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15 juillet 2020 3 15 /07 /juillet /2020 06:04

 

Révélatrices d’inégalités sociales, la pénibilité du travail et l’espérance de vie, surtout en bonne santé, interrogent sur l’égalité des situations au moment du départ à la retraite, a fortiori quand une « réforme » inique du système de retraites est à l’ordre du jour.

*Ce texte est une contribution du collectif de mobilisation des agents de la DREES, direction statistique du ministère de la Santé

Dans l’article 10 du projet de loi portant réforme des retraites, il est indiqué que l’âge légal de départ à la retraite restera de 62 ans, mais qu’un âge d’équilibre (ou âge« pivot ») sera introduit. Dans un premier temps, cet âge serait de 64 ans, puis il augmenterait chaque année, à raison des deux tiers des gains constatés d’espérance de vie à la retraite. Dès lors que les personnes partiraient avant l’âge d’équilibre, un malus (décote de 5 % par an) viendrait réduire le montant de la retraite. Inversement, un bonus s’appliquerait pour les personnes partant à la retraite après l’âge d’équilibre. D’après le gouvernement, le mécanisme de l’âge d’équilibre permettrait à chacun de choisir la date de son départ à la retraite, selon un arbitrage personnel. Mais les travailleurs ne seront pas égaux face au choix de l’âge de départ.

 

DE FORTES INÉGALITÉS DUES AUX CONDITIONS DE TRAVAIL

Les conditions de travail diffèrent grandement selon le métier exercé. La prolongation de la durée du travail se traduirait différemment selon les catégories socioprofessionnelles, et elle serait plus difficile pour les personnes affectées par la pénibilité de leur emploi. Les enquêtes de la Statistique publique attestent les écarts considérables d’exposition à des conditions de travail difficiles selon les catégories socioprofessionnelles, en particulier s’agissant des contraintes physiques. En 2016, d’après l’enquête Conditions de travail-Risques psychosociaux de la DARES (NDLR : la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du Ministère du Travail) , seulement 6 % des cadres cumulent au moins trois contraintes physiques (postures, déplacements, poids à porter ou à déplacer, exposition à des secousses ou à des vibrations). A contrario, qu’ils soient qualifiés ou non qualifiés,  plus  de  60  %  des ouvriers et près d’un employé de commerce ou de service sur deux  sont  concernés  (graphique 1). Les ouvriers sont également les premiers concernés par les expositions aux bruits, aux fumées, aux poussières et aux produits dangereux.

 

DES LIMITATIONS D’ACTIVITÉ PLUS FRÉQUENTES

Des conditions de travail dégradées peuvent peser sur la santé des personnes exposées, comme le montrent les enquêtes qui retracent la carrière des personnes et permettent de suivre leurs conditions de travail et leur état de santé dans le temps. Ainsi, en 2006, d’après l’enquête Santé et itinéraire professionnel de la DARES, parmi les personnes âgées de 50 à 60 ans ayant passé au moins 10 ans de leur vie en emploi, 19 % déclarent être limitées dans leurs activités du quotidien (voir encadré).Pour les personnes des mêmes âges dont la carrière a été marquée par 15 ans d’exposition à des facteurs de pénibilité, cette proportion atteint 24 %. De manière générale, la part d’années de vie passées en bonne santé à partir de 50 ans dépend des conditions de travail tout au long de la carrière, comme l’a, par exemple, montré une vaste étude portant sur des travailleurs du secteur du gaz et de l’électricité.

 

 

Graphique 1

 

PROBLEMES DE SANTÉ : UN MAINTIEN DANS L’EMPLOI PLUS DIFFICILE

La survenue ou l’aggravation de problèmes de santé, qu’ils soient temporaires ou permanents, jouent également sur le maintien ou l’accès à l’emploi. Ainsi, parmi les actifs en emploi en 2006, ceux en mauvaise santé étaient moins fréquemment en emploi en 2010 que ceux en bonne santé (71 %, contre 86 %,à structure d’âge comparable, pour tenir compte de la dégradation de la santé perçue avec l’âge).En 2018, la situation professionnelle à partir de 50 ans varie selon l’état de santé déclaré à ce moment : les personnes fortement limitées dans leurs activités du quotidien partent à la retraite après avoir passé en moyenne 3,9 années en emploi, mais 8,5 années au chômage ou en inactivité. Durant la même période, les personnes qui ne sont pas limitées dans leurs activités du quotidien passent en moyenne 10,2 années en emploi et 1,8 année au chômage ou en inactivité. Les personnes en bonne santé partent donc à la retraite à 62,1 ans en moyenne, soit plus tôt encore que les personnes dont la santé est déjà pénalisée (62,4 ans). Ces dernières ne profitent pas pleinement des dispositifs de départ anticipé du système actuel et seront, en l’état actuel du projet de loi [mars 2020], pénalisées par la décote dans le système à venir. Par conséquent, la référence à une « carrière complète», autour de laquelle se structure le débat, s’avère aveugle à l’impact des conditions de travail sur le déroulé des carrières. De plus, restreindre le champ des expositions prises en compte et ne pas aborder frontalement la question de la pénibilité dans le débat est source d’iniquités manifestes. Les enjeux associés aux conditions de travail et à la pénibilité sont donc multiples, par exemple la compensation des expositions, d’autant plus que ces conditions de travail dégradées ont pour conséquence une espérance de vie plus courte.

 

 

Graphique 2

 

ECART D’ESPÉRANCE DE VIE ENTRE OUVRIERS ET CADRES

Le gouvernement justifie le report de l’âge de départ à la retraite « taux plein » par l’augmentation de l’espérance de vie, mais ne tient pas compte de l’espérance de vie sans incapacité. Or celle-ci est déterminée par le type de métier exercé : les personnes qui auront connu des conditions de travail difficiles profiteront moins longtemps, voire pas du tout, d’une retraite en bonne santé. L’espérance de vie (voir encadré) moyenne en 2017 est de 85 ans pour les femmes et de 80 ans pour les hommes. Toutefois, d’après l’INSEE, des inégalités sont constatées selon la catégorie socioprofessionnelle. En 2013,un homme ouvrier de 35 ans aune espérance de vie de 42,6 ans, ce qui équivaut à atteindre l’âge de 78 ans.

 

 

ESPÉRANCE DE VIE À 35 ANS SELON LA CATÉGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE

A contrario, un homme cadre de 35 ans a une espérance de vie de 49 ans, ce qui équivaut à atteindre l’âge de 84 ans. Pour les femmes, en 2013, cette différence est moins marquée : l’espérance de vie restante à35 ans en 2013 pour les ouvrières est de 49,8 ans (85 ans) alors qu’elle est de 53 ans (88 ans) pour les femmes cadres (voir tableau). L’écart d’espérance de vie à 35 ans entre ouvriers et cadres est passé de 5,7 ans en2003 à 6,4 ans en 2013 pour les hommes et de 2,3 ans à 3,2 ans pour les femmes. Depuis la fin des années 1970, cet écart s’est maintenu autour de 6,5 ans pour les hommes et 2 ans pour les femmes.

