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25 octobre 2016 2 25 /10 /octobre /2016 06:39
Avec Poisson, l’extrême droite s’incruste dans la primaire de la droite
24 OCTOBRE 2016 | PAR ELLEN SALVI

Accusé d’antisémitisme, Jean-Frédéric Poisson pourrait être exclu de la primaire de la droite et du centre. Le président du Parti chrétien-démocrate ne dit rien des relations qu’il entretient avec de nombreuses personnalités issues de l’extrême droite, aux côtés desquelles il prône l’«union des droites».

 

Le  9 septembre, jour du dépôt des candidatures à la primaire de la droite et du centre, Jean-Frédéric Poisson postait sur Twitter une photo de lui et d’Anne Levade, la présidente de la Haute Autorité de la primaire (HAP). « Candidature déposée et validée. Je serai le seul candidat non #LR à ce scrutin pour une parole libre », s’enorgueillissait alors le député des Yvelines, fort de son étiquette du Parti chrétien-démocrate (PCD, fondé par Christine Boutin), qui le dispensait de recueillir les parrainages nécessaires pour pouvoir se présenter au scrutin de novembre.

Quelques semaines plus tard, le candidat est en train de déchanter. Et surtout de comprendre que son étiquette n’a pas valeur d’immunité. En déclarant le 19 octobre, dans les colonnes de Nice-Matin, que « la proximité de [la candidate à la présidence américaine Hillary] Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France », le président du PCD s’est heurté aux limites de sa « liberté d’expression », s’attirant les foudres du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et de plusieurs de ses adversaires à la primaire.

Dans les équipes des différents candidats, tout le monde a condamné les propos du député des Yvelines. Vendredi 21 octobre, Nathalie Kosciusko-Morizet a même saisi la HAP, en insistant sur le fait qu’ils n’étaient « ni dignes ni compatibles » avec les valeurs de la droite et du centre que les sept prétendants se sont engagés à respecter en signant la charte de la primaire. La HAP se réunira mercredi 26 octobre pour statuer si oui ou non Jean-Frédéric Poisson doit être exclu du processus. La veille, se tiendra également une réunion du comité d’organisation de la primaire, autour du même sujet.

L’ordonnateur du scrutin, Thierry Solère, n’a pas attendu mardi pour dire tout le mal qu’il pense de la sortie du président du PCD. Pour lui, les choses sont claires : le candidat doit explicitement regretter ses propos et non pas seulement leur interprétation, comme il l’a fait vendredi dans un communiqué et une lettre adressée au CRIF. « Il doit absolument clarifier sa ligne, confie le député de Boulogne à Mediapart. Je l’avais déjà mis en garde sur un certain nombre de marqueurs : l’antisémitisme, le droit à l’avortement ou encore les alliances avec le FN. » Autant de points sur lesquels, à l’en croire, LR ne transigera pas.

Le 9 septembre, jour du dépôt des candidatures à la primaire de la droite et du centre, Jean-Frédéric Poisson postait sur Twitter une photo de lui et d’Anne Levade, la présidente de la Haute Autorité de la primaire (HAP). « Candidature déposée et validée. Je serai le seul candidat non #LR à ce scrutin pour une parole libre », s’enorgueillissait alors le député des Yvelines, fort de son étiquette du Parti chrétien-démocrate (PCD, fondé par Christine Boutin), qui le dispensait de recueillir les parrainages nécessaires pour pouvoir se présenter au scrutin de novembre.

Quelques semaines plus tard, le candidat est en train de déchanter. Et surtout de comprendre que son étiquette n’a pas valeur d’immunité. En déclarant le 19 octobre, dans les colonnes de Nice-Matin, que « la proximité de [la candidate à la présidence américaine Hillary] Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France », le président du PCD s’est heurté aux limites de sa « liberté d’expression », s’attirant les foudres du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et de plusieurs de ses adversaires à la primaire.

Dans les équipes des différents candidats, tout le monde a condamné les propos du député des Yvelines. Vendredi 21 octobre, Nathalie Kosciusko-Morizet a même saisi la HAP, en insistant sur le fait qu’ils n’étaient « ni dignes ni compatibles » avec les valeurs de la droite et du centre que les sept prétendants se sont engagés à respecter en signant la charte de la primaire. La HAP se réunira mercredi 26 octobre pour statuer si oui ou non Jean-Frédéric Poisson doit être exclu du processus. La veille, se tiendra également une réunion du comité d’organisation de la primaire, autour du même sujet.

L’ordonnateur du scrutin, Thierry Solère, n’a pas attendu mardi pour dire tout le mal qu’il pense de la sortie du président du PCD. Pour lui, les choses sont claires : le candidat doit explicitement regretter ses propos et non pas seulement leur interprétation, comme il l’a fait vendredi dans un communiqué et une lettre adressée au CRIF. « Il doit absolument clarifier sa ligne, confie le député de Boulogne à Mediapart. Je l’avais déjà mis en garde sur un certain nombre de marqueurs : l’antisémitisme, le droit à l’avortement ou encore les alliances avec le FN. » Autant de points sur lesquels, à l’en croire, LR ne transigera pas.

