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4 mai 2020 1 04 /05 /mai /2020 05:47

 

Laurent Ziegelmeyer est élu du personnel du Groupe Sanofi

La pandémie de Covid-19 révèle les besoins en termes de collaboration internationale dans le secteur du médicament. Malgré l’existence de géants pharmaceutiques nationaux, l’industrie pharmaceutique française ne prend clairement pas sa part dans la mise en commun internationale des moyens techniques et humains permettant de répondre aux besoins de toutes les populations.

 

La rentabilité avant tout

La gestion par la rentabilité est assassine pour les pays du Sud, également néfaste pour les travailleurs et travailleuses du Nord. Pendant des années, on a considéré ici ou là que l’industrie pharmaceutiques avait surtout des effets négatifs pour les malades de pays pauvres. Les effets de cette politique pour les populations du « Sud » sont effectivement édifiants : Les médicaments sont trop chers, handicapant lourdement toute politique de santé publique. Les maladies « non-rentables » sont négligées. Seul 1 % des 1 393 molécules sorties entre 1975 et 1999 concernait les maladies spécifiques de ces pays. Certains traitement ont devenus tellement anciens que des résistances se sont développées et u’ils sont devenus inefficaces.

Il est d’ailleurs légitime de se poser la question suivante : si le Covid-19 n’avait touché que les pays pauvres, y aurait-il autant d’essais lancés dans le monde pour trouver un traitement ? On peut en douter.

La crise sanitaire liée au coronavirus démontre – si on devait encore le faire – que dans les pays riches aussi, la politique de ces groupes a un impact très fort. Cette mainmise du privé pose aussi de nombreuses questions dans les pays du « Nord ». Quel accès aux médicaments pour les populations les plus pauvres en constante augmentation ? Comment sont fixés les prix de ces médicaments et leur implication dans le financement de la protection sociale ? Comment un gouvernement peut-il élaborer une ambitieuse politique de santé si l’industrie pharmaceutique va à son encontre ?

La pandémie montre bien qu’il est temps de remettre sur la table des propositions sur l’industrie pharmaceutique. Tout d’abord, faisons la différence entre les dirigeants de ces grands groupes qui comme leurs actionnaires se gavent (le terme est faible) et les salarié·e·s qui, d’abord et avant tout, veulent contribuer à améliorer la santé ! Cette crise montre bien que le médicament, le vaccin ne sont pas des produits comme les autres. Dans cette période, on peut arrêter de fabriquer des « Playmobils », pas des médicaments !

En plus de toutes celles et ceux en première ligne contre le virus, il y a les salarié·e·s de l’industrie pharmaceutique qui travaillent sur le Covid-19, mais continuent aussi à produire les autres médicaments, car toutes les autres maladies n’ont pas arrêté de sévir !

Cette crise montre bien que les seuls intérêts privés ne peuvent régler la situation, que la puissance publique doit jouer un rôle car la question c’est la coopération pour combattre ce virus, et non la compétition. Il ne s’agit pas d’imposer aux laboratoires de faire l’aumône mais bien de donner à chaque humain le droit à la santé. Cela repose les questions du médicaments : pour qui, pour quoi faire, avec quelle industrie pharmaceutique ?

Prenons un exemple de la gestion aujourd’hui : l’usine Famar en région Lyonnaise, seule à produire de la chloroquine est en redressement judiciaire ! Faisons aussi un peu d’histoire : en 2003, Aventis, descendant direct de Rhône Poulenc et Roussel Uclaff, a vendu ce site à l’entreprise grecque Famar. Cette entreprise, prise dans d’énormes difficultés, a été reprise par le fonds américain KKR. KKR a placé cette usine en redressement judiciaire et les 11 autres usines de Famar sont en cours de vente à la découpe.

On pourrait aussi évoquer le nombre de principes actifs produits en Chine et en Inde aujourd’hui, comme la paracétamol, mettant en danger notre souveraineté sanitaire.

Enfin, sur la recherche, Sanofi a décidé de fermer le centre d’Alfortville il y a un an. Malgré la pandémie, le plan continue d’être mis en œuvre. Rien que dans ce groupe, les effectifs de recherche en France ont fondu de moitié en 10 ans ! Ces différents exemples montrent bien que dans ce domaine, on ne peut pas faire confiance au privé. Alors oui, un pôle public de recherche et de production pharmaceutique est indispensable dans notre pays. « Impossible ! » vont hurler les libéraux et les patrons de cette industrie. Ils ont la mémoire courte.

 

L’expérience des nationalisations

Les nationalisations des années 1980 ont conduit à un changement de propriétaire mais logique est resté identique

Prenons Sanofi, dont les origines généalogiques sont principalement partagées en trois :

- Rhône Poulenc, nationalisée au début des années 1980, ce qui a sauvé l'entreprise

- Roussel Uclaff, où l'Etat a eu jusqu'à 40% du capital

- Enfin Sanofi, filiale pharmaceutique du pétrolier Elf, qui était une entreprise publique

C’est donc bien l’argent public qui a permis la constitution de ce groupe. Un pôle public pharmaceutique est possible, indispensable et nécessaire, mais avec une gestion qui à la différence des années 1980 devra prendre en compte l'avis des salarié·e·s et les besoins de santé ici et ailleurs !

Nous venons de le voir, en France dans les années 1980, nous avons connu une nationalisation d’une partie de l’industrie pharmaceutique. Cela n’a pas empêché des scandales comme l’Oltipraz, traitement contre la bilharziose découvert chez Rhône-Poulenc, mais jamais produit. Cela n’a pas permis non plus la constitution d’un grand pôle pharmaceutique permettant de répondre aux besoins de la population. En fait, c’était une entreprise « publique », mais gérée selon les critères de rentabilité du privé. La nationalisation avait permis de sauver Rhône-Poulenc, mais jamais il n’y eut la moindre réflexion sur un autre type de gestion.

 

Utiliser le pôle public de recherche, de production et de distribution

Un tel pôle serait utile pour imposer une autre gestion démocratique et fondée sur les besoins des populations.

Il s’agit tout d’abord de débattre de la notion de propriété intellectuelle et de son appropriation. Les brevets dans le domaine de la santé ne sont qu’une confiscation pour des intérêts lucratifs. On peut d’ores et déjà évoquer quelques caractéristiques à transformer d’urgence : la durée excessive des brevets, leur « systématicité » quel que soit le médicament, leur application identique au « Nord » et au « Sud »...

