Ministre du Travail du gouvernement de Madrid, Yolanda Diaz s’attelle depuis des mois à détricoter une par une toutes les mesures imposées lors de la crise des dettes publiques. Par cette contre-réforme, il s’agit de rétablir les droits et les protections volés il y a dix ans aux salariés.
Cela peut paraître technique. De la cuisine juridique, en quelque sorte. Mais cela ne l’est pas, en réalité : la réforme du marché du travail, en gestation en Espagne, est éminemment politique. Derrière le minutieux détricotage des mesures de dérégulation les plus néfastes imposées à la faveur de la crise des dettes publiques il y a une dizaine d’années – dans la péninsule Ibérique, mais également en Irlande, en Italie, à Chypre et, bien sûr, pour le pire du pire, en Grèce –, le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez opère une forme de « contre-contre-révolution néolibérale » et tente de remettre les droits comme les protections sociales à l’endroit dans un pays ravagé par les diktats de l’Union européenne, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale européenne (BCE).
Sous l’impulsion, dans ce domaine, de la communiste Yolanda Diaz, ministre du Travail et troisième vice-présidente du Conseil des ministres, la coalition au pouvoir à Madrid, rassemblant les socialistes (PSOE) et Unidas Podemos, s’attaque ainsi à quelques-uns des totems austéritaires, hérités des années de gouvernement de droite dirigé par Mariano Rajoy : modération ou même glaciation salariale, multiplication des contrats précaires, hiérarchie des normes inversée avec prééminence de l’accord collectif d’entreprise, etc.
Relance par les salaires
Dans le détail, après avoir augmenté le salaire minimum de près de 30 % depuis l’automne 2019 – il est désormais à 1 108 euros, alors qu’il culminait autour de 800 euros sous Rajoy –, le gouvernement de gauche espagnol promet de persévérer dans cette voie. « Politiquement, il y a toujours de la marge », constate Yolanda Diaz, à rebours des « comités d’experts » qui, sous couvert d’objectivité, limitent, comme mécaniquement, les évolutions salariales dans la plupart des autres pays européens. La Banque d’Espagne a, dans cet esprit, essayé d’allumer un contre-feu, avec une étude censée démontrer que la hausse du salaire minimum détruisait les emplois.
Pour les syndicats, c’est complètement faux, bien sûr. Selon Unai Sordo, le secrétaire général des Commissions ouvrières (CCOO), l’augmentation du salaire minimum « produit », au contraire, « un effet de création nette d’emplois » car les travailleurs peuvent utiliser l’argent pour « relancer la consommation dans les magasins, les bars et les librairies ». Aussi, afin de rattraper le retard en la matière par rapport aux autres pays de l’Union européenne, il convient, pour les CCOO, mais aussi pour l’autre grand syndicat espagnol, l’UGT, de programmer des hausses jusqu’à la fin de la législature. De quoi permettre au salaire minimum en vigueur d’atteindre 60 % du salaire médian, soit 1 200 euros.
Le recours à des contrats temporaires sera limité à des situations données, comme l’augmentation réellement imprévue de l’activité.
Endémique en Espagne, la précarité des contrats est également au cœur du projet de réforme du marché du travail. Pour le gouvernement, en général, et pour Yolanda Diaz, en particulier, il s’agit de réduire drastiquement le nombre et la variété de contrats à durée déterminée, alors que, parmi les Vingt-Sept, le pays crève tous les records : 27 % des contrats sont à durée déterminée en Espagne. « Le principe fondamental doit être la stabilité dans l’emploi et on n’acceptera plus de limitation temporelle que lorsqu’une cause précise le justifie », avertit la ministre du Travail.
Particulièrement prisée par les employeurs espagnols car extrêmement souple et dénuée d’obligations, la forme du contrat de mission – « contrato de obra y servicio » en castillan – pourrait ainsi disparaître. Dans le projet gouvernemental, le recours à des contrats temporaires sera limité à des situations données, comme l’augmentation réellement imprévue de l’activité. Ce qui permet d’écarter catégoriquement tous les statuts précaires pour les situations « normales et permanentes » dans une entreprise…
Garantir des socles de droits
Dernier volet phare de la réforme en Espagne : le gouvernement introduit une « dérogation » aux lois austéritaires de 2012 qui, engagées dès la victoire du leader du Parti populaire (PP, droite), Mariano Rajoy, avaient renversé la hiérarchie des normes, en faisant de l’entreprise, le lieu où les relations sociales sont les plus inégales au plus grand bénéfice des patrons, le centre névralgique de la négociation et de la fixation des garanties collectives. Comme ailleurs en Europe, et notamment en France, ces textes ont donné la priorité aux accords d’entreprise sur les accords de branche, avec des possibilités de mettre en place des régimes moins-disants en matière de salaires, de temps et d’organisation du travail.
C’est cette machine à broyer les cadres de protection pour les salariés que le gouvernement Sanchez entend détruire. Le but est clairement de garantir des socles de droits au niveau des branches en dessous desquels il sera impossible d’aller dans les entreprises : finis les accords allongeant le temps de travail ou rognant sur les congés au nom de la « compétitivité » !
Dans ce champ, Yolanda Diaz veut également rétablir un principe assez inédit en Europe et protecteur qui avait été annihilé par les forces austéritaires : la « ultraactivitad », qui est un régime juridique garantissant la persistance des dispositions d’un accord arrivé à expiration tant qu’un autre accord n’a pas été validé entre patronat et syndicats. Une manière d’empêcher la dénonciation intempestive permettant aux employeurs de se délester de certaines obligations, sans rien proposer en contrepartie.
Retour de bâton de Bruxelles
Alors que les syndicats CCOO et UGT applaudissent ces mesures, l’Union européenne mais aussi l’OCDE veillent. Ces derniers mois, Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission européenne, n’a pas manqué de tancer le gouvernement espagnol, en particulier sur la faveur qu’il entend rétablir aux accords de branche, au détriment des accords d’entreprise : les institutions européennes considèrent que les accords dérogatoires apportent de la « flexibilité » sur le marché du travail. Et tout le plan a de quoi faire sourciller à Bruxelles, où, pour l’heure, les gardiens du temple, aiguillonnés par le patronat espagnol ou européen, attendent encore leur heure avant de dégainer leur arme de dissuasion et de chantage favorite, l’accès aux fonds européens de sauvetage post-Covid-19.
Espagne. Titre du journal de Galice: "Yolanda Diaz ( la nouvelle ministre du Travail):la lutte ouvrière arrive au gouvernement."
Espagne. Yolanda Diaz, la nouvelle ministre du Travail du gouvernement de coalition "plus aimée par les syndicats que par les patrons" est une élue communiste de Galice. Elle annonce trois premiers objectifs: augmentation du salaire minimum, réforme du travail, nouveaux statuts pour les travailleurs.
Un nom qu'il faut retenir. La ministre du Travail du nouveau gouvernement de gauche en Espagne.
Une énorme responsabilité pour une femme qui, à l'inverse de Margartet Thatcher, a pour mission de redonner fierté et honneur au monde du travail espagnol, qu'il soit catalan, castillan, galicien, basque ou autre en commençant par faire tomber les loi anti-sociales scélérates qui ont été imposées par le PP et Ciutadanos et soutenues, ne l'oublions pas, par la droite catalane (CIU) à l'époque du président Mas.
Yolanda est galicienne. Quand on parle de la Galice, on évoque souvent Franco et le bastion du PP... mais les choses changent. Pour exemple, Martiño Noriega Sánchez, né en 1975, le maire de la capitale galicienne, Saint Jacques de Compostelle, est soutenu par Podemos.
Yolanda est militante du Parti communiste de Galice affilié au PCE et membre de la coalition IU. Elle a été députée de la Corogne puis de Pontevedra. Elle est titulaire d'une licence de droit et de 3 masters en sciences humaines. Tout un programme diraient certains. Franco doit se retourner dans sa nouvelle tombe ! Pourvu qu'il y reste...
Face à l'ingérence des États-Unis à Cuba, le PCF exige la levée du blocus et affirme sa solidarité avec le peuple cubain
Prenant pour prétexte des manifestations dans plusieurs villes cubaines, les États-Unis se livrent aujourd’hui à une nouvelle ingérence à Cuba
Le PCF ne saurait accepter cette provocation. C’est à la nation cubaine et à son peuple de déterminer souverainement leur destin. Pas à l’impérialisme américain qui s’efforce depuis des décennies d’étrangler la révolution qui a débarrassé Cuba d’une dictature sanglante et qui l’a protégée des prédations des multinationales et des institutions financières mondiales.
Les officines étatsuniennes, dotées de millions de dollars, s’emploient à exploiter les dures épreuves imposées au peuple cubain en pariant sur un rejet du gouvernement. Elles viennent de passer à une vitesse supérieure avec une nouvelle tentative de déstabilisation du pays.
Nous sommes résolument aux côtés du peuple cubain.
