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8 septembre 2021 3 08 /09 /septembre /2021 05:25

 

Alors que la campagne vaccinale contre le Covid progresse en Europe, un fossé se creuse entre pays développés et pays pauvres. En cause, la subordination de la santé au capital et aux intérêts lucratifs.

Pour en débattre : Cathy Apourceau-Poly, sénatrice PCF du Pas-de-Calais, groupe CRCE ; Marc Botenga, député européen (parti du travail de Belgique), groupe GUE/NGL ; et Maurice Cassier, sociologue, directeur de recherche au CNRS.

En juin 2020, plus de 150 personnalités du monde de la science ont lancé un appel enjoignant les organisations internationales et les gouvernements à agir pour faire du vaccin contre le Covid un « bien commun » mondial. Où en sommes-nous dans cette démarche ?

 

CATHY APOURCEAU-POLY L’importance de cet appel n’a jamais été si forte : alors que les pays développés parviennent à des taux de vaccination avoisinant les 50 %, l’Afrique en est à 2,5 %… Avec en sus de fortes disparités sociales, comme cela est le cas en Tunisie, cause de l’explosion des contagions ces derniers mois. Pour fonctionner, un vaccin doit être injecté à une grande majorité de la population d’un pays, c’est le principe de la couverture vaccinale. C’est le principe qui régit les campagnes de vaccination depuis 1749 et les travaux du docteur Jenner, généralisés et développés par Louis Pasteur.

Or, comme l’a démontré la propagation du virus, avec la mondialisation, les ensembles nationaux, les frontières n’ont plus la même densité, il est donc indispensable d’atteindre les 75 à 80 % de personnes vaccinées dans le monde, et plus seulement devant chez nous. L’initiative Covax, animée en partie par la France, n’est qu’une aumône face aux besoins des pays en voie de développement, les doses sont insuffisantes tandis que la réflexion sur une possible troisième dose va accentuer encore la concurrence pour les obtenir.

Enfin, comme le soulignait Emmanuel Vigneron dans l’Humanité du 9 août, on constate déjà en France métropolitaine des écarts de près de 20 % dans la couverture vaccinale entre des jeunes vivant dans les zones les plus défavorisées et les plus favorisées. La question de la disponibilité n’est donc pas le seul critère, il faut aussi s’interroger sur la communication et l’information des populations ou sur l’accès des personnes isolées, en France comme dans le monde entier.

 

MARC BOTENGA Il y a au niveau mondial une immense majorité en faveur de la levée des brevets et de la propriété intellectuelle. La proposition est sur la table de l’OMC et en Europe, une initiative citoyenne européenne le demande. L’Union européenne et les gouvernements européens sont à peu près les derniers remparts au monde contre une levée des brevets. Dans ce sens, nos gouvernements incarnent l’absolue arrière-garde. Même le président américain, Joe Biden, a dû formellement déclarer défendre une suspension des brevets.

Sous pression d’une large mobilisation citoyenne, une majorité du Parlement européen a voté, tant en mai qu’en juin 2021, en faveur dudit Trips Waiver. Une victoire énorme. Mais la Commission européenne refuse de reconnaître ces résultats. À huis clos, les fonctionnaires de la Commission vont jusqu’à prétendre qu’il y a eu erreur et qu’il n’y a pas de majorité parlementaire en faveur de la levée des brevets, bien que la résolution finale ait été approuvée avec environ cent voix de différence. Cela tombe les masques. La Commission européenne obéit à Big Pharma, pas au Parlement européen.

 

MAURICE CASSIER Il convient de considérer la situation inédite créée en mai dernier par la décision des États-Unis, puis de la Chine et de la Russie de soutenir la proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud, déjà ralliée par une centaine de pays à l’OMC, d’une suspension temporaire de tous les droits de propriété intellectuelle sur les technologies de santé anti-Covid pour en faire des biens communs mondiaux, librement partageables et reproductibles par tous les fabricants qualifiés.

Le grand intérêt de cette proposition est qu’elle organise la suspension de tous les droits intellectuels couvrant ces produits (substances actives, procédés de fabrication, savoir-faire industriels, données cliniques confidentielles, etc.), ce qui permet de lever immédiatement toutes les restrictions sur les dizaines de familles de brevets qui couvrent par exemple tous les composants des vaccins à ARNm, au lieu d’entamer un processus long et incertain de décisions de licences obligatoires par brevet et par État.

Le 4 juin, l’Union européenne a apporté son renfort aux firmes propriétaires en proposant de s’en tenir à des licences volontaires accordées par les firmes et à des décisions de licences obligatoires, ce qui a provoqué l’indignation de Médecins sans frontières, qui accuse l’UE de saborder les négociations à l’OMC.

 

Pourquoi faire du vaccin contre le Covid un tel bien commun mondial est-il essentiel dans la lutte contre la pandémie ?

 

MARC BOTENGA Aujourd’hui, nous vivons un état d’apartheid vaccinal. Tandis que l’Union européenne fête un taux de vaccination de 70 %, dans des pays à bas revenu, ce taux n’atteint souvent même pas 3 %. C’est évidemment d’abord une injustice énorme. Face à un virus, une pandémie, nous disposons d’un vaccin, mais ce vaccin est nié à certains pays. Le British Medical Journal s’est même demandé si cela ne représentait pas un crime contre l’humanité.

Mais c’est aussi un désastre du point de vue de la santé publique. Plus le virus circule, peu importe à quel endroit de la planète, plus le risque de variants augmente. En mars 2021, sur 77 épidémiologistes de 28 pays, deux tiers considèrent qu’il reste au maximum un an avant que le Covid ne mute au point que nous ayons besoin de nouveaux vaccins, révèle un sondage du People’s Vaccine Alliance. Et ces variants ne connaissent pas de frontières.

Parlons aussi d’ailleurs des conséquences financières. En laissant le brevet dans les mains des multinationales, nous permettons à Pfizer et compagnie d’en déterminer le prix. Ainsi, l’Union européenne, si inquiète en général quand un État hausse ses dépenses sociales, ouvre allègrement la voie à un hold-up sur la sécurité sociale. Moderna et Pfizer ont déjà augmenté leurs prix. Et une troisième dose coûtera encore plus cher.

 

CATHY APOURCEAU-POLY Faute de système social de protection, les travailleurs des pays les plus pauvres ne se confinent pas, même en cas de symptômes, tandis que les élites sont venues se faire vacciner en Europe. La question du prix des vaccins est aussi déterminante. Quand les laboratoires fixent leurs prix sur les capacités financières de l’Union européenne, cela prive mécaniquement les pays les plus pauvres de millions de doses. Or, faute de couverture vaccinale suffisante, l’épidémie continuera de se propager, d’impacter les économies les plus fragiles, et de voir apparaître des variants. L’impératif est donc double : il est indispensable de lever les brevets pour massifier la production de vaccins, mais également pour faire reculer le plus vite possible cette maladie, avant que ne se développent de nouveaux variants résistant aux vaccins.

 

MAURICE CASSIER Alors que les inégalités d’accès aux vaccins demeurent béantes en dépit de la croissance de la production, encore très insuffisante, le partage des technologies permettrait de construire dans un délai rapide (de six à sept mois selon la DG de l’OMC) une nouvelle carte de la production dans toutes les régions du monde pour répondre aux besoins de protection des populations et prévenir le nationalisme vaccinal.

La DG de l’OMS résume l’objectif : « La pandémie a montré que s’appuyer seulement sur quelques entreprises pour fabriquer un bien commun est limité et dangereux. » L’OCDE fait le constat que les dons et la philanthropie sont inefficaces. La revue médicale The Lancet indique que l’utilité sociale de la vaccination pour endiguer l’épidémie et prévenir l’émergence de nouveaux variants suppose de rendre accessibles et disponibles rapidement les vaccins pour immuniser toute la population mondiale : l’efficacité en termes de santé publique mondiale converge avec le libre partage des technologies. La production de biens communs permet de maîtriser la formation des prix, ajustés aux coûts de production, d’assurer la viabilité des payeurs publics et sociaux et de garantir un accès universel.

 

Comment faire bouger les choses en ce sens et faire cesser la contradiction manifeste qui oppose droit de propriété et la recherche du profit et intérêt général dans ce domaine particulier ?

 

MAURICE CASSIER La pandémie de Covid a fait émerger de nouvelles solutions de production de biens communs mondiaux. Le panel indépendant sollicité par l’OMS pour évaluer les réponses à la pandémie propose ainsi de créer une plateforme mondiale de production de biens communs mondiaux qui pourrait être mise sous l’autorité d’une OMS renforcée. L’OMS a elle-même créé des plateformes de mutualisation des droits intellectuels et de transfert des technologies à ARN qui pourraient fonctionner à plein régime en cas de suspension des droits de propriété exclusive sur les vaccins. Plusieurs propositions misent sur une relance de la production publique de vaccins pour relocaliser la production dans toutes les régions du monde et être en mesure de répondre directement aux besoins des ministères de la Santé en assurant la viabilité des payeurs publics et sociaux. Je propose que tous les médicaments et vaccins inscrits sur la liste des médicaments essentiels de l’OMS soient dégagés de la propriété exclusive et soient librement partageables par tous les laboratoires industriels dans le monde, à la fois publics et privés. L’institution de biens communs suppose une nouvelle démocratie sanitaire à tous les échelons pour instaurer la transparence de la formation des prix et pour mieux s’approprier la valeur d’usage des technologies vaccinales, avec les professions de santé et les usagers.

 

MARC BOTENGA Quand le 19 mai 2021, le Parlement européen vote une première fois en faveur de la levée des brevets, c’est la conséquence d’une lutte et d’un an de mobilisations articulées à la fois aux niveaux national et européen. Sous pression, même des députés européens de droite doivent soutenir l’amendement en faveur de la levée des brevets. La bulle européenne autour de la place Schuman et de la place du Luxembourg à Bruxelles s’en trouve déséquilibrée. La confirmation de ce vote par le Parlement européen un mois plus tard, le 10 juin, témoigne de la force de cette large mobilisation.

