Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 juillet 2021 3 14 /07 /juillet /2021 08:13
Libérez Khalida Jarrar, dirigeante de la gauche palestinienne, députée emprisonnée en détention administrative par Israël
Libérez Khalida Jarrar, dirigeante de la gauche palestinienne, députée emprisonnée en détention administrative par Israël
Libérez Khalida Jarrar, dirigeante de la gauche palestinienne, députée emprisonnée en détention administrative par Israël

Suha Jarrar, la fille de Khalida Jarrar, dirigeante politique et ancienne députée palestinienne, actuellement détenue politique est décédée il y a 3 jours. 

Malgré des années de harcèlement de la part de l’occupant israélien, de nombreuses années derrière les barreaux, loin de son mari et de ses filles, Khalida Jarrar a toujours su rester forte et combative. Aujourd’hui, Khalida Jarrar fait face à la pire des souffrances en apprenant le décès de sa fille, Suha, 31 ans. Elle va l’appris par ses avocats, derrière les murs froids de la prison dans laquelle elle est enfermée depuis deux ans, loin de son mari Ghassan et de leur fille Yafa. Une demande de libération sera déposée par ses avocats afin de lui permettre d’enterrer sa fille et d’être parmi les siens pour affronter cette tragique épreuve.
Khalida est une prisonnière politique palestinienne qui a été arrêtée en raison de son engagement politique. Elle aurait dû avoir le droit d’assister aux funérailles de sa fille.

Khalida est détenue depuis près de deux ans et sa peine doit prendre fin dans deux mois. Elle a été arrêtée de nombreuses fois par le régime israélien et a été l’objet de plusieurs formes d’abus et de persécutions.

Les autorités israéliennes doivent libérer Khalida au plus vite.

🔴 Signez la pétition https://bit.ly/freeKhalidaJarrar 🔴

***

Mardi 13 juillet à Ramallah en Cisjordanie occupée, des centaines de personnes se sont réunies pour l’enterrement de Suha Jarrar, tragiquement disparue le 11 juillet dernier. Suite à une décision de l’occupation israélienne, sa mère Khalida Jarrar a été empêchée d’assister à la cérémonie pour dire adieu à sa fille alors qu’elle purge une peine de deux ans de prison en raison de ses activités politiques et doit être libérée dans deux mois. Prisonnière palestinienne et dirigeante du Front Populaire de Libération de la Palestine, elle a adressé un dernier message à sa fille...
"Je souffre tellement, mon enfant, seulement parce que tu me manques.
Je souffre tellement, mon enfant, seulement parce que tu me manques.
Du plus profond de mon agonie, j’ai tendu la main et embrassé le ciel de notre patrie à travers la fenêtre de ma cellule de la prison de Damon, à Haïfa. Ne t’inquiète pas, mon enfant, je me tiens debout et inébranlable, malgré les chaînes et le geôlier. Je suis une mère dans la douleur qui se languit de te voir une dernière fois.
Cela ne peut se passer qu’en Palestine. Tout ce que je voulais, c’était faire un dernier adieu à ma fille, avec un baiser sur son front et lui dire que je l’aime autant que j’aime la Palestine. Ma fille, pardonne-moi de ne pas avoir assisté à la célébration de ta vie, de ne pas avoir été à tes côtés pendant cette déchirure du ciel, aspirant à te voir, à te caresser et à planter un baiser sur ton front à travers la petite fenêtre de ma cellule de prison.
Suha, ma précieuse. Ils m’ont privé de te donner un dernier baiser d’adieu. Je te dis adieu avec une fleur. Ton absence est douloureuse, atrocement douloureuse. Mais je reste inébranlable et forte, comme les montagnes de la Palestine bien-aimée."
Khalida Jarrar, 13 juillet 2021

 

Lire aussi:

1er novembre 2019: Ramallah : l’armée israélienne kidnappe la députée palestinienne Khalida Jarrar (communiqué de l'AFPS)

décembre 2017: Khalida Jarrar, Ahed Tamimi, Salah Hamouri: C'est la Palestine indomptée qu'on embastille!

Partager cet article
Repost0
14 juillet 2021 3 14 /07 /juillet /2021 07:35
États-Unis. Course aux armements nucléaires : Biden ne change rien (L'Humanité, Odile Tsan, 11 juillet 2021)
États-Unis. Course aux armements nucléaires : Biden ne change rien
Dimanche 11 Juillet 2021 - L'Humanité

L’augmentation des dépenses prévues par la Maison-Blanche au budget 2022 pour « la modernisation » de l’arsenal nucléaire, reprend la périlleuse fuite en avant initiée par l’ex-président.

 

Joe Biden s’inscrit dans la poursuite de la course aux armements nucléaires engagée par son prédécesseur. Cette volonté transpire dans les chiffres que vient de fournir la Maison-Blanche sur ses propositions de budget pour l’année 2022. Le financement de la « modernisation de l’arsenal nucléaire » lancée à grands frais par Donald Trump, est maintenu dans les mêmes ordres de grandeur. Au grand désappointement de plusieurs ONG engagées en faveur de la lutte pour la paix et le désarmement. L’Association pour le contrôle des armes (Arms Control) prend les citoyens à témoin en citant des extraits de discours de campagne où Joe Biden se répandait contre « l’excès des dépenses pour les armes nucléaires ».

« 1,5 fois plus importante que le budget total des centres sanitaires et de prévention. » Mark Pocan et Barbara Lee, membres démocrates de la Chambre des représentants

Au sein de l’aile gauche du Parti démocrate, inquiétudes et critiques s’accroissent après les récents renoncements d’un plan bipartisan sur les infrastructures – le projet d’augmentation de l’impôt sur les sociétés de 21 % à 28 % y a été tout simplement biffé. À elle seule, l’augmentation des dépenses militaires programmée est sur un an « 1,5 fois plus importante que le budget total des centres sanitaires et de prévention » contre la pandémie de Covid-19, s’insurgent dans une déclaration commune Mark Pocan et Barbara Lee, membres démocrates de la Chambre des représentants.

Un budget historique de 752,9 milliards de dollars

La hausse des dépenses pour les armes nucléaires contribue pour une bonne part à l’augmentation de 11 milliards de dollars du projet de budget consacré aux armées et à leurs engins de mort. Soit un niveau historique de 752,9 milliards de dollars, qui pulvérise les records déjà atteints ces quatre dernières années.

La « modernisation » de l’arsenal nucléaire obéit à une logique extrêmement périlleuse. Elle est en effet en bonne partie destinée à l’élaboration d’armes dites de « plus faible puissance » (lower field), qui rendraient leur usage plausible sur un éventuel champ de bataille. En rupture donc avec les principes de la dissuasion nucléaire fondés sur un non-usage des armes atomiques par crainte d’un anéantissement réciproque. Lors du lancement du processus en 2018, Trump avait soulevé un tollé et avait été accusé, à juste titre, de se comporter comme un docteur Folamour justifiant le recours d’une éventuelle « frappe nucléaire en premier » contre un adversaire sans risquer l’apocalypse en retour.

Miniatures mais monstrueux

La « modernisation » reprise à son compte par l‘équipe Biden suppose la poursuite de la mise au point de missiles dits « miniaturisés » tirés depuis des sous-marins, dont la puissance ne permettrait certes pas, selon les spécialistes, de vitrifier des métropoles entières, mais serait tout de même équivalente à celle de la… bombe d’Hiroshima.

C’est la gabegie de dépenses militaires sur le long terme qui inquiète le plus les progressistes états-uniens. La « modernisation » des arsenaux nucléaires répond en effet à la nécessité d’une programmation sur au moins une décennie. L’Association pour le contrôle des armes a calculé que cela induit un surcroît de dépenses militaires de quelque 634 milliards de dollars (510 milliards d’euros) sur les dix prochaines années.

De plus, ce type de décision risque d’aiguiser dangereusement les tensions internationales. Elle devrait conduire Russie et Chine à répliquer dans la course aux armes nucléaires de toutes sortes. Moscou et surtout Pékin ont été présentés en juin lors des sommets de l’Otan et du G7 comme les ennemis d’un Occident dont Joe Biden s’est proclamé le guide.

Partager cet article
Repost0
14 juillet 2021 3 14 /07 /juillet /2021 07:32
Cuba. Dans la Grande Ile asphyxiée par le blocus, la colère déborde - Rosa Moussaoui, L'Humanité, 13 juillet 2021
Cuba. Dans la Grande Île asphyxiée par le blocus, la colère déborde
Mardi 13 Juillet 2021 - L'Humanité

Des manifestants sont descendus dans les rues de plusieurs dizaines de villes. Les sanctions américaines, la pandémie de Covid-19 et la crise économique se conjuguent pour le pire, dans un climat de tension guetté par Washington.

C’est une secousse sérieuse. Sans doute la plus forte depuis le Maleconazo du 5 août 1994, lorsque les dures restrictions économiques de la « période spéciale », dans une île sous blocus états-unien, ayant perdu ses appuis soviétiques avec la chute du bloc de l’Est, avaient donné lieu, à La Havane, à de violentes émeutes. Dimanche, des marches ont réuni, aux cris de « Liberté ! », des milliers de Cubains excédés par les pénuries d’aliments, de médicaments, par les coupures d’électricité. Parti de San Antonio de los Baños, une petite ville à 25 km au sud-ouest de La Havane, où le premier rassemblement a été signalé, cet élan a gagné plusieurs dizaines d’autres villes, dont la capitale, au rythme des images répercutées sur les réseaux sociaux, de plus en plus fréquentés depuis l’arrivée de l’Internet mobile, fin 2018.

« Nous avons faim ! » 

Conséquence logique de la pire crise économique depuis trente ans : la crise sanitaire, la mise à l’arrêt du secteur touristique et le brutal durcissement des sanctions américaines par l’administration Trump se sont combinés pour le pire, entraînant, ces derniers mois, une dégradation terrible des conditions de vie de la population. « Nous avons faim ! » scandaient les protestataires, en défiant d’imposants déploiements militaires et policiers.

Les réformes économiques entrées en ­vigueur au début de l’année, dans le contexte le plus défavorable qui soit, avec une ­récession de 11 % en 2020, n’ont pas eu les effets escomptés. Au contraire, la fusion au début de l’année du peso (CUP) et du peso convertible (CUC), aligné sur le dollar, a entraîné une sévère spirale inflationniste. Les salaires des fonctionnaires et les retraites ont bien été multipliés par cinq, mais ces hausses, qui ne concernent que les trois cinquièmes de la population, ont vite été rattrapées par l’hyperinflation, malgré l’instauration d’un contrôle des prix.