Les administrations nord-américaines, hier celle de Trump, aujourd’hui celle de Biden, portent pourtant l’écrasante responsabilité d’une situation économique dévastatrice. Le blocus est la principale source des difficultés du pays en interdisant à Cuba de commercer, d’échanger, de recevoir les matières premières, notamment pour les vaccins contre le Covid-19, et en visant ainsi à asphyxier l’économie cubaine et à attaquer sa souveraineté. Cuba n’a pas besoin de tutelle ou de "corridor humanitaire". Avec les Présidents mexicain et argentin, avec l’ancienne Présidente brésilienne Dilma Rousseff, le PCF demande, en reprenant leurs propos : « Si vous vous intéressez réellement à Cuba, mettez fin au blocus. »
Le PCF demande au Président de la République, à son gouvernement, à l’Union européenne :
• D’agir en faveur de la stricte application des résolutions de l’ONU exigeant la levée totale et immédiate du blocus contre Cuba
• De faire entendre la voix de la France pour exiger de M. Biden l’arrêt des ingérences et le respect de la souveraineté de Cuba.
• De développer nos échanges économiques, culturels, politiques avec Cuba.
Les communistes français sont résolument aux côtés du peuple cubain. Ils prendront dans les prochaines semaines toutes les initiatives de solidarité nécessaires.
Suha Jarrar, la fille de Khalida Jarrar, dirigeante politique et ancienne députée palestinienne, actuellement détenue politique est décédée il y a 3 jours.
Malgré des années de harcèlement de la part de l’occupant israélien, de nombreuses années derrière les barreaux, loin de son mari et de ses filles, Khalida Jarrar a toujours su rester forte et combative. Aujourd’hui, Khalida Jarrar fait face à la pire des souffrances en apprenant le décès de sa fille, Suha, 31 ans. Elle va l’appris par ses avocats, derrière les murs froids de la prison dans laquelle elle est enfermée depuis deux ans, loin de son mari Ghassan et de leur fille Yafa. Une demande de libération sera déposée par ses avocats afin de lui permettre d’enterrer sa fille et d’être parmi les siens pour affronter cette tragique épreuve. Khalida est une prisonnière politique palestinienne qui a été arrêtée en raison de son engagement politique. Elle aurait dû avoir le droit d’assister aux funérailles de sa fille.
Khalida est détenue depuis près de deux ans et sa peine doit prendre fin dans deux mois. Elle a été arrêtée de nombreuses fois par le régime israélien et a été l’objet de plusieurs formes d’abus et de persécutions.
Les autorités israéliennes doivent libérer Khalida au plus vite.
Mardi 13 juillet à Ramallah en Cisjordanie occupée, des centaines de personnes se sont réunies pour l’enterrement de Suha Jarrar, tragiquement disparue le 11 juillet dernier. Suite à une décision de l’occupation israélienne, sa mère Khalida Jarrar a été empêchée d’assister à la cérémonie pour dire adieu à sa fille alors qu’elle purge une peine de deux ans de prison en raison de ses activités politiques et doit être libérée dans deux mois. Prisonnière palestinienne et dirigeante du Front Populaire de Libération de la Palestine, elle a adressé un dernier message à sa fille...
"Je souffre tellement, mon enfant, seulement parce que tu me manques.
Je souffre tellement, mon enfant, seulement parce que tu me manques.
Du plus profond de mon agonie, j’ai tendu la main et embrassé le ciel de notre patrie à travers la fenêtre de ma cellule de la prison de Damon, à Haïfa. Ne t’inquiète pas, mon enfant, je me tiens debout et inébranlable, malgré les chaînes et le geôlier. Je suis une mère dans la douleur qui se languit de te voir une dernière fois.
Cela ne peut se passer qu’en Palestine. Tout ce que je voulais, c’était faire un dernier adieu à ma fille, avec un baiser sur son front et lui dire que je l’aime autant que j’aime la Palestine. Ma fille, pardonne-moi de ne pas avoir assisté à la célébration de ta vie, de ne pas avoir été à tes côtés pendant cette déchirure du ciel, aspirant à te voir, à te caresser et à planter un baiser sur ton front à travers la petite fenêtre de ma cellule de prison.
Suha, ma précieuse. Ils m’ont privé de te donner un dernier baiser d’adieu. Je te dis adieu avec une fleur. Ton absence est douloureuse, atrocement douloureuse. Mais je reste inébranlable et forte, comme les montagnes de la Palestine bien-aimée."
L’augmentation des dépenses prévues par la Maison-Blanche au budget 2022 pour « la modernisation » de l’arsenal nucléaire, reprend la périlleuse fuite en avant initiée par l’ex-président.
Joe Biden s’inscrit dans la poursuite de la course aux armements nucléaires engagée par son prédécesseur. Cette volonté transpire dans les chiffres que vient de fournir la Maison-Blanche sur ses propositions de budget pour l’année 2022. Le financement de la « modernisation de l’arsenal nucléaire » lancée à grands frais par Donald Trump, est maintenu dans les mêmes ordres de grandeur. Au grand désappointement de plusieurs ONG engagées en faveur de la lutte pour la paix et le désarmement. L’Association pour le contrôle des armes (Arms Control) prend les citoyens à témoin en citant des extraits de discours de campagne où Joe Biden se répandait contre « l’excès des dépenses pour les armes nucléaires ».
« 1,5 fois plus importante que le budget total des centres sanitaires et de prévention. » Mark Pocan et Barbara Lee, membres démocrates de la Chambre des représentants
Au sein de l’aile gauche du Parti démocrate, inquiétudes et critiques s’accroissent après les récents renoncements d’un plan bipartisan sur les infrastructures – le projet d’augmentation de l’impôt sur les sociétés de 21 % à 28 % y a été tout simplement biffé. À elle seule, l’augmentation des dépenses militaires programmée est sur un an « 1,5 fois plus importante que le budget total des centres sanitaires et de prévention » contre la pandémie de Covid-19, s’insurgent dans une déclaration commune Mark Pocan et Barbara Lee, membres démocrates de la Chambre des représentants.
Un budget historique de 752,9 milliards de dollars
La hausse des dépenses pour les armes nucléaires contribue pour une bonne part à l’augmentation de 11 milliards de dollars du projet de budget consacré aux armées et à leurs engins de mort. Soit un niveau historique de 752,9 milliards de dollars, qui pulvérise les records déjà atteints ces quatre dernières années.
La « modernisation » de l’arsenal nucléaire obéit à une logique extrêmement périlleuse. Elle est en effet en bonne partie destinée à l’élaboration d’armes dites de « plus faible puissance » (lower field), qui rendraient leur usage plausible sur un éventuel champ de bataille. En rupture donc avec les principes de la dissuasion nucléaire fondés sur un non-usage des armes atomiques par crainte d’un anéantissement réciproque. Lors du lancement du processus en 2018, Trump avait soulevé un tollé et avait été accusé, à juste titre, de se comporter comme un docteur Folamour justifiant le recours d’une éventuelle « frappe nucléaire en premier » contre un adversaire sans risquer l’apocalypse en retour.
Miniatures mais monstrueux
La « modernisation » reprise à son compte par l‘équipe Biden suppose la poursuite de la mise au point de missiles dits « miniaturisés » tirés depuis des sous-marins, dont la puissance ne permettrait certes pas, selon les spécialistes, de vitrifier des métropoles entières, mais serait tout de même équivalente à celle de la… bombe d’Hiroshima.
C’est la gabegie de dépenses militaires sur le long terme qui inquiète le plus les progressistes états-uniens. La « modernisation » des arsenaux nucléaires répond en effet à la nécessité d’une programmation sur au moins une décennie. L’Association pour le contrôle des armes a calculé que cela induit un surcroît de dépenses militaires de quelque 634 milliards de dollars (510 milliards d’euros) sur les dix prochaines années.
Des manifestants sont descendus dans les rues de plusieurs dizaines de villes. Les sanctions américaines, la pandémie de Covid-19 et la crise économique se conjuguent pour le pire, dans un climat de tension guetté par Washington.
C’est une secousse sérieuse. Sans doute la plus forte depuis le Maleconazo du 5 août 1994, lorsque les dures restrictions économiques de la « période spéciale », dans une île sous blocus états-unien, ayant perdu ses appuis soviétiques avec la chute du bloc de l’Est, avaient donné lieu, à La Havane, à de violentes émeutes. Dimanche, des marches ont réuni, aux cris de « Liberté ! », des milliers de Cubains excédés par les pénuries d’aliments, de médicaments, par les coupures d’électricité. Parti de San Antonio de los Baños, une petite ville à 25 km au sud-ouest de La Havane, où le premier rassemblement a été signalé, cet élan a gagné plusieurs dizaines d’autres villes, dont la capitale, au rythme des images répercutées sur les réseaux sociaux, de plus en plus fréquentés depuis l’arrivée de l’Internet mobile, fin 2018.