 

ESPÉRANCE DE VIE SANS INCAPACITÉ

Au-delà des écarts d’espérance de vie, c’est plus particulièrement l’espérance de vie sans incapacité (voir encadré) qu’il est pertinent de regarder. En 2018, l’espérance de vie sans incapacité est de 64,5 ans pour les femmes et de 63,4 ans pour les hommes. Les ouvriers ont une vie à la retraite plus courte et une plus longue période avec des incapacités diverses (17 ans pour les hommes, 22 ans pour les femmes);pour les cadres cette période est plus courte (13 ans pour les hommes, 16 ans pour les femmes). En 2018, ces inégalités persistent, puisque les ouvriers sont 14 % à déclarer être fortement limités au cours de la première année de retraite, contre 2  %  parmi  les  cadres  (graphique 2). L’écart est encore plus marqué si on ajoute les personnes qui déclarent être limitées, mais pas fortement, au cours de la première année de retraite : 34 % pour les ouvriers, 14 % pour les cadres.

 

 

Graphique 3

 

ESPÉRANCE DE VIE À 35 ANS, AVEC ET SANS INCAPACITÉ

Avec un âge d’équilibre à 64 ans, ce serait au moment où les premières incapacités apparaîtraient que les cotisants pourraient avoir droit à une retraite sans décote. Cependant, ces incapacités n’apparaissent pas de façon uniforme entre les individus : 15 % des hommes et 9 % des femmes nées en 1975 ne pourront espérer vivre plus de 10 ans en retraite sans incapacité, tandis que 17 % des hommes et 33 % des femmes nés la même année bénéficieront de cette situation pendant plus de 25 ans. De plus, les hommes nés en 1975 devraient être 8 % à décéder avant de liquider l’intégralité de leurs droits à la pension. Cela pourrait concerner 4 % des femmes.

Là encore, il existe de fortes disparités selon la catégorie socioprofessionnelle. En 2003, un ouvrier de 35 ans peut espérer vivre sans incapacité jusqu’à 59 ans, contre 69 ans pour un homme cadre (graphique 3). Une ouvrière de 35 ans peut compter vivre sans incapacités jusqu’à 62 ans, alors que cet âge s’élève à 70 ans pour une femme cadre. Finalement, les catégories socioprofessionnelles les moins favorisées ont une espérance de vie plus courte et une espérance de vie avec incapacités plus longue. Elles se retrouvent donc à subir une « double peine ». Ainsi, là où les catégories socioprofessionnelles les plus favorisées peuvent espérer profiter pleinement de leur retraite sans incapacité pendant plusieurs années, celles qui sont les moins favorisées font face à des incapacités plus précoces au moment de l’âge de la retraite. Pour certaines personnes, ces incapacités apparaissent même plusieurs années avant de pouvoir y avoir droit. Finalement, en dépit  de la volonté affichée du gouvernement de créer un système universel qui mettrait tout le monde à égalité, la prise en compte de l’espérance de vie sans incapacité montre que le projet de réforme du système de retraite conduirait à renforcer les injustices et l’idée que certaines catégories socioprofessionnelles financent une retraite « heureuse » pour d’autres.

 

 

 

ESPÉRANCE DE VIE ET ESPÉRANCE DE VIE SANS INCAPACITÉ, DE QUOI PARLE-T-ON?


Les indicateurs d’espérance de vie synthétisent les conditions de mortalité par âge sur une période donnée. Il ne s’agit donc pas de prévisions mais d’une photographie de la situation à cette période. L’espérance de vie à la naissance correspond à la durée de vie moyenne d’une génération fictive qui serait soumise, à chaque âge, au risque de décéder à cet âge observé au moment du calcul de l’indicateur. Lorsqu’on calcule une espérance de vie à 35 ans selon la catégorie socioprofessionnelle, on considère la durée de vie moyenne pour une personne qui connaîtrait, à partir de 35 ans, les risques de décès encourus par les personnes de cette catégorie socioprofessionnelle à tous les âges supérieurs à 35 ans tels qu’ils sont observés au moment du calcul de l’indicateur. Afin de disposer d’effectifs par catégorie socioprofessionnelle suffisants, les conditions de mortalité sont observées sur une période de plusieurs années. Ainsi, les données les plus récentes disponibles portent sur les années 2009 à 2013.L’espérance de vie sans incapacité (EVSI) combine l’espérance de vie avec la fréquence observée des incapacités aux différents âges pour donner le nombre d’années qu’un individu peut espérer vivre sans souffrir d’une incapacité. Plusieurs mesures des incapacités peuvent être mobilisées. Les calculs de la DREES pour 2018 utilisent la réponse des individus à la question « Êtes-vous limité(e) depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement?»,les réponses peuvent être « Oui, fortement limité(e) », « Oui, limité(e) mais pas fortement» ou « Non, pas limité(e) du tout». Cette question provient d’un dispositif d’enquête européenne, le European Union Statistics on Income and Living Conditions (EU-SILC), qui harmonise les indicateurs des limitations d’activité générales et permet, à ce titre, des comparaisons européennes. D’autres indicateurs peuvent compléter cette approche globale des limitations pour le calcul des EVSI. Les résultats de l’article « La “double peine” des ouvriers : plus d’années d’incapacité au sein d’une vie plus courte »[1]commentés dans cette publication exploitent l’enquête Santé de 2003. L’EVSI décrite s’entend au titre d’une espérance de vie sans limitation fonctionnelle résiduelle physique ou sensorielle (difficulté à voir de près ou de loin, à entendre, à marcher, à se pencher ou à utiliser ses mains et ses doigts) qui dénote un besoin d’aide technique ou d’aménagement du domicile ou du poste de travail. L’article mobilise d’autres conceptions des incapacités (difficultés dans les activités en général, problèmes sensoriels et physiques), pour lesquelles les écarts entre cadres et ouvriers vont toutes dans le même sens. Les indicateurs d’EVSI ont été critiqués dans les débats à l’Assemblée nationale sur la base de leur caractère déclaratif, et donc jugés non-scientifiques. Si l’interprétation des EVSI doit rester prudente, et si la formulation des questions a effectivement son importance, le fait que cet indicateur soit déclaratif ne saurait le discréditer, sauf à remettre en cause les autres indicateurs issus des enquêtes de la statistique publique. La corrélation des indicateurs de santé subjective avec la mortalité est attestée, qu’il s’agisse de la santé perçue ou des incapacités déclarées. De plus, les différentes mesures des incapacités confirment toutes les écarts entre cadres et ouvriers et justifient l’intérêt de la mesure des années passées avec et sans restrictions d’activité.

 

[1] Emmanuelle Cambois et al., Population et société, no 441, janv. 2008

 

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15 juillet 2020 3 15 /07 /juillet /2020 05:39

 

 

Depuis deux ans, Emmanuel Macron promet que tout va changer.

Le Président de la République a tour à tour annoncé vouloir « changer de méthode », « ouvrir une nouvelle page », « sortir des sentiers battus ». On ne devait pas reprendre « le cours normal de nos vies sans que rien n’ait vraiment été compris, sans que rien n’ait changé ». Puis, il a prévenu que « le jour d’après ne sera pas un retour au jour d’avant », et proposé « de tirer toutes les leçons de la crise du coronavirus » tout en parlant d’une indispensable « réinvention » et d’un « nouveau chemin ».

Son intervention de ce jour, sous la forme classique d’un entretien télévisé, se solde par une nouvelle impasse.