 

Le médicament n’est pas un produit comme les autres.

Il faut considérer le médicament comme partie intégrante de la politique de santé, comme un bien public, au même titre que l’eau, l’énergie... La recherche, la production et la distribution pharmaceutique ne doivent donc pas être régies comme aujourd’hui, sous le contrôle exclusif de quelques grands groupes privés. Il apparaît clairement la nécessité d’un réel contrôle public. Cela ne veut pas dire automatiquement nationalisation.

Ce contrôle public peut s’articuler autour d’une intervention sur la demande, d’une véritable transparence sur le médicament, d’une réelle politique du prix, et enfin de la place que doit occuper la puissance publique.

Tout d’abord, on peut évoquer la mise en place d’un véritable conseil du médicament, indépendant des industriels, qui puisse établir des priorités, en lien avec les ONG et les associations de malades. Les conclusions de ce conseil devraient servir d’orientations tant à la recherche publique, qu’à l’industrie privée.

Comment ? Les aides publiques seraient soumises à ces orientations, et on peut imaginer également l’obligation pour les trusts d’utiliser une partie de leurs bénéfices à des recherches et des productions utiles et indispensables. Aujourd’hui si on prend Sanofi, d’un côté la moitié des bénéfices sont versés aux actionnaires, et de l’autre ils touchent depuis des années près de 150 millions d’aides publiques, comme le crédit impôt recherche, sans obligation. Ils ont quand même supprimé 3 000 postes de chercheurs en 10 ans en France. Le dernier plan est en cours, avec la fermeture du site d’Alfortville !

D’autres pistes peuvent être évoquées : fonds alimenté par une taxe sur ces bénéfices, fonds de soutien à la recherche publique et à des initiatives de solidarité internationale. On pourrait imaginer aussi un dispositif utilisant le fonds évoqué (ou d’autres ressources) pour assurer un financement à des programmes dans le cadre des priorités du conseil avec comme condition l’absence de brevet, faisant de ces molécules des biens publics. Réfléchissons également à un mécanisme permettant que des molécules efficaces mais abandonnées ne restent pas dans les tiroirs des laboratoires. Ces produits sont souvent brevetés, il est temps de réveiller ces brevets dormants !

On peut penser enfin à la réquisition on des unités de fabrication on qui ne sont pas utilisées afin de produire les médicaments faisant défaut aujourd'hui. Reprenons l’exemple de l’usine Famar à côté de Lyon. Le terme de réquisition peut faire "peur", mais est-il plus effrayant que cette logique actuelle de l'industrie, faite de mépris pour les malades du « Sud » et de destruction de l'emploi au «Nord» ?

On le sait, le privé de toute façon ne voudra pas travailler sur tout. Se pose donc clairement la constitution d’un pôle public du médicament !

La constitution d’un grand pôle public de recherche et de production pharmaceutique est nécessaire, mais avec un mode de gestion qui ne soit pas calqué sur le privé, pôle public géré par les chercheurs, les salariés, impliquant les syndicats, les associations de malades, les ONG, dans le cadre du débat démocratique. Ce pôle public serait ouvert sur les collaborations internationales notamment avec le Sud (le transfert technologique étant, pour moi, l’avenir dans ces pays), ouvert également aux collaborations public/privé, mais sur une base d’égalité et non pas dans un cadre de domination du privé, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.

Il est temps de sortir le médicament, ce bien public, de la logique capitaliste !

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4 mai 2020 1 04 /05 /mai /2020 05:33
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3 mai 2020 7 03 /05 /mai /2020 15:42
Hubert Wulfranc, un des trois députés communistes de Seine-Maritime avec Sébastien Jumel et Jean-Paul Lecoq (photo Assemblée Nationale)

Hubert Wulfranc, un des trois députés communistes de Seine-Maritime avec Sébastien Jumel et Jean-Paul Lecoq (photo Assemblée Nationale)

INTERVIEW. Ce député de Seine-Maritime propose d’augmenter le SMIC à 1 300 euros dès juillet

Hubert Wulfranc, député de Seine-Maritime, fait une proposition de loi pour un SMIC à 1 300 euros dès juillet 2020 pour relancer le pouvoir d'achat des Français après la crise.

Publié le 2 Mai

Pour Hubert Wulfranc, député de Seine-Maritime, augmenter le Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) de 8,5 %, soit passer de 1 196 euros net à 1 300 euros dès le 1er juillet 2020, est une solution pour endiguer la crise économique qui se profile après la crise sanitaire du Covid-19.

Encarté au Parti communiste français, le député a fait une proposition de loi en ce sens avec son groupe à l’Assemblée nationale. Explications.

76actu : Face aux discours alarmiste des entreprises, proposer une augmentation du SMIC peut paraître contradictoire. Qu’en dites-vous ?
Hubert Wulfranc : J’ai bien conscience de cet argument. Et pourtant, une augmentation du SMIC à 1 300 euros, alors que la consommation a baissé de 30 % pendant le confinement, pourrait être une contribution majeure à la reprise économique en redonnant du pouvoir d’achat aux Français et en relançant la consommation. C’est un véritable enjeu de redressement du pouvoir d’achat des salariés.

« Ce serait juste socialement et efficace économiquement »

Pensez-vous vraiment que les entreprises ont les moyens de payer un SMIC à 1 300 euros ?
L’effort considérable des pouvoirs publics pour permettre aux entreprises de redémarrer dans des délais convenables ne doit pas mettre de côté les salariés.

Par rapport à la situation, notre proposition ne nous paraît pas inconcevable, bien au contraire. Passer de 10,15 euros de l’heure à 11 euros nous apparaît juste socialement et efficace économiquement. On ne peut pas applaudir ces soignants, ces caissières, ces agents d’entretien… tous les soirs à nos fenêtres sans leur mettre un peu de bifteck dans l’assiette. Ce ne serait pas sérieux.

Tous ces gens qui ont tenu le pays pendant la crise sont ceux qui sont les plus mal payés. On entend parler de primes ici et là mais ce ne sera pas pour tout le monde. Alors, pour nous, augmenter un peu le SMIC, c’est la meilleure solution.

Justement, pour le Parti communiste, augmenter de SMIC de 1 300 euros, c’est plus faible que ce que vous demandez d’habitude. Pourquoi ?
Oui, effectivement, notre proposition cadre est un SMIC à 1 500 euros. Le SMIC n’a pas été réellement augmenté depuis 2006. Il y a eu une petite bricole en 2012, mais c’est tout. 