L’industrie du tourisme, l’une des principales pourvoyeuses de devises et d’emplois, qui représentait, en 2019, près de 10 % du PIB, s’est, elle, effondrée avec la pandémie de Covid-19 : Cuba n’a accueilli, en 2020, que 1 million de visiteurs étrangers, contre plus de 4 millions l’année précédente. Autre ressource vitale qui s’est réduite comme peau de chagrin : les transferts de fonds des Cubains établis à l’étranger, qui ont diminué de plus de 50 % au cours de l’année 2020. Une pénurie de devises propre à asphyxier un pays qui importait, en 2019, près de 70 % de ses denrées alimentaires.

Le cynisme de Washington

Dans ces circonstances, le marché noir prospère, mais à des prix inaccessibles pour l’écrasante majorité des Cubains, et, surtout, l’île est plus vulnérable que jamais aux effets de la guerre économique sans merci que lui livre Washington avec le blocus décrété en 1962, dont la portée extraterritoriale interdit le développement des échanges économiques et commerciaux avec des pays tiers. Au début de la pan­démie, la haute commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, avait mis en garde contre les effets humanitaires désastreux de ces sanctions, en appelant à les « assouplir » ou à les « suspendre ». Non seulement son appel n’a pas été entendu, mais Donald Trump les a au contraire renforcées, avec un arsenal de 243 nouvelles mesures et l’inscription de Cuba sur la liste des pays que les États-Unis tiennent pour « terroristes ».

Avec cette politique d’étranglement aux conséquences criminelles, l’objectif stratégique de Washington est clair : pousser la population à bout, l’encourager à se ­retourner contre le gouvernement cubain pour le faire tomber. Sur ce terrain, l’admi­nistration Biden n’a pas manifesté de ­volonté de rupture. Dans un message adressé, le 20 mai dernier, à « tous ceux qui construisent un Cuba meilleur », le secrétaire d’État Antony J. Blinken exaltait la « quête de liberté, de prospérité et d’un avenir plus digne » appuyée selon lui par les États-Unis. Lesquels plaident désormais, avec un cynisme assumé, pour un « corridor humanitaire », Joe Biden imputant même « les souffrances économiques » des Cubains au « régime autoritaire » de La Havane. Réponse de Miguel Diaz-Canel, dimanche, à la télévision : « Nous n’admettrons pas que de quelconques contre-révolutionnaires, des mercenaires vendus au gouvernement des États-Unis (…) provoquent la déstabilisation dans notre peuple. » Le président cubain a solennellement appelé «  tous les révolutionnaires du pays, tous les communistes, à descendre partout dans la rue pour déjouer cette provocation » annonçant à ses yeux un « plan d’annexion ».

Le coût des sanctions

Au total, La Havane estime à 9,157 milliards de dollars le préjudice causé par le blocus à son économie, entre avril 2019 et décembre 2020, soit 436 millions par mois en moyenne. Au cours de ces cinq dernières années, ces sanctions auraient coûté à l’économie cubaine plus de 17 milliards de dollars.

Partager cet article
Repost0
13 juillet 2021 2 13 /07 /juillet /2021 05:10

 

Les négociations à l’OCDE s’annoncent très serrées après le feu vert donné samedi par les ministres des Finances du G20 à l’impôt mondial de 15 % et à la taxation des multinationales.

D’habitude avares en tout, les grands argentiers du G20 ont été prodigues en superlatifs. « Nous sommes parvenus à un accord historique sur une architecture fiscale internationale plus stable et juste », ont-ils annoncé samedi en clôture de leur sommet à Venise. Les ministres des Finances et des gouverneurs de banque centrale des vingt plus grandes puissances économiques mondiales ont repris à leur compte l’accord travaillé au sein de l’OCDE et appuyé par le G7 début juin. À défaut de l’ONU, non saisie sur la question, c’est à ce club des riches qu’est revenu l’honneur de poser la première pierre de cette construction fiscale à deux « piliers ». Le premier vise à taxer les plus grandes multinationales qui échappent à l’impôt à coups d’optimisations fiscales. Le second porte sur une imposition minimale mondiale de 15 % sur les bénéfices des entreprises afin de réduire le dumping fiscal entre pays ainsi que le nombre de paradis fiscaux. Si les principes sont posés, les détails restent à régler. Or, les discussions qui vont reprendre à l’OCDE jusqu’en octobre pourraient réduire cette maison commune fiscale aux ambitions déjà bien réduites en une baraque ouverte à toutes les exceptions.

1- Un impôt mondial façon emmental

Bruno Le Maire a salué samedi une « révolution fiscale » pour laquelle « il n’y a plus de retour en arrière possible ». Le ministre de l’Économie peut se montrer enjoué. Lui qui avait rué dans les brancards lorsque à l’OCDE un taux minimal d’impôt sur les sociétés de 25 % était discuté, puis bataillé contre les 21 % proposés il y a tout juste un mois par les États-Unis se contente fort bien des 15 % planchers entérinés par le G20. Un taux de 25 % aurait pourtant rapporté jusqu’à 32 milliards d’euros dans les caisses du fisc français chaque année ou 170 milliards d’euros à l’Europe, selon l’Observatoire européen de la fiscalité. Mais le gouvernement suit à la lettre son document de positionnement sur la transparence fiscale adressé à l’Union européenne, que le Medef avait rédigé.

Si la France n’en a pas l’ambition, rien n’empêche d’autres pays de fixer un impôt sur les bénéfices des sociétés au-delà de ces 15 %. Mais alors bien plus haut. « Après plusieurs décennies de baisse des taux nominaux de l’impôt sur les sociétés, la convergence semble désormais se faire autour de 25 % », notait le Conseil des prélèvements obligatoires en fin de semaine dernière. Les États-Unis passeront à 28 %, les Britanniques à 25 %. L’Italie est à 24 %. L’Allemagne n’est pas loin en comptant son imposition locale. La France, qui vise les 25 % en 2022, ne dépareillera pas.

Ces 15 % n’effraient pas non plus les multinationales. Moins de 10 000 grandes entreprises seraient concernées : celles dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’euros. Elles pourront sans doute compter sur le club de paradis fiscaux, mené par l’Irlande, rassemblant notamment la Hongrie, l’Estonie, la Barbade pour négocier quelques exemptions afin de préserver leur « attractivité fiscale ». Voilà pourquoi l’OCDE table sur 150 milliards de dollars de recettes fiscales annuelles par an. Que ça. Mais déjà ça.

2- Les multinationales tremblent peu

La taxation des multinationales telle que prévue dans le « pilier un » ne fait pas peur non plus aux entreprises les plus riches. Dans l’état actuel des discussions, seules celles dont le chiffre d’affaires dépasse les 20 milliards de dollars et qui affichent une rentabilité supérieure à 10 % sont visées. 20 % et 30 % de leurs « surprofits » pourraient être taxés. Mais à ce compte, Amazon échapperait au mécanisme du fait de son agilité fiscale. Quant aux entreprises financières et extractives, elles ont bon espoir d’être exemptées. Parties à cent, les multinationales visées pour payer leurs impôts dans le pays de leurs sièges sociaux et de leurs activités pourraient se retrouver à 70.

Par ailleurs, comme le note Quentin Parrinello, d’Oxfam France, « des exemptions s’organisent déjà. Trois lignes dans le texte de l’OCDE indiquent que si vous disposez d’actifs, comme une usine, ou de salariés dans un pays, vous aurez droit à 5 % de déduction fiscale dans les cinq premières années de mise en place de l’accord, puis de 7,5 %. On ne parle plus de trous dans le plancher des 15 %. Ce sont carrément des parties qui ont été sciées ! ».

Les multinationales tremblent d’autant moins que celles s’estimant trop taxées pourraient saisir des tribunaux arbitraux. Face à leurs bataillons d’avocats, les gouvernements désargentés pèseraient peu dans ces juridictions privées.

3 - Des mécanismes qui ne réduisent pas les inégalités

Des pays en développement comme le Nigeria et le Kenya n’ont pour l’heure pas signé le texte de l’OCDE. C’est qu’ils ne profiteront globalement pas de ce surplus fiscal. 40 % de la population mondiale la plus pauvre devra se partager, selon les projections de l’OCDE, 2,4 milliards d’euros à l’année, soit à peine un euro par citoyen, quand les huit États les plus riches récupéreront, eux, plus de 50 milliards. Or, ce sont les pays en développement qui souffrent le plus de l’évasion fiscale des multinationales.

Pour tenter de faire passer la pilule, les ministres des Finances des 19 pays les plus riches et de l’Union européenne vont discuter d’une nouvelle émission de droits de tirage spéciaux (DTS) au profit des plus vulnérables.

Derrière ce nom technique se cache la monnaie du Fonds monétaire international (FMI). Adossés aux grandes banques centrales, ces fonds soit servent de monnaie de réserve pour stabiliser la valeur de la monnaie intérieure, soit sont dépensés pour financer des investissements. Le G20 réfléchit ainsi à mobiliser un peu plus de 80 milliards d’euros en DTS, dès le mois d’août. Soit à peine une année de revenus de taxe sur les multinationales, dont les pays pauvres ne verront globalement pas la couleur.

4 - Les États-Unis donneront le la

Une dernière incertitude demeure : l’application par les États des mesures une fois définies au sein de l’OCDE. La taxe sur les multinationales implique que les pays où les firmes ont leurs activités s’entendent avec ceux où ces mêmes firmes possèdent leurs sièges pour recouvrir les taxes dues. « Les modalités d’une telle coopération, qui pourraient faire l’objet d’une convention multilatérale, restent à fixer », prévient le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Quant à l’impôt mondial, il appartient à chaque pays de l’OCDE de le retranscrire. « Certains États – notamment ceux pratiquant les taux d’imposition les plus faibles – pourraient être tentés de transposer les règles de manière très restrictive », reprend le CPO.

Les États-Unis, qui ont donné une impulsion décisive aux travaux de l’OCDE cet hiver, joueront là encore un rôle pivot. L’administration Biden n’a pas lâché son objectif d’affaiblir les Gafam. Le président états-unien a exhorté vendredi la juriste Lina Khan, pourfendeuse des géants du numérique à la tête de l’autorité américaine de la concurrence (FTC), de viser les activités anticoncurrentielles de ces firmes.

Mais l’affaire s’annonce difficile au Parlement avec les républicains. Dans ce jeu de politique intérieure, les taxes Gafam, appliquées par exemple en France ou en projet en Europe, feront objet de monnaie d’échange. La secrétaire au Trésor Janet Yellen a appelé dimanche les Européens à reconsidérer ces taxes « discriminatoires à l’égard des entreprises américaines ».

