 16 milliards d’euros – ndlr] au tien, tu peux bien me donner 400 shekels [environ 100 euros] », lance Yaïr Netanyahou à Ori Maïmon.« Mon frère, tu dois le reconnaître : mon père a beaucoup fait pour le tien, il s'est battu à la Knesset [le Parlement israélien] pour ça. »

Le fils du premier ministre fait clairement référence à l’accord approuvé en août 2015 par le gouvernement Netanyahou pour l’exploitation des champs gaziers découverts en Méditerranée. Le père d’Ori, Kobi Maïmon, est un des principaux actionnaires de Isramco, l’une des compagnies qui possèdent les champs gaziers offshore de Tamar, au large d’Israël.

Controversé, l’accord en question a été retardé de nombreux mois en raison de l’opposition de la commission israélienne antitrust et du ministre de l’économie de l’époque, Aryé Deri. Ce dernier avait refusé de recourir à une dispense spéciale prévue par la loi israélienne pour autoriser un monopole à opérer dans le pays, par exemple pour des questions de sécurité. Pour forcer la conclusion de l’accord, Benjamin Netanyahou avait finalement organisé et obtenu un vote au Parlement israélien début septembre 2015.

Au cours de l’enregistrement, Yaïr Netanyahou et ses deux amis s’inquiètent du caractère explosif de leur conversation et du fait qu’elle puisse être rendue publique. « Si cela sort, ce sera l’enfer », prévient Ori Maïmon. Détail important, ce soir-là, Yaïr Netanyahou et ses deux comparses ne sont pas seuls. Le fils du premier ministre est en effet accompagné d’un chauffeur et d’un agent de sécurité payés par l’État israélien. Les trois amis commencent alors à menacer le garde du corps sur le ton de la rigolade. « S’il est viré, nous serons obligés de le tuer », lance Roman Abramov. « Fais attention si tu démissionnes, mon frère, tu pourrais mourir », le mettent-ils en garde.

Au-delà du fond politique de l’affaire, la bande-son présente une image désastreuse du fils du premier ministre israélien. Tout au long de la conversation, Yaïr Netanyahou tient des propos dégradants au sujet des femmes et notamment de son ex-petite amie, dont le nom a été supprimé de l’enregistrement pour préserver sa vie privée.

À un moment, il affirme que les 400 shekels évoqués plus tôt avec Ori Maïmon étaient destinés « à une prostituée ». Il suggère également qu’il va « arranger » un rendez-vous pour ses amis avec une strip-teaseuse dont il a pris le numéro de téléphone. Selon Arutz 2, la mère de Netanyahou, Sara, aurait essayé de l’appeler au cours de la soirée.« Ma mère appelle… Quelle blague », aurait-il dit.

Quelques heures après la diffusion de l’enregistrement, Yaïr Netanyahou, aujourd’hui âgé de 26 ans, a présenté ses excuses dans un communiqué. « Lors d'une conversation nocturne, sous l'influence de l'alcool, j'ai dit des choses ridicules au sujet des femmes et d'autres choses idiotes qu'il valait mieux ne pas dire, écrit-il. Je m'excuse si quelqu'un a été blessé par mes mots. » Au sujet de l’accord gazier approuvé par le gouvernement israélien, le fils du premier ministre prétend qu’il « s’agissait d’une blague » et que« n’importe qui doué d’un peu de bon sens s’en rend tout de suite compte »

Un peu plus tôt, un représentant de la famille Netanyahou avait également publié un communiqué pour dénoncer la manière « honteuse et illégale » dont avait été obtenu l’enregistrement et nier la véracité des propos tenus par Yaïr Netanyahou sur son père.« Le premier ministre n'a aucun lien avec Kobi Maïmon, qu'il n'a rencontré qu'une seule fois, il y a dix ans. (…) Le premier ministre ne savait rien de la relation entre son fils Yaïr et le fils de Kobi Maïmon. Yaïr n'était aucunement impliqué dans l'affaire du gaz, et s'il parlait de l'affaire, il l'a évidemment fait en plaisantant. » 

Sur Twitter, le chef de l’opposition travailliste, Avi Gabbay, s’est empressé de dénoncer une « nouvelle tache sur l’accord de gaz corrompu » conclu par le gouvernement Netanyahou. 

La polémique enfle également autour du dispositif de sécurité déployé pour Yaïr Netanyahou lors de cette virée nocturne. Se gardant de commenter les déclarations du fils du premier ministre sur l’accord gazier, le bureau de Benjamin Netanyahou a affirmé que ce dernier n'était « pas consulté sur les conditions de la protection de ses enfants, décidées par les services de sécurité ».