« Nous avons faim ! »
Conséquence logique de la pire crise économique depuis trente ans : la crise sanitaire, la mise à l’arrêt du secteur touristique et le brutal durcissement des sanctions américaines par l’administration Trump se sont combinés pour le pire, entraînant, ces derniers mois, une dégradation terrible des conditions de vie de la population. « Nous avons faim ! » scandaient les protestataires, en défiant d’imposants déploiements militaires et policiers.
Les réformes économiques entrées en vigueur au début de l’année, dans le contexte le plus défavorable qui soit, avec une récession de 11 % en 2020, n’ont pas eu les effets escomptés. Au contraire, la fusion au début de l’année du peso (CUP) et du peso convertible (CUC), aligné sur le dollar, a entraîné une sévère spirale inflationniste. Les salaires des fonctionnaires et les retraites ont bien été multipliés par cinq, mais ces hausses, qui ne concernent que les trois cinquièmes de la population, ont vite été rattrapées par l’hyperinflation, malgré l’instauration d’un contrôle des prix.
L’industrie du tourisme, l’une des principales pourvoyeuses de devises et d’emplois, qui représentait, en 2019, près de 10 % du PIB, s’est, elle, effondrée avec la pandémie de Covid-19 : Cuba n’a accueilli, en 2020, que 1 million de visiteurs étrangers, contre plus de 4 millions l’année précédente. Autre ressource vitale qui s’est réduite comme peau de chagrin : les transferts de fonds des Cubains établis à l’étranger, qui ont diminué de plus de 50 % au cours de l’année 2020. Une pénurie de devises propre à asphyxier un pays qui importait, en 2019, près de 70 % de ses denrées alimentaires.
Le cynisme de Washington
Dans ces circonstances, le marché noir prospère, mais à des prix inaccessibles pour l’écrasante majorité des Cubains, et, surtout, l’île est plus vulnérable que jamais aux effets de la guerre économique sans merci que lui livre Washington avec le blocus décrété en 1962, dont la portée extraterritoriale interdit le développement des échanges économiques et commerciaux avec des pays tiers. Au début de la pandémie, la haute commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, avait mis en garde contre les effets humanitaires désastreux de ces sanctions, en appelant à les « assouplir » ou à les « suspendre ». Non seulement son appel n’a pas été entendu, mais Donald Trump les a au contraire renforcées, avec un arsenal de 243 nouvelles mesures et l’inscription de Cuba sur la liste des pays que les États-Unis tiennent pour « terroristes ».
Avec cette politique d’étranglement aux conséquences criminelles, l’objectif stratégique de Washington est clair : pousser la population à bout, l’encourager à se retourner contre le gouvernement cubain pour le faire tomber. Sur ce terrain, l’administration Biden n’a pas manifesté de volonté de rupture. Dans un message adressé, le 20 mai dernier, à « tous ceux qui construisent un Cuba meilleur », le secrétaire d’État Antony J. Blinken exaltait la « quête de liberté, de prospérité et d’un avenir plus digne » appuyée selon lui par les États-Unis. Lesquels plaident désormais, avec un cynisme assumé, pour un « corridor humanitaire », Joe Biden imputant même « les souffrances économiques » des Cubains au « régime autoritaire » de La Havane. Réponse de Miguel Diaz-Canel, dimanche, à la télévision : « Nous n’admettrons pas que de quelconques contre-révolutionnaires, des mercenaires vendus au gouvernement des États-Unis (…) provoquent la déstabilisation dans notre peuple. » Le président cubain a solennellement appelé « tous les révolutionnaires du pays, tous les communistes, à descendre partout dans la rue pour déjouer cette provocation » annonçant à ses yeux un « plan d’annexion ».
Le coût des sanctions
Au total, La Havane estime à 9,157 milliards de dollars le préjudice causé par le blocus à son économie, entre avril 2019 et décembre 2020, soit 436 millions par mois en moyenne. Au cours de ces cinq dernières années, ces sanctions auraient coûté à l’économie cubaine plus de 17 milliards de dollars.
Les négociations à l’OCDE s’annoncent très serrées après le feu vert donné samedi par les ministres des Finances du G20 à l’impôt mondial de 15 % et à la taxation des multinationales.
D’habitude avares en tout, les grands argentiers du G20 ont été prodigues en superlatifs. « Nous sommes parvenus à un accord historique sur une architecture fiscale internationale plus stable et juste », ont-ils annoncé samedi en clôture de leur sommet à Venise. Les ministres des Finances et des gouverneurs de banque centrale des vingt plus grandes puissances économiques mondiales ont repris à leur compte l’accord travaillé au sein de l’OCDE et appuyé par le G7 début juin. À défaut de l’ONU, non saisie sur la question, c’est à ce club des riches qu’est revenu l’honneur de poser la première pierre de cette construction fiscale à deux « piliers ». Le premier vise à taxer les plus grandes multinationales qui échappent à l’impôt à coups d’optimisations fiscales. Le second porte sur une imposition minimale mondiale de 15 % sur les bénéfices des entreprises afin de réduire le dumping fiscal entre pays ainsi que le nombre de paradis fiscaux. Si les principes sont posés, les détails restent à régler. Or, les discussions qui vont reprendre à l’OCDE jusqu’en octobre pourraient réduire cette maison commune fiscale aux ambitions déjà bien réduites en une baraque ouverte à toutes les exceptions.
1- Un impôt mondial façon emmental
Bruno Le Maire a salué samedi une « révolution fiscale » pour laquelle « il n’y a plus de retour en arrière possible ». Le ministre de l’Économie peut se montrer enjoué. Lui qui avait rué dans les brancards lorsque à l’OCDE un taux minimal d’impôt sur les sociétés de 25 % était discuté, puis bataillé contre les 21 % proposés il y a tout juste un mois par les États-Unis se contente fort bien des 15 % planchers entérinés par le G20. Un taux de 25 % aurait pourtant rapporté jusqu’à 32 milliards d’euros dans les caisses du fisc français chaque année ou 170 milliards d’euros à l’Europe, selon l’Observatoire européen de la fiscalité. Mais le gouvernement suit à la lettre son document de positionnement sur la transparence fiscale adressé à l’Union européenne, que le Medef avait rédigé.
Si la France n’en a pas l’ambition, rien n’empêche d’autres pays de fixer un impôt sur les bénéfices des sociétés au-delà de ces 15 %. Mais alors bien plus haut. « Après plusieurs décennies de baisse des taux nominaux de l’impôt sur les sociétés, la convergence semble désormais se faire autour de 25 % », notait le Conseil des prélèvements obligatoires en fin de semaine dernière. Les États-Unis passeront à 28 %, les Britanniques à 25 %. L’Italie est à 24 %. L’Allemagne n’est pas loin en comptant son imposition locale. La France, qui vise les 25 % en 2022, ne dépareillera pas.
Ces 15 % n’effraient pas non plus les multinationales. Moins de 10 000 grandes entreprises seraient concernées : celles dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’euros. Elles pourront sans doute compter sur le club de paradis fiscaux, mené par l’Irlande, rassemblant notamment la Hongrie, l’Estonie, la Barbade pour négocier quelques exemptions afin de préserver leur « attractivité fiscale ». Voilà pourquoi l’OCDE table sur 150 milliards de dollars de recettes fiscales annuelles par an. Que ça. Mais déjà ça.
2- Les multinationales tremblent peu
La taxation des multinationales telle que prévue dans le « pilier un » ne fait pas peur non plus aux entreprises les plus riches. Dans l’état actuel des discussions, seules celles dont le chiffre d’affaires dépasse les 20 milliards de dollars et qui affichent une rentabilité supérieure à 10 % sont visées. 20 % et 30 % de leurs « surprofits » pourraient être taxés. Mais à ce compte, Amazon échapperait au mécanisme du fait de son agilité fiscale. Quant aux entreprises financières et extractives, elles ont bon espoir d’être exemptées. Parties à cent, les multinationales visées pour payer leurs impôts dans le pays de leurs sièges sociaux et de leurs activités pourraient se retrouver à 70.
Par ailleurs, comme le note Quentin Parrinello, d’Oxfam France, « des exemptions s’organisent déjà. Trois lignes dans le texte de l’OCDE indiquent que si vous disposez d’actifs, comme une usine, ou de salariés dans un pays, vous aurez droit à 5 % de déduction fiscale dans les cinq premières années de mise en place de l’accord, puis de 7,5 %. On ne parle plus de trous dans le plancher des 15 %. Ce sont carrément des parties qui ont été sciées ! ».
Les multinationales tremblent d’autant moins que celles s’estimant trop taxées pourraient saisir des tribunaux arbitraux. Face à leurs bataillons d’avocats, les gouvernements désargentés pèseraient peu dans ces juridictions privées.
3 - Des mécanismes qui ne réduisent pas les inégalités
Des pays en développement comme le Nigeria et le Kenya n’ont pour l’heure pas signé le texte de l’OCDE. C’est qu’ils ne profiteront globalement pas de ce surplus fiscal. 40 % de la population mondiale la plus pauvre devra se partager, selon les projections de l’OCDE, 2,4 milliards d’euros à l’année, soit à peine un euro par citoyen, quand les huit États les plus riches récupéreront, eux, plus de 50 milliards. Or, ce sont les pays en développement qui souffrent le plus de l’évasion fiscale des multinationales.
