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30 novembre 2016 3 30 /11 /novembre /2016 21:23
Héreros décharnés retrouvés dans le désert

Héreros décharnés retrouvés dans le désert

 

 

Le fait est peu connu : le premier génocide du XXe siècle a eu lieu en Afrique. Environ 65 000 Herero et 10 000 Nama furent massacrés par l’armée du IIe Reich dans le Sud-Ouest africain allemand – l’actuelle Namibie – entre 1904 et 1908.

Le Mémorial de la Shoah, qui avait déjà traité des génocides arménien et tutsi, consacre une exposition, visible du samedi 26 novembre au 12 mars 2017, à ce crime colonial à travers une abondance de documents d’archives. 

Lire aussi :   Histoire d’un livre. En mémoire des Hereros et des Namas

Il y a tout d’abord cette photographie de Hendrik Witbooi, capitaine des Nama, coiffé d’un chapeau paré d’un ruban blanc, assis dans un fauteuil, le regard fier, un fusil à la main. Ce même couvre-chef, qui ressemble à un chapeau de cow-boy, est présenté un peu plus loin, derrière une vitrine. Leader instruit et charismatique, Hendrik Witbooi parvient à rassembler les clans nama et oorlam dans le sud de l’actuelle Namibie dans les années 1880. D’incessantes disputes autour des pâturages dégénèrent avec d’autres clans. Les Allemands profitent de ces conflits répétés pour proclamer leur protectorat sur le Sud-Ouest africain en 1884. La colonisation n’en demeure pas moins une entreprise laborieuse pour les quelques marchands et diplomates venus s’aventurer dans ces contrées réputées hostiles : les gains sont dérisoires.

« Ordre d’extermination »

Le débarquement des troupes allemandes dans la colonie en 1889 inaugure alors une période de violences féroces. Dans la nuit du 12 avril 1893, lors d’une attaque surprise sur le camp de Witbooi, les troupes allemandes massacrent pas moins de 75 femmes et enfants. D’autres campagnes sont menées contre les « tribus rebelles » : les femmes sont violées, les survivants envoyés aux travaux forcés, les terres et le bétail saisis.

 

 

La déclaration du chef herero, Kamaharero, en réaction à l’expansion allemande, est présentée non loin d’un exemplaire du Petit journal, dont la couverture représente la police impériale réprimant une foule de manifestants berlinois opposés à la politique coloniale allemande. Ces documents permettent de prendre la mesure des résistances et des refus à l’œuvre. Après avoir multiplié les efforts de diplomatie, les chefs herero se soulèvent contre les colons allemands. Berlin envoie alors le général Lothar von Trotha mater la rébellion. Celui qui a déjà fait montre d’une grande brutalité au Togoland et en Chine, lors de la guerre de Boxers, est déterminé à en finir avec les Herero censés n’être que des « sauvages ». Ses troupes armées de canons, de mitrailleuses et de grenades encerclent le campement de Waterberg, avant de lancer l’assaut, le 11 août 1904, avec pour ordre de ne pas faire de prisonniers. Les Herero réussissent à briser l’encerclement et des dizaines de milliers d’entre eux s’enfuient dans le désert. Pendant des semaines, repoussés de plus en plus loin dans le désert, d’innombrables Herero meurent de déshydratation.
 

Le 3 octobre 1904, le général Lothar von Trotha enjoint les troupes du Kaiser de tuer sans distinction les hommes, les femmes et les enfants : tout Herero présent sur le « territoire allemand » sera tué. La copie de cet « ordre d’extermination »rédigé à la main laisse le visiteur dans un état de sidération. Loin de jouer sur l’émotion, cette exposition se concentre sur les faits. Après que les missionnaires ont dénoncé les atrocités commises par l’armée allemande, l’ordre d’extermination est levé. Le génocide entre alors dans une nouvelle phase. Ceux qui ont survécu après avoir fui dans le désert sont incarcérés dans des camps de concentration et contraints aux travaux forcés. Le 23 avril 1905, von Trotha signe une déclaration menaçant les Nama du même sort. Cernés, ils sont tous internés dans le camp de concentration de Shark Island. Les prisonniers, contraints au travail forcé, succombent aux mauvais traitements et à la malnutrition. Des crânes de victimes sont alors envoyés en Allemagne à des fins de recherche scientifiques raciales.

Dans les oubliettes de l’Histoire

Instructive, cette exposition – la première en Europe à traiter le sujet – l’est d’autant plus qu’elle étudie ce génocide dans une perspective comparatiste stricte. « Il existe deux ordres d’extermination écrits : l’un à l’encontre des Herero, l’autre à l’encontre des Nama. De tels écrits n’existent pas dans le cas de la Shoah et des génocides arménien et tutsi, explique Sophie Nagiscarde, commissaire de l’exposition. Il ne s’agit pas d’établir une filiation entre ce génocide et la Shoah, mais de montrer que la haine raciale, l’expérience concentrationnaire, la collecte des crânes humains pour le compte de la recherche anthropologique constituent un terreau. »

Lire aussi le reportage photo Héros herero

L’exposition traite également les enjeux de mémoire du génocide. Si ce massacre est resté si longtemps ignoré, c’est d’abord parce que les puissances européennes se sont entendues pour qu’il tombe dans les oubliettes de l’Histoire. Le Blue Book, un rapport officiel du gouvernement britannique faisant état des atrocités commises dans le Sud-Ouest africain allemand, réalisé peu de temps après la reconquête de la colonie pendant la première guerre mondiale, fut banni en 1926. Les Britanniques ont préféré enterrer ce rapport que de voir les Allemands se pencher sur les crimes qu’eux-mêmes avaient commis pendant la guerre des Boers, en Afrique du Sud.

A cet égard, il n’aurait pas été inutile de rappeler que le génocide des Herero et des Nama intervient dans un contexte de violences coloniales exacerbées : à la fin du XIXe siècle, des répressions sanglantes sont menées par les Français à Madagascar, par les Britanniques contre les Zoulous ou encore par les Belges au Congo.

Lire aussi :   « Chœurs en exil » : le génocide arménien, cent ans après

L’exposition n’oublie pas d’aborder la question des excuses et des réparations. Les Herero, qui sont aujourd’hui près de 164 000 en Namibie, et les Nama, environ 246 000, exigent des excuses et demandent réparation au gouvernement allemand pour les atrocités commises et les injustices incessantes. Après 1915, le Sud-Ouest africain est devenu protectorat de l’Afrique du Sud, les Namibiens ont vécu sous le régime d’apartheid jusqu’en 1990, date de l’indépendance. Les victimes de la colonisation allemande n’ont jamais pu récupérer leurs fermes. Le gouvernement namibien est resté silencieux sur la question jusqu’au rapatriement de vingt crânes de Herero et de Nama en 2011. L’Allemagne a ensuite reconnu en juillet 2015 que les massacres commis par son armée entre 1904 et 1908 en Namibie étaient un « génocide ». Un pas de plus vers des excuses officielles : Berlin a annoncé en juillet, qu’il les présenterait d’ici la fin de l’année 2016.

 

« Le premier génocide du XXe siècle. Herero et Nama dans le Sud-Ouest africain allemand, 1904-1908 » du 25 novembre 2016 au 12 mars 2017 au Mémorial de la Shoah, 17, rue Geoffroy – l’Asnier, 75004 Paris. Ouverture tous les jours sauf le samedi de 10 heures à 18 heures et le jeudi jusqu’à 22 heures. Entrée libre. www.memorialdelashoah.org

 

 

 

 

Blue Book, Elise Fontenaille N'Diaye, Calman Levy, 2015 - un livre à lire sur le génocide colonial allemand en Namibie

Blue Book, Elise Fontenaille N'Diaye, Calman Levy, 2015 - un livre à lire sur le génocide colonial allemand en Namibie

Un article et des enregistrements de RFI sur le récit Blue Book de Elise Fontenaille-N'Diaye, que j'ai eu l'occasion de lire l'an passé, et qui traite avec beaucoup de force de cet épisode oublié de l'histoire de la colonisation. Mais sans doute qu'il faut oublier, car trop de repentance nuit à la digestion... 

 

Par Sarah Tisseyre 

De la colonisation française à la colonisation allemande. L'écrivain Élise Fontenaille-N’Diaye est l'arrière-petite-fille du général Mangin qui commanda la Force noire sous drapeau français pendant la Première Guerre mondiale. Mais c'est à une ancienne colonie allemande, la Namibie, qu'elle consacre aujourd'hui un roman historique édifiant. « Blue Book » ravive le souvenir d'un génocide oublié, celui des Hereros et des Namas en Namibie, au tout début du 20e siècle. Elle s'appuie pour cela sur un rapport officiel longtemps occulté.

C'est l'histoire d'un document oublié dans une bibliothèque de Pretoria. Le Blue Book, à l'origine, c'est le nom qu'on a donné à un rapport officiel sur les atrocités commises par les soldats allemands en Namibie.

En 1904, le général allemand Lothar von Trotha signe des ordres d'extermination contre les Hereros et les Namas qui ont eu l'audace de se révolter. En quatre ans, 70 % de ces populations disparaissent. Beaucoup sont massacrés. D'autres meurent de faim, de soif et d'épuisement, dans le désert du Kalahari, puis dans des camps de concentration.

Se mobiliser contre l'oubli

En 1917, Thomas O'Reilly, jeune major d'origine irlandaise, ami des Hereros, rassemble des témoignages de première main. Des récits atroces qu'il consigne dans son rapport commandé par les autorités britanniques.