Or jeudi dernier, Yoram Cohen, ancien chef du Shin Bet, le service de sécurité intérieur israélien, avait au contraire jugé sur une radio israélienne que, selon lui, les fils du premier ministre n’avaient pas besoin d’une protection permanente. Et qu’il avait tenté lorsqu’il était toujours en poste d’alléger le dispositif dont ils bénéficient, mais que cela n’avait « pas été accepté ».

Habitué aux frasques

Ce n’est pas la première fois que Yaïr Netanyahou fait parler de lui. Poursuivi pour calomnie à la suite d’un post publié sur son compte Facebook en août 2017, le fils du premier ministre est en effet au cœur d’une bataille judiciaire avec le think tank israélien de gauche Molad. En septembre dernier, le jeune homme avait par ailleurs fait scandale en publiant sur le réseau social un dessin empruntant aux codes de l’imagerie antisémite pour suggérer qu’une conspiration était à l’origine des problèmes judiciaires de sa famille.

Ce qui avait pu être classé jusqu’ici comme les frasques de jeunesse du fils du premier ministre se transforme aujourd’hui en véritable bombe politique. L’enregistrement dévoilé par Arutz 2 et les confidences choc qu’il contient, quelle que soit leur véracité, tombent en effet très mal pour Benjamin Netanyahou et son entourage, cernés par les affaires de corruption.

Pour mémoire, la justice israélienne a annoncé en septembre dernier l’inculpation de la femme de Netanyahou, Sara, pour avoir détourné à des fins personnelles 400 000 shekels de fonds publics, soit environ 100 000 euros, alloués à la résidence du premier ministre.

En dépit de ses dénégations, Benjamin Netanyahou fait lui-même l’objet de deux enquêtes distinctes pour avoir reçu des cadeaux « illicites » de la part de milliardaires et avoir tenté de monnayer une couverture favorable de sa personne dans les colonnes du journal d’opposition Yediot Aharonoth. D’après les médias israéliens, la police, qui tarde à rendre ses conclusions depuis plusieurs mois, pourrait recommander l’inculpation du premier ministre d’ici à la fin du mois de mars.

 

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8 janvier 2018 1 08 /01 /janvier /2018 19:01
Nos rêves de pauvres de Nadir Dendoune (Jean-Claude Lattès): un livre dynamique et encourageant pour bien démarrer l'année - par Yvon Huet

Nos rêves de pauvres

Nadir Dendoune, enfant de la Seine-Saint-Denis, jeune journaliste et réalisateur de documentaires, a écrit quatre livres dont le désormais célèbre « Un tocard sur le toit du monde » qui a inspiré un film, l'Ascension, relatant sa montée sur le haut de l'Everest avec, en signature, le drapeau triomphant du 9-3 au dessus des nuages. Dans ce dernier ouvrage, il rend hommage à ses parents immigrés algériens kabyles, dont le père a été ouvrier dans l'automobile et dont la mère éleva neufs enfants. Il témoigne de la vie des enfants d'une cité HLM de l'Ile Saint Denis à travers une expérience faite de multiples rebonds, délinquance, études, voyages pour devenir ce qu'il est aujourd'hui. Mais on ne le lit pas comme une autobiographie, encore moins comme une complainte misérabiliste. Nadir exprime la force de toute une génération imprégnée de la colère face à l'injustice faite aux immigrés et à leurs enfants, appuyée par l'expression d'une intense volonté de sortir de l'impasse dans laquelle on les a parqués. Il développe une écriture forte qui suscite le plaisir et l'intérêt et le hisse au rang d'écrivain talentueux.

Nadir Dendouche  montre un chemin pour sortir du fatalisme ambiant, y compris pour celles et ceux qui étaient au fond du trou dans lequel on les avait jetés. Qu'on le veuille ou non, l'immigration est une chance pour le dynamisme de l'humanité, confrontée à ses contradictions et à la gestion nécessaire des rapports entre toutes les cultures du monde. Nadir Dendoune a su, alors qu'il n'était pas alpiniste, faire ce que bien d'autres n'ont pas pu faire. Il reste l'enfant aimé d'une maman et d'un papa venus de Kabylie et qui ont trimé pour construire "nos" voitures, entre autres. Il est grand temps que la fraternité l'emporte sur les peurs, les méfiances, les clichés humiliants. Nadir Dendoune n'est pas une exception. C'est juste un être humain comme vous et moi qui, malgré une sacrée réussite, sait ne pas oublier d'où il vient et nous offres de merveilleuses pages d'écriture d'un réel qui devient beauté littéraire.

 

Nos rêves de pauvres, de Nadir Dendoune, éditeur JC Lattes, juin 2017, 180 pages, 15 €.

Yvon Huet

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8 janvier 2018 1 08 /01 /janvier /2018 18:17

Le 8 janvier 2018, le gouvernement convoque la direction SNCF pour ré entendre ce qu’il sait déjà, sans jamais remettre en cause la stratégie et la campagne anti ferroviaire qui se développe. Le vaudeville qui se joue sous nos yeux pourrait être risible s’il n’était pas si grave.