Mais dans le contexte actuel, nous avons décidé de faire une proposition adaptée à la situation, qui est possible de mettre en place dès maintenant. On espère que notre proposition sera discutée courant mai 2020.

https://actu.fr/politique/interview-ce-depute-seine-maritime-propose-daugmenter-smic-1-300-euros-juillet_33346642.html?fbclid=IwAR2HjArgqSp01xdVHulIlv3dSlZRo9MnZiFqP5bcWJtLlhXR7y5d2opBnMQ

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3 mai 2020 7 03 /05 /mai /2020 15:34
Interview de Marie-Georges Buffet dans Ouest-France, 3 mai - Par Yannick Le Coquil: le monde du sport devra changer
Marie-Georges Buffet : « Le monde du sport devra changer… »

Ministre de la Jeunesse et des Sports de juin 1997 à mai 2002, aujourd’hui députée de la Seine-Saint-Denis, Marie-George Buffet livre son sentiment sur la situation actuelle.

Que vous inspire la situation actuelle, pour le monde du sport ?

Je pense surtout à ces clubs amateurs qui, en avril, en mai, en juin, n’ont pas pu ou ne pourront pas entreprendre les initiatives qui leur permettaient de faire entrer de l’argent dans les caisses. Comme les tournois par exemple. Ils vont se trouver en difficulté extrême. Je vais donc demander, et je ne serai pas la seule en tant que députée, un fonds spécial de la part de l’État. On me dit aussi que certaines familles réclameraient le remboursement du dernier trimestre des cotisations. Cela mettrait encore en difficulté ces clubs. C’est pour cela qu’il est essentiel que l’État, à travers le ministère des Sports, fasse un geste important pour aider ces clubs amateurs.

Et pour évoquer plus spécifiquement le football, qu’en est-il de la Ligue 1 et la Ligue 2 ?

Je pense d’abord aux clubs de National, qui sont certainement au niveau financier les plus en péril. On me dit même que certains refuseraient une montée pour ne pas prendre de risques. Quant aux clubs pros de Ligue 1, voire de Ligue 2, on a déjà alerté il y a plusieurs années que leur situation est trop dépendante des droits de retransmissions. Là, on le voit bien. Quand les diffuseurs menacent de ne pas payer… Cette crise touche directement le cœur du problème. Leur équilibre financier repose énormément sur ces droits, et donc leur potentiel quant aux transferts. On va donc avoir dans le foot, mais aussi dans d’autres sports, une élite professionnelle qui va se trouver fragilisée. C’est le moment pour ces ligues professionnelles de repenser leur modèle économique.

Dans quel sens ?

Comme cela peut être le cas dans d’autres pays, ouvrir un peu plus à une participation plus large, plus populaire, avec les acteurs sociaux notamment. Travailler peut-être plus le rapport avec le public, créer des animations autour des événements qui permettent d’avoir des activités financières en lien avec la venue du public. Il est aussi peut-être temps d’assagir ces budgets en instituant des salaires maximum. Et en repensant la question des transferts. Mécaniquement, les droits télés vont baisser. Il faudra alors bien que les clubs revoient leur système de salaires et de transferts.

Quid de la taxe sur les paris sportifs, sur les droits télé… dite taxe « Buffet » (1) ?

Tout cela va extrêmement baisser dans la mesure où les médias refusent de payer les droits, que les paris sont à l’arrêt. Il ne faudrait pas que ces taxes qui étaient dédiées au sport amateur soient diminuées. Il faut que l’État assure au minimum le même montant que cette année, sinon ça sera une catastrophe.

Que vous inspire l’idée d’une Ligue fermée, notamment évoquée par Michel Seydoux, l’ancien président de Lille ?

Si on tombe dans le modèle anglo-saxon des ligues fermées, cela signifie que le sport professionnel va quitter le giron fédéral, avec les toutes conséquences que cela induira. On aura une NBA bis dans le foot, voire dans le rugby, ou autres ? Quid du développement du sport amateur dans ces disciplines ? Comment fait-on une vraie mutualisation des moyens dans le sport parce que si les Ligues professionnelles sortent et font leurs Ligues privées dans certains sports, ça veut dire qu’on l’arrête purement et simplement l’aide vers les pratiques du niveau amateur. C’est extrêmement dangereux.

Cela peut-il amener à une vraie fracture entre ces deux mondes ?

Exactement. On a la chance en France d’avoir le sport professionnel qui est toujours inscrit dans le giron fédéral. Ce qui permet à la fois un contrôle éthique dans le sport en général, le respect des codes, des règles, et aussi je le redis la mutualisation. C’était le but de la taxe que j’avais instituée. Ça avait fait hurler à l’époque, mais elle existe et elle permet de financer le sport amateur. On devrait même aller plus loin aujourd’hui. Faire en sorte que le sport professionnel aide encore plus le sport amateur. Si on sort les Ligues du giron amateur, ça ne peut qu’être très négatif.

Que pensez-vous du report du Tour ce France fin août ?

Même s’il est retardé, je suis d’abord très heureuse que le Tour de France puisse avoir lieu. Je pense qu’il y aura quand même du monde. Ça sera un moment fort pour indiquer que l’on veut vivre, et revivre. Que toute activité peut enfin reprendre.

Celle du report des Jeux olympiques en 2021 est-elle une décision logique selon vous ?

J’ai surtout trouvé qu’elle était tardive. Heureusement qu’ils ont pris cette décision. Parce qu’il y aurait eu un problème d’équité. Tous les pays n’ont pas vécu la pandémie au même moment. La préparation des athlètes aurait été inégale. Ensuite il faut s’imaginer les athlètes dans une situation aussi difficile et angoissante, leur préparation en aurait forcément été grandement altérée. Je pense donc que c’est une décision de sagesse que d’avoir ainsi reporté les Jeux d’un an. Cela permet d’espérer être alors clairement sorti de la pandémie. Tous les athlètes pourront alors être vraiment prêts.

Cette crise peut-elle amener à plus de sobriété ?