Pour tenter de faire passer la pilule, les ministres des Finances des 19 pays les plus riches et de l’Union européenne vont discuter d’une nouvelle émission de droits de tirage spéciaux (DTS) au profit des plus vulnérables.
Derrière ce nom technique se cache la monnaie du Fonds monétaire international (FMI). Adossés aux grandes banques centrales, ces fonds soit servent de monnaie de réserve pour stabiliser la valeur de la monnaie intérieure, soit sont dépensés pour financer des investissements. Le G20 réfléchit ainsi à mobiliser un peu plus de 80 milliards d’euros en DTS, dès le mois d’août. Soit à peine une année de revenus de taxe sur les multinationales, dont les pays pauvres ne verront globalement pas la couleur.
4 - Les États-Unis donneront le la
Une dernière incertitude demeure : l’application par les États des mesures une fois définies au sein de l’OCDE. La taxe sur les multinationales implique que les pays où les firmes ont leurs activités s’entendent avec ceux où ces mêmes firmes possèdent leurs sièges pour recouvrir les taxes dues. « Les modalités d’une telle coopération, qui pourraient faire l’objet d’une convention multilatérale, restent à fixer », prévient le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Quant à l’impôt mondial, il appartient à chaque pays de l’OCDE de le retranscrire. « Certains États – notamment ceux pratiquant les taux d’imposition les plus faibles – pourraient être tentés de transposer les règles de manière très restrictive », reprend le CPO.
Les États-Unis, qui ont donné une impulsion décisive aux travaux de l’OCDE cet hiver, joueront là encore un rôle pivot. L’administration Biden n’a pas lâché son objectif d’affaiblir les Gafam. Le président états-unien a exhorté vendredi la juriste Lina Khan, pourfendeuse des géants du numérique à la tête de l’autorité américaine de la concurrence (FTC), de viser les activités anticoncurrentielles de ces firmes.
Mais l’affaire s’annonce difficile au Parlement avec les républicains. Dans ce jeu de politique intérieure, les taxes Gafam, appliquées par exemple en France ou en projet en Europe, feront objet de monnaie d’échange. La secrétaire au Trésor Janet Yellen a appelé dimanche les Européens à reconsidérer ces taxes « discriminatoires à l’égard des entreprises américaines ».
Dans son édition du 30 juin, le site du journal israélien Israel Hayom cite les déclarations de la ministre de l’Intérieur, Ayelet Shaked. Celle-ci évoque notamment le cas de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri en ces termes : « Les actions de Salah Hamouri constituent une violation grave de l’engagement fondamental d’un citoyen israélien, et en raison de cet abus de confiance, la révocation de sa citoyenneté est légalement justifiée. » En clair, les autorités israéliennes veulent interdire à Salah Hamouri de vivre dans sa ville natale, Jérusalem. Interrogé par l’Humanité sur ces menaces, le Quai d’Orsay a répondu que ses services « à Paris, Jérusalem et Tel-Aviv sont pleinement mobilisés pour que Salah Hamouri puisse faire valoir l’ensemble de ses droits et qu’il puisse mener une vie normale à Jérusalem, où il réside. La situation de Salah Hamouri est suivie attentivement et à haut niveau par les autorités françaises ». P. B.
Israël. Le gouvernement s’acharne contre Salah Hamouri
La ministre de l’Intérieur veut la révocation du statut de résident permanent à Jérusalem de l’avocat franco-palestinien.
Le nouveau gouvernement israélien prolonge la politique menée par Benyamin Netanyahou. Particulièrement s’agissant de l’occupation des territoires palestiniens. Depuis plusieurs jours maintenant, les colons se déchaînent. Un jeune Palestinien a été tué non loin de Naplouse.
Les détentions administratives se multiplient
De son côté, la ministre de l’Intérieur, Ayelet Shaked, membre de l’extrême droite israélienne, déjà ministre dans l’équipe précédente, poursuit sur sa lancée. Les détentions administratives se multiplient. Ghazanfar Abou Atwan, 28 ans, est en grève de la faim depuis maintenant 62 jours pour protester contre son incarcération arbitraire. Sa santé est en train de se dégrader.
C’est dans une telle situation que Ayelet Shaked vient d’annoncer qu’elle approuvait la révocation du statut de résident permanent de Jérusalem de Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, né et vivant à Jérusalem. Une information publiée, ce lundi, sur la version anglaise du site Israel Hayom.
Plus de 14 500 Palestiniens ont perdu le statut de résident depuis cinquante ans.
Depuis l’annexion illégale de Jérusalem-Est par Israël en 1967, les Palestiniens qui y vivent sont considérés comme des « résidents permanents ». Contrairement aux Israéliens, qui sont citoyens, les Palestiniens de Jérusalem doivent posséder un permis de résidence pour y demeurer.
Or, Israël s’arroge le droit de révoquer ce permis de plusieurs manières. Plus de 14 500 Palestiniens ont perdu ce statut depuis cinquante ans. Selon l’amendement du 7 mars 2018 à la loi sur l’entrée en Israël, contester la politique israélienne représente une « rupture de loyauté envers l’État d’Israël ».
« Les actions de Salah Hamouri constituent une violation grave de l’engagement fondamental d’un citoyen israélien et, en raison de cet abus de confiance, la révocation de sa citoyenneté est légalement justifiée », a doctement expliqué la ministre de l’Intérieur. Elle doit obtenir l’accord du ministre de la Justice et du procureur général.
Le premier week-end du mois de juin 2021 aura vu les négociations engagées entre les pays du G7 aboutir à l’idée d’une taxation des bénéfices des multinationales, remontés à leur siège, à un taux de 15 %. Concrètement, que signifie cette proposition et comment se traduirait-elle ? Par exemple : une entreprise qui réalise des bénéfices sur notre territoire et relève d’un groupe multinational dont le siège est installé dans un pays à faible impôt sur les sociétés (10 %), devra s’acquitter de 5 % supplémentaires à l’État Français pour atteindre les 15 %.
Cette mesure cible les multinationales du numérique, les GAFA, mais aussi certaines entreprises françaises du luxe ou de la banque. Par contre, pour celles du médicament et de la pharmacie… on attendra un peu !
Dans l’air du temps, notamment à partir de la crise financière 2008-2009 qui a éveillé la conscience mondiale de la réalité de l’évasion et de l’optimisation fiscales, les négociations sur un impôt sur les sociétés minimum auront sans doute connu une certaine accélération sous l’effet de la crise sanitaire et du besoin nouveau de financements publics qu’elle a généré. En arrière-plan se trouve également la montée des mouvements revendicatifs face à la mondialisation capitaliste.
L’OCDE, un des bras armés du G7, lui-même expression économico-politique de l’atlantisme, est depuis quelque temps en alerte face à « l’érosion des bases fiscales », encouragée par la concurrence fiscale agressive à laquelle se livrent certains pays dans l’espoir d’accueillir sur leur territoire quelques entreprises et activités avec les emplois à la clé. Ainsi la proposition d’une sorte d’IS mondial s’apparente plus à une forme de réflexe sur le mode « touche au grisbi ! » qu’à une volonté affirmée des pays du G7 de traquer la fraude fiscale et de s’en prendre à l’évasion fiscale. Un constat d’autant plus amer que ces mêmes pays (Royaume-Uni, France, Japon, Canada, États-Unis, Allemagne) sont les pointes avancées de l’ultralibéralisme dont une des pierres angulaires idéologiques est l’autorégulation du marché.
Enfin on soulignera que le débat s’est, depuis quelques années déjà, polarisé sur la situation des grands groupes engagés dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication (les GAFAM) et dans leurs applications. Il s’est également centré autour du problème du taux facial de l’impôt sur les sociétés (IS), comparant par exemple celui de 12,5 % de l’Irlande avec le taux français de 28 % cette année ou avec les taux hongrois ou slovaque d’environ 10 %.
Aboutissement d’une longue réflexion, la proposition de l’OCDE aux gouvernements réunis dans le cadre du G7 de retenir un « taux minimal d’IS de 15 % » se présente comme un moyen de « réguler » la compétition fiscale et, on l’escompte, la concurrence économique… Affichée comme quasi révolutionnaire elle devrait prospérer auprès du G20. Pas la moindre des contradictions quand on sait que certains des États membres de ce sommet usent assez souvent des redevances et royalties là où l’on souhaite glisser l’impôt.
Un impôt trompe-l’œil, arme de guerre contre les services publics et le social
Pour récapituler, cet accord du G7 sur un IS mondial minimum est censé s’en prendre à l’évasion fiscale, décourager de la course au moins-disant fiscal, s’attaquer aux paradis fiscaux. De l’aveu des ministres des Finances britannique, allemand et français il s’agit d’un bon accord qui va permettre de casser la spirale de la concurrence fiscale entre États, et pour une part des délocalisations d’entreprises. L’objectif est pour eux de favoriser le redressement économique en cette période de sortie espérée de la pandémie du Covid en faisant droit à la justice et à la solidarité fiscales.