L’actuelle ministre des Transports, ex-directrice de la stratégie à la SNCF, feint d’ignorer les véritables raisons de la situation pourtant liées aux mauvais choix opérés depuis des années, y compris lorsqu’elle était membre du Comité Exécutif de la SNCF.

Les agitations médiatiques de la direction SNCF avec la complicité du gouvernement ne nous détourneront pas de l’urgence : maintenir le train public.

1. LE RETOUR A UNE ENTREPRISE PUBLIQUE, UNIQUE ET INTEGRÉE : LA SNCF

La réforme ferroviaire de 2014 a éclaté la SNCF en trois EPIC distincts : SNCF (EPIC de tête), SNCF Réseau, SNCF Mobilités. Elle a rendu plus complexe les relations entre les différents services de l’entreprise désormais séparés dans 3 entités. Elle n’a pas réunifié le gestionnaire de l’infrastructure (ex RFF) et le transporteur (la SNCF). En définitif, elle a accentué les difficultés qui existaient déjà au préalable. En outre, elle n’a pas réglé la question du financement et de la dette. Pourtant, en juin 2014, lorsque les cheminots ont cessé le travail afin d’imposer une autre réforme, ils étaient qualifiés d’irresponsables par le gouvernement d’alors.

2. REPRISE DE LA DETTE PAR L’ÉTAT

Les investissements de ces dernières décennies, notamment dans les LGV au détriment du réseau classique, ont été imposés par l’Etat à la SNCF. Il est inconcevable de vouloir faire supporter cette dette aux usagers et aux cheminots. Il convient cependant de ne pas opposer le réseau à grande vitesse au réseau classique, ils doivent être complémentaires.

Le poids de la dette est prétexte à la fermeture de gares, de lignes, de guichets, à la suppression massive d’emploi cheminot (+ de 2000 prévus en 2018), au recours massif à la sous traitance, entre autres.

En attendant, elle génère chaque année 1,7 milliards d’euros d’intérêts qui part directement dans la poche des banquiers.

3. MISSION SPINETTA : EN FINIR AVEC LE TRAIN PUBLIC ?

Les conclusions de la mission confiée à l’ex-PDG d’Air France seront sans surprise.
Elles auront vocation à justifier une nouvelle réforme du système ferroviaire public en stigmatisant au passage les cheminots, leur statut. C’est pourtant ce statut (existant avant la création de la SNCF) qui, malgré des contraintes fortes acceptées par les cheminots, garantit la continuité du service public, un haut niveau de formation et de technicité, une approche de la sécurité des circulations placée au dessus de tout le reste.

La CGT n’acceptera pas que les cheminotes et les cheminots soient les boucs émissaires de ceux qui ont décidé d’en finir avec la SNCF.

4. OUVERTURE À LA CONCURRENCE : LA SOLUTION À RIEN

L’ouverture à la concurrence relève au mieux de la malhonnêteté intellectuelle, au pire, d’une attitude irresponsable qui insulte l’avenir. Elle n’améliorera pas le quotidien de nos concitoyens, pire, elle ajoutera sur le réseau actuel des intervenants qui viendront compliquer une situation déjà bien difficile. On ne fait pas du train comme on vend des forfaits téléphones.

Le transport public de voyageurs comme celui des marchandises, à l’heure des grands défis sociaux et environnementaux, est résolument contemporain. Mieux, il est un maillon structurant du futur en termes de déplacements, d’aménagement du territoire, de réduction des gaz à effet de serre. Il est en outre un appui stratégique essentiel pour l’État, comme l’ensemble des services publics.

La Fédération CGT des cheminots a raison lorsqu’elle exige :

  •  Le retour à une entreprise publique, unique et intégrée : la SNCF, seule garante d’un fonctionnement cohérent de l’ensemble des services de l’entreprise.
  •  La reprise de la dette par l’État sans contrepartie et un financement public à la hauteur des enjeux futurs. Sans la maîtrise publique du chemin de fer par l’État, nous n’aurions jamais connu l’électrification des lignes, la grande vitesse etc ….
  •  L’arrêt immédiat des suppressions d’emploi et des embauches au Statut à la hauteur des exigences du service public ferroviaire.
  •  L’arrêt de la réduction de l’offre ferroviaire par le maintien, voire la réouverture de gares, de lignes, permettant à la SNCF de remplir ses missions de service public partout et pour tous.
  • L’arrêt de toute velléité d’ouverture à la concurrence, contraire à l’intérêt général, à la réponse aux besoins des populations, au maintien du service public en tous points du territoire.

