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3 août 2021 2 03 /08 /août /2021 05:55

 

C’est officiel, les États-Unis et leurs alliés engagés dans une coalition militaire en Afghanistan vont quitter le pays. La plus longue intervention à l’étranger qui a duré une vingtaine d’années va ainsi prendre fin dans des conditions d’un enlisement peu glorieux et sans que ses objectifs ne soient atteints. Cette guerre commencée en 2001 au lendemain des attentats du 11 septembre ouvrit la stratégie de l’antiterrorisme pour renverser les taliban alors au pouvoir à Kaboul et réduire leurs protégés d’El Qaïda et va se conclure par un échec cinglant puisque les taliban sont de retour et déjà aux portes du pouvoir.

La guerre ingagnable de l’OTAN et de ses alliés

L’OTAN, bien vite adoubée par l’ONU et renforcée de quelques pays alliés, aura été le vecteur d’une intervention hors de l’espace euro atlantique, dans l’esprit des nouvelles orientations définies lors de son Sommet du cinquantenaire de 1999. C’est cette prétention à jouer le rôle de gendarme du monde qui s’effondre aujourd’hui. En réalité cette issue était attendue depuis déjà dix ans puisqu’Obama avait décidé, après dix ans de guerre, d’un retrait non négocié des troupes engagées sur place. À partir de 2011 les taliban savent que les Américains vont partir. Ils n’ont plus qu’à attendre et à assister à l’échec des efforts d’une construction d’un État « moderne et démocratique » par les intervenants extérieurs. Car le modèle subliminal des Occidentaux renvoie à l’issue de la Seconde Guerre mondiale lorsqu’il s’agit de reconstruire l’Allemagne après son effondrement. Mais l’Afghanistan n’est pas l’Allemagne et les islamistes radicaux n’ont jamais été mis en déroute, se sont reconstitués, ont pris appui sur le Pakistan voisin et ont essaimé dans de larges régions du monde.

Cette guerre a eu un coût énorme, pour l’Afghanistan d’abord qui connaît là sa deuxième guerre, après celle contre les Soviétiques de 1979 à 1989, puis la guerre civile qui vit les taliban l’emporter sur les « Seigneurs de guerre » et imposer leur chape de plomb sur le pays. Bref un pays en guerre depuis quarante ans. Son coût sur l’ordre international n’a pas été moindre. Après avoir humilié Moscou et contribué fortement à son effondrement, puis dopé l’islamisme radical en envoyant ses « Afghans internationalistes » sur différents terrains de luttes, ce petit pays, en passe d’infliger une défaite militaire à la coalition emportée par l’OTAN aura également contribué à façonner les traits majeurs du XXI° siècle. La population civile a terriblement souffert. Plus de 100 000 morts selon les Nations unies, des milliers de bombes déversées, une société plus corrompue que jamais, une culture et un trafic de drogue florissant alimentant 80 % du marché mondial d’opium, sans compter les morts indirectes de pauvreté et maladies causées par le conflit et l’absence d’un véritable État, jamais construit.

Le coût fut redoutable également pour les États-Unis. D’abord en terme humain, puisqu’on estime les pertes à près de 3000 soldats auxquels il convient de rajouter environ 4000 « contractors » – mercenaires des sociétés militaires privées –, 20 000 blessés graves et des pertes évaluées à 60 000 soldats dans les rangs gouvernementaux. La dépense engendrée se monte à près de 3000 milliards de dollars en ajoutant opérations guerrières, entraînement et aide économique souvent détournée. Un gâchis total.

Des enjeux qui dépassent le pays

Cette guerre, dont l’enjeu international dépassait largement le territoire afghan, n’a jamais été populaire aux États-Unis, sauf dans l’immédiat après-11 septembre. Mais pourtant, elle n’a pas suscité de fortes mobilisations internationales qui pourraient rappeler l’ampleur des grandes campagnes contre les guerres d’Algérie, du Vietnam ou plus récemment contre l’invasion de l’Irak, sans évoquer les solidarités aux causes emblématiques du peuple palestinien ou des luttes antiapartheid le l’Afrique du Sud. Ce qui a manqué, au-delà des traits détestables du régime de Kaboul, c’est l’existence de forces politiques et sociales avec lesquelles un partage de valeurs puisse se construire et auteur desquelles organiser une solidarité internationaliste. Car l’alternative au régime actuel soutenu par les Américains se présente déjà depuis longtemps sous les traits d’un retour des taliban, certes délestés de leurs protégés, les taliban.

Cette guerre a été menée dans des conditions d’un aveuglement total. Les Américains ont refusé – confortés par beaucoup de think tanks sans grande légitimité – de voir la progression des taliban forts de quelques dizaines de milliers d’hommes, de leur structuration en parti politique national, doté d’une direction et d’un chef, de l’appui apporté par le Pakistan pays allié des États-Unis et d’imaginer qu’il pouvait y avoir chez ce peuple une attente d’État à même de satisfaire aux besoins les plus essentiels, en termes de santé, d’éducation, de logement, de sécurité… Faute de s’atteler à la construction d’un tel État, le gouvernement en place a été court-circuité par des organismes internationaux donateurs d’aide étrangère sans connaissance du terrain et animés par des logiques bureaucratiques à mille lieues des réalités, et aspirant souvent les élites du pays. Des bataillons d’anthropologues envoyés en reconnaissance auraient été plus utiles que des images satellites ou des drones préparant le travail des forces spéciales.

Car ce qui a manqué le plus à la coalition c’est la connaissance du tissu local social dont l’absence est le talon d’Achille des interventions militaires en terre étrangère. Ce terrain social a totalement été méconnu par les militaires, ainsi que les liens familiaux, religieux, économiques entretenus entre les différentes populations et entre celles-ci et les taliban. Les troupes coalisées ont combattu un ennemi dont elles ne connaissaient pas les modes de fonctionnement, mais qui possédait l’avantage de la maîtrise du terrain et avait su de longue date infiltrer les institutions du pays.

Après 20  ans d’une coalition de l’OTAN, les résultats sont décevants. Le régime a certes était défait comme celui de Saddam Hussein ultérieurement, les groupes d’El Qaïda dispersés et réduits considérablement, mais les taliban prenant appui sur le Pakistan sanctuarisé sont aujourd’hui de retour et au bord du pouvoir. Ils multiplient les attentats et le pays n’a jamais été véritablement pacifié. La corruption s’est généralisée empêchant la reconstruction d’un État contourné par l’aide internationale, les ONG, et les différents opérateurs du développement. Les « Seigneurs de guerre » et le tribalisme se sont multipliés. La coalition s’est bunkerisée en enclaves ultra sécurisées et coupées de la population.

Mais surtout les conditions du départ ont été menées de façon maladroite à l’initiative de Trump, puis par Biden, par contact direct avec les taliban, en passant par-dessus la tête du gouvernement afghan, considéré comme partie mineure. Le seul souci des États-Unis étant qu’un régime sous la férule des taliban ne redevienne pas un sanctuaire pour des groupes terroristes. Seul cet engagement les intéresse. Les taliban ne sont pas en recherche de négociations inter-afghanes avec le régime actuel de Kaboul dont le monde pressent la fin. Ils n’ont plus rien à négocier avec personne, le départ des troupes étrangères étant déjà acquis. Ils se préparent à la séquence suivante : investir Kaboul et défaire le régime en place, quitte à initier une nouvelle guerre civile. Le retrait a déjà commencé. La grande base militaire de Kandahar, construite par les Soviétiques et située dans le sud du pays dans une zone à forte présence talibane, a été évacuée nuitamment en catimini  sans concertation avec l’armée afghane, et ne laissant en service que la base de Bagram près de Kaboul comme tête de pont. La Maison Blanche annonce que l’armée américaine possède la capacité en ouvrant de nouvelles bases militaires dans des pays frontaliers – en Ouzbékistan et au Tadjikistan – de disposer de moyens de surveillance, voire d’intervention, pour empêcher tout retour en force d’Al-Qaida dans cette région. Même intention annoncée par Macron à propos de l’opération Barkhane. Faute de pouvoir rester sur le terrain, on déplace quelques moyens engagés en prétendant avoir la maîtrise de la suite des événements. Les Alliés de la coalition ont compris le sens de ces discours. La France a décidé  d’accorder l’asile politique aux centaines d’Afghans ayant travaillé pour elle, évidemment sans consultation des autorités du pays et témoignant ainsi de son pessimisme sur la capacité du régime à se maintenir en place bien longtemps.