L'écrivain Élise Fontenaille-N'Diaye en publie des extraits, et lui dédie aujourd'hui son ouvrage. Elle a baptisé son roman historique Blue Book, du nom de ce rapport connu des spécialistes, mais pas du grand public. Et en 200 pages, elle ranime le souvenir d'un génocide lui aussi tombé dans l'oubli.

► Écouter l’interview avec Élise Fontenaille-N’Diaye sur son livre Blue Book.

► Élise Fontenaille-N’Diaye a publié simultanément un récit pour adolescents sur cette tragédie Eben ou les yeux de la nuit.

 Écouter La Marche du monde (RFI), à la rencontre des descendants des Namas et des Hereros, victimes du génocide perpétré par l’empire allemand sur leurs ancêtres, en Namibie.

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26 novembre 2016 6 26 /11 /novembre /2016 17:53
Pierre-Jean Berrou, Gaston Balliot, Bruno Jullien (maire de Plobannalec-Lesconil) et Jean Kervision

Pierre-Jean Berrou, Gaston Balliot, Bruno Jullien (maire de Plobannalec-Lesconil) et Jean Kervision

Pays bigouden. Résistance : un site pour ne pas oublier

 

 Le Télégramme 24/11/2016

 

 http://www.letelegramme.fr/finistere/pont-labbe/resistance-un-site-pour-ne-pas-oublier-24-11-2016-11304508.php

 

Durant la Seconde Guerre mondiale, le Pays bigouden a été un haut lieu de la Résistance. Trois Bigoudens, anciens enseignants, viennent de lancer un site dédié qui, s'il rend d'abord hommage au courage de ces résistants, entend prolonger leur souvenir auprès des jeunes générations.

 

 « Il faut que les jeunes connaissent cette histoire », lance Jean Kervision. Cette histoire, c'est celle de la Seconde Guerre mondiale, de l'occupation allemande dans le Pays bigouden et de cette résistance qui s'organise sur le territoire bigouden. Une histoire que Jean Kervision, qui a été instituteur et adjoint au maire du Guilvinec, a bien connue. « J'ai subi la rafle du 12 août 1944 » qui marquera les populations de Guilvinec et de Treffiagat, dont il est originaire. Jean Kervision n'a que 16 ans. Le souvenir est toujours aussi intact. Hier, c'est à Plobannalec-Lesconil, commune qui paya elle aussi un lourd tribut, que Jean Kervision, le Guilviniste Pierre-Jean Berrou, géographe, auteur de nombreuses publications sur l'histoire du Guilvinec et le Loctudiste Gaston Balliot ont présenté, à l'occasion de son lancement, un site Internet consacré à la guerre et la résistance dans le Pays bigouden. Un site dont l'objectif est de « rendre public une foule de documents sur la période de 1940-1944 dans le Pays Bigouden rudement mis à l'épreuve », précise Gaston Balliot. Histoire de rendre hommage au courage de ces hommes et femmes. Histoire également de prolonger leur souvenir auprès des plus jeunes.

 
 
La foule rend hommage aux fusillés de Lesconil

 « Tous les documents que l'on avait, fallait surtout pas qu'ils soient perdus, surtout dans l'ambiance actuelle », lance Gaston Balliot. Le site revient sur ces cinq années, des premiers clandestins de 1940 aux fusillés de La Torche en passant par l'usine à galets de Tréguennec. Au texte s'ajoutent les photos, comme celle, impressionnante, de l'inhumation provisoire des fusillés de Lesconil dans le cimetière de Plobannalec. La photographie, prise du haut du clocher de l'église, montre une foule compacte de Bigoudènes en coiffe. Il y a aussi ces photos des fusillés de Poulguen. « Ils venaient de tout le Finistère et ont été regroupés à Poulguen où les Allemands avaient un stand de tir. Ils ont été fusillés et ont été enterrés là », raconte Jean Kervision. Les photos de 1944 racontent la découverte des fosses communes, l'exhumation des corps, montrent ces cercueils numérotés à même la dune et l'hommage rendu dans le cimetière de Penmarc'h.

  

 Documents recherchés

 Une grande part des articles publiés en ligne est issue d'un travail mené dans les années 1980. Jean Kervision a l'idée de proposer dans les bulletins municipaux du Guilvinec, dont il est alors adjoint au maire, des papiers historiques. Il demande à Pierre-Jean Berrou, qu'il a connu sur les bancs de l'école, d'agrémenter ces bulletins par des papiers historiques. Au fil des années, il raconte dans Ar Gelveneg l'histoire des Guilvinistes dans la France libre, les rafles de 1944, la libération au Guilvinec. Parallèlement, il écrit, dans la revue Cap Caval, l'histoire des fusiliers marins bigoudens de la France libre. De son côté, Jean Kervision, responsable du « Travailleur bigouden », organe de la section bigoudène du Parti communiste français côtoie bon nombre de résistants dont Jean Le Brun, Jean Désiré Larnicol et Guillaume Bodéré. Trois figures dont les biographies présentes dans le « Maitron », dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social dont il est un des rédacteurs. En ligne, on retrouve ces biographies et de nombreuses autres. « Il y en a une quarantaine », explique Gaston Balliot. C'est lui qui, devant la masse de documents, a eu l'idée de les rassembler sur un même site. Lequel ne demande qu'à s'enrichir. « Nous n'avons pas beaucoup de renseignement sur le haut Pays bigouden », avance Pierre-Jean Berrou. Témoignages et documents sont les bienvenus.

 

 Site inernet avec formulaire de contact :

 

 https://bigouden1944.wordpress.com/

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26 novembre 2016 6 26 /11 /novembre /2016 17:51
FIDEL: l'album photo Castro...
FIDEL: l'album photo Castro...
FIDEL: l'album photo Castro...
FIDEL: l'album photo Castro...
FIDEL: l'album photo Castro...
Fidel Castro, Gorbatchev, Raul Castro en 1986 (photo Jean-Marc Nayet)

Fidel Castro, Gorbatchev, Raul Castro en 1986 (photo Jean-Marc Nayet)

Avec Arafat

Avec Arafat

FIDEL: l'album photo Castro...
Avec Mandela

Avec Mandela

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26 novembre 2016 6 26 /11 /novembre /2016 17:45
Ces 638 fois où la CIA a voulu se débarasser de Fidel Castro (Le Monde, 26 novembre 2016)

 

Stylo et cigares empoisonnés, LSD, poison pour faire tomber sa barbe… la CIA a tout essayé pour de tuer ou faire disparaître le dirigeant cubain.

LE MONDE | 


 

 

C’est une des plus grandes ironies de l’histoire. Le jour de l’assassinat du président américain John Kennedy, le 22 novembre 1963, un responsable de la CIA confiait un stylo empoisonné à une « taupe » cubaine pour qu’il l’utilise contre Fidel Castro, alors l’ennemi juré des Etats-Unis. Pourtant, au même moment, un émissaire de Kennedy rencontrait le numéro un cubain pour tenter de trouver des moyens d’améliorer les relations entre la grande puissance et son petit voisin. Cette anecdote, révélée en 1975 par une commission du Sénat américain (la « Commission Church »), montre qu’après la prise de pouvoir par Castro et jusqu’en 1965 la CIA, la principale agence de renseignements américaine, a cherché à se débarrasser de lui en encourageant, voire en soutenant, des projets d’assassinat.

Avant de songer à l’élimination physique, la CIA a d’abord tenté de le discréditer en s’attaquant à son image, durant les dernières années de la présidence de Dwight D. Eisenhower, de mars à août 1960. Avec des projets rocambolesques : il y a eu l’idée de disperser un produit chimique aux effets similaires à celui du LSD dans un studio de télévision où Castro devait enregistrer un discours, ou bien d’imprégner une de ses boîtes de cigare avec le même produit…

Poison anti-barbe

Certains ont même pensé à s’attaquer à sa barbe, telle Dalila coupant les cheveux à Samson. N’avait-il pas dit lors d’une interview avec une télévision américaine juste après son arrivée au pouvoir : « Ma barbe signifie plein de choses pour mon pays. » Un projet baptisé « La Barbe » fut lancé : il prévoyait de saupoudrer les chaussures du « comandante » avec un produit chimique dépilatoire… L’idée était de mener cette action lors d’un voyage à l’étranger, dans l’hôtel où le dirigeant cubain descendrait. On comptait sur le fait qu’il mettrait ses chaussures dans le couloir pour les faire cirer. Des tests furent menés sur des animaux, mais le projet fut abandonné, car Castro annula son déplacement.

La commission Church a recensé au moins huit projets d’assassinats, avec le recours parfois à des membres de la pègre de Las Vegas et aux Cubains anticastristes exilés à Miami. En 1975, Fidel Castro remettait au sénateur George McGovern une liste de 24 tentatives d’assassinat à son encontre, accusant la CIA. Dans un documentaire de 2006, des anticastristes recensent jusqu’à 638 projets d’attentats…

La plupart n’ont pas été mis à exécution, mais les moyens auxquels ses auteurs avaient pensé sont dignes des meilleurs romans d’espionnage : des plus classiques, comme des fusils très puissants, aux plus élaborées comme des pilules empoisonnées, le fameux stylo ou des armes bactériologiques…

Un documentaire produit par la chaîne britannique Channel 4 était revenu en 2006 sur ces infractueuses tentatives.