En attendant que les deux entités de la primaire se prononcent, le député des Yvelines a demandé par courrier, adressé ce lundi 24 octobre au comité d’organisation de la primaire, d’être entendu par celui-ci. « Je suis effondré de devoir préciser publiquement toute l’abjection que suscitent en moi l’antisémitisme et l’antisionisme », écrit-il, avant de préciser un peu plus loin : « Je veux redire clairement mon attachement au respect des valeurs qui nous rassemblent, sans aucune ambiguïté. Cet attachement explique ma présence au sein de la primaire. Il est également la raison pour laquelle je m’interdis absolument d’inviter quiconque à venir y voter lorsqu’il ne les partagerait pas. »

Il n’est pas innocent que Jean-Frédéric Poisson ait été alerté sur les trois marqueurs cités par Solère. Car si certaines de ses prises de position ont parfois agréablement surpris – comme son opposition argumentée à la loi sur le renseignement ou à la prolongation de l’état d’urgence –, le député n’en demeure pas moins l’un des plus radicaux du groupe LR (ex-UMP) à l’Assemblée nationale. « Lorsque je m’oppose à l’union civile, lorsque je ne reconnais pas l’IVG comme un droit fondamental (avec 6 autres députés seulement), lorsque je dépose une proposition de loi pour que les racines chrétiennes soient inscrites dans la Constitution… […] Je ne demande aucune autorisation », confiait-il à Valeurs actuelles, fin mai.

Il en est de même en matière diplomatique. Lorsqu’il part rencontrer à deux reprises Bachar al-Assad à Damas (Syrie) à l’initiative de l’association SOS Chrétiens d’Orient – qui se présente comme apolitique, mais compte dans ses rangs nombre de figures issues de l’extrême droite –, le président du PCD ne demande la permission à personne. Pas plus qu’il ne prévient le Quai d’Orsay lorsqu’il se rend à Tripoli (Libye), en juillet 2015, à l’invitation du gouvernement non reconnu par la communauté internationale.

C’est dans le même esprit d’« indépendance » qu’il a participé, fin mai, au premier “Rendez-vous de Béziers” organisé par Robert Ménard, en compagnie de tout le gratin des droites extrêmes françaises, comme l’élue frontiste Marion Maréchal-Le Pen ou encore Renaud Camus et Jean-Yves Le Gallou, théoriciens respectifs du “grand remplacement” et du concept de préférence nationale. « Nos électeurs […] sont las du politiquement correct et de la langue de bois. Ils attendent une refonte de la pensée politique de droite et de son expression électorale, se justifiait-il à l’époque dans Valeurs actuelles. Les “Rendez-vous de Béziers” sont une séquence qui, par leur caractère public, vont rendre visible cette volonté de refondation. »

De fait, l’événement a ajouté une pierre de plus à l’édifice d’« union des droites » que tentent de construire depuis plusieurs mois des personnalités issues de la droite et de l’extrême droite. Parmi elles, on retrouve donc le maire de Béziers et la députée frontiste du Vaucluse, mais aussi l’ancien UMP Charles Beigbeder et l’ex-ministre UDF Charles Million – tous deux fondateurs du « réseau collaboratif d’action politique » L’Avant-Garde, qui plaide pour une alliance électorale entre LR et le FN ; le président du RPF Christian Vanneste ; le patron de Souveraineté, identités et libertés (SIEL) – un parti associé au FN – Karim Ouchikh et bien sûr… Jean-Frédéric Poisson.

« Boutin ne voulait pas entendre parler du FN, avec lui les relations sont plus simples »

Tout ce petit monde a commencé à se côtoyer en 2013 au sein des cortèges de La Manif pour tous. Ensemble, ils ont marché, discuté, échangé. Avec le temps, ils ont fini par s’apprécier. Et par ne plus se quitter. Rien d’étonnant donc à apercevoir Karim Ouchikh dans le public du premier débat de la primaire, le 13 octobre.« L’union des droites patriotes est en marche ! » a même tweeté le président du SIEL, dont le parti soutient officiellement le candidat du PCD. « Jean-Frédéric Poisson a été le seul à porter haut et fort un discours eurosceptique, s’est-il également félicité dans Le Figaro. Je l'imagine bien appeler à voter Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. 

On retrouve cette droite autoproclamée« hors les murs » dans la pétition lancée récemment sur Internet par le collectif Vos Couleurs. Fondé par quatre anciens militants de La Manif pour tous, ce collectif appelle lui aussi à l’« union des droites ». « Ça va dans le bon sens, je soutiens la dynamique », a indiqué à ce propos le député des Yvelines dans Valeurs actuelles, sans préciser s’il avait signé le texte. De façon plus générale, le président du PCD est aussi le favori des sites de la réacosphère (Boulevard Voltaire, Nouvelles de France, Salon beige…). Ses déclarations sur les « lobbies sionistes » lui ont même valu le soutien plus récent du site d’Alain Soral, Égalité et réconciliation.