Cette guerre afghane dépasse par sa portée le territoire de ce petit pays. Elle est emblématique des conflits asymétriques qui ont surgi à travers le monde et qui se transforment en guerre sans fin, dont les objectifs s’érodent en cours de route. L’enlisement est au bout du chemin. Elle confirme qu’on ne peut imposer la démocratie ou les droits de l’homme souvent mobilisés  par la force ou par décrets. La leçon devrait servir pour le Sahel.

 

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3 août 2021 2 03 /08 /août /2021 05:54

 

Le « projet Pegasus », dévoilé par Forbidden Stories, Amnesty International et 17 médias internationaux met au jour un nouveau scandale de surveillance mondiale. Éclairage d’Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

NSO Group, la compagnie israélienne qui commercialise le logiciel espion Pegasus, le présente comme un outil utilisé pour la lutte contre le terrorisme et la criminalité. Pourtant, les révélations faites depuis le 18 juillet par le consortium Forbidden Stories et le Security Lab d’Amnesty International, en partenariat avec 17 médias internationaux, montrent une tout autre réalité, où tout le monde ne semble pas avoir la même définition des mots « terroriste » et « criminel ».

Du Maroc à l’Inde, en passant par le Mexique et la Hongrie, 11 pays utilisent Pegasus depuis plusieurs années, pour surveiller massivement des activistes, des journalistes – dont Mediapart, visé par le Maroc, des avocats et d’autres membres de la société civile. Au total, 50 000 numéros de téléphone, répartis dans 50 pays, ont été ciblés par ce logiciel espion. Dans le lot figurent aussi des membres du gouvernement français

Le logiciel espion permet de contrôler un smartphone à distance sans la moindre manipulation de l’utilisateur. Pour accéder au téléphone ciblé, nul besoin de cliquer sur un lien ou d’ouvrir un document, chose qui rend difficile toute suspicion d’infiltration. Une fois introduit, Pegasus permet un accès total au téléphone, des échanges de messages à l’activation à distance du microphone et de la caméra.

Une atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles aux conséquences parfois tragiques. Les révélations du « Projet Pegasus » mettent, par exemple, en lumière, de potentiels liens entre l’utilisation du logiciel espion par l’Arabie saoudite et l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en Turquie en 2018. Les téléphones de ses proches étaient infectés par le logiciel. Le journaliste mexicain Cecilio Pineda était lui aussi ciblé par Pegasus quelques jours avant son assassinat. 

Cette affaire n’a donc rien d’une simple écoute téléphonique ou d’un petit piratage de messagerie. Entretien avec Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International et ancienne rapporteuse spéciale de l’Organisation des Nations unies. Elle a notamment enquêté sur l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi et a elle-même reçu des menaces des autorités d’Arabie saoudite. 

Huit ans après les révélations d’Edward Snowden sur les agissements de la NSA, le projet Pegasus dévoile un nouveau scandale mondial de surveillance. Onze États ont eu recours à ce logiciel israélien commercialisé par le groupe NSO, pour espionner une liste de 50 000 numéros de téléphone à travers le monde. Parmi les cibles, beaucoup d’activistes, de journalistes, de militants et même des figures politiques. Quelle est la réaction d’Amnesty face à ces révélations ?

Agnès Callamard : Bien sûr, on aurait préféré que ce scandale n’existe pas. Mais vu que cela fait plusieurs années qu’Amnesty et d’autres organisations dénoncent les agissements de NSO et d’autres acteurs de l’industrie de surveillance, pour nous, un tel scandale, d’une échelle planétaire, est le bienvenu. Parce qu’il permet d’attirer l’attention sur ce problème et démontre vraiment l’étendue des dommages, des violations et des risques auxquels nous faisons face. Mais aussi à quel point personne n’est à l’abri de cette surveillance. 

Ce qui est aussi intéressant dans ces révélations, c’est que les personnes touchées ont des profils très variés. On a au moins 180 journalistes, des défenseurs, des activistes, des politiciens eux-mêmes, des membres du gouvernement, dont dix premiers ministres, deux présidents et un roi, qui ont été mis sous surveillance. Et ça s’étend aussi aux proches de ces cibles, aux membres de leurs familles.

La surveillance est une violation du droit à la vie privée. Mais dans le cas de Pegasus, ça ne s’arrête pas là. Vu les profils des personnes espionnées, il s’agit aussi de violations de la liberté d’expression, de la liberté de la presse, de la liberté d’informer et de violation potentielle de l’État de droit. Finalement, le projet Pegasus trahit une violation des principes démocratiques. Parce que quand des membres de l’opposition sont placés sous surveillance, quand même, ça questionne.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, nous avons aussi potentiellement une menace à la paix. Lorsqu’un État, n’importe lequel, surveille un individu aussi haut placé qu’un premier ministre d’un autre État, on entre quand même dans des dynamiques assez agressives. Ce logiciel espion est une menace à grande échelle. 

Le Security Lab d’Amnesty International a joué un rôle essentiel dans cette enquête. Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont vous avez travaillé ?

Mes collègues qui travaillent depuis plusieurs années sur les logiciels espions ont développé une méthodologie et une connaissance approfondies. Ça leur a permis de faire des études poussées sur des téléphones et de déterminer si l’appareil a été compromis ou pas. Ils savent maintenant quelles sont les preuves.

Le rôle de mes collègues a été, dans la mesure du possible, et en partenariat avec les journalistes du consortium, de se mettre en contact avec les cibles potentielles dont les numéros étaient sur cette liste de 50 000 numéros, et d’examiner leurs téléphones. Ensuite, l’équipe est capable de déterminer les moments du piratage d’une manière assez précise. 

La société NSO affirme vendre son logiciel uniquement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Que révèle un nombre aussi élevé de journalistes espionnés par ce même logiciel ? 

Ce que ça met en valeur, c’est le fonctionnement du pouvoir et ses dérives. Le fait que des individus qui ont accès à cette arme peuvent la mettre en œuvre à tout moment trahit aussi l’absence de régulation de ces technologies de surveillance. 

Des centaines de personnes peuvent utiliser cette arme sans qu’il y ait eu un accord de principe d’un juge, ou d’une autre institution qui scrute. Par exemple, quand des policiers veulent mettre un individu sous surveillance, il y a un processus à suivre, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Là, ce que l’on découvre, c’est qu’en termes de législation, dans la plupart des pays, y compris les pays démocratiques, la surveillance est très mal encadrée. Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. 

Ce sont des logiciels très mal encadrés. Très mal connus par le grand public mais aussi très mal connus par les parlementaires. J’espère au moins que ce scandale apportera une meilleure compréhension de la façon dont ils fonctionnent et démontrera que personne n’est à l’abri.

Selon vous, cette surveillance massive, dont les cibles sont aussi issues de la société civile, représente-t-elle aujourd’hui l’une des plus grandes menaces à travers le monde en matière d’atteinte aux libertés ? 

La surveillance est une arme, et pas seulement pour les États répressifs. Dans la mesure où elle est utilisée pour déterminer les faits et gestes des journalistes et que, dans certains cas, les journalistes peuvent être assassinés, la surveillance n’est pas une chose anodine. En elle-même, c’est une violation de la vie privée, mais elle préfigure d’autres violations, y compris potentiellement celle d’ôter la vie. 

J’ai beaucoup travaillé sur l’assassinat de Khashoggi. Lui, personnellement, on n’a jamais été en mesure de voir son téléphone, resté entre les mains des autorités turques, qui n’ont rien dit à ce sujet. En revanche, on sait que des proches de Jamal ont fait l’objet de surveillance et donc, ses communications à lui avec ces gens-là ont fait l’objet de surveillance, et il a été assassiné. On n’a pas les preuves de cause à effet entre la surveillance et le meurtre, mais il est possible tout de même de faire des liens. Les écoutes font partie de l’environnement de ce meurtre et en sont un aspect très important.