Elle devrait le faire, dans le domaine du sport professionnel, oui ! On constate bien l’extrême fragilité du modèle actuel. J’ai entendu plusieurs dirigeants de clubs en parler, ce que je dis est partagé par d’autres. Il faut que l’on ait une vraie réflexion en ce sens. Le ministère des Sports devrait sans doute prendre en charge cette réflexion avec les ligues professionnelles et les fédérations. Quel modèle du sport professionnel adopter dans les années à venir ? Quels objectifs doit-il se fixer dès aujourd’hui ?

Le « sport spectacle » a engendré des dérives, comme le dopage par exemple ? En 1998, alors que vous veniez d’être nommée au ministère, il y avait notamment eu l’affaire Festina…

Oui, mais il faut surtout parler de marchandisation extrême du sport. Que le sport soit un spectacle, ça n’est pas un défaut, bien au contraire. On a plaisir à voir un spectacle sportif, parce que c’est beau. L’effort, le dépassement de soi… Non vraiment, ce n’est la question du spectacle sportif, mais celle de la marchandisation extrême qu’il faut se poser. Je pense en effet que, quelque part, la crise en montre les limites. Elle doit être complètement revisitée.

Cela implique-t-il aussi la tenue de compétitions internationales de moindre envergure ?

Je pense qu’il y avait déjà eu un premier tournant, pour que les événements sportifs soient moins ambitieux, et surtout prennent davantage en compte le développement durable, notamment au niveau des déplacements. Cela commençait à se poser dans les appels d’offres faits par les fédérations internationales et par le CIO (comité international olympique). Je pense qu’il faut vraiment activer cela. J’ai envie de dire qu’il faut peut-être arrêter le jeu pervers entre les fédérations internationales, le CIO et les États. Parce que tant que certains États seront prêts à tout pour obtenir l’organisation d’un événement sportif, même s’il y en a de moins en moins, le mouvement international sportif n’a pas trop à se gêner sur les conditions, les critères, les obligations… Bien souvent, des États autoritaires se servent du sport pour des raisons géopolitiques.

Les grands événements doivent donc perdurer ainsi ?

Il faut bien sûr maintenir les grandes compétitions car c’est aussi la rencontre d’hommes et de femmes venus de la terre entière. Mais il faudrait créer une agence internationale en charge d’arbitrer de façon saine l’attribution des grands événements sportifs. Que cela évite ce que l’on a connu, comme les dessous-de-table, les pressions politiques. Comme l’agence mondiale antidopage, elle pourrait être placée sur l’égide de l’Unesco afin d’assainir l’organisation des grands événements sportifs.

Un meilleur équilibre entre pros et amateurs, sports majeurs et plus confidentiels, cela vous paraît-il utopiste ?

Il faut évidemment pousser dans ce sens. On est dans les discours entre sport santé, sport lien social… Mais moi j’ai envie de dire : le sport tout court. Le plaisir du sport. Il faut aussi prendre en compte que les ressources publiques, que ce soit au niveau des collectivités territoriales ou de l’État, ne cessent de se rétrécir. Il faut donc créer, à l’intérieur même du mouvement sportif, une plus grande solidarité. Et j’ai envie de dire envers les pratiques amateurs, mais aussi celles qui n’ont pas de grande visibilité médiatique.

En tant qu’ancienne ministre des Sports, et même avant les derniers événements, le sport vous faisait-il autant vibrer ?

(Souffle)… D’abord le sport en France reste encore l’affaire des bénévoles, c’est déjà un bon point. Dans beaucoup de ses pratiques, dans beaucoup de ses niveaux. Il existe encore des présidentes et présidents de fédé qui sont issus d’un parcours amateur. Je trouve que c’est une richesse. Il y a aussi beaucoup d’athlètes qui sont des citoyennes, des citoyens, qui prennent la parole sur des sujets divers. Il y a aussi tous ces mômes qui continuent à jouer… Et puis il y a les grandes compétitions, avec la recherche des records et de la victoire. Oui bien sûr, il y a des dérives. Mais celles que l’on connaît dans le sport, ce sont celles que l’on connaît aussi dans la société. Quand on triche dans le sport, c’est que l’on triche aussi dans la vie. Quand on est prêt à marcher sur son voisin ou son collègue pour obtenir quelque chose, dans le sport on peut imaginer que… En luttant dans les dérives dans le sport, on cherche aussi à améliorer la société. Peut-être que je suis utopiste, mais je pense que le sport peut encore apporter de vraies valeurs.

Cette crise va-t-elle fondamentalement changer la face du sport ?

Pas spontanément. J’entends bien les discours sur l’après. Il faudra ceci, il faudra cela… Oui en effet il faudra des choses dans la pratique sportive, notamment comme je l’ai dit dans la marchandisation. Encore faut-il qu’il y ait la volonté humaine. La crise passée, les nouvelles habitudes peuvent reprendre, dans tous les domaines de la société. S’il n’y a pas une vraie prise de conscience et une réelle volonté politique de se dire on arrête, on se met autour de la table, on discute, on élabore un nouveau projet. Sinon on retombera inévitablement dans les mêmes travers.

(1) La taxe Buffet, inscrite dans la loi de finances de décembre 1999, institue une contribution prélevée sur les cessions de droits de diffusion télévisuelle des compétitions sportives. Elle impose aux organisateurs de compétitions diffusées en France de reverser au Centre national pour le développement du sport 5 % du montant des droits TV perçus, afin de soutenir l’ensemble de la filière sportive.

 

Interview de Marie-Georges Buffet dans Ouest-France, 3 mai - Par Yannick Le Coquil: le monde du sport devra changer
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3 mai 2020 7 03 /05 /mai /2020 12:02
Décès du chanteur kabyle algérien Idir: l'hommage de l'Humanité (Rosa Moussaoui) et du PCF (Pierre Dharréville)
Dimanche, 3 Mai, 2020
Disparition. Idir, l’amour des siens et le goût des autres

Le musicien kabyle, pionnier de la world music, s’est éteint samedi soir à Paris, à l’âge de 70 ans. Il laisse des combats et des mélodies berbères aux accents universels.

 

C’est un fils de berger qui a bercé et fait danser le monde entier. Le chanteur Idir s’est éteint samedi à Paris, à l’âge de 70 ans, loin de ses collines et des montagnes du Djurdjura qui n’ont jamais cessé de l’inspirer. Cet homme humble, discret, généreux, d’une gentillesse exquise, incarnait mieux que quiconque l’ancrage revendiqué dans une culture en même temps que le goût des autres, du grand large.