Le fondateur du SIEL, Paul-Marie Coûteaux, soutient lui aussi la candidature de Poisson qu’il « apprécie beaucoup ». Et à l’écouter, il est loin d’être le seul. « Une partie de l’entourage de Marion Maréchal-Le Pen ira voter pour lui à la primaire, explique-t-il à Mediapart. Ce n’est pas un vote dissident puisque ça peut affaiblir le candidat qui se retrouvera face à Marine Le Pen en 2017. » Cheville ouvrière du courant « national-républicain », l’ancien eurodéputé estime que le président du PCD est beaucoup « plus ouvert » que celle qu’il a remplacée à la tête du parti en novembre 2013. « Christine Boutin ne voulait pas entendre parler du FN, avec lui les relations sont plus simples. »

Plus simples, mais aussi plus récurrentes. Après le “Rendez-vous de Béziers”, Jean-Frédéric Poisson s’est de nouveau rendu à Béziers mi-septembre, à l’invitation de Robert Ménard, pour présenter son livre Notre sang vaut moins cher que leur pétrole (Éd. du Rocher). Le 12 décembre prochain, le député des Yvelines retrouvera encore le maire de Béziers pour un meeting commun à La Mutualité, à Paris. Seront également présents d’autres partisans de l’« union des droites », comme Charles Beigbeder, Karim Ouchikh, Christian Vanneste, mais aussi Patrick Louis, le secrétaire général du Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers.

Le fondateur du MPF a d’ailleurs lui aussi affiché sa sympathie pour le président du PCD à maintes reprises. « J’ai de l’estime pour [lui], c’est vraiment quelqu’un de très bien qui a une pensée juste et des convictions », déclarait-il en juin au magazine France, « le petit nouveau dans la famille des médias patriotes. » « J’ai une sympathie humaine et politique pour Jean-Frédéric Poisson. Sur le plan de l’identité, de la souveraineté, de la politique étrangère, il est sur une ligne largement compatible », affirmait également Marion Maréchal-Le Pen sur France 2, le même mois.

Une sympathie réciproque si l’on en croit le principal intéressé, qui a encore affirmé, ce lundi 24 octobre sur France Info, se sentir « plus proche sur certains sujets » de la députée FN du Vaucluse que de Nathalie Kosciusko-Morizet. Estimant que « le FN a changé » et qu’il « doit être considéré comme un parti comme les autres », le patron du PCD veut « en finir avec ce cordon sanitaire qui n’a ni sens ni raison d’être » autour du Front national. « S’il faut choisir entre un candidat PS malhonnête et un candidat FN honnête, je choisirais le candidat FN », affirmait-il à Valeurs actuelles, mi-octobre, expliquant sans ambages que s’il avait « été électeur à Béziers en 2014, [il aurait] voté pour Robert Ménard », « un homme courageux ».

Dans le Sud, le député des Yvelines peut aussi compter sur le soutien du député et maire d’Orange Jacques Bompard, fondateur du parti d’extrême droite Ligue du Sud. « Dans ma ville, j’encourage tout le monde à voter pour lui à la primaire, confie cet ancien frontiste à Mediapart. C’est le candidat qui me paraît être le plus proche des idées que je défends. » Là encore, la réciproque est vraie, puisque Jean-Frédéric Poisson n’a pas hésité à soutenir publiquement, le 6 septembre, Marie-Claude Bompard, maire Ligue du Sud de Bollène et épouse de l’édile d’Orange.

ommé par LR de clarifier sa ligne et ses relations avec le FN, sous peine d’exclusion de la primaire, le patron du PCD reçoit depuis quelques jours de nombreux messages d’encouragement de ses collègues de la « droite hors les murs ». « Que l’on soit d’accord ou non avec les propos de @jfpoisson78, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait plus concourir la #Primaire2016 [sic] » a par exemple tweeté Charles Beigbeder.« L’incroyable cabale des hommes du passé contre @jfpoisson78 qui bouscule la bienpensance au sein de la droite dite “républicaine” », a également commenté sur le réseau social l’avocat Frédéric Pichon, vice-président du SIEL. « Bravo la démocratie ! » ajoute Bompard auprès de Mediapart.

Du côté de la rue de Vaugirard, le casse-tête Poisson commence à en agacer plus d’un. Chez les juppéistes, beaucoup souhaitent que le problème soit rapidement réglé, afin qu’il n’entache pas la primaire au point d’en dégoûter les éventuels électeurs. Quant aux sarkozystes, eux aussi condamnent les propos du candidat PCD, mais ne se risquent pas, pour l’heure, à réclamer une exclusion, laquelle bénéficierait pourtant à l’ex-chef de l’État. Ce dernier ne s’est d’ailleurs pas encore exprimé officiellement sur le sujet. En tout état de cause, il lui serait difficile d’aller trop en avant dans l’attaque, lui qui veut justement s’attirer les faveurs de cet électorat de droite qui a cédé aux sirènes du FN.

Cette discrétion est d’autant plus criante que dans le même temps 165 élus, soutiens de Nicolas Sarkozy, ont signé une tribune dans le JDD contre « le retour opportuniste de François Bayrou [le président du MoDem, parti avec lequel plusieurs signataires dudit texte, comme Christian Estrosi, Philippe Richert ou encore Gérald Darmanin ont pourtant fait campagne pour les régionales de décembre 2015 – ndlr] dans la primaire de la droite et du centre », retour qu’ils qualifient de « signe annonciateur de cette compromission idéologique ». En matière de « compromission idéologique », celle de Jean-Frédéric Poisson avec l’extrême droite ne semble en revanche guère les émouvoir.