Aussi, la Fédération CGT appelle TOUS les cheminots, les associations d’usagers, les usagers eux-mêmes, ainsi que toutes celles et tous ceux qui souhaitent défendre un service public ferroviaire de qualité, à participer massivement à la manifestation nationale qui aura lieu le 8 février 2018 à Paris.

Théâtre au ministère des transports: la mauvaise farce a assez duré (CGT Cheminots, 8 janvier 2017)
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8 janvier 2018 1 08 /01 /janvier /2018 18:07
Didier Le Reste

Didier Le Reste

La ministre des transports convoquait aujourd'hui les patrons de la SNCF pour réorienter leur politique. Une opération com, dénonce Didier Le Rest. 

" La forme prend le pas sur le fond. Convoquer de façon théâtrale les dirigeants de la SNCF, pour qu'ils expliquent les raisons des dysfonctionnements, relève pour moi de la communication. La ministre des transports, Elisabeth Borne, est bien placée pour savoir les maux dont souffre le service public ferroviaire, après avoir été directrice de la stratégie de la SNCF avec Guillaume Pepy. Aujourd'hui, l'ensemble de ces dysfonctionnements qui affectent la qualité du service et irritent de plus en plus les usagers, sont la résultante du désengagement financier de l'Etat. La France ne finance qu'à hauteur de 32% les infrastructures ferroviaires, pour 50% en Allemagne et 90% en Suède. Il s'agit de choix politiques qui portent un choix de société. C'est l'Etat qui a décidé la LGV (ligne à grande vitesse), lancé le TGV et n'a rien financé. Le système ferroviaire français détient au global une dette de 53 milliards d'euros. La SNCF n'a qu'une dette d'exploitation de 8 milliards. La responsabilité en incombe à l'Etat. Il n'est pas normal que Macron dise qu'il veut bien réduire la dette si on touche au statut des cheminots. Ce ne sont pas eux les responsables". 

" Le routier est le mode de transport le plus subventionné. La concurrence déloyale s'est accélérée, avec l'augmentation des péages pour le train, l'autorisation de circulation des 44 tonnes, puis la suppression de l'écotaxe, les cars Macron... Aujourd'hui, trois opérateurs se partagent le gâteau, dont la filiale SNCF Ouibus, qui vit sous perfusion. La finalité de ces politiques-là est de construire un mastodonte des transports et de la logistique privée dont la part congrue serait le train. Dans la COP 21, les assises de la mobilité, les transports ont été peu traités et surtout pas le rail public. Quand on évoque la mobilité, on parle covoiturage, applications numériques, vélo, ... mais pas de transport de masse. Il faut arrêter l'enfumage et réorienter l'utilisation des fonds publics pour réinvestir dans les réseaux ferrés nationaux". 

"Depuis 2006, la concurrence est ouverte sur le transport de marchandises par le rail: c'est une catastrophe. Nous transportons moins de marchandises qu'en 2000. Nous avons fermé 400 gares de fret. Depuis 2009, les cheminots dédiés au fret sont passés de 15 000 à 7000".

Interview de Didier Le Rest par Kareen Janselme dans l'Humanité du lundi 8 janvier    

"Arrêtons de subventionner la route, investissons dans le rail" - Didier Le Reste, président de la Convergence nationale Rail, élu communiste à Paris
voeux de Didier Le Reste pour 2018 publiés dans le journal des Bretons d'Ile de France. Bloavez Mad !

voeux de Didier Le Reste pour 2018 publiés dans le journal des Bretons d'Ile de France. Bloavez Mad !

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8 janvier 2018 1 08 /01 /janvier /2018 17:33
SNCF: Direction et gouvernement, le duo infernal, fossoyeur du rail public (PCF, 8 janvier 2018)

SNCF : Direction et gouvernement, le duo infernal, fossoyeur du rail public

 

La ministre des transports Elisabeth Born convoque aujourd'hui, le 8 janvier, le patron de la SNCF pour lui demander des comptes suite à la "succession d'incidents importants et médiatisés" survenus ces dernières semaines dans les gares parisiennes de Montparnasse, Bercy et Saint-Lazare.

 

Il est assez curieux de voir une ministre des transports s’étonner des récents dysfonctionnements de la SNCF tant les différentes politiques menées depuis plus de 20 ans en matière de service public ferroviaire, aussi bien marchandise que voyageur, sont désastreuses. Les derniers chiffres sont éloquents : 2014, suppression de 1432 postes – 2015, 1100 postes – 2016, 1400 postes – 2017, 1200 postes et pour 2018, SNCF Mobilité a déjà annoncé 2000 suppressions d’emplois.

Les suppressions massives d’emplois s’accompagnent d’un manque d’investissement abyssal avec pour conséquence directe un réseau ferré et des installations de sécurité qui ne cessent de se délabrer. L’accident de Brétigny en est le triste exemple.

