En Grèce : Syrisa sauve l'honneur de l'Europe courbée sous les plans d'austérité, l'alternative entre néo-libéralisme et nationalisme populiste de droite, avec 27,8 % (contre 22,8 % à la droite/ 9,3 % aux néo-nazis d'Aube Dorée, 8 % au PASOK). En Irlande, le Sinn Fein (Gauche Unitaire Européenne) fait 17 %. Au Portugal, l'Alliance Communistes-Verts de la CDU réalise entre 11,4 et 15 %. En Espagne Izquierda Unida réalise un assez bon 10 %.
Il n'y a pas que des motifs de déprime dans ces résultats des Européennes. Mais il y en a, à n'en pas douter.
Car le Front de Gauche stagne et recule même par rapport aux Présidentielles de 2012. Nous ne profitons pas du discrédit du PS. Nous sommes même à certains égards emportés dans une déroute qui est celle de toute la gauche, et plus largement de toute la classe politique si on additionne le poids des abstentionnistes et celui du FN, le recul du PS et de l'UMP, les deux grands responsables de cette situation par leur politique de régression sociale, leur refus de prendre en considération la souveraineté populaire et les problèmes sociaux du pays, leur asservissement au monde de la Finance.
4 députés européens du Front de Gauche en tout : Patrick Le Hyaric (Ile de France), Marie-Christine Vergiat (Sud-Est), Jean-Luc Mélenchon (Sud-Ouest), Younous Omarjee à l'Outre Mer. C'est moins que ce que nous esperions: cela traduit des résultats globaux décévants.
Sur les 74 sièges dévolus à la France au Parlement de Strasbourg, le FN en obtient en effet 24 (contre 3 en 2009), l'UMP 20 (contre 29), le PS 13 (contre 14), l'UDI-MoDem 7, EELV 6, le Front de gauche 4 et les divers gauches un seul.
Le score de Myriam Martin dans le Grand Ouest est à peine plus important que celui de Jacques Généreux en 2009: 5,2%(6e position). Pourtant, notre candidate et ses colistiers ne sont pas en cause, qui se sont démenés sans compter et avec talent dans une campagne éclair où ils n'ont pas été servis par les médias.
3 à 4% de place médiatique pour le Front de Gauche, avec un traitement l'ultra partial où nous sommes qualifiés d'europhobes ou d'eurosceptiques car nous nous opposons à l'Europe libérale et capitaliste, c'est peu pour pouvoir être entendus et construire une dynamique.
Bien des choses peuvent expliquer notre stagnation.
Un manque de confiance en notre capacité d'améliorer les choses pour sortir notre pays des contraintes économiques liées à la mondialisation et une domination grandissante de la Finance. Un affaiblissement de la conscience de classe, de la conscience politique tout court, liés à des décennies d'échecs, de reculs, à la crise qui enfonce les gens dans leurs problèmes, leurs inquiétudes et la recherche de boucs-émissaires plus qu'elle ne libère des capacités de mobilisation collective. Une division du travail qui morcelle et atomise les travailleurs, un capitalisme consumériste qui les aliène, en plaçant le crédit et le désir de posséder au centre du jeu. L'impression qu'il y a plus à perdre qu'à gagner, qu'on peut se contenter du moindre mal sans viser un meilleur chimérique. La multiplication des listes, avec la concurrence sur le même terreau électoral du refus du libéralisme version PS et Hollande de Nouvelle Donne, d'EELV, de Troadec en Bretagne. Tous ces facteurs expliquent notre manque de progression. Mais aussi sans doute l'image brouillée par des polémiques inutiles et des propos parfois malencontreux sur le fond et la forme de Mélenchon, identifié au Front de Gauche grâce à la magnifique campagne qu'il a conduite avec beaucoup de talent en 2012, qui le rendent moins populaire maintenant, une communication et des mots d'ordre qui pourraient gagner à faire l'objet d'un examen critique, une capacité de militantisme actif qui pèche aussi dans certains secteurs.