 

Partager cet article
Repost0
9 juillet 2021 5 09 /07 /juillet /2021 06:47
Salah Hamouri à Brest à l'invitation de l'AFPS en 2019 (photo I.Dupont)

Salah Hamouri à Brest à l'invitation de l'AFPS en 2019 (photo I.Dupont)

Jérusalem Le Quai d’Orsay « pleinement mobilisé » pour Salah Hamouri
Vendredi 9 Juillet 2021

Dans son édition du 30 juin, le site du journal israélien Israel Hayom cite les déclarations de la ministre de l’Intérieur, Ayelet Shaked. Celle-ci évoque notamment le cas de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri en ces termes : « Les actions de Salah Hamouri constituent une violation grave de l’engagement fondamental d’un citoyen israélien, et en raison de cet abus de confiance, la révocation de sa citoyenneté est légalement justifiée. » En clair, les autorités israéliennes veulent interdire à Salah Hamouri de vivre dans sa ville natale, Jérusalem. Interrogé par l’Humanité sur ces menaces, le Quai d’Orsay a répondu que ses services « à Paris, Jérusalem et Tel-Aviv sont pleinement mobilisés pour que Salah Hamouri puisse faire valoir l’ensemble de ses droits et qu’il puisse mener une vie normale à Jérusalem, où il réside. La situation de Salah Hamouri est suivie attentivement et à haut niveau par les autorités françaises ». P. B.

 

Israël. Le gouvernement s’acharne contre Salah Hamouri
Mardi 6 Juillet 2021 - L'Humanité

La ministre de l’Intérieur veut la révocation du statut de résident permanent à Jérusalem de l’avocat franco-palestinien.

Le nouveau gouvernement israélien prolonge la politique menée par Benyamin Netanyahou. Particulièrement s’agissant de l’occupation des territoires palestiniens. Depuis plusieurs jours maintenant, les colons se déchaînent. Un jeune Palestinien a été tué non loin de Naplouse.

Les détentions administratives se multiplient

De son côté, la ministre de l’Intérieur, Ayelet Shaked, membre de l’extrême droite israélienne, déjà ministre dans l’équipe précédente, poursuit sur sa lancée. Les détentions administratives se multiplient. Ghazanfar Abou Atwan, 28 ans, est en grève de la faim depuis maintenant 62 jours pour protester contre son incarcération arbitraire. Sa santé est en train de se dégrader.

C’est dans une telle situation que Ayelet Shaked vient d’annoncer qu’elle approuvait la révocation du statut de résident permanent de Jérusalem de Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, né et vivant à Jérusalem. Une information publiée, ce lundi, sur la version anglaise du site Israel Hayom.

Plus de 14 500 Palestiniens ont perdu le statut de résident depuis cinquante ans.

Depuis l’annexion illégale de Jérusalem-Est par Israël en 1967, les Palestiniens qui y vivent sont considérés comme des « résidents permanents ». Contrairement aux Israéliens, qui sont citoyens, les Palestiniens de Jérusalem doivent posséder un permis de résidence pour y demeurer.

Or, Israël s’arroge le droit de révoquer ce permis de plusieurs manières. Plus de 14 500 Palestiniens ont perdu ce statut depuis cinquante ans. Selon l’amendement du 7 mars 2018 à la loi sur l’entrée en Israël, contester la politique israélienne représente une « rupture de loyauté envers l’État d’Israël ».

« Les actions de Salah Hamouri constituent une violation grave de l’engagement fondamental d’un citoyen israélien et, en raison de cet abus de confiance, la révocation de sa citoyenneté est légalement justifiée », a doctement expliqué la ministre de l’Intérieur. Elle doit obtenir l’accord du ministre de la Justice et du procureur général.

Partager cet article
Repost0
6 juillet 2021 2 06 /07 /juillet /2021 05:42

 

 

Le premier week-end du mois de juin 2021 aura vu les négociations engagées entre les pays du G7 aboutir à l’idée d’une taxation des bénéfices des multinationales, remontés à leur siège, à un taux de 15 %. Concrètement, que signifie cette proposition et comment se traduirait-elle ? Par exemple : une entreprise qui réalise des bénéfices sur notre territoire et relève d’un groupe multinational dont le siège est installé dans un pays à faible impôt sur les sociétés (10 %), devra s’acquitter de 5 % supplémentaires à l’État Français pour atteindre les 15 %.

Cette mesure cible les multinationales du numérique, les GAFA, mais aussi certaines entreprises françaises du luxe ou de la banque. Par contre, pour celles du médicament et de la pharmacie… on attendra un peu !

Dans l’air du temps, notamment à partir de la crise financière 2008-2009 qui a éveillé la conscience mondiale de la réalité de l’évasion et de l’optimisation fiscales, les négociations sur un impôt sur les sociétés minimum auront sans doute connu une certaine accélération sous l’effet de la crise sanitaire et du besoin nouveau de financements publics qu’elle a généré. En arrière-plan se trouve également la montée des mouvements revendicatifs face à la mondialisation capitaliste.

L’OCDE, un des bras armés du G7, lui-même expression économico-politique de l’atlantisme, est depuis quelque temps en alerte face à « l’érosion des bases fiscales », encouragée par la concurrence fiscale agressive à laquelle se livrent certains pays dans l’espoir d’accueillir sur leur territoire quelques entreprises et activités avec les emplois à la clé. Ainsi la proposition d’une sorte d’IS mondial s’apparente plus à une forme de réflexe sur le mode « touche au grisbi ! » qu’à une volonté affirmée des pays du G7 de traquer la fraude fiscale et de s’en prendre à l’évasion fiscale. Un constat d’autant plus amer que ces mêmes pays (Royaume-Uni, France, Japon, Canada, États-Unis, Allemagne) sont les pointes avancées de l’ultralibéralisme dont une des pierres angulaires idéologiques est l’autorégulation du marché.

Enfin on soulignera que le débat s’est, depuis quelques années déjà, polarisé sur la situation des grands groupes engagés dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication (les GAFAM) et dans leurs applications. Il s’est également centré autour du problème du taux facial de l’impôt sur les sociétés (IS), comparant par exemple celui de 12,5 % de l’Irlande avec le taux français de 28 % cette année ou avec les taux hongrois ou slovaque d’environ 10 %.

Aboutissement d’une longue réflexion, la proposition de l’OCDE aux gouvernements réunis dans le cadre du G7 de retenir un « taux minimal d’IS de 15 % » se présente comme un moyen de « réguler » la compétition fiscale et, on l’escompte, la concurrence économique… Affichée comme quasi révolutionnaire elle devrait prospérer auprès du G20. Pas la moindre des contradictions quand on sait que certains des États membres de ce sommet usent assez souvent des redevances et royalties là où l’on souhaite glisser l’impôt.

Un impôt trompe-l’œil, arme de guerre contre les services publics et le social

Pour récapituler, cet accord du G7 sur un IS mondial minimum est censé s’en prendre à l’évasion fiscale, décourager de la course au moins-disant fiscal, s’attaquer aux paradis fiscaux. De l’aveu des ministres des Finances britannique, allemand et français il s’agit d’un bon accord qui va permettre de casser la spirale de la concurrence fiscale entre États, et pour une part des délocalisations d’entreprises. L’objectif est pour eux de favoriser le redressement économique en cette période de sortie espérée de la pandémie du Covid en faisant droit à la justice et à la solidarité fiscales.

Malheureusement, il est à craindre qu’une telle mesure nous laisse loin, très loin des objectifs affichés et que finalement tout cela ne soit qu’un effet d’annonce politique permettant de donner momentanément le change en attendant une prochaine crise ou un prochain réveil des populations. Car sur le fond idéologique rien n’est vraiment changé. L’idée de base est de continuer à laisser croire que le capitalisme du XXIe siècle peut se « réguler » par lui-même. Au mieux, quelques aménagements à la marge peuvent être consentis. Mais pas touche aux principes sacrés de la mondialisation capitaliste, par exemple à celui de la concurrence libre et non faussée ou au mythe de la neutralité et de l’efficacité des nouvelles technologies informationnelles pour empêcher et débusquer la fraude. Utilisées contre l’intervention humaine, il s’agit surtout de laisser les peuples à l’écart de toutes ces questions et de ne surtout pas avoir recours à des personnels compétents et formés disposant de droits et de moyens réels de contrôle et de décisions. Les datas alliés du système, jamais cela n’aura été aussi vrai !

Au cœur de l’idée de fixation d’un taux d’impôt sur les sociétés mondial de 15 % sont en effet trois questions fondamentales :

  1. Quelle est la « consistance » c’est-à-dire l’assiette, la base, sur laquelle seront calculés les bénéfices à soumettre à cet IS mondial minimal ?
  2. Une fois cet IS minimum appliqué et prélevé, sera-t-il possible de remettre en cause les bases imposées en cas de découverte a posteriori de fraudes ou de malversations ? Cette imposition ne risque-t-elle pas de jouer comme une forme de rescrit ? C’est 15 % et puis basta !
  3. Ce taux de 15 % ne risque-t-il pas de tirer vers le bas celui des pays qui en applique un plus élevé.

Comme souvent en période de tension de la dépense publique au plan national, européen et mondial, l’arrivée sur le devant de la scène médiatique d’une telle proposition ne vient-elle pas détourner de la vraie question qu’est l’enjeu fondamental de nouvelles recettes pour les États, et parmi celles-ci des recettes fiscales qui y occupent une place prépondérante ? Carburant des services publics et des dépenses sociales, ne sont-elles pas, dans le contexte actuel de rationnement de la dépense publique, irrémédiablement vouées à n’être constituées que des quelques miettes que sa majesté « Capital » aura bien voulu lui octroyer ? Changer de cap en la matière correspond à un changement radical de politique, choix que ne semblent pas prêts d’effectuer les pays membres de l’OCE et particulièrement ceux du G7.

Quelques voies d’analyse et éléments de propositions.

L’établissement de l’assiette d’IS taxable est à bien des égards déterminante pour faire payer aux entreprises multinationales un impôt juste et efficace. La négociation en cours à l’OCDE, avec le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) est censée traiter ce problème pour une meilleure imposition. Les discussions sur l’ACCIS (assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés) au niveau européen se situent dans la même optique. Une négociation qui risque de déboucher sur un bien petit dénominateur commun au vu des informations qui transpirent. Il devrait s’agir en effet de prendre quasiment pour acquis les pratiques d’élaboration des bases de chaque pays pour construire l’assiette consolidée pour au final implanter cette dernière dans le pays où multinationale aura choisi d’installer son siège. Pas besoin de longs développements pour imaginer dans quel pays ce siège sera implanté.

Quelle base ?