On sait aussi que le journaliste mexicain, Cecilio Pineda, était ciblé quelques semaines seulement avant son assassinat. Donc oui, pour moi, c’est une arme et une grande menace qui peut avoir de lourdes conséquences, dans la mesure où elle est utilisée contre la dignité, les droits humains, la démocratie. Elle peut être vraiment dangereuse. 

Parmi les 11 pays clients de NSO, avez-vous été surprise par la présence de certains États ?  

L’Inde, le Mexique et la Hongrie sont des États nominalement démocratiques. Mais en même temps, cela fait des années que l’on dénonce les débordements. Donc ce n’était pas énormément surprenant. La surveillance des journalistes en Hongrie est une source d’inquiétude qui s’ajoute à toutes les autres craintes que l’on a par rapport à ce régime et au fait que l’Union européenne n’a toujours pas agi pour régler cela. Le Rwanda est pays où la liberté de parole est extrêmement encadrée et où de nombreux activistes ont été réprimés. C’est un gouvernement qui met beaucoup l’accent sur le contrôle. Et dans le cas de l’Arabie saoudite, j’ai moi-même fait l’objet de menaces de la part des autorités saoudiennes quand j’enquêtais sur le meurtre de Jamal Khashoggi, même si mon téléphone n’a pas été ciblé. Voir que l’Arabie saoudite figurait parmi les clients de NSO ne m’a absolument pas surprise. C’est plutôt l’inverse qui m’aurait étonnée.

Le Maroc a, dans ses cibles, 10 000 numéros de téléphone à lui seul, dont ceux de journalistes et d’activistes. Comment est la relation entre Amnesty International, qui défend les droits humains, et le royaume chérifien ? 

Le nombre de personnes ciblées par le Maroc est édifiant. Mais c’est un peu difficile d’en parler parce que nos collègues au Maroc pourraient avoir des soucis. Ce que je peux dire, c’est qu’il y a quelques années déjà, Amnesty avait dénoncé le piratage du journaliste Omar Radi, qui a d’ailleurs été puni de six ans d’emprisonnement cette semaine. On en avait fait part à NSO, qui n’avait pas accordé d’attention à nos allégations puisque, de toute évidence, le Maroc fait partie de ses clients.

Qu’est-ce qui pourrait mettre fin à ces dérives de la part de ces États répressifs ? 

Ce qu’il faudrait, c’est un moratoire. Parce que cette industrie est incontrôlable et qu’on n’a pas encore les outils pour l’encadrer. La première chose à faire est donc d’interdire qu’elle soit exportée. Je veux bien reconnaître que cela risque de poser problème dans la lutte contre la criminalité, mais je pense que c’est un problème qui peut être pris en charge rapidement. Si on développe les méthodes qui permettent de s’assurer que la vente et l’exportation de ces outils deviennent soumises à des critères suffisamment forts, avec une surveillance juridique de la part des États qui exportent, le souci peut se régler.

On devrait aussi mettre en place des mécanismes qui permettent de démontrer que le logiciel, s’il est acquis, c’est pour la surveillance des criminels et des actes terroristes, et non pas à d’autres fins. Il y a urgence. Il faut s’équiper au plus vite de ces outils qui permettent de surveiller de près la mise en œuvre de ces logiciels. Je ne dis pas que c’est super facile. Mais on a quand même, au niveau de la communauté internationale, des règles pour la vente d’armes, pour les opérations de groupes privés de sécurité… Ce n’est pas la première fois qu’on doit faire face à quelque chose de ce type. On ne s’est juste pas donné les moyens d’encadrer cette industrie de la surveillance. 

Les révélations internationales sur l’usage par 11 États du logiciel israélien Pegasus n’ont pas suscité de vives condamnations de la classe politique française. Bien que le pays soit directement visé, peu de voix se sont élevées pour réclamer des sanctions à l’égard des États mis en cause. Vous attendiez-vous à cela ? 

La réponse du gouvernement français a été assez timide. D’un autre côté, ce n’est pas tellement en son honneur. Étant donné qu’ils ont été piratés de cette façon, ils ne vont pas s’en vanter. Par contre, j’espère qu’ils vont être prêts à prendre les initiatives demandées à l’échelle internationale pour que cette industrie fasse l’objet de contraintes, et que ce ne soit plus le Far West où rien n’est interdit. 

Concernant NSO, quelles réponses attendez-vous ?

Les onze clients sont des pays qui ont violé les termes d’exploitation de ce logiciel espion. NSO devrait donc mettre fin immédiatement à l’utilisation. Elle a les moyens d’arrêter les services qu’elle apporte à ses clients, elle devrait le faire de manière immédiate.

NSO devrait aussi indemniser les victimes car cette société est complice des agissements des États. Elle ne pouvait pas nier et dire qu’elle ne savait pas. 

Par ailleurs, de toute évidence, le gouvernement israélien a échoué car c’est lui qui a accordé une licence d’exportation pour la technologie de cybersurveillance au groupe NSO. De toute évidence, il a manqué à ses obligations parce que les risques potentiels liés à l’utilisation de ce logiciel étaient importants. Il est bizarre qu’ils n’aient pas réalisé ça avant. Le gouvernement israélien se doit de revoir en profondeur son système de licences d’importation à cette industrie. 

 

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2 août 2021 1 02 /08 /août /2021 05:51

 

Le gouvernement britannique a commencé la privatisation des établissements pour personnes âgées dans les années 1980. Aujourd’hui, les sociétés privées tiennent 76 % du secteur. En particulier les fonds d’investissement, prêts à tout pour de généreux rendements.

 

«Je pense qu’il est mort car il a baissé les bras. Les soins qu’il recevait étaient tellement médiocres, c’était épouvantable. » Toujours en colère, Philip* raconte le chemin de croix de son oncle, qui a passé les neuf dernières années de sa vie dans quatre maisons de retraite, avant de décéder du Covid, en février 2021.

Philip « n’aurait même pas hébergé un chien » dans la première structure où son oncle a été accueilli en 2012. Quand il s’en est aperçu, le neveu a plié les bagages de son parent, direction une nouvelle maison qui lui avait promis une meilleure prise en charge. Nouvelle déception, nouveau déménagement, et ainsi de suite pendant près d’une décennie, jusqu’à sa mort.

Philip aurait voulu que les dernières années de son oncle soient plus paisibles. Mais dans chaque établissement, le même cauchemar se répétait. Désespéré, le neveu assistait partout à la même course contre la montre d’un personnel toujours dépassé, sous-payé et démotivé. Philip a eu beau signaler les dysfonctionnements graves qui se déroulaient dans ces Ehpad privés aux autorités, et même une fois à la police, ses multiples plaintes n’ont jamais été suivies d’effet.

Dans le dernier, celui où son oncle a vraisemblablement été contaminé par le Covid, la pénurie de personnel était si grave qu’il a dû lui-même lui porter assistance. Lors d’une visite, Philip s’était ainsi aperçu que son parent se trouvait « en état de déshydratation sévère ». Comme il n’y avait pas de soignant disponible, il avait dû s’installer auprès de lui pour s’assurer qu’il reçoive bien le liquide de réhydratation nécessaire… Trois jours durant.

Au Royaume-Uni, où plus de 42 000 résidents des Ehpad sont décédés pendant la pandémie, l’histoire de Philip est loin d’être isolée. La presse anglaise s’est largement fait l’écho de ces tragédies familiales, mais peu d’articles se sont penchés sur le processus de privatisation généralisée des maisons de retraite qui les a souvent permises.

Et pourtant, comme nous le dit Eileen Chubb, dirigeante de l’association caritative Compassion in Care, « c’était horrible mais ce n’était pas une surprise ». Cette ancienne aide-soignante sait de quoi elle parle, elle qui défend depuis plusieurs années les droits des résidents des Ehpad, « traités dans ce pays comme des citoyens de seconde zone ».

