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3 septembre 2021 5 03 /09 /septembre /2021 05:46

 

Cette question était le titre d'un des ateliers organisés par le secteur international lors des universités d'été. Une nouvelle fois, les questions migratoires sont au cœur de l'actualité.

 

 

Aujourd'hui ce thème est abordé à partir de l'Afghanistan, hier c'étaient la Syrie et la Libye, auparavant à partir de la Tunisie avec un cynisme récurrent qui parle de flux migratoire et jamais d'humains.

Comme souvent, concernant ce sujet, il est nécessaire de rappeler quelques réalités. La première étant que l'immense majorité des réfugiés, des déplacés vont dans les pays limitrophes. Par exemple, l'essentiel des réfugiés afghans sont et seront accueillis par le Pakistan et l'Iran, tout cela dans de très mauvaises conditions d'accueil et de vie.

Nécessaire de rappeler aussi que la politique migratoire est une politique nationale et non européenne qu'aucun État ne veut transférer, en particulier la politique des visas et de condition de l'obtention du droit d'asile. Il est aussi utile de rappeler que les conditions d'obtention du droit d'asile en France se sont considérablement durcies suite à une frénésie de lois ces dernières décennies.

Ainsi la politique de la France est assez similaire à l'ensemble des pays de l'Union européenne : fermeture des frontières, valider les murs qui se construisent, rejet des bateaux de sauvetage en Méditerranée, durcir les conditions d'obtention du droit d'asile, multiplier les reconduites dans le pays d'origine, maintien des CRA (Centre de Rétention Administrative), respect des accords honteux de l'Union européenne avec des pays comme la Turquie pour « sous-traiter » les accueils de réfugiés ou même avec l'Afghanistan en 2019 qui à ce moment-là était défini par l'UE comme un pays sûr, ce qui permettait de faire des reconduites dans le pays d'origine. En 2019, la France a renvoyé plus de 400 personnes en Afghanistan.

La France a stoppé les retours d'Afghans seulement en juin 2021.

Le taux de protection de la France c'est-à-dire le taux d'acceptation du statut de réfugiés ou de protection subsidiaire est depuis plusieurs années aux alentours de 25 % après les études de dossier de l'Ofpra et de 35 à 40 % après les recours de la CNDA.

"Les maires communistes ont signé une tribune disant oui à l'accueil et se disant prêts à le faire dans leur ville."

Par exemple, en 2020, il y a eu 95 600 demandes (mineurs inclus) dont 86 620 premières demandes et 8 830 demandes de réexamens. Parmi ces demandes 10 100 venaient d'Afghanistan, 5 800 de Guinée, 5 050 du Bangladesh, 4 950 de Côte d'Ivoire, 3 970 du Nigéria.

Seulement 33 000 dossiers acceptés soit 23,7 % par l'Ofpra et 37,7 % après recours auprès de la CNDA.

En 2019, c'étaient 132 700 demandes dont 10 015 Afghans et 46 200 personnes qui ont obtenu le droit d'asile.

Aujourd'hui, il y a donc une certaine hypocrisie de la part du gouvernement Macron qui fait semblant d'ouvrir les portes de la France aux réfugiés Afghans alors qu'il les a fermées pendant toutes ces années. La palme de l'hypocrisie revient à la ministre Marlène Schiappa qui demande aux maires de joindre les actes à la parole au sujet de l'accueil de réfugiés alors que l'État se repose complètement sur les politiques volontaristes des maires.

En effet, les maires communistes ont signé une tribune disant oui à l'accueil et se disant prêts à le faire dans leur ville, c'est aussi le cas de la plupart des maires de grandes métropoles comme Marseille.

Mais pour l'instant, ces volontés politiques se font à budget constant et aucun accompagnement de l'État ne vient appuyer les budgets des villes. Et malgré cela, des projets naissent, des lieux d'accueil se construisent comme l'a expliqué Audrey Garino, adjointe à la mairie de Marseille, chargée des affaires sociales, de la lutte contre la pauvreté et de l'égalité des droits.

Cécile Dumas

Responsable-adjointe du secteur international

Chargée des enjeux migratoires

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31 août 2021 2 31 /08 /août /2021 05:13

L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 19 au 25 août 2021 – par Patrick Le Hyaric.

Au cœur de l’été, l’amplification des événements météorologiques, accompagnés de leurs terribles souffrances et de leurs deuils, s’est invitée à notre table, en pleine pandémie, sans masque. S’ajoutant aux innombrables décès dus au Covid 19, en partageant les mêmes origines, mégafeux ou pluies diluviennes, canicules et sécheresses envahissent des pans de la planète, avec leurs lots de destructions et de morts. Le sixième rapport du Giec (1) sonne l’alerte rouge, à moins de trois mois de la nouvelle conférence sur le climat qui doit se tenir à Glasgow (COP26). De grandes parties de notre Terre commune vont devenir invivables si la communauté humaine ne réussit pas à réduire beaucoup plus rapidement sa production de gaz à effet de serre due essentiellement à la combustion de charbon et de pétrole. Sachant que l’ampleur avec laquelle notre planète se réchauffe n’a pas d’équivalent dans l’histoire, ne pas s’engager dans cette voie reviendrait à accepter d’irréparables désastres. La fonte des glaciers, la montée des eaux des océans, la modification des écosystèmes océaniques et terrestres mettraient en cause la sécurité alimentaire mondiale et provoqueraient, par conséquent, des déplacements de populations à grande échelle vers des zones moins touchées. Une course de vitesse est donc engagée tant chaque jour et chaque dixième de degré compte pour sauver l’humanité. Songeons qu’un enfant qui naît aujourd’hui peut connaître cette catastrophe. C’est dire nos responsabilités ! Et ce ne sont pas les rodomontades culpabilisantes envers les citoyens-consommateurs par un écologisme politicien qui peuvent nous sortir d’affaire.

Trois milliards d’êtres humains manquent de l’essentiel, alors que les 10 % les plus riches de la population émettent plus de la moitié du gaz carbonique. Le système capitaliste et sa soif jamais étanchée de profit sont bien en cause. Ce sont à la fois le modèle productif de l’agrobusiness, favorisé par exemple par la politique agricole commune, les banques et assurances, avec la liberté totale de circulation des capitaux spéculatifs, les privatisations des ressources énergétiques et des transports mais aussi la conception des villes et des logements comme les systèmes de distribution et de consommation qu’il s’agira radicalement de dépasser. Certes, à chaque grande réunion internationale, les chefs d’État et de gouvernement rivalisent d’engagements aussi dérisoires qu’hypocrites devant micros et caméras sur l’inversion des tendances actuelles. Rentrés en leurs palais, ils défendent les intérêts de classes et poursuivent la guerre intracapitaliste au service de leurs multinationales, dont celles qui ont paraît-il la « bonté » d’investir dans leur pays en bénéficiant de ponts d’or. C’est ce qu’il s’est passé il y a quelques semaines au grand « raout » du château de Versailles avec le président Macron à genoux devant les milieux d’affaires nord-américains. Sachant que la durée de rotation du capital investi est dix fois plus importante que celle d’un mandat présidentiel, on mesure l’urgence à porter des actions et un débat populaire sur les réorientations des productions afin de les mettre au service des besoins humains, démocratiquement décidés. La vie humaine et celle des écosystèmes sont antagonistes avec l’accumulation capitaliste et la « concurrence libre », prétendument non faussée, qui génèrent à la fois inégalités sociales et destructions environnementales. C’est au contraire un monde de coopération, de partage des avoirs, des savoirs, des pouvoirs qui est à l’ordre du jour. L’appropriation sociale, citoyenne et démocratique de larges secteurs de l’économie, le postcapitalisme deviennent l’intérêt supérieur de l’humanité. L’émancipation humaine et le respect des écosystèmes doivent prendre le pas sur toute autre considération.