La question centrale est donc de savoir comment établir les bases, à partir de quoi et où les calculer ? Le défi est que ces dernières reflètent au plus juste l’activité d’un groupe et de ses filiales non pas concentrée au niveau du siège mais là où ont véritablement lieu les actes de créations, de construction, de production de biens et/ou de services, de vente…

Concernant l’établissement de la base d’imposition, si les choses sont assez claires pour une entreprise comme Apple qui vend à la fois des matériels informatiques et des services, c’est beaucoup moins évident pour Google qui exploite fondamentalement des services et notamment le fameux « référencement » dont il est plus compliqué d’appréhender le mode de rémunération, même si, concernant le montant des diverses ventes d’information, il existe aujourd’hui une grille de tarif qui certes, comporte encore de réelles approximations. C’est un problème sérieux qui nécessite d’accompagner absolument cette proposition d’un IS minimal au taux de 15 %, d’une autre revendication des mouvements altermondialistes, le « reporting State by State » dans la comptabilité des grands groupes. Car quand on décide de taxer des services dont le caractère immatériel est évident, il convient de connaître où les activités trouvent effectivement à se réaliser. Et cela peut aujourd’hui être connu, contrairement à ce qui est répété y compris par les plus hauts dignitaires des ministères des finances des pays du G7.

Mais le problème est également ailleurs. Par exemple en France, mais nous ne faisons malheureusement pas exception, la moitié ou presque de l’impôt sur les sociétés brut disparaît avant d’arriver dans les caisses de l’État, sous les effets conjugués de l’imposition séparée des plus-values, du report en arrière des déficits, de l’imputation de ceux des filiales, sans même parler du crédit d’impôt recherche, du crédit d’impôt compétitivité emploi ou du traitement des dotations aux amortissements, des provisions comme des dettes financières. Le résultat est connu ! En France, de 67 milliards d’impôt brut, nous arrivons, en bout de course, à 36,3 milliards d’impôt net. Un peu comme si le taux réel de l’impôt sur les sociétés était de … 15,17 %… Autant dire que la seule prise en compte d’un taux minimal mondial ne suffit pas à régler la question posée par l’optimisation fiscale. Notamment parce que, derrière les stratégies de taux, il y a des règles particulières qui tiennent aux relations que certains groupes entretiennent avec les États, particulièrement en matière de prix de transferts qui font l’objet de discussions entre les États et les représentants des multinationales là où ces dernières ont une ou des filiales implantées.

Ainsi, et pour ne donner qu’un exemple parmi d’autres, la capitalisation boursière d’un groupe français comme LVMH, dépasse aujourd’hui les 300 milliards d’euros. C’est-à-dire un montant bien plus élevé que le budget de bien des administrations nationales où ce groupe dispose de filiales ou d’une implantation. On imagine le rapport de forces ! Par exemple, un pays de l’Union Européenne comme la Slovaquie ne dispose que d’un budget d’environ 40 milliards d’euros et le total des dépenses publiques aux Pays-Bas représente un montant de 390 milliards d’euros. Dans le même ordre d’idées, la capitalisation boursière de Facebook, c’est 950 milliards de dollars. Celle d’Amazon dépasse les 1 600 milliards, soit 70 % de la dette négociable de l’État français. Voilà qui situe les enjeux et le niveau de la bataille à livrer ainsi que la détermination politique à afficher si on veut véritablement soumettre les bénéfices des groupes multinationaux à un impôt sur les sociétés digne de ce nom !

Sur le fond, une question doit être posée : qu’est-ce qui fait objectivement obstacle à ce que l’imposition de la vente de services ait lieu dans le pays où le service est effectué et puisse ainsi venir directement alimenter les caisses de l’État concerné ? N’est-ce pas là que l’acheteur en émet encore le plus souvent le paiement ?

Idem en plus évident pour les biens de consommation. Leur imposition devrait naturellement se faire là où ils sont produits et où ils sont d’une manière ou d’une autre vendus. En effet, un produit fabriqué dans un pays X avant d’être vendu par un pays Y suppose au préalable différentes opérations. La première est l’activation de tout un process de production dans le pays X auquel s’ajoute un acte de vente puis de transport pour se retrouver dans le pays Y qui ensuite le revendra. Par exemple, une voiture construite à l’étranger et vendue en France est normalement soumise à une double obligation comptable. Un bilan dans le pays de la production/vente, un bilan dans le pays de la revente, ces bilans étant normalement accompagnés d’une imposition dans chacun des pays. Il doit être à cet instant précisé que c’est dans le pays de production que la création de valeur ajoutée est localisée et avec elle le plus important paiement de salaires, de prestations sociales et par conséquent de multiples impôts. Concernant l’impôt sur les sociétés, ce sont d’abord les choix de chaque pays, puis entre eux, de conventions, voire d’accords tacites passés avec les représentants des multinationales, qui constituent le terreau de l’évasion et de la fraude fiscale organisée. Les banques et leurs diverses officines sont ensuite là pour ouvrir en grand les vannes au détournement de cet argent vers des cieux accueillants. Au préalable la réglementation de la gestion des relations mères-filles – fiscalité de groupe, bénéfice mondial consolidé – aura permis de mettre de l’huile dans les rouages. C’est cette législation permissive qui contribue en effet à ce que tout remonte au siège du groupe et que ce soit finalement à ce niveau, que se cumulent les « compensations fiscales » (management fees, prix de transfert, effet du carry back…) venant ainsi totalement miter une base imposable déclarée, cerise sur le gâteau, dans un paradis fiscal ou tout au moins dans un pays à taux d’IS ultra-minoré. Une chose à ne jamais oublier : l’objectif de tout ce circuit est de faire peser le minimum de contraintes sur les entreprises et donc sur le capital.

Parfois même, le pays de facturation peut devenir celui de l’imposition alors qu’aucune activité réelle n’y a été exercée, une sorte de comble ! Enfin, une facteur très important doit être observé touchant aux délocalisations d’entreprises. Il doit également être observé que si les délocalisations d’entreprises peuvent tenir à l’attirance de régimes fiscaux privilégiés, elles ont aussi beaucoup à voir avec le niveau des salaires pratiqués. D’où un lien étroit entre concurrence fiscale et concurrence sociale, toute chose que le G7 se garde bien de traiter.

Un calcul inavoué, un prélèvement libératoire qui ne dit pas son nom

Une autre problématique passée sous silence par l’accord envisagé par le G7 est la dimension de bouclier que cet impôt minimal sur les sociétés pourrait jouer. En effet, une fois payé le montant découlant du différentiel de taux, il y a fort à parier que les multinationales tirent argument de ce règlement pour refuser toute mise en cause ultérieure de leur base imposable. Ainsi, ce minimum de 15 % fonctionnerait comme une sorte de prélèvement libératoire lui-même, étant ensuite juridiquement utilisé comme un rescrit, pratique dont sont friands les grands groupes, qui a été largement poussée dans le droit fiscal français par les cabinets internationaux de conseil fiscal et juridique. Ainsi, les groupes ayant accepté le principe d’un rehaussement automatique de leur impôt sur les sociétés par les administrations fiscales pourraient utiliser l’application de cette règle pour s’opposer ensuite à toute intervention, tout contrôle de leur assiette imposable sur la période concernée. Le prétexte serait qu’il y aurait eu entente et engagement communs pour régler les impayés sur la base de l’accord du G7. Sans doute que nombreux sont déjà les conseillers fiscaux et juridiques à y avoir pensé, particulièrement ceux établis dans les pays anglo-saxons pour qui le rescrit doit devenir l’alpha et l’oméga des relations entre les contribuables et l’administration fiscale.

Ainsi le tour de passe-passe serait parfait. À un accord fiscal inoffensif pour les multinationales ainsi que le laisse largement entendre un des géants de la « toile » comme Facebook souhaitant « pleine réussite aux négociations en cours », s’ajouterait un certificat de probité fiscale délivré par les plus hautes instances des administrations fiscales nationales et internationales.

Un choix qui peut s’avérer contreproductif et finalement mortel

En proposant un taux « commun » minimal de 15 %, le G7 risque de jouer un autre mauvais tour aux comptes publics des États. Ce taux est près de 10 % en-dessous du taux moyen d’imposition des bénéfices dans le monde (23 %) et seulement trois pays de l’OCDE ont un taux inférieur ou égal à 15 %. Il est dès lors à redouter que la faiblesse du taux mondial proposé joue le rôle de pompe à bas taux vis-à-vis des pays qui pratiquent des taux plus élevés, en particulier la France. Rappelons que le taux d’IS est en France, en 2021 de 28 % avant de tomber à 25 % en 2022, terme de la réforme engagée par E Macron.

On peut dès lors facilement imaginer que les 4 milliards d’euros que la France récupérerait du fait de l’application du taux mondial minimal de 15 % seraient aussitôt repris par d’éventuelles nouvelles baisses du taux de l’IS national, baisses pratiquées au motif de ne pas être en situation trop défavorable par rapport à l’IS pratiqué par des pays voisins. Serait ainsi repris d’une main ce qui aurait été donné de l’autre.

S’ajoute au handicap que fait peser ce taux minimal d’IS mondial, la faiblesse de la base transférée qui ne fera pas bouger d’un centimètre la localisation du siège de la multinationale concernée. Car pour être éligible à cet IS minimal il faut que la marge bénéficiaire réalisée soit d’au moins 10 % et que ne seront réaffectés au pays lésé que 20 % du montant dépassant la marge bénéficiaire de 10 %. Autant dire qu’il n’y a vraiment pas de quoi dissuader les multinationales et leurs alliées de premier plan que sont les banques, des pratiques d’évasion et d’optimisation fiscales et plus globalement de fraude à l’impôt. Autant dire que les paradis fiscaux ont de beaux jours devant eux !

Plus grave encore est ce que risque fondamentalement d’induire cette proposition quant au devenir de l’impôt sur les sociétés lui-même. Avec un IS de 15 % jouant le rôle de prélèvement libératoire sur les bénéfices des multinationales, on assiste à une dénaturation de l’impôt sur les sociétés transformé de facto en une sorte de taxe unique. Ne sommes-nous pas en train d’assister sous couvert d’un imprimatur international à la mise à mort de l’impôt sur les sociétés ? Ce qui se passe au propos de l’IS sur un plan mondial n’est pas sans rappeler à une échelle plus réduite ce qui a été mis en œuvre vis-à-vis de la taxe professionnelle en France ayant conduit à sa disparition et continuant encore à produire ses effets jusqu’à une extinction totale de ce type de prélèvement (CVAE et CFE).