Surtout, il semble qu'à ces élections rendues peu visibles par la rapidité de la campagne, la volonté d'omerta des deux principaux partis et des médias, et le scrutin de circonscription , les jeunes et les classes populaires qui pourraient vouloir de la transformation sociale que nous proposons et y avoir intérêt, votent moins qu'aux présidentielles. Nous payons les divisions et certaines incohérences ou divergences d'appréciation affichées lors des municipales, le score finalement décevant des présidentielles, puis des législatives dans la foulée, qui ne nous positionne pas comme une force capable dans le rapport de force politique de compter vraiment à court terme pour changer les choses et bousculer le système. Notre discours critique vis à vis de l'Europe actuelle est plus élaboré et moins simple à cerner et comprendre que celui du FN. Nos idées sont peut-être encore trop à gauche pour une population qui s'est déshabituée progressivement, sous l'influence des actes et discours politiques comme des médias, à penser et vouloir à gauche. Le chantier pour continuer à bâtir une force politique pouvant construire sur ses options vraiment de gauche une majorité de transformation sociale est immense, mais nous ne partons pas de rien. Nous avons des acquis, des ressources, et surtout la certitude que notre combat dans l'unité de la gauche de lutte et de progrès est indispensable quoiqu'actuellement insuffisant pour protéger notre peuple de l'ultra-libéralisme inégalitaire et de l'extrême-droite.
Le score du FN s'explique lui par l'approfondissement de la crise, la politique inefficace et de droite de Hollande et de son gouvernement, l'habileté tactique de Marine Le Pen opérant un parcours presque sans faute sur le plan de la communication depuis des années, la droitisation non négligeable d'une partie de l'électorat, et notamment de l'ancien électorat UMP, qui se tourne maintenant sans problème vers le FN, la droite ayant contribué à détruire les digues républicaines en reprenant à son compte les propositions et le programme du FN de 2007 à 2012, et dans plusieurs collectivités locales. Le fait que les classes populaires sont déboussolées par les politiques menées, sensibles par une inquiétude sur l'avenir, des difficultés de vie au présent, aux attitudes de ressentiment, aux intentions apocalyptiques. Le sentiment qu'on a déjà essayé la droite, puis la gauche, et qu'à chaque fois on a été amèrement déçu: une colère qui met dans le même camp tous les « politiques » hormis ceux qui se réclament d'une Altérité à ces institutions et à cette démocratie.
Tout cela a été dit des centaines de fois.
Mais cette victoire du FN est avant tout la défaite des autres partis: UMP, PS, et Front de Gauche pourquoi pas, qui s'affirme notamment dans la défiance, le pessimisme ou l'indifférence que marque l'abstention. Car le FN, premier Parti de France à l'occasion de ces élections, ne réunit en réalité les voix que de 10% des inscrits, 5 millions d'électeurs contre 6 millions en 2002.
Son score est néanmoins extrêmement préoccupant, car il va pouvoir capitaliser sur l'effet de levier de ces 25% qui font de lui le Parti capable de bousculer l'ordre établi ou le système et d'engranger sur la colère ou le désarroi des gens comme aurait pu le faire un parti de gauche vraiment de gauche mis en orbite par un horizon d'espoir.
Il va continuer à être légitimé, élevé au pinacle par les médias qui l'ont beaucoup servi ces dernières années, selon la bonne veille formule des élites bourgeoises qui les détiennent: mieux vaut Hitler que le Front Populaire, surtout si ça nourrit le « vote utile » pour le cercle des partis vraiment sérieux, c'est à dire libéraux, atlantistes, pro-Europe. Il n'y avait qu'à voir la manière dont nous étions disqualifiés comme populistes exactement au même titre que le FN (FRONT de GAUCHE ou SYRISA = nationalistes ou fascistes = dangereux démagogues, marchands de rêve...) entre dans les commentaires des journalistes se matin.
Voici les forces politiques ayant des députés européens élus dans le Grand ouest : 2 FN, 2 UMP, 2 PS, 1 UDI, 1 EELV
Les scores du Front de Gauche dans les départements bretons:
Côtes d'Armor : 6,25 %
Finistère : Front de Gauche en 7e position avec 5,22 % (UMP 17 %, PS : 16,7% FN : 15,39 % Troadec : 12,5 %, UDI : 10 %, EELV : 9,40 %, Nouvelle Donne : 3,55 % Debout la France : 2,65%).