*GIEC : Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat.

 

 

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30 août 2021 1 30 /08 /août /2021 06:11

Des dizaines de Palestiniens non armés, y compris des enfants, ont été assassinés depuis la fin de l’offensive israélienne de mai. Néanmoins, tout cela est désormais tellement banal que les médias israéliens et l’armée l’évoquent à peine.

 

En apparence, la situation est relativement calme ces derniers jours dans les territoires occupés par les Israéliens. Pas de victime israélienne, quasiment aucune attaque en Cisjordanie et absolument aucune en Israël même. Gaza est relativement calme depuis la fin de la dernière offensive d’Israël là-bas, l’opération Gardien du mur.

En Cisjordanie, le train-train désespérant du quotidien se poursuit pendant cette soi-disant période de calme – ironie suprême quand on fait attention à ces chiffres terribles : depuis mai, plus de quarante Palestiniens ont été tués en Cisjordanie.

En l’espace d’un weekend fin juillet, l’armée israélienne a tué quatre Palestiniens, dont un enfant de 12 ans. Parmi ces quarante, deux venaient du même village, Beita, qui a dernièrement perdu six de ses habitants : cinq manifestants non armés et un plombier qui aurait été appelé pour réparer un robinet quelque part. Aucun des quatre tués fin juillet ne constituait une quelconque menace pour la vie de soldats israéliens ou de colons.

L’utilisation de balles réelles contre ces personnes était interdite, sans parler du fait de viser pour tuer, comme l’ont fait les soldats israéliens qui les ont abattus. Quatre êtres humains ou, si vous préférez, quarante êtres humains, dont les familles ont vu leur monde s’effondrer, des gens avec des projets, des rêves et des désirs ; tous soudainement supprimés par quelque jeune soldat israélien si nonchalamment et si brutalement.

 

En Israël et dans les territoires occupés, le plus grand danger est la routine

Si tout cela ne suffisait pas, notez ceci : les médias israéliens ont à peine couvert ces morts. Aucun des deux principaux titres israéliens n’ont mentionné la mort d’un adolescent de 12 ans à Beit Omar, entre Bethléem et Hébron ; et les deux plus grandes chaînes de télévision privées n’ont pas pris la peine d’en parler non plus.

Autrement dit, la mort d’un garçon de 12 ans – Mohammed al-Alami, parti faire des courses avec son père et sa sœur lorsque des soldats israéliens ont arrosé leur voiture de balles, tuant ce garçon qui, comme son père, n’avait rien fait de mal – a été de toute évidence jugée sans importance et sans intérêt par certains médias israéliens.

Indifférence au meurtre

C’est la seule explication possible à cette inattention généralisée face à un meurtre. Rappelez-vous que tous ces autres meurtres depuis mai ont à peine été signalés, ont encore moins fait l’objet d’enquêtes, et vous entreverrez le portrait de la répression israélienne et du déni de l’occupation via la version du « Dôme de fer » présentée par les médias, avec l’aimable autorisation de la presse libre, dans toute son abjection. 

Ce sombre tableau de l’armée et de son mode opératoire brutal a été épargné aux Israéliens, protégés par une presse mutique. Protégés par ce silence, ce déni et cette répression, même les politiciens israéliens et les généraux n’ont pas à expliquer ou même à s’intéresser au fait qu’il ne se passe rarement une semaine sans victimes palestiniennes dans les territoires occupés, même pendant cette période de calme relatif.

Si les soldats tiraient sur les animaux errants avec autant de nonchalance que sur les Palestiniens, il y aurait un déluge d’indignation et ces soldats seraient poursuivis et sévèrement punis

Ainsi, il y a quelques jours encore, aucun responsable militaire n’avait fait la moindre critique du comportement de ces soldats, sans parler de l’évocation de poursuites ou d’ouverture d’une enquête sérieuse. C’est seulement après une série d’articles et d’éditos dans Haaretz que le chef d’état-major de l’armée, le général Aviv Kochavi – considéré comme une personnalité ayant des valeurs morales –, a « demandé de faire baisser la température ». Pas un ordre, une requête. Aucune poursuite et aucune enquête, juste une vague déclaration de bonnes intentions pour l’avenir. 

Derrière tout cela se dissimule le mépris pour la vie des Palestiniens. En Israël, rien n’a moins de valeur que la vie d’un Palestinien. Cela va des ouvriers du bâtiment qui tombent comme des mouches sur les sites de construction en Israël sans que personne ne s’en soucie aux manifestants non armés dans les territoires occupés abattus par les soldats sans que personne ne bronche.

Il y a un dénominateur commun : la conviction en Israël que la vie des Palestiniens ne vaut pas grand-chose. Si les soldats tiraient sur les animaux errants avec autant de nonchalance que sur les Palestiniens, il y aurait un déluge d’indignation et ces soldats seraient poursuivis et sévèrement punis. Mais ils ne font que tuer des Palestiniens, alors quel est le problème ?

Lorsqu’un soldat israélien abat un enfant palestinien d’une balle dans la tête ou un adolescent palestinien ou un manifestant ou un plombier d’une balle dans le cœur, la société israélienne reste muette et apathique. Elle se contente des explications fumeuses et parfois des mensonges éhontés du porte-parole de l’armée, omettant l’expression de tout scrupule moral concernant la nécessité de tuer.

Il y a tant de victimes sur lesquelles j’ai enquêté et écrit dans les journaux qui n’ont éveillé aucun intérêt particulier.

Mort d’un plombier

Shadi Omar Lofti Salim (41 ans), plombier prospère qui vivait à Beita dans le centre de la Cisjordanie, est parti de chez lui dans la soirée du 24 juillet en direction de la route principale où se situe la valve du réseau d’approvisionnement en eau du village, après la découverte d’un problème.

Il a garé sa voiture en bord de route et s’est dirigé vers cette valve, une clé anglaise rouge à la main. Il était 22 h 30. Tandis qu’il approchait de la valve, des soldats à proximité ont soudainement ouvert le feu et l’ont abattu. Ils ont plus tard affirmé qu’il courait vers eux en tenant une barre de métal. La seule barre de métal était la clé anglaise rouge laissée derrière lui au sol avec son paquet de cigarette et une tache de sang, déjà sèche lorsque qu’on est arrivé là-bas quelques jours après sa mort.

Une semaine plus tard dans ce même village, les soldats ont tué Imad Ali Dweikat (37 ans), ouvrier du bâtiment, père de quatre jeunes filles et d’un garçon de deux mois. C’était pendant la manifestation hebdomadaire du vendredi. Les habitants de Beita manifestent chaque semaine depuis deux mois environ contre l’établissement d’un avant-poste illégal sur les terres du village. Cette colonie, Givat Eviatar, a été construite officieusement, puis vidée de ses habitants par Israël, mais la quarantaine de structures érigées rapidement à cet endroit n’a pas été détruite. Cette terre n’a pas été rendue à ses propriétaires, qui ne sont pas autorisés à s’en approcher.