Rien, au départ, ne destinait ce Kabyle à une carrière musicale : c’est tout à fait par hasard que l’étudiant en géologie qu’il était alors fut appelé à remplacer au pied levé la célèbre chanteuse Nouara dans une émission de Radio Alger, en 1973. Ses ballades conquirent immédiatement les cœurs et l’une d’elle, A vava inouva, fit le tour du monde, annonçant la grande vague de la world music. Cloîtré dans une caserne, il ne découvrit ce succès fulgurant qu’au sortir de son service militaire. Cette berceuse, traduite dans sept langues, tient du conte et recrée comme au coin du feu l’atmosphère des veillées d’antan. Elle donna, à l’époque, un écho planétaire à sa langue piétinée par un régime autoritaire qui tenait la diversité culturelle pour une hérésie.

« On était fiers, on recevait Fidel Castro, Che Guevara, on était portés par le vent de l’histoire, mais, d’un autre côté, notre culture maternelle n’avait aucune existence légale »

Dans un rare entretien au quotidien algérien El Watan, Idir s’en expliquait par ces mots, en 2013 : « On était fiers, on recevait Fidel Castro, Che Guevara, on était portés par le vent de l’histoire, mais, d’un autre côté, notre culture maternelle n’avait aucune existence légale, alors qu’elle devait venir en premier. Dans les années 1950, il y a eu une tentative de faire de la musique ouverte. Les gens faisaient du jazz, c’était l’époque des rythmes exotiques, de la rumba. Nous, on a été élevés au biberon de la folk song des années 1970. C’était l’époque de Cat Stevens, Joan Baez, Simon and Garfunkel, Moustaki. »

Porte-voix d’un refus sans concession de l’obscurantisme 

 L’homme n’avait cure des contrats, de l’argent ; sa ballade ne lui rapporta pas un sou : il fut escroqué par des producteurs. Vint ensuite l’exil puis une longue éclipse artistique, avant son retour et la sortie d’une compilation, en 1991. L’Algérie allait plonger dans le cauchemar d’une décennie de sang ; lui, le cœur toujours de l’autre côté de la Méditerranée, marchait au coude à coude avec les siens, porte-voix malgré lui d’un refus radical de l’obscurantisme. En marge du monde du show-business, Idir était homme à prendre son temps. En 1999, puis en 2007, ses albums « Identités » et « La France des couleurs » rencontrèrent un large public. Il s’y faisait le chantre du métissage, de l’hybridité, du partage, donnant corps à une communauté d’artistes invités à tramer avec lui des duos tirés au cordeau. Manu Chao, Zebda, Maxime Le Forestier, Gnawa Diffusion, Paco El Lobo, Tiken Jah Fakoly, Gilles Servat, Karen Matheson et bien d’autres se prêtèrent au jeu. Dix ans plus tard, il mêlait encore sa voix à celles d’Aznavour, Cabrel, Chedid ou Lavilliers pour célébrer la chanson française

Pour la génération qui a grandi avec ses chansons, il était devenu une légende. Mustapha Amokrane, du groupe Zebda, se souvient avoir failli chavirer d’émotion en partageant pour la première fois avec lui la scène de la Cigale, à Paris, à la fin des années 1990. « Quelques années auparavant, nous avions repris avec le collectif 100 % collègues certaines de ses chansons devant des publics de punks déchaînés, torses nus. On leur chantait des berceuses kabyles, et ça les transportait, c’était fou », raconte-t-il. Le Toulousain décrit un artiste « plein d’humour, d’une grande érudition, musicale, politique, historique », ravi de voir réinterprété son patrimoine musical.

Il rêvait son pays au pluriel

Discret, doux, attachant, le musicien était un homme de conviction et d’engagement. Il déclinait rarement une invitation à offrir ses mots, ses mélodies à une juste cause. Depuis le printemps 1980 et la répression du premier printemps berbère, jamais son soutien ne fit défaut aux prisonniers politiques, à ceux qui luttent pour la démocratie, la liberté, la justice sociale, la reconnaissance de leur singularité culturelle. Il n’était pas dans l’incandescente insurrection d’un Matoub Lounès ; ces deux-là partageaient pourtant les mêmes combats. « Je préfère élever la voix sans hausser le ton », disait-il simplement, lui qui aimait à peser ses mots. Idir aura attendu trente-huit ans pour se produire à nouveau en Algérie, en 2018, à l’occasion de Yennayer, le nouvel an berbère. Sans autre nationalité, il se sentait profondément algérien ; habité par l’amour de sa langue et de sa terre natale, il rêvait son pays pluriel, ouvert au monde et à lui-même.

« Cet homme de rencontre et de partage a su faire entrer des gens de tous les horizons dans son imaginaire »

« Tout en puisant dans la tradition kabyle, il a ouvert la musique algérienne à la modernité, à l’universel. Avec lui s’est opérée une césure. Sans connaître sa langue, un vaste public a littéralement ressenti ses chansons, empreintes d’émotion. Cet homme de rencontre et de partage a su faire entrer des gens de tous les horizons dans son imaginaire. Mais il n’avait rien de naïf : ses choix esthétiques tenaient à des choix politiques assumés », analyse aujourd’hui l’historienne Naïma Yahi, spécialiste des musiques d’Afrique du nord.

Alors qu’une fibrose pulmonaire lui coupait déjà le souffle, il disait, l’an dernier, avoir trouvé une « bouffée d’oxygène » et des « instants de grâce » dans le soulèvement de son peuple. « J’ai tout aimé dans ces manifestations : l’intelligence de cette jeunesse, son humour, sa détermination à rester pacifique », confiait-il. Fils et petit-fils de poétesses écoutées bien au-delà de leur contrée, cet aède kabyle a su embrasser l’universel. Ses mélodies se fredonnent aujourd’hui partout, comme un legs au monde.

Idir : "Il était une grande voix du monde" (Pierre Dharréville)

Élégante et raffinée la voix d’Idir s’est tue. Il était une grande voix du monde, une grande voix de l’Algérie, une grande voix de la Kabylie, une grande voix de la France.

La chanson perd un de ses beaux poètes. Idir a été un militant du bonheur et de la justice en Algérie et en France, ses deux terres d’attache. Il a éminemment participé de la connaissance des musique berbères si proches des sonorités celtes et a ainsi témoigné de l’universalité de la musique, qui rapproche les peuples et nourrit la compréhension mutuelle. Il aimait chanter avec d’autres, pour que les mots soient partagés. Idir était un artiste courageux et libre, humble et fédérateur. Dans la douceur de ses mélopées on prenait confiance en l’humanité. Nous adressons à sa famille et ses proches nos condoléances émues, celles des communistes français.