Malheureusement, il est à craindre qu’une telle mesure nous laisse loin, très loin des objectifs affichés et que finalement tout cela ne soit qu’un effet d’annonce politique permettant de donner momentanément le change en attendant une prochaine crise ou un prochain réveil des populations. Car sur le fond idéologique rien n’est vraiment changé. L’idée de base est de continuer à laisser croire que le capitalisme du XXIe siècle peut se « réguler » par lui-même. Au mieux, quelques aménagements à la marge peuvent être consentis. Mais pas touche aux principes sacrés de la mondialisation capitaliste, par exemple à celui de la concurrence libre et non faussée ou au mythe de la neutralité et de l’efficacité des nouvelles technologies informationnelles pour empêcher et débusquer la fraude. Utilisées contre l’intervention humaine, il s’agit surtout de laisser les peuples à l’écart de toutes ces questions et de ne surtout pas avoir recours à des personnels compétents et formés disposant de droits et de moyens réels de contrôle et de décisions. Les datas alliés du système, jamais cela n’aura été aussi vrai !
Au cœur de l’idée de fixation d’un taux d’impôt sur les sociétés mondial de 15 % sont en effet trois questions fondamentales :
Quelle est la « consistance » c’est-à-dire l’assiette, la base, sur laquelle seront calculés les bénéfices à soumettre à cet IS mondial minimal ?
Une fois cet IS minimum appliqué et prélevé, sera-t-il possible de remettre en cause les bases imposées en cas de découverte a posteriori de fraudes ou de malversations ? Cette imposition ne risque-t-elle pas de jouer comme une forme de rescrit ? C’est 15 % et puis basta !
Ce taux de 15 % ne risque-t-il pas de tirer vers le bas celui des pays qui en applique un plus élevé.
Comme souvent en période de tension de la dépense publique au plan national, européen et mondial, l’arrivée sur le devant de la scène médiatique d’une telle proposition ne vient-elle pas détourner de la vraie question qu’est l’enjeu fondamental de nouvelles recettes pour les États, et parmi celles-ci des recettes fiscales qui y occupent une place prépondérante ? Carburant des services publics et des dépenses sociales, ne sont-elles pas, dans le contexte actuel de rationnement de la dépense publique, irrémédiablement vouées à n’être constituées que des quelques miettes que sa majesté « Capital » aura bien voulu lui octroyer ? Changer de cap en la matière correspond à un changement radical de politique, choix que ne semblent pas prêts d’effectuer les pays membres de l’OCE et particulièrement ceux du G7.
Quelques voies d’analyse et éléments de propositions.
L’établissement de l’assiette d’IS taxable est à bien des égards déterminante pour faire payer aux entreprises multinationales un impôt juste et efficace. La négociation en cours à l’OCDE, avec le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) est censée traiter ce problème pour une meilleure imposition. Les discussions sur l’ACCIS (assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés) au niveau européen se situent dans la même optique. Une négociation qui risque de déboucher sur un bien petit dénominateur commun au vu des informations qui transpirent. Il devrait s’agir en effet de prendre quasiment pour acquis les pratiques d’élaboration des bases de chaque pays pour construire l’assiette consolidée pour au final implanter cette dernière dans le pays où multinationale aura choisi d’installer son siège. Pas besoin de longs développements pour imaginer dans quel pays ce siège sera implanté.
Quelle base ?
La question centrale est donc de savoir comment établir les bases, à partir de quoi et où les calculer ? Le défi est que ces dernières reflètent au plus juste l’activité d’un groupe et de ses filiales non pas concentrée au niveau du siège mais là où ont véritablement lieu les actes de créations, de construction, de production de biens et/ou de services, de vente…
Concernant l’établissement de la base d’imposition, si les choses sont assez claires pour une entreprise comme Apple qui vend à la fois des matériels informatiques et des services, c’est beaucoup moins évident pour Google qui exploite fondamentalement des services et notamment le fameux « référencement » dont il est plus compliqué d’appréhender le mode de rémunération, même si, concernant le montant des diverses ventes d’information, il existe aujourd’hui une grille de tarif qui certes, comporte encore de réelles approximations. C’est un problème sérieux qui nécessite d’accompagner absolument cette proposition d’un IS minimal au taux de 15 %, d’une autre revendication des mouvements altermondialistes, le « reporting State by State » dans la comptabilité des grands groupes. Car quand on décide de taxer des services dont le caractère immatériel est évident, il convient de connaître où les activités trouvent effectivement à se réaliser. Et cela peut aujourd’hui être connu, contrairement à ce qui est répété y compris par les plus hauts dignitaires des ministères des finances des pays du G7.
Mais le problème est également ailleurs. Par exemple en France, mais nous ne faisons malheureusement pas exception, la moitié ou presque de l’impôt sur les sociétés brut disparaît avant d’arriver dans les caisses de l’État, sous les effets conjugués de l’imposition séparée des plus-values, du report en arrière des déficits, de l’imputation de ceux des filiales, sans même parler du crédit d’impôt recherche, du crédit d’impôt compétitivité emploi ou du traitement des dotations aux amortissements, des provisions comme des dettes financières. Le résultat est connu ! En France, de 67 milliards d’impôt brut, nous arrivons, en bout de course, à 36,3 milliards d’impôt net. Un peu comme si le taux réel de l’impôt sur les sociétés était de … 15,17 %… Autant dire que la seule prise en compte d’un taux minimal mondial ne suffit pas à régler la question posée par l’optimisation fiscale. Notamment parce que, derrière les stratégies de taux, il y a des règles particulières qui tiennent aux relations que certains groupes entretiennent avec les États, particulièrement en matière de prix de transferts qui font l’objet de discussions entre les États et les représentants des multinationales là où ces dernières ont une ou des filiales implantées.
Ainsi, et pour ne donner qu’un exemple parmi d’autres, la capitalisation boursière d’un groupe français comme LVMH, dépasse aujourd’hui les 300 milliards d’euros. C’est-à-dire un montant bien plus élevé que le budget de bien des administrations nationales où ce groupe dispose de filiales ou d’une implantation. On imagine le rapport de forces ! Par exemple, un pays de l’Union Européenne comme la Slovaquie ne dispose que d’un budget d’environ 40 milliards d’euros et le total des dépenses publiques aux Pays-Bas représente un montant de 390 milliards d’euros. Dans le même ordre d’idées, la capitalisation boursière de Facebook, c’est 950 milliards de dollars. Celle d’Amazon dépasse les 1 600 milliards, soit 70 % de la dette négociable de l’État français. Voilà qui situe les enjeux et le niveau de la bataille à livrer ainsi que la détermination politique à afficher si on veut véritablement soumettre les bénéfices des groupes multinationaux à un impôt sur les sociétés digne de ce nom !
Sur le fond, une question doit être posée : qu’est-ce qui fait objectivement obstacle à ce que l’imposition de la vente de services ait lieu dans le pays où le service est effectué et puisse ainsi venir directement alimenter les caisses de l’État concerné ? N’est-ce pas là que l’acheteur en émet encore le plus souvent le paiement ?
Idem en plus évident pour les biens de consommation. Leur imposition devrait naturellement se faire là où ils sont produits et où ils sont d’une manière ou d’une autre vendus. En effet, un produit fabriqué dans un pays X avant d’être vendu par un pays Y suppose au préalable différentes opérations. La première est l’activation de tout un process de production dans le pays X auquel s’ajoute un acte de vente puis de transport pour se retrouver dans le pays Y qui ensuite le revendra. Par exemple, une voiture construite à l’étranger et vendue en France est normalement soumise à une double obligation comptable. Un bilan dans le pays de la production/vente, un bilan dans le pays de la revente, ces bilans étant normalement accompagnés d’une imposition dans chacun des pays. Il doit être à cet instant précisé que c’est dans le pays de production que la création de valeur ajoutée est localisée et avec elle le plus important paiement de salaires, de prestations sociales et par conséquent de multiples impôts. Concernant l’impôt sur les sociétés, ce sont d’abord les choix de chaque pays, puis entre eux, de conventions, voire d’accords tacites passés avec les représentants des multinationales, qui constituent le terreau de l’évasion et de la fraude fiscale organisée. Les banques et leurs diverses officines sont ensuite là pour ouvrir en grand les vannes au détournement de cet argent vers des cieux accueillants. Au préalable la réglementation de la gestion des relations mères-filles – fiscalité de groupe, bénéfice mondial consolidé – aura permis de mettre de l’huile dans les rouages. C’est cette législation permissive qui contribue en effet à ce que tout remonte au siège du groupe et que ce soit finalement à ce niveau, que se cumulent les « compensations fiscales » (management fees, prix de transfert, effet du carry back…) venant ainsi totalement miter une base imposable déclarée, cerise sur le gâteau, dans un paradis fiscal ou tout au moins dans un pays à taux d’IS ultra-minoré. Une chose à ne jamais oublier : l’objectif de tout ce circuit est de faire peser le minimum de contraintes sur les entreprises et donc sur le capital.