Début 1963, les services techniques de la CIA ont mené ainsi des tests pour contaminer une tenue de plongée, car Fidel Castro aimait pratiquer la plongée sous-marine. Les agents étudièrent même la possibilité de piéger un coquillage là où le dirigeant cubain aimait nager, mais aucun n’était assez grand pour abriter un explosif. Les renseignements américains avaient également un contact avec une « taupe » située au plus haut niveau du pouvoir cubain. Il lui fut remis un stylo empoisonné, puis on lui confia une cache d’armes, mais les relations furent rompues en 1965 pour des raisons de sécurité.

On imagina également d’empoisonner les cigares préférés du dirigeant cubain. Ces projets furent menés, à l’occasion, en impliquant des membres de la mafia de Las Vegas et des anticastristes cubains exilés à Miami par l’intermédiaire d’un ancien membre de la CIA, Robert Maheu.

L’échec de la baie des cochons

Les dirigeants de la CIA avaient-ils le soutien des présidents américains ? La commission n’a pas pu répondre à cette question. En tout cas, sous l’administration Eisenhower fut lancé le projet de renverser le régime cubain en envoyant des exilés cubains à Cuba. Le programme fut approuvé en mars 1959 par le président Eisenhower. Des camps d’entraînements furent mis en place au Guatemala. Peu après sa prise de fonction, en février 1961, le président Kennedy approuva le projet. Le 17 avril 1961, 1 400 exilés cubains débarquaient dans la baie des cochons, sur la côte sud de Cuba. Mais ce fut un échec total. Peu après, les Etats-Unis lançaient l’Opération Mongoose (mangouste) pour tenter de déstabiliser le régime castriste.

Après les révélations de la Commission Church, qui condamna ce genre de pratiques, certains anticastristes n’abandonnèrent pas leur espoir de tuer leur principal ennemi. En vain. Lorsqu’il s’est rendu aux Etats-Unis en 1979 pour donner un discours devant l’ONU, dans l’avion, les journalistes lui demandèrent s’il portait un gilet pare-balles. Fidel Castro ouvrit sa chemise sur son torse nu et lança : « J’ai un gilet moral. »

Fidel Castro est finalement mort de vieillesse vendredi 25 novembre, déjouant tous les pièges de ses ennemis.


Le Monde.

 

 

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26 novembre 2016 6 26 /11 /novembre /2016 17:10
photo Malou Créach

photo Malou Créach

"Vivre et travailler autrement... avec la CGT!"

" L'affiche de la cgt avec David BOWIE est surtout la pochette de l'album "Héroes" de 1977. Photographe Masayayoshi Surita (voir l'expo de 2015 à Paris)

Album enregistré en Allemand en rapport au mur de Berlin. Affiche collector en effet..."

 

(Jean-Luc Le Calvez)

Photo Jean-Luc Le Calvez

Photo Jean-Luc Le Calvez

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26 novembre 2016 6 26 /11 /novembre /2016 16:59
Le premier Fidel Castro (1926- 1961) par Jean Ortiz: de l'école jésuite à la révolution marxiste (L'Humanité, 4 août 2016)
Fidel Castro est mort
JEAN ORTIZ
JEUDI, 4 AOÛT, 2016
HUMANITÉ DIMANCHE
Fidel Castro est mort, vendredi 25 novembre à La Havane, à l'âge de 90 ans. Celui qui a défié la superpuissance américaine pendant plus d'un demi-siècle, avait cédé le pouvoir à son frère Raul à partir de 2006 après une hémorragie intestinale.
C'est d'ailleurs ce dernier qui a annoncé son décès à l'antenne de la télévision nationale.
Nous republions ici  "Fidel Castro. De l'école jésuite à la révolution marxiste", une lecture, par Jean Ortiz, de l'itinéraire du leader cubain qui permet de comprendre comment Castro était devenu Fidel.

La mythification, comme la guerre idéologique, déforme toujours l’itinéraire complexe du leader cubain. Pour beaucoup, ce « communiste souterrain » aurait caché son jeu pour « trahir la révolution ». L’hypothèse ne résiste pas à l’analyse historique. L’étude de la jeunesse du « Comandante », né il y a 90 ans en août 1926, s’avère incontournable pour déceler à la fois la cohérence et les contradictions de ses engagements, pour comprendre comment Castro est devenu Fidel...

Il avait tout pour être un « héritier » ; il est un transfuge de sa classe. Fidel Alejandro Castro Ruz naît hors mariage, le 13 août 1926. Ce troisième fils d’un père espagnol, Angel, venu combattre les partisans de l’indépendance de l’île, et de sa servante cubaine, Lina Ruz, épouse illégitime, a tout pour devenir lui-même un oligarque, un grand propriétaire terrien comme papa, à Birán, actuelle province de Holguín. Dix mille hectares. Ils seront en partie confisqués par la révolution, puis « cédés » par la famille Castro.

Le garnement joue dans les dépendances de la « finca » avec les fils des paysans pauvres qui triment sans répit pour son père (300 familles). Le solide gaillard se rend vite compte que ses copains vivent misérablement, sont maltraités ; les relations avec le patriarche, sa brute de père, se tendent. Castro confiera à Ignacio Ramonet qu’il devint révolutionnaire à partir précisément de cet environnement d’enfance. Doué, le jeune Castro étudie, comme tous les fils de bonne famille, chez les Jésuites, d’abord à Santiago, ensuite au collège Belén à La Havane. Ses maîtres l’éveillent, dirait-on aujourd’hui, à la citoyenneté.

À l’automne 1945, il s’inscrit à la fac de droit de La Havane. Rebelle sans cause précise, il fait le coup de poing et de feu contre les bandes d’ultras. Il se politise à grande vitesse, acquiert une conscience révolutionnaire et prend souvent la parole dans le patio ou sur les escaliers de l’université. Le 6 novembre 1947, il y proclame une sorte de programme patriotique ; la frustration d’une pseudo-indépendance nationale, de surcroît tardive (1899), le hante. Le jeune étudiant marche en tête des manifestations contre le gouvernement corrompu et « vendu » de Grau San Martin. Dans ce chaudron idéologique, il lit Marx et se familiarise avec ses idées. Faire la révolution. Orateur hors pair, il milite à la puissante Fédération des étudiants universitaires (FEU), et se fait rapidement connaître, à tel point que « trois ans plus tard, il sera déjà un homme politique en vue à Cuba. À La Havane, Castro était déjà Fidel » (1).

Castro s’engage dans la vie publique en 1947 ; il rejoint le très anticommuniste, petit-bourgeois et populiste Parti du peuple cubain (PPC), plus connu sous le nom de Parti orthodoxe. Son leader, Eduardo Chibas, au programme social progressiste, dénonce la corruption et jouit d’une grande popularité. Chaque semaine, il s’adresse aux Cubains dans une émission à Radio CMQ. Fidel reste « orthodoxe » pendant huit ans, y compris après le suicide en direct à la radio, en 1951, du charismatique Chibas, destiné à « réveiller » le peuple. En 1948, présent à Bogota pour un congrès étudiant, Castro participe au Bogotazo, le soulèvement populaire provoqué par l’assassinat de Jorge Eliécer Gaitán, candidat « libéral » favori aux élections à venir. De retour à Cuba, candidat du PPC à la députation, le jeune juriste semble promis à une carrière politique chez les « orthodoxes ».

Le coup d’État militaire de Fulgencio Batista, pour le compte de Washington, le 10 mars 1952, à trois mois d’élections que le PPC allait sûrement gagner, modifie toute la donne. Bogota, La Havane, l’intervention des États-Unis renforcent Castro dans son anti-impérialisme. Dès l’installation de la sanglante dictature (20 000 morts entre mars 1952 et décembre 1958), Castro part en guerre contre elle. La voie électorale se ferme. Peu à peu, il s’oriente vers une stratégie insurrectionnelle, de guerre de guérilla, dans le droit fil de l’histoire cubaine, de l’héritage des deux guerres d’indépendance.

Castro a conscience de prolonger la pensée et l’action du « héros national » José Marti, son inspirateur et modèle mort au combat le 19 mai 1895. À cette époque, Castro est d’abord « martinien », porteur d’un « nationalisme » radical hérité du patrimoine historique cubain, teinté de « socialisme utopique ». Pour José Marti, les États-Unis constituaient déjà, au XIXe siècle, « le pire danger qui menace notre Amérique ». La formation – incomplète – de la nation cubaine, dans ce contexte, acquiert une dimension anti-impérialiste. Le « fidélisme » apparaît alors comme « une synthèse pragmatique, un mélange d’un peu de Marx, de Engels, de Lénine, assez de Che et beaucoup de José Marti » (2). Sur cet « avant 1959 », Castro dira qu’il « avait peut-être deux millions de préjugés petits-bourgeois » (3).

Le 26 juillet 1953, sous les ordres de Castro, 131 jeunes partent à l’assaut de la symbolique forteresse militaire, la caserne de Moncada à Santiago. L’opération, destinée à provoquer un soulèvement populaire, échoue et la petite troupe est décimée : 6 morts au combat, 49 survivants torturés, puis massacrés. L’acharnement des tortionnaires et le courage inouï de ces jeunes confèrent à l’action un impact national, émotionnel et politique considérable. Le Parti socialiste populaire (PSP, communiste) qualifie, lui, l’assaut de « tentative de putsch aventuriste ». Le PSP traîne une réputation entachée de collaboration depuis le gouvernement de Front populaire avec Batista, dans lequel il eut deux ministres de 1942 à 1944.