Certes, ce ne sera pas un vote parlementaire qui changera la nature des politiques européennes, mais grâce à la mobilisation, la Commission se trouve sous pression non seulement à l’OMC, mais aussi en Europe. La mobilisation de l’initiative citoyenne européenne No Profit on Pandemic continue de jouer un rôle important dans cette pression. Cette action vise à imposer une initiative législative à la Commission européenne en faveur d’une levée des brevets sur les médicaments et les vaccins contre le Covid. Elle récolte des signatures de Chypre à l’Irlande et de l’Italie à la Finlande, dans l’espoir d’arriver à un million de signataires. Mais il ne s’agit pas uniquement des signatures, ni d’un vote au Parlement européen, il s’agit de mobiliser une large coalition à travers l’Europe, qui fait connaissance, commence à se concerter et à développer une stratégie commune pour créer ainsi le contre-pouvoir dont nous avons besoin.

 

CATHY APOURCEAU-POLY Il est indispensable de continuer à animer la bataille politique, comme le font Fabien Roussel et tous nos camarades. Il faut faire pression sur le gouvernement et le chef de l’État, en particulier pour refuser le chantage des laboratoires sur les prix et sur les volumes. Le droit de propriété intellectuelle est important parce que c’est un des moteurs de la recherche privée. Or, après des décennies de casse de la recherche publique, on ne peut pas changer de braquet d’un coup de baguette magique. Toutefois, la situation critique du monde impose des mesures critiques : c’est la raison de cet appel à la levée des brevets.

À l’inverse, c’est aussi parce que la situation est critique que les laboratoires mènent ce chantage. Nous devons donc mener la bataille à la fois sur la question du bien public mondial, au plus vite, mais également, comme nous l’avons fait au Sénat, pour que la France retrouve une industrie pharmaceutique publique nationale. Il en va de notre souveraineté, mais aussi et surtout de la santé de nos concitoyens. Ce qui est vrai pour les vaccins contre le Covid l’est également pour les traitements contre le cancer ou l’orientation des recherches des laboratoires. Dans la situation actuelle, la voracité des laboratoires alimente aussi la défiance de certains de nos concitoyens vis-à-vis du vaccin, c’est une catastrophe.

 

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4 septembre 2021 6 04 /09 /septembre /2021 04:44
Hommages au compositeur communiste et anti-fasciste grec Mikis Theodorakis, décédé le 2 septembre 2021
Disparition. Mikis Theodorakis, une vie comme une odyssée
Vendredi 3 Septembre 2021

L’immense compositeur grec est mort à 96 ans. Résistant face au nazisme puis face aux colonels, engagé politiquement, il fut un compositeur prolifique qui a écrit des centaines d’opéras, d’oratorios, de musiques de chambre ou de variété.

 

Sa vie est une odyssée peuplée de tempêtes, de fantômes, de pièges et de lumières. Devant l’immensité de son œuvre, protéiforme, impressionnante, devant son engagement politique, on ne peut que s’incliner devant un homme, un artiste qui, contre vents et marées, a redonné à son pays, la Grèce, la place qui lui revient dans le concert des nations.

Une vie orchestrée avec fougue

Mikis Theodorakis a été de tous les combats, orchestrant sa vie avec cette fougue, cette joie que l’on retrouve dans ses musiques. Jamais dans la demi-mesure, toujours dans l’éclat d’un opéra, d’un oratorio, d’une symphonie où les percussions rythment des mélodies d’une richesse musicale infinie. Il est Zorba, cet homme qui au bout du désespoir danse le sirtaki sur une plage en ruines parce que « l’homme doit avoir un grain de folie, ou alors il n’ose jamais couper les cordes et être libre ». C’est Zorba qui lance cette phrase à son jeune ami anglais dans le film de Michael Cacoyannis. Peu de monde se souvient de l’histoire mais la mémoire populaire a retenu cette scène finale où Zorba, Anthony Quinn, apprend à son compagnon d’infortune à danser le sirtaki, une danse qui n’existait pas et spécialement créée pour le film. Les deux hommes se tiennent par les épaules et entament une danse de tous les diables pour conjurer leur échec et défier la fatalité. Zorba est Mikis. Mikis est Zorba. Une espèce de folie, une soif d’écrire et de composer, de diriger les plus grandes formations symphoniques du monde, des chœurs majestueux, comme d’écrire, avec la même passion, des chansons populaires inspirées du folklore de son pays.

Écoutez la musique de Serpico, le film de Sidney Lumet réalisé en 1973. Écoutez Alone in the Apartment… Un vieil air de jazz new-yorkais joué par un orchestre de bal fatigué, un peu comme Serpico (Al Pacino). Écoutez, regardez, observez sa direction du Canto General, cet immense poème épique de quinze mille vers écrit par Pablo Neruda qui raconte l’histoire de l’Amérique latine joué à Santiago du Chili en 1993. Mikis, la chevelure grise en bataille, dirige avec un plaisir contagieux cet oratorio. Celui-là même qu’il avait dirigé sur la grande scène de la Fête de l’Humanité en 1974, soit un an après le coup d’État militaire de Pinochet au Chili. Peut-être existe-t-il des images de ce moment, qui sait… Ceux qui y étaient s’en souviennent.

On ne peut dissocier l’artiste de l’homme politique. Alors qu’il donne son premier concert à l’âge de 17 ans, il s’engage, dans un même mouvement, dans la résistance contre le nazisme. Nous sommes en 1941. Un an après, Theodorakis est arrêté une première fois, torturé mais parvient à s’échapper. À la Libération, il est de tous les combats contre les royalistes grecs. Sauvagement battu lors d’une manifestation populaire en 1946, il sera déporté deux fois à l’île d’Ikaria puis transféré dans un « centre de rééducation » sur l’île de Makronissos. Il survivra aux pires châtiments et parviendra à sortir vivant de cet enfer à ciel ouvert.

À Paris, il suit les cours de Messiaen au conservatoire

En 1950, il obtient ce que les occupations allemande et italienne l’avaient empêché d’obtenir, son diplôme en harmonie, contrepoint et fugue. Il a déjà composé une dizaine de musiques de chambre, fondé son premier orchestre et créé, à Rome, son ballet Carnaval grec en 1953. Un an après, il s’installe à Paris, suit les cours d’Eugène Bigot pour la direction et Messiaen pour la composition au conservatoire. Ses musiques de ballets, les Amants de Teruel, le Feu aux poudres et Antigone, sont auréolées de récompenses.

Au total, il signera les bandes originales de plus d’une trentaine de films et autant pour le théâtre, des centaines de mélodies sur des textes de poètes tels que Georges Séféris, Iakovos Kambanéllis, Yannis Ritsos, Federico Garcia Lorca et, plus tard, Pablo Neruda…

Des « chansons populaires savantes »

Il retourne en Grèce en 1960 avec le projet de composer des « chansons populaires savantes » pour s’adresser au plus grand nombre. Compositeur prolifique et flamboyant, reconnu, admiré par ses pairs, croulant sous les récompenses, Mikis fut longtemps communiste ou compagnon de cœur et de route, on ne sait plus, ardent patriote, au sens noble du terme, pour défendre la Grèce face aux royalistes puis aux colonels qui voulaient faire main basse sur le pays. Toujours debout face à une Europe méprisante à l’égard de son pays, de son histoire.

Ces dernières années, il s’était éloigné des communistes, puis de la gauche, s’était retrouvé ministre dans un gouvernement de coalition avec la droite. Il fut accusé d’antisémitisme pour ses prises de position en faveur du peuple palestinien, accusations instrumentalisées quelques années après en France par une droite revancharde. Le 27 juin 2012, l’Humanité publia un texte où il récusait avec fermeté ces accusations.

Ces derniers temps, malade, il vivait retiré de la vie publique, souvent hospitalisé. Il nous reste ses musiques, des milliers de partitions écrites par un homme révolté, un génie musical qui aura consacré toute sa vie à la musique, à la liberté.

Le 20ème siècle perd aujourd’hui l’une de ses plus belles figures. En près d’un siècle d’existence, Mikis Theodorakis en aura été l’une des balises, un combattant de tous les instants, un créateur inépuisable et largement estimé à travers le monde.

Jeune combattant antifasciste dans les rangs des partisans communistes de la résistance grecque à l’occupant nazi et fasciste, il fut arrêté et torturé pendant la seconde guerre mondiale, puis une nouvelle fois atrocement mutilé pendant la guerre civile par les forces monarchistes armées par la Grande-Bretagne.  Parallèlement, et non sans courage et abnégation, il entame des études de musique qui le porteront plus tard au firmament des compositeurs européens.

La fin de la guerre civile lui offre l’occasion de parfaire son apprentissage de la musique, à Paris où il observe et apprend des avant-gardes artistiques. S’ouvre alors une riche période artistique faite de rencontres, des compositions originales, symphoniques, concertantes, de scène et chambristes, et d’inoubliables musiques de films. Theodorakis le Grec se replonge dans le folklore national et en tire une nouvelle manière de composer, offrant au monde tout un héritage musical et mettant en musique les vers de Yannis Ritsos et Odysséas Elýtis, poètes majeurs de la littérature mondiale.

Il fait une nouvelle fois l’expérience de la clandestinité lorsque les colonels grecs instaurent une dictature fascisante en 1967. Il deviendra une nouvelle fois le porte-parole de la résistance grecque à travers le monde, sillonnant scènes et pays pour partager ses créations artistiques inspirées par la tragédie que vivait son peuple et organiser la solidarité internationaliste. Nous avons eu, à cette époque, l’honneur de le compter à plusieurs reprises à la Fête de l’Humanité où il proposait à un public populaire des œuvres exigeantes. Il recevait en échange, et avec lui l’ensemble de ses camarades grecs, la solidarité indéfectible de tout un peuple militant.