Outre-Manche, le marché des Ehpad est très fragmenté, « atomisé », dit-on, ce qui est rarement bon signe. C’est une jungle d’entreprises détenant chacune une petite part du marché et se livrant une concurrence acharnée. Au total, cette multitude de sociétés privées détient 76 % des Ehpad, les autres étant gérés par des collectivités locales et des associations.

Cette privatisation généralisée n’est pas unique en Europe mais elle est pourtant bien singulière, selon Bob Hudson, professeur à l’université du Kent et expert en politiques publiques. L’externalisation britannique s’est développée de manière particulièrement agressive et « sans aucun garde-fou », écrit-il pour la revue de la London School of Economics. Les conséquences de cette libéralisation sans limites sont désastreuses : la situation des Ehpad ne « répond plus aux normes ordinaires, que ce soit en matière de choix ou de contrôle des établissements ».

 

Le problème, c’est que lorsqu’on privatise, l’argent passe avant tout.

Peter Folkman (Manchester Business School)

L’histoire aurait pu s’écrire autrement, d’après un autre professeur anglais, Peter Folkman, de la Manchester Business School. Pour lui, cette privatisation commencée il y a une quarantaine d’années, comme dans tout le secteur de « l’aide sociale », n’avait pas que des mauvais côtés. « Les économies d’échelle et les bonnes techniques managériales » apportées par le privé ont permis aux entreprises de faire « plutôt du bon travail » dans un secteur qui était en décrépitude, nous dit-il. Seulement, même ce libéral en convient, la machine s’est emballée : « Le problème, c’est que lorsqu’on privatise, l’argent passe avant tout. »

La véritable « dégringolade » a commencé avec l’arrivée sur le marché britannique des fonds d’investissement, en particulier des fonds de pension, il y a quelques années, se rappelle John Spellar, ancien ministre et député du parti travailliste. De véritables machines de guerre de la réduction des coûts, qui garantissent à leurs investisseurs des retours importants sur leurs placements. Ces organismes de placement collectifs ont la part belle outre-Manche : un cinquième du secteur repose entre les mains des cinq plus grosses multinationales et trois d’entre elles sont financées par des fonds d’investissement.

Le débarquement des fonds a fait baisser « les standards de qualité des établissements », explique John Spellar. « Désormais, ces derniers ne se sentent plus tenus pour responsables de leur gestion et ruinent les conditions de travail des salariés. » Il en découle, d’après lui, « une crise de recrutement dans les Ehpad et un défaut de soins pour les résidents ».

Pourtant, le député ne regrette pas la privatisation et voit même les avantages d’une « véritable union avec le secteur privé qui propose un système qui fonctionne ». Mais il est désormais convaincu que les « spéculateurs » n’ont pas leur place dans les Ehpad. Tout simplement parce que le secteur, par essence, n’est pas adapté au fonctionnement de ces machines à cash.

Petits risques, gros retours

« La population est vieillissante et les subventions publiques sont garanties. Pour un investisseur, les risques sont faibles », analyse Vivek Kotecha, chercheur et auteur du livre Plugging the Leaks in the UK Home Care Industry (« Colmater les fuites dans le secteur du soin au Royaume-Uni », 2019). Seulement, dit-il, « les retours sur investissement y sont tout aussi faibles ».

Faibles, vraiment ? HC-One, leader du marché britannique, a versé la somme faramineuse de 48,5 millions de livres de dividendes à ses actionnaires ces deux dernières années.

Ces fonds d’investissement ont leur secret pour transformer le plomb en or : « La dette, dévoile Peter Folkman, le professeur de Manchester. Beaucoup de dette. » La seule manière d’obtenir de tels retours sur investissement dans le secteur des Ehpad, c’est de « rajouter une haute dose de risque financier à la transaction et donc de maximiser la dette ».

Tant que les prix du foncier restent élevés, que la population vieillit et que les subventions de l’État demeurent régulières, cette stratégie fonctionne. Mais il suffit qu’un caillou s’immisce dans les rouages pour que tout le système déraille. Car dans ce type de montage financier, la marge de manœuvre pour se retourner en cas d’imprévu est quasi nulle.

 

À quoi bon mettre plus d’argent dans un système qui ne fonctionne pas ?

John Spellar, ancien ministre travailliste

Ce fut le cas pendant la crise financière en 2008, poursuit Peter Folkman. Au Royaume-Uni, la politique d’austérité qui a suivi le marasme économique a poussé les collectivités locales à réduire l’enveloppe allouée aux maisons de retraite. Privés d’une partie importante de leurs ressources, des groupes comme Southern Cross ne pouvaient plus rembourser leurs dettes et ont fait faillite.

Avec ce système fondé sur la spéculation, comment garantir que demain, à l’occasion d’une réduction budgétaire plus importante, des dizaines de milliers de résidents d’Ehpad ne se retrouvent pas dehors, sans toit sur la tête ? Davantage d’argent public ? Mais « à quoi bon mettre plus d’argent dans un système qui ne fonctionne pas ?, interroge le travailliste John Spellar. Tout ce que ça fait, c’est de fournir encore plus de matière à spéculer à ceux-là même qui ont contribué à démembrer le secteur ».

Pour Matt Egan, du syndicat Unison, c’est tout le système qui est à repenser. « Ne citer que quelques mauvaises pratiques à la marge est une erreur, c’est tout le système qui a été monté de façon à encourager les mauvaises conditions de travail et une mauvaise qualité de soin pour les résidents. »

Aujourd’hui, la pagaille est telle que même certains représentants de fonds d’investissement du secteur appellent à davantage de régulation publique. À l’instar de John Moulton, fondateur de Better Capital, qui réclame la mise en place d’une « réglementation appropriée ». Celle-ci, dit-il, « vous garantit de meilleures chances de succès, car elle renforce le pouvoir du régulateur financier. Si les entreprises ne sont pas performantes, alors ce dernier peut intervenir, prendre le contrôle et mettre en place un redressement judiciaire ».

Mais en dépit de cette volonté partagée par plusieurs acteurs importants, les gouvernements qui se sont succédé ont fait le choix de ne pas s’attaquer à ce chantier titanesque. Y compris cette année, en dépit des 42 000 morts du Covid dans les Ehpad et malgré les promesses préélectorales de rigueur en cette période, le gouvernement n’a rien annoncé de concret. Même la reine n’a évoqué qu’une possible réforme, dans son dernier discours. On peut supposer que la question du financement retient tout ce beau monde de passer à l’action.

 

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31 juillet 2021 6 31 /07 /juillet /2021 13:42

Les révélations de Forbidden Stories mettent les démocraties au défi de construire un cadre législatif pour prémunir les citoyens des logiciels espions, ces armes non conventionnelles. Le vide laissé par les États permet aux entreprises de prospérer en toute impunité.

Mata Hari ne porte plus de déshabillé en mousseline. Elle a désormais la froideur des outils numériques, s’infiltre dans les smartphones, aspire l’ensemble des données et prend le contrôle de leurs micros et de leurs caméras à l’insu de leurs propriétaires. L’affaire d’espionnage mondial Pegasus, un logiciel espion développé par la société israélienne NSO, a révélé comment les autocrates du monde entier surveillaient les chefs d’État, dont le président de la République Emmanuel Macron, les élus locaux, les journalistes, les avocats et les opposants.

En violation de la Convention européenne des droits de l’homme

La prolifération de ces armes non conventionnelles pose la question de la préservation du cadre démocratique et des libertés publiques déjà écornés depuis le 11 septembre 2001. Avant ceux de Madrid, Jakarta, Mumbai ou Paris, ces attentats avaient débouché sur une surveillance de masse des citoyens, pérennisée dans le temps au prétexte de lutte antiterroriste. Cette surveillance tient du projet de société : elle est rendue possible par le vide législatif qui, en violation de la Convention européenne des droits de l’homme, permet à ces technologies de prospérer. Toujours avec une longueur d’avance. Le seul contrôle des exportations paraît en effet dépassé face à l’industrie des logiciels malveillants.