Depuis que Givat Eviatar a été lancée il y a plus de dix semaines, cinq manifestants palestiniens ont déjà été tués par des soldats. Aucun des cinq n’était suffisamment près pour mettre en danger la vie des soldats d’une quelconque manière, même si les manifestants jetaient des pierres et brûlaient des pneus pour protester contre l’accaparement de leur terre.

Les habitants sont déterminés à continuer à résister jusqu’à ce que leur terre leur soit rendue, et en attendant, le sang coule, semaine après semaine.

Abattu au hasard

Dweikat buvait un verre d’eau lorsqu’un sniper israélien l’a choisi, apparemment au hasard, et lui a tiré en plein cœur à plusieurs centaines de mètres de distance. La balle a explosé dans son corps, endommageant ses organes internes et Dweikat est mort sur place, du sang s’écoulant de sa bouche. Ali, son nouveau-né, est déjà orphelin.

Tous ces décès sont des exécutions. Il n’y a pas d’autre terme pour les décrire

Quelques semaines plus tôt, les soldats avaient tiré sur un adolescent, Muhammad Munir al-Tamimi, dans un autre village contestataire, Nabi Saleh, et l’avaient tué. Tamimi avait 17 ans et c’est la cinquième victime dans ce petit village ces dernières années. Tout le monde là-bas appartient à la famille Tamimi et, depuis des années maintenant, ils résistent au vol de leurs terres par les colonies environnantes.

Tous ces décès sont des exécutions. Il n’y a pas d’autre terme pour les décrire. Tirer sur des manifestants non armés, des adolescents, des enfants, un plombier, un ouvrier du bâtiment, des gens qui manifestent publiquement afin de récupérer leur propriété et leur liberté est un crime. Il y a très peu de régimes dans ce monde où des manifestants non armés se font abattre – excepté Israël, « seule démocratie du Moyen-Orient », où cela n’affecte pas la tranquillité d’esprit des gens.

Même les récriminations qu’on entend ici et là face à ces meurtres systématiques tiennent au fait que cela pourrait engendrer une détérioration de la situation en général. Sur la question de la légalité et en particulier de la moralité du meurtre d’innocents, personne ne pipe mot.

Israël est considéré comme une démocratie, enfant chéri du monde occidental avec des valeurs semblables. Quarante civils non armés tués ces deux derniers mois et demi, quatre tués rien que la dernière semaine de juillet, constituent un témoignage douloureux quoique muet du fait que, même s’il est toujours considéré comme une démocratie, Israël n’est pas jugé de la même manière que les autres pays.

Gideon Levy est un chroniqueur et membre du comité de rédaction du journal Haaretz. Il a rejoint Haaretz en 1982 et a passé quatre ans comme vice-rédacteur en chef du journal. Il a obtenu le prix Euro-Med Journalist en 2008, le prix Leipzig Freedom en 2001, le prix Israeli Journalists’ Union en 1997 et le prix de l’Association of Human Rights in Israel en 1996. Son dernier livre, The Punishment of Gaza, a été publié par Verso en 2010.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Gideon Levy

Gideon Levy is a Haaretz columnist and a member of the newspaper's editorial board. Levy joined Haaretz in 1982, and spent four years as the newspaper's deputy editor. He was the recipient of the Euro-Med Journalist Prize for 2008; the Leipzig Freedom Prize in 2001; the Israeli Journalists’ Union Prize in 1997; and The Association of Human Rights in Israel Award for 1996. His new book, The Punishment of Gaza, has just been published by Verso.

 

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29 août 2021 7 29 /08 /août /2021 06:11

 

Qui peut croire un seul instant que les talibans allaient respecter leur parole, consignée dans l’accord secret conclu avec l’impérium nord-américain ? Les Nations Unies dénoncent la traque d’anciens fonctionnaires, de militants démocrates, des droits des femmes, de l’éducation et de la culture, de la liberté d’informer ou de la paix.

Seul le ministre des Affaires étrangères de notre pays ose parler d’un « gouvernement inclusif ». Belle fable !  Ce sont les envoyés de M. Trump, puis de M. Biden, qui ont fait le choix de négocier exclusivement avec les seigneurs de guerre, au détriment de toutes les autres forces politiques, associatives et religieuses afghanes.

Ce sont eux déjà qui, après avoir déversé sur le pays un déluge de fer et de feux, ont imposé une constitution à « l’américaine » et choisi le chef de l’exécutif afghan, lequel arrosait avec les dollars américains les députés qui n’avaient pour unique rôle que de l’adouber. Ces derniers et les potentats locaux détournaient l’argent public venu de l’étranger pour construire leurs belles villas dans les pays du Golfe, tandis que la rébellion talibane se nourrissait aux mêmes gamelles auxquelles s’ajoutait « l’impôt » sur l’opium.

En niant l’histoire et la géographie, toutes les spécificités de la vie afghane, les groupes et les réseaux de solidarité locaux et régionaux ainsi que les différents groupes religieux, les pays de l’OTAN ont sciemment ignoré les démocrates, les penseurs, les travailleurs, la jeunesse urbaine en quête d’émancipation, les femmes qui encore le 16 août dernier manifestaient pour réclamer le droit d’étudier, de travailler, de voter et d’être élues.

Ce comportement munichois laissera de profondes traces. Il montre, à quel point jamais la guerre n’est la solution, ni en Afghanistan, ni en Irak, ni en Lybie, ni en Syrie. L’Otan aura semé la mort et le désespoir dans toute la région au nom de l’exportation de la démocratie et des libertés qui n’a été que le paravent du combat contre les forces communistes, socialistes, syndicalistes et progressistes dans tout le Moyen Orient, en alliance avec l’hydre islamiste.

Mais dans un contexte nouveau de celui d’il y 20 ans, la capitulation de Kaboul constituera une onde de choc servant d’appui pour la déstabilisation de plusieurs États dans la région, du Pakistan à l’Inde et toute l’Asie centrale jusque certaines contrées chinoise. Peut-être est-ce une des espérances de l’administration américaine qui de surcroit veut intensifier la nouvelle guerre froide avec Pékin. Le pouvoir chinois ne l’acceptera pas et cherche des compromis avec les talibans  pour sa protection et pour l’exploitation des immenses richesses du sous-sol, en compétition féroce avec les multinationales occidentales. Ceci ne fera en définitive que renforcer les nouveaux maîtres de Kaboul.  

Ajoutons que la nouvelle donne en Afghanistan procure des ailes à d’autres mouvements islamistes dont ceux de la région du Sahel où la France est très impliquée.

L’intérêt de tous contre le djihad islamiste devrait conduire les pays de l’Union européenne à ne pas suivre l’impérium en difficulté mais à s’efforcer de promouvoir un dialogue de type nouveau, sans concession, entre toutes les nations concernées, y compris avec la Chine et la Russie, sans lesquelles rien ne saurait changer.

Notre combat solidaire pour un nouvel internationalisme poussant loin le progrès social, démocratique, le développement humain et écologique, dans le cadre de nations souveraines, doit reprendre des forces.

Cette solidarité doit nous conduire à agir pour empêcher les expulsions de ressortissants afghans, à faire respecter les conventions de Genève sur le droit d’asile des citoyens afghans menacés. La coopération et des actions de soutien devraient être menées avec les mouvements démocratiques, de paix et de protection des femmes. La Fête de l’Humanité dans quelques semaines en sera l’un des lieux.