Le 16 octobre 1953, Fidel Castro, avocat, assume lui-même sa défense lors du procès des assaillants. Sa célèbre plaidoirie-programme devient historique sous le titre « L’histoire m’acquittera ». Durant deux heures, l’accusé défend une cause collective et s’attribue le rôle d’accusateur, accable le tyran, démonte les mécanismes néocolonialistes d’exploitation, de domination, plaide pour un « gouvernement révolutionnaire », se pose en héritier de José Marti, qu’il qualifie d’« auteur intellectuel de l’assaut à la Moncada ». Il avance des réformes sociales inspirées du programme réformiste « orthodoxe », en appelle à saint Thomas d’Aquin pour légitimer le droit du peuple à démettre un tyran (4). Le discours, improvisé, est reconstitué et circule clandestinement. Il vaut à son auteur une large reconnaissance politique, notamment celle, unanime, de la communauté intellectuelle.

Castro, plus populaire que jamais, écope de 15 ans de prison. Un fort mouvement populaire arrache une loi d’amnistie et obtient, au bout de 21,5 mois, la libération de celui qui, pour les Cubains et bien au-delà, est désormais « Fidel ». En août 1955, il publie le premier manifeste du Mouvement du 26 juillet (mouvement créé après l’assaut) : réforme agraire, industrialisation, rétablissement de la Constitution de 1940, construction de logements, baisse des loyers, réformes économiques et ­sociales progressistes, nationalisation des services publics…

La répression oblige, en janvier 1956, Fidel et les militants les plus marqués à émigrer au Mexique. Ils y préparent une expédition armée pour renverser Batista. Au Mexique, il se définit comme « un marxiste en pensée », ce que contestera implicitement le Che. Dans une lettre de la Sierra à René Ramos Latour (Daniel), dirigeant « santiaguero » du Mouvement du 26 juillet, datée du 14 décembre 1957, Che écrit : « J’ai considéré Fidel comme un authentique leader de la bourgeoisie de gauche. »

Le 2 décembre 1956, sur le « Granma », un vieux rafiot exigu, 82 hommes embarquent pour « libérer Cuba ». Une traversée infernale de 7 jours et un débarquement catastrophique sur la côte orientale. Repéré par l’armée, le petit groupe est quasiment anéanti. Fidel, une nouvelle fois, et son frère Raul, s’en sortent. Ils parviennent à gagner la Sierra Maestra et mettent en place la guerre de guérilla.

C’est autour de cette Armée rebelle (fidéliste), le vecteur le plus révolutionnaire, le moins anticommuniste, que se forge une sorte de front antidictatorial, scellé au mois de juillet 1957 par le manifeste de la Sierra, puis par le pacte de Caracas (juillet 1958). En régime de monoculture en crise, les couches rurales se sont prolétarisées, la petite-bourgeoisie s’est radicalisée ; la classe ouvrière n’a pas « dirigé » le processus mais lui a servi de base. Les préjugés anticommunistes freinent. Le Mouvement du 26 juillet lui-même voit l’Armée rebelle, selon Fidel, « comme des agitateurs ». En mai 1958, il déclare au journaliste nord-américain Jules Dubois : « Je n’ai jamais été et ne suis pas communiste. Si je l’étais, je serais suffisamment courageux pour le proclamer » (5).

La guerre de guérilla dure 25 mois ; 300 guérilleros affrontent 12 000 soldats. L’opération militaire de Batista (« Fin de Fidel ») tourne à la débâcle. Le 8 janvier 1959, en pleine guerre froide, Fidel et sa légende entrent dans La Havane, acclamés par une « marée humaine » (6). Fidel le fédérateur, le libérateur, symbole de nation

Le 16 avril 1961, à La Havane, la foule se presse aux obsèques des victimes des raids aériens ennemis. Les bombardements de la CIA clouent au sol la petite aviation cubaine, tandis que se prépare l’invasion de la baie des Cochons par 1 400 exilés mercenaires, écrasés en 66 heures. Dans son discours des funérailles, Fidel appelle à défendre « notre révolution socialiste ». Il a attendu deux ans et demi après la victoire de l’Armée ­rebelle pour se réclamer du socialisme. Le long mûrissement du leader, l’expérience, vécue, de la nature de l’impérialisme, l’évolution des conditions objectives et subjectives, les enjeux et problèmes de l’époque ont « radicalisé » Fidel. En devenant communiste, il a contribué à son tour à radicaliser le processus révolutionnaire. L’agression des États-Unis a accéléré cette interaction dialectique. La révolution répond à chaque mesure hostile de Washington par l’approfondissement des changements. Un exemple : la loi 851 du 6 juillet 1960 réplique à la suppression de la quote-part d’importation de sucre cubain par la nationalisation des propriétés et des banques nord-américaines à Cuba.

Lorsque Kennedy impose le blocus total de l’île, l’aide de l’Union soviétique permet à Cuba de tenir. Y avait-il une alternative aux liens avec l’URSS, à l’entrée en 1972 dans le Comecon ? Ils lui offrent les moyens d’un développement social, éducatif, sanitaire, remarquable, mais ne remettent pas en cause la monoculture. Cuba est désormais réserve sucrière du « camp socialiste ». En 1991, Fidel déclare : « Nous avions déifié l’Union soviétique. » Il porte désormais un regard critique sur une période ambivalente.

Les discours politiciens sur « la trahison » de Fidel ou sur son « communisme souterrain », son « machiavélisme », relèvent de la propagande et occultent l’évolution fascinante du « Comandante » Fidel.

(1) « Les Quatre Saisons de Fidel Castro », de J.-P. Clerc, Éditions du Seuil, 1996.
(2) « Fidel », de V. Skierka, éditions Martinez Roca, 2002.
(3) « Le Socialisme à la cubaine », de J. Ortiz et G. Fournial, Éditions sociales, 1983.
(4) « L’histoire m’acquittera », de F. Castro, traduit et annoté par J.-F. Bonaldi, Éd. le Temps des cerises, 2013.
(5) « Journal de la révolution cubaine », de C. Franqui, Éditions du Seuil, Paris, 1976.
(6) Castro, Fidel, « les Chemins de la victoire. Mémoires », Éditions Michel Lafon, 2012. À consulter également : « Biographie à deux voix », F. Castro, I. Ramonet, Fayard/Galilée, 2007.
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26 novembre 2016 6 26 /11 /novembre /2016 08:08
" Fidel Castro, l'intransigeant père de la révolution cubaine, meurt à 90 ans" : Marcel Niedergang revenait sur la carrière du lider maximo il y a quelques années dans un article intéressant mais sans sympathie politique publié aujourd'hui par le journal Le Monde
Fidel Castro, l’intransigeant père de la révolution cubaine, meurt à 90 ans

Fidel Castro, l’intransigeant père de la révolution cubaine, meurt à 90 ans
http://www.lemonde.fr/international/article/2016/11/26/fidel-castro-cinquante-ans-d-intransigeance_5038436_3210.html

Le Lider Maximo est mort, vendredi soir, à La Havane. Figure de la gauche mondiale, « Fidel » a été toute sa vie politique un dirigeant habité par l’anti-impérialisme.

Entré au « Monde » en 1952, Marcel Niedergang (1922-2001) a été grand reporter en Amérique latine. Ce texte, écrit peu avant sa mort et mis à jour, raconte un Fidel Castro déterminé, habité par l’anti-impérialisme. Le père de la révolution cubaine est décédé vendredi 25 novembre, à La Havane.

 

A Cuba, Fidel Castro a été, pendant presque cinq décennies de pouvoir absolu – le plus long règne de l’histoire contemporaine –, la « parole qui oriente ». Comment juger sereinement un oracle qui s’ingénia tant à brouiller les pistes ? Il a toujours été attentif à protéger ses vraies motivations, personnelles et politiques, tout en étalant complaisamment en public, devant ses intimes ou les hôtes étrangers, ses passions, ses curiosités innombrables, voire ses petites manies : la lecture, le sport, les recettes de cuisine ou les méthodes d’élevage, il était l’éclectisme poussé au paroxysme. Il avait un avis définitif sur presque tout et aimait tenter de l’imposer aux autres. 

Etre le premier, le meilleur, le plus ferme. « Fidel a toujours raison », disait Celia Sanchez, la compagne très affectionnée dans le maquis de la sierra Maestra, gouvernante efficace, puis secrétaire du gouvernement qui, plus qu’aucun autre de l’entourage du monarque Fidel, a tenté d’ordonner l’emploi du temps débridé du Lider Maximo. « Chef suprême » : ce titre résumait la totalité des pouvoirs politiques et militaires qu’ il a exercés sans partage et si longtemps.

On sait tout de ce qui importait le moins. De ses performances à la pêche sous-marine, sport préféré qu’il pratiquait à Cayo Piedra, un îlot préservé dans la baie de Guantanamo, où il recevait parfois ses hôtes de marque. Du record de coupe de la canne à sucre établi en un seul jour par Fidel, à la fin des années 1960, lorsqu’il s’agissait d’inciter les macheteros à se surpasser : anecdotes largement reproduites par la presse cubaine à la dévotion du numéro un, depuis son arrivée à La Havane, en janvier 1959, jusqu’à la fin.

Médias « aux ordres »

De façon peu convaincante, Fidel n’a cessé de critiquer ces médias « aux ordres », de réclamer formellement une presse plus audacieuse… En vain, bien sûr. A moins que ce décalage étonnant entre les injonctions du commandant en chef et des médias immuablement monocordes n’ait illustré ce goût profond pour l’ambiguïté de Fidel.