Lire aussi : Pegasus. Le juteux business de l’écoute et des failles de sécurité

C’est ce qui a permis à Mark Zuckerberg de se poser un temps en garant de la démocratie face aux accusations d’ingérence russe dans la campagne présidentielle américaine de 2016. Qu’importe que le patron de Facebook ait lui-même tenté d’utiliser une fonction de Pegasus plus performante que ses propres technologies pour siphonner les données des utilisateurs du système d’exploitation iOS d’Apple. Un outil redoutable au moment où les Gafam, s’ils ne constituaient qu’une seule et même entité, jouiraient d’une puissance économique supérieure à celle du Japon.

« Il faut interdire ce commerce, supprimer la motivation du profit pour ceux qui y participent. » EDWARD SNOWDEN, LANCEUR D'ALERTE

«  Il devrait y avoir, selon moi, une responsabilité pénale pour toute implication dans ce marché. Il faut un moratoire global sur l’utilisation commerciale de ces outils. Il faut interdire ce commerce, supprimer la motivation du profit pour les gens qui participent à ça. Parce que le groupe NSO fermerait ses portes dès demain si ça ne lui rapportait plus rien, comme les autres compagnies de ce domaine », plaide Edward Snowden, accusé de haute trahison et contraint à l’exil après ses révélations sur le programme massif de surveillance de l’Agence nationale de la sécurité états-unienne (NSA) en 2013.

Lire aussi : Edward Snowden - « Ils ont hacké les libertés fondamentales »

Ce dernier, qui compare ces technologies intrusives à des armes non conventionnelles, s’indigne de l’inaction des gouvernements. Pour protéger la démocratie et les libertés individuelles, certains parlementaires de gauche avancent, dans le même esprit, l’idée d’un traité international de non-prolifération de l’espionnage de masse. Dans le sillage de l’affaire Snowden, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté la résolution 68/167, sur le droit à la vie privée à l’ère du numérique, qui condamne « la surveillance ou l’interception de communication, y compris en dehors du territoire national, ainsi que la collecte des données personnelles, notamment à grande échelle ».

Un mécanisme d’évaluation classé secret d’État

Le recours à des virus espions soulève en outre un débat de souveraineté. En 2018, afin que les États reprennent la main, la France lançait un « appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace  », qui, sans prévoir la moindre sanction, était pourtant loin de faire consensus. Des acteurs majeurs tels que les États-Unis, Israël, la Russie ou la Chine ne l’ont d’ailleurs pas ratifié.

En réalité, l’Organisation des Nations unies avait mis en place, dès 2004, un groupe d’experts gouvernementaux sur la cybersécurité, réuni seulement à cinq reprises. Et pour cause : après avoir conclu, en 2013, que le droit international était applicable au cyberespace, les négociations s’enlisaient quatre ans plus tard. De fait, personne ne plaide pour la transparence. En atteste la vente du logiciel Pegasus à des pays tiers grâce à l’aval d’une commission dirigée par le ministère israélien de la Défense et les services de renseignements extérieurs, le Mossad. Un mécanisme d’évaluation classé secret d’État.

Microsoft, qui a vu à maintes reprises ses failles de sécurité exploitées par les développeurs de logiciels malveillants, appelait, quant à lui, en février 2017, « à la signature d’une convention de Genève du numérique » et accusait les États d’être « responsables de la course au cyberarmement », rappelle Charles Thibout, chercheur à l’Iris. Une manière pour ces entreprises, historiquement liées à l’appareil d’État, au renseignement et à l’armée, de s’affranchir de toute légalité tout en consolidant leur puissance. Toujours selon Charles Thibout, cette absence de régulation « conduit les acteurs non étatiques à remplir le vide laissé par les États ». Jamais tranchée par le droit international, la question de la légalité de l’espionnage en temps de paix demeure un phénomène « extralégal » sur lequel prospèrent les Mata Hari 4.0.

« Des armes de guerre propres », selon Israël. Plusieurs salariés de NSO sont des vétérans de l’unité 8200, branche du service de renseignements militaire ­israélien. L’unité a créé sa première arme numérique en 2010 avec Stuxnet, virus d’une grande ingéniosité qui a permis de ralentir pendant des mois le programme nucléaire iranien en volant des plans, bloquant les centrifugeuses, reprogrammant les robots industriels… En 2007, déjà, Israël avait lancé un raid aérien sur un réacteur nucléaire syrien après avoir piraté les radars du pays. Dans sa doctrine publiée sur le site de son armée, Israël considère les attaques informatiques comme des armes de guerre propres.

 

 

 

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30 juillet 2021 5 30 /07 /juillet /2021 13:38

Les terribles inondations qui ont frappé l’Allemagne et la Belgique montrent combien le changement climatique se conjugue au présent (et au Nord aussi), illustrant la procrastination coupable de nos dirigeants. Maxime Combes, économiste, porte-parole d’Attac, les interpelle dans cette tribune.

Le changement climatique se conjugue au présent. Pas un jour ne passe sans que nous n’en éprouvions la dure réalité : 54,4 °C aux États-Unis, 49,6 °C au Canada, 47 °C au Maroc, surchauffe en Sibérie, canicule à New Delhi, feux de forêts en Californie et désormais, le tout en moins de trois semaines, des inondations destructrices en Chine, Allemagne, Belgique et Autriche. Des villes et villages sont peu ou prou rayés de la carte, des centaines, peut-être des milliers de personnes ont perdu la vie, en tout des millions de personnes affectées, des écosystèmes détruits ou transformés à jamais, sans même parler des dizaines ou centaines de milliards d’euros de dégâts, ni de tout ce qui ne peut être réduit à de la menue monnaie.

Territoires martyrs de la procrastination coupable des dirigeants

L’indécente « loi du mort-kilomètre », cette loi journalistique qui relie l’intérêt médiatique à la distance de l’événement, s’est subitement rabattue sur des territoires proches, faisant la une des JT, avec des images spectaculaires qui ont frappé nos imaginaires comme rarement. Chacune et chacun commence en effet à toucher du doigt que « l’événement climatique exceptionnel et sans précédent », ainsi nommé par des dirigeants politiques pressés de se dégager de leurs propres responsabilités, est en fait en train de devenir la règle. On passe de l’exceptionnel à la banalité. Les scientifiques l’annonçaient, cela devient réalité.

Lytton au Canada, Ahrweiler, Euskirchen ou Schuld en Allemagne, Verviers ou Pepinster en Belgique sont devenues les villes martyres de notre temps : comme tant d’autres sur la planète, voilà des territoires et lieux de vie meurtris et détruits par les conséquences du changement climatique. Mais pas seulement. Ce sont également des territoires martyrs de la procrastination et de l’inaction coupables des dirigeants politiques et économiques : parler de « catastrophe naturelle » ne saurait éluder leur responsabilité tragique de n’avoir lutté efficacement depuis des années contre le changement climatique et ses conséquences.

Que ne comprenez-vous pas dans le terme « urgence climatique » ?

Ensemble, il nous faut donc les interpeller : que ne comprenez-vous pas dans le terme « urgence climatique » ? Que nous faudrait-il donc expliquer que tant de rapports du Giec ont déjà énoncé avec clarté depuis des dizaines d’années ? Que n’avez-vous donc pas compris dans cette phrase du premier rapport du Giec rédigé en 1990, rappelée avec à-propos par le climatologue belge Jean-Pascal Van Ypersele : « l’effet de serre accentuera les deux extrêmes du cycle hydrologique, c’est-à-dire qu’il y aura plus d’épisodes de pluies extrêmement abondantes et plus de sécheresses prononcées » ?

Lire aussi : Climat. Au Giec, une fuite échaude les débats climatiques

Qu’attendez-vous donc ? Qu’il y ait toujours plus de territoires devenus invivables ? Pourquoi les précédents rapports du Giec annonçant des zones devenant inhabitables ou des ruptures d’approvisionnement alimentaire ne vous ont-ils pas conduits à tout revoir, de fond en comble ? Pourquoi nos interpellations et mobilisations ne sont-elles suivies que par de grands discours et des temporisations fautives ? Pourquoi constate-t-on votre refus de transformer les soubassements énergétiques de notre formidable machine à réchauffer la planète qu’est notre système économique ? Comment se fait-il qu’une ministre de la Transition écologique puisse justifier une énième reculade, sur les chaudières au fioul, au nom de la « volonté d’y aller tranquille » ?