Après un long mea culpa sur des réformes qui n’ont pas été vécues comme « justes », Emmanuel Macron ne change pas pour autant de politique. Les plus riches conserveront l’ensemble des cadeaux fiscaux. Les entreprises, qui bénéficient des aides publiques, sont appelées à une « modération sur les dividendes » et à prendre des jeunes en apprentissage, mais toujours sans la moindre contrainte. Face à une crise économique et sociale de grande ampleur, à un tsunami à venir en termes de destructions d’emplois, le Président de la République est apparu sans réponses nouvelles, acceptant la baisse des salaires, avec le chantage aux licenciements, si cela s’accompagne d’un « dialogue social ».

Présenté comme une priorité de la relance, l’emploi des jeunes reste confiné à des réponses bien en deçà des urgences et des besoins. La réforme des retraites est réintroduite à l’agenda avec un mensonge : non, les premiers de corvées qui sont apparus comme les véritables premiers de cordées n’en seraient pas les « grands gagnants ».

Enfin, défendre la transition écologique ne s’accompagne d’aucun chiffre, aucun financement, aucun objectif précis.

 

Comment changer sans changer de cap politique ? Sans un nouveau modèle de développement ? Sans une rupture avec des politiques économiques et sociales qui aggravent dangereusement les gâchis humains et écologiques ?

Le chemin proposé par le chef de l’Etat conduit aux mêmes voies sans issues pour le pays et pour notre société. Après le mouvement des Gilets jaunes auquel l’exécutif n’a pas répondu en terme de justice sociale et de démocratie, après la très forte secousse sur l’avenir des retraites, après une crise sanitaire qui a mis en lumière combien l’humain devait être la première des priorités, rien n’y fait...le GPS macronien reste bloqué.

Ce pouvoir ne connaît qu’une seule destination : celle d’un monde où, au final, sur l’essentiel, rien ne doit changer.

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14 juillet 2020 2 14 /07 /juillet /2020 10:10
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14 juillet 2020 2 14 /07 /juillet /2020 09:55

Pour l’historien Alain Ruscio, le massacre du 14 juillet 1953 qui provoqua la mort de 7 indépendantistes, place de la Nation, à Paris, relève du crime policier raciste. Retour sur une page d’histoire coloniale longtemps tenue dans l’oubli.

 

Qui étaient les manifestants du 14 juillet 1953 à Paris ?

Alain Ruscio. Depuis le Front populaire, à l’exception de la période d’occupation nazie, les syndicats, en l’occurrence la CGT, organisaient tous les 14 Juillet un grand défilé populaire qui était un peu l’équivalent du 1er Mai. Les Algériens patriotes organisés au sein du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) avaient pris l’habitude, depuis 1950-1951, de défiler en rangs compacts à l’intérieur du cortège, avec l’accord des organisateurs. Ils marchaient derrière le portrait de Messali Hadj [homme politique algérien, il réclamait l’indépendance dès 1927, ndrl], en arborant des banderoles indépendantistes. Très souvent, les policiers s’en prenaient aux manifestants, détruisaient leurs banderoles, mais jusque-là, il n’y avait eu que des incidents. En 1953, les choses ont vraiment très mal tourné : l’agression policière contre les manifestants a provoqué des échauffourées ; la police parisienne a tiré dans la foule, faisant des dizaines de blessés et tuant six Algériens et un Français : Abdelkader Draris, Mouhoub Illoul, Maurice Lurot, Amar Tadjadit, Larbi Daoui, Tahar Madgène et Abdallah Bacha. Ils ont été tués par balles : c’est donc un crime délibéré, un crime que l’on peut qualifier de raciste car c’est bien en tant qu’Algériens, en tant qu’indépendantistes, que ces manifestants ont été visés. Sur la place de la Nation, on a retrouvé plusieurs centaines de douilles : c’était véritablement une agression de masse, sous la responsabilité du ministre de l’Intérieur qui était un radical-socialiste, Léon Martinaud-Déplat.

 

Cet épisode répressif intervient dans un contexte de très grande violence contre le mouvement ouvrier. Un an plus tôt, la manifestation organisée par les communistes pour dénoncer la guerre de Corée et la venue à Paris, le 28 mai 1952, du général américain Matthew Ridgway, ont donné lieu à de sanglants affrontements…

Alain Ruscio. Bien sûr. C’était une période d’extrême tension, au cours de laquelle les policiers usaient vraiment de méthodes extrêmement violentes. Il y avait d’ailleurs déjà eu un mort par balles lors de cette manifestation du 28 mai 1952. Il se trouve que c’était également un Algérien, un habitant d’Aubervilliers : Hocine Belaïd. Il faut souligner que, le 14 juillet 1953, c’est en tant qu’Algériens, militants politiques, que ces manifestants ont été pris pour cible.

 

Pourquoi la mémoire de ces manifestants tués par la police est-elle si longtemps tombée dans l’oubli ?

Alain Ruscio. Contrairement à bien des idées reçues, il y a eu une très forte protestation de la CGT immédiatement après le massacre. Il y a eu un meeting au Cirque d’hiver qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes, avec le soutien des communistes, la présence de Colette Jeanson, de Témoignage chrétien et de l’équipe de Gilles Martinet à France Observateur. Ensuite, au 94, rue Jean-Pierre-Timbaud, la CGT a organisé un grand rassemblement d’hommage silencieux au moment où les cercueils des Algériens ont été réunis avant d’être envoyés vers leur terre natale. Un cortège d’ouvriers a accompagné leurs dépouilles.

Mais, effectivement, ces événements sont ensuite très vite tombés dans l’oubli. Je pense que la guerre d’Algérie est en cause : la tension, l’hostilité d’une grande partie de la population contre les Algériens ont crû pendant le conflit. Il n’y a pas eu, par la suite, de commémoration. L’année suivante, le ministre de l’Intérieur, qui s’appelait François Mitterrand, a de toute façon interdit la manifestation. Celle du 14 juillet 1953 fut la dernière. Un voile a été jeté sur ce massacre.

Le film et le livre éponymes de Daniel Kupferstein, les Balles du 14 juillet 1953, ont contribué de façon décisive à remettre en lumière cette page de l’histoire coloniale. Quel est le sens de la commémoration prévue ce 14 Juillet ?

Alain Ruscio. Daniel Kupferstein a entrepris un travail remarquable. Auparavant, l’historienne Anissa Bouayed était déjà revenue sur ces événements en 1980, dans sa thèse consacrée à la CGT dans la guerre d’Algérie, et je les ai moi-même évoqués en 2002, dans un ouvrage collectif consacré au 17 octobre 1961. Cette année, la commémoration de ce massacre est une occasion de se saisir de l’actualité. Le mouvement déclenché par l’assassinat de George Floyd aux États-Unis a des répercussions en France. Il y a une sorte de rage des historiens de sensibilité anticolonialiste lorsqu’ils constatent que la police française répète qu’elle a toujours été républicaine, qu’elle a toujours défendu les valeurs humanistes. Sans faire de procès à la police, il ne faut pas oublier qu’il se trouvait, parmi les policiers ayant tiré sur les Algériens le 14 juillet 1953, des éléments qui avaient participé, une décennie plus tôt, à la rafle du Vél’ d’Hiv’. Il y a cette volonté de répondre à la bonne conscience de tous ceux qui nous parlent d’une police non raciste, qui compterait seulement quelques brebis galeuses dans ses rangs. Toute la police n’est pas raciste, mais il est quand même bon de rappeler à la décence ceux qui oublient délibérément cette histoire.