Pierre Dharréville
Député - 13ème circonscription des Bouches-du-Rhône
Délégué du PCF à la culture
 
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3 mai 2020 7 03 /05 /mai /2020 06:37
Les associations de parents d'élèves des écoles publiques de Morlaix demandent la mise en place de conseils d'école pour définir les conditions de réouverture des écoles

"Par courrier adressé au maire, les associations de parents d’élèves des écoles publiques de Morlaix demandent la mise en place de conseils d’école pour définir les conditions de réouverture des établissements. «… Pour traiter au mieux l’ensemble des questions relatives à l’organisation de la réouverture des écoles primaires et maternelles, nous souhaiterions que la mairie associe les parents des enfants des écoles publiques morlaisiennes, par le biais des conseils d’école. Cette instance, qui réunit les enseignants, les parents et le personnel communal, nous paraît la plus appropriée, pourrait y être associés la PMI et les infirmiers et infirmières scolaires. Nous pensons que cette concertation, assurée en respect des mesures de confinement, permettrait de garantir la prise en compte de l’ensemble des aspects de cette reprise particulière et serait à même de garantir la sécurité de nos enfants, du personnel municipal, du personnel enseignant, de nos familles et de la collectivité… »"

Le Télégramme, 2 mai 2020

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3 mai 2020 7 03 /05 /mai /2020 06:23
communiqué du SNUipp-FSU 29 (2 mai 2020)  : "rentrée" des classes du 12 mai:  stop au mensonge!

Voici un communiqué de presse important du SNUipp-FSU 29, syndicat majoritaire dans le premier degré nationalement et dans le Finistère,  sur les conditions de la rentrée des classes imposée au 12 mai.

Communiqué du SNUipp-FSU 29 : stop au mensonge.

2 mai 2020

La reprise de l’école devrait être une bonne nouvelle, elle devait signifier la fin de la phase aiguë de
la crise sanitaire. Elle était attendue par toutes et tous.
La date du 12 mai a été annoncée de façon unilatérale, contre même l’avis du conseil scientifique,
de l’OMS… Partout les directions d'école et les équipes tentent de l’organiser, alors même que
pour l’heure, rien n’est très clair entre les discours au sommet de l’État et les déclinaisons que
cherche à poser le recteur. Dans certaines communes, les mairies n’ont pas encore pris contact avec
les directeurs et directrices qui naviguent à vue, alors même que la responsabilité de cette reprise
leur incombe.
Le protocole sanitaire nous oblige à faire respecter les gestes barrières et le respect du mètre de
distance entre les enfants. Si nous devons adapter l’accueil dans une perspective de crise durable,
nous exigeons qu’un discours de vérité soit tenu aux enseignants et aux familles. Exiger d’enfants
de rester à 1 mètre les uns des autres, de ne pas utiliser les jeux de classe, de rester sans bouger,
induit une maltraitance contraire aux droits de l’enfant. C’est aller contre leur nature même. Ça sera
une école sans que le maître ou la maîtresse puisse consoler un chagrin, sans que l’AVS d’un élève
puisse l’aider à organiser son travail, sans secret glissé à l’oreille, sans échange de carte de jeu, sans
jeu de ballon sur la cour, … Ce n’est pas tenable.
En l’absence de la possibilité d’assurer la santé et la sécurité de tous, le SNUipp-FSU 29 demande
de reporter cette rentrée afin de laisser à chaque équipe la possibilité de la préparer correctement.
Dans la précipitation actuelle, le protocole de reprise ne pourra être respecté à 100% en ce qui
concerne les gestes barrières et la distanciation.
Donner la responsabilité d’une éventuelle contamination à un enseignant qui ne pourra pas respecter
un protocole intenable, procure un malaise extrême dans notre profession. Si les gestes barrières
étaient suffisants nous n'aurions pas eu besoin de nous confiner pendant 2 mois .
En imposant une rentrée mal préparée et dans un délai contraint, les autorités devront prendre la
responsabilité de l’impossibilité du respect de l’ensemble des gestes barrières induite par une
reprise des cours. Nous voulons un discours de vérité pour assurer les personnels de la prise en
charge des responsabilités de l'Etat, que le protocole sanitaire ne soit pas un parapluie qui décharge
son concepteur au détriment du personnel. L'état doit prendre des engagements vis à vis de notre
protection et nous assurer de son entière responsabilité.
Le SNUipp-FSU au niveau national a pris soin de déposer une alerte sociale à compter du 11 mai et,
afin d’éviter tout retour précipité, il accompagnera les enseignants et enseignantes sur les modalités
d’usage du droit de retrait et du droit d’alerte.

 

Sabrina Manuel, secrétaire départementale SNUipp-FSU 29

et Antoine Gauchard

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3 mai 2020 7 03 /05 /mai /2020 05:57

À 10 jours du déconfinement, que pensez des mesures gouvernementales ? En direct de l’hôpital de Creil avec Loïc Pen, médecin urgentiste, responsable départemental de la CGT, le point sanitaire et l’état d’esprit des soignants au lendemain du 1er mai.

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3 mai 2020 7 03 /05 /mai /2020 05:53

Tournons la page de 40 années de destruction des services publics et hôpitaux.

Les jours d'après doivent être sociaux, écologiques et solidaires !

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3 mai 2020 7 03 /05 /mai /2020 05:29

 

Jean-François Bolzinger est directeur de la revue Progressistes

 

Le XXIe siècle connait une crise planétaire majeure avec la pandémie du COVID 19. Adepte de la stratégie du choc, le néolibéralisme utilise chaque crise pour tenter d’élargir son champ d’exploitation et de domination.

 

Légalisation de l’exceptionnel

Lors de chaque sortie de crise, il cherche à transformer les décisions exceptionnelles ou temporaires en mesures ordinaires et permanentes. Le 11 septembre 2001 ainsi que les attentats de ces dernières années lui ont servi à généraliser les aspects antiterroristes dans sa politique, à militariser la police, à réduire les libertés individuelles et réprimer des manifestations hostiles. La crise financière et économique de 2008 lui a servi à pousser plus avant la domination de la finance et le financement, par les peuples et les collectivités publiques, du développement des marchés financiers et de l’enrichissement des 1 % qui constituent les classes dominantes aujourd’hui.