Parfois même, le pays de facturation peut devenir celui de l’imposition alors qu’aucune activité réelle n’y a été exercée, une sorte de comble ! Enfin, une facteur très important doit être observé touchant aux délocalisations d’entreprises. Il doit également être observé que si les délocalisations d’entreprises peuvent tenir à l’attirance de régimes fiscaux privilégiés, elles ont aussi beaucoup à voir avec le niveau des salaires pratiqués. D’où un lien étroit entre concurrence fiscale et concurrence sociale, toute chose que le G7 se garde bien de traiter.
Un calcul inavoué, un prélèvement libératoire qui ne dit pas son nom
Une autre problématique passée sous silence par l’accord envisagé par le G7 est la dimension de bouclier que cet impôt minimal sur les sociétés pourrait jouer. En effet, une fois payé le montant découlant du différentiel de taux, il y a fort à parier que les multinationales tirent argument de ce règlement pour refuser toute mise en cause ultérieure de leur base imposable. Ainsi, ce minimum de 15 % fonctionnerait comme une sorte de prélèvement libératoire lui-même, étant ensuite juridiquement utilisé comme un rescrit, pratique dont sont friands les grands groupes, qui a été largement poussée dans le droit fiscal français par les cabinets internationaux de conseil fiscal et juridique. Ainsi, les groupes ayant accepté le principe d’un rehaussement automatique de leur impôt sur les sociétés par les administrations fiscales pourraient utiliser l’application de cette règle pour s’opposer ensuite à toute intervention, tout contrôle de leur assiette imposable sur la période concernée. Le prétexte serait qu’il y aurait eu entente et engagement communs pour régler les impayés sur la base de l’accord du G7. Sans doute que nombreux sont déjà les conseillers fiscaux et juridiques à y avoir pensé, particulièrement ceux établis dans les pays anglo-saxons pour qui le rescrit doit devenir l’alpha et l’oméga des relations entre les contribuables et l’administration fiscale.
Ainsi le tour de passe-passe serait parfait. À un accord fiscal inoffensif pour les multinationales ainsi que le laisse largement entendre un des géants de la « toile » comme Facebook souhaitant « pleine réussite aux négociations en cours », s’ajouterait un certificat de probité fiscale délivré par les plus hautes instances des administrations fiscales nationales et internationales.
Un choix qui peut s’avérer contreproductif et finalement mortel
En proposant un taux « commun » minimal de 15 %, le G7 risque de jouer un autre mauvais tour aux comptes publics des États. Ce taux est près de 10 % en-dessous du taux moyen d’imposition des bénéfices dans le monde (23 %) et seulement trois pays de l’OCDE ont un taux inférieur ou égal à 15 %. Il est dès lors à redouter que la faiblesse du taux mondial proposé joue le rôle de pompe à bas taux vis-à-vis des pays qui pratiquent des taux plus élevés, en particulier la France. Rappelons que le taux d’IS est en France, en 2021 de 28 % avant de tomber à 25 % en 2022, terme de la réforme engagée par E Macron.
On peut dès lors facilement imaginer que les 4 milliards d’euros que la France récupérerait du fait de l’application du taux mondial minimal de 15 % seraient aussitôt repris par d’éventuelles nouvelles baisses du taux de l’IS national, baisses pratiquées au motif de ne pas être en situation trop défavorable par rapport à l’IS pratiqué par des pays voisins. Serait ainsi repris d’une main ce qui aurait été donné de l’autre.
S’ajoute au handicap que fait peser ce taux minimal d’IS mondial, la faiblesse de la base transférée qui ne fera pas bouger d’un centimètre la localisation du siège de la multinationale concernée. Car pour être éligible à cet IS minimal il faut que la marge bénéficiaire réalisée soit d’au moins 10 % et que ne seront réaffectés au pays lésé que 20 % du montant dépassant la marge bénéficiaire de 10 %. Autant dire qu’il n’y a vraiment pas de quoi dissuader les multinationales et leurs alliées de premier plan que sont les banques, des pratiques d’évasion et d’optimisation fiscales et plus globalement de fraude à l’impôt. Autant dire que les paradis fiscaux ont de beaux jours devant eux !
Plus grave encore est ce que risque fondamentalement d’induire cette proposition quant au devenir de l’impôt sur les sociétés lui-même. Avec un IS de 15 % jouant le rôle de prélèvement libératoire sur les bénéfices des multinationales, on assiste à une dénaturation de l’impôt sur les sociétés transformé de facto en une sorte de taxe unique. Ne sommes-nous pas en train d’assister sous couvert d’un imprimatur international à la mise à mort de l’impôt sur les sociétés ? Ce qui se passe au propos de l’IS sur un plan mondial n’est pas sans rappeler à une échelle plus réduite ce qui a été mis en œuvre vis-à-vis de la taxe professionnelle en France ayant conduit à sa disparition et continuant encore à produire ses effets jusqu’à une extinction totale de ce type de prélèvement (CVAE et CFE).
Réduction et exonération de bases, baisses de taux, changement d’affectation des produits de l’impôt, voilà ce qui a contribué à briser l’efficacité de la taxe professionnelle et son lien aux budgets publics, particulièrement locaux. Finalement, il y a beaucoup de ressemblance avec les diverses vicissitudes que connaît l’impôt sur les sociétés, dont le rendement est de plus en plus limité et le lien aux recettes et dépenses publiques de plus en plus ténu. On imagine déjà le Medef et ses clones mondiaux se lécher les babines !
Une information parvenue quelque temps après l’annonce de cette proposition, et cela avant la rencontre du G20, n’a en effet pas de quoi rendre optimiste. Sous la poussée de certains groupes multinationaux, les membres du G7 réfléchiraient déjà à réduire le taux imposable. Comme quoi le capital ne renonce jamais lorsqu’il s’agit de défendre son rendement et comme quoi il est bien difficile aux chantres nationaux du capitalisme ultralibéral de se transformer en chevaliers blancs de la lutte contre l’optimisation et la fraude fiscales au niveau mondial.
Promouvoir une tout autre vision de la coopération fiscale entre les peuples
Il est grand temps de remettre la fiscalité, particulièrement celle des entreprises sur de bon rails. L’urgence est d’engager au niveau national, européen et mondial une révolution fiscale partant de l’application et du respect de principes simples et non simplistes. Les possibilités nouvelles et considérables de suivi et de connaissance qu’offrent les nouvelles technologies informationnelles, couplées à des emplois en nombre suffisant et fortement qualifiés devraient permettre d’appréhender dans des conditions satisfaisantes la base imposable, sa localisation et son imposition. Il s’agit pour cela d’en avoir la volonté politique. Il s’agit pour cela d’être déterminé à lutter contre la domination du capital et sa logique de rentabilité. Jamais il n’a jamais été aussi nécessaire de construire de réelles coopérations fiscales entre les États et de s’engager sur la voie d’une harmonisation fiscale permettant à chacun de combattre la toute-puissance du marché pour soutenir le développement des capacités humaines et l’écologie partout sur la planète.
Au plan européen
Il serait proposé la mise en place d’un serpent fiscal européen fonctionnant sur le principe de taux planchers et de taux plafonds. Son fonctionnement serait assuré par une commission de l’harmonisation fiscale européenne adossée au parlement européen et déclinée au niveau de chaque parlement national. Elle serait composée à chaque niveau de députés, de représentants des salariés (organisations syndicales) et des citoyens (partis politiques et associations de consommateurs) ainsi que du patronat et des banques.
Cette commission disposerait d’un outil d’incitation à l’application par les États d’une fiscalité à taux crédibles et non symboliques. Il s’incarnerait dans une modulation des taux d’intérêts des prêts accordés aux États par le fonds européen social, solidaire et écologique que nous proposons pour financer le développement de leurs services publics.
Cette commission aurait par ailleurs pour mission de revoir l’ensemble des conventions fiscales passées entre les États européens avec pour objectif de permettre l’échange total d’informations et la transparence de toutes les transactions intra-européennes ainsi que de lutter contre l’installation des paradis fiscaux en ayant le pouvoir de demander des comptes précis aux banques sur l’utilisation de certains fonds des entreprises.
En matière de contrôle fiscal particulièrement celui des entreprises, sur le territoire de l’UE, cela se traduirait par l’instauration d’un véritable droit de suite entre les diverses administrations financières nationales afin qu’existe un réel suivi des contrôles engagés pour déboucher sur des sanctions concrètes effectivement mise en œuvre.
Au plan mondial
Au niveau mondial, la création d’une nouvelle institution fiscale adossée à l’ONU serait proposée. Elle intégrerait les missions fiscales de l’OCDE, le rôle politique décisionnel imparti au FMI et une action incitative en matière d’écologie.