 

 

 

 

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25 octobre 2016 2 25 /10 /octobre /2016 06:25
1946 : le statut général des fonctionnaires, un « socle progressiste »
Histoire
ANICET LE PORS ANCIEN MINISTRE, CONSEILLER D’ÉTAT HONORAIRE
VENDREDI, 21 OCTOBRE, 2016
L'HUMANITÉ
 
À partir de 1946, plus d’un million d’agents publics de l’État, comme ici, aux PTT, ont acquis le statut de fonctionnaires protégés par la loi. Photo : M. Zalewski/Adoc-Photos

À partir de 1946, plus d’un million d’agents publics de l’État, comme ici, aux PTT, ont acquis le statut de fonctionnaires protégés par la loi. Photo : M. Zalewski/Adoc-Photos

Issue du mouvement de progrès social impulsé par la Résistance, une loi sera promulguée le 19 octobre 1946. Contrairement au système hiérarchique en vigueur, les agents publics de l’État sont considérés comme fonctionnaires, protégés par un statut.

Le 5 octobre 1946, la deuxième Assemblée ­nationale constituante examine son dernier projet de loi avant le référendum sur la Constitution de la IVe République. Il s’en est fallu de peu que ce texte relatif au statut général des fonctionnaires ne puisse venir en discussion avant la fin de la session ; un ultime accord entre le président du gouvernement provisoire, Georges Bidault, et le vice-président du Conseil, chargé de la fonction publique, Maurice Thorez, également secrétaire général du Parti communiste français, a tranché d’âpres débats qui n’en finissaient pas. En quatre heures, sans discussion générale, les 145 articles du texte sont votés à l’unanimité. Plus d’un million d’agents publics de l’État sont considérés comme fonctionnaires, protégés par la loi, même si seulement 47 % d’entre eux sont effectivement titularisés dans le cadre de ce statut. La loi sera promulguée le 19 octobre 1946.

C’était l’aboutissement d’une longue histoire de la fonction publique. L’Ancien Régime avait connu la vénalité et la patrimonialité des charges administratives. La Révolution française supprima ces privilèges et posa des principes d’égalité d’accès aux emplois publics et de probité des agents publics. Mais c’est une fonction publique dominée par le pouvoir hiérarchique qui prévalut au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe. Au point que le premier statut des fonctionnaires vit le jour sous Vichy, un texte du 14 septembre 1941 inspiré par l’antidémocratique « charte du travail ». Les associations, puis les syndicats de fonctionnaires n’avaient cessé de dénoncer jusque-là les tentatives de « statut carcan » que tentaient de leur imposer les gouvernements conservateurs. Ils réclamaient un « contrat collectif ».

Un premier projet de statut démocratique

Une telle situation met en valeur la lucidité et l’intelligence dont firent preuve les responsables progressistes de l’époque, issus pour la plupart de la Résistance. À l’exemple de Jacques Pruja, un dirigeant de la Fédération générale des fonctionnaires (FGF-CGT), révoqué, arrêté, puis réintégré, qui prit l’initiative d’élaborer un premier projet de statut démocratique avec lequel il finit par vaincre les réserves qui s’exprimaient au sein même de son organisation syndicale. La FGF adopta finalement un projet de statut lors de son congrès de mars 1945. Les forces syndicales de la CGT, majoritaire, et de la CFTC prirent alors une part active dans la promotion des nouvelles dispositions. Le projet retenu par le ministre de la Fonction publique suscita de très vives oppositions. Venant de hauts fonctionnaires qui admettaient difficilement le recul de l’ordre hiérarchique antérieur, les oppositions s’accentuèrent au fil du temps de la part de la CFTC et du MRP, parti démocrate-chrétien, qui finirent par élaborer leur propre projet ; ou encore de ministres socialistes de la SFIO. Le rejet du premier projet de Constitution par ­référendum du 5 mai 1946 menaça de tout faire capoter. Mais, combinant esprit de compromis (abandon de la création d’une fonction de secrétaire général de l’administration, par exemple) et fermeté sur les principes, Maurice Thorez parvint à ses fins.

Une grande référence sociale pour tous les salariés, du public comme du privé

Le statut mit dans la loi de très nombreuses garanties pour les fonctionnaires en matière de rémunération (voir dans l’encadré ci-contre la définition du « minimum vital », l’ancêtre du Smic), d’emploi, de carrière, de droit syndical, de protection sociale et de retraite. Il a été abrogé par l’ordonnance du 4 février 1959 lors de l’avènement de la ­Ve République. Statut fondateur, il a ainsi ouvert la voie au statut fédérateur de 1983 d’une fonction publique « à trois versants » : de l’État, territoriale et hospitalière, regroupant aujourd’hui 5,5 millions de salariés du service public, soit 20 % de la population active de la France, exemple sans équivalent dans le monde. Protégés par la loi plutôt que par le contrat, le statut général indique une voie inverse de celle de la loi El Khomri ; c’est une grande référence sociale pour tous les salariés, du public comme du privé. En 2011, la CGT déclarait à ce sujet : « Dans la fonction ­publique, même s’il subit des attaques sans précédent, le statut général des fonctionnaires demeure un socle progressiste pour des millions d’agents et autant de garanties pour les ­citoyens. Le caractère unifié doit en être renforcé. » Offensives frontales ou dénaturations sournoises, les attaques contre le statut des fonctionnaires n’ont jamais cessé, ce qui lui a permis de faire la preuve de sa solidité et de son adaptabilité. Nul doute que l’on en reparlera au cours de la campagne présidentielle.