Morbihan : 4,55 % (FN, 20,2%)
Ile et Vilaine : 4,33 % (FN 16%)
Et dans les villes bretonnes:
Hennebont 8,9 % (FN 17%)
Saint Brieuc 7,43 % (FN 13,54%)
Lorient 6,58 % (FN 18,15%)
Rennes 6,20 % (FN 9,35%)
Auray 5,16 % (FN 16,5%)
Fougères 4,24 % (FN 17%)
Saint-Malo 3,81 % (FN 15,3%)
Dinan 3,59 % (FN : 13,5%)
Vannes 3,53 % (FN 14,59%)
Les villes du Finistère
HuelgoatFDG 11, 2 % (FN 13 % Troadec 26,5%)
Scaer FDG 9,18 % (FN 15,8%)
Rosporden : FDG 9 % (FN 16,8 %/ Troadec 14,67%)
Morlaix FDG 8,83 % (411 voix)
Douarnenez : FDG 7,93 % (FN 12,6%)
Pont Labbé : FDG 7,6 % (FN 13,63%)
Brest FDG 6,81 % (FN en 2e position avec 14,49%) EELV 12,24 %
Bannalec FDG 6,84 %
Quimperlé FDG : 6,32 %
Concarneau : 5,78 %
Roscoff : 5,57 %
Quimper : 5,35 %
Carhaix FDG 4,78 % (Troadec 44,6 %, FN 11%)
Chateaulin : FDG 4,65 %
Landerneau : FDG 4,62 %
Saint Pol de Léon : FDG 3,83 %
Fouesnant FDG 3,51 %
Landivisiau FDG 3 %
Pays de Morlaix
Plouégat-Guérand : 14,29 % (FN 9,62%)
St Jean du Doigt : 11,68 %
Plougonven: 11,67% (devant le FN mais derrière Troadec)
Lanmeur : 11, 26 % (FN 12,4/ Troadec 12,79%)
Plourin : 8,97 % (FN 12,2 %, Troadec : 9,23 %, EELV : 12,27 % UMP : 16 % PS : 24%)
Plounéour Menez FDG 8,45 % (5e position derrière Troadec 18,5 %, EELV 18%, PS 15,72%, FN 14%)
Plouézoch : 7,63 %
Plouigneau : 7,54 % (FN 15,5%)
Plougasnou : 7,46 % (FN 11,2%)
Locquirec : 7,33 %
Pleyber-Christ : 7,28 % (FN 14,79 %/ Troadec : 13,69%)
Saint Martin des Champs 6,98 % (PS 25 %, UMP 19 % FN 13,83 %, Troadec 9,6 %, EELV 8,6 %)
Locquénolé : 4,40 %
Saint Thégonnec 3,67 %
Carantec FDG 2 %
Morlaix
Quelques mots de commentaire :
L'abstention a été forte, surtout chez les jeunes (on l'a constaté dans les bureaux de vote) et peut-être aussi les catégories populaires et immigrées des quartiers.
On ne retrouve pas tous les électeurs des européennes et des municipales qui ont voté pour nous à s'être déplacés dans les bureaux de vote cette fois-ci.
Dans le Finistère, Troadec (qui fait un très bon résultat : 11,6 % dans le 29, et tout de même 8,18 % dans le 22 et 6,66 % dans le 56) et Nouvelle Donne dans une moindre mesure ont dû prendre des voix qui s'étaient portées sur le Front de Gauche aux Présidentielles.
Les conséquences de la crise de l'agro et de la crise sociale se font aussi sentir dans la progression spectaculaire et inquiétante du FN dans le Finistère et en Bretagne, tout particulièrement en centre-Bretagne.
EELV voit son excellent score de 2009 baisser fortement mais reste assez loin devant le FDG (10,3 % au niveau national), bénéficiant d'un report de voix de l'électorat social-démocrate adhérant au projet sans trop de réserve critique au projet européen sans se retrouver dans la politique du PS mais qui vote néanmoins « utile » aux élections présidentielles, municipales, législatives.