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14 juillet 2020 2 14 /07 /juillet /2020 06:10

 

Bercy envisage de prolonger la CRDS jusqu’en 2042, afin de faire payer la crise sanitaire et ses conséquences aux travailleurs et aux familles, plutôt qu’en augmentant les impôts des riches.

Cacher cette dette que je ne saurais voir. Depuis quelques semaines, Bercy travaille à isoler une partie de la dette publique, ces 150 milliards d’euros liés aux mesures prises pendant et après la pandémie. Le but : faire baisser le taux d’endettement de la France pour qu’il ne dépasse pas les 100% de PIB et ne pas faire payer les plus fortunés. Puisqu’avec une dette qui devrait représenter 121 % du PIB à la fin de l’année, la France va connaître une situation qu’elle n’a plus connue depuis la seconde guerre mondiale, lorsque le taux d’endettement avait franchi le seuil des 250 %.

La piste évoquée par Bruno Le Maire est d’enfouir la dette dans une structure particulière, comme la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (Cades) qui a planquée celle de la sécurité sociale. Pour rembourser la dette sociale, la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale), avec son taux à 0,5%, était apparue sur les fiches de paie, mais aussi des pensions de retraite, des allocations chômage ou maladie, des revenus du capital, des loyers, mais aussi des aides au logement, des allocations familiales… la CRDS est partout. Et, le gouvernement pourrait décider d’une prolongation de ce prélèvement jusqu’en 2042. Une façon pour Emmanuel Macron de faire semblant de respecter sa promesse, à savoir « ne pas financer ces dépenses en augmentant les impôts ». Car, explique Bercy, « cela permettrait ne pas créer de nouvel impôt et de rembourser la dette à prélèvement constant ». Sans compter que cette « prolongation serait même indolore » pour les Français, dixit Bruno Le Maire.

Reste que la CRDS devait être supprimée en 2009, avant d’être prolongée en 2024, puis le mois dernier jusqu’en 2033. Ce nouveau report, n’en déplaise à Emmanuel Macron, revient bien à augmenter les impôts des travailleurs, de presque 8 milliards d’euros chaque année, et ce, pendant 18 mois, pour financer les cadeaux fiscaux aux entreprises, sans qu’aucune contrepartie ne soit exigée. Un mécanisme qui permet à la fois de rassurer le patronat sur la continuité des aides publiques pour la période qui s’ouvre, tout en planifiant un remboursement dont le coût reviendra intégralement aux travailleurs.

Une injustice que dénonce l’économiste David Cayla, d’autant que « ce prélèvement n’est absolument pas progressif ». Ce membre du club des « économistes atterrés » estime que le coût de la crise sera « bien plus élevée que ces 150 milliards d’euros. L’économie a été traumatisée à l’échelle mondiale, ce qui nécessitera des dépenses sociales, avec l’explosion du chômage et le chômage partiel, mais aussi d’autres mesures qu’il faudra financer ».

Pour David Cayla, cette annonce montre que l’exécutif « ne veut rien transformer, rien changer de sa politique. L’habillage comptable consiste à stériliser cet évènement exceptionnel pour faire comme si rien ne s’était passé ».

Mais aussi, il s’agit pour le gouvernement qui refuse d’augmenter l’impôt des plus riches, de respecter les critères de Maastricht. Pierre Moscovici, le nouveau père la rigueur de la cour des comptes n’a d’ailleurs pas tarder de réagir, voyant dans ce cantonnement de la dette « un signal positif ». « Le prolongement de la CRDS (...) tel qu’évoqué par le gouvernement, permettrait en effet de conserver une ressource pour rembourser la dette de crise et cela signifie bien que quelqu’un la rembourse » a expliqué le sage de la rue Cambronne. « Cette mesure, si elle voit le jour, doit s’inscrire dans une stratégie globale qui fixe la trajectoire de moyen terme de l’ensemble des finances publiques », a-t-il ajouté.

Clotilde Mathieu

 

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14 juillet 2020 2 14 /07 /juillet /2020 05:57

 

Alors que la crise économique de 2008 avait été suivie par un fort recours aux énergies fossiles, l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA) a dévoilé récemment un « plan de relance durable ». Focalisé sur le secteur de l’énergie, l’objectif de ce plan de long-terme consiste à la fois de permettre une remise sur pied des économies, de créer des emplois en nombre tout en opérant une transition structurelle qui permette de répondre aux enjeux climatiques.

Trois ans pour tout changer de fond en comble : c’est ce que suggère l’IEA dans son plan de relance durable focalisé sur le secteur de l’énergie dès l’année prochaine. Selon elle, l’enjeu est notoire car les décideurs politiques doivent agir dans un court laps de temps pour avoir des impacts durables sur l’économie et sur les infrastructures énergétiques. Ayant comme visée la stimulation des économies, la création de millions de nouveaux emplois à l’échelle mondiale, ce plan de l’IEA vise également la réduction durable des émissions de gaz à effet de serre afin de répondre entre autres aux objectifs des accords de Paris. Mettant l’accent sur six secteurs clés, à savoir l’électricité, les transports, l’industrie, le bâtiment, les carburants et l’innovation, l’IEA propose près de vingt mesures évaluées sous différents aspects.

En tout et pour tout, ce plan de relance nécessiterait de mobiliser seulement 1000 milliards de dollars, soit 0,7% du PIB mondial et pourrait permettre de gagner un peu plus d’un point de croissance par an. Alors qu’elle estime que près de 6 millions d’emplois sont menacés dans le secteur de l’énergie sur les 40 millions actuellement existants à cause de la pandémie, elle affirme que ce sont un peu plus de 9 millions d’emplois par an pendant trois ans qui pourraient être créés grâce aux mesures de son plan. L’objectif affiché ? Permettre une meilleure résilience face à des crises futures et viser une réduction de 4,5 millions de tonnes de dioxyde de carbone atmosphérique d’ici 2023.

Plus que tout, l’IEA insiste sur l’importance de la coopération internationale pour pouvoir mettre en cohérence les actions respectives de chaque pays et rétablir des chaines globales d’approvisionnement en énergie. Pour l’agence, trois orientations clés sont centrales : la focalisation sur la sécurité énergétique ; la révision voire la réaffirmation des engagements pour des transitions vers des énergies propres ; la création de filets de sécurité pour les entreprises et les consommateurs. Elle estime également que des leçons peuvent être véritablement tirées de la dernière crise économique qui a eu lieu en 2008-2009. D’une part, il faut déployer à grande échelle les politiques existantes pleines de succès pour permettre des retours sur le plan économique et en termes de création d’emplois. D’autre part, elle insiste sur l’importance de la recherche et développement, afin d’être prêts sur le plan technologique. Plus largement, elle considère que la formation tout comme la remise à niveau des travailleurs est cruciale pour qu’ils puissent développer des compétences nécessaires au déploiement de projets sur l’énergie.