Jusqu’à récemment, l’homme, entier et parfois provoquant, ne lésinait sur aucun engagement pour un monde plus juste et fraternel, luttant fermement contre l’asphyxie du peuple grec organisée par l’Union européenne et les institutions financières.

A l’image de nombre de ses contemporains, Mikis Theodorakis aura conjugué culture et engagement dans le sillon du mouvement communiste international. Il aura mis ses dons et sont talent au service des causes antifascistes, contre les dictatures d’extrême-droite couvées par les Etats-Unis dans le monde entier. C’est une conscience du siècle passé que nous pleurons aujourd’hui. Puissent son œuvre et son action lui survivre longtemps. 

Patrick Le Hyaric, directeur du journal L'Humanité, ancien député européen communiste

Piero Rainero, ancien adjoint PCF à Quimper et ancien secrétaire départemental du PCF Finistère, dans le Ouest-France du 3 septembre:

Piero Rainero livre un souvenir personnel d’un concert donné à Lavrio, cité grecque proche d’Athènes, à l’occasion de la construction du jumelage entre Quimper et Lavrio.

Une chorale finistérienne dirigée par Jean Golgevit interpréta Le Canto General, « magnifique ode à la liberté de Pablo Neruda mis en musique par Míkis Theodorákis. […] Au cours du concert, un vieux monsieur prit le micro et avec émotion nous relata son séjour avec Míkis Theodorákis dans le camp de concentration de l’île de Makronissos située juste en face du lieu où nous nous trouvions. C’était un des lieux où les colonels au pouvoir emprisonnaient leurs opposants, 80 000 communistes grecs y furent internés. […] Nous n’imaginions pas, nous dit en substance ce vieux monsieur, lorsque, enfermés dans ce sinistre camp, nous regardions les lumières du port de Lavrio, qu’un jour serait donné ici un tel concert, car la musique de Theodorakis était interdite en Grèce par la dictature des colonels. Un tonnerre d’applaudissements ponctua son propos. »

« Un lieu à Quimper au nom de Míkis Theodorákis »

« Ce vieux monsieur, ami de Míkis Theodorákis, nous fit l’honneur de dîner à notre table après le concert et remercia avec chaleur le chœur breton pour son interprétation du Canto General, et la municipalité de Quimper de l’époque, initiatrice de cette belle entreprise qui a perduré à travers le jumelage et la chorale.

Il serait légitime que Quimper garde la mémoire de ce grand artiste en donnant son nom à un lieu significatif de notre ville. »

Ouest-France, 3 septembre 2021

 

Mort du compositeur Míkis Theodorákis, l’adieu grec

 

 

Le musicien grec, figure de la gauche, infatigable défenseur de la démocratie et inventeur du sirtaki, est mort jeudi à 96 ans. Un deuil national de trois jours a été décrété par Athènes.

 

par Fabien Perrier - Libération

publié le 2 septembre 2021 à 17h46

 

S’il est un Grec dont la vie semble s’être confondue jusque dans sa chair avec l’histoire de son pays, c’est bien Míkis Theodorákis. Il n’est pas une manifestation de la gauche grecque qui se déroule sans que les haut- parleurs diffusent les compositions de ce musicien à la renommée internationale. Pas un meeting sans que soit reprise en chœur l’une de ses 1 000 mélodies. La moindre de ses sorties en public était guettée comme celle d’un dieu attendu de tous. Jeudi matin, le compositeur grec est mort à l’âge de 96 ans. Ses musiques, dont le sirtaki, ont conquis le monde entier. Par son parcours politique et ses faits de Résistance, cet homme de gauche, membre du Parti de la gauche européenne, s’est battu pour la démocratie en Grèce, tout en dénonçant sur la scène internationale les horreurs commises de façon répétée dans ce petit bout d’Europe. Son parcours mêlant intimement musique et engagement politique a été et reste une source d’admiration et d’inspiration pour une grande partie des Grecs. Míkis Theodorákis était, peut-être, le dernier héros grec.

 

 
   
 

 

 

L’homme semblait immortel : il avait survécu à la mise au ban et à la torture dans son pays. Né le 29 juillet 1925 dans une famille aisée, il apprend dès l’âge de 7 ans à chanter des hymnes byzantins de tradition ancienne puis, à 12 ans, il se met au violon et compose ses premières chansons. A 14 ans, il compose la Chanson du capitaine Zacharias en s’inspirant d’un texte du poète grec Nanos Valaoritis. La chanson devient l’hymne de la Résistance grecque quand le pays est envahi par les nazis. Míkis Theodorákis, qui suit en cachette des cours au conservatoire d’Athènes, est parmi les premiers à s’y engager.

Par deux fois, il est jeté en prison et torturé. Au contact de ses codétenus, le jeune homme découvre les théories marxistes et décide d’adhérer au Parti communiste. A la Libération, le pays sombre dans la guerre civile de 1946 à 1949. Sa lutte contre la prise de pouvoir par les contre-révolutionnaires lui vaut à nouveau d’être torturé et emprisonné. Lors d’une manifestation à Athènes au cours de laquelle la foule avait entonné la Chanson du capitaine Zacharias, il est tabassé, envoyé à la morgue et, alors que les journaux annoncent sa mort, ses camarades parviennent à le faire transférer à l’hôpital. Il survit, mais le passage à tabac lui laisse des séquelles comme la perte partielle de la vue. Malgré tout, il poursuit son engagement. Quand, en 1947, le Parti communiste grec est interdit, Míkis Theodorákis est déporté sur des îles prisons, notamment Ikaria, il découvre le rébétiko, la musique traditionnelle grecque. Et quand, en 1949, il refuse de signer une déclaration de repentir pour être libéré, il est transféré sur une autre île prison, Makronissos, où il est de nouveau torturé. Sur cette île, il entend chanter un autre détenu, Grigóris Bithikótsis, qui deviendra l’un de ses interprètes les plus fameux. Malgré les conditions de détention, il continue de travailler la musique. «A tous les moments difficiles de mon existence, la musique a frappé à ma porte, elle est entrée et a ravi la moitié de moi-même.

L’autre moitié restait parmi les hommes et leurs immondices. Il fallait

soutenir le regard de la violence, ne pas fléchir devant tant de laideur», livre- t-il dans le premier tome de son autobiographie, les Chemins de l’archange (1989). Il fait d’ailleurs de la musique un véritable acte de Résistance en enseignant le solfège à ses camarades, organisant une chorale et composant une symphonie qui est interprétée devant les autres détenus. Après sa libération, il réussit le concours final du conservatoire d’Athènes en 1950.

 

 
   

 

 

 

Musique et politique imbriquées

En 1954, le miraculé obtient une bourse d’études pour étudier au conservatoire de Paris, où il suit les cours d’Eugène Bigot et d’Olivier Messiaen. Il revisite alors la musique sérielle en adjoignant de nombreux éléments de la musique traditionnelle grecque, notamment en prenant «le meilleur du rébétiko, de notre musique populaire, pour le transmuer dans un genre nouveau digne à tout point de vue du peuple grec», explique-t-il. Sa musique devient également un moyen de rendre accessible, à travers ses chants, la littérature grecque des XIXe et XXe siècles ou d’autres poètes grecs tels qu’Odysséas Elytis, Georges Séféris, ou encore Yánnis Rítsos.

En s’inspirant de la musique classique et en y mêlant les airs folkloriques comme les instruments traditionnels grecs, notamment le bouzouki, Míkis Theodorákis renouvelle progressivement la musique populaire. Mais ce sont, sans doute, ses compositions de bandes originales qui lui donneront une aura internationale. Et encore, musique et politique sont étroitement imbriquées, comme en témoigne le film de Costa-Gavras, tiré de Z, le livre de Vassílis Vassilikós. Le récit porte sur l’assassinat du député de la Gauche démocratique grecque unifiée (EDA), Grigóris Lambrákis. Theodorákis fut l’un de ceux qui ont veillé à son chevet en 1963. Il fonde ensuite la Jeunesse démocratique Lambrakis, qui deviendra alors la plus forte organisation politique du pays. Enfin, il composera, en 1969, la musique du film Z. Il est aussi l’auteur de la musique des Amants de Teruel interprétée par Edith Piaf, en 1962. En France, Míkis Theodorákis est aussi rendu célèbre grâce aux traductions et interprétations de ses chansons par un autre Grec, originaire d’Egypte : Georges Moustaki.

Parallèlement, le compositeur génial et frénétique poursuit ses activités politiques. En 1964, il est élu député sur le siège auparavant occupé par Lambrákis. La même année, il crée le sirtaki, perçu aujourd’hui comme un air traditionnel grec. Il s’agit pourtant d’une musique inventée en 1964 pour le film Zorba le Grec, réalisé par Michael Cacoyannis. Cette danse est inspirée par deux rythmes folkloriques : le hassapiko et le sirtos chaniaotikos. Elle diffuse un idéal de liberté et une joie de vivre qui font d’elle, au final, l’incarnation de la danse grecque. Elle révèle définitivement Míkis Theodorákis au grand public.

