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Discours de Pierre Le Rose dans le canton de Concarneau pour la préparation des Etats généraux de la Renaissance Française (juillet 1945).
Citoyennes, Citoyens du Canton de Concarneau
Et voici que s'achèvent les travaux de la Conférence Cantonale des Etats généraux de la Renaissance Française. Voici qu'à l'unanimité vous avez élu un nouveau Comité Local de Libération élargi, vos délégués au Congrès Départemental des Etats Généraux qui iront à Quimper présenter le cahier de Doléances que vous avez vous-mêmes établis.
Votre Comité Local de Libération avait jusqu'ici ce qu'on pouvait appeler au lendemain de l'insurrection une légalité insurrectionnelle, la légalité de la glorieuse insurrection nationale qui a chassé les lâches et les traîtres.
Il était composé des représentants des différentes organisations et partis de la Résistance. Il groupait des hommes venus des différentes couches de la population.
Ensemble durant dix mois, face aux autorités instituées par le Gouvernement, votre C.L.L s'est attaché à défendre tous les intérêts du Peuple dans l'esprit de la Résistance , inséparable de l'esprit du Peuple. En même temps, le C.L.L s'efforçait dans la mesure de ses faibles moyens d'aider la municipalité instituée dans l'application de son difficile mandat.
Depuis vous avez eu les élections. Des municipalités nouvelles ont été légalement élues et je suis heureux de les saluer ce soir en la personne des Maires du canton ou de leurs représentants.
Les C.L.L organismes insurrectionnels, représentants du Peuple insurgé, devaient-ils disparaître?
Dans l'enthousiasme, ce soir, en élargissant les C.L.L, en les faisant plus représentatifs de l'ensemble de l'opinion, vous avez répondu "Non".
Dans ce "Non" vous affirmez que quoiqu'en disent certains esprits malintentionnés la Résistance Française n'est pas morte, mais qu'au contraire son esprit continue par delà vents et marées, par dessus toutes les combinaisons et toutes les politicailleries.
Les C.L.L continueront donc à exister, à soutenir les municipalités élues au Suffrage Universel, images du Peuple.
Les C.L.L continueront à demander les châtiments des traîtres, de ceux qui ont tenter de propager parmi le Peuple les mots d'ordre collaborationnistes, tels les André Morvan, de ceux qui arboraient des francisques tels les Philippe Madeline dont Laval, Déat, Darnand étaient les héros, de ceux qui dénonçaient les Français tel Normand, le maire vichyste de Trégunc.
Les C.L.L ne faibliront pas non plus dans la phase de leur mission qui consiste, conformément au programme du C.N.R à demander la confiscation des biens des traîtres et c'est avec plus de force que jamais que, forts de votre confiance, ils demanderont, ils exigeront en votre nom, des autorités compétentes la confiscation des biens des Usines Cassegrain et Prouvat-Barbe qui durant l'occupation ont travaillé pour les bôches, ont trafiqué avec les bôches.
A partir d'aujourd'hui, les C.L.L sont pour la première fois depuis l'insurrection victorieuse liés profondément à la masse du Peuple. Les C.L.L et le Peuple ont des intérêts communs. C'est la main dans la main qu'ils partent à la Conquête d'un nouveau destin.
Vous avez aussi élu les délégués qui iront au Congrès Départemental des Etats Généraux. Ils iront là-bas à Quimper vendredi prochain, établir avec les délégués des autres cantons le Cahier Départemental de la Renaissance Française.
A ce Cahier Départemental, vous apportez, vous, citoyens et citoyennes du canton, votre contribution.
Vous avez discuté tout à l'heure les termes de ce Cahier que vous ont présenté les représentants les plus purs de la Résistance populaire. Vous avez voté le texte complet de ce Cahier Cantonal qui est lui-même la synthèse des différents Cahiers du Canton.
Ce sont vous, ménagères, qui vous êtes penchées sur les problèmes ardus du ravitaillement. Ce sont, femmes de l'U.F.F, qui avez étudié les moyens de conjurer le redoutable fléau de la tuberculose. Ce sont vous, chers prisonniers et déportés absents depuis cinq ans qui, revenus dans la vie civile, dépaysés, avez, en commun établi la liste des moyens vous permettant de faire vivre ou plutôt revivre vos foyers. Ce sont vous, ouvriers et employés, qui demandez un accroissement sans cesse grandissant de la production. Ce sont vous, retraités, qui réclamez une juste retraite vous permettant de finir dignement votre vie. Ce sont vous, fonctionnaires, qui suggérez la réforme indispensable des programmes scolaires. Ce sont vous, jeunes, qui proposez vos bras pour des équipes de choc pour la reconstruction du pays.
Ce sont vous, marins, qui inscrivez sur votre cahier la Réparation du quai Carnot endommagé par les allemands. Et vous, jeunes et vieux travailleurs, ménagères et ouvrières, artisans et retraités, marins et prisonniers, vous vous penchez avec la même ferveur sur les réformes de la Constitution Française. (..)*
Pendant l'occupation, le Peuple Français commémorait par des actions héroïques contre l'ennemi cette date glorieuse entre toutes (du 14 Juillet).
Les nazis qui dénonçaient l'esprit de 89 craignaient particulièrement ce jour du 14 Juillet. Les patriotes, en effet, commémoraient à leur façon le jour de la Fête Nationale le 14 juillet, les trains bôches sautaient plus nombreux que de coutumes, les bôches et les traîtres expiaient leurs crimes, nos glorieux partisans se battaient comme des lions. Et toute la France applaudissait unanime. Aujourd'hui, nous nous préparons à commémorer le 14 Juillet 1945.