Les objectifs prioritaires de cette institution seraient de localiser, de suivre et d’informer les États, des lieux d’activités, des méthodes de production et des flux financiers intragroupes, inter-États et interbancaires et particulièrement vers les paradis fiscaux.
Elle aurait en outre pour fonction de définir et de proposer à tous les États qui voient s’échapper des opérations normalement imposables sur leur territoire au titre du bénéfice des entreprises, les éléments et les moyens d’établir une base concrète et objective d’imposition par la transmission d’information que permettent de récupérer les technologies informationnelles. En matière de TVA, ce type d’information existe. Même s’il a été tenté de dénaturer certains relevés accompagnant les transactions et destinés aux pays de leur réalisation, tout n’a cependant pas disparu mais il est vrai que la TVA est au final payée par le consommateur citoyen…
À charge ensuite pour chaque État d’appliquer sa fiscalité des entreprises avec à la clé des conséquences sur ses conditions d’accès au crédit, par exemple auprès du FMI, de la Banque mondiale ou des banques zonales, comme la BCE en ce qui concerne l’UE. Cela permettrait dans les faits d’utiliser l’argent, l’euro mais aussi une nouvelle monnaie commune mondiale à la place du dollar hégémonique, les DTS, en faveur du développement social et de l’écologie contre les marchés financiers.
Répondre aujourd’hui aux exigences sociales, économiques et écologiques passe par une relance de la dépense publique qui contrairement aux discours officiels, participerait à assainir l’ensemble de la sphère économique car utilisant l’argent pour investir dans le développement de l’homme et de tous ses potentiels. La fiscalité a un rôle évident à jouer en ce sens. Il s’agit de promouvoir un mode de production des richesses qui à partir de critères de maîtrise sociale et environnementale, conduise à une réponse respectueuse des besoins de chacun. C’est bien loin de l’accord proposé par les pays du G7 sur un taux d’imposition minimal des entreprises ; pays qui, charité bien ordonnée commence par soi-même, devraient récupérer 60 % des recettes nouvelles procurées.
La société civile congolaise et les ONG se mobilisent pour faire juger les crimes commis dans l’est de la République démocratique du Congo depuis 1996 et documentés dans une enquête de l’Onu de 2010.
C’est à rebours d’une guerre qui a provoqué depuis 1996 des centaines de milliers de morts – voire des millions – que les présidents rwandais et congolais affichaient, les 25 et 26 juin, leur parfaite entente. Deux rencontres, l’une à Gisenyi (Rwanda), l’autre à Goma (RDC) le lendemain, pour clore un mois de violentes polémiques et d’indignations de la société civile congolaise, scandalisée par les propos tenus par Paul Kagame en France le 17 mai. À l’occasion d’un entretien accordé à RFI et France 24, ce dernier affirmait à propos du rapport Mapping des Nations unies, rendu public en 2010 et qui documente les violations des droits de l’homme commises par différents groupes armés entre 1993 et 2003 : « Le rapport Mapping a été extrêmement controversé. Mukwege devient un symbole, un outil de ces forces que l’on n’aperçoit pas et il reçoit le prix Nobel, donc on lui ditquoi dire. »
Aux sources du conflit
À en croire Paul Kagame, Denis Mukwege, célèbre médecin congolais lauréat du Nobel de la paix en 2018 pour son combat en faveur des femmes victimes de violences sexuelles en RDC, qui milite pour que les responsables des atrocités documentées dans le rapport Mapping soient jugés, serait donc manipulé par des « forces » obscures. Et l’armée rwandaise, accusée dans ce document de 550 pages d’avoir perpétré au Congo de nombreux crimes contre l’humanité, serait, elle, parfaitement innocente puisqu’il « n’y a pas eu de crimes » dans l’est de la RDC, « que ce soit par les personnes évoquées ou les pays cités ».
Félix Tshisekedi, conspué dans son pays pour avoir refusé de lui répondre, a tout fait pour calmer le jeu, tandis que Paul Kagame adoucissait lui aussi son verbe la semaine suivante en reconnaissant cette fois l’existence de crimes perpétrés au Congo, tout en saluant le travail du docteur Mukwege vis-à-vis des femmes violées. Pour comprendre la violence de cette polémique qui empoisonne les relations entre les deux pays, il faut remonter au mois de juillet 1994. À la tête de l’Armée patriotique rwandaise (APR), Paul Kagame achève la conquête du Rwanda, trois mois après le début du génocide des Tutsis et des massacres des opposants hutus, déclenchés par les autorités extrémistes à Kigali, qui ont fait au moins 800 000 morts, selon les Nations unies. La France a tardivement déployé une opération « militaro-humanitaire » baptisée « Turquoise » et commandée par Jean-Claude Lafourcade, dont la mission officielle est de faire cesser les massacres. Mais pour le chef de guerre Kagame, Paris demeure l’ennemi déclaré, François Mitterrand ayant empêché, de 1990 à 1993, son armée de prendre le pouvoir en soutenant l’ancien régime du président Juvénal Habyarimana. Des centaines de milliers de civils rwandais fuient la progression de l’APR, soit par peur d’être eux-mêmes massacrés, soit par obéissance aux injonctions du gouvernement intérimaire impliqué dans le génocide. Ils affluent massivement vers l’ouest, en direction de la « zone humanitaire sûre » instaurée par « Turquoise » et surtout près de la frontière située plus au nord, entre Gisenyi et Goma.
Les accusations de Paul Kagame
À l’occasion de sa visite à Paris en mai, Paul Kagame est revenu sur ce mois de juillet 1994, évoquant notamment le « ton menaçant » d’une lettre envoyée le 9 juillet 1994 par Jean-Claude Lafourcade. Plutôt courtoise, la missive se borne en réalité à saluer la « coordination » entre l’APR et l’armée française pour éviter « les méprises et les affrontements » et à alerter sur la catastrophe qui vient : « Je voudrais vous faire part de mes inquiétudes dans la zone nord-ouest », écrit le général français : « Si un cessez-le-feu n’est pas instauré rapidement et si le FPR poursuit sa progression vers l’ouest en direction de Gisenyi, une déstabilisation très grave de la région, compte tenu du flux important de réfugiés, risque de se produire. Ces réfugiés pourraient passer au Zaïre (l’ex-RDC – NDLR) et le FPR rencontrer des difficultés avec ce pays. » La réponse de Paul Kagame fuse le lendemain. Il réitère ses accusations contre l’opération « Turquoise », qui aurait « des visées politiques sous le couvert d’une intervention humanitaire ». En clair, le « cessez-le-feu », pour lequel plaide également le représentant spécial des Nations unies, aurait pour objectif inavoué de réinstaller le pouvoir « hutu » en déroute et « d’offrir à ces criminels un tremplin pour le pouvoir ». Puis, Kagame promet que les combats ne viseront pas « les civils non armés », et rejette, au nom du FPR, toute responsabilité dans « ce flux de réfugiés dont il n’est pas la cause ». Les actes de la future tragédie congolaise sont ainsi posés. Deux millions de civils rwandais franchissent la frontière et s’entassent dans des gigantesques camps de réfugiés. Parmi eux figurent des éléments de l’armée de l’ancien régime, dont beaucoup ont participé au génocide, et des miliciens interahamwe. L’écrasante majorité sont pourtant des « civils non armés ».
Avec le soutien militaire clandestin des États-Unis et au prétexte de lutter contre les génocidaires hutus repliés dans l’ex-Zaïre, l’armée de Paul Kagame envahit le Congo en 1996 et encadre la milice de Laurent-Désiré Kabila, un ex-guérillero reconverti dans les trafics et qui va bientôt prendre la place du maréchal Mobutu. Au moins 200 000 réfugiés hutus disparaissent dans la forêt congolaise. La commissaire européenne chargée de l’action humanitaire Emma Bonino évoque « un carnage incompréhensible » et accuse les troupes de Kabila, en réalité commandées par James Kabarebe, bras droit de Paul Kagame, d’avoir « transformé l’est du Zaïre en véritable abattoir ». Le narratif du nouveau pouvoir rwandais, puissamment soutenu par son parrain états-unien, va être considérablement ébranlé par la publication du rapport Mapping en 2010. Furieux, Kagame tente d’empêcher sa diffusion. Car si tous les acteurs, milices hutus et armées étrangères actives en RDC, y ont commis des crimes de guerre, sa lecture s’avère particulièrement accablante pour l’APR, accusée, outre d’épouvantables massacres de masse de civils désarmés, d’être un acteur de premier plan dans le pillage du richissime sous-sol du Congo. « Les preuves démontrant que le Rwanda et l’Ouganda ont financé leurs dépenses militaires grâce aux revenus tirés de l’exploitation des ressources naturelles de la RDC sont abondantes. Pour le Rwanda, selon certaines estimations, ces revenus couvraient, en 1999, 80 % de l’ensemble de l’APR », note le rapport, qui insiste également sur la responsabilité des multinationales qui « participaient directement aux négociations avec les auteurs de violations des droits de l’homme (et/ou) payaient des groupes armés ». L’identité des hauts gradés impliqués dans ces trafics et les massacres de civils demeure à ce jour confidentielle, et une partie d’entre eux ont été réintégrés au sein de l’actuelle armée de la RDC. « D’où l’embarras du président Tshisekedi » et son peu d’empressement à juger les responsables, décrypte l’un des initiateurs du rapport Mapping.