Un plan ambitieux avec des mesures concrètes pour le long-terme

L’IEA fait un véritable plaidoyer pour des investissements durables car, d’après elle, cela permettra un soutien et des créations en termes d’emplois, tout en délivrant une énergie abordable et fiable. Plus largement, investir dès maintenant de manière pérenne dans l’énergie serait bénéfique pour le reste de l’économie avec de véritables effets indirects. Mieux encore, cela est incontournable selon l’agence pour garantir une réorientation structurelle de ce secteur, en vue de répondre à des objectifs de long-terme quant au défi climatique, l’accès à l’énergie et la durabilité. La pandémie a mis en exergue la nécessité urgente de soutenir et de créer de l’emploi dans un contexte où l’environnement monétaire fluctue et où les marchés des énergies fossiles sont volatiles. Également, cette même pandémie a développé selon l’IEA une conscience accrue des bienfaits d’une énergie propre et sûre, ainsi que la possibilité de changer durablement les usages et comportements.

Au-delà des enjeux qu’elle brosse, l’agence avance des mesures  concrètes. Pour ce qui est de l’électricité, on retrouve l’extension et la modernisation des réseaux énergétiques, afin de basculer vers des infrastructures numériques, des réseaux intelligents ; le développement massif des énergies renouvelables que sont l’éolien et le solaire photovoltaïque ; le maintien des énergies hydrauliques et nucléaires dans le mix énergétique en raison de leurs faibles émissions de gaz à effet de serre ; de réels investissements en R&D pour réduire drastiquement les émissions et pollutions des énergies fossiles comme le charbon et le gaz. Quant aux transports, l’IEA met l’accent sur l’encouragement à l’achat de nouveaux véhicules plus efficaces et sobres ; la promotion des trains à grande vitesse au détriment de l’avion et des véhicules individuels pour assurer un meilleur maillage territorial et une réelle décentralisation ; l’amélioration des infrastructures urbaines afin de réduire la pollution et la congestion, au travers d’une meilleure disponibilité des bornes de rechargement pour les véhicules électriques individuels, du développement des bus électriques et de l’extension de l’espace urbain accordé aux piétons et aux cyclistes.

Ensuite, pour ce qui a trait au bâtiment, filière qui emploie 10% des travailleurs à l’échelle mondiale, la meilleure efficience énergétique des logements sociaux et administratifs, et dans la foulée dans l’industrie, doit être selon l’agence un premier cheval de bataille pour réduire véritablement les factures énergétiques, battre en brèche la précarité énergétique, améliorer la santé et le confort et renforcer la résilience notamment face aux événements climatiques. Toujours sur ce secteur, le déploiement des appareils ménagers connectés doit être plus que jamais mis en avant, pour réduire la consommation énergétique et les coûts d’opération du système électrique, et ce de manière conjointe avec le recyclage efficace d’appareils ménagers comme les réfrigérateurs qui contiennent de puissants gaz à effet de serre. Si on s’intéresse ensuite à l’industrie, il s’agit ici selon l’IEA d’améliorer l’efficience énergétique et l’électrification à l’échelle mondiale et sur cet aspect, les gouvernements peuvent engager une série de mesures fiscales incitatives. Il y a également nécessité à renforcer le recyclage des déchets et de matériaux tels que les plastiques, et repenser en amont le design des produits manufacturés pour limiter les déchets plus efficacement.

Enfin, en ce qui concerne les carburants, l’agence de l’énergie considère qu’il faut améliorer les procédés existants pour réduire les émissions de méthane, puissant gaz à effet de serre, provenant du pétrole et du gaz, et de permettre la reconversion des travailleurs qualifiés de secteur, menacés de licenciements, dans la réduction de telles émissions. Une réforme drastique des subventions aux énergies fossiles est également nécessaire selon l’IEA, ainsi que le soutien et l’extension des biocarburants, secteur à fort potentiel d’emploi de travailleurs peu comme très qualifiés. Pour conclure, l’agence met l’accent sur l’innovation : sans cette dernière, « la transition vers des systèmes énergétiques modernes, propres et résilients seraient mis en jeu » et « les gouvernements ont un rôle majeur à jouer en soutenant l’innovation, notamment dans des domaines que le secteur privé perçoit comme trop risqués ». C’est ainsi que l’IEA insiste sur la nécessité de développer activement les recherches sur les technologies basées sur l’hydrogène, sur les batteries, sur les petits réacteurs nucléaires modulaires et sur la capture, l’utilisation et le stockage du dioxyde de carbone.

Quelles conclusions peut-on tirer de ce plan de relance durable ?

De manière centrale, en promouvant une modernisation importante du secteur de l’énergie pour répondre aux défis économiques, sociaux et écologiques du moment, cette dernière nous montre de manière sous-jacente l’importance de la formation des travailleurs au sens large. En effet, il s’agit d’être en mesure de développer des technologies nouvelles et efficaces et d’être en mesure de les maitriser et de les comprendre, en premier lieu pour les travailleurs impliqués mais aussi pour les utilisateurs et utilisatrices de ces technologies. De tels changements, une telle valorisation de l’innovation nécessite de développer véritablement l’enseignement supérieur pour former des travailleurs qualifiés qui maitrisent une large palette de compétences clés. De fait, cela suppose de rompre avec des décennies de libéralisation de l’enseignement supérieur marquées par le sous-financement chronique, le morcellement des formations et la non-reconnaissance du travail des étudiants.

Plus que jamais, il est nécessaire de financer massivement les universités et laboratoires publics pour stimuler l’émulation et la création, de créer un salaire étudiant dans le cadre d’une sécurité emploi-formation pour reconnaitre le travail intellectuel des étudiants et sécuriser les parcours de formation des salariés. Il s’agit aussi de conditionner réellement les aides publiques au secteur privé dans le domaine de la recherche et du développement, pour garantir la création d’emplois stables et stables et surtout la formation d’un nouveau tissu industriel en France et en Europe. Alors que l’étude économique de l’IEA a été faite conjointement avec le Fonds Monétaire International et accorde un rôle prépondérant au secteur privé et aux marchés dans son plan de relance, c’est bien le renversement des logiques de compétition auquel il faut résolument œuvrer.

La remise en cause des logiques de libéralisation et de mise en concurrence des travailleurs et des territoires depuis des décennies aux échelles européenne et mondiale est cruciale. Sans cela, il est clairement impossible de permettre par exemple un développement véritable d’un pôle efficace de l’énergie, d’un réseau ferroviaire maillant tout le territoire, d’une éducation, d’un enseignement supérieur et d’une recherche libérés des logiques de rendement immédiat qui se font au détriment des objectifs de long-terme que vise le Plan de relance durable de l’Agence Internationale de l’Énergie. Pour répondre aux enjeux clé de notre époque, pour permettre une relance industrielle et écologique, c’est bien du côté du secteur public que les solutions sont à trouver.

 

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13 juillet 2020 1 13 /07 /juillet /2020 06:29
Le Graffiti Tour à Morlaix inauguré ce samedi 11 juillet 2020
Le Graffiti Tour à Morlaix inauguré ce samedi 11 juillet 2020
Le Graffiti Tour à Morlaix inauguré ce samedi 11 juillet 2020

[#graffititour2020] - Le parcours de la seconde édition du Graffiti Tour a été inauguré par Jean-Paul Vermot, maire de Morlaix, cet après-midi. Véritables œuvres d'art, les graffs, réalisés par des artistes de renommée internationales, attirent des curieux au-delà même des frontières de la Bretagne.

Un livret de présentation splendide est mis à disposition par la ville de Morlaix pour aller à la découverte des œuvres d'Aero, Akhine, Anna Conda, Kaldea, Le Cyclop, Marko 93, Leon Kerr, Nikita et Sweo, Rast, Sock, Jean Rooble, Mister Copy, et enfin Anje et Zag, les organisateurs de l'évènement avec la ville de Morlaix.