URGENCE CLIMATIQUE : les mots ont-ils encore un sens ? Cela fait trente ans que les dirigeants politiques et économiques faillissent. En trente ans, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) ont augmenté de plus de 60 %. Qu’ont-ils donc fait ? Dès que les enjeux deviennent sérieux, dès qu’il s’agit de prendre des décisions qui touchent à la puissance des lobbies, aux pouvoirs et droits acquis des multinationales ou aux règles qui organisent l’économie mondiale, ils tergiversent, reportent à plus tard ou acceptent de se conformer aux exigences des acteurs économiques et financiers.

Le résultat est là, il nous éclate en pleine figure

Les opérations de communication et de greenwashing, qui ont été substituées à toute politique climatique ambitieuse, ne nous sont d’aucune aide. La réduction drastique des émissions de GES n’est pas menée à bien. La loi climat entérinée par un vote solennel de l’Assemble nationale mardi 20 juillet en est l’exemple le plus abouti : à peine votée, elle est déjà obsolète au regard des objectifs à atteindre d’ici à 2030 (– 55 % à – 65 %). Elle est de plus complètement ringardisée par les propositions, pourtant insuffisantes, que la Commission européenne vient de publier.

Lire aussi : « Green Deal » européen : vous reprendrez bien un peu de marché carbone ?

Sombre tableau auquel il faut ajouter le retard des politiques d’adaptation au changement climatique, pourtant justement rendues urgentes et nécessaires par cette procrastination coupable. C’est la double peine climatique : le réchauffement commence à nous frapper durement tandis que nos infrastructures, nos institutions, nos habitations, nos services publics n’y sont pas préparés. Voire qu’ils sont mis à mal par leurs décisions : en 2017, les libéraux ont réduit de 30 % les effectifs des services de secours en Belgique.

À rebours, ces catastrophes climatiques montrent aux yeux de toutes et tous qu’il est absolument impossible d’imaginer qu’il sera possible de s’adapter à n’importe quel niveau de changement climatique et que l’on peut donc continuer à émettre autant de GES. Sauf à accepter de rendre des territoires entiers invivables et inhabitables. Des phénomènes climatiques irréversibles sont enclenchés mais il ne sera jamais trop tard pour agir : quand on oublie de descendre du bus ou du métro à la station prévue, on n’attend pas d’être au terminus pour faire demi-tour. Chaque tonne de GES compte.

Seul un puissant ouragan citoyen pourra nous sortir de l’ornière

En 1990, la génération Greta Thunberg n’était pas née. Plus de trente ans plus tard, cette génération manifeste pour le climat, interpelle, fait la grève de l’école, convainc autour d’elle, s’engage à travailler et produire différemment. Bref, avec ses moyens, elle essaie de résoudre un immense défi dont elle n’est pas responsable. Plutôt que se mettre à son service, celles et ceux qui nous dirigent passent leur temps à décrédibiliser les propositions de la société civile en inventant des termes dénués de sens (écologie punitive, écologie positive, écologie de production) et à édulcorer les propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

En matière climatique, ce ne sont pas les Gaulois récalcitrants qui posent problème. Non. C’est l’inertie des gouvernements. Il n’y a pas d’écologie punitive. Ce sont leur inaction et leur procrastination qui sont punitives. Et coupables. Fondamentalement, elles sont même un crime climatique. L’insécurité devient écologique, aggravée par l’incurie de nos gouvernements. Ne laissons pas notre droit à la sûreté soumis à un tel arbitraire. N’attendons pas des dirigeants politiques qu’ils fassent demain ce qu’ils n’ont pas fait hier.

Organisons-nous pour reprendre la main. Sur le terrain, en solidarité avec celles et ceux qui sont affectés par les conséquences du réchauffement climatique et pour déployer toutes les expériences alternatives là où c’est possible. Dans les organisations de la société civile pour rouvrir le champ des possibles. Enfin, en tant que citoyennes et citoyens de ce pays, saisissons-nous des prochaines échéances électorales pour faire campagne en faveur d’une véritable révolution écologique et sociale : seul un puissant ouragan citoyen pourra nous sortir de l’ornière.

(1) Auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, 2015).

 

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30 juillet 2021 5 30 /07 /juillet /2021 05:39

Agression terroriste contre l'ambassade cubaine à Paris.

Peu avant minuit, ce lundi, deux cocktails molotov ont été lancés contre l'ambassade de Cuba à Paris. Le feu a été rapidement éteint par le personnel et les pompiers.

Cette agression intervient le jour de la fête nationale cubaine, quelques heures après une déclaration du secrétaire d'Etat US Antony Blinken sur le " respect des droits et liberté" à Cuba, déclaration soutenue par les très "démocratiques" Brésil de Bolsonaro et la Colombie de Duque.

LE PCF CONDAMNE L’ATTENTAT LÂCHE CONTRE L’AMBASSADE DE CUBA (27 Juillet 2021)

 

Cette nuit, alors que des enfants étaient présents dans l’enceinte de l’ambassade de Cuba, le bâtiment a été violemment attaqué au cocktail Molotov.

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, a pu apporter son soutien à l’ambassadeur de Cuba, Elio Perdomo Rodriguez et a assuré le personnel de l’ambassade, encore sous le choc, de toute sa solidarité et celle du PCF.

 

 

Pourtant, face à cet acte inadmissible en France et au Blocus que subit le peuple à Cuba, la détermination des cubains et des cubaines reste intacte !

 Les auteurs de ce lâche attentat doivent être retrouvés et condamnés.

 Face aux injonctions américaines et au blocus qui lui est imposé, c’est à la nation cubaine et à son peuple de déterminer souverainement leur destin. Pas à l’administration américaine qui s’efforce depuis des décennies d’étrangler la révolution qui a débarrassé Cuba d’une dictature sanglante et qui l’a protégée des prédations des multinationales et des institutions financières mondiales.

Cuba ne se laissera pas déstabiliser !

 Le PCF demande au gouvernement français qu’il sorte de son silence et qu’il agisse pour la levée du blocus. Une enquête à la hauteur de la gravité de l’acte odieux contre l’ambassade de Cuba à Paris doit être lancée.

Communiqué de Presse d'André CHASSAIGNE, Député Communiste

 

Réaction de José FORT, Grand Reporter

 

 

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29 juillet 2021 4 29 /07 /juillet /2021 13:17

 

Le pré-sommet de l’ONU sur les systèmes alimentaires se tient en Italie jusqu’au 28 juillet. Il fait la part belle aux géants agro-industriels pour répondre aux enjeux d'insécurité alimentaire. 500 organisations contre-attaquent.

 

Ce sommet ne se fera « pas en leur nom ». Depuis le 26 juillet, ils se relaient au Nord comme au Sud pour faire entendre leur voix, celle du droit à l’alimentation et de la souveraineté alimentaire. En physique et en virtuel, 500 organisations de la société civile, de paysans, de pêcheurs, mais aussi de scientifiques et de peuples autochtones organisent un contre-sommet. En réaction à l’officiel.

Celui-ci se tient à Rome, jusqu’au 28 juillet, sous le nom de « pré-sommet sur les systèmes alimentaires ». Il prépare celui qui doit se tenir en septembre, à New York. L’objectif de ce rendez-vous : fournir une « panoplie de solutions » pour éliminer la faim en 2030, comme l’a fixé la communauté internationale.

Le constat est là, partagé par tous : la faim dans le monde s’aggrave « pour la sixième année consécutive et la pandémie est passée par là », souligne Valentin Brochard, chargé de plaidoyer souveraineté alimentaire du CCFD-Terre solidaire. 9 % de la population mondiale est sous-alimentée, 2,4 milliards d’individus sont en insécurité alimentaire, et les premières victimes sont des petits producteurs. Mais, pour répondre à ces enjeux, le sommet international, rebaptisé « sommet des peuples » pour l’occasion, pourrait donner les clés du camion aux multinationales.