Castro était un disciple et admirateur de José Marti, héros des guerres d’indépendance, qui recommandait de dissimuler le plus longtemps possible le coup que l’on voulait porter. Un « conspirateur dans l’âme », selon Tad Szulc, journaliste du New York Times, reçu plusieurs mois à Cuba et autorisé exceptionnellement à consulter les archives du gouvernement pour rédiger une biographie du Lider Maximo. « Un maître dans l’art de se dissimuler aux yeux des autres », ajoutait-il. Entre Machiavel et Marx.

 

En politique, comme dans l’action, dans la lutte armée à Cuba comme à l’extérieur – en Angola, en Ethiopie, en Amérique latine –, Fidel s’est efforcé de dissimuler ses intentions et ses objectifs. Il est souvent parvenu à transformer un échec militaire en victoire politique. Quel meilleur exemple, dès le début, que l’assaut manqué lamentablement contre la caserne Moncada, le 26juillet 1953 ? Ou que le débarquement raté du Granma – « un naufrage », disait Ernesto Che Guevara – sur la côte orientale de Cuba, en décembre1956 ?

Castro s’est avancé masqué pendant la guérilla et dès son entrée en héros à La Havane, triomphant de la dictature de Fulgencio Batista. « La révolution cubaine est une démocratie humaniste », disait-il lors de son voyage de vainqueur aux Etats- Unis, en avril 1959. Il a attendu deux ans pour se proclamer marxiste-léniniste et plus encore pour créer, du jour au lendemain, un « nouveau » Parti communiste cubain, dont le comité central de cent membres – tous anciens compagnons de guérilla dans la sierra Maestra, le massif montagneux du sud de l’île – a été composé par ses soins.

Puis, il a lâché des semi-confidences, des allusions qui embrouillaient plus qu’elles n’explicitaient. « J’étais presque communiste » avant de prendre le pouvoir, a-t-il ensuite assuré. Szulc a affirmé que Castro avait, dès son arrivée au pouvoir, mis en place un gouvernement « parallèle » secret, qu’il avait signé un pacte, également secret, avec les vieux communistes du Parti socialiste populaire et rencontré, dès l’automne 1959, un émissaire soviétique. Le même auteur, pourtant, a conclu que Castro avait « mis le grappin » sur les communistes cubains, et non l’inverse.

Rares tentatives de rébellion écrasées

Castro les a rapidement noyés dans le flot des fidélistes, a écrasé les rares tentatives de rébellion des communistes orthodoxes prosoviétiques. Il a combattu durement les partis communistes d’Amérique latine rétifs à ses instructions ; il a contrôlé et dirigé les autres, jouant des rivalités, accueillant à Cuba des bataillons de militants latino-américains pour les entraîner à la guérilla et les endoctriner.

Pendant un quart de siècle, un débat a opposé les partisans de la thèse d’un Castro poussé dans les bras de l’Union soviétique par les erreurs et l’agressivité des Etats-Unis et les avocats d’un Castro décidé, dès le début, à instaurer un régime socialiste à Cuba. Aucune réponse définitive n’a été apportée à cette question fondamentale. Par nécessité ou stratégie, Castro a en tout cas troqué une dépendance aux Etats-Unis pour une autre sujétion, sourcilleuse mais encore plus rigoureuse, à l’URSS.

 

Avec Moscou, Castro a noué une alliance indispensable à la survie de sa révolution. Alliance inégale, bien qu’il ait sans cesse réaffirmé sa « souveraineté ». Il a reçu des Soviétiques, dès 1960, une aide économique et militaire très importante, progressivement jugée trop lourde par Moscou. Elle a fini par être réduite à la fin des années 1980, lorsque l’URSS de Mikhaïl Gorbatchev dut, elle-même, affronter une crise économique dévastatrice. Cette aide a néanmoins permis à Cuba de devenir une puissance militaire, d’obtenir des résultats positifs dans les domaines de la santé et de l’éducation et de maintenir un temps à flot une économie nationale en crise permanente.

Autre certitude : après 1968 et son discours justifiant l’intervention militaire du pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie, La Havane a épousé toutes les orientations de la politique étrangère soviétique. Et pourtant la personnalité de Fidel était d’une telle complexité que certains n’ont jamais exclu l’hypothèse d’un nouveau changement de cap, si ce revirement pouvait « tourner à l’avantage de Cuba, de la révolution ou à son propre avantage ». Et ce, bien qu’il ait – avec une obstination tournant, sur la fin, à la répétition stérile – dénoncé l’« impérialisme américain » et l’embargo décrété par Washington en 1960 comme la seule cause de toutes les faiblesses du régime.

Coléreux, brouillon, désordonné

Une volonté de fer, une exceptionnelle capacité de travail, une mémoire prodigieuse, un talent oratoire de premier ordre, sans oublier l’intelligence et le courage physique : on a répété à satiété ses qualités. L’homme était aussi très coléreux, brouillon, désordonné, roublard et retors. Mais presque tous ceux qui l’ont approché ont été séduits par ce colosse barbu, dont le fils, Fidelito, occupa des fonctions importantes à la Commission nationale de l’énergie atomique, et qui a eu par ailleurs plusieurs enfants naturels.

Comment dissocier Castro de la révolution cubaine ? Un modèle plutôt décevant. Les tentatives d’industrialisation ont tourné court ; le « Tout pour le sucre » de la récolte de 1970 a désarticulé l’appareil de production. L’austérité, toujours plus d’austérité. Année après année, la libreta (« carnet de rationnement ») à perpétuité, le marché noir, l’absence de libertés, la surveillance tatillonne des comités de défense de la révolution (CDR), des milliers de détenus politiques, des morts en prison.

Le ras-le-bol d’une population privée de liberté s’est spectaculairement exprimé en avril 1980 : 125 000Cubains choisissent alors l’exode, soudain autorisé, vers les Etats-Unis. C’est l’atteinte la plus grave portée au prestige de Fidel depuis 1959. Autre coup dur, l’intervention américaine à la Grenade, en 1983, la reddition et la capture de centaines de travailleurs cubains : des « volontaires » pour la construction d’un aéroport, mais armés.

Adulé ou haï

Le prestige du castrisme a pu s’effondrer, sauf dans les milieux de la gauche latino-américaine, incapables, pour la plupart, d’analyser les causes et les conséquences de l’effondrement des régimes communistes en Europe de l’Est. La cote de Fidel est longtemps demeurée inchangée. Il a été adulé ou haï. Pendant un demi-siècle, il est resté une personnalité de poids sur la scène internationale, en dépit d’une situation interne qu’il qualifiait lui-même, dès 1986, d’« anarchique » et d’une politique étrangère interventionniste.

La taille alourdie, malgré un régime rigoureux, suivi après la suppression radicale de ses fameux cigares en 1985, la barbe blanchie, il a trouvé un interlocuteur privilégié en Hugo Chavez, président du Venezuela depuis 1999. Castro a donné à Cuba une importance hors de proportion avec sa taille et sa population. Il s’est inséré avec un aplomb phénoménal dans les querelles entre superpuissances, jouant de leurs rivalités. Il a connu ou affronté onze présidents américains, fréquenté presque autant de premiers secrétaires du Parti communiste de l’URSS. Mais il était plus à l’aise dans la tempête que dans la détente, plus fort pendant la guerre froide qu’à l’heure de la perestroïka.

Doyen des chefs d’Etat d’Amérique latine, il s’était fait, comme d’autres dirigeants de moindre envergure, le chantre de l’unification du sous-continent. « L’unité, l’unité, disait Bolivar, ou l’anarchie vous dévorera. » Un cri repris par Castro, qui développa sa réflexion sur le thème de la dette extérieure du tiers-monde. Le Cubain devint, pour un temps, « une conscience planétaire », note Jean-Pierre Clerc dans son Fidel de Cuba (Ramsay, 1988). Vers la fin, il ne réclamait plus la mort violente du pécheur capitaliste. Fidel faisait même profession, parfois, de vouloir sauver le capitalisme d’une « explosion sociale révolutionnaire », tout en réaffirmant qu’« un jour tous les pays du monde seront socialistes ».

« L’Histoire m’absoudra », affirmait Castro après l’affaire de la Moncada. L’Histoire jugera l’homme Fidel et sa révolution entachée de terribles violations des droits de l’homme, éclaboussée par les révélations sur les trafics en tout genre – à commencer par la drogue – décidés par Fidel lui-même pour regarnir les caisses vides de son régime. L’un des miracles de cette existence jamais en repos est qu’il ait si souvent échappé à la mort. Peu de dirigeants sur la planète ont pris autant de risques, se sont engagés sans réserve dans des aventures militaires scabreuses, ont été la cible de commandos au service d’opposants ou de la puissante CIA.

 

La baraka

La baraka. La chance l’a toujours accompagné, comme elle a accompagné un autre Galicien, le dictateur espagnol Francisco Franco, qui a toujours considéré avec une sympathie agissante ce fils d’émigrés gallegos, malgré l’éloignement de leurs idéologies. Fidel, né le 13 août 1926 à Biran, dans l’est de Cuba, a toujours revendiqué avec hauteur son ascendance espagnole. Au point de prétendre avoir le droit de vote aux premières élections démocratiques de juillet1977 en Espagne.