La beauté de Morlaix est sublimée comme jamais avec ces artistes qui ont su saisir et magnifier la poésie manifeste de notre ville, mais surtout ouvrir le regard à l'horizon du rêve, de l'imaginaire et du voyage.

Rarement l'art urbain n'aura été autant mis en valeur et au service d'une ville et de ses habitants dans notre région.

Photos Ville de Morlaix - Morlaix 29 Graffiti Tour

Le Graffiti Tour à Morlaix inauguré ce samedi 11 juillet 2020
Le Graffiti Tour à Morlaix inauguré ce samedi 11 juillet 2020
Le Graffiti Tour à Morlaix inauguré ce samedi 11 juillet 2020
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13 juillet 2020 1 13 /07 /juillet /2020 06:19
Avec son exposition, « Sur la route des yeux du monde », accrochée dans la cour intérieure de la maison Penanault, Pierre Chanteau invite le public à un jeu de piste dans la baie de Morlaix.

Avec son exposition, « Sur la route des yeux du monde », accrochée dans la cour intérieure de la maison Penanault, Pierre Chanteau invite le public à un jeu de piste dans la baie de Morlaix.

"L’autre exposition, intitulée « Sur la route des yeux du monde », accrochée le 10 juillet dans la cour intérieure, invite à un jeu de piste dans la baie de Morlaix. On y part à la recherche des 113 yeux de céramique posés par Pierre Chanteau, dont treize dans la baie, tout premier site d’expérimentation de l’artiste. Jusqu’au 31 octobre, les clichés de quatre photographes, Jean-Marc Nayet, Philippe Grincourt, Georges Grosz et Quentin Fagart proposent ainsi un autre point de vue sur cette démarche"

 

Carantec. La dédicace de Pierre Chanteau a attiré de nombreux amateurs (Le Télégramme, 24 mai 2020)

 

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13 juillet 2020 1 13 /07 /juillet /2020 06:16
Hommages à Max Jacob, poète né le 12 juillet 1876 à Quimper, décédé à Drancy en déportation le 6 mars 1944
Modigliani, Picasso et Max Jacob

Modigliani, Picasso et Max Jacob

Le poète, Max Jacob, est né le 12 juillet 1876 à Quimper. « Un poète cocasse comme le rêve » dira de lui, Jean Cocteau.
Arrêté en février 1944 par la Gestapo d’Orléans, il est déporté au camp de Drancy sous le n° 15872. Il y décède dans la nuit du 5 au 6 mars 1944. Le 17 novembre 1960, Max Jacob est reconnu officiellement « poète mort pour la France ». Pierre Seghers, dans son témoignage militant La Résistance et ses poètes, le consacre comme père de tous les « poètes casqués » de la Seconde Guerre mondiale et des générations futures.
Il écrit ce poème adressé au curé de Saint-Benoît pendant son transfert vers Drancy:
 
"Amour du prochain
Qui a vu le crapaud traverser une rue ?
C’est un tout petit homme : une poupée n’est pas plus minuscule.
Il se traîne sur les genoux : il a honte, on dirait… ? Non !
Il est rhumatisant. Une jambe reste en arrière, il la ramène !
Où va-t-il ainsi ? Il sort de l’égout, pauvre clown.
Personne n’a remarqué ce crapaud dans la rue.
Jadis personne ne me remarquait dans la rue.
Maintenant les enfants se moquent de mon étoile jaune.
Heureux crapaud ! Tu n’as pas l’étoile jaune"
Portrait de Max Jacob par Modigliani

Portrait de Max Jacob par Modigliani

Mardi, 16 Novembre, 2004 - L'Humanité
L'étoile jaune d'un poète

Quimper,

envoyé spécial

«Le paradis est une ligne de craie sur le tableau noir de ta vie, vas-tu l'effacer avec les diables de ce temps ?»

Max Jacob s'interroge en ces années 1943-1944, dans ce qui seront ses Derniers Poèmes. L'homme est retiré depuis 1936 à Saint-Benoît-sur-Loire, qu'il avait découvert dans les années vingt. Le zèle vichyste à devancer les mesures antisémites nazies rattrape le natif de Quimper. Et la police de l'État français veille depuis juin 1942. « Deux gendarmes sont venus enquêter sur mon sujet, ou plutôt au sujet de mon étoile jaune. Plusieurs personnes ont eu la charité de me prévenir de cette arrivée soldatesque et j'ai revêtu les insignes nécessaires », écrit-il dans une lettre.

La solidarité des religieux et de la population n'assure au poète qu'un calme précaire. Alors que la guerre est à son tournant, la menace sourde traverse des textes partagés entre son ironie mordante et un désespoir fondé.

Dans une forme sèche à la Félix Fénéon, il compose sur l'époque Folklore 1943 : « Ali Baba ou les quarante mille voleurs ». Ainsi du poème intitulé Amour du prochain, dédié à son ami Jean Rousselot : « Qui a vu le crapaud traverser une rue ? C'est un tout petit homme, une poupée n'est pas plus minuscule. Il se traîne sur les genoux : il a honte, on dirait... ? Non ! Il est rhumatisant. Une jambe reste en arrière, il la ramène ! Où va-t-il ainsi ? Il sort de l'égout, pauvre clown. Personne n'a remarqué ce crapaud dans la rue. Jadis personne ne me remarquait dans la rue, maintenant les enfants se moquent de mon étoile jaune. Heureux crapaud, tu n'as pas l'étoile jaune. »

Son frère Gaston et sa sœur Mirté ont été déportés de Bretagne à Auschwitz, où ils meurent en 1943.

Le 20 février 1944, il dit « Au revoir les enfants » à ses amis venus le visiter. Quatre jours plus tard, il sert la messe du matin. À peine sorti de la basilique, la Gestapo l'arrête au seuil de la maison où il est hébergé. Trois jours à la prison d'Orléans, avant d'être transféré à Drancy. Un gendarme postera une lettre à la gare d: « Cher Jean (Cocteau - NDLR), je t'écris dans un wagon par la complaisance des gendarmes qui nous encadrent. Nous serons à Drancy tout à l'heure. C'est tout ce que j'ai à dire. Sacha (Guitry - NDLR), quand on lui a parlé de ma soeur, a dit : " Si c'était lui, je pourrais quelque chose !" Eh bien, c'est moi. Je t'embrasse. Max. » Ses amis vont, cette fois, tout tenter. Le 6 mars, la Gestapo signe l'ordre de libération. Max Jacob est mort la veille, d'une maladie respiratoire. Il avait soixante-sept ans.

En cette année marquant le soixantième anniversaire tragique de sa mort, les musées des Beaux-Arts de Quimper et d'Orléans se sont associés pour présenter un hommage original ressuscitant la figure du poète. Ayant beaucoup oeuvré à la connaissance de son travail, ils ont choisi, sous la direction respective d'André Cariou et d'Isabelle Klinka-Ballesteros, de le faire vivre au travers des portraits qu'en firent ses amis artistes, rencontrés tout au long de sa vie, dans sa Bretagne natale, qui enflamma ses sentiments religieux et dont les légendes nourrirent son inspiration, puis à Paris, avec le groupe des surréalistes, dont Picasso, ou, plus tard, avec Cocteau et Jouhandeau. On sait, en peinture, que le genre « portrait » a toujours à voir avec « l'autoportrait » du peintre lui-même.