Réduction et exonération de bases, baisses de taux, changement d’affectation des produits de l’impôt, voilà ce qui a contribué à briser l’efficacité de la taxe professionnelle et son lien aux budgets publics, particulièrement locaux. Finalement, il y a beaucoup de ressemblance avec les diverses vicissitudes que connaît l’impôt sur les sociétés, dont le rendement est de plus en plus limité et le lien aux recettes et dépenses publiques de plus en plus ténu. On imagine déjà le Medef et ses clones mondiaux se lécher les babines !

Une information parvenue quelque temps après l’annonce de cette proposition, et cela avant la rencontre du G20, n’a en effet pas de quoi rendre optimiste. Sous la poussée de certains groupes multinationaux, les membres du G7 réfléchiraient déjà à réduire le taux imposable. Comme quoi le capital ne renonce jamais lorsqu’il s’agit de défendre son rendement et comme quoi il est bien difficile aux chantres nationaux du capitalisme ultralibéral de se transformer en chevaliers blancs de la lutte contre l’optimisation et la fraude fiscales au niveau mondial.

Promouvoir une tout autre vision de la coopération fiscale entre les peuples

Il est grand temps de remettre la fiscalité, particulièrement celle des entreprises sur de bon rails. L’urgence est d’engager au niveau national, européen et mondial une révolution fiscale partant de l’application et du respect de principes simples et non simplistes. Les possibilités nouvelles et considérables de suivi et de connaissance qu’offrent les nouvelles technologies informationnelles, couplées à des emplois en nombre suffisant et fortement qualifiés devraient permettre d’appréhender dans des conditions satisfaisantes la base imposable, sa localisation et son imposition. Il s’agit pour cela d’en avoir la volonté politique. Il s’agit pour cela d’être déterminé à lutter contre la domination du capital et sa logique de rentabilité. Jamais il n’a jamais été aussi nécessaire de construire de réelles coopérations fiscales entre les États et de s’engager sur la voie d’une harmonisation fiscale permettant à chacun de combattre la toute-puissance du marché pour soutenir le développement des capacités humaines et l’écologie partout sur la planète.

Au plan européen

Il serait proposé la mise en place d’un serpent fiscal européen fonctionnant sur le principe de taux planchers et de taux plafonds. Son fonctionnement serait assuré par une commission de l’harmonisation fiscale européenne adossée au parlement européen et déclinée au niveau de chaque parlement national. Elle serait composée à chaque niveau de députés, de représentants des salariés (organisations syndicales) et des citoyens (partis politiques et associations de consommateurs) ainsi que du patronat et des banques.

Cette commission disposerait d’un outil d’incitation à l’application par les États d’une fiscalité à taux crédibles et non symboliques. Il s’incarnerait dans une modulation des taux d’intérêts des prêts accordés aux États par le fonds européen social, solidaire et écologique que nous proposons pour financer le développement de leurs services publics.

Cette commission aurait par ailleurs pour mission de revoir l’ensemble des conventions fiscales passées entre les États européens avec pour objectif de permettre l’échange total d’informations et la transparence de toutes les transactions intra-européennes ainsi que de lutter contre l’installation des paradis fiscaux en ayant le pouvoir de demander des comptes précis aux banques sur l’utilisation de certains fonds des entreprises.

En matière de contrôle fiscal particulièrement celui des entreprises, sur le territoire de l’UE, cela se traduirait par l’instauration d’un véritable droit de suite entre les diverses administrations financières nationales afin qu’existe un réel suivi des contrôles engagés pour déboucher sur des sanctions concrètes effectivement mise en œuvre.

Au plan mondial

Au niveau mondial, la création d’une nouvelle institution fiscale adossée à l’ONU serait proposée. Elle intégrerait les missions fiscales de l’OCDE, le rôle politique décisionnel imparti au FMI et une action incitative en matière d’écologie.

Les objectifs prioritaires de cette institution seraient de localiser, de suivre et d’informer les États, des lieux d’activités, des méthodes de production et des flux financiers intragroupes, inter-États et interbancaires et particulièrement vers les paradis fiscaux.

Elle aurait en outre pour fonction de définir et de proposer à tous les États qui voient s’échapper des opérations normalement imposables sur leur territoire au titre du bénéfice des entreprises, les éléments et les moyens d’établir une base concrète et objective d’imposition par la transmission d’information que permettent de récupérer les technologies informationnelles. En matière de TVA, ce type d’information existe. Même s’il a été tenté de dénaturer certains relevés accompagnant les transactions et destinés aux pays de leur réalisation, tout n’a cependant pas disparu mais il est vrai que la TVA est au final payée par le consommateur citoyen…

À charge ensuite pour chaque État d’appliquer sa fiscalité des entreprises avec à la clé des conséquences sur ses conditions d’accès au crédit, par exemple auprès du FMI, de la Banque mondiale ou des banques zonales, comme la BCE en ce qui concerne l’UE. Cela permettrait dans les faits d’utiliser l’argent, l’euro mais aussi une nouvelle monnaie commune mondiale à la place du dollar hégémonique, les DTS, en faveur du développement social et de l’écologie contre les marchés financiers.

Répondre aujourd’hui aux exigences sociales, économiques et écologiques passe par une relance de la dépense publique qui contrairement aux discours officiels, participerait à assainir l’ensemble de la sphère économique car utilisant l’argent pour investir dans le développement de l’homme et de tous ses potentiels. La fiscalité a un rôle évident à jouer en ce sens. Il s’agit de promouvoir un mode de production des richesses qui à partir de critères de maîtrise sociale et environnementale, conduise à une réponse respectueuse des besoins de chacun. C’est bien loin de l’accord proposé par les pays du G7 sur un taux d’imposition minimal des entreprises ; pays qui, charité bien ordonnée commence par soi-même, devraient récupérer 60 % des recettes nouvelles procurées.

 

Partager cet article
Repost0
4 juillet 2021 7 04 /07 /juillet /2021 09:41
Afrique des grands lacs. Le rapport Mapping enterré par la RDC et le Rwanda (Marc de Miramon, L'Humanité, 1er juillet 2021)
Afrique des grands lacs. Le rapport Mapping enterré par la RDC et le Rwanda
Jeudi 1 Juillet 2021 - L'Humanité

La société civile congolaise et les ONG se mobilisent pour faire juger les crimes commis dans l’est de la République démocratique du Congo depuis 1996 et documentés dans une enquête de l’Onu de 2010.

 

C’est à rebours d’une guerre qui a provoqué depuis 1996 des centaines de milliers de morts – voire des millions – que les présidents rwandais et congolais ­affichaient, les 25 et 26 juin, leur parfaite entente. Deux rencontres, l’une à Gisenyi (Rwanda), l’autre à Goma (RDC) le lendemain, pour clore un mois de violentes ­polémiques et d’indignations de la société civile congolaise, scandalisée par les propos tenus par Paul Kagame en France le 17 mai. À l’occasion d’un entretien accordé à RFI et France 24, ce dernier affirmait à propos du rapport Mapping des Nations unies, rendu public en 2010 et qui documente les violations des droits de l’homme commises par différents groupes armés entre 1993 et 2003 : « Le rapport Mapping a été extrêmement controversé. Mukwege devient un symbole, un outil de ces forces que l’on n’aperçoit pas et il reçoit le prix Nobel, donc on lui dit   quoi dire. »

Aux sources du conflit

À en croire Paul Kagame, Denis Mukwege, célèbre médecin congolais lauréat du Nobel de la paix en 2018 pour son combat en faveur des femmes victimes de violences sexuelles en RDC, qui milite pour que les responsables des atrocités documentées dans le rapport Mapping soient jugés, serait donc manipulé par des « forces » obscures. Et l’armée rwandaise, accusée dans ce ­document de 550 pages d’avoir perpétré au Congo de nombreux crimes contre l’humanité, serait, elle, parfaitement innocente puisqu’il « n’y a pas eu de crimes » dans l’est de la RDC, « que ce soit par les personnes évoquées ou les pays cités ».

Félix Tshisekedi, conspué dans son pays pour avoir refusé de lui répondre, a tout fait pour calmer le jeu, tandis que Paul Kagame adoucissait lui aussi son verbe la semaine suivante en reconnaissant cette fois l’existence de crimes perpétrés au Congo, tout en saluant le travail du docteur Mukwege vis-à-vis des femmes violées. Pour comprendre la violence de cette polémique qui empoisonne les relations entre les deux pays, il faut remonter au mois de juillet 1994. À la tête de l’Armée patriotique rwandaise (APR), Paul Kagame achève la conquête du Rwanda, trois mois après le début du génocide des Tutsis et des massacres des opposants hutus, déclenchés par les autorités extrémistes à Kigali, qui ont fait au moins 800 000 morts, selon les ­Nations unies. La France a tardivement déployé une opération « militaro-humanitaire » baptisée « Turquoise » et commandée par Jean-Claude Lafourcade, dont la mission officielle est de faire cesser les massacres. Mais pour le chef de guerre Kagame, Paris demeure l’ennemi déclaré, François Mitterrand ayant empêché, de 1990 à 1993, son armée de prendre le pouvoir en soutenant l’ancien régime du président Juvénal Habyarimana. Des centaines de milliers de civils rwandais fuient la progression de l’APR, soit par peur d’être eux-mêmes massacrés, soit par obéissance aux injonctions du gouvernement intérimaire impliqué dans le génocide. Ils affluent massivement vers l’ouest, en direction de la « zone ­humanitaire sûre » instaurée par « Turquoise » et surtout près de la frontière située plus au nord, entre Gisenyi et Goma.

Les accusations de Paul Kagame

À l’occasion de sa visite à Paris en mai, Paul Kagame est revenu sur ce mois de juillet 1994, évoquant notamment le « ton menaçant » d’une lettre envoyée le 9 juillet 1994 par Jean-Claude Lafourcade. Plutôt courtoise, la missive se borne en réalité à saluer la « coordination » entre l’APR et l’armée française pour éviter « les méprises et les affrontements » et à alerter sur la ­catastrophe qui vient : « Je voudrais vous faire part de mes inquiétudes dans la zone nord-ouest », écrit le général français : « Si un cessez-le-feu n’est pas instauré rapidement et si le FPR poursuit sa progression vers l’ouest en direction de Gisenyi, une déstabilisation très grave de la région, compte tenu du flux important de réfugiés, risque de se produire. Ces réfugiés pourraient passer au Zaïre (l’ex-RDC – NDLR) et le FPR ­rencontrer des difficultés avec ce pays. » La réponse de Paul Kagame fuse le lendemain. Il réitère ses accusations contre l’opération « Turquoise », qui aurait « des visées politiques sous le couvert d’une intervention humanitaire ». En clair, le « cessez-le-feu », pour lequel plaide également le représentant spécial des Nations unies, aurait pour ­objectif inavoué de réinstaller le pouvoir « hutu » en déroute et « d’offrir à ces criminels un tremplin pour le pouvoir ». Puis, Kagame promet que les combats ne viseront pas « les civils non armés », et rejette, au nom du FPR, toute responsabilité dans « ce flux de réfugiés dont il n’est pas la cause ». Les actes de la future tragédie congolaise sont ainsi posés. Deux millions de civils rwandais franchissent la frontière et s’entassent dans des gigantesques camps de réfugiés. Parmi eux figurent des éléments de l’armée de l’ancien régime, dont beaucoup ont participé au génocide, et des ­miliciens interahamwe. L’écrasante majorité sont pourtant des « civils non armés ».