 

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28 août 2021 6 28 /08 /août /2021 06:03

 

Dans un entretien à nos confrères du Monde, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Clément Beaune, dit tout de la stratégie du « président-candidat » dans la perspective des élections présidentielle et législatives. Homme d’expériences diverses, car passé du cabinet de Jean Marc Ayrault à celui de l’Elysée avant d’être nommé au gouvernement, il mérite d’être entendu.

Après avoir justifié la « verticalité » qui a présidé aux décisions sur le passe-sanitaire, les contre-réformes de l’assurance chômage et de la fonction publique, « le plan de relance » sans contreparties, la loi « climat » critiquée par les membres de la convention citoyenne pour ses graves insuffisances, il a confirmé la stratégie du président pour rester à L’Elysée : « Incarner le camp de la République, de la raison et de l’équilibre de la société ». Autrement dit, celui qui n’a obtenu que 18 % des inscrits lors de la dernière présidentielle serait le rassembleur après avoir connu le fiasco que l’on connait lors des dernières élections régionales. Le secrétaire d’Etat a aussi glorifié l’insupportable parole présidentielle sur le freinage « des flux migratoires » venant d’Afghanistan où règnent la terreur et la dictature. Enfin, il a confirmé : « En 2022, la présidentielle et les législatives vont se jouer sur un clivage entre ceux qui assument la complexité, la raison ; la science, une forme de modération verbale et ceux qui jouent des effets de la polémique et des divisions ». Guizot disait déjà, en son temps, que seuls pouvait participer ceux qui sont « éclairés par raison critique supérieure » ! La stratégie est bien d’incarner le programme économique et social, sécuritaire et de chasse aux réfugiés, de la droite, le tout présenté comme rempart à l’extrême droite !

Pourtant « le clivage » a bien été porté à plusieurs reprises par le président lui-même : celui qui existe entre ceux, « les premiers de cordée, » qui accumulent des fortunes et les premiers de corvée, « ceux qui ne sont rien » mais qui, pourtant, sont en première ligne. Tout est bon pour empêcher le débat fondamental sur l’antagonisme entre les détenteurs du capital et celles et ceux qui n’ont que leur travail manuel, intellectuel pour vivre et trop souvent…survivre. Si l’on veut bien écouter le secrétaire d’Etat, bon sens et pragmatisme s’opposeraient au chaos. Déporter ainsi le débat public, c’est vouloir diviser la société et associer les forces progressistes au camp de la déraison, à côtés de celles qui transpirent le racisme et la xénophobie. C’est la confirmation de la stratégie visant à faire de l’extrême droite la seule force opposante, celle susceptible d’être au second tour de l’élection présidentielle. Voilà pourquoi ministres et caméras ne valorisent, lors des manifestations du samedi, que le plus nauséabond, notamment l’infecte antisémitisme, les abominables destructions de centre de vaccination ou de pharmacies. Ceci permet de cacher les enjeux autour de la refondation de notre système de santé et les moyens à donner à l’hôpital public. Ajoutons qu’un simple soupçon sur un réfugié afghan aura été le prétexte pour occuper les radios et les télévisions dès le petit matin, mardi dernier, par des cadres de l’extrême-droite qui, une fois de plus, nous ont montré que leur poitrine de fer était dépourvue de cœur.

Si cette stratégie réussissait, l’homme qui, seul, décide de tout, aurait les mains libres, encore plus libres, pour, pendant cinq années supplémentaires, amplifier les destructions de conquis sociaux en mettant toujours plus l’Etat au services du capital, en déformant encore plus la République, en allant plus loin et plus vite dans les contre-réformes des retraites et vraisemblablement de la sécurité sociale. La voix de celles et ceux - et ils sont la majorité sociale – qui veulent reprendre « le contrôle de leur vie », celle qui appelle à plus de justice, de respect, de libertés, de solidarité, ne doit pas se laisser étouffer. Elle doit exprimer ses exigences de progrès social, démocratique et écologique. Par sa détermination et son rassemblement, cette majorité peut contribuer à ce que s’ouvrent des voies alternatives au capitalisme qui fait chaque jour, en tous domaines, la preuve de son inefficacité sociale, écologique et économique. C’est dire à quel point la riposte politique et idéologique est à l’ordre du jour !

 

 

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27 août 2021 5 27 /08 /août /2021 07:52

 

« Surprenant petit bonhomme », personnage hors du commun, symbole de la lutte pour la justice, le Paraguayen dont le journaliste et écrivain Pablo Daniel Magee retrace l’histoire dans un livre passionnant s’appelle Martín Almada. Inconnu du grand public, celui-ci a pourtant reçu en 2002 le prix Nobel alternatif de la paix pour avoir mis à jour, preuves à l’appui, après en avoir lui-même été victime, l’une des entreprises criminelles les plus abjectes de l’histoire de l’Amérique latine : le plan Condor.

1964 : l’armée brésilienne renverse le président João Goulart. Le « golpe » marque le coup d’envoi de la période mortifère qui va affecter la Bolivie (1971), le Chili, l’Uruguay et le Pérou (1973), l’Argentine (1976) et le Paraguay (depuis 1954 sous la botte de l’« Honorablissime commandant en chef des Forces armées de la Nation » et Président de la République Alfredo Stroessner). Celui que, venu en 1958 inaugurer les installations de la CIA dans l’ambassade des Etats-Unis à Asunción, le vice-président étatsunien Richard Nixon a surnommé « Our man in Paraguay ».

 

 

Depuis 1959, la Révolution cubaine a placé l’île et, dans chaque pays, l’ « ennemi interne », au centre des préoccupations. La longue tradition de coopération souterraine entre les polices et les armées d’Amérique du sud est systématisée le 26 novembre 1975 lorsque, directement placé sous l’autorité du général Augusto Pinochet, le colonel Manuel Contreras, patron de la Direction du renseignement national (DINA), reçoit secrètement ses « collègues » à Santiago du Chili. Ainsi naît l’Opération Condor. Un système clandestin de coordination des différents services de sécurité. Chaque pays membre – Chili, Argentine, Uruguay, Paraguay, Brésil, Bolivie – espionne ses opposants, les neutralise, mais autorise aussi les « services » des autres nations à intervenir sur son territoire pour enlever des exilés, les ramener dans leur pays d’origine, les interroger, les torturer ou les assassiner.

Membre du Parti Colorado (au pouvoir), Martín Almada n’a a priori rien à craindre d’une telle multinationale de la répression, dont, d’ailleurs, nul ne connaît l’existence. Il n’empêche que ce professeur, directeur à San Lorenzo du collège « Juan Bautista Alberdi », attire rapidement l’attention. Adepte de l’éducateur brésilien Paulo Freire et de sa « pédagogie des opprimés », président du Congrès national des enseignants paraguayens, ne flirterait-il pas avec les communistes – ces « monstres fous qui s’habillent tout en rouge » – s’interrogent les « pyragues » (« collabos ») ? Parti en Argentine pour étudier à l’Université nationale de La Plata, Almada en revient avec un doctorat en éducation après avoir soutenu une thèse intitulée « Paraguay : éducation et dépendance ». Du « radical », mais rien de vraiment subversif. Toutefois, l’important n’est pas ce que vous avez voulu dire, mais la manière dont cela est perçu.