« L’enjeu est colossal »

Pour la première fois depuis le premier sommet de l’alimentation en 1996 à Rome, cette édition 2021 n’a pas été demandée par les États. Mais par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à l’automne 2019, après avoir signé un partenariat avec le Forum économique mondial, soit les 1 000 plus grandes entreprises mondiales.

Pour les ONG, « l’enjeu est colossal. Ce sommet est un ovni, ce n’est pas un État égale un vote. Il y a un vrai risque d’accroître encore l’emprise du système agro-industriel », pointe Geneviève Savigny, membre de la Confédération paysanne et de la coordination européenne Via Campesina.

En la matière, rien n’est venu dissiper les craintes des 500 organisations réunies dans la plateforme Foodsystem4people (un système alimentaire pour les peuples). Et surtout pas la nomination de l’envoyée spéciale de l’ONU, Agnes Kalibata, ancienne ministre de l’Agriculture rwandaise mais aussi présidente de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra), une initiative émanant de la Fondation Bill-et-Melinda-Gates.

Des fausses solutions

« Depuis le début, toutes les modalités, les axes de travail sont dictés par les organisations privées », reprend Geneviève Savigny. Seuls 12 États, dont la France, ont été associés à l’organisation. Une petite partie de la société civile a fini par l’intégrer. Mais « ils ont choisi ce qu’ils appellent un “réseau de champions”, ils étaient les derniers invités et tout était imposé », continue Valentin Brochard, du CCFD-Terre solidaire. À tel point que deux anciens rapporteurs spéciaux pour le droit à l’alimentation, dont Olivier De Schutter, et celui en poste, Michael Fakhri, se sont inquiétés dans une tribune en mars dernier « du manque de multilatéralisme ».

Les solutions mises en avant sont encore plus inquiétantes : le sommet s’articule autour de cinq grands « domaines d’actions » pour trouver des « game changing solutions » (des solutions qui changent la donne). Un langage qui fleure bon le marketing. Au cœur de la réponse : des fausses solutions comme l’« agriculture régénératrice ». « Derrière, il y a toutes les technologies : numérisation de l’agriculture, viande in vitro, drones pulvérisateurs, les OGM. Ce n’est qu’une manière de confirmer un modèle agro-industriel qui fait la démonstration de son échec. Mais l’enjeu pour réduire la faim dans le monde, ce n’est pas de produire plus, c’est de réformer les systèmes alimentaires en assurant un revenu décent pour ceux qui cultivent et de promouvoir une véritable souveraineté alimentaire », reprend Valentin Brochard. Et pas de nouveaux marchés à prendre pour les multinationales.

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27 juillet 2021 2 27 /07 /juillet /2021 05:31

 

Alors que les carburants d’origine agricole ne représentent pour le moment que 3 % de la consommation mondiale contre 97 % pour ceux tirés du pétrole, cela suffit pour entretenir la spéculation sur le maïs et le soja. Du coup, le réchauffement climatique venant aussi perturber les récoltes, on constate une augmentation de la malnutrition et de la famine dans les pays pauvres. Directeur à Genève du bureau de la FAO, Dominique Burgeon en appelle à la responsabilité des chefs d’États et de gouvernements.

Par Gérard Le Puill

Tandis que le variant Delta de la Covid -19 fait progresser la pandémie à travers le monde, les effets de cette dernière sur la production et la commercialisation des produits agricoles font progresser la sous-alimentation et la faim, notamment dans les pays pauvres. Selon la FAO, l’agence spécialisée des Nations Unies, « en 2020, entre 720 et 811 millions de personnes dans le monde a été confrontée à la faim, soit environ 118 millions de personnes de plus qu’en 2019 ». Plus de la moitié de ces personnes sous-alimentées vivent en Asie, plus du tiers en Afrique et 8 % en Amérique latine. Mais la sous-alimentation existe aussi dans les pays capitalistes développés, même si cela se voit peu en raison du rôle joué par des associations caritatives. On constate en France une augmentation sensible des aides alimentaires dans les antennes du Secours Populaire Français, du Secours catholique, de la Fondation Abbé-Pierre et d’autres.

Dans certains pays, les conséquences des conflits armés se cumulent avec d’autres, imputables au réchauffement climatique. C’est notamment le cas au Yémen ; en Éthiopie dans la région du Tigré, au Soudan du sud avec certaines régions en proie à la guerre civile. À Madagascar, les sécheresses à répétition accompagnées de tempêtes de sable n’en finissent pas de réduire les récoltes au point que les habitants en viennent à manger des criquets et des feuilles de cactus.

Retard de » croissance pour 120 millions d’enfants

Selon Dominique Burgeon, directeur à Genève du bureau de la FAO, « dans certains pays, particulièrement les plus pauvres, où on a mis en place des mesures pour éviter la pandémie, les restrictions de déplacement ont empêché les petits agriculteurs d’écouler leurs productions sur les marchés », les privant aussi de revenu pour acheter des denrées qu’ils ne produisent pas. Inversement, « au niveau des villes, il a eu des problèmes d’approvisionnement » qui ont débouché sur des augmentations de prix, notamment dans les pays du Sahel.

Toujours selon Dominique Burgeon, quelque « 660 millions de personnes supplémentaires » pourraient souffrir de la faim en 2030, en partie à cause des effets à long terme de la pandémie de Covid-19 sur la sécurité alimentaire mondiale. Il note aussi que « 149 millions d’enfants de moins de cinq ans sont affectés par un retard de croissance » à cause de la malnutrition, avant de lancer cet avertissement : « Les sommets sur les systèmes alimentaires et sur la nutrition qui se tiendront dans les prochains mois sont des opportunités de remettre ces questions-là sur le devant de la scène et qu’il y a des approches beaucoup plus délibérées au niveau global pour mettre en place des portefeuilles de politiques et d’investissements qui permettent à terme de changer cette situation ».

40 % du maïs américain sert à produire de l’éthanol

Voilà qui est fort souhaitable. Mais à observer l’orientation spéculative des marchés alimentaires mondiaux face aux risques de pénurie, ce n’est pas ainsi que les choses se passent pour l’instant. On a pu observer que le prix mondial de la tonne de maïs avait augmenté de 50 % en quelques mois. On sait moins qu’aux États Unis, 40 % de la production de cette céréale, qui entre dans l’alimentation humaine comme dans celle du bétail, sert désormais à produire de l’éthanol pour faire rouler les véhicules. La même tendance est observable sur le soja brésilien et même sur le colza français pour produire du diester destiné aux moteurs diesel. Ces hausses brutales et fortes des prix des denrées agricoles pouvant être transformées en carburants réputés verts sont de nature à renchérir la production alimentaire dans les prochaines années au point de la rendre inaccessible pour un nombre sans cesse accru de ménages ne disposant que de faibles ressources.

Nous en avons déjà la preuve alors que seulement 3 % des carburants utilisés dans le monde sont d’origine agricole et proviennent essentiellement de la canne à sucre, de la betterave, du maïs, des palmiers à huile, du soja, du colza, du tournesol. Une partie vient même du blé qui sert à faire du pain pour les humains pour ce qui est du blé tendre et des pâtes alimentaires pour ce qui est du blé dur. Ajoutons que si ces « carburants verts » émettent un peu moins de CO2 que le pétrole au moment de la combustion dans le moteur, ce bilan est tronqué dans la mesure où il ne prend pas en compte le bilan carbone des labours, des engrais émetteurs de protoxyde d’azote, de l’énergie brûlée lors de la récolte, puis de la transformation en carburant, sans oublier la déforestation massive en Amazonie pour produire plus de canne, de soja et de maïs ; en Asie pour planter toujours plus de palmiers à huile.

Ce terrible constat arrive au moment où les incendies de l’été reprennent dans plusieurs régions du monde, tandis que des inondations catastrophiques sont aussi de nature à compromettre les rendements attendus des récoltes déjà impactées par les gelées du printemps en France et dans plusieurs pays d’Europe.