Avec le soutien militaire clandestin des États-Unis et au prétexte de lutter contre les génocidaires hutus repliés dans l’ex-Zaïre, l’armée de Paul Kagame envahit le Congo en 1996 et encadre la milice de Laurent-Désiré Kabila, un ex-guérillero reconverti dans les trafics et qui va bientôt prendre la place du maréchal Mobutu. Au moins 200 000 réfugiés hutus disparaissent dans la forêt congolaise. La commissaire européenne chargée de l’action humanitaire Emma Bonino évoque « un carnage incompréhensible » et accuse les troupes de Kabila, en réalité commandées par James ­Kabarebe, bras droit de Paul Kagame, d’avoir « transformé l’est du Zaïre en véritable abattoir ». Le narratif du nouveau pouvoir rwandais, puissamment soutenu par son parrain états-unien, va être considérablement ébranlé par la publication du rapport Mapping en 2010. Furieux, Kagame tente d’empêcher sa diffusion. Car si tous les acteurs, milices hutus et armées étrangères actives en RDC, y ont commis des crimes de guerre, sa lecture s’avère particulièrement accablante pour l’APR, accusée, outre d’épouvantables massacres de masse de civils désarmés, d’être un acteur de premier plan dans le pillage du richissime sous-sol du Congo. « Les preuves démontrant que le Rwanda et l’Ouganda ont financé leurs dépenses militaires grâce aux revenus tirés de l’exploitation des ressources naturelles de la RDC sont abondantes. Pour le Rwanda, selon certaines estimations, ces revenus couvraient, en 1999, 80 % de l’ensemble de l’APR », note le rapport, qui insiste également sur la responsabilité des multinationales qui « participaient directement aux négociations avec les auteurs de violations des droits de l’homme (et/ou) payaient des groupes armés ». L’identité des hauts gradés impliqués dans ces trafics et les massacres de civils demeure à ce jour confidentielle, et une partie d’entre eux ont été réintégrés au sein de l’actuelle armée de la RDC. « D’où l’embarras du président Tshisekedi » et son peu d’empressement à juger les responsables, décrypte l’un des initiateurs du rapport Mapping.

« Entre 3 et 5 millions de morts »

Quant au pillage, il perdure encore aujourd’hui, Kigali étant devenu l’un des principaux comptoirs des exportations de minerais rares, dont le oltan, l’or et autres ressources précieuses pourtant absentes de son propre sous-sol. À Goma, le 26 juin, les présidents rwandais et congolais ont même signé un accord sur l’exploitation de l’or dans l’est de la RDC censé mettre fin à l’absence de traçabilité du métal exploité illégalement. « Le conflit le plus meurtrier de la planète depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale n’a été ni le conflit vietnamien, ni la guerre d’Irak, ni l’interminable guerre d’Afghanistan mais bien le conflit rwando-congolais, qui a causé entre trois et cinq millions de morts. À deux millions de morts près, on ne sait même pas où on en est », rappelle l’historien Gérard Prunier, qui a publié début juillet l’ouvrage Cadavres noirs dans la collection « Tracts » des éditions Gallimard. Une injustice doublée d’une indifférence que les auteurs et promoteurs du rapport Mapping tentent depuis dix ans de conjurer. 

Partager cet article
Repost0
4 juillet 2021 7 04 /07 /juillet /2021 09:38
Turquie - interview d'un député kurde du HDP: L’UE est plus intéressée par la lutte contre l’immigration que par les droits de l’homme , explique le député Kurde Hisyār Ozsoy (L'Humanité, 2 juillet 2021)
« L’UE est plus intéressée par la lutte contre l’immigration que par les droits de l’homme », explique le député Kurde Hisyār Ozsoy
Vendredi 2 Juillet 2021

Entretien avec le député kurde de Diyarbakir au Parlement turc, Hisyār Ozsoy, membre du HDP, vice président du groupe « La Gauche » à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

 

À deux ans des élections législatives et présidentielles en Turquie qui risquent d’être difficiles pour Erdogan, le gouvernement turc a lancé de nouvelles offensives juridiques contre le parti pro-kurdes HDP, le Parti démocratique des peuples, troisième force politique au Parlement national.

L’une vise à interdire purement et simplement ce parti, l’autre à condamner des élus du HDP qui avaient appelé en 2014 à une manifestation de soutien aux habitants de Kobané, au moment où la ville syrienne à majorité kurde, luttait contre les attaques de l’État islamique. Depuis 2016, la répression contre le HDP n’a cessé de se renforcer. Son leader, Selahattin Demirtas, est emprisonné depuis cette date, malgré les protestations internationales, et bien que la Cour européenne des droits de l’homme ait exigé en décembre 2020 sa libération « immédiate ».

C’est dans ce contexte de répression accrue contre le parti pro-kurdes qu’une jeune femme a été tuée le 17 juin au cours d’une attaque armée contre le bâtiment du HDP à Izmir, à l’ouest du pays. Dans un communiqué, observant que la police n’était pas intervenue alors que l’agresseur avait ouvert le feu et incendié le bâtiment, le HDP a immédiatement accusé le gouvernement d’être l’instigateur de l’attaque, en raison aussi du climat de violence qu’il entretient contre le Parti démocratique des peuples.

Que sait-on de nouveau sur le meurtre de Deniz Poyraz, dans les locaux du HDP, à Izmir ?

Hisyār Ozsoy Je pense que la personne qui a commis ce crime est un internationaliste qui a été entraîné en Syrie. C’est ce que nous apprend son compte Facebook où l’on voit des photos de lui armé de fusils et d’armes automatiques. Mais nous ne savons presque rien sur ceux qui sont derrière lui. Mais en Turquie, c’est toujours ainsi que ça se passe dans ce genre d’attaques. L’élément très intéressant, c’est qu’il est resté dans le poste de police pendant 18 heures, sans investigation et sans interrogatoire. Normalement, en cas de crime, quand quelqu’un passe deux jours dans le commissariat de police, il est tout de suite interrogé. Lui a été isolé, personne ne sait quels genres de connexions il a, ni avec qui il est en rapport. Nous avons eu des assassinats similaires dans le passé. Par exemple l’assassinat du grand intellectuel arménien Hrant Dink (exécuté en janvier 2007 à Istanbul ; deux ex-responsables de la police et deux ex-responsables de la gendarmerie avaient été condamnés suite à cet assassinat - NDLR). Ou par exemple les trois militantes Kurdes assassinées à Paris en janvier 2013. Ce sont toujours des jeunes gens marginaux, des gens qui n’ont pas de statut social, qui sont utilisés pour commettre ces atrocités. Mais quand vous creusez un peu la situation, vous voyez qu’ils sont souvent impliqués dans des relations avec des services de renseignements.

Est-ce qu’il y a eu des réactions après le meurtre d’Izmir ?

Hisyār Ozsoy Je dirais oui parce que la victime était une femme, qu’elle a été tuée dans son bureau, qu’elle était totalement innocente. Il y a eu un tollé et beaucoup de réactions parmi la population, mais aussi de la part des principaux partis d’opposition, et même de la part de membres du gouvernement. Mais il y a deux jours, l’actuel président du parti au pouvoir l’a accusée de soutenir les terroristes. C’est une accusation récurrente de la part du gouvernement d’affirmer que le HDP a des liens avec le PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan, classé « terroriste » par Ankara.

D’un autre côté, malheureusement, la majorité de la population turque est profondément divisée. Quand les Kurdes sont attaqués, quand le HDP est attaqué, il n’y a jamais de fortes réactions. Quand vous comparez avec les précédents cas, tous les partis politiques d’opposition, par exemple le Bon Parti (parti nationaliste, républicain et laïque -NDLR) ont manifesté leurs préoccupations à la suite du meurtre d’Izmir. Ils ont présenté leurs condoléances, certains d’entre eux sont venus au bureau du HDP, certains ont suivi la cérémonie funéraire. Mais il y a aussi une propagande sous-jacente qui criminalise la situation, en disant que ce meurtre contre une personne du HDP s’inscrit dans un combat contre le terrorisme.

Où en sont les actions judiciaires entreprises contre le HDP ?

Hisyār Ozsoy Il y a en actuellement deux. La plus récente, c’est la décision de la Cour constitutionnelle, le 21 juin, d’ouvrir une procédure pour interdire le HDP à la demande d’un procureur. Une première demande en mars avait été rejetée pour vice de procédure. Cette fois-ci, elle a été acceptée. Ça, c’est le grand dossier.

Icon QuoteLe gouvernement turc tue nos partisans et nous rend responsables de ces meurtres.

À côté de cela, il y a ce qu’on appelle le procès de Kobané, où 108 responsables politiques du HDP, et parmi eux Selahttin Demirtas, sont poursuivis pour avoir appelé la population à manifester en octobre 2014 contre l’occupation de Kobané par l’État islamique. 37 personnes avaient été tuées au cours des manifestations. La majorité était des membres du HDP ou des sympathisants. Et le gouvernement a ouvert un procès non seulement pour criminaliser la résistance contre l’État islamique à Kobané, mais aussi pour criminaliser la solidarité avec la résistance. L’accusation estime que nos leaders politiques sont responsables de la mort de 37 personnes qui pour la plupart ont été tuées par la police turque. L’absurdité, ce n’est pas seulement que le gouvernement tue nos partisans, mais qu’il nous rende responsables de ces meurtres. Les poursuites demandent 37 condamnations pour chaque personne poursuivie dans ce procès. La Cour européenne des droits de l’homme a conclu qu’aucune activité criminelle ne pouvait être retenue contre Selahattin Demirtas, ni contre le HDP, et que les poursuites contre les leaders du HDP n’étaient motivées que par des considérations politiques. Mais le gouvernement turc n’obéit qu’à sa propre loi. Voilà où nous en sommes des offensives judiciaires du gouvernement turc contre le HDP.

Que pensez-vous de l’’attitude générale des institutions européennes dans cette conjoncture d’attaques répétées contre le HDP ?