Stroessner est alors au sommet de sa gloire. Il vient d’être réélu au terme d’une énième mascarade démocratique et rentre d’une tournée triomphale de l’autre côté de l’Atlantique. « Tout le monde l’a reçu, rapporte Magee, du général Franco au Pape, en passant par Georges Pompidou et le roi du Maroc. » Sise au carrefour de l’avenue Presidente Franco et de la rue Nuestra Señora de Asunción, la Direction nationale des questions techniques (dite « La Técnica ») tourne à plein régime. Il est rare que ceux qui y entrent en ressortent entiers ou vivants. Envoyé par la CIA, c’est le lieutenant-colonel américain Robert K. Thierry qui, dès 1956, y a formé les premiers militaires aux techniques de torture les plus avancées.


 Arrêté le 24 novembre 1974, livré à la rage des bourreaux que dirige Pastor Coronel, le chef redouté de la police politique, Almada y subit trente jours d’interrogatoires, de torture physique et psychologique, de supplice du «  tejurugudi » – fouet dont on pare les lanières d’embouts métalliques. Et le verdict tombe : « terroriste intellectuel ». Double peine, double tragédie : l’épouse du prisonnier, Celestina, 33 ans, est décédée d’un arrêt cardiaque dans les jours qui ont suivi l’arrestation. Après qu’elle ait reçu ses vêtements tachés de sang, un pervers appel téléphonique lui a annoncé la mort de son mari.


 La dictature transfère Almada au Camp de concentration d’Emboscada. Son directeur, le colonel Grau, a été surnommé « le Boucher de la mort ». Le « profesor subversivo » va y moisir pendant trois ans. C’est là que, pour la première fois, il entend parler d’un mystérieux plan Condor. Avant de mourir assassiné, un colonel emprisonné, Eduardo Corrales, ex-responsable des communications « secret-défense » du ministère de l’intérieur, lui dévoile le secret : « Vous êtes le premier détenu que je reconnaisse, en qui je puisse avoir confiance. Je dois vous raconter : je ne sortirai pas vivant d’ici, mais vous, vous avez peut-être une chance… Il faut que quelqu’un sache ce qui se passe. »

Libéré en 1977, Almada parvient à s’enfuir au Panamá avec sa mère et ses trois enfants. Ayant gagné la France et trouvé un poste à l’Unesco, il enquête, se procure et épluche les bulletins de la police paraguayenne, traque le Condor. En 1992, après quinze ans d’exil, il rentre enfin au Paraguay. Mené par le général Andrés Rodríguez, surnommé « général cocaïne », un coup d’Etat vient de renverser Stroessner, devenu encombrant. Dans la semi-démocratie qui vient d’être restaurée, Almada n’a de cesse de faire émerger les crimes des dictatures. De nombreuses plaintes contre l’Etat s’accumulent. Les forces de l’ordre rendent toute enquête impossible. Très cyniquement, elles font valoir une absence de preuves ou de quelconques archives appuyant les dénonciations. Jusqu’au 22 décembre 1992...

Ce jour-là, quelques complicités – dont celles de deux anciens agents des renseignements paraguayens – amènent Almada devant une bâtisse de béton qui héberge une annexe de la police politique, dans la banlieue d’Asunción. Jackpot ! La longue traque se termine. Quatre tonnes et demies, 700 000 feuillets, les « archives de la terreur » sont exhumées. Portant à bout de bras la plainte d’Almada, un juge courageux, Agustín Fernández, résiste aux pressions des autorités et prend la décision qu’aucun document ne devra rester secret.

Tout au long de ce récit que Magee rend haletant comme un roman d’espionnage, le lecteur croisera, parfois avec surprise, une cohorte de personnages et d’institutions. La ténébreuse Ecole des Amériques qui, à l’ombre de la bannière étoilée, a formé au Panamá des milliers de militaires répresseurs latinos. La Ligue anticommuniste mondiale, créée en 1949 par Tchang Kaï-chek. Bien entendu la CIA. Tout comme le FBI. Le bon « docteur » Henry Kissinger (s’il trouve « utile » le plan Condor, ce grand humaniste s’inquiète de ce que « ce type d’activité de contre-terrorisme » ne fasse « qu’exacerber plus encore la condamnation internationale des pays impliqués »)Le général de Gaulle, en visite en octobre 1964 au Paraguay. Des instructeurs militaires français, animant à Buenos Aires le premier cours interaméricain de guerre contre-révolutionnaire. Valéry Giscard d’Estaing et les échanges d’informations avec les services secrets argentins et chiliens de son ministre de la Défense Michel Poniatowski. Le général panaméen Omar Torijos luttant pour arracher « le canal » aux Etats-Unis. Le Pape François, Daniel Balavoine et même… Pierre Rabhi.

Le 20 décembre 2019, quarante-cinq ans après les faits, la justice paraguayenne a reconnu la détention et la torture de Martín Almada ainsi que l’assassinat de sa femme Celestina par les forces de la dictature, dans le cadre de l’opération Condor. On estime que, tous pays confondus, la terreur d’Etat a été, en Amérique du Sud, responsable d’au moins cinquante mille assassinats, plus de trente-cinq mille disparus, quatre cent mille emprisonnements arbitraires – sans parler des dizaines de milliers d’exilés, ni du cas de la Colombie où le massacre des opposants se déroulera (et se déroule toujours) dans le cadre d’une démocratie formelle.

Lointain passé ? « Le Condor vole toujours », ne cesse de rappeler Almada, 84 ans aujourd’hui, au vu des événements qui agitent Amérique latine. Il ne s’agit pas là d’une formule lancée à l’emporte-pièce. En effet, autant le récit de Magee fourmille de détails, autant il demeure très succinct sur un moment clé de l’épopée d’Almada : celui où, après son retour au Paraguay, quelques complicités souterraines lui ont permis de localiser les « archives de la terreur ». Interrogé par nos soins sur ce qui pourrait apparaître comme un oubli ou un relatif déficit d’informations, Magee explique : « Martín m’a expressément demandé de ne pas donner plus d’éléments sur cet aspect de l’histoire, pour le moment, afin de protéger des gens encore vivants. Il m’a donné un délai à respecter après sa propre mort. C’était notre “deal” dès le départ, le régime paraguayen demeurant particulièrement… vorace. » Victime en 2012 d’un coup d’Etat, l’ex-président de centre gauche Fernando Lugo pourrait effectivement en témoigner.

L’Histoire ne se répète jamais à l’identique. Les méthodes du Condor et le nombre effrayant de ses victimes n’ont depuis, et fort heureusement, pas été égalés (sauf en Colombie). Pourtant, comment ne pas évoquer quelques données préoccupantes ? Sous des formes certes moins brutales, les coups d’Etat se sont multipliés ces derniers temps – Haïti (1991 et 2004), Venezuela (2002), Honduras (2009), Paraguay (2012), Brésil (2016), Bolivie (2019). Sous l’égide de Washington, des systèmes d’alliance continuent à se liguer contre les gouvernements qui « dérangent », à l’image du Groupe de Lima (en voie de disparition) s’acharnant sur le Venezuela. Révélée en 2013 par Edward Snowden lorsqu’il mit en cause la National Security Agency (NSA) étatsunienne, la surveillance étroite de personnes et de personnalités a été confirmée par la récente découverte du logiciel Pegasus vendu à nombre de gouvernements et de « services » par la société israélienne NSO pour espionner les téléphones de dizaines de milliers de citoyens [1].