La pandémie du COVID 19 est un drame planétaire. En Occident, des systèmes de santé performants ont été détruits pour faire la part belle à la gestion privée. Ceci a créé une situation d’impréparation gigantesque à une pandémie largement annoncée. Les propos de Bill Gates lors de sa conférence Ted en 2015 sur les risques majeurs de pandémie et sur le niveau d’impréparation pour y faire face sont rétrospectivement vertigineux par leur précision.

Contrairement aux chocs et crises précédentes, cette crise sanitaire et économique arrive à un moment où les contestations et les alertes se sont multipliées sur la planète. Sur tous les continents, des populations souvent les plus jeunes rejettent les inégalités, l’autoritarisme et la corruption. Du Chili au Liban, de l’Algérie aux États-Unis, de l’Australie à la France… Partout le néolibéralisme est acculé sur les questions sociales et écologiques, climatiques, féministes, démocratiques…

Les cultures, les situations environnementales, les rapports de force politiques, économiques et sociaux, partout différents, vont peser lourd dans la suite.

 

Etatisme autoritaire de marché

La spécificité de la France tient au fait que contrairement à la plupart des pays, les luttes ont dépassé la société civile et ont mobilisé le monde du travail. Depuis 2016, les différentes composantes du mouvement social se relaient, se conjuguent sur le terrain et sur le net. Loi El Khomri (en fait déjà une loi Macron), deuxième loi travail, mouvement des cheminots en 2018 suivi du mouvement des gilets jaunes puis du mouvement syndical sur les retraites… Ces mobilisations peuvent être considérées comme des éléments d’un processus révolutionnaire.

La présidence d’Emmanuel Macron incarne parfaitement l’étatisme autoritaire de marché, forme de pouvoir que s’est donné le néolibéralisme qui ne fait plus cas de la démocratie ni de l’État de droit. Parlement, corps intermédiaires, justice n’ont plus droit de cité ; une bonne illustration en est aussi la réforme territoriale actuelle et le rôle des préfets. Les forces de l’ordre- armée, police- et la communication sont les seuls outils du pouvoir central tout entier au service de la classe dominante. L’exemple des Etats-Unis est encore plus frappant. Peu importe la vérité des faits et des actes de Trump, seul prévaut le rapport de force politique qui sert ceux qui pilotent les marchés financiers.

 

Société civile et monde du travail

Le mouvement social en France a montré des atouts et certaines limites encore à lever. Le mouvement des gilets jaunes, par manque de conscience politique sur la réalité du néolibéralisme, s’est certes soldé par des primes et des aides fiscales ne transformant pas fondamentalement le système salarial et social. Ceci-dit, la nouveauté des formes d’action et de vie démocratique, l’utilisation du numérique, le renouvellement permanent des porte-parole, l’ancrage territorial… ont émergé des profondeurs du pays autour d’un contenu d’exigence de hausse du pouvoir d’achat, de lutte contre la désertification rurale, de nécessité de service public de proximité, de refus des inégalités, d’un désir de mieux vivre et d’être respecté.

Les mouvements syndicaux dans la santé, chez les cheminots et pour les retraites ont été soutenu par les deux tiers de la population. Là encore la détermination et l’innovation dans les formes d’action et la bataille d’idées ont marqué les esprits : nouveauté des formes de grève, progrès dans l’appréhension du numérique pour impliquer l’opinion publique, recherche d’initiatives efficaces et symboliques de la réalité de travail : dépôt de blouses blanche chez les soignants, de codes du travail chez les inspecteurs du travail, de robes d’avocats, démissions administratives de centaines de médecins hospitaliers…

Un obstacle à lever est la mobilisation dans le secteur privé au-delà des cercles syndiqués. Au chantage à l’emploi s’ajoute la question de l’impact de la grève, c’est-à-dire du non-travail pour une majorité de salariés fonctionnant aux objectifs plus qu’au temps décompté. Le caractère de masse nécessaire pour des luttes efficaces suppose un niveau de bataille d’idées beaucoup plus conséquent. Ceci renvoie à l’absence actuel de débat, d’intervention, d’activité politique dans le travail et l’entreprise.

La politique ne peut être réduite à la gestion du secteur public (20 % de la population active) et à un discours macro-économique extérieur sur les entreprises privées, laissant ces dernières sous l’entier contrôle du patronat. L’intérêt général les concerne pourtant totalement. Le développement de l’intervention dans le secteur privé s’avère décisive.

 

S’attaquer au mode de gestion néolibéral

Le « Wall Street Management » est le support de fonctionnement des entreprises, porté par le néolibéralisme. Issu de la logique privée, il s’est diffusé ensuite dans le secteur public et la gestion de toute la société. Cherchant à tayloriser la part intellectuelle du travail, il s’appuie sur la fixation d’objectifs individuels quantitatifs et de court-terme liés au seul résultat financier, faisant fi du professionnalisme, du travail bien fait.

Ce Wall Street Management englobe les organisations du travail à flux tendu, les stocks zéro, la sous-traitance en cascade, le remplacement de la prévention des risques par la gestion des risques au nom de l’optimisation financière. Il est l’outil de la politique de baisse forcenée du prix du travail. Ce mode d’organisation des entreprises et de la société, conduit à des drames humains considérables tels les suicides au travail, à des accidents graves tel AZF, à des désastres écologiques et des gâchis économiques.

Ayant développé ce mode de gestion dans toutes les sphères de la société et notamment dans le secteur de la santé, le néolibéralisme est rattrapé par la pandémie actuelle qui dévoile son caractère nocif de la manière la plus dramatique. En quelques années le néolibéralisme a mis à mal les systèmes de santé de nombre de pays. En France, Il a détruit 100 000 lits en 20 ans, orchestré le manque de moyens humains et matériels (masques, tests, respirateurs…), provoqué l’arrêt des recherches sur les vaccins, cassé les chaînes de production de médicaments, amenant une perte de souveraineté criante. La désindustrialisation du pays se paye ici au prix fort.

Les mesures de sauve-qui-peut que le gouvernement est obligé de prendre dans la lutte contre la pandémie démentent son propre discours refusant de considérer la santé comme un bien public. Chacun selon lui est détenteur d’un capital santé dont il est le seul responsable. Cette idéologie qui fonde le démantèlement programmé de la sécurité sociale montre ici son inanité.