Hisyār Ozsoy Le Conseil de l’Europe observe la situation de très près. La Commission pour les droits de l’homme, le président de l’Assemblée parlementaire, les présidents des principaux groupes politiques sont très informés parce que nous faisons le travail d’information. Je trouve qu’il y a une sensibilité à cette question au sein du Conseil de l’Europe, parce que la défense des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit, c’est la raison d’être du Conseil de l’Europe, c’est sur ces questions que nous travaillons. Mais quand on passe du côté de l’Union européenne, les leaders sont plus intéressés par les questions politiques, par l’immigration, le commerce, les relations internationales, les questions géostratégiques, et malheureusement les questions de droits de l’homme ne sont pas autant au centre de leurs préoccupations, et c’est très décevant. Le jour où la Cour constitutionnelle a décidé d’ouvrir une procédure pour interdire le HDP, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a fait une déclaration dans laquelle elle a dit qu’elle avait eu une merveilleuse conversation avec le président Erdogan, et qu’elle était engagée avec lui dans un agenda très positif. C’est une position hypocrite, uniquement parce qu’elle veut renouveler l’accord sur les réfugiés avec la Turquie. C’est son objectif, et peu importe ce qu’il en est du respect des droits de l’homme et de la démocratie en Turquie.

Partager cet article
Repost0
15 juin 2021 2 15 /06 /juin /2021 06:21
Rapport sur les ventes d'armes françaises : Partialité et opacité (PCF, Pascal Torre, 10 juin 2021)

Le rapport annuel du ministère des Armées sur les exportations d’armes françaises dans le monde vient d’être publié le 1er juin. Il s’inscrit dans le cadre d’une montée des tensions internationales mais aussi d’une nouvelle vague de militarisation qui vise à renforcer le camp occidental et à légitimer les idéologies guerrières. En dépit de quelques avancées, ce document reste opaque et incomplet ne permettant pas d’apprécier la légalité de ces ventes.

Sans surprise, la France occupe le 3e rang mondial des pays exportateurs derrière les Etats-Unis et la Russie mais devant l’Allemagne et la Chine. Le montant global s’élève pour 2020 à 4,9 milliards d’euros soit un recul de 41% par rapport à l’année précédente. Ces résultats s’expliquent par la crise sanitaire mais ne traduisent en rien une tendance de fond.

L’Arabie Saoudite, les Etats-Unis, le Maroc, le Royaume-Uni, l’Inde, la Grèce, le Sénégal, l’Australie, les Emirats Arabes Unis et Singapour constituent le groupe des dix premiers pays acheteurs. Par espaces régionaux, l’Europe totalise 25% des ventes, le Moyen-Orient : 24%, l’Asie-Pacifique : 22% et l’Afrique : 18%.

L’omniprésence des pays du Golfe demeure un objet de préoccupations car ces Etats bafouent les droits humains, violent le droit international humanitaire et sont engagés dans des conflits brutaux contre les populations yéménites. Si le rapport mentionne l’achat de systèmes de défense anti-aérienne, des robots de déminage sous-marins ainsi que des munitions, traduisant l’exacerbation de la conflictualité avec l’Iran, rien n’est dit sur la vente de navires de guerre à Riyad qui participent au blocus naval du Yémen. La vente de systèmes de défense anti-aérienne, de canons Caesar et de véhicules tactiques légers à Rabat, utilisés dans la répression du peuple sahraoui des territoires occupés, constitue également une violation du Traité sur le Commerce des Armes (TCA) dont la France est signataire.

A la différence de ce qui se passe au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux Pays-Bas, il n’y a pas vraiment de contrôle parlementaire sur les décisions du pouvoir exécutif en matière de ventes d’armes. Ce rapport ne donne pas d’informations exhaustives entretenant le flou sur des aspects essentiels. Si les destinataires des armes sont bien désignés, leurs utilisateurs ne le sont pas. De plus, Paris utilise des intermédiaires en exportant des pièces détachées vers d’autres pays qui se chargent d’assembler les armes et de les vendre à qui bon leur semble. Quant aux licences non octroyées, aucun motif n’est communiqué. Dans ces tractations, l’opinion publique française devra se contenter des « garanties » qu’E. Macron affirme avoir reçues…comme pour le Yémen.

Cependant, l’émotion que suscite l’épouvantable crise humanitaire yéménite fait bouger les consciences. Une enquête commandée par Amnesty International montre que les ventes d’armes suscitent de plus en plus d’intérêt. Trois quarts des Français s’estiment mal informés et souhaitent plus de contrôles et de transparence. Dans une même proportion, ils estiment que le commerce des armes est contradictoire avec les valeurs portées par notre pays. Cela met à mal la théorie défendue par E. Macron ou J.-Y. Le Drian selon laquelle ces ventes assureraient le rayonnement et la compétitivité de notre pays. Il faut une certaine dose de cynisme pour prétendre que les ventes d’armes à l’Egypte, qui compte 60 000 prisonniers politiques, participent au prestige international de la France !

La question des ventes d’armes doit rester au cœur de nos préoccupations car c’est le moyen de mieux percevoir les faiblesses de la paix. Alors que la pandémie de Covid-19 a plongé le monde dans la tourmente, nourrir les guerres est une folie. La course aux armements n’assure en rien la sécurité des peuples. La paix est un projet politique au centre des luttes émancipatrices, un élément incontournable de tout projet global pour l’humanité. Notre monde a besoin de solidarité et de coopération ce qui passe par la démilitarisation et la diminution drastique des dépenses d’armements. Cet engagement est consubstantiel du combat communiste.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient

Partager cet article
Repost0
14 juin 2021 1 14 /06 /juin /2021 05:40
À Jérusalem-Est, la vie des Palestiniens sous le joug de l’occupation (mardi 8 juin, L'Humanité, Pierre Barbancey)
À Jérusalem-Est, la vie des Palestiniens sous le joug de l’occupation
Mardi 8 Juin 2021 - L'Humanité

Reportage. Un mois après l’explosion de violences dans la ville sainte, expulsions et destructions de maisons se multiplient. L’occupation israélienne touche tous les aspects de la vie quotidienne des Palestiniens. Les enfants souffrent particulièrement. Malgré la répression, la résistance s’organise, comme dans les quartiers de Cheikh Jarrah et à Silwan.

 

Jérusalem-Est occupée, envoyé spécial.

C’est un îlot de tranquillité où les jardins des maisons laissent échapper les parfums de leurs arbres fruitiers et de leurs fleurs. Un lieu où le temps ne semble avoir aucune prise et qui paraît si loin de la violence subie par les Palestiniens. De chaque côté de la rue, de petites maisons se dressent dont les grilles métalliques cachent bien des secrets. Un endroit qui garde encore les traces de la Palestine d’avant l’occupation israélienne de Jérusalem-Est. En réalité, depuis plus de dix ans maintenant, les habitants de Cheikh Jarrah, entre la vieille ville et le mont Scopus, vivent dans la crainte de perdre leur maison.

« C’était de nouveau la  Nakba »

En 2009, déjà, plusieurs familles ont été expulsées, chassées par des colons dont le premier geste a été de dresser sur le toit une énorme étoile de David et d’accrocher des drapeaux israéliens. « C’était comme une opération militaire, se souvient Adel Budeiri, qui craint lui aussi de devoir partir. Les enfants criaient, pleuraient. Ils avaient même coupé les lignes téléphoniques. Devant chaque entrée de maison, il y avait une dizaine de soldats. Pour ces familles qu’on chassait, c’était de nouveau la Nakba. »

Quatre nouvelles familles sont menacées par la décision d’un tribunal de Jérusalem qui, en début d’année, a estimé que les Palestiniens vivaient sur des terres ayant appartenu à des familles juives au XIXe siècle. L’affaire est en appel et la mobilisation sans faille des habitants de Cheikh Jarrah a braqué les projecteurs sur cette situation, pur produit de l’occupation. À présent, les accès sont contrôlés par la police et l’armée israéliennes, qui interdisent l’accès aux Palestiniens, mais laissent les colons y déambuler en toute tranquillité, parfois armés.

« L’apartheid, comme en Afrique du Sud »

Sous une grande tonnelle aérée, Salah Diab, installé sur un canapé, fume cigarette sur cigarette et alterne avec des tasses de café. Au début du mois de mai, il était assis à la même place lorsqu’il a entendu la porte céder et vu les militaires entrer. « Ils m’ont aspergé le visage avec une bombe lacrymogène puis m’ont brisé le pied avec la crosse d’un fusil. » À peine revenu de l’hôpital, il subit une nouvelle agression de la soldatesque, qui le met à terre, le tabasse et, au final, lui brise les côtes. Il se déplace maintenant avec une béquille.

Salah Diab n’a pas été visé au hasard. Depuis onze ans, il mène la bataille pour empêcher d’être délogé. « Au début, on était seuls. Mais maintenant, le monde entier sait ce qui se passe. » Pas question pour lui de tomber dans une querelle stérile avec ceux qui réclament sa maison. « Ce n’est pas un problème de papiers, mais un problème politique. C’est l’apartheid, comme en Afrique du Sud. » Et il sait que la solution n’est pas à chercher du côté de la « justice » israélienne.

Les visages de la révolte

Les demandes d’expulsions reposent sur deux lois discriminatoires. L’une, votée en 1970 à la Knesset (le Parlement), dit que les terres ayant appartenu aux juifs à Jérusalem-Est, avant la création d’Israël en 1948, peuvent revenir à leurs anciens propriétaires. Tandis qu’une autre loi affirme que les propriétés des Palestiniens avant 1948 ne peuvent pas être rendues à leurs anciens propriétaires !

Muna et Mohammad Al Kurd sont un peu les visages de la révolte, de cette nouvelle génération qui relève la tête. Devant les caméras du monde entier, ils n’ont pas craint de dénoncer la politique coloniale israélienne. C’est sans doute pour cela qu’il y a quelques jours, par pure intimidation, ils ont été l’un et l’autre retenus au centre de police durant plusieurs heures. À peine dehors, Muna Al Kurd a expliqué publiquement : « Leur intimidation ne nous effraie pas. Personne dans le monde ne peut accepter d’être déplacé de force de sa maison. »

Une crainte de tous les instants

Aref Hammad est aussi visé. Il parle de harcèlement permanent, de policiers qui entrent dans sa maison, de grenades assourdissantes. L’une de ses filles, mariée, est empêchée de venir le voir. La plus jeune, 14 ans, a été emmenée au poste après un incident avec un colon. « Les enfants ont peur, ils ne veulent plus aller à l’école. Ils se remettent à faire pipi au lit », témoigne Aref. Alors que nous sortons du quartier, l’armée stoppe un bus – réservé aux Palestiniens – rempli d’adolescents et commence à contrôler les identités de chacun.