Pour aller plus loin : lire la Fonction publique du XXIe siècle, d’Anicet Le Pors et de Gérard Aschieri. Éditions de l’Atelier, 2015.
Une loi et un statut

Extrait de la loi n° 46-2 294 du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires. « Chapitre Ier. Dispositions statutaires : Art. 1er. – Le présent statut s’applique aux personnels qui, nommés dans un emploi permanent, ont été titularisés dans un grade de la hiérarchie des cadres d’une administration centrale de l’État, des services extérieurs en dépendant ou des établissements publics de l’État. Art. 32. – Le traitement fixé pour un fonctionnaire nommé à un emploi de début doit être calculé de telle façon que le traitement net perçu ne soit pas inférieur à 120 p. 100 du minimum vital. (…) Par minimum vital, il faut entendre la somme au-dessous de laquelle les besoins individuels et sociaux de la personne humaine considérés comme élémentaires et incompressibles ne peuvent plus être satisfaits. »

Repères

  • 22 avril 1905 La loi prescrit la communication du dossier aux fonctionnaires faisant l’objet d’une sanction disciplinaire.
  • 1911-1913 Une première loi fixe des règles relatives à l’avancement, une seconde les règles du détachement.
  • 19 octobre 1946 Promulgation par la loi du premier statut général des fonctionnaires (de l’État).
  • 1983 Réforme sous la houlette du ministre Anicet Le Pors comprenant un nouveau statut des fonctionnaires.
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24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 14:35
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUCIE FOUGERON
JEUDI, 20 OCTOBRE, 2016
HUMANITÉ DIMANCHE

« Droitisation » : le mot a envahi les analyses de la vie politique, souvent dans un cadre franco-français. Dans son dernier ouvrage, « la Droitisation du monde », c'est à l'ensemble de la planète que François Cusset étend l'analyse de cette lame de fond. Écrivain, chercheur en histoire intellectuelle et politique contemporaine, professeur d'études américaines à l'université de Nanterre, il détache son point de vue des seuls cadres nationaux, échiquiers politiques et calendriers électoraux, et met au jour un processus aussi profond que contemporain ­ à peine un demi-siècle ­, toujours en cours, dans une perspective d'histoire et de pensée critiques. Pour le comprendre dans toute son ampleur et, partant, déceler les issues émancipatrices possibles dans un paysage confus et bouleversé. Entretien.

HD. Pour rendre lisible notre monde complexe, vous proposez l’hypothèse de sa droitisation. Sur quoi la fondez-vous ?

François Cusset. Le dernier demi-siècle est marqué par un cycle contre-révolutionnaire qui constitue un retournement. Le cycle émancipateur, progressiste du milieu du XXe siècle – décolonisation des deux tiers de la planète, émergence d’une culture jeune, protestations étudiantes et ouvrières, État providence… – a suscité en réaction, dialectiquement, à partir du milieu des années 1970, un retour de bâton de la classe dirigeante, dont les lignes sont variées mais se mêlent. Le capitalisme familial, national et protectionniste, est devenu spéculatif, actionnarial et mondialisé ; l’économie de production est devenue financière et spéculative ; la consommation définit désormais entièrement notre existence individuelle et collective… La fin du bloc de l’Est a ouvert au capitalisme un territoire nouveau, tout en mettant en deuil les tenants des politiques émancipatrices ou progressistes. Le « sud » de la planète a émergé à la fois économiquement et culturellement – pas encore politiquement. Est également survenu le désastre écologique, accélération hyperbolique des ravages produits par le capitalisme. Enfin, la révolution technologique constitue à la fois une immense métamorphose économique et une révolution existentielle rendant nos vies ubiquitaires, virtuelles, à la fois hypersocialisées et totalement individualisées. S’ajoutent les questions identitaires nouvelles : si la « théorie » du « choc des civilisations » relève de la propagande néoconservatrice, des tensions religieuses et ethniques existent. Toutes ces lignes vont dans le même sens : un énorme cran supplémentaire dans l’histoire moderne vers la droite, pas seulement sur l’échiquier politique, mais aussi en termes de valeurs, de modes de vie, de visions du monde et même de pratiques collectives – désormais incarnées par l’équipe de foot, la Manif pour tous, la communauté religieuse ou le réseau social… –, dont sont absentes les formes sociales progressistes du XXe siècle.

HD. Vous analysez ce processus de « droitisation du monde » tout en estimant qu’on peut aujourd’hui se passer des catégories droite-gauche. N’est-ce pas paradoxal ?