La SNCF est aujourd’hui malade des choix imposés conjointement par direction et gouvernement. Un duo infernal, où le dogme de la rentabilité est érigé en alpha et oméga des politiques ferroviaires.

 

Nous sommes aujourd’hui en droit de demander des comptes, à la SNCF bien sur, mais aussi aux différents gouvernements. Ceux-ci, tout en votant l’ouverture à la concurrence, ont abandonné toute forme de gouvernance de l’entreprise publique, en laissant les mains-libres à une direction d’entreprise. Les ministres des transports passent, les accidents et incidents se multiplient mais les fossoyeurs du rail public, Guillaume Pépy en tête, demeurent.

D’autres solutions existent. Plutôt que de stigmatiser les cheminots et de pénaliser les usagers, il est temps de mettre fin au dogme libéral qui guide gouvernement et direction dans la gestion de la SNCF.

 

Le PCF demande à ce que l’État français reprenne en intégralité la dette du système ferroviaire, et investisse de façon massive dans la régénération du réseau, les trains de nuits, les TET.

 

Le PCF porte l’idée d’un grand service public ferroviaire du 21è siècle, au sein d’une entreprise unique et intégrée, qui permette à chacune et chacun de se déplacer quel que soit son lieu de résidence sur le territoire, tout en assurant des conditions de travail décentes pour les cheminot-es.

 

Le 3 février prochain dans le cadre des états généraux du progrès social que nous tiendrons à Paris, nous ferons des propositions pour créer ce grand service public ferroviaire du 21è siècle.

SNCF: Direction et gouvernement, le duo infernal, fossoyeur du rail public (PCF, 8 janvier 2018)
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8 janvier 2018 1 08 /01 /janvier /2018 17:00

Dès le mois de mai, le contrôle technique du véhicule sera plus cher (+20%), plus régulier (tous les ans pour un véhicule de + de 6 ans) et valable moins longtemps (24h). Si les réparations ne sont pas faites dans la journée, c'est 135€ d'amende. (Le Parisien)

N'est-ce pas là, sous couvert de sécurité ou d'écologie, mais en lien avec les lobbies des constructeurs, une manière de matraquer un peu plus les classes populaires et de pousser à acheter des voitures neuves et à la surconsommation quand dans plein de pays, on fait rouler les voitures 15-20 ans, et de fait, une partie des nôtres seront envoyées en Afrique si elles ne peuvent plus rouler ici. Pas d'accord!

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7 janvier 2018 7 07 /01 /janvier /2018 10:08
Martha Desrumeaux: syndicaliste et communiste résistante et déportée. Pour que la classe ouvrière rentre au Panthéon!
Martha Desrumeaux: syndicaliste et communiste résistante et déportée. Pour que la classe ouvrière rentre au Panthéon!
Martha avec son mari Louis Manguine dans leur maison à Evenos dans le Sud. Tous deux en retraite bien méritée.  "Louis Manguine, tout d'abord dessinateur dans une entreprise métallurgique de Douai, est responsable des " métallos " du Nord en 1936. En septembre 1938, il épouse Martha Desrumaux, dirigeante du Parti Communiste. Prisonnier durant la guerre, il reprend ses fonctions en 1946. Après sa libération, il est élu :  de 1947 à 1959, au conseil municipal de Lille de 1950 à 1966, secrétaire général de l'UD-CGT du Nord1. 1950 correspond à l'année où sa femme, Martha Desrumaux, avait dû abandonner ses responsabilités dans cette organisation.  Il décède le 30 novembre 1982, le même jour que son épouse, âgé de 77 ans"

Martha avec son mari Louis Manguine dans leur maison à Evenos dans le Sud. Tous deux en retraite bien méritée. "Louis Manguine, tout d'abord dessinateur dans une entreprise métallurgique de Douai, est responsable des " métallos " du Nord en 1936. En septembre 1938, il épouse Martha Desrumaux, dirigeante du Parti Communiste. Prisonnier durant la guerre, il reprend ses fonctions en 1946. Après sa libération, il est élu : de 1947 à 1959, au conseil municipal de Lille de 1950 à 1966, secrétaire général de l'UD-CGT du Nord1. 1950 correspond à l'année où sa femme, Martha Desrumaux, avait dû abandonner ses responsabilités dans cette organisation. Il décède le 30 novembre 1982, le même jour que son épouse, âgé de 77 ans"

Martha Desrumeaux. La classe ouvrière au Panthéon
OLIVIER MORIN
MARDI, 26 DÉCEMBRE, 2017
L'HUMANITÉ
Une pétition via Facebook pour faire entrer Martha Desrumaux dans la nécropole rassemble des soutiens très larges. Baziz Chibane/La Voix du Nord/MaxPPP
 

Relancée par les Ami·e·s de Martha Desrumaux, la campagne pour que la « Pasionaria du Nord » soit reconnue, s’étend et sort de l’oubli une femme hors du commun.