« un homme très chrétien »

Et en ce sens, l'exposition, par ces dizaines d’œuvres, évoque tout autant la présence fantomatique du poète assassiné qu'elle brosse la contribution de sa figure à une histoire de la peinture moderne. Les documents photographiques, quant à eux, illustrent au mieux le style de l'homme, qu'un Maurice Sachs - intellectuel juif plus tard fourvoyé dans la collaboration, avant de mourir, tué à Hambourg en 1945 - résume au mieux dans un des cartouches qui rythment l'ensemble en autant de témoignages écrits.

Max Jacob, dit-il, « était un homme très chrétien qui blasphémait à ses heures, un esprit très libre qui pouvait tomber dans toutes les formes de superstition, un anticlérical qui était parfois très cagot (faux dévot - NDLR), un anarchiste qui aimait beaucoup les honneurs officiels, un homme rude assez paysan de mœurs, se lavant peu, mais fou de parfum, qui ne craignait ni de se raser à l'eau froide ni la grave lame, mais à qui il arrivait de porter trois ou quatre pierres semi-précieuses dans ses poches. » Orgueil de pauvre, bien breton pour ce descendant de juifs lorrains, au plus fort de sa misère du Bateau-lavoir, que de manifester par le dandysme la puissance de l'esprit. « Les portraits de peintre ne sont jamais ressemblants, écrit Max Jacob à Man Ray le 22 septembre 1922, tandis qu'ici je suis moi-même ! Pas très beau ! Pas trop laid ! Pas rajeuni. Plus très jeune ! Avec un gros nez maternel et une bouche de femme pas mal démoniaque. Je suis ravi de vous et du portrait. » L'ensemble donne envie de se replonger dans l’œuvre, c'est là l'essentiel.

Une pièce, à l'initiative de la bibliothèque municipale de Quimper figurait dans cette exposition. Une création vidéo a été réalisée par le plasticien Pol Le Meur. Elle donne à voir le parcours en trois stations qu'a réalisé l'artiste sur les lieux qu'a habités Max Jacob, Quimper, Paris, Saint-Benoît. Mêlant scènes de rue d'aujourd'hui, fondus des recueils du poète, le film donne à entendre l'essentiel de l'activité du poète reclus, épistolaire en ces années de persécution. Une poésie rare émane de cette contribution dont on ne peut que souhaiter qu'elle puisse être reprise ailleurs.

« La plus vivace intelligence »

On verra aussi la très belle sculpture en bronze sensuel d'Henri Laurens, l'Archange foudroyé, restée depuis 1946 à l'état de projet de la sculpture destinée à saluer la mémoire de Max Jacob dans le jardin de la cathédrale de Quimper... Paul Eluard dira en mars 1944 : « Après Saint-Pol-Roux, Max Jacob vient d'être assassiné par les nazis. Comme Saint-Pol-Roux, Max Jacob a eu contre lui son innocence : la candeur, la légèreté, la grâce du cœur et de l'esprit, la confiance et la foi. La plus vivace intelligence, la véritable honnêteté intellectuelle. Il était, avec Saint-Pol-Roux, un de nos plus grands poètes [...]. On a pu dire de lui qu'il fut non seulement poète et peintre, mais précurseur et prophète : son œuvre, si diverse, où l'ironie laisse toujours transparaître la plus chaude tendresse et la sensibilité la plus fine, marque une véritable date dans la poésie française. Depuis Aloysius Bertrand, Baudelaire et Rimbaud, nul plus que lui n'avait ouvert à la prose française toutes les portes de la poésie. Entre les poèmes en prose du Cornet à dés et les poèmes en vers du Laboratoire central, entre les Œuvres mystiques et Burlesques du frère Matorel et le Terrain Bouchaballe, la poésie occupe le domaine entier de la vie parlée, dans la réalité, et en rêve. »

Michel Guilloux

Exposition « Max Jacob, portraits d'artistes ».

Samedi, 28 Janvier, 1995 - L'Humanité
Parce que c'étaient eux

RENCONTRE entre un pinceau et un stylo. La scène initiale se passe en 1901 dans la galerie d'Ambroise Vollard. Picasso, jeune peintre de dix-huit ans, expose. Max Jacob, critique d'art, s'enflamme. Début d'une amitié de quarante-trois ans. Le premier révèle au second sa vocation: «Il m'a dit que j'étais poète: c'est la révélation la plus importante de ma vie, après l'existence de Dieu.»

En 1944, Max Jacob mourait, interné par les nazis au camp de Drancy. Dix ans plus tard, Picasso s'interroge: «Que serait-il devenu si Apollinaire et lui avaient continué à vivre?». Faire traverser aux morts les années qu'ils n'ont pas vécues. C'est un peu le propos de l'exposition qui se tient au musée Picasso de Paris jusqu'au 6 février. Créée au musée de Quimper cet été, cette rétrospective singulière émeut à plus d'un titre. L'homme de lettres a l'amitié jalouse. Le plasticien la place sur un piédestal. Le succès et la fortune de ce dernier et la pauvreté de l'autre fragiliseront bientôt leur relation. En attendant, Max Jacob, poète et Juif breton, se fait baptiser, en 1915, dans sa petite chambre de la rue Ravignan. Picasso est son parrain et lui offre une petite édition de «l'Imitation de Jésus-Christ» - que l'on peut voir actuellement à l'hôtel Salé. Bouleversante, la dédicace: «A mon frère Cyprien Max Jacob, souvenir de son baptême, jeudi 18 février 1915. Signé: Pablo.» Il en résulte, pour le poète, une foi à déplacer les montagnes. Un an plus tard, Picasso expose à Lyre et Palette. On y lit des poèmes de Max Jacob et l'on y vend son portrait reproduit et accompagné d'un court poème du «Cornet à dés». 12 juillet 1917, le peintre épouse Olga. Max Jacob est son témoin.

Échanges épistolaires. Voyages ensemble et séparés. Les lettres que reçoit le poète sont ornées de dessins où l'Espagnol commente l'avancement de ses travaux. L'écrivain en vendra certaines pour ne pas mourir de faim. Nombreux rendez-vous poétiques illustrés. «Le Phanérogame» en 1918, et «la Défense de Tartuffe» en 1919. En retour, Pablo a intégré son ami dans son univers. Dès 1905, il apparaît déguisé en petit marin dans les dessins préparatoires aux «Demoiselles d'Avignon». 1937: ultime étincelle. Picasso rend visite à Max Jacob qui fait le guide à la basilique de Saint-Benoît en Bretagne. 21 mars 1944. Picasso assiste à la messe célébrée à la mémoire du poète, mort d'une pneumonie au camp de Drancy au début du mois.

L'exposition dit avec assez de clarté comment chacun s'est enrichi de l'autre. Le plasticien athée du poète mystique, et l'écrivain secret du géant prolifique. Sous les vitrines, des textes qui brûlent les doigts. On meurt d'envie de tourner la page des manuscrits exposés. La rencontre entre Max Jacob et Picasso n'a rien d'une production à quatre mains. On se prend à songer, en sortant de la visite, à cette phrase de Montaigne à propos de son ami La Boétie: «Parce que c'était lui, parce que c'était moi.»