« Entre 3 et 5 millions de morts »
Quant au pillage, il perdure encore aujourd’hui, Kigali étant devenu l’un des principaux comptoirs des exportations de minerais rares, dont le oltan, l’or et autres ressources précieuses pourtant absentes de son propre sous-sol. À Goma, le 26 juin, les présidents rwandais et congolais ont même signé un accord sur l’exploitation de l’or dans l’est de la RDC censé mettre fin à l’absence de traçabilité du métal exploité illégalement. « Le conflit le plus meurtrier de la planète depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale n’a été ni le conflit vietnamien, ni la guerre d’Irak, ni l’interminable guerre d’Afghanistan mais bien le conflit rwando-congolais, qui a causé entre trois et cinq millions de morts. À deux millions de morts près, on ne sait même pas où on en est », rappelle l’historien Gérard Prunier, qui a publié début juillet l’ouvrage Cadavres noirs dans la collection « Tracts » des éditions Gallimard. Une injustice doublée d’une indifférence que les auteurs et promoteurs du rapport Mapping tentent depuis dix ans de conjurer.
Entretien avec le député kurde de Diyarbakir au Parlement turc, Hisyār Ozsoy, membre du HDP, vice président du groupe « La Gauche » à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
À deux ans des élections législatives et présidentielles en Turquie qui risquent d’être difficiles pour Erdogan, le gouvernement turc a lancé de nouvelles offensives juridiques contre le parti pro-kurdes HDP, le Parti démocratique des peuples, troisième force politique au Parlement national.
L’une vise à interdire purement et simplement ce parti, l’autre à condamner des élus du HDP qui avaient appelé en 2014 à une manifestation de soutien aux habitants de Kobané, au moment où la ville syrienne à majorité kurde, luttait contre les attaques de l’État islamique. Depuis 2016, la répression contre le HDP n’a cessé de se renforcer. Son leader, Selahattin Demirtas, est emprisonné depuis cette date, malgré les protestations internationales, et bien que la Cour européenne des droits de l’homme ait exigé en décembre 2020 sa libération « immédiate ».
C’est dans ce contexte de répression accrue contre le parti pro-kurdes qu’une jeune femme a été tuée le 17 juin au cours d’une attaque armée contre le bâtiment du HDP à Izmir, à l’ouest du pays. Dans un communiqué, observant que la police n’était pas intervenue alors que l’agresseur avait ouvert le feu et incendié le bâtiment, le HDP a immédiatement accusé le gouvernement d’être l’instigateur de l’attaque, en raison aussi du climat de violence qu’il entretient contre le Parti démocratique des peuples.
Que sait-on de nouveau sur le meurtre de Deniz Poyraz, dans les locaux du HDP, à Izmir ?
Hisyār Ozsoy Je pense que la personne qui a commis ce crime est un internationaliste qui a été entraîné en Syrie. C’est ce que nous apprend son compte Facebook où l’on voit des photos de lui armé de fusils et d’armes automatiques. Mais nous ne savons presque rien sur ceux qui sont derrière lui. Mais en Turquie, c’est toujours ainsi que ça se passe dans ce genre d’attaques. L’élément très intéressant, c’est qu’il est resté dans le poste de police pendant 18 heures, sans investigation et sans interrogatoire. Normalement, en cas de crime, quand quelqu’un passe deux jours dans le commissariat de police, il est tout de suite interrogé. Lui a été isolé, personne ne sait quels genres de connexions il a, ni avec qui il est en rapport. Nous avons eu des assassinats similaires dans le passé. Par exemple l’assassinat du grand intellectuel arménien Hrant Dink (exécuté en janvier 2007 à Istanbul ; deux ex-responsables de la police et deux ex-responsables de la gendarmerie avaient été condamnés suite à cet assassinat - NDLR). Ou par exemple les trois militantes Kurdes assassinées à Paris en janvier 2013. Ce sont toujours des jeunes gens marginaux, des gens qui n’ont pas de statut social, qui sont utilisés pour commettre ces atrocités. Mais quand vous creusez un peu la situation, vous voyez qu’ils sont souvent impliqués dans des relations avec des services de renseignements.
Est-ce qu’il y a eu des réactions après le meurtre d’Izmir ?
Hisyār OzsoyJe dirais oui parce que la victime était une femme, qu’elle a été tuée dans son bureau, qu’elle était totalement innocente. Il y a eu un tollé et beaucoup de réactions parmi la population, mais aussi de la part des principaux partis d’opposition, et même de la part de membres du gouvernement. Mais il y a deux jours, l’actuel président du parti au pouvoir l’a accusée de soutenir les terroristes. C’est une accusation récurrente de la part du gouvernement d’affirmer que le HDP a des liens avec le PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan, classé « terroriste » par Ankara.
D’un autre côté, malheureusement, la majorité de la population turque est profondément divisée. Quand les Kurdes sont attaqués, quand le HDP est attaqué, il n’y a jamais de fortes réactions. Quand vous comparez avec les précédents cas, tous les partis politiques d’opposition, par exemple le Bon Parti (parti nationaliste, républicain et laïque -NDLR) ont manifesté leurs préoccupations à la suite du meurtre d’Izmir. Ils ont présenté leurs condoléances, certains d’entre eux sont venus au bureau du HDP, certains ont suivi la cérémonie funéraire. Mais il y a aussi une propagande sous-jacente qui criminalise la situation, en disant que ce meurtre contre une personne du HDP s’inscrit dans un combat contre le terrorisme.
Où en sont les actions judiciaires entreprises contre le HDP ?
Hisyār OzsoyIl y a en actuellement deux. La plus récente, c’est la décision de la Cour constitutionnelle, le 21 juin, d’ouvrir une procédure pour interdire le HDP à la demande d’un procureur. Une première demande en mars avait été rejetée pour vice de procédure. Cette fois-ci, elle a été acceptée. Ça, c’est le grand dossier.
Le gouvernement turc tue nos partisans et nous rend responsables de ces meurtres.
À côté de cela, il y a ce qu’on appelle le procès de Kobané, où 108 responsables politiques du HDP, et parmi eux Selahttin Demirtas, sont poursuivis pour avoir appelé la population à manifester en octobre 2014 contre l’occupation de Kobané par l’État islamique. 37 personnes avaient été tuées au cours des manifestations. La majorité était des membres du HDP ou des sympathisants. Et le gouvernement a ouvert un procès non seulement pour criminaliser la résistance contre l’État islamique à Kobané, mais aussi pour criminaliser la solidarité avec la résistance. L’accusation estime que nos leaders politiques sont responsables de la mort de 37 personnes qui pour la plupart ont été tuées par la police turque. L’absurdité, ce n’est pas seulement que le gouvernement tue nos partisans, mais qu’il nous rende responsables de ces meurtres. Les poursuites demandent 37 condamnations pour chaque personne poursuivie dans ce procès. La Cour européenne des droits de l’homme a conclu qu’aucune activité criminelle ne pouvait être retenue contre Selahattin Demirtas, ni contre le HDP, et que les poursuites contre les leaders du HDP n’étaient motivées que par des considérations politiques. Mais le gouvernement turc n’obéit qu’à sa propre loi. Voilà où nous en sommes des offensives judiciaires du gouvernement turc contre le HDP.
Que pensez-vous de l’’attitude générale des institutions européennes dans cette conjoncture d’attaques répétées contre le HDP ?
Hisyār Ozsoy Le Conseil de l’Europe observe la situation de très près. La Commission pour les droits de l’homme, le président de l’Assemblée parlementaire, les présidents des principaux groupes politiques sont très informés parce que nous faisons le travail d’information. Je trouve qu’il y a une sensibilité à cette question au sein du Conseil de l’Europe, parce que la défense des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit, c’est la raison d’être du Conseil de l’Europe, c’est sur ces questions que nous travaillons. Mais quand on passe du côté de l’Union européenne, les leaders sont plus intéressés par les questions politiques, par l’immigration, le commerce, les relations internationales, les questions géostratégiques, et malheureusement les questions de droits de l’homme ne sont pas autant au centre de leurs préoccupations, et c’est très décevant. Le jour où la Cour constitutionnelle a décidé d’ouvrir une procédure pour interdire le HDP, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a fait une déclaration dans laquelle elle a dit qu’elle avait eu une merveilleuse conversation avec le président Erdogan, et qu’elle était engagée avec lui dans un agenda très positif. C’est une position hypocrite, uniquement parce qu’elle veut renouveler l’accord sur les réfugiés avec la Turquie. C’est son objectif, et peu importe ce qu’il en est du respect des droits de l’homme et de la démocratie en Turquie.
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