En 1936. Après des mois de grève et de luttes acharnées, les patrons sont forcés de négocier avec les organisations de travailleurs. Face à eux, ce 7 juin à l’hôtel Matignon, aux côtés de Benoît Frachon et Léon Jouhaux, représentant la CGT, une seule femme est présente, Martha Desrumaux. Elle a apporté avec elle les fiches de paye d’ouvrières du textile du Nord, pour appuyer la satisfaction des revendications.

« Avec Martha Desrumaux, c’est toute la classe ouvrière qui serait honorée au Panthéon. » Laurence Dubois, présidente de l’association les Ami·e·s de Martha Desrumaux, est de celles et ceux qui ont relancé la campagne pour que cette ouvrière, élue du peuple et syndicaliste, ait enfin la reconnaissance de la patrie. À l’occasion du 35e anniversaire de sa mort et des 120 ans de sa naissance, le souhait de faire entrer Martha Desrumaux dans la nécropole revient avec vigueur, rassemblant des soutiens très larges à travers une pétition relayée par la page Facebook « Martha Desrumaux, une femme du Nord ». La sénatrice PCF Michelle Gréaume ou encore Martine Aubry, la maire PS de Lille, se sont notamment jointes à des milliers d’autres voix pour réclamer sa panthéonisation. Déjà en 2015, alors que François Hollande souhaitait faire entrer des femmes illustres au Panthéon, son nom avait été porté jusqu’à l’Élysée, notamment par la voix de la députée communiste Marie-George Buffet. Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Germaine Tillion, qui furent déportées à Ravensbrück dans le même camp que Martha Desrumaux, eurent les honneurs de la nation. Mais la figure du mouvement ouvrier ne fut pas retenue.

En 1921, elle adhère au PCF « Elle est de toutes les luttes »

Pourtant, sa vie hors du commun, dédiée tout entière à l’émancipation des classes laborieuses et particulièrement des femmes ouvrières, mérite d’être honorée. Neuf ans seulement après sa naissance à Comines (Nord) en 1897, Martha devient brutalement orpheline de père. Elle part alors travailler dans une famille bourgeoise de la banlieue lilloise où elle est bonne à tout faire. Elle s’enfuit rapidement et retourne à Comines où elle se fait embaucher comme ouvrière à l’usine Cousin. En y travaillant le lin, elle découvre la dureté des conditions de travail et se syndique à la CGT à 13 ans. Éloignée de sa région à la suite de la déclaration de guerre en 1914, elle se retrouve ouvrière aux usine Hassebroucq de Lyon, où elle dirige sa première grève victorieuse, dès 20 ans.

En 1921, elle adhère au tout jeune Parti communiste français que le congrès de Tours a fait naître un an auparavant et contribue de manière déterminante à l’organisation des ouvrières du textile. « Elle est de toutes les luttes », explique l’historien Pierre Outteryck. « En 1920-1922 à Comines, en 1928-1929 à Halluin, en 1930 autour des assurances sociales, en 1931 contre le puissant patronat roubaisien, en 1933 à Armentières… » Pendant ce temps, l’inlassable militante rattrape l’écueil d’une vie happée trop tôt par le labeur et apprend à lire et à écrire. En 1927, l’année où elle rencontre Clara Zetkin, la fondatrice de la Journée internationale des droits des femmes, à Moscou, pour les 10 ans de la révolution d’Octobre, elle devient également la première femme élue au Comité central du PCF. Elle impulsera par la suite les premières marches des chômeurs vers Paris, dont « la marche de la faim » en 1933. « Le mouvement des chômeurs fut un embryon des conditions d’union de la classe ouvrière », précisait-elle avec son accent du Nord, parfois injustement moqué lorsqu’elle s’exprimait en dehors de sa région natale.

Fondatrice du journal l’Ouvrière, représentante de la CGTU au comité de fusion avec la CGT, puis aux côtés de Danielle Casanova lors de la création de l’Union des jeunes filles de France (UJFF)… Son engagement pour la dignité des femmes et sa présence lors de moments cruciaux comme les accords Matignon sont autant de pas en avant pour la lutte féministe.