Retour triomphal

Mais pour ce progressiste, une nouvelle fois, l’horreur arrive : en 1967, les colonels s’emparent du pouvoir et font régner la dictature pendant sept ans. Sa musique est interdite par le gouvernement grec sous peine de poursuite pénale. Quant à l’artiste, entré dans la clandestinité, il est déporté au camp de concentration d’Oropos. Il doit son exil à une campagne de solidarité impulsée par les compositeurs Dmitri Chostakovitch et Leonard Bernstein, le dramaturge Arthur Miller ainsi que de nombreuses personnalités politiques, comme Jean-Jacques Servan-Schreiber qui le ramène en France. Depuis Paris, il combat la junte en créant le Conseil national de la Résistance (EAS). A la même époque, il rencontre Pablo Neruda dont il met en musique le Canto general, en 1971. Ainsi, il donne un nouvel écho à l’hymne à la liberté des peuples d’Amérique du Sud tout en traçant un parallèle avec la nécessité, pour le peuple grec, de se libérer d’un pouvoir dictatorial. Le Canto general est en tournée pendant trois ans, et produit dans 18 pays. Un orchestre populaire, mêlant bouzoukis, guitares, pianos, percussions, accompagne les vers en espagnol, dans une fusion culturelle qui porte également un message politique : la nécessité d’unir les forces opposées à la dictature. Ce message, Theodorákis le répète dans des conférences et lors de ses rencontres avec les leaders politiques.

Le 17 novembre 1973, l’histoire s’accélère en Grèce : les étudiants de l’école polytechnique sont dans la rue. Dimitris Papachristos, voix de la radio de polytechnique à l’époque et figure emblématique de la gauche grecque, se souvient : «Les chars étaient près de l’école polytechnique. Il y avait des morts dans les affrontements. Quelqu’un a éteint les lumières, par erreur. J’ai cru que l’armée était entrée dans l’établissement. Alors j’ai chanté l’hymne national et j’ai terminé l’émission en disant : “La lutte continue, chacun avec ses armes.” Puis j’ai mis une chanson de Míkis Theodorákis.» Le 24 juillet 1974, la dictature tombe en Grèce ; Míkis Theodorákis est accueilli triomphalement dans son pays. De retour, l’ex-exilé peut mesurer sa notoriété : «Nous voulions aller dans sa maison près de Corinthe, mais sur la route, les gens le reconnaissaient, l’arrêtaient, lui parlaient. Et nous, nous aidions à descendre les panneaux des colonels», raconte Laokratia Lakka, militante de la gauche grecque et amie de la famille Theodorákis. En octobre de la même année, il donnera des concerts devant plus de 80 000 personnes. Incontestablement, il est devenu un héros grec.

Chantre de la «grécité»

Dès lors, la figure tutélaire des résistances reprend son engagement sur la scène politique nationale tout en conservant une stature de figure internationale. En 1977, il compose même, pour le Parti socialiste français, la musique de l’hymne du Congrès de Nantes. En 1981, il est élu député du KKE, le Parti communiste grec ; il le reste jusqu’en 1986.

 

Régulièrement, ses positions lui valent de violentes critiques et Paris apparaît pour lui comme un refuge. Malgré tout, Míkis Theodorákis multiplie les prises de parole en public et poursuit la composition, ce qui fait de lui un chantre de la «grécité» sur le plan musical et politique.

 

 D’ailleurs, quand la crise grecque éclate, en 2010, il lance un nouveau mouvement politique, Spitha («l’Etincelle»). Il multiplie les meetings en Grèce, très suivis. En 2012, il est blessé par des gaz lacrymogènes lors d’une violente manifestation devant le Parlement d’Athènes. En 2018, quand le gouvernement d’Aléxis Tsípras trouve un accord avec la République de

Macédoine voisine, Míkis Theodorákis le dénonce… Lui qui avait pourtant soutenu le Premier ministre de la gauche grecque en 2015. «Míkis a apporté de la lumière à nos âmes. Il a marqué avec son œuvre la vie de ceux qui ont choisi la route de la démocratie et de la justice sociale», a partagé sur les réseaux sociaux Aléxis Tsípras.

 

Un deuil national de trois jours a été déclaré en Grèce par le Premier ministre, Kyriákos Mitsotákis (Nouvelle Démocratie, droite). Mais il n’y aura pas de funérailles nationales. Ultime engagement de Míkis Theodorákis : c’est le KKE qui l’enterrera à La Canée, en Crête, ville de naissance de son père. Pour la chanteuse grecque Haris Alexiou, c’est un «adieu à un dieu, à un siècle de Grèce».

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3 septembre 2021 5 03 /09 /septembre /2021 05:46

 

Cette question était le titre d'un des ateliers organisés par le secteur international lors des universités d'été. Une nouvelle fois, les questions migratoires sont au cœur de l'actualité.

 

 

Aujourd'hui ce thème est abordé à partir de l'Afghanistan, hier c'étaient la Syrie et la Libye, auparavant à partir de la Tunisie avec un cynisme récurrent qui parle de flux migratoire et jamais d'humains.

Comme souvent, concernant ce sujet, il est nécessaire de rappeler quelques réalités. La première étant que l'immense majorité des réfugiés, des déplacés vont dans les pays limitrophes. Par exemple, l'essentiel des réfugiés afghans sont et seront accueillis par le Pakistan et l'Iran, tout cela dans de très mauvaises conditions d'accueil et de vie.

Nécessaire de rappeler aussi que la politique migratoire est une politique nationale et non européenne qu'aucun État ne veut transférer, en particulier la politique des visas et de condition de l'obtention du droit d'asile. Il est aussi utile de rappeler que les conditions d'obtention du droit d'asile en France se sont considérablement durcies suite à une frénésie de lois ces dernières décennies.

Ainsi la politique de la France est assez similaire à l'ensemble des pays de l'Union européenne : fermeture des frontières, valider les murs qui se construisent, rejet des bateaux de sauvetage en Méditerranée, durcir les conditions d'obtention du droit d'asile, multiplier les reconduites dans le pays d'origine, maintien des CRA (Centre de Rétention Administrative), respect des accords honteux de l'Union européenne avec des pays comme la Turquie pour « sous-traiter » les accueils de réfugiés ou même avec l'Afghanistan en 2019 qui à ce moment-là était défini par l'UE comme un pays sûr, ce qui permettait de faire des reconduites dans le pays d'origine. En 2019, la France a renvoyé plus de 400 personnes en Afghanistan.

La France a stoppé les retours d'Afghans seulement en juin 2021.

Le taux de protection de la France c'est-à-dire le taux d'acceptation du statut de réfugiés ou de protection subsidiaire est depuis plusieurs années aux alentours de 25 % après les études de dossier de l'Ofpra et de 35 à 40 % après les recours de la CNDA.

"Les maires communistes ont signé une tribune disant oui à l'accueil et se disant prêts à le faire dans leur ville."

Par exemple, en 2020, il y a eu 95 600 demandes (mineurs inclus) dont 86 620 premières demandes et 8 830 demandes de réexamens. Parmi ces demandes 10 100 venaient d'Afghanistan, 5 800 de Guinée, 5 050 du Bangladesh, 4 950 de Côte d'Ivoire, 3 970 du Nigéria.

Seulement 33 000 dossiers acceptés soit 23,7 % par l'Ofpra et 37,7 % après recours auprès de la CNDA.

En 2019, c'étaient 132 700 demandes dont 10 015 Afghans et 46 200 personnes qui ont obtenu le droit d'asile.

Aujourd'hui, il y a donc une certaine hypocrisie de la part du gouvernement Macron qui fait semblant d'ouvrir les portes de la France aux réfugiés Afghans alors qu'il les a fermées pendant toutes ces années. La palme de l'hypocrisie revient à la ministre Marlène Schiappa qui demande aux maires de joindre les actes à la parole au sujet de l'accueil de réfugiés alors que l'État se repose complètement sur les politiques volontaristes des maires.

En effet, les maires communistes ont signé une tribune disant oui à l'accueil et se disant prêts à le faire dans leur ville, c'est aussi le cas de la plupart des maires de grandes métropoles comme Marseille.

Mais pour l'instant, ces volontés politiques se font à budget constant et aucun accompagnement de l'État ne vient appuyer les budgets des villes. Et malgré cela, des projets naissent, des lieux d'accueil se construisent comme l'a expliqué Audrey Garino, adjointe à la mairie de Marseille, chargée des affaires sociales, de la lutte contre la pauvreté et de l'égalité des droits.

Cécile Dumas

Responsable-adjointe du secteur international

Chargée des enjeux migratoires

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31 août 2021 2 31 /08 /août /2021 05:13

L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 19 au 25 août 2021 – par Patrick Le Hyaric.

Au cœur de l’été, l’amplification des événements météorologiques, accompagnés de leurs terribles souffrances et de leurs deuils, s’est invitée à notre table, en pleine pandémie, sans masque. S’ajoutant aux innombrables décès dus au Covid 19, en partageant les mêmes origines, mégafeux ou pluies diluviennes, canicules et sécheresses envahissent des pans de la planète, avec leurs lots de destructions et de morts. Le sixième rapport du Giec (1) sonne l’alerte rouge, à moins de trois mois de la nouvelle conférence sur le climat qui doit se tenir à Glasgow (COP26). De grandes parties de notre Terre commune vont devenir invivables si la communauté humaine ne réussit pas à réduire beaucoup plus rapidement sa production de gaz à effet de serre due essentiellement à la combustion de charbon et de pétrole. Sachant que l’ampleur avec laquelle notre planète se réchauffe n’a pas d’équivalent dans l’histoire, ne pas s’engager dans cette voie reviendrait à accepter d’irréparables désastres. La fonte des glaciers, la montée des eaux des océans, la modification des écosystèmes océaniques et terrestres mettraient en cause la sécurité alimentaire mondiale et provoqueraient, par conséquent, des déplacements de populations à grande échelle vers des zones moins touchées. Une course de vitesse est donc engagée tant chaque jour et chaque dixième de degré compte pour sauver l’humanité. Songeons qu’un enfant qui naît aujourd’hui peut connaître cette catastrophe. C’est dire nos responsabilités ! Et ce ne sont pas les rodomontades culpabilisantes envers les citoyens-consommateurs par un écologisme politicien qui peuvent nous sortir d’affaire.