La désastreuse opération commando contre la Moncada ? « C’était une folie, une erreur tactique que je ne commettrais pas aujourd’hui », nous a déclaré Castro, bien plus tard. La chance, déjà. En fuite, Fidel est épargné par un lieutenant de l’armée qui pourchasse les insurgés survivants, un colosse noir nommé Sarria, qui a confié à Robert Merle : « On ne tue pas les idées. » Une chance insolente qui ne l’abandonna jamais, alors qu’il fut la cible de plusieurs dizaines de tentatives d’assassinat organisées par les services secrets américains. Aucun dirigeant, il est vrai, n’a été pendant si longtemps plus clandestin que Fidel. Pas de domicile fixe ou presque pendant plus de cinquante ans : autre record.

Amnistié, exilé au Mexique en 1955, il trouve des subsides aux Etats-Unis, rencontre Ernesto Che Guevara et se lie d’amitié avec lui. Après son débarquement près de la sierra Maestra, en 1957, on le croit mort ; il prépare son entrée en apothéose à La Havane, salué par l’opinion américaine. Le charme est rompu quelques jours plus tard par les exécutions de policiers de Batista, jugés en direct à la télévision. La période héroïque s’achève. Débute celle des crises, intérieures et extérieures.

Dès 1960, Washington commence à manifester son hostilité. John F. Kennedy donne son feu vert en avril 1961 à un débarquement d’anticastristes dans la baie des Cochons. L’opération tourne au désastre complet. Castro se proclame marxiste-léniniste. La dramatique « crise des fusées » de l’automne 1962 est une suite logique de cette mésaventure américaine. Elle a mis le monde au bord de la guerre nucléaire. On sait avec certitude aujourd’hui, d’après les Mémoires de Nikita Khrouchtchev, que Castro n’avait pas hésité à envisagerfroidement la troisième guerre mondiale, si c’était le prix à payer pour tenir tête aux Etats-Unis. Cet aveuglement avait stupéfié et irrité le dirigeant soviétique lui-même. « Nous avons le droit de penser par nous-mêmes » : cette formule des débuts, Castro la reprendra en 1988, pour justifier son refus de s’aligner sur la perestroïka lancée en URSS par Gorbatchev.

« Le parti est immortel »

Et après lui ? « Il n’y a pas lieu de s’inquiéter, a-t-il affirmé en 1985. Après Fidel, il y aura des quantités de gens qui vaudront davantage que Fidel. Les hommes meurent. Le parti est immortel. » Pourtant, la débâcle des régimes communistes a frappé Cuba de plein fouet. La question insistante qui se posait dans toutes les chancelleries, à partir de 1986, était : combien de temps Castro pourra-t-il tenir, seul contre tous sur la scène extérieure et entouré d’adulateurs à l’intérieur ?

Certes, il n’a jamais eu de statues sur les places de l’île. Mais le Castro vieillissant a exercé un pouvoir absolu, un contrôle de tous les rouages. La mégalomanie était inévitable. « Je suis la révolution », disait Fidel en 1991. Et de continuer à proclamer ce slogan nihiliste : « Le socialisme ou la mort ! » A quoi les opposants irrévérencieux ajoutaient sur les murs de La Havane : « Quelle différence ? » Fidel a assumé avec donquichottisme ce rôle déplaisant du cancre obstiné de la perestroïka. Il s’est conduit comme le pire des dirigeants staliniens dans l’affaire Ochoa, ce général couvert de lauriers en Angola, accusé par le gouvernement de « trafic de drogue », condamné à mort et fusillé le 13 juillet 1989. La comédie sinistre des procès de Moscou, transplantée aux Caraïbes. 

En août 1991, Fidel crut, l’espace de deux jours, que le sort allait lui être de nouveau favorable. Le coup d’Etat manqué des « conservateurs » du Kremlin fit reculer quelque temps le spectre de la fin de l’aide soviétique à l’économie cubaine aux abois. Puis Castro resta seul, face à une administration américaine déterminée à le laisser, dans la meilleure des hypothèses, « pourrir dans son coin », selon l’expression qu’utilisa le président George Bush père.

Mais Castro n’a voulu renoncer à aucun de ses principes, même s’il a dû accepter d’ouvrir le pays au tourisme – y compris sexuel – dans une tentative désespérée de faire entrer des devises. Le protecteur soviétique une fois disparu, qui aurait imaginé que Fidel parviendrait encore à maintenir, pendant plus de vingt ans, un pouvoir absolu sur son île ?

 

 


 

 


 

 

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25 novembre 2016 5 25 /11 /novembre /2016 20:28
Paul Lafargue

Paul Lafargue

Paul Lafargue, mort le 26 novembre 1911, il y a 105 ans. Et toujours actuel! 

Lu sur la page Facebook de Robert Clément, notre camarade du PCF parisien. 

A lire ou relire aussi, par Ismaël Dupont, un article du 15 février 2015: 

Macron te donne mal à la tête: relis Paul Lafargue et Le Droit à la Paresse


Paul Lafargue, résistant, rebelle, polémiste, gendre de Marx, député, en fuite en Espagne, en exil à Londres, suicidé volontaire avec sa femme Laura... La vie de l’auteur du Droit à la paresse est un vrai roman.


« PAUL LAFARGUE (1842-1911) Pas de dieu, mais un maître…"

un article de Frédéric Sugnot publié dans l’Humanité du 8 septembre 2011
 

« Sain de corps et d’esprit, je me tue avant que l’impitoyable vieillesse (…) me dépouille de mes forces physiques et intellectuelles, ne paralyse mon énergie et ne brise ma volonté (…) »
 

Ces quelques lignes que vous venez de parcourir sont écrites par Paul Lafargue, suicidé volontaire dans la nuit du 25 au 26 novembre 1911, dont l’histoire façon fiche Wikipédia a retenu qu’il était le gendre de Karl Marx et l’auteur du Droit à la paresse.

Lafargue a presque soixante-dix ans lorsqu’il se donne la mort quasiment en même temps que son épouse Laura Marx, fille de Karl, mais surtout inlassable compagne de cinquante années d’une vie agitée, et ce n’est pas qu’une formule. Une simple injection d’acide cyanhydrique suffira à les envoyer à tout jamais au cimetière du Père-Lachaise.

Au columbarium d’abord, avant que leurs cendres ne soient déplacées dans le carré des « politiques » face au mur des Fédérés.

Là même où, le 28 mai 1871, le pouvoir versaillais de Thiers fusilla les 147 derniers communards de Paris.

Quarante ans plus tard, c’est au Père-Lachaise toujours que souffle la voix de Jean Jaurès, directeur politique de l’Humanité, le 3 décembre 1911, jour des obsèques des époux Lafargue. Jaurès, rapporte le lendemain l’Huma, « commence d’une voix qui vibre dans l’air et atteint les plus éloignés des auditeurs ».

Près de 20 000 personnes sont venues suivre des funérailles où se pressent le ban et l’arrière-ban du socialisme européen au cœur d’un « abominable temps d’hiver, morne, noir ». À les lire un siècle plus tard, les paroles de Jaurès semblent réchauffer l’atmosphère. Ecoutons-le d’un trait tisser le souvenir de Paul Lafargue :

« Il était convaincu que par l’organisation du travail, grâce au progrès de la science appliquée au travail, la surabondance des produits permettrait d’effacer la limite des égoïsmes misérables et que tous les hommes pourraient alors jouir ensemble de tous les bienfaits de la nature en les dominant. »

Cette pensée généreuse naît, loin des frimas de décembre du Père-Lachaise, couvée par le soleil de la mer des Caraïbes.

Pablo Lafargue voit en effet le jour le 15 janvier 1842 à Santiago de Cuba. L’héritage de son grand-père Jean Lafargue parti s’établir comme planteur à Saint-Domingue vers 1780. La suite de l’histoire familiale donnera au jeune Pablo des ascendances indiennes, juives et mulâtre. L’un dans l’autre, tout cela fait de Paul Lafargue un métis – il le revendiquera – « fils » de trois peuples opprimés. C’est, si l’on doit faire de la psychologie de bazar, ce qui donnera peut-être au jeune Paul, revenu en France à l’âge de neuf ans, son don du combat.

En tout cas, c’est dans le Quartier latin à Paris où il s’inscrit en médecine en novembre 1861 qu’il commence à l’exprimer, fréquentant les organisations socialistes. En octobre 1865, lors du premier congrès international d’étudiants à Liège, il obtient son label d’agitateur en même temps qu’une fiche de police en proclamant à la tribune du congrès :

« Guerre à dieu, là est le progrès. »

Sur ce, en guise de cadeau de Noël, le 26 décembre 1865, le très martial conseil impérial de l’éducation publique exclut Lafargue à vie de l’université de Paris et pour deux ans de toute université française. Motifs : attaque des principes de l’ordre social et profanation du drapeau national. Lafargue ira donc continuer sa médecine à Londres. De l’autre côté de la Manche, va commencer sa carrière au « chevet » du mouvement ouvrier.

En février 1865, à Londres toujours, il présente au conseil général de l’Internationale un rapport sur la situation du mouvement ouvrier à Paris. Il fait également la connaissance de Karl Marx. Rencontre décisive : il épouse les idées du père et prendra pour femme une de ses filles, Laura.

« De toute ma vie, racontera-t-il plus tard, je n’oublierai l’impression que fit sur moi cette première rencontre. Marx était souffrant et travaillait au premier volume du Capital (…). Il craignait de ne pouvoir mener son œuvre à bonne fin et accueillait toujours les jeunes avec sympathie, car, disait-il, “il faut que je prépare ceux qui, après moi, continueront la propagande communiste”. »

Sa voie est tracée, ce sera celle de son maître. Pas toujours bien comprise, ni récompensée. En attendant, ils reviennent en France en 1868. La maison de Paul et Laura Lafargue à Levallois est réquisitionnée lorsque la guerre éclate en 1870. Elle est située sur la zone de tir des fortifs… Le couple se réfugie donc à Bordeaux, dans la famille de Paul où il continue de diffuser les circulaires de l’Association internationale du travail rédigées par Marx, et prend la défense de la Commune de Paris, s’activant pour l’étendre en province.