Quand la guerre éclate, en 1939, Martha Desrumaux, réfugiée en Belgique, réorganise le PCF dans la clandestinité. Elle revient à Lille dès juin 1940 et participe activement à la grande grève patriotique des mineurs, en mai et juin 1941. Dénoncée par le préfet Carles, elle est enfermée à Loos puis déportée au camp de concentration de Ravensbrück. Là encore, elle organisera la résistance avec Marie-Claude Vaillant-Couturier et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, ainsi que des déportées antifascistes tchèques, allemandes, polonaises et soviétiques, toujours avec fraternité et le souci des plus faibles. Lili Leignel, déportée à Ravensbrück à 11 ans, se rappelle d’une « femme simple » qui était « un exemple pour tous avec son amour du prochain incommensurable et sa grande conviction ». Dès la fin de la guerre, alors que les femmes n’ont le droit de vote que depuis un an, Martha Desrumaux est élue au conseil municipal de Lille et reprend ses fonctions à la CGT du Nord. À la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes (FNDIRP), elle s’engage pour transmettre les valeurs et le souvenir des déportés et poursuit le combat pour l’émancipation des femmes à l’Union des femmes françaises (qui deviendra Femmes solidaires).

En 1982, Martha Desrumaux décède. Le même jour que son mari. À la suite de ses compagnes de la Résistance, la France s’honorerait à faire entrer au Panthéon « cette ouvrière ordinaire à l’existence extraordinaire ».

Martha Desrumeaux: syndicaliste et communiste résistante et déportée. Pour que la classe ouvrière rentre au Panthéon!

Martha à Ravensbrück
Les ami.e.s de Martha Desrumaux

19 déc. 2017 — Dans le périple de déshumanisation qui est imposé à chaque nouvelle arrivante, elle a retrouvé, en passant à la douche, Martha Desrumaux, militante communiste du Nord, membre du Comité central du parti et qu'elle connaissait d'avant-guerre de réputation. Martha est la déportée française la plus ancienne du camp. Elle est en contact avec des Allemandes et des Tchèques, Tchèques qui l’ont sauvée de la mort à l'arrivée en remplaçant sa carte rose d'inapte au travail par une carte jaune de travailleuse.

Le rôle (clandestin) de Martha Desrumaux, et de ses camarades de la « colonne n° 2 », qui est chargée de vérifier, aux douches, que les détenues n'ont ni poux, ni gale, est magnifié dans le livre du collectif de détenues sur Ravensbrück : « À chaque nouvelle arrivée de prisonnières, la colonne n° 2 était aux douches et l'une ou l’autre de ces anciennes, dans la mesure où elle arrivait à parler aux femmes, en dépit de la présence des SS, essayait de les aider à supporter le premier choc et de les avertir de ce qu'il fallait faire pour éviter l'extermination : ne pas se déclarer malade, ne pas montrer ses infirmités pour ne pas recevoir la carte rose, ne pas se dire juive. »
« Martha, dit Esther Brun, nous fut d'un grand secours. C'est elle qui par son travail aux douches nous procurait du linge propre, des bas, des chaussures et surtout cet hiver, des lainages, des robes et des manteaux... Martha était celle qui nous aidait le plus ; elle avait tant d'amies dans le camp, tant de sympathies chez les prisonnières de toutes les nationalités... »

Extrait de Marie-Claude Vaillant-Couturier, une femme engagée, du PCF au procès de Nuremberg, de Dominique Durand, Éditions Balland, 2012, p.260-261

Martha Desrumeaux: syndicaliste et communiste résistante et déportée. Pour que la classe ouvrière rentre au Panthéon!

Tous à l'écoute ce lundi 8 janvier de 9 à 10 heures....
Notre ami, Pierre Outteryck, historien, co-président de l'association Création, Recherche, Innovations sociales est l'invité d'Emmanuel Laurentin dans l'émission la Fabrique de l'Histoire sur France Culture,en liaison avec la campagne " Martha Desrumaux, pour une ouvrière au Panthéon "! Martha Desrumaux,une femme du Nord

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7 janvier 2018 7 07 /01 /janvier /2018 10:01
L'artiste kurde Zehra Dogan emprisonnée par Erdogan exposée à Traou Nevez à Plouézoc'h du 5 au 21 janvier 2017 - c'est parti pour plusieurs jours de rencontres, de débats, de films et concerts autour des kurdes et de leurs combats
L'artiste kurde Zehra Dogan emprisonnée par Erdogan exposée à Traou Nevez à Plouézoc'h du 5 au 21 janvier 2017 - c'est parti pour plusieurs jours de rencontres, de débats, de films et concerts autour des kurdes et de leurs combats

Une bonne trentaine d’œuvres originales de Zehra Doğan seront exposées en janvier au Pays de Morlaix, en Bretagne, accompagnées durant trois semaines de tables rondes d’information, de débats, et de musique.

Une bonne occasion pour toute la Bretagne de saluer la résistance d’une artiste et journaliste kurde, qui lutte, même en prison, pour défendre une culture, une histoire, et l’idée qu’une autonomie kurde apporterait à la Turquie un avenir commun possible, en faisant dialoguer la mosaïque de peuples présente sur son territoire, hors du rouleau compresseur de la “turcité” de l’Etat-nation.