Sans que la « communauté internationale » et les supposées organisations de « défense des droits humains » ne s’en émeuvent, le président vénézuélien Nicolás Maduro vit en permanence sous la menace d’un assassinat (de même que les dirigeants chavistes Diosdado Cabello et Tareck El Aissami). En mettant leur tête à prix (15 millions de dollars pour le chef de l’Etat, 10 millions pour les deux autres), le gouvernement des Etats-Unis encourage implicitement et explicitement le passage à l’acte de toutes sortes de spadassins et d’aventuriers. Il n’en manque guère. En a témoigné, en 2020, l’Opération Gedeon, menée depuis la Colombie et destinée à « capturer / arrêter / éliminer Maduro », selon les termes d’un contrat de 212,9 millions de dollars signé entre le mercenaire américain Jordan Goudreau et Juan Guaido, président auto-proclamé adoubé et protégé par les Etats-Unis, le Canada, l’Union européenne et leurs satellites. L’opération a certes échoué [2]. Malgré l’ouverture de négociations, au Mexique, entre le pouvoir chaviste et ses oppositions (l’une à vocation démocratique, l’autre au caractère putschiste), l’offensive criminelle ne s’en poursuit pas moins [3].

En juillet 2021, Craig Faller, chef du Commandement sud de l’armée des Etats-Unis, et William J. Burns, patron de la CIA, se déplaçaient conjointement en Colombie et au Brésil. Tandis que Faller se donnait pour objectif de renforcer les relations « en matière de défense et de sécurité », Burns, à Bogotá, devait évoquer avec le président Iván Duque une « mission délicate » en matière de renseignement. Avec en mode subliminal, le mot « Venezuela » ?

En Bolivie, le coup d’Etat d’octobre 2019 contre Evo Morales a été préparé par le secrétaire général de l’organisation des Etats américains (OEA) Luis Almagro, appuyé et entériné par les Etats-Unis et l’Union européenne. Comme au bon vieux temps du « Condor », l’Argentine (de Mauricio Macri) et l’Equateur (de Lenín Moreno) ont livré en toute hâte de l’armement à la dictature de Janine Añez pour lui permettre de réprimer les manifestations. D’après le porte-parole du gouvernement bolivien Jorge Richter (8 août 2021), l’investigation s’élargit, de forts indices attirant les regards des enquêteurs en direction d’une participation à cette « internationale putschiste » du Brésil et du Chili.

On ne parlera pas là d’un retour du « Grand Condor ». Mais l’oiseau de proie, à l’évidence, est toujours disposé à faire des petits. D’ou l’intérêt de replonger dans la vie de Martín Almada grâce à l’impressionnant travail – sept années d’enquête, 200 heures d’entretiens avec des témoins d’époque, quelques 800 heures avec le protagoniste – de Pablo Daniel Magee.

 

Pablo Daniel Magee, Opération Condor. Un homme face à la terreur en Amérique latinepréface de Costa-Gavras, Saint-Simon, Paris, octobre 2020, 380 pages, 22 euros.

Maurice LEMOINE

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27 août 2021 5 27 /08 /août /2021 05:55

Dans l'imaginaire collectif, un résistant est un homme qui combat mais en Palestine, la résistance ne se réduit pas à cette image

 

« Exister, c'est résister » est un slogan qu'on retrouve sur beaucoup de murs en Palestine et en effet la résistance palestinienne commence en restant sur sa terre et Jérusalem-Est est aujourd'hui le visage de cette résistance non violente comme d'autres lieux avant elle (Bil 'in, les villages de la vallée du Jourdain, Hébron, Gaza...).

Depuis l'annexion en 1967 de Jérusalem-Est par Israël au mépris du droit international, l'objectif du gouvernement israélien est d'empêcher que Jérusalem-Est ne devienne la capitale de l'État de Palestine. Pour cela, le nouveau Premier ministre impulse une politique de colonisation très agressive dans la continuité de son prédécesseur.

Les habitants de quartiers entiers sont menacés d'expulsion. A Silwan, les maisons de 1000 personnes sont menacées de destruction ou d'expulsion. A Cheikh Jarrah, ce sont les 27 maisons de quelque 300 Palestiniens que le gouvernement veut expulser au profit de colons israéliens. Devant la mobilisation qui va au-delà de Jérusalem, la Cour suprême israélienne a reporté cette décision, cette menace plane toujours. Par ailleurs, toutes les manifestations pacifiques qui se sont déroulées dans ces quartiers ont été réprimées par l'armée israélienne dans une grande violence. Le député communiste israélien Ayman Odeh venu manifester son soutien à ces familles avait été brutalisé par des soldats en mai dernier. Des colons viennent, régulièrement, provoquer en agressant et en proférant des slogans racistes.

Ce que certains soutiens inconditionnels de la politique de l'État d'Israël ont qualifié d'« un désaccord foncier » est en fait la mise en œuvre de ce que, en 1967, les vainqueurs de la guerre des 6 Jours avait déclaré « Jérusalem, capitale éternelle et indivisible d'Israël et du peuple juif ». Cette décision sera de nombreuses fois condamnée par la communauté internationale (en 1967 par le Conseil de sécurité de l'ONU, en juin 1980 par le Conseil européen). Israël persiste et en juillet 1980, c'est la Knesset qui proclame Jérusalem « une et indivisible, capitale éternelle de l’État d'Israël ». En réaction, les quelques pays dont l'ambassade était installée à Jérusalem la transfèrent à Tel Aviv où se trouvaient déjà les représentations de la grande majorité des États. Il faudra attendre, en 2017, la provocation de Donald Trump pour que l'ambassade des États-Unis soit transférée à Jérusalem, d'autre pays suivront cet exemple au mépris des droits du peuple palestinien.

Les Palestiniens de Jérusalem-Est subissent une double peine puisqu'ils sont soumis à l'arbitraire de la politique israélienne et que leur séparation du reste de la Palestine par le mur de même que l'interdiction faite aux Palestiniens de Cisjordanie de se rendre à Jérusalem les isolent de leur gouvernement. Pendant la campagne électorale, prévue en juin 2021, Israël avait empêché des candidats de faire campagne, procédant même à des arrestations.

Le statut même de ces Palestiniens tend à imposer la judaïsation totale de la ville mais aussi soumet leur quotidien à l'arbitraire. Ils sont soumis au statut de "résidents" et peuvent donc être expulsés à tout moment. Ce statut est temporaire, ils doivent prouver que Jérusalem est leur « centre de vie » principal, ce qui notamment les empêche de faire des études à l'étranger, rend un mariage avec un Palestinien de Cisjordanie quasi impossible... Le but de cet acharnement quotidien est de débarrasser la ville de toute présence palestinienne, présence qui, au cours des siècles, a façonné Jérusalem.

Toute expression de l'identité palestinienne est interdite et beaucoup de militants sont arrêtés.

C'est d'ailleurs de Jérusalem que la révolte contre l'occupation et les agressions de colons a débuté en mai et a eu des répercutions dans toute la Palestine mais aussi en Israël où pour la première fois depuis octobre 2000 les Palestiniens d'Israël sont massivement descendus dans les rues, malgré les provocations menées par des milices juives racistes. Des mouvements de protestation des deux côtés de la « Ligne verte » ont eu lieu comme la grève générale du 18 mai.