François Cusset. À gauche, s’est creusé un abîme entre la gauche de gouvernement, gestionnaire et « efficace », plus austéritaire et sécuritaire que ses homologues de droite depuis la triade Clinton-Blair-Schröder, et une gauche de combat en miettes, prise en étau entre une tentation électorale illusoire, une nostalgie du grand soir et une mobilisation qui ne se reconnaît pas en elle : Nuit debout, Occupy Wall Street, les Indignés… Au sein de la droite classique, deux lignes historiquement en contradiction ont formé une alliance stratégique : la droite des marchés, du libre-échange radicalisé, de la haine de l’État et de la suppression de toutes les barrières à la mondialisation économique, et la droite des valeurs patrimoniales, chrétiennes et identitaires. Sous le prétexte de la « guerre des civilisations », après le 11 septembre 2001, mais cela repose fondamentalement sur la défense des intérêts des classes dirigeantes.

HD. Que devient le rôle de l’État dans ce grand virage ?

François Cusset. La doctrine néolibérale élaborée après guerre lui vouait une haine viscérale. Ensuite, ses tenants et les acteurs économiques sont devenus les meilleurs amis d’un État qui a sauvé le système lors de la crise des subprimes, d’un État austéritaire à l’échelle européenne et d’un État sécuritaire qui, sous prétexte d’état d’urgence, endigue les mouvements sociaux… Ce sont les fonctions mêmes de l’État qui ont changé. Historiquement vouées à protéger, compenser, instruire, égaliser partiellement, elles sont désormais de trois ordres en Occident : présenter aux marchés une administration rentable en supprimant ses fonctions sociales dépensières ; une fonction diplomatico-politique de service aux entreprises ; une fonction militaro-policière, qui va de l’interventionnisme aux quatre coins du monde sous prétexte de lutte antiterroriste à une hypersurveillance généralisée poliçant nos existences.

HD. En quoi le développement de la « biopolitique » est-il une expression de cette droitisation ?

François Cusset. Ce terme, dû à Michel Foucault, désigne le rapport entre les formes de pouvoir politique et les formes de vie à la fois organique, existentielle, morale, normative. La biopolitique a émergé avec la mise en œuvre par les États de politiques natalistes, par exemple, s’insinuant dans des aspects de nos existences qui n’étaient pas de leur ressort. Un siècle plus tard, l’extension du capitalisme se fait dans deux directions simultanées. À la fois vers le plus volatil – la spéculation qui déstabilise l’économie, précarise le travail et sacrifie la production – et vers le plus concret, organique, intime – ces dimensions de nos existences qui ne relèvent pas du domaine de la marchandise, de la vie de « l’âme » à la sexualité en passant par la rentabilisation du temps disponible avec l’ubérisation. En nous incitant à optimiser nos existences, la biopolitique individualise radicalement nos façons de faire et impose des normes, légifère. C’est, en outre, un secteur économique en plein boom. Invention des États, la biopolitique est désormais l’apanage d’immenses multinationales privées – le rachat de Monsanto par Bayer en est un exemple spectaculaire. En fait, trois domaines fondamentaux sont passés de la gauche à la droite. La nation, invention des peuples de gauche et des révolutions du XIXe siècle. Le vitalisme, situé à gauche, et les biopolitiques étatiques progressistes au XIXe siècle (elles étaient en même temps coloniales…), désormais de droite, où la vie doit être rentabilisée. Enfin, la culture : au cycle de l’après-guerre, avant-gardiste, indissociable du changement social et de la déstabilisation des pouvoirs en place, a succédé l’extension de la culture à tous les aspects de l’existence, une industrie devenue le moteur de l’économie mondiale, sphère de loisirs pour oublier les rapports de forces. La lame de fond de la massification de l’accès à l’éducation et à la culture, mais aussi aux droits sociaux, change la donne : créateur et consommateur sont deux fonctions indifférenciées, ce qui va aussi bien dans le sens d’une reprise en main du pouvoir culturel par les gens que dans le sens du nivellement par le bas, du démantèlement des points de repère, sans rien avoir à mettre à leur place…

HD. Que deviennent alors les questions et les perspectives sociales et collectives ?

François Cusset. Les formes de mobilisation collective antérieures ont perdu la plus grande part de leur crédibilité ou de leur efficacité. Et en même temps, il y a du nouveau : les ZAD, les mouvements de quartier, la jeunesse mobilisée pour occuper les places… Ces phénomènes, mondiaux, convergents dans le temps depuis les printemps arabes, sont le signe d’une réinvention des formes de mobilisation, encore minoritaires et réticentes à l’organisation et donc insuffisamment stratégiques. Le mouvement social unitaire, avec ses formes d’organisation traditionnelles, n’a pas d’autre choix, face au moloch de droite, que d’avancer main dans la main avec ces nouveaux combats.

« Droitisation » : le mot a envahi les analyses de la vie politique, souvent dans un cadre franco-français. Dans son dernier ouvrage, « la Droitisation du monde », c’est à l’ensemble de la planète que François Cusset étend l’analyse de cette lame de fond. Écrivain, chercheur en histoire intellectuelle et politique contemporaine, professeur d’études américaines à l’université de Nanterre, il détache son point de vue des seuls cadres nationaux, échiquiers politiques et calendriers électoraux, et met au jour un processus aussi profond que contemporain – à peine un demi-siècle –, toujours en cours, dans une perspective d’histoire et de pensée critiques. Pour le comprendre dans toute son ampleur et, partant, déceler les issues émancipatrices possibles dans un paysage confus et bouleversé. Entretien.