 

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22 juillet 2021 4 22 /07 /juillet /2021 11:49
Éditorial de l'Humanité -  Banditisme d’État - par Patrick Le Hyaric, 20 juillet 2021
Éditorial. Banditisme d’État
Mardi 20 Juillet 2021
 

Qui, dans les chancelleries européennes, peut sans fard prétendre qu’il ne savait pas ? La vaste opération menée par plusieurs États visant à soutirer les informations contenues dans des milliers de téléphones, grâce à un logiciel espion fabriqué en Israël par une société liée à son ministère de la Défense, est connue depuis quatre années désormais. Des régimes qui piétinent allègrement les droits humains en ont bénéficié pour écraser la voix des démocrates, pourchasser les oppositions politiques et espionner journalistes, avocats ou responsables politiques. À la clef, harcèlements, emprisonnements, assassinats… La lutte contre le terrorisme a décidément bon dos !

Ce silence devient complicité. Pourquoi aucune explication n’a été demandée ni au pays hôte du logiciel ni aux États qui en font usage contre leur population ? Il aura fallu qu’un consortium de journalistes s’y penche de plus près pour briser l’omerta.

Le président de la République ne peut rester inerte, sauf à se faire complice de ce banditisme étatique. Il doit demander des comptes, notamment au gouvernement israélien avec lequel l’Union européenne est liée par un accord d’association. Car une question se pose : Israël use-t-il du commerce de son logiciel comme d’une monnaie d’échange pour garantir son impunité et ses positions géopolitiques ? Une question loin d’être anodine alors que les rapprochements se sont multipliés précisément entre Israël et nombre des régimes incriminés, dont le Maroc, l’Arabie saoudite, les Émirats, le Rwanda ou encore la Hongrie, seul pays européen embarqué dans cette barbouzerie.

La France et l’Union européenne doivent également suspendre les accords d’association avec le royaume du Maroc qui cible des journalistes français, dont notre collègue et amie Rosa Moussaoui, coupables d’avoir eu le courage de révéler le sort atroce réservé à des journalistes marocains. Pour bien moins que ça, d’autres pays sont actuellement placés sous un sévère régime de sanctions.

Dans la course effrénée aux nouvelles technologies, les pouvoirs politiques et les forces économiques ont acquis une puissance inédite pour surveiller et réprimer. Les citoyens ne doivent pas rester seuls face à cette sous-traitance de la surveillance qui menace gravement nos libertés, dont celle d’informer.

La France doit saisir le Conseil de l’Europe sur ces agissements délictueux et criminels et travailler avec l’ONU à la mise en place d’une convention internationale de lutte contre ces armes numériques qui violent nos intimités autant qu’elles menacent nos libertés.

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18 juillet 2021 7 18 /07 /juillet /2021 07:08
Palerme, août 2020 - graf militant pour dénoncer l'abandon des migrants

Palerme, août 2020 - graf militant pour dénoncer l'abandon des migrants

Le Sea-Watch bloqué en août 2020 près d'Agrigente en Sicile (photo Ismaël Dupont)

Le Sea-Watch bloqué en août 2020 près d'Agrigente en Sicile (photo Ismaël Dupont)

Méditerranée. Migrants et réfugiés dans l’enfer libyen
Vendredi 16 Juillet 2021

Viols, travail forcé, tortures… les passagers capturés par les gardes-côtes libyens et livrés aux milices vivent l’horreur avec la complicité de l’Union européenne, selon un rapport d’Amnesty International.

 

La scène a lieu le 30 juin. Une traque meurtrière en Méditerranée filmée par l’ONG allemande Sea-Watch. Les gardes-côtes libyens ciblent une embarcation de fortune transportant 45 personnes, des réfugiés, dont de nombreux enfants, au large de l’île italienne de Lampedusa. Le bateau accoste le canot en tirant dans l’eau à balles réelles, tourne autour, prend de la vitesse, tente de le percuter, son équipage lance des objets dans sa direction. Mis en danger durant une heure et demie, les migrants échappent miraculeusement à l’opération criminelle quand leurs agresseurs en uniformes, solidement armés, abandonnent enfin et rebroussent chemin faute de carburant, rapporte l’ONG. L’incident a eu lieu dans la zone de secours de Malte. « En 2019, nous avons assisté à une scène similaire. (…) Mais ce qui s’est passé cette fois est encore plus brutal. C’est d’une violence que nous avons jamais vue jusqu’ici », commente Félix Weiss, membre de Sea-Watch. Les rescapés arriveront finalement sains et saufs sur les côtes italiennes. Stoppés par les gardes-côtes, ils auraient fini en territoire libyen, à Al-Mabani ou à Shara al-Zawiya, ces lieux d’esclavage, d’asservissement, d’humiliation, de sévices épouvantables. C’est là que sont détenus les réfugiés capturés et les migrants qui échappent au naufrage en haute mer. Des pratiques odieuses en cours depuis une décennie.

Sauvagerie organisée

Elles se sont poursuivies durant les six premiers mois de 2021, selon Amnesty International dans un récent rapport intitulé « La détention abusive des personnes réfugiées et migrantes débarquées en Libye ». Diana Eltahawy, directrice adjointe de l’ONG au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, parle d’un texte « terrifiant » et d’un nouvel éclairage sur ces souffrances révélées une fois de plus au grand jour, mais en vain. Plus de 7 000 personnes interceptées en mer ont été envoyées de force à Al-Mabani au cours de cette année. Ces détentions arbitraires se prolongent dans la barbarie. Tortures, violences sexuelles, travail forcé sont le lot quotidien des détenus. Les femmes, notamment, confient leur soumission forcée sous menace de viol, en échange d’une libération ou d’un produit de première nécessité, y compris d’eau potable. Ces horreurs ont lieu avec le consentement implicite des autorités libyennes. Celles-ci s’engagent à agir, à boucler les centres dénoncés, mais ferment l’œil en réalité.

Des sites informels de captivité, sous contrôle de milices, ont été rattachés au ministère de l’Intérieur, sans plus. L’administration a même « récompensé des personnes raisonnablement soupçonnées d’avoir commis ce type de violations en leur offrant des postes de pouvoir ou une promotion, ce qui signifie que nous risquons de voir les mêmes horreurs se reproduire encore et encore», souligne Amnesty International. Mais pas seulement. Cette sauvagerie organisée se déploie sur le lit de la coopération européenne avec la Libye en matière de contrôle de l’immigration et des frontières.

« Preuves accablantes »

Entre janvier et juin 2021, les gardes-côtes libyens ainsi soutenus ont intercepté en mer et reconduit en Libye quelque 15 000 personnes lors de « sauvetage » – soit plus que sur toute l’année 2020. « Malgré les preuves accablantes du comportement irresponsable, négligeant et illégal des gardes-côtes libyens en mer et des violations systématiques commises dans les centres de détention après le débarquement, les partenaires européens continuent d’aider les gardes-côtes libyens à renvoyer de force des personnes victimes d’atteintes aux droits humains, qu’elles tentaient de fuir en Libye », dénonce Diana Eltahawy.

Certains témoignages de ce qui se passe en mer sont glaçants. Des personnes se seraient noyées après le chavirement de leur canot, sous les yeux des gardes-côtes occupés à filmer avec leurs téléphones. Des passagers confrontés à un risque de péril imminent voient souvent passer des avions – l’agence Frontex exerce une surveillance aérienne – et des bateaux naviguer dans les mêmes eaux. Mais nul ne viendra à leur secours avant l’arrivée des gardes-côtes libyens, à l’évidence très bien informés. Selon Amnesty International, il n’y a presque plus de navires européens en Méditerranée centrale, histoire de ne pas avoir à secourir de malheureux naufragés. L’Europe forteresse est loin de mettre fin à ces arrangements sans égard aucun pour la dignité de milliers de réfugiés. « Encore une fois, notre Parlement et le gouvernement signent leur propre complicité avec les horreurs et les violations systématiques des droits humains et du droit international qui sont perpétrées en Libye et sur la route de Méditerranée centrale », note Nicola Fratoianni, député et secrétaire de la Gauche italienne, après le vote, jeudi 15 juillet, de la poursuite de l’aide militaire et matérielle aux gardes-côtes libyens.

Méditerranée. Migrants et réfugiés dans l’enfer libyen (L'Humanité, 16 juillet 2021, Nadjib Touaibia)
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