Trois milliards d’êtres humains manquent de l’essentiel, alors que les 10 % les plus riches de la population émettent plus de la moitié du gaz carbonique. Le système capitaliste et sa soif jamais étanchée de profit sont bien en cause. Ce sont à la fois le modèle productif de l’agrobusiness, favorisé par exemple par la politique agricole commune, les banques et assurances, avec la liberté totale de circulation des capitaux spéculatifs, les privatisations des ressources énergétiques et des transports mais aussi la conception des villes et des logements comme les systèmes de distribution et de consommation qu’il s’agira radicalement de dépasser. Certes, à chaque grande réunion internationale, les chefs d’État et de gouvernement rivalisent d’engagements aussi dérisoires qu’hypocrites devant micros et caméras sur l’inversion des tendances actuelles. Rentrés en leurs palais, ils défendent les intérêts de classes et poursuivent la guerre intracapitaliste au service de leurs multinationales, dont celles qui ont paraît-il la « bonté » d’investir dans leur pays en bénéficiant de ponts d’or. C’est ce qu’il s’est passé il y a quelques semaines au grand « raout » du château de Versailles avec le président Macron à genoux devant les milieux d’affaires nord-américains. Sachant que la durée de rotation du capital investi est dix fois plus importante que celle d’un mandat présidentiel, on mesure l’urgence à porter des actions et un débat populaire sur les réorientations des productions afin de les mettre au service des besoins humains, démocratiquement décidés. La vie humaine et celle des écosystèmes sont antagonistes avec l’accumulation capitaliste et la « concurrence libre », prétendument non faussée, qui génèrent à la fois inégalités sociales et destructions environnementales. C’est au contraire un monde de coopération, de partage des avoirs, des savoirs, des pouvoirs qui est à l’ordre du jour. L’appropriation sociale, citoyenne et démocratique de larges secteurs de l’économie, le postcapitalisme deviennent l’intérêt supérieur de l’humanité. L’émancipation humaine et le respect des écosystèmes doivent prendre le pas sur toute autre considération.

*GIEC : Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat.

 

 

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30 août 2021 1 30 /08 /août /2021 06:11

Des dizaines de Palestiniens non armés, y compris des enfants, ont été assassinés depuis la fin de l’offensive israélienne de mai. Néanmoins, tout cela est désormais tellement banal que les médias israéliens et l’armée l’évoquent à peine.

 

En apparence, la situation est relativement calme ces derniers jours dans les territoires occupés par les Israéliens. Pas de victime israélienne, quasiment aucune attaque en Cisjordanie et absolument aucune en Israël même. Gaza est relativement calme depuis la fin de la dernière offensive d’Israël là-bas, l’opération Gardien du mur.

En Cisjordanie, le train-train désespérant du quotidien se poursuit pendant cette soi-disant période de calme – ironie suprême quand on fait attention à ces chiffres terribles : depuis mai, plus de quarante Palestiniens ont été tués en Cisjordanie.

En l’espace d’un weekend fin juillet, l’armée israélienne a tué quatre Palestiniens, dont un enfant de 12 ans. Parmi ces quarante, deux venaient du même village, Beita, qui a dernièrement perdu six de ses habitants : cinq manifestants non armés et un plombier qui aurait été appelé pour réparer un robinet quelque part. Aucun des quatre tués fin juillet ne constituait une quelconque menace pour la vie de soldats israéliens ou de colons.

L’utilisation de balles réelles contre ces personnes était interdite, sans parler du fait de viser pour tuer, comme l’ont fait les soldats israéliens qui les ont abattus. Quatre êtres humains ou, si vous préférez, quarante êtres humains, dont les familles ont vu leur monde s’effondrer, des gens avec des projets, des rêves et des désirs ; tous soudainement supprimés par quelque jeune soldat israélien si nonchalamment et si brutalement.

 

En Israël et dans les territoires occupés, le plus grand danger est la routine

Si tout cela ne suffisait pas, notez ceci : les médias israéliens ont à peine couvert ces morts. Aucun des deux principaux titres israéliens n’ont mentionné la mort d’un adolescent de 12 ans à Beit Omar, entre Bethléem et Hébron ; et les deux plus grandes chaînes de télévision privées n’ont pas pris la peine d’en parler non plus.

Autrement dit, la mort d’un garçon de 12 ans – Mohammed al-Alami, parti faire des courses avec son père et sa sœur lorsque des soldats israéliens ont arrosé leur voiture de balles, tuant ce garçon qui, comme son père, n’avait rien fait de mal – a été de toute évidence jugée sans importance et sans intérêt par certains médias israéliens.

Indifférence au meurtre

C’est la seule explication possible à cette inattention généralisée face à un meurtre. Rappelez-vous que tous ces autres meurtres depuis mai ont à peine été signalés, ont encore moins fait l’objet d’enquêtes, et vous entreverrez le portrait de la répression israélienne et du déni de l’occupation via la version du « Dôme de fer » présentée par les médias, avec l’aimable autorisation de la presse libre, dans toute son abjection. 

Ce sombre tableau de l’armée et de son mode opératoire brutal a été épargné aux Israéliens, protégés par une presse mutique. Protégés par ce silence, ce déni et cette répression, même les politiciens israéliens et les généraux n’ont pas à expliquer ou même à s’intéresser au fait qu’il ne se passe rarement une semaine sans victimes palestiniennes dans les territoires occupés, même pendant cette période de calme relatif.

Si les soldats tiraient sur les animaux errants avec autant de nonchalance que sur les Palestiniens, il y aurait un déluge d’indignation et ces soldats seraient poursuivis et sévèrement punis

Ainsi, il y a quelques jours encore, aucun responsable militaire n’avait fait la moindre critique du comportement de ces soldats, sans parler de l’évocation de poursuites ou d’ouverture d’une enquête sérieuse. C’est seulement après une série d’articles et d’éditos dans Haaretz que le chef d’état-major de l’armée, le général Aviv Kochavi – considéré comme une personnalité ayant des valeurs morales –, a « demandé de faire baisser la température ». Pas un ordre, une requête. Aucune poursuite et aucune enquête, juste une vague déclaration de bonnes intentions pour l’avenir. 

Derrière tout cela se dissimule le mépris pour la vie des Palestiniens. En Israël, rien n’a moins de valeur que la vie d’un Palestinien. Cela va des ouvriers du bâtiment qui tombent comme des mouches sur les sites de construction en Israël sans que personne ne s’en soucie aux manifestants non armés dans les territoires occupés abattus par les soldats sans que personne ne bronche.

Il y a un dénominateur commun : la conviction en Israël que la vie des Palestiniens ne vaut pas grand-chose. Si les soldats tiraient sur les animaux errants avec autant de nonchalance que sur les Palestiniens, il y aurait un déluge d’indignation et ces soldats seraient poursuivis et sévèrement punis. Mais ils ne font que tuer des Palestiniens, alors quel est le problème ?

Lorsqu’un soldat israélien abat un enfant palestinien d’une balle dans la tête ou un adolescent palestinien ou un manifestant ou un plombier d’une balle dans le cœur, la société israélienne reste muette et apathique. Elle se contente des explications fumeuses et parfois des mensonges éhontés du porte-parole de l’armée, omettant l’expression de tout scrupule moral concernant la nécessité de tuer.

Il y a tant de victimes sur lesquelles j’ai enquêté et écrit dans les journaux qui n’ont éveillé aucun intérêt particulier.

Mort d’un plombier

Shadi Omar Lofti Salim (41 ans), plombier prospère qui vivait à Beita dans le centre de la Cisjordanie, est parti de chez lui dans la soirée du 24 juillet en direction de la route principale où se situe la valve du réseau d’approvisionnement en eau du village, après la découverte d’un problème.

Il a garé sa voiture en bord de route et s’est dirigé vers cette valve, une clé anglaise rouge à la main. Il était 22 h 30. Tandis qu’il approchait de la valve, des soldats à proximité ont soudainement ouvert le feu et l’ont abattu. Ils ont plus tard affirmé qu’il courait vers eux en tenant une barre de métal. La seule barre de métal était la clé anglaise rouge laissée derrière lui au sol avec son paquet de cigarette et une tache de sang, déjà sèche lorsque qu’on est arrivé là-bas quelques jours après sa mort.

Une semaine plus tard dans ce même village, les soldats ont tué Imad Ali Dweikat (37 ans), ouvrier du bâtiment, père de quatre jeunes filles et d’un garçon de deux mois. C’était pendant la manifestation hebdomadaire du vendredi. Les habitants de Beita manifestent chaque semaine depuis deux mois environ contre l’établissement d’un avant-poste illégal sur les terres du village. Cette colonie, Givat Eviatar, a été construite officieusement, puis vidée de ses habitants par Israël, mais la quarantaine de structures érigées rapidement à cet endroit n’a pas été détruite. Cette terre n’a pas été rendue à ses propriétaires, qui ne sont pas autorisés à s’en approcher.

Depuis que Givat Eviatar a été lancée il y a plus de dix semaines, cinq manifestants palestiniens ont déjà été tués par des soldats. Aucun des cinq n’était suffisamment près pour mettre en danger la vie des soldats d’une quelconque manière, même si les manifestants jetaient des pierres et brûlaient des pneus pour protester contre l’accaparement de leur terre.

Les habitants sont déterminés à continuer à résister jusqu’à ce que leur terre leur soit rendue, et en attendant, le sang coule, semaine après semaine.

Abattu au hasard

Dweikat buvait un verre d’eau lorsqu’un sniper israélien l’a choisi, apparemment au hasard, et lui a tiré en plein cœur à plusieurs centaines de mètres de distance. La balle a explosé dans son corps, endommageant ses organes internes et Dweikat est mort sur place, du sang s’écoulant de sa bouche. Ali, son nouveau-né, est déjà orphelin.