François Cusset est écrivain, historien des idées, professeur à l'université Paris-Ouest Nanterre-la Défense

 

« LA DROITISATION DU MONDE », DE FRANÇOIS CUSSET, CONVERSATION AVEC RÉGIS MEYRAN, ÉDITIONS TEXTUEL, 2016, 192 PAGES, 15 EUROS.

Un ouvrage de mise au point, selon son auteur ­ dont les travaux portent depuis longtemps sur le tournant néolibéral des dernières décennies, mais aussi sur ses opposants, des mouvements sociaux aux contre-cultures ­, qui s'attache ici à dénouer les fils du grand virage droitier à l'échelle mondiale ­ initié dès l'aube des années 1970 ­, entremêlés et composés des diverses facettes de notre présent. Détaillant ce long « retour de bâton », réactionnaire et individualiste, cynique et guerrier, bienveillant et divertissant, il interroge ses reconfigurations et ce que peuvent encore les forces de résistance et d'émancipation. François Cusset a publié, notamment, « French Theory » et « la Décennie : le grand cauchemar des années 1980 » (la Découverte, 2003 et 2006), et dirigé « Une histoire (critique) des années 1990 » (Centre Pompidou-Metz, 2014). Il est aussi l'auteur de deux romans, « À l'abri du déclin du monde » et « les Jours et les jours » (P.O.L, 2012 et 2015).

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24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 14:22
"Ce budget est dans la droite ligne d’une politique exclusive de l’offre, inefficace et injuste"

jeudi 20 octobre 2016

Le 18 octobre, la loi de finances pour 2017 est entrée en discussion à l’Assemblée nationale.

Pour les députés du Front de gauche, "le grand enjeu de 2017 sera de remettre l’humain au cœur des politiques publiques, avant de satisfaire les « banksters » qui ont pris le pouvoir, les « too big to fail » – « trop gros pour faire faillite » – et « too big to jail » – « trop gros pour aller en prison » – qui nous assassinent. Et si nous ne pouvons que nous féliciter des tentatives pour réparer l’injustice faite aux retraités très modestes, comme nous saluons l’engagement de redonner des moyens humains pour assurer la sécurité, la justice, l’éducation, nous estimons que ce budget est dans la droite ligne d’une politique exclusive de l’offre, inefficace et injuste", explique Nicolas Sansu lors de la discussion générale.

Lire son intervention en intégralité

 

Nous abordons ce soir le dernier budget de la législature, lequel, pour l’heure, ressemble plus à une sorte d’épitaphe des occasions manquées qu’à un étendard de la réussite.

Avec 600 000 chômeurs de plus, avec une industrie fragilisée, avec trop de nos jeunes projetés hors de l’emploi et des apprentissages, avec des retraités et des salariés qui ont vu leur pouvoir d’achat au mieux stagner, au pire reculer, notre pays s’est malheureusement fracturé, abîmé et divisé. C’est le résultat du choix d’une politique d’austérité qui partout en Europe a fait tant de mal ces dernières années – on a oublié que notre pays aurait pu choisir un autre chemin.

Les atouts de la France ne manquent pourtant pas : de merveilleuses capacités d’innovation et de formation, une façade maritime unique, un patrimoine culturel et historique qui résonne partout sur la planète. Alors pourquoi cet échec ? Nous, députés du Front de gauche, estimons qu’il découle de l’alignement inconsidéré sur les exigences du capital financier mondialisé porté par les traités européens. La France, notre belle France, est terne quand elle laisse l’expertise comptable s’imposer face à la pensée politique.

Regardons la réalité : à mesure que l’empire de la haute finance s’étend, les inégalités se creusent, les crises économiques et financières s’enchaînent et les fraudes géantes s’accumulent. Notre monde est devenu complètement dingue. Les 61 personnes les plus riches de la planète possèdent autant que les 3,5 milliards d’êtres humains les plus pauvres. Qui peut raisonnablement penser que ce modèle a un quelconque avenir ?

Faut-il dès lors s’étonner que les conflits, notamment militaires, se généralisent ? Selon le Institute for Economics and Peace, un think tank mondial, seuls 11 pays sur les 162 suivis n’étaient pas en guerre en 2014, ce qui marque une très forte dégradation par rapport à 2007.

L’ennemi, c’est toujours la finance, monsieur le secrétaire d’État, cette finance qui s’est accélérée, qui se joue des règles territoriales, qui pèse sur les peuples avec trop souvent la complicité d’élites politico-administratives, et qui a comme conséquence la montée des haines et des divisions. Près de 1 150 000 milliards de dollars transitent entre les places financières, alors que seulement 40 000 milliards de dollars sont utiles à l’économie réelle, soit vingt-huit fois moins. Sans cesse, le capital financier exige que les travailleurs fassent des concessions salariales et les États des concessions fiscales. C’est la course à qui fera pire.