En effet, même si la question de Jérusalem reste centrale, partout en Palestine, chaque jour, des Palestiniens se font assassiner, des bombardements sur Gaza ont lieu, les arrestations continuent alors que déjà 4750 prisonniers politiques sont détenus, la colonisation continue, la brutalité et la violence des colons continuent.

Le PCF entend briser le silence dont s'entoure le gouvernement français mais aussi l'Union européenne et contribuer à créer le rapport de forces indispensable pour qu'Israël se conforme enfin au droit international qu'il bafoue aujourd'hui avec arrogance, conforté dans la légitimité de sa politique par l'impunité dont il jouit.

Les députés communistes ont interpelé le ministre des Affaires étrangères et européennes sur la nécessité « d'imposer aux autorités d'occupation israéliennes le droit aux Palestiniens de vivre à Jérusalem Est dans le respect des conventions internationales ».

La France doit sans attendre reconnaître de l'État de Palestine et imposer des sanctions au gouvernement israélien.

Une pétition circule : https://www.change.org/p/occupation-continues-sheikh-jarrah-palestine

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26 août 2021 4 26 /08 /août /2021 08:05
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26 août 2021 4 26 /08 /août /2021 07:48

Voici un texte d’une universitaire de Glasgow qui dit quelques vérités que l’on trouve rarement dans la presse occidentale. Elle décrit avec simplicité tout ce que les Etats-Unis ont inventé pour asphyxier Cuba.

Se trouvant dans l’île le 11 juillet elle tente de rétablir les faits, rien que les faits. Bien sûr j’aimerais dire ce que vient de me raconter Wilma qui revient de Cuba. L’extraordinaire solidarité, rien ne doit manquer aux vieillards, aux enfants et chacun met tout en œuvre pour le partage. Le moins que nous puissions faire c’est de les aider dans ce partage. A Marseille, nous continuons … (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoire et societe)

Hélène Yaffe

Les critiques rejettent Cuba comme un État en déliquescence, mais n’acceptent pas à quel point il est paralysé par le blocus américain

4 août 2021

Les violentes manifestations qui ont éclaté à Cuba début juillet ont été les premiers troubles sociaux graves depuis le « Maleconazo » de 1994, il y a 27 ans. Ces deux périodes ont été caractérisées par de profondes crises économiques. Je vivais à La Havane au milieu des années 90 et j’ai été témoin des conditions qui ont déclenché le soulèvement : marchés alimentaires vides, magasins et rayons de pharmacie, coupures régulières d’électricité, production et transport au sol à l’arrêt. Telles sont les conséquences de l’effondrement du bloc socialiste, qui représente environ 90 % du commerce de l’île.

Pariant sur l’effondrement du socialisme cubain, les États-Unis ont approuvé la loi Torricelli de 1992 et la loi Helms-Burton de 1996 pour entraver les relations commerciales et financières de l’île avec le reste du monde.

Pendant ce temps, des programmes plus sophistiqués et multiformes de « changement de régime » ont été développés, des programmes interpersonnels de Clinton à la Commission de Bush pour un Cuba libre. Du milieu des années 1990 à 2015, le Congrès américain a investi quelques 284 millions de dollars pour promouvoir la démocratie (capitaliste).

L’histoire de la façon dont, contre toute attente, la révolution cubaine a survécu au cours des trois dernières décennies est au centre de mon livre. Dans certains domaines, comme la biotechnologie et l’internationalisme médical, elle a prospéré.

Depuis 2019, cependant, des conditions rappelant la « période spéciale » sont de retour à Cuba, conséquence directe des sanctions américaines. L’administration Trump a mis en œuvre 243 nouvelles mesures coercitives contre Cuba, bloquant son accès au commerce international, au financement et aux investissements à un moment où les capitaux étrangers s’étaient vu attribuer un rôle central dans la stratégie de développement de l’île.

Le résultat inévitable et escompté a été des pénuries de nourriture, de carburant, de produits de base et de fournitures médicales. Ainsi, bien que Cuba dispose de vaccins contre le Covid-19, elle ne peut pas acheter suffisamment de seringues pour les administrer, ni de ventilateurs médicaux pour ses unités de soins intensifs.

Des restrictions sanitaires strictes, imposées par les autorités cubaines en réponse à la pandémie, ont entravé la capacité des Cubains à «résoudre» (résoudre les problèmes par d’autres canaux) et à socialiser. Les cas de Covid continuent d’augmenter, générant de l’anxiété chez les Cubains, même si les taux d’infection et de mortalité restent faibles par rapport à la région. Dans chaque foyer cubain, les gens se relaient pour se lever à l’aube afin de rejoindre les files d’attente en quête de produits de base. Personne ne devrait s’étonner qu’il y ait de la frustration et du mécontentement.

Les détracteurs de Cuba blâment le gouvernement pour les difficultés quotidiennes auxquelles les Cubains sont confrontés, rejetant les sanctions américaines comme excuse. C’est comme blâmer une personne de ne pas bien nager quand ils sont enchaînés au sol. Le blocus américain de Cuba est réel. Il s’agit du système le plus long et le plus étendu de sanctions unilatérales appliquées contre un pays de l’histoire moderne. Cela touche tous les aspects de la vie cubaine.

Lors de l’assemblée générale de l’ONU le 23 juin, un total de 184 pays ont soutenu la motion de Cuba pour la fin du blocus américain.

C’était la 29e année que le vote de Cuba l’avait emporté. Le représentant américain, Rodney Hunter, a affirmé que les sanctions étaient « un moyen légitime de réaliser la politique étrangère, la sécurité nationale et d’autres objectifs nationaux et internationaux ». Il les a également décrits comme « un ensemble d’outils dans notre effort plus large à l’égard de Cuba ».

Un autre outil clé de ces dernières années a été les médias sociaux. En 2018, Trump a mis en place un groupe de travail sur Internet pour promouvoir « la circulation libre et non réglementée de l’information » vers Cuba, tout comme le pays a élargi les installations permettant aux Cubains d’accéder à Internet via leurs téléphones. Au cours de cet été, la campagne sur les réseaux sociaux, qui voit des influenceurs et des YouTubers basés à Miami encourager les Cubains de l’île à descendre dans la rue, a été intensifiée. Aussi spontané et authentique que cela puisse paraître, derrière cela se cachent le financement et la coordination américains.

Le 11 juillet, j’étais à La Havane pour regarder la finale de l’Euro dans une maison cubaine lorsque l’émission a été interrompue par une annonce du président, Miguel Díaz-Canel. Il s’était rendu à San Antonio de los Banos, dans la banlieue de la capitale, où une manifestation s’était transformée en émeute, avec des magasins pillés, des voitures de police renversées et des pierres jetées. Des manifestations simultanées avaient eu lieu dans des dizaines d’endroits autour de l’île. À Matanzas, où les cas de Covid-19 ont grimpé en flèche, il y a eu d’importantes destructions. Díaz-Canel a terminé l’émission en appelant les révolutionnaires à aller dans la rue. Des milliers de Cubains ont répondu à son appel.

Pendant ce temps, le maire de Miami a demandé à Biden d’envisager des frappes aériennes sur Cuba, alors qu’il y avait des plans en demi-teinte pour une flottille navale de Floride.