Tous ces décès sont des exécutions. Il n’y a pas d’autre terme pour les décrire

Quelques semaines plus tôt, les soldats avaient tiré sur un adolescent, Muhammad Munir al-Tamimi, dans un autre village contestataire, Nabi Saleh, et l’avaient tué. Tamimi avait 17 ans et c’est la cinquième victime dans ce petit village ces dernières années. Tout le monde là-bas appartient à la famille Tamimi et, depuis des années maintenant, ils résistent au vol de leurs terres par les colonies environnantes.

Tous ces décès sont des exécutions. Il n’y a pas d’autre terme pour les décrire. Tirer sur des manifestants non armés, des adolescents, des enfants, un plombier, un ouvrier du bâtiment, des gens qui manifestent publiquement afin de récupérer leur propriété et leur liberté est un crime. Il y a très peu de régimes dans ce monde où des manifestants non armés se font abattre – excepté Israël, « seule démocratie du Moyen-Orient », où cela n’affecte pas la tranquillité d’esprit des gens.

Même les récriminations qu’on entend ici et là face à ces meurtres systématiques tiennent au fait que cela pourrait engendrer une détérioration de la situation en général. Sur la question de la légalité et en particulier de la moralité du meurtre d’innocents, personne ne pipe mot.

Israël est considéré comme une démocratie, enfant chéri du monde occidental avec des valeurs semblables. Quarante civils non armés tués ces deux derniers mois et demi, quatre tués rien que la dernière semaine de juillet, constituent un témoignage douloureux quoique muet du fait que, même s’il est toujours considéré comme une démocratie, Israël n’est pas jugé de la même manière que les autres pays.

Gideon Levy est un chroniqueur et membre du comité de rédaction du journal Haaretz. Il a rejoint Haaretz en 1982 et a passé quatre ans comme vice-rédacteur en chef du journal. Il a obtenu le prix Euro-Med Journalist en 2008, le prix Leipzig Freedom en 2001, le prix Israeli Journalists’ Union en 1997 et le prix de l’Association of Human Rights in Israel en 1996. Son dernier livre, The Punishment of Gaza, a été publié par Verso en 2010.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Gideon Levy

Gideon Levy is a Haaretz columnist and a member of the newspaper's editorial board. Levy joined Haaretz in 1982, and spent four years as the newspaper's deputy editor. He was the recipient of the Euro-Med Journalist Prize for 2008; the Leipzig Freedom Prize in 2001; the Israeli Journalists’ Union Prize in 1997; and The Association of Human Rights in Israel Award for 1996. His new book, The Punishment of Gaza, has just been published by Verso.

 

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29 août 2021 7 29 /08 /août /2021 06:11

 

Qui peut croire un seul instant que les talibans allaient respecter leur parole, consignée dans l’accord secret conclu avec l’impérium nord-américain ? Les Nations Unies dénoncent la traque d’anciens fonctionnaires, de militants démocrates, des droits des femmes, de l’éducation et de la culture, de la liberté d’informer ou de la paix.

Seul le ministre des Affaires étrangères de notre pays ose parler d’un « gouvernement inclusif ». Belle fable !  Ce sont les envoyés de M. Trump, puis de M. Biden, qui ont fait le choix de négocier exclusivement avec les seigneurs de guerre, au détriment de toutes les autres forces politiques, associatives et religieuses afghanes.

Ce sont eux déjà qui, après avoir déversé sur le pays un déluge de fer et de feux, ont imposé une constitution à « l’américaine » et choisi le chef de l’exécutif afghan, lequel arrosait avec les dollars américains les députés qui n’avaient pour unique rôle que de l’adouber. Ces derniers et les potentats locaux détournaient l’argent public venu de l’étranger pour construire leurs belles villas dans les pays du Golfe, tandis que la rébellion talibane se nourrissait aux mêmes gamelles auxquelles s’ajoutait « l’impôt » sur l’opium.

En niant l’histoire et la géographie, toutes les spécificités de la vie afghane, les groupes et les réseaux de solidarité locaux et régionaux ainsi que les différents groupes religieux, les pays de l’OTAN ont sciemment ignoré les démocrates, les penseurs, les travailleurs, la jeunesse urbaine en quête d’émancipation, les femmes qui encore le 16 août dernier manifestaient pour réclamer le droit d’étudier, de travailler, de voter et d’être élues.

Ce comportement munichois laissera de profondes traces. Il montre, à quel point jamais la guerre n’est la solution, ni en Afghanistan, ni en Irak, ni en Lybie, ni en Syrie. L’Otan aura semé la mort et le désespoir dans toute la région au nom de l’exportation de la démocratie et des libertés qui n’a été que le paravent du combat contre les forces communistes, socialistes, syndicalistes et progressistes dans tout le Moyen Orient, en alliance avec l’hydre islamiste.

Mais dans un contexte nouveau de celui d’il y 20 ans, la capitulation de Kaboul constituera une onde de choc servant d’appui pour la déstabilisation de plusieurs États dans la région, du Pakistan à l’Inde et toute l’Asie centrale jusque certaines contrées chinoise. Peut-être est-ce une des espérances de l’administration américaine qui de surcroit veut intensifier la nouvelle guerre froide avec Pékin. Le pouvoir chinois ne l’acceptera pas et cherche des compromis avec les talibans  pour sa protection et pour l’exploitation des immenses richesses du sous-sol, en compétition féroce avec les multinationales occidentales. Ceci ne fera en définitive que renforcer les nouveaux maîtres de Kaboul.  

Ajoutons que la nouvelle donne en Afghanistan procure des ailes à d’autres mouvements islamistes dont ceux de la région du Sahel où la France est très impliquée.

L’intérêt de tous contre le djihad islamiste devrait conduire les pays de l’Union européenne à ne pas suivre l’impérium en difficulté mais à s’efforcer de promouvoir un dialogue de type nouveau, sans concession, entre toutes les nations concernées, y compris avec la Chine et la Russie, sans lesquelles rien ne saurait changer.

Notre combat solidaire pour un nouvel internationalisme poussant loin le progrès social, démocratique, le développement humain et écologique, dans le cadre de nations souveraines, doit reprendre des forces.

Cette solidarité doit nous conduire à agir pour empêcher les expulsions de ressortissants afghans, à faire respecter les conventions de Genève sur le droit d’asile des citoyens afghans menacés. La coopération et des actions de soutien devraient être menées avec les mouvements démocratiques, de paix et de protection des femmes. La Fête de l’Humanité dans quelques semaines en sera l’un des lieux.

 

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28 août 2021 6 28 /08 /août /2021 06:03

 

Dans un entretien à nos confrères du Monde, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Clément Beaune, dit tout de la stratégie du « président-candidat » dans la perspective des élections présidentielle et législatives. Homme d’expériences diverses, car passé du cabinet de Jean Marc Ayrault à celui de l’Elysée avant d’être nommé au gouvernement, il mérite d’être entendu.

Après avoir justifié la « verticalité » qui a présidé aux décisions sur le passe-sanitaire, les contre-réformes de l’assurance chômage et de la fonction publique, « le plan de relance » sans contreparties, la loi « climat » critiquée par les membres de la convention citoyenne pour ses graves insuffisances, il a confirmé la stratégie du président pour rester à L’Elysée : « Incarner le camp de la République, de la raison et de l’équilibre de la société ». Autrement dit, celui qui n’a obtenu que 18 % des inscrits lors de la dernière présidentielle serait le rassembleur après avoir connu le fiasco que l’on connait lors des dernières élections régionales. Le secrétaire d’Etat a aussi glorifié l’insupportable parole présidentielle sur le freinage « des flux migratoires » venant d’Afghanistan où règnent la terreur et la dictature. Enfin, il a confirmé : « En 2022, la présidentielle et les législatives vont se jouer sur un clivage entre ceux qui assument la complexité, la raison ; la science, une forme de modération verbale et ceux qui jouent des effets de la polémique et des divisions ». Guizot disait déjà, en son temps, que seuls pouvait participer ceux qui sont « éclairés par raison critique supérieure » ! La stratégie est bien d’incarner le programme économique et social, sécuritaire et de chasse aux réfugiés, de la droite, le tout présenté comme rempart à l’extrême droite !

Pourtant « le clivage » a bien été porté à plusieurs reprises par le président lui-même : celui qui existe entre ceux, « les premiers de cordée, » qui accumulent des fortunes et les premiers de corvée, « ceux qui ne sont rien » mais qui, pourtant, sont en première ligne. Tout est bon pour empêcher le débat fondamental sur l’antagonisme entre les détenteurs du capital et celles et ceux qui n’ont que leur travail manuel, intellectuel pour vivre et trop souvent…survivre. Si l’on veut bien écouter le secrétaire d’Etat, bon sens et pragmatisme s’opposeraient au chaos. Déporter ainsi le débat public, c’est vouloir diviser la société et associer les forces progressistes au camp de la déraison, à côtés de celles qui transpirent le racisme et la xénophobie. C’est la confirmation de la stratégie visant à faire de l’extrême droite la seule force opposante, celle susceptible d’être au second tour de l’élection présidentielle. Voilà pourquoi ministres et caméras ne valorisent, lors des manifestations du samedi, que le plus nauséabond, notamment l’infecte antisémitisme, les abominables destructions de centre de vaccination ou de pharmacies. Ceci permet de cacher les enjeux autour de la refondation de notre système de santé et les moyens à donner à l’hôpital public. Ajoutons qu’un simple soupçon sur un réfugié afghan aura été le prétexte pour occuper les radios et les télévisions dès le petit matin, mardi dernier, par des cadres de l’extrême-droite qui, une fois de plus, nous ont montré que leur poitrine de fer était dépourvue de cœur.