Après un court voyage à Paris en avril 1871, Paul revient enthousiaste à Bordeaux : « Paris devient invincible », écrit-il à Marx.

La Commune tombera pourtant un mois plus tard.

Elle restera l’horizon indépassable de Lafargue, ce qu’il résume ainsi en 1884 (cf. le Matérialisme économique de Karl Marx) : « La classe inférieure ne peut effectuer son émancipation qu’en détruisant la force intellectuelle et la force brutale de la classe régnante ; qu’en faisant précéder la lutte à main armée par une campagne théorique préparatoire. » Dans la pratique, à Bordeaux, son rôle d’agent de la Commune n’a pas échappé à la police. Elle lui file le train.

Le rapport sur Lafargue du premier président de la cour de Bordeaux, le 20 août 1871, n’est pas que burlesque : « On le voit parler et agir publiquement dans les élections municipales au nom de ces co-affiliés dont il est un des candidats. Jusque dans sa famille enfin, il fait trembler sa vieille mère sous la menace de ses doctrines. » Il est temps pour les Lafargue de fuir vers l’Espagne. Une péripétie dans l’existence de Paul et Laura, tellement intense qu’ils l’écourteront quarante ans plus tard. Ils usent là de leur droit au repos éternel. De toute façon, Paul, éphémère député de Lille (1889-1893), est déjà passé à la postérité pour son Droit à la paresse, pamphlet contre le travail publié en 1880.

Un programme précurseur que nous faisons nôtre pour conclure ce travail d’écriture : « Il faut que le prolétariat (…) retourne à ses instincts naturels, qu’il proclame les droits de la paresse, mille et mille fois plus nobles et plus sacrés que les phtisiques droits de l’homme, concoctés par les avocats métaphysiciens de la révolution bourgeoise ; qu’il se contraigne à ne travailler que trois heures par jour, à fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit. »

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23 novembre 2016 3 23 /11 /novembre /2016 15:47
Pour que la Bretagne devienne une terre de bonheur dans une France démocratique (diagnostic de territoire et projet du PCF Bretagne en 1964)
Pour que la Bretagne devienne une terre de bonheur dans une France démocratique (diagnostic de territoire et projet du PCF Bretagne en 1964)

... Les fédérations de Bretagne du Parti Communiste Français s'adressent à la population bretonne. 

Sous l'égide de la mémoire de Marcel Cachin, grand patriote breton, grande figure du Parti Communiste Français. 

On est en 1964, la brochure pédagogique de 30 pages, imprimée à l'Imprimerie Commerciale de Rennes, largement diffusée, coûte 0,20 centimes.

Le plan est simple et efficace:     

1. Ce n'est pas d'aujourd'hui...

Que la Bretagne est une région sous-développée. Ce "sous-développement de la Bretagne ne trouve pas non plus une explication satisfaisante dans la méconnaissance qui existerait à Paris des problèmes de notre province ou dans un mépris particulier pour les Bretons". C'est une résultante du régime capitaliste: "En régime capitaliste, les ressources nationales ne sont point exploitées en vue du bonheur des hommes. Une chose commande tout: le profit maximum pour les grosses sociétés qui détenant, directement ou indirectement, les principales richesses du pays, ont en main le pouvoir politique, pouvoir dont elles se servent uniquement pour satisfaire leurs intérêts privés. Si une région ne paraît pas à ces grosses sociétés susceptible de leur procurer des bénéfices rapides et massifs, on la délaisse".  

La situation de décrochage de la Bretagne s'aggrave

Les travailleurs bretons subissent un appauvrissement comme d'autres travailleurs français. Le revenu individuel moyen en Bretagne représente 66% du revenu moyen français contre 68,7% en 1958. "Les quelques implantations industrielles qui ont été opérées dans notre presqu'île sont loin de compenser une désindustrialisation constante qui fait qu'en ce moment, tous les ans, 20.000 bretons et bretonnes quittent les quatre départements "de la région de programme": Morbihan, Finistère, Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine. En 1896, il y avait 201.000 personnes employées dans l'industrie; ce chiffre était tombé à 139.000 en 1954; en 1962, il n'y en avait plus que 128.000".  

Halte au mirage des délocalisations industrielles en Bretagne (pour profiter de l'aubaine d'une main d'oeuvre bon marché): "Ce serait une immense et dangereuse illusion de croire qu'on peut, sous l'actuel régime, résorber le chômage en Bretagne par des implantations. Le gros patronat a besoin d'une main-d'oeuvre bon marché; cela suppose une main-d'oeuvre surabondante. Les demandeurs d'emploi ont augmenté de près d'un tiers entre 1957 et 1962. Nous sommes favorables aux implantations dans la mesure où elles sont faites pour l'homme et non pour le capital; mais nous croyons qu'une industrialisation véritable devrait s'appuyer essentiellement sur les ressources naturelles de la région. Une telle industrialisation créerait de très nombreux emplois. D'autre part, une mesure générale de réduction de la semaine de travail, sans diminution des salaires, réduction demandée par tous les syndicats ouvriers irait dans le même sens. Aujourd'hui, la semaine de travail en Bretagne oscille entre 48 et 60 heures!". 

2.  La Bretagne est-elle un pays pauvre? 

Momentanément oui, essentiellement non, car les ressources et les potentialités existent: la Bretagne peut se développer énergétiquement, grâce à l'accès à des sources d'énergie (énergie marine, barrages, charbons bon marché acheminé dans les ports, utilisation de l'uranium). La Bretagne peut sauver ses forges d'Hennebont que le pouvoir gaulliste veut liquider. La Bretagne peut développer ses arsenaux, ses carrières de granit et d'ardoise, reconvertir les arsenaux militaires en arsenaux de marine marchande ou de pêche, lutter contre la tendance de notre commerce maritime à se faire sous pavillon étranger, développer l'industrie de transformation agricole, l'industrie alimentaire. Pour développer ces activités économiques, il faut aussi des moyens de transports appropriés: "dans ce domaine, on peut dire que notre province est la plus sous-équipée du pays". L'urgence est aussi de maintenir des prix agricoles rémunérateurs pour nos agriculteurs, pour cela, il faut aussi que les ouvriers soient payés suffisamment pour acheter à leur juste prix les produits agricoles. Cela suppose donc toute à la fois une lutte contre le dumping du Marché commun et une augmentation du SMIG. Contrairement aux préconisations du CELIB et du pouvoir gaulliste, il faut protéger les exploitations agricoles familiales, les petites exploitations agricoles et ne pas tout miser sur les gains de productivité dus à l'agrandissement, au progrès technique, au remembrement. Il faut développer au maximum les coopérations paysannes, les coopératives.  Dans le monde de la pêche, il faut défendre la pêche artisanale, contre les logiques de concentration capitaliste au main de grands armateurs, lutter contre les importations intempestives et la mise en concurrence, développer les installations des ports. 

Dans le domaine social 

Les efforts à accomplir sont immenses. Accès à l'électricité, accès au confort moderne (13% des maisons bretonnes sont équipées de W.C; 7% de lavabos et de douches, un poste de radio pour 10 habitants). 

Il faut développer l'enseignement agricole, la formation professionnelle, liquider la ségrégation sociale dans l'accès aux études, rapprocher la recherche scientifique de la vie, développer les infrastructures sportives. 

3. Comment faire...   

"Si dans cette bataille pour notre Bretagne on jetait l'exclusive contre une fraction démocratique quelconque, nous affaiblirions les forces qui, dans l'union, peuvent être victorieuses. Seule l'union peut assurer la victoire. L'union des communistes, des socialistes, des catholiques, de tous les démocrates. L'union de tous les travailleurs bretons, ouvriers, paysans, intellectuels, artisans, commerçants, marins-pêcheurs et tous ceux qui vivent de la mer. L'union de toutes les générations. Cette union est possible parce que des Bretons, de plus en plus nombreux, et des milieux les plus divers, comprennent que c'est la condition fondamentale de la surviev de notre région". 

Suit un exposé du programme national du PCF contre le pouvoir personnel, les institutions de la Ve République, pour l'élection d'une Nouvelle Assemblée Constituante, la proportionnelle à toutes les élections, l'épuration de l'Etat et de la police de ses éléments fascistes, le respect de la laïcité, l'extension des libertés communales, les nationalisations, la généralisation de la Sécurité Sociale pour ceux qui ont d'autres régimes, une réforme fiscale démocratique et égalitaire, une construction massive de logements. 

4. Ce qui est possible tout de suite, tous ensemble.    

I. Sauver les forges d'Hennebont 

II. Sauver les arsenaux

III. Moderniser le réseau ferroviaire et de transports breton

IV. Défendre l'agriculture bretonne en permettant aux produits agricoles de s'écouler à un juste prix, en protégeant les agriculteurs des calamités agricoles. 

V. Appeler les Bretons à lutter pour la Paix et le Désarmement, la réduction du budget de la guerre.

 

La conclusion est belle, optimiste, pragmatique:

"Nous avons voulu, dans ce court document, exposer devant nos frères bretons notre opinion sur l'essentiel. Nous approfondirons les problèmes dans notre presse et nos revues. Notre programme breton non plus, n'est pas à prendre ou à laisser.