Les médias internationaux ont dépeint l’opposition de masse à un gouvernement incompétent, les manifestations pacifiques violemment réprimées et un régime en crise. Ce récit a compté sur des exagérations et des manipulations. Des images ont été partagées dans la presse et les médias sociaux prétendant montrer des manifestations anti-gouvernementales qui ont, en fait, été le contraireDes photos de manifestations en Égypte et de célébrations sportives en Argentine ont été attribuées aux manifestations cubaines du 11 juillet.

Depuis les États-Unis, où de violentes manifestations et des meurtres policiers se produisent avec une régularité tragique, et où une insurrection de droite a tenté de renverser le résultat des élections de 2020, le nouveau président Joe Biden a décrit Cuba comme un « État en déliquescence ». Le 30 juillet, il avait déjà imposé de nouvelles sanctions, malgré les promesses de campagne de les annuler.

Depuis les manifestations du 11 juillet, j’ai parcouru La Havane pour mon travail. Les seules manifestations importantes que j’ai vues dans la capitale ont été celles de soutien au gouvernement, y compris un rassemblement de 200 000 personnes à La Havane le 17 juillet.

Les Cubains à qui je parle rejettent la violence et l’ingérence américaine. Ils sont convaincus que les Cubains savent nager, mais ils ont besoin que les chaînes du blocus américain soient coupées.

Helen Yaffe

Maître de conférences en histoire économique et sociale à l’Université de Glasgow

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26 août 2021 4 26 /08 /août /2021 06:07
Afghanistan. Les talibans, nos meilleurs ennemis - Par Marc de Miramon, L'Humanité, 24 août 2021
Afghanistan. Les talibans, nos meilleurs ennemis
Mardi 24 Août 2021 - L'Humanité

La politique des États-Unis a favorisé l’émergence des fondamentalistes à Kaboul. Une implication qui a débuté en juillet 1979, six mois avant l’entrée des chars soviétiques.

 

Il aura fallu près de vingt ans pour que le secret de polichinelle soit officiellement éventé. Oui, les États-Unis ont bien commencé à aider militairement les moudjahidines afghans dès le début du mois de juillet 1979, soit près de six mois avant l’entrée des chars soviétiques à Kaboul. L’ancien directeur de la CIA (1990-1993) Robert Gates le reconnaîtra dans son premier livre paru en 1997, et Zbigniew Brzezinski, conseiller du président démocrate Jimmy Carter au moment de la crise afghane, le confirmera un an plus tard dans un entretien accordé au Nouvel Observateur : « C’est en effet le 3 juillet 1979 (que Carter) a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime pro-soviétique de Kaboul. Et ce jour-là, j’ai écrit une note au président dans laquelle je lui expliquais qu’à mon avis cette aide allait entraîner une intervention militaire des Soviétiques.»

« Attirer les Russes dans le piège afghan »

Zbigniew Brzezinski effectue alors une tournée promotionnelle de son maître ouvrage, le Grand échiquier, publié en France par ­Hachette, dans lequel il assume franchement le soutien américain aux fondamentalistes musulmans afghans, ancêtres du mouvement taliban. « Regretter quoi ? » répond-il au Nouvel Observateur : « Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège afghan et vous voulez que je le regrette ? De fait, Moscou a dû mener pendant presque dix ans une guerre insupportable pour le régime, un conflit qui a entraîné la démoralisation et finalement l’éclatement de l’empire soviétique ». Puis il ajoute : « Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ? »

Quelques mois plus tôt, le 27 septembre 1996, les talibans sont entrés victorieux dans Kaboul. Les moudjahidines soutenus jusqu’au retrait soviétique par la CIA sortent eux-mêmes d’une épouvantable guerre civile qui a détruit la capitale afghane. Les factions islamistes se sont déchirées entre les Tadjiks du commandant Massoud (Jamiat-e Islami), le chef de guerre Gulbuddin Hekmatyar, proche des Frères musulmans, et les talibans issus de l’ethnie pachtoune, qui sont toujours appuyés par l’ISI (Inter-Services Intelligence), les ­redoutables services secrets pakistanais. Mais depuis la dislocation de l’Union soviétique, l’Afghanistan n’intéresse plus guère ni la presse occidentale ni les intellectuels organiques de l’empire états-unien.

Une étrange amnésie

Quelques reportages glorifient certes la résistance d’Ahmed Chah Massoud dans sa vallée du Pandjchir, quand d’autres rapportent sporadiquement les « exploits » des nouveaux « mabouls de Kaboul » : interdiction des cerfs-volants, burqa obligatoire, lapidation des femmes adultères ou destruction des trois bouddhas géants de la vallée de Bâmiyân. Une étrange amnésie, tant l’islam fondamentaliste désormais au pouvoir en Afghanistan fut admiré, encouragé, et glorifié. « Le monde est fantastique. Leur âme se lit sur leur visage », se pâment les écrivains Pascal Bruckner et Guy Sorman ( le Figaro Magazine, 20 septembre 1986) à l’occasion d’un photoreportage sur les moudjahidines posant fièrement avec turbans noirs et kalachnikovs.

Cette année-là, sous l’œil bienveillant de la CIA – dont le chef, William Casey, anticommuniste forcené, a autorisé la livraison des fameux missiles Stinger qui vont abattre des dizaines d’hélicoptères soviétiques et provoquer un tournant dans la guerre –, les journalistes et autres philosophes engagés se pressent encore sur les sentiers de la guerre afghans, indifférents au sort des femmes, des progressistes, des athées, comme du jour d’après. Faisant fi de la logistique pakistanaise, des pétrodollars saoudiens comme de l’appui politique américain, les petits télégraphistes de Washington persistent à dépeindre des combattants en guenilles et vieilles pétoires, seuls face à l’armada russe. Et « le caractère islamique de cette résistance peut effrayer mais, à de rares exceptions près, on ne leur connaît pas de forme fanatique », résume le Figaro Magazine dans son édition du 5 décembre 1987 (1).

Quelques menus services

Cette cause si ardemment défendue des moudjahidines afghans n’aura pas pour seule conséquence tragique la prise de Kaboul en 1996 par les talibans. Les supplétifs étrangers du mouvement, persuadés par la presse occidentale et son parrain américain d’avoir à eux seuls gagné la guerre, vont bientôt rentrer l’exporter dans leur propre pays, en particulier en Algérie. D’autres vétérans du djihad, à l’instar du Saoudien d’origine yéménite Oussama Ben Laden, expulsé du Soudan, se réfugient à leur tour en Afghanistan. Les « quelques excités islamistes », pour reprendre la formule de Brzezinski, abandonnés par leurs sponsors à l’exception du Pakistan et de quelques franges de la famille royale saoudienne, ne vont pourtant pas tarder à se rappeler au bon souvenir de l’Oncle Sam, et même lui rendre involontairement quelques menus services.

Au moment des attentats du 11 septembre 2001, les néoconservateurs à la Maison-Blanche recherchent désespérément un prétexte pour opérer un redéploiement militaire et garantir la suprématie des États-Unis. Côté démocrate, Brzezinski, futur conseiller de Barack Obama, milite pour une politique agressive de son pays en Asie centrale, autour de la mer Caspienne, pour faire main basse sur les gigantesques réserves de gaz et de pétrole détectées dans les anciennes républiques soviétiques. Aux frontières de l’Afghanistan.

(1) Lire « Quand les djihadistes étaient nos amis », le Monde diplomatique, février 2016
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