L’occupation au quotidien, c’est aussi cette crainte de tous les instants, comme l’explique Judeh, 27 ans, étudiant. « La discrimination est permanente. À la porte de Damas, il y a un poste de surveillance de la police. C’est stressant. Si je veux m’asseoir tranquillement, je sais qu’à un moment ou à un autre, je vais avoir un problème. C’est très vicieux. Le gouvernement israélien nous pousse à bout et, lorsque nous explosons, il en prend prétexte pour tenir un discours sécuritaire. »

« Ils veulent nous déshumaniser »

Raed Saadeh, président de la chambre de tourisme de Jérusalem-Est, montre bien comment l’occupation permet également au pouvoir israélien de « faire suffoquer l’économie palestinienne, tout en aspirant notre argent. Maintenant, il nous faut empêcher toute fermeture de la représentation palestinienne, que ce soit dans la culture, le tourisme ou la santé ». La Maison d’Orient, de même que la chambre de commerce ne peuvent plus ouvrir. Suhail Khoury, le directeur du Conservatoire national de musique Edward Saïd, sait ce que cela signifie. « L’occupation, c’est une lutte quotidienne, une bataille constante. Toute identité palestinienne est ciblée parce qu’ils veulent qu’on soit considérés comme une minorité folklorique, pour les touristes, souligne-t-il. En revanche, ils attaquent tout ce qui représente notre nation. »

Lui-même a été arrêté, avec son épouse, les ordinateurs saisis et accusé de diriger un centre culturel « qui promeut la culture palestinienne, ce qui signifie bien qu’à leurs yeux, c’est illégal, fait-il remarquer. En réalité, ils veulent nous déshumaniser ». Ces difficultés sont aggravées par l’attitude de l’Union européenne et de la France, qui entendent arrêter tout financement si une personne impliquée dans un événement est soupçonnée appartenir à une organisation inscrite sur la liste des organisations terroristes. « Je vais demander à un chef d’orchestre s’il est membre du FPLP ? Moi, j’enseigne Beethoven. Après trente ans d’accords d’Oslo, nous n’avons toujours rien et ils voudraient que nous participions à notre propre asphyxie ? » demande-t-il ingénument.

« L’occupation, c’est une guerre ouverte »

La culture comme enjeu de libération. Ce n’est pas qu’un slogan. « Depuis 1967, ils arrêtent les artistes, les bannissent, voire les assassinent », dénonce Yacoub Abu Arafeh, lui-même acteur, qui vit à Cheikh Jarrah. Il cite aussi le Festival international de marionnettes, qui devait se tenir à Jérusalem-Est, dans la salle du Théâtre national palestinien Hakawati, en 2019. « Le jour de la première séance, les Israéliens ont fermé le théâtre sous prétexte que nous avions reçu une subvention du ministère palestinien de la Culture », se souvient-il.

Il rappelle également comment, le 8 mars, cette année, le centre culturel, qui accueillait une exposition consacrée aux femmes, a également été fermé. Pour Yacoub Abu Arafeh, « l’occupation, c’est une guerre ouverte. Ces dix dernières années, la vie est devenue encore plus compliquée pour nous, Palestiniens. » Pire : « Quand il n’y avait que des Palestiniens à Cheikh Jarrah, les ordures n’étaient ramassées qu’une fois par semaine. Depuis qu’il y a des colons, c’est pratiquement tous les jours, et la rue est nettoyée plusieurs fois dans la journée. »

La police arrête les jeunes

Le quartier de Silwan, en contrebas de la muraille sud de la vieille ville, est aussi dans le collimateur du régime israélien. Aujourd’hui, environ 400 colons juifs se trouvent dans 54 implantations situées au milieu de ce quartier. Une maison saisie à une famille palestinienne a été transformée en synagogue sur laquelle flotte le drapeau israélien. Le plan de la municipalité prévoit la démolition de 88 bâtiments habités par 114 familles, soit 1 123 personnes, et entend saisir 70 % des terres de Silwan pour en faire un parc biblique. Le site aurait prétendument abrité les jardins du roi David.

La tension est palpable. Plus encore qu’à Cheikh Jarrah. Pendant les manifestations du mois dernier, la police était en permanence devant le collège et arrêtait les jeunes. Ici, pas de services, pas de développement du quartier. Les habitants, souvent assez pauvres, vivent dans un sentiment d’insécurité. Mais la Mairie a beau envoyer ses sbires recouvrir de peinture blanche les slogans et les graffitis sur les murs, ils réapparaissent toujours. La carte stylisée de la Palestine côtoie les hashtags #SaveSilwan (« Sauvez Silwan ») ou « Nous resterons ».

Cauchemar quotidien

Amani Odeh, une dentiste qui vit là, le dit simplement : « On aime Silwan, mais on vit comme si c’était notre dernier jour. Avec les avis de démolition, même dans la maison on ne se sent pas en sécurité. » Les enfants aussi sont inquiets. Elle a trouvé des jouets dans le cartable de son fils, Adam, 10 ans. Lorsqu’elle lui a demandé pourquoi, il a eu cette simple réponse : « C’est au cas où ils détruisent la maison. » Une idée qui semble hanter le gamin dégourdi, aux yeux pétillants, casquette vissée sur le crâne. À la demande de sa mère, il raconte son cauchemar de la veille. « Toute la famille était dans une pièce. Ils sont arrivés, ont tout détruit et nous ont tués. J’avais très peur, mais je ne comprenais pas comment ils étaient arrivés-là. » Mais qui sont ces « ils » ? Il répond simplement : « Les colons et la police. »

La semaine dernière, une manifestation pacifique et originale a été organisée. Un marathon a pris le départ de Cheikh Jarrah pour rejoindre Silwan. Des centaines de jeunes ont participé à cette course. Des familles entières étaient là, dont de nombreux enfants, qui entendaient faire de ce moment une journée de dignité et de joie. Mais la police israélienne a multiplié les provocations et est intervenue brutalement. La foule a tenté de fuir.

 

 
Zakaria Odeh : « Les colons israéliens tentent d’effacer l’identité nationale palestinienne »
Mardi 8 Juin 2021 - L'Humanité

Le coordinateur de la Coalition civique pour les droits des Palestiniens, Zakaria Odeh, décortique la stratégie d’occupation et de colonisation de la ville sainte. Entretien.

Zakaria Odeh Coalition civique pour les droits des Palestiniens à Jérusalem

Depuis Jérusalem-Est occupée, propos recueillis par notre envoyé spécial.

Le coordinateur de la Coalition civique pour les droits des Palestiniens à Jérusalem (CCPRJ), Zakaria Odeh, est en relation permanente avec les comités de lutte dans les quartiers de la ville. Il a été arrêté à plusieurs reprises.

La situation que subissent les habitants du quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, est-elle un problème isolé ?

Zakaria OdehCoalition civique pour les droits des Palestiniens à Jérusalem

Zakaria Odeh Pour comprendre la situation de Cheikh Jarrah, il faut connaître ce qui se passe plus généralement à Jérusalem. Cheikh Jarrah n’est pas le seul quartier ciblé par le mouvement des colons Elad et Ateret Cohanim, et le gouvernement israélien. À Silwan, vous avez le district d’al Boustan, où 122 familles ont reçu un ordre de démolition de leur maison pour construire ce qu’ils appellent un « parc biblique ». Dans celui de Batten al Hawa, il y a un ordre d’expulsion qui touche 700 personnes, sous prétexte que des juifs y vivaient avant 1948. Près de 4 000 unités de logements sont en cours de construction dans les colonies de la ville. La stratégie de la mise en place de ces implantations est d’encercler Jérusalem et de l’isoler de son extension possible en Cisjordanie.

C’est une stratégie ?

Zakaria Odeh C’est un plan d’urbanisation discriminatoire dont le but est de s’assurer le contrôle de plus de terres et d’augmenter le nombre de colons à Jérusalem-Est. Israël contrôle et utilise maintenant 87 % des terres de Jérusalem-Est. Nous, Palestiniens, n’en avons plus que 13 % pour nous loger et développer nos activités commerciales. C’est-à-dire que nous manquons de terres et, comme si ce n’était pas suffisant, nous subissons des restrictions dans les délivrances de permis de construire, ne nous laissant pas d’autre choix que de bâtir sans autorisation. À Jérusalem-Est, près d’un tiers des habitants vivent dans des maisons construites sans permis, dans la crainte qu’elles soient détruites. L’autre façon israélienne de procéder est la fermeture de Jérusalem avec le mur et les check-points. Leur but : qu’il y ait une majorité juive et une petite minorité de Palestiniens.

Cela s’accompagne-t-il d’une attaque contre l’identité nationale palestinienne ?

Zakaria Odeh Depuis des années, les Israéliens essaient de contrôler le système d’éducation palestinien et d’imposer le leur. Par exemple, ils forcent les écoles de la partie occupée de la ville à utiliser les livres scolaires édités par le ministère israélien. Dans ces ouvrages, nous, Palestiniens, sommes totalement ignorés. Ils parlent de « minorité », de « musulmans, de chrétiens, de Druzes ». Vous ne trouverez jamais, dans aucun de ces livres, le terme « peuple palestinien ». Ils ne nous reconnaissent pas. En revanche, ils parlent toujours de l’histoire du peuple juif, d’Israël, désignent les lieux, les rues par des noms hébreux, jamais par des noms arabes-palestiniens. C’est un moyen d’essayer de changer la façon de penser de la jeune génération. Ils tentent d’effacer l’identité nationale palestinienne. Cela fait partie de l’israélisation et de la judaïsation de la ville.

Les différentes manifestations auxquelles on a assisté représentent-elles quelque chose de nouveau ?

Zakaria Odeh La résistance est très large et s’est étendue à tous les quartiers de la ville, mais pas seulement. Toute la Cisjordanie est en ébullition. Mais également au sein de la société palestinienne de 1948. Le leader­ship a été choqué par cette révolte en Israël. Les dirigeants israéliens pensaient que, au bout de soixante-treize ans, les gens étaient humiliés, intégrés, qu’ils avaient perdu leur identité, qu’ils avaient perdu tout lien avec les Palestiniens des territoires occupés. Depuis 1936, on n’avait pas assisté à une grève comme celle qui s’est déroulée à la mi-mai, associant les Palestiniens partout où ils se trouvaient, même dans les camps de réfugiés. Cela a uni la résistance, que le pouvoir israélien veut briser en multipliant les arrestations. Ce à quoi on assiste devrait amener les partis palestiniens existants à se renouveler, à instiller du sang nouveau, celui de cette génération née après les accords d’Oslo, mais qui a gardé les valeurs de notre identité nationale.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011