 

Le néolibéralisme rattrapé par la pandémie

La puissance des mouvements sociaux qui ont précédé l’épidémie en France – notamment dans la dernière année le mouvement sur les retraites pour une protection sociale solidaire, ainsi que le gigantesque mouvement dans la santé – font que le confinement n’a pas arrêté le processus de contestation, de recherche de solidarité et d’alternative.

La défiance et le discrédit envers le pouvoir et les principaux médias se sont au contraire accentués. Des initiatives de solidarité et de fraternité se sont développées dans le combat même contre la pandémie. L’utilisation du numérique à d’autres fins que la logique marchande a marqué des points. Les informations syndicales sur les droits et la protection des travailleurs ont empli les réseaux sociaux. Les innovations de plates-formes et logiciels numériques coopératifs ont explosé.

Du lien social se crée en plein confinement. Les échanges transversaux permis par le numérique explosent. Les réflexions et propositions pour « l’après » se multiplient. L’expérience du télétravail, heureuse découverte pour les uns et enfer pour les autres, bouleverse la manière de travailler pour beaucoup.

La mobilisation pour les soignants a battu son plein. Les actes d’entraide se sont multipliés augurant d’autres valeurs que celle de l’incurie néolibérale.

L’appel puis la pétition d’organisations syndicales et sociétales comme la CGT, la FSU, Solidaires, Oxfam, ATTAC…, se positionnant « pour que le jour d’après soit en rupture avec le désordre néolibéral », marque une volonté unitaire de ne pas laisser les tenants du néolibéralisme imprimer leurs réponses économiques et financières comme sortie de crise.

Dans l’urgence de trouver des solutions au drame de la pandémie se jouent, pendant le confinement même, des batailles importantes pour la suite : financement de l’hôpital par appel au don ou par le financement public, limitation du travail aux activités essentielles ou pas, priorité à la protection des travailleurs ou à l’économie….

 

Retour du lien social

Le retour de l’humain est aujourd’hui manifeste, les démarches citoyennes articulées autour du « produire et consommer autrement », de la défense du service public, des problématiques environnementales et sociales trouvent dans la crise encore plus de consistance avec la convivialité et les initiatives de proximité qui se développent.

Le manque d’alternative politique apparaît au grand jour. Rien ne serait pire que d’en rester à des dénonciations ou stigmatisations de quelques dirigeants ou à des appels incantatoires, des vœux pieux de changement. Il n’y a aucune automaticité au changement de société quelle que soit la violence de la crise. Seule l’action humaine est décisive. C’est elle qui fait l’histoire.

La façon dont le pouvoir gère la crise sanitaire tient compte de deux aspects :

– gérer au mieux la casse consécutive à la non-préparation à une telle pandémie, sa difficulté étant que son arme favorite qu’est la communication se heurte au réel de la crise sanitaire ;

– anticiper la crise économique à venir en programmant un déchaînement ultralibéral et une surexploitation forcenée appuyée sur le chantage à l’emploi et aux fermetures d’entreprises.

C’est parce que le pouvoir est conscient du potentiel de contestation et de changement existant qu’il accentue, dans la gestion de la crise, les marqueurs libéraux de sa politique : état de guerre, restriction des libertés et des droits, lancement d’une étude par la caisse des dépôts et consignation sur la privatisation du système de santé, mise en cause des RTT et des congés payés…

Dans la sortie de la crise sanitaire, les rapports de force développés avant et pendant la crise sont les meilleurs atouts pour forcer à tirer les enseignements en gagnant des débats et interventions publiques visant la réorientation des choix structurants du pays. Le sentiment que « ça ne peut plus durer comme ça » et qu’il faut modifier notre rapport au monde est largement répandu.

Une lucidité collective s’est construite sur l’importance du système de santé et de l’hôpital public ; elle est montée sur l’enjeu du service public en général. L’enjeu de souveraineté en matière de production industrielle est apparu au grand jour avec les carences de matériel ou de médicaments liés aux délocalisations. L’idée d’un investissement conséquent dans la recherche, d’une industrie écologique dont le pays ait la maîtrise, fait son chemin.

Des axes de conquête sont aussi à promouvoir notamment en termes de droits démocratiques. Le droit d’alerte sans sanction, garanti collectivement est une donnée importante pour la suite. L’exercice de ce droit se montre précieux pendant la pandémie pour la protection des travailleurs.

 

La guerre sociale et écologique est devant nous

Retourner la stratégie du choc contre le capital est possible dans la mesure où le rapport de forces social et sociétal poursuit son développement en lui disputant la sortie de crise. Cela se joue à partir du terrain, dans la vie civile comme dans la vie de travail, avec la construction de perspectives pour notre pays, pour l’Europe et pour la planète.

Il est paradoxal que l’Union Européenne justifiée au départ comme le moyen d’éviter la guerre montre aujourd’hui ses limites face à la mort. Le néolibéralisme l’a éloignée d’une Europe de nations solidaires qu’attendent les peuples.

Chacun sait que d’autres crises sont devant nous. La déréglementation climatique est lourde de dangers. Citons par exemple le dégel du permafrost qui peut libérer de nouveaux virus.

Comme les syndicats et associations, le monde politique est attendu sur ses actes unitaires et de transformation pour nourrir une mobilisation, un réveil citoyen et du monde du travail d’ampleur dès la sortie du confinement.

En développant une plate-forme numérique d’échanges sur « sciences, travail, environnement » complémentaire à sa production papier, la revue Progressistes entend apporter sa contribution au développement d’une telle dynamique.

Le défi écologique oblige à se poser différemment les questions, le féminisme également, mais nul changement profond ne s’opèrera sans que le mode d’exploitation et de domination ne soit extirpé à sa racine, dès l’acte de travail.

Impossible encore hier, des échanges et rassemblements des salariés sur et au plus près du lieu de travail, autour des enjeux politiques liés à leur travail et leurs entreprises sont aujourd’hui possible. La sortie du confinement est une invitation à ce que les salariés reprennent la main sur leur travail et leur outil de travail, sur les orientations stratégiques de leurs entreprises et administrations, en liaison avec les usagers, les consommateurs et les populations.

Au-delà des initiatives nationales et locales de la société civile, cette politisation des enjeux du travail est sans doute une clé pour enclencher des dynamiques unitaires solides de renouveau d’une gauche transformatrice de la société.

 

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