Sur un plan global, le Front de gauche n'apparaît pas aux yeux des électeurs comme une alternative et un espoir de changement, il ne cristallise pas encore l'électorat protestataire, le vote de colère contre le système, le FN, grâce à l'effet de levier que constitue ses bons résultats annoncés dans les sondages et enregistrés lors des précédentes élections, jouant ce rôle à plein de son côté.
Dans les villes du Finistère et de Bretagne, les résultats du FDG sont faibles par rapport au potentiel : la dynamique n'était clairement pas de notre côté
Le PS a très affaibli en Bretagne comme partout en France: beaucoup de ses voix de 2012 se sont probablement portées sur Troadec, le FN, EELV, Nouvelle Donne.
L'UMP perd 8 % par rapport à 2009 avec 18,4 % sur le plan Bretagne : une partie de ses électeurs est absorbée par le FN (17,11 % au niveau Bretagne contre 3 % en 2009) et l'UDI-Modem qui réalise un bon 11 %.
A Morlaix, le résultat du Front de Gauche est décevant sans être franchement mauvais : nous étions en 3e position derrière le PS et l'UMP aux Présidentielles, Législatives et Municipales, et nous passons cette fois-ci en 5e position au niveau des forces politiques derrière EELV (12,41% contre 21,7 % en 2009) et le FN (10,26%).
Malgré tout, cela traduit en négatif la qualité du travail qui a été récompensé aux Municipales avec nos 980 voix (contre 411 voix dans ces élections européennes), lequel nous a permis de créer une dynamique et de déborder notre socle électoral, que l'on retrouve pour ses Européennes, sans dynamique nationale et régionale, « socle électoral » qui correspond quasiment exactement à notre résultat des Législatives en 2012 : 8,9 %.
Seulement, quand on regarde l'ensemble des villes d'importance de Bretagne et du Finistère, on voit que Morlaix est parmi celles où le Front de Gauche fait les meilleurs résultats, plus que dans des villes qui ont des traditions ouvrières et communistes (Douarnenez, Concarneau, Brest, Lorient, Fougères …).
Cela peut s'expliquer dans le cas de ces villes par des phénomènes socio-politiques de fond et des histoires politiques locales et aussi, pour ce qui concerne Morlaux, que nous ayons présenté une liste front de Gauche aux municipales qui a été unie, ambitieuse et a présenté un bon visage aux citoyens quelques mois avant.
Cela marque une implantation, une reconnaissance de la population dans une certaine mesure, qui nous permet d'échapper (partiellement) à la sinistrose ambiante même si, à défaut de l'électorat jeune et d'une partie de l'électorat populaire de gauche, nos résultats sont loin d'être enthousiasmants.
Nous gagnons 146 voix et 3 % par rapport aux Européennes 2009. On va dire que c'est pas si mal.
Enfin, encore bravo à Plouégat-Guérand, la commune où il fait bon vivre car le Front de Gauche fait 5 % de plus que le FN !
| Européennes 2009 – nbre de voix FDG Jacques Généreux | Européennes 2009- pourcentage FDG | Abstention 2009 : 58 % Abstention 2014 : 54,4 % | Européennes 2014- nbre de voix | Européennes 2014 pourcentage FDG |
Mairie salle Cornic | 27 | 5,84 % | | 46 | 9,98 % |
Mairie Rez de Chaussée | 12 | 3,05 % | | 27 | 6,67 % |
Poan-Ben | 27 | 6,18 % | | 51 | 11,81 % |
Gambetta | 35 | 10,09 % | | 36 | 8,78 % |
Kernéguès | 26 | 6,72 % | | 42 | 11,14 % |
Troudousten | 16 | 3,64 % | | 35 | 7,03 % |
Ploujean | 21 | 4,26 % | | 36 | 6,45 % |
La Boissière | 30 | 8,55 % | | 24 | 7,02 % |
La Madeleine | 17 | 4,45 % | | 39 | 9,65 % |
Zoé Puyo | 29 | 9,39 % | | 34 | 11,07 % |
Piaget | 25 | 5,85 % | | 41 | 8,86 % |
Total Morlaix | 265 | 5,98 % | | 411 (+ 146 voix) | 8,83 % |