Ce sera le 14 Juillet de la Victoire.
Ce sera le 14 Juillet des Etats Généraux de la Renaissance Française, le 14 Juillet de l'Espoir dans un avenir meilleur que le Peuple Uni saura bâtir.
Tout le Peuple de France manifestera à l'occasion de ces jours de liesse sont attachement à la République et à la Démocratie.
Vivent les E.G.R.F**
Le 14 Juillet
Vive la France
Vive la République
* Partie manquante: p 8 à 12 du manuscrit du discours, écrit au dos d'un bulletin d'adhésion aux Jeunesses Communistes
** les E.G.R.F: les Etats Généraux de la Renaissance Française
Biographie de Pierre Le Rose, militant communiste et dirigeant de la Résistance communiste à Concarneau:
Pierre Le Rose est le fils de Théophile Le Rose, né à Concarneau le 11 février 1900, qui était lui-même un militant communiste. Engagé à 18 ans, Théophile Le Rose était au dépôt de Brest au moment des événements faisant suite aux révoltes de la Mer Noire. Il était ami avec Théo Le Coz qui sera plus tard directeur de La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime.
Voilier, Théophile succéda à son père à la tête de la voilerie artisanale et familiale employant cinq ouvriers. Pierre Le Rose est l'un de ses deux fils, qui naît le 10 février 1923 à Concarneau.
Théophile participe au mouvement populaire qui se développe après février 1934. Il adhère au Parti Communiste en 1935 et est présent dans les différentes activités du Front Populaire (campagne électorale de 1934 où Pierre Guéguin entre au Conseil Général, de 1935 avec l'élection aux municipales de la liste de front commun, de 1936 avec la victoire aux législatives). Il participe au soutien à l'Espagne Républicaine (accueil des réfugiés, organisation des Brigades Internationales). Il organise la manifestation départementale du Front Populaire le 7 juin 1936 à Concarneau, prépare la première fête de la Bretagne du Parti Communiste à Concarneau en août 1936 avec Marcel Cachin, réceptionne et achemine Jacques Duclos en novembre 1937. Théophile Le Rose développe aussi des relations étroites avec Alain Signor, élu au Comité Central au Congrès d'Arles en 1937. Il décède après la fête de l'Humanité de Garches, le 8 juillet 1938.
Son fils, Pierre Le Rose, commence à s'intéresser à la vie politique à partir des événements de 1934 et de 1936, de la construction du Front Populaire. Il participe aux manifestations comme enfant, lit "l'Huma" à laquelle son père est abonné. Il vend des Bonnets Phrygiens, insignes du Front Populaire, à la manifestation du 7 juin 1936: Pierre a alors 13 ans. Son père décède quand Pierre atteint sa quinzième année. En 1940, à dix-sept ans, il quitte l'école pour prendre la direction de la Voilerie qu'avait conservée sa mère au décès de Théophile. Il conserve un contact avec le Parti, désormais clandestin après les accords germano-soviétiques, et il a connaissance des premiers tracts du Parti Communiste, alors plus que jamais persécuté: l'appel du 10 juillet 1940 notamment.
Au printemps 1943, avec une équipe de jeunes amis, il constitue les premiers groupes de FTP de la région de Concarneau. Parallèlement, en liaison avec Alphonse Duot, secrétaire de la section clandestine du Parti à Concarneau (reconstituée à la suite des arrestations de 1942), il organise les groupes de la J.C, le Front National et plus tard les F.U.J.P et le Front Patriotique de la Jeunesse. Il rédige et confectionne des tracts, des journaux écrits à la main ("L'étincelle", organe du Parti et des J.C, "l'Insurrectionnel", bulletin du Front National). Il participe aux diverses actions des FTP, à la propagande du Parti et des Jeunesses Communistes, au recrutement. Au Printemps 1944, Pierre Le Rose participe à la création du Comité Local de Libération dont il devient le Secrétaire. Désigné par ses camarades de la Libération (le 15 août 1944 à Quimper, Concarneau n'est pas encore libérée), il devient membre du Comité Départemental de Libération pour représenter les "Forces Unies de la Jeunesse Patriotique". Il contribue dans ce cadre à la mise en place des délégations spéciales en remplacement des institutions de Vichy et à la réintégration des Conseils Municipaux dissous en 1939 par Daladier: Concarneau, Guilvinec, Léchiagat, etc.
Il devient membre actif du Front National (l'organe unitaire de la Résistance créé par les Communistes pour fédérer largement la résistance intérieure) pour lequel il fait ses premiers meetings (Douarnenez, avec Albert Trévidic), à Concarneau aux rassemblements des J.C dont il est membre du Bureau Régional. Pierre le Rose est coopté au Comité Régional du Parti Communiste mi-décembre 1944. Il prend la parole au Congrès du Front National présidé par Joliot-Curie en janvier 1945. Il est élu aux Etats généraux de la Renaissance Française le 14 juillet 1945. Pierre Le Rose était dans la délégation du Finistère au Congrès des JC constitutif de l'U.J.R.F début avril 1945. En mai 1946, Pierre Le Rose est élu au secrétariat fédéral du Parti Communiste (dont Marie Lambert, première députée femme du Finistère à la Libération, devint première secrétaire). Il restera à cette fonction sous la direction de Daniel Trellu (1949-1952) et sera élu secrétaire fédéral en février 1953.
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