Max Jacob et Picasso, musée Picasso, hôtel Salé (5, rue Thorigny, Paris 3e. Téléphone: 42.71.25.21). Jusqu'au 6 février. Catalogue: 380 pages, 390 francs.

ARNAUD SPIRE.

Mardi, 29 Mars, 2005 - L'Humanité
Max Jacob, poète et peintre

"Max Jacob n'avait qu'une seule école: la sienne. Elle resta figurative et n'eut qu'en de rares circonstances des velléités modernistes".

 

Max Jacob,

de Béatrice Mousli, Éditions Flammarion, 2005. 514 pages, 25 euros.

De tous les écrivains qui se sont adonnés à la peinture et au dessin (et dieu sait s'ils sont nombreux, de Michaux à Cocteau, de Montherlant à D. H. Lawrence, de Wyndham Lewis à William S. Burroughs...), Max Jacob ne compte pas parmi les amateurs. Parallèlement à son œuvre poétique, il a poursuivi un travail plastique qui, s'il n'atteint pas des sommets vertigineux, n'en est pas moins respectable. Sans doute parce que l'auteur du Cornet à dès s'est toujours montré assez modeste (dans un texte autobiographique, ne s'exclame-t-il pas : « Dans l'histoire de la peinture il n'y a pas de génie, hélas ! » ?). Ami intime de Picasso (qui fut son parrain quand il se convertit au catholicisme), il ne l'a jamais suivi, même de loin, dans le champ miné du cubisme. Ami intime de Modigliani, il s'est contenté de lui adresser un merveilleux poème (« Pour lui prouver que je suis poète »). Max Jacob n'avait qu'une seule école : la sienne. Elle resta figurative et n'eut qu'en de rares circonstances des velléités modernistes. Cela n'en fait pas nécessairement un mauvais artiste. Dans la bonne biographie qu'elle vient de lui consacrer, Béatrice Mousli ne semble pas prendre en considération les fruits de son art. Elle se contente de signaler ses expositions et les réactions qu'elles suscitent. Mais rien sur le créateur, comme si l'homme et le peintre avaient été dissociés sur la table de dissection du légiste (en l'occurrence, le biographe). C'est dommage, car l'entreprise est honnête et même utile. Mais il y a des légèretés : par exemple, elle rappelle les circonstances de l'arrestation de Max Jacob, son internement à Drancy, mais elle oublie de dire à quel point Picasso, Cocteau et Sacha Guitry se sont démenés pour obtenir l'élargissement du malheureux poète, qui est mort le jour où arriva l'ordre de sa libération, le 5 mars 1944. Par contre elle cite l'article nécrologique paru dans Je suis partout - « Max Jacob est mort. Juif par sa race, breton par sa naissance, romain par sa religion, sodomite par ses mœurs, le personnage réalisait la plus caractéristique figure de Parisien qu'on pût imaginer, de ce Paris de la pourriture et de la décadence dont le plus affiché de ses disciples, Jean Coteau, demeure l'échantillon également symbolique. » Heureusement, en avril, les Lettres françaises évoquent ce décès en d'autres termes : « Après Saint-Pol Roux, Max Jacob vient d'être assassiné par les Allemands. Comme Saint-Pol Roux, Max Jacob a eu contre lui son innocence. Innocence : la candeur, la légèreté, la grâce du coeur et de l'esprit, la confiance et la foi. La plus vivace intelligence, la véritable honnêteté intellectuelle. » Depuis lors, le poète est resté vivant dans nos mémoires. Mais le peintre, pas assez.

Gérard-Georges Lemaire

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13 juillet 2020 1 13 /07 /juillet /2020 06:07

 

Depuis le 18 juin, une commission d’enquête enchaîne les auditions de responsables politiques, de directeurs d’agence et de scientifiques pour déterminer l’impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie du coronavirus.

Pierre Dharréville, qui en est membre, en détaille les enjeux et en dresse un premier bilan pour « l’Humanité Dimanche ».

 

Qu’attendez-vous de cette commission d’enquête parlementaire sur le Covid-19, qui va se poursuivre tout l’été ?

Nous devons tirer toutes les leçons de la crise et des dysfonctionnements de sa gestion, en établir les causes afin de mettre les autorités devant leurs responsabilités. Les politiques libérales mises en œuvre ces dernières décennies ont conduit à placer notre système sanitaire dans un profond dénuement. Les auditions des anciens ministres de la Santé et de leurs décisions – coupes budgétaires, réduction du personnel, suppression du nombre de lits d’hospitalisation – l’ont démontré.

Après l’expérience de la commission d’enquête parlementaire sur « l’affaire Benalla », il serait catastrophique de ne pas parvenir à effectuer un travail sérieux, à la hauteur des attentes. Cette commission, où LaREM est majoritaire, devra aller au bout et rendre un rapport sans entraves. Pour autant, nous ne sommes pas la justice, même si des éléments peuvent lui être transmis en cas de constat de graves manquements.

 

Quel bilan tirez-vous des premières semaines d’auditions, pendant lesquelles vous avez entendu le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, des membres du conseil scientifique, des anciens ministres, des scientifiques ?

On a pu mieux comprendre le déroulement des événements, notamment en matière de stocks stratégiques, qui ont manqué au moment de la crise. C’est le cas pour les masques, avec des changements de doctrine en 2011 et 2013 qui n’ont pas toujours été suivis, la destruction de masques périmés en 2018 et leur non-renouvellement. Ce point a créé du trouble, l’investigation est donc importante. L’ancienne ministre Agnès Buzyn (auditionnée le 30 juin – NDLR) a déclaré qu’elle n’était pas au courant de ces faits. Si ces informations ne lui ont pas été remontées, c’est un problème. Comment se fait-il qu’après la destruction de 600 millions de masques, il n’en soit commandé que deux fois 50 millions ? Les instructions sont données par le ministère, donc une responsabilité politique est engagée, quoi qu’il arrive.

Nous avons pu voir les conséquences de l’intégration des différentes agences sanitaires au sein de Santé publique France, en 2016, dans un contexte de compression des dépenses et des effectifs réduits de 20 % en moins de dix ans. Avec des moyens diminués, des missions ont dû être abandonnées.​

 

Quels sont les autres thèmes que vous espérez aborder ?

Nous avons très peu parlé pour l’instant des pénuries de médicaments, il va falloir y venir. Nous devons aussi nous intéresser aux questions des conflits d’intérêts dont plusieurs scientifiques nous ont parlé. Le capitalisme s’est insinué profondément dans le domaine de la santé et ce n’est pas sans poser problème. C’est aussi pour cela que la santé doit relever de politiques publiques fortes. Notre groupe parlementaire tient d’ailleurs toujours à disposition une proposition de loi pour créer un service public du médicament.

Le pilotage de la gestion de la crise doit également être interrogé. On nous vante le conseil scientifique, dont les membres ont été choisis par le président de la République lui-même. Une sorte de conseil du prince qui prend le pas sur les institutions, sans stratégie véritablement lisible. Le fait d’avoir renvoyé les décisions politiques à un avis scientifique ou technique doit être questionné. Cet avis est nécessaire mais ne doit pas prendre le pas sur la démocratie. Or, celle-ci a été mise sous cloche.

Entretien réalisé par Florent Le Du

 

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