Femme de 28 ans, elle a été condamnée pour avoir, avec son art, porté au grand jour les exactions de l’armée de l’Etat turc dans les villes de l’Est, ces dernières années. Une journaliste et artiste qui décrit la réalité de la guerre, “les yeux grands ouverts” a été jetée en prison pour 2 ans et 9 mois.

Ce sont des réalités des dernières années, tout autant que des racines de ce présent en Turquie et au Moyen-Orient, que traiteront des tables rondes, programmées durant ces trois semaines d’exposition. Mais ce sera tout autant du combat d’une femme, pour les femmes, qu’il s’agira.

Si ce contexte ne prête pas à la fête, l’avenir pour lequel Zehra résiste, la défense d’une culture et d’un vivre ensemble, eux, appelleront à musiques et lectures également.

Ces trois semaines sont organisées par La Minoterie / À Pleine Voix et Kedistan avec le concours des Éditions Fage, des Amitiés Kurdes de Bretagne (AKB), d’Initiative pour un Confédéralisme Démocratique,  du Festival du Cinéma de Douarnenez, du groupe Yıldız et de l’association Mama’z Cooking, et le soutien de L’association Traon Nevez et Le village de Plouézoc’h.

Du 5 au 21 janvier 2018
aux portes de Morlaix…

Traon Nevez
au Dourduff en Mer – 29252 Plouezoc’h

En voici une programmation succincte :
(Programme complet en version A4 plié à imprimer ou présentation verticale pour lecture en ligne et mailing)

Ouverture de l’exposition : tous les jours à 14h

Vendredi 5 janvier 2018

• 18h | Inauguration
Avec Laurent Baudry de l’Association La Minoterie / A Pleine Voix, Naz Oke et Daniel Fleury de Kedistan, et en partenariat avec Albert Thomas président de l’Association Traon Nevez, d’Yves Moisan, maire de Plouezoc’h, de Tony Rublon président des Amitiés Kurdes de Bretagne, de Valérie Caillaud, présidente du Festival du Cinéma de Douarnenez, et Laurence Loutre-Barbier, éditrice des Éditions Fage.
Repas avec l’Association Mama’z Cooking de Paimpol. Chants populaires kurdes, arméniens, turcs avec le groupe Yıldız.

Samedi 6 janvier

Turquie : “Démocratie” autoritaire ou dictature ? La situation des prisonnierEs, des Kurdes et du Rojava
• Carte blanche à Kedistan et à l’AKB
• Assiette kurde
• Projection et échanges : “Open the Border” de Mikael Baudu et Gant Sevenet

Dimanche 7 janvier

La culture au cœur de l’engagement
• Entre édition et engagement Table ronde les Éditions Fage et les Éditions Isabelle Sauvage.
• Écrire, chanter la culture kurde : Quelles identités ? Table ronde avec Anne Cousin, historienne, avec Maha Hassan, écrivaine kurde et Estelle Beaugrand chanteuse du groupe Yıldız.
• Repas partagé, soupe…

Samedi 13 janvier

Rojava entre utopie sociale et réalité
Rencontres animées par Élodie, d’Initiatives pour un Confédéralisme Démocratique.
• Témoignages sur le Kurdistan : Maha Hassan, écrivaine, et Gulistan Sido en direct d’Afrin au Rojava (par visioconférence),
• Le Rojava, histoire et réalité politique
• Soupe et auberge espagnole
• Féminisme au Kurdistan et jinéologie : Projection du “La guerre des filles”, film de Mylène Sauloy

Samedi 20  janvier

• Soirée cinéma, Animée par Yann Stéphant, directeur du Festival de Cinéma de Douarnenez
“Gulistan, Terre de Rose” film de Zaynê Akyol
“Marche arrière – Tornistan”, film d’animation de Ayşe Kartal
• Repas, auberge espagnole

Dimanche 21 janvier

• Ventes aux enchères d’œuvres d’artistes au profit des familles des prisonnierEs kurdes de Turquie
• Clôture festive de l’exposition et des rencontres…

Nous publierons le programme détaillé dans les meilleurs délais.

Durant ce même mois de janvier, une exposition d’autres oeuvres originales se tiendra également du 12 au 30 janvier sur Angers (Maine-et-Loire), à la Tour Saint Aubin, en attendant les mois de mars et avril, à Paris, dans le lieu culturel “La maison des métallos”, la présentation d’une soixantaine d’oeuvres, films, lectures et tables rondes, là aussi.

Kedistan vous avait promis d’y travailler, c’est en cours… et n’oubliez pas le livre paru aux Editions Fage, disponible dès maintenant ici sur le site, et dès janvier en librairie.

Consultez aussi : 

Vous pouvez organiser, vous aussi, un atelier d’envoi de cartes postales, ou une exposition, en soutien. Des reproductions sont disponibles… Voir ICI

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