Nous croyons qu'il est sérieux, réaliste, mais un programme commun d'action ne peut être élaboré que par tous ceux qui sont décidés à agir ensemble, après une discussion fraternelle et approfondie. 

En conclusion, formulons un dernier voeu: Souhaitons de tout notre coeur que les volontés engerbées de tous les démocrates bretons donnent un démenti, parce que les temps l'exigent, au chant dont nous berçaient nos pères: "Kousk, Breiz Izel...", "Dors, Bretagne"...     

 

 

  

 

 

   

Pour que la Bretagne devienne une terre de bonheur dans une France démocratique (diagnostic de territoire et projet du PCF Bretagne en 1964)
Pour que la Bretagne devienne une terre de bonheur dans une France démocratique (diagnostic de territoire et projet du PCF Bretagne en 1964)
Pour que la Bretagne devienne une terre de bonheur dans une France démocratique (diagnostic de territoire et projet du PCF Bretagne en 1964)
Pour que la Bretagne devienne une terre de bonheur dans une France démocratique (diagnostic de territoire et projet du PCF Bretagne en 1964)
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23 novembre 2016 3 23 /11 /novembre /2016 11:12
Gracchus Bafeuf

Gracchus Bafeuf

Gracchus Babeuf, né le 23 novembre 1760
lu sur la page Facebook de Robert Clément


Gracchus Babeuf par Claude Mazauric dans l'Humanité

 

1760-1797.

Il appartient à la catégorie des penseurs de la réorganisation de la société fondée sur la remise en cause du "droit de propriété". Il est considéré comme le premier protagoniste du communisme contemporain.

Vous souvenez-vous de ce film britannique qui évoquait la vie du chancelier d'Angleterre, Thomas Morus, l'ami et l'hôte d'Érasme, l'immortel auteur de l'Utopie, un film auquel avait été donné ce beau titre : Un homme pour l'éternité ?

C'est en pensant à ce film que m'est venu à l'esprit le désir, à mon tour, de situer Babeuf dans l'infinie durée où s'exprime la gratitude à l'égard de ceux qui ont combattu pour l'émancipation humaine.
De quoi donc, le dénommé François-Noël Babeuf, plus connu sous le prénom de « Gracchus», né picard en 1760, devenu parisien après 1789, condamné à mort à l'âge de trente-sept ans en 1797, est-il devenu, depuis deux cent douze ans, le symptôme ou l'incarnation, le symbole ou l'annonce, voire le manifeste toujours vivant ?

Doit-on le tenir pour le prophète exalté d'une sorte de « communisme » inter-âges qui occuperait une sorte d'à-côté, en parallèle à la grande histoire, celui des idées et des utopies sociales, de Platon à Lénine, vaste champ où se seraient illustrés entre autres, Thomas Morus, Campanella, Morelly (qu'on tenait pour être en réalité Denis Diderot car on ne prête qu'aux riches !), Étienne Cabet, William Morris et tant d'autres ? Pourquoi pas : Babeuf occupe effectivement sa place, qui est majeure, dans cette lignée-là et son nom s'inscrit à l'évidence, dans la suite des grands penseurs de l'inévitable réorganisation des sociétés, fondée sur la remise en question du fameux « droit de propriété » dont l'effet sera toujours d'établir l'inégalité entre les humains, comme le constatait tout simplement en 1777 un procureur du roi de Nantes qui déclarait qu'en vertu du « droit naturel », « celui qui est payé est subordonné à celui qui paie ».

Pourtant, Babeuf lui-même n'a jamais usé de l'énoncé « communisme » pour dire ses « rêves » (sic) ou préciser son projet ; sans doute, n'ignorait-il pas le mot qui était déjà en usage plus ou moins restreint, ici ou là. Mais il lui préféra des expressions plus concrètes, plus en harmonie avec les aspirations populaires que la Révolution avaient promues en formules de rassemblement politique : « bonheur commun », « égalité réelle » ou « parfaite », « communauté des biens et des travaux » ou « propriété commune » ; il préconisait l'

« association entière », exigeait l' « administration commune » au service des « co-associés », etc. Car Babeuf ne rêva pas seulement de transformer la société en en proposant le modèle théorique : il entreprit de s'y consacrer pratiquement et c'est bien ici, dans ce choix, que se montre son inépuisable originalité. Découvrant les immenses possibilités que recélait l'invention de la démocratie politique, laquelle fit irruption dans l'histoire des hommes avec la Révolution française, il n'eut de cesse de se servir du levier de la « politique », pour tenter de produire du réel à partir de l'idéel.

À cette fin, dès le mois de juillet 1789, il chercha à utiliser tous les leviers, ceux de l'information, celui de l'invention d'un mode d'écriture, de publication et de discours, l'art de semer l'agitation dans la foule, de favoriser la mobilisation des « frères », des « amis », et de tous les « autres » si possible, pour faire élire les plus déterminés aux postes clés et contraindre le gouvernement, bientôt celui de la République, à transformer l'ordre social à seule fin de fonder sur la valeur de « fraternité » les rapports entre des individus humains, devenant libres, oui « libres », parce qu' « égaux ».

En vérité, ce sont ses disciples posthumes, entre 1830 et 1840, qui ont fini par appeler « communisme » le corps de doctrine que Babeuf, avec ses amis les « Égaux », avait élaboré dans l'urgence et la chaleur des affrontements qui suivirent l'effondrement accéléré, après le 9 thermidor, du gouvernement révolutionnaire de l'an 2 de la première République. En quoi, ils ont fait de Babeuf le premier protagoniste du combat communiste contemporain pour l'égalité et le libre développement de chacune et chacun, condition première du « bonheur commun ».Vous ferais-je confidence ? C'est en 1958, à l'instigation d'Albert Soboul, que je suis entré dans l'univers de Babeuf dont je ne connaissais que quelques textes lus rapidement dans l'anthologie alors publiée dans la collection « les Classiques du peuple » par Claude et Germaine Willard. Cette découverte a réorienté mon existence. Depuis plus d'un demi-siècle : je ne me suis jamais éloigné de Babeuf, non pour me retrancher de l'actualité du monde mais au contraire pour mieux m'y impliquer.

Aujourd'hui, il est de bon ton de renoncer aux héritages culturels et de tenir pour vieilleries dépassées ce pour quoi nos pères et mères et nos frères d'espérance, naguère, ont combattu. Tel politicien ambitieux, maire périparisien d'une ville qui n'existait pas à l'époque de Babeuf et de surcroît « député », trouve un air dépassé au « socialisme » qui, selon lui, ferait très « dix-neuvième siècle » et propose aux siens de s'en affranchir ; tels autres, très proches de moi, assommés (on les comprend) par le rude et inacceptable échec des entreprises historiques issues de la révolution russe d'octobre 1917, du mot « communisme » dont on pensait qu'il en incarnait la substance, voudraient en faire abstraction.

On y renoncerait : dans la communication politique naturellement, mais aussi dans la programmation affichée d'une transformation sociale dont les prémisses apparaissent dans le cours même des luttes populaires, et même dans l'imaginaire des protagonistes. Billevesées que tout cela ! L'histoire, toute l'histoire est en nous, en chacune et chacun, et en nous tous collectivement : renoncer à s'inscrire dans son histoire, c'est renoncer à soi-même. En prolongeant le meilleur des ambitions émancipatrices venues du plus loin, et sans rien ignorer des étroitesses de naguère, des impasses et des échecs, des errements, des malfaçons et des crimes, c'est alors qu'on dégage le plus clair des horizons.

Revenons à Babeuf. François-Noël, son prénom de baptême, paraissait à ses yeux, symbole de soumission à la longue histoire de l' « Ancien Régime » cléricalo-monarchique. Comme d'autres révolutionnaires de son temps, il décida donc de s' « impatroniser » (sic) autrement. Le 5 octobre 1794, donnant le titre de Tribun du peuple au journal qu'il venait de fonder, comme étant, selon lui, la « dénomination la plus équivalente à celle d'ami ou de défenseur du peuple », Babeuf choisit simultanément de se prénommer « Gracchus ». Il justifia son choix par l'hommage qu'il voulait rendre aux Gracques, les fameux tribuns du peuple qui avaient voulu, de 133 à 121 avant Jésus-Christ, distribuer les terres du « domaine public » aux citoyens pauvres et accorder à tous les Latins la citoyenneté romaine. Babeuf s'en explique devant les lecteurs de son journal : « Je justifierai aussi mon prénom. J'ai eu pour but moral, en prenant pour patrons les plus honnêtes gens à mon avis de la République romaine, puisque c'est eux qui voulurent le plus fortement le bonheur commun ; j'ai eu pour but, dis-je, de faire pressentir que je voudrais aussi fortement qu'eux ce bonheur, quoiqu'avec des moyens différents. »
Entendons le sens des mots de Babeuf. Un « but moral » : que serait en effet la politique sans la morale ? Posture, cynisme, hypocrisie... « Les plus honnêtes gens de la République romaine » : s'inscrire dans la continuité du combat historique, même soldé d'un échec retentissant en son temps, pour l'émancipation humaine...

Mais avec « des moyens différents » : contemporain du siècle des Lumières, Babeuf met la question de la révolution sociale à l'ordre du jour de son temps, lequel se situe à l'orée du nôtre.
Oui, convoquons notre Babeuf d'hier, pour le présent et pour l'avenir...

Ce qui veut dire l'éternité" !

Claude Mazauric

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