Si cette stratégie réussissait, l’homme qui, seul, décide de tout, aurait les mains libres, encore plus libres, pour, pendant cinq années supplémentaires, amplifier les destructions de conquis sociaux en mettant toujours plus l’Etat au services du capital, en déformant encore plus la République, en allant plus loin et plus vite dans les contre-réformes des retraites et vraisemblablement de la sécurité sociale. La voix de celles et ceux - et ils sont la majorité sociale – qui veulent reprendre « le contrôle de leur vie », celle qui appelle à plus de justice, de respect, de libertés, de solidarité, ne doit pas se laisser étouffer. Elle doit exprimer ses exigences de progrès social, démocratique et écologique. Par sa détermination et son rassemblement, cette majorité peut contribuer à ce que s’ouvrent des voies alternatives au capitalisme qui fait chaque jour, en tous domaines, la preuve de son inefficacité sociale, écologique et économique. C’est dire à quel point la riposte politique et idéologique est à l’ordre du jour !

 

 

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27 août 2021 5 27 /08 /août /2021 07:52

 

« Surprenant petit bonhomme », personnage hors du commun, symbole de la lutte pour la justice, le Paraguayen dont le journaliste et écrivain Pablo Daniel Magee retrace l’histoire dans un livre passionnant s’appelle Martín Almada. Inconnu du grand public, celui-ci a pourtant reçu en 2002 le prix Nobel alternatif de la paix pour avoir mis à jour, preuves à l’appui, après en avoir lui-même été victime, l’une des entreprises criminelles les plus abjectes de l’histoire de l’Amérique latine : le plan Condor.

1964 : l’armée brésilienne renverse le président João Goulart. Le « golpe » marque le coup d’envoi de la période mortifère qui va affecter la Bolivie (1971), le Chili, l’Uruguay et le Pérou (1973), l’Argentine (1976) et le Paraguay (depuis 1954 sous la botte de l’« Honorablissime commandant en chef des Forces armées de la Nation » et Président de la République Alfredo Stroessner). Celui que, venu en 1958 inaugurer les installations de la CIA dans l’ambassade des Etats-Unis à Asunción, le vice-président étatsunien Richard Nixon a surnommé « Our man in Paraguay ».

 

 

Depuis 1959, la Révolution cubaine a placé l’île et, dans chaque pays, l’ « ennemi interne », au centre des préoccupations. La longue tradition de coopération souterraine entre les polices et les armées d’Amérique du sud est systématisée le 26 novembre 1975 lorsque, directement placé sous l’autorité du général Augusto Pinochet, le colonel Manuel Contreras, patron de la Direction du renseignement national (DINA), reçoit secrètement ses « collègues » à Santiago du Chili. Ainsi naît l’Opération Condor. Un système clandestin de coordination des différents services de sécurité. Chaque pays membre – Chili, Argentine, Uruguay, Paraguay, Brésil, Bolivie – espionne ses opposants, les neutralise, mais autorise aussi les « services » des autres nations à intervenir sur son territoire pour enlever des exilés, les ramener dans leur pays d’origine, les interroger, les torturer ou les assassiner.

Membre du Parti Colorado (au pouvoir), Martín Almada n’a a priori rien à craindre d’une telle multinationale de la répression, dont, d’ailleurs, nul ne connaît l’existence. Il n’empêche que ce professeur, directeur à San Lorenzo du collège « Juan Bautista Alberdi », attire rapidement l’attention. Adepte de l’éducateur brésilien Paulo Freire et de sa « pédagogie des opprimés », président du Congrès national des enseignants paraguayens, ne flirterait-il pas avec les communistes – ces « monstres fous qui s’habillent tout en rouge » – s’interrogent les « pyragues » (« collabos ») ? Parti en Argentine pour étudier à l’Université nationale de La Plata, Almada en revient avec un doctorat en éducation après avoir soutenu une thèse intitulée « Paraguay : éducation et dépendance ». Du « radical », mais rien de vraiment subversif. Toutefois, l’important n’est pas ce que vous avez voulu dire, mais la manière dont cela est perçu.

Stroessner est alors au sommet de sa gloire. Il vient d’être réélu au terme d’une énième mascarade démocratique et rentre d’une tournée triomphale de l’autre côté de l’Atlantique. « Tout le monde l’a reçu, rapporte Magee, du général Franco au Pape, en passant par Georges Pompidou et le roi du Maroc. » Sise au carrefour de l’avenue Presidente Franco et de la rue Nuestra Señora de Asunción, la Direction nationale des questions techniques (dite « La Técnica ») tourne à plein régime. Il est rare que ceux qui y entrent en ressortent entiers ou vivants. Envoyé par la CIA, c’est le lieutenant-colonel américain Robert K. Thierry qui, dès 1956, y a formé les premiers militaires aux techniques de torture les plus avancées.


 Arrêté le 24 novembre 1974, livré à la rage des bourreaux que dirige Pastor Coronel, le chef redouté de la police politique, Almada y subit trente jours d’interrogatoires, de torture physique et psychologique, de supplice du «  tejurugudi » – fouet dont on pare les lanières d’embouts métalliques. Et le verdict tombe : « terroriste intellectuel ». Double peine, double tragédie : l’épouse du prisonnier, Celestina, 33 ans, est décédée d’un arrêt cardiaque dans les jours qui ont suivi l’arrestation. Après qu’elle ait reçu ses vêtements tachés de sang, un pervers appel téléphonique lui a annoncé la mort de son mari.


 La dictature transfère Almada au Camp de concentration d’Emboscada. Son directeur, le colonel Grau, a été surnommé « le Boucher de la mort ». Le « profesor subversivo » va y moisir pendant trois ans. C’est là que, pour la première fois, il entend parler d’un mystérieux plan Condor. Avant de mourir assassiné, un colonel emprisonné, Eduardo Corrales, ex-responsable des communications « secret-défense » du ministère de l’intérieur, lui dévoile le secret : « Vous êtes le premier détenu que je reconnaisse, en qui je puisse avoir confiance. Je dois vous raconter : je ne sortirai pas vivant d’ici, mais vous, vous avez peut-être une chance… Il faut que quelqu’un sache ce qui se passe. »

Libéré en 1977, Almada parvient à s’enfuir au Panamá avec sa mère et ses trois enfants. Ayant gagné la France et trouvé un poste à l’Unesco, il enquête, se procure et épluche les bulletins de la police paraguayenne, traque le Condor. En 1992, après quinze ans d’exil, il rentre enfin au Paraguay. Mené par le général Andrés Rodríguez, surnommé « général cocaïne », un coup d’Etat vient de renverser Stroessner, devenu encombrant. Dans la semi-démocratie qui vient d’être restaurée, Almada n’a de cesse de faire émerger les crimes des dictatures. De nombreuses plaintes contre l’Etat s’accumulent. Les forces de l’ordre rendent toute enquête impossible. Très cyniquement, elles font valoir une absence de preuves ou de quelconques archives appuyant les dénonciations. Jusqu’au 22 décembre 1992...

Ce jour-là, quelques complicités – dont celles de deux anciens agents des renseignements paraguayens – amènent Almada devant une bâtisse de béton qui héberge une annexe de la police politique, dans la banlieue d’Asunción. Jackpot ! La longue traque se termine. Quatre tonnes et demies, 700 000 feuillets, les « archives de la terreur » sont exhumées. Portant à bout de bras la plainte d’Almada, un juge courageux, Agustín Fernández, résiste aux pressions des autorités et prend la décision qu’aucun document ne devra rester secret.

Tout au long de ce récit que Magee rend haletant comme un roman d’espionnage, le lecteur croisera, parfois avec surprise, une cohorte de personnages et d’institutions. La ténébreuse Ecole des Amériques qui, à l’ombre de la bannière étoilée, a formé au Panamá des milliers de militaires répresseurs latinos. La Ligue anticommuniste mondiale, créée en 1949 par Tchang Kaï-chek. Bien entendu la CIA. Tout comme le FBI. Le bon « docteur » Henry Kissinger (s’il trouve « utile » le plan Condor, ce grand humaniste s’inquiète de ce que « ce type d’activité de contre-terrorisme » ne fasse « qu’exacerber plus encore la condamnation internationale des pays impliqués »)Le général de Gaulle, en visite en octobre 1964 au Paraguay. Des instructeurs militaires français, animant à Buenos Aires le premier cours interaméricain de guerre contre-révolutionnaire. Valéry Giscard d’Estaing et les échanges d’informations avec les services secrets argentins et chiliens de son ministre de la Défense Michel Poniatowski. Le général panaméen Omar Torijos luttant pour arracher « le canal » aux Etats-Unis. Le Pape François, Daniel Balavoine et même… Pierre Rabhi.

Le 20 décembre 2019, quarante-cinq ans après les faits, la justice paraguayenne a reconnu la détention et la torture de Martín Almada ainsi que l’assassinat de sa femme Celestina par les forces de la dictature, dans le cadre de l’opération Condor. On estime que, tous pays confondus, la terreur d’Etat a été, en Amérique du Sud, responsable d’au moins cinquante mille assassinats, plus de trente-cinq mille disparus, quatre cent mille emprisonnements arbitraires – sans parler des dizaines de milliers d’exilés, ni du cas de la Colombie où le massacre des opposants se déroulera (et se déroule toujours) dans le cadre d’une démocratie formelle.

Lointain passé ? « Le Condor vole toujours », ne cesse de rappeler Almada, 84 ans aujourd’hui, au vu des événements qui agitent Amérique latine. Il ne s’agit pas là d’une formule lancée à l’emporte-pièce. En effet, autant le récit de Magee fourmille de détails, autant il demeure très succinct sur un moment clé de l’épopée d’Almada : celui où, après son retour au Paraguay, quelques complicités souterraines lui ont permis de localiser les « archives de la terreur ». Interrogé par nos soins sur ce qui pourrait apparaître comme un oubli ou un relatif déficit d’informations, Magee explique : « Martín m’a expressément demandé de ne pas donner plus d’éléments sur cet aspect de l’histoire, pour le moment, afin de protéger des gens encore vivants. Il m’a donné un délai à respecter après sa propre mort. C’était notre “deal” dès le départ, le régime paraguayen demeurant particulièrement… vorace. » Victime en 2012 d’un coup d’Etat, l’ex-président de centre gauche Fernando Lugo pourrait effectivement en témoigner.

L’Histoire ne se répète jamais à l’identique. Les méthodes du Condor et le nombre effrayant de ses victimes n’ont depuis, et fort heureusement, pas été égalés (sauf en Colombie). Pourtant, comment ne pas évoquer quelques données préoccupantes ? Sous des formes certes moins brutales, les coups d’Etat se sont multipliés ces derniers temps – Haïti (1991 et 2004), Venezuela (2002), Honduras (2009), Paraguay (2012), Brésil (2016), Bolivie (2019). Sous l’égide de Washington, des systèmes d’alliance continuent à se liguer contre les gouvernements qui « dérangent », à l’image du Groupe de Lima (en voie de disparition) s’acharnant sur le Venezuela. Révélée en 2013 par Edward Snowden lorsqu’il mit en cause la National Security Agency (NSA) étatsunienne, la surveillance étroite de personnes et de personnalités a été confirmée par la récente découverte du logiciel Pegasus vendu à nombre de gouvernements et de « services » par la société israélienne NSO pour espionner les téléphones de dizaines de milliers de citoyens [1].

Sans que la « communauté internationale » et les supposées organisations de « défense des droits humains » ne s’en émeuvent, le président vénézuélien Nicolás Maduro vit en permanence sous la menace d’un assassinat (de même que les dirigeants chavistes Diosdado Cabello et Tareck El Aissami). En mettant leur tête à prix (15 millions de dollars pour le chef de l’Etat, 10 millions pour les deux autres), le gouvernement des Etats-Unis encourage implicitement et explicitement le passage à l’acte de toutes sortes de spadassins et d’aventuriers. Il n’en manque guère. En a témoigné, en 2020, l’Opération Gedeon, menée depuis la Colombie et destinée à « capturer / arrêter / éliminer Maduro », selon les termes d’un contrat de 212,9 millions de dollars signé entre le mercenaire américain Jordan Goudreau et Juan Guaido, président auto-proclamé adoubé et protégé par les Etats-Unis, le Canada, l’Union européenne et leurs satellites. L’opération a certes échoué [2]. Malgré l’ouverture de négociations, au Mexique, entre le pouvoir chaviste et ses oppositions (l’une à vocation démocratique, l’autre au caractère putschiste), l’offensive criminelle ne s’en poursuit pas moins [3].

En juillet 2021, Craig Faller, chef du Commandement sud de l’armée des Etats-Unis, et William J. Burns, patron de la CIA, se déplaçaient conjointement en Colombie et au Brésil. Tandis que Faller se donnait pour objectif de renforcer les relations « en matière de défense et de sécurité », Burns, à Bogotá, devait évoquer avec le président Iván Duque une « mission délicate » en matière de renseignement. Avec en mode subliminal, le mot « Venezuela » ?

En Bolivie, le coup d’Etat d’octobre 2019 contre Evo Morales a été préparé par le secrétaire général de l’organisation des Etats américains (OEA) Luis Almagro, appuyé et entériné par les Etats-Unis et l’Union européenne. Comme au bon vieux temps du « Condor », l’Argentine (de Mauricio Macri) et l’Equateur (de Lenín Moreno) ont livré en toute hâte de l’armement à la dictature de Janine Añez pour lui permettre de réprimer les manifestations. D’après le porte-parole du gouvernement bolivien Jorge Richter (8 août 2021), l’investigation s’élargit, de forts indices attirant les regards des enquêteurs en direction d’une participation à cette « internationale putschiste » du Brésil et du Chili.

On ne parlera pas là d’un retour du « Grand Condor ». Mais l’oiseau de proie, à l’évidence, est toujours disposé à faire des petits. D’ou l’intérêt de replonger dans la vie de Martín Almada grâce à l’impressionnant travail – sept années d’enquête, 200 heures d’entretiens avec des témoins d’époque, quelques 800 heures avec le protagoniste – de Pablo Daniel Magee.

 

Pablo Daniel Magee, Opération Condor. Un homme face à la terreur en Amérique latinepréface de Costa-Gavras, Saint-Simon, Paris, octobre 2020, 380 pages, 22 euros.

Maurice LEMOINE

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27 août 2021 5 27 /08 /août /2021 05:55

Dans l'imaginaire collectif, un résistant est un homme qui combat mais en Palestine, la résistance ne se réduit pas à cette image

 

« Exister, c'est résister » est un slogan qu'on retrouve sur beaucoup de murs en Palestine et en effet la résistance palestinienne commence en restant sur sa terre et Jérusalem-Est est aujourd'hui le visage de cette résistance non violente comme d'autres lieux avant elle (Bil 'in, les villages de la vallée du Jourdain, Hébron, Gaza...).

Depuis l'annexion en 1967 de Jérusalem-Est par Israël au mépris du droit international, l'objectif du gouvernement israélien est d'empêcher que Jérusalem-Est ne devienne la capitale de l'État de Palestine. Pour cela, le nouveau Premier ministre impulse une politique de colonisation très agressive dans la continuité de son prédécesseur.

Les habitants de quartiers entiers sont menacés d'expulsion. A Silwan, les maisons de 1000 personnes sont menacées de destruction ou d'expulsion. A Cheikh Jarrah, ce sont les 27 maisons de quelque 300 Palestiniens que le gouvernement veut expulser au profit de colons israéliens. Devant la mobilisation qui va au-delà de Jérusalem, la Cour suprême israélienne a reporté cette décision, cette menace plane toujours. Par ailleurs, toutes les manifestations pacifiques qui se sont déroulées dans ces quartiers ont été réprimées par l'armée israélienne dans une grande violence. Le député communiste israélien Ayman Odeh venu manifester son soutien à ces familles avait été brutalisé par des soldats en mai dernier. Des colons viennent, régulièrement, provoquer en agressant et en proférant des slogans racistes.

Ce que certains soutiens inconditionnels de la politique de l'État d'Israël ont qualifié d'« un désaccord foncier » est en fait la mise en œuvre de ce que, en 1967, les vainqueurs de la guerre des 6 Jours avait déclaré « Jérusalem, capitale éternelle et indivisible d'Israël et du peuple juif ». Cette décision sera de nombreuses fois condamnée par la communauté internationale (en 1967 par le Conseil de sécurité de l'ONU, en juin 1980 par le Conseil européen). Israël persiste et en juillet 1980, c'est la Knesset qui proclame Jérusalem « une et indivisible, capitale éternelle de l’État d'Israël ». En réaction, les quelques pays dont l'ambassade était installée à Jérusalem la transfèrent à Tel Aviv où se trouvaient déjà les représentations de la grande majorité des États. Il faudra attendre, en 2017, la provocation de Donald Trump pour que l'ambassade des États-Unis soit transférée à Jérusalem, d'autre pays suivront cet exemple au mépris des droits du peuple palestinien.

Les Palestiniens de Jérusalem-Est subissent une double peine puisqu'ils sont soumis à l'arbitraire de la politique israélienne et que leur séparation du reste de la Palestine par le mur de même que l'interdiction faite aux Palestiniens de Cisjordanie de se rendre à Jérusalem les isolent de leur gouvernement. Pendant la campagne électorale, prévue en juin 2021, Israël avait empêché des candidats de faire campagne, procédant même à des arrestations.

Le statut même de ces Palestiniens tend à imposer la judaïsation totale de la ville mais aussi soumet leur quotidien à l'arbitraire. Ils sont soumis au statut de "résidents" et peuvent donc être expulsés à tout moment. Ce statut est temporaire, ils doivent prouver que Jérusalem est leur « centre de vie » principal, ce qui notamment les empêche de faire des études à l'étranger, rend un mariage avec un Palestinien de Cisjordanie quasi impossible... Le but de cet acharnement quotidien est de débarrasser la ville de toute présence palestinienne, présence qui, au cours des siècles, a façonné Jérusalem.

Toute expression de l'identité palestinienne est interdite et beaucoup de militants sont arrêtés.

C'est d'ailleurs de Jérusalem que la révolte contre l'occupation et les agressions de colons a débuté en mai et a eu des répercutions dans toute la Palestine mais aussi en Israël où pour la première fois depuis octobre 2000 les Palestiniens d'Israël sont massivement descendus dans les rues, malgré les provocations menées par des milices juives racistes. Des mouvements de protestation des deux côtés de la « Ligne verte » ont eu lieu comme la grève générale du 18 mai.

En effet, même si la question de Jérusalem reste centrale, partout en Palestine, chaque jour, des Palestiniens se font assassiner, des bombardements sur Gaza ont lieu, les arrestations continuent alors que déjà 4750 prisonniers politiques sont détenus, la colonisation continue, la brutalité et la violence des colons continuent.

Le PCF entend briser le silence dont s'entoure le gouvernement français mais aussi l'Union européenne et contribuer à créer le rapport de forces indispensable pour qu'Israël se conforme enfin au droit international qu'il bafoue aujourd'hui avec arrogance, conforté dans la légitimité de sa politique par l'impunité dont il jouit.

Les députés communistes ont interpelé le ministre des Affaires étrangères et européennes sur la nécessité « d'imposer aux autorités d'occupation israéliennes le droit aux Palestiniens de vivre à Jérusalem Est dans le respect des conventions internationales ».

La France doit sans attendre reconnaître de l'État de Palestine et imposer des sanctions au gouvernement israélien.

Une pétition circule : https://www.change.org/p/occupation-continues-sheikh-jarrah-palestine

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26 août 2021 4 26 /08 /août /2021 08:05
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