Le pire, ce sont des dérégulations dans tous les domaines, qu’il s’agisse des traités transatlantiques, le TAFTA et le CETA, ou, pour notre pays, des diktats sur le marché du travail imposés par les lois Macron ou El Khomri. C’est à tout ce système que la France doit s’attaquer. Certes, le combat n’est pas simple, mais au terme de ce quinquennat, voyons si les politiques publiques menées, concrétisées par les politiques budgétaires, auront permis d’avancer.

L’absence d’une véritable taxe sur les transactions financières incluant les mouvements spéculatifs intrajournaliers, l’absence d’une véritable séparation entre banques d’affaires et banques de dépôts, le refus de toucher au verrou de Bercy ou la frilosité à l’égard des dispositifs d’évasion fiscale mis en œuvre par les grandes entreprises auront été autant de rendez-vous manqués. Le cas d’Apple et des 13 milliards dont les États européens ont été littéralement spoliés est exemplaire.

Quant à la politique fiscale menée depuis 2012, l’Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE – vient d’en faire le pré-bilan. Et la sentence est claire : un renversement inédit de la fiscalité des entreprises vers les ménages s’est opéré au cours de ces cinq dernières années. Alors qu’en 2012 les entreprises contribuaient à hauteur de 19,8 points de PIB, ce ne serait plus que de 18,9 points en 2017, soit 20 milliards d’euros de moins. Pour les ménages, c’est exactement l’inverse : leur contribution passe de 24,2 à 25,7 points de PIB, ce qui correspond à une hausse 31 milliards d’euros. En outre, l’architecture fiscale reste toujours aussi injuste avec un impôt progressif, l’impôt sur le revenu, qui ne représente que 3,5 points de PIB alors que la TVA a fortement augmenté. Et il ne faut pas oublier la diète imposée par l’État aux collectivités locales, qui a entraîné un accroissement des impôts sur les ménages et accentué le déséquilibre territorial.

Au total, trop de nos concitoyens auront subi une pression fiscale injuste, à commencer par les pauvres, ainsi que les retraités et les classes moyennes, du fait surtout de la TVA. À y regarder de plus près, seuls les plus aisés y ont gagné, profitant des mécanismes d’optimisation. Le patrimoine des 500 Français les plus riches aura progressé de près de 25 % en cinq ans. C’est indécent !

Dans ce contexte, la cure d’austérité promise par une droite qui rêve de parachever la contre-révolution libérale à l’œuvre depuis les années quatre-vingt est une surprime à l’indécence. Pourtant, bien des institutions, des livres et des recommandations appellent à cesser les politiques restrictives et à encourager l’investissement. C’est le cas du FMI – Fonds monétaire international. Toujours selon l’OFCE, en six ans l’investissement public est passé de 4,5 points de PIB en 2010, soit 86 milliards, à 3,2 points de PIB, soit 67 milliards d’euros. Ces orientations, terribles pour les territoires, obèrent l’avenir.

Surtout, le basculement de la fiscalité vers les ménages n’a pas produit les effets escomptés. Comme on pouvait s’y attendre ! Selon les études réalisées, chaque emploi sauvé ou créé par le CICE a coûté entre 287 000 et 574 000 euros : quel gâchis ! Vous souhaitez d’ailleurs l’aggraver en faisant passer le taux de ce crédit d’impôt de 6 à 7 %.

De ce fait, l’impôt sur les sociétés, que le MEDEF nous présente toujours comme le grand Satan, a quasiment disparu, mité par une assiette à gros trous. Il représentera 25 milliards à l’horizon 2018, soit 1,2 point de PIB, un rendement deux fois moins élevé que la moyenne de la zone euro. C’est pourquoi, plutôt qu’une baisse uniforme des taux d’impôt sur les sociétés, les députés du Front de gauche défendent l’idée d’une modulation de la fiscalité des entreprises en fonction de l’utilisation des bénéfices. Une entreprise qui crée de l’emploi, favorise la formation, augmente les salaires, investit dans la production doit être avantagée par rapport à une entreprise qui verse des dividendes. Et, nous le savons, ce ne sont pas les PME ou les TPE qui alimentent la chaudière de la spéculation, elles qui créent de l’emploi et des richesses sur tout le territoire.

Aujourd’hui, l’architecture fiscale, confirmée par ce projet de loi de finances pour 2017, n’est pas suffisamment juste et les niches se multiplient, formant un véritable chenil. Le prélèvement à la source qu’il est prévu d’instaurer fera l’objet d’un débat spécifique. Il pose un problème de confidentialité, car c’est l’entreprise qui viendra collecter l’impôt. Il n’a pas été conçu pour améliorer le taux de recouvrement, lequel s’élève déjà à 99 % : il a surtout vocation à préparer la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG, qui consacrera le financement de la protection sociale non pas par la cotisation sur les richesses créées mais par l’impôt.

Ce nouvel impôt à la source pourrait être un moyen d’améliorer la progressivité des prélèvements, mais aussi le cheval de Troie de cette flat tax si injuste à laquelle rêve la droite. Pour notre part, nous estimons que cette législature aurait dû être celle de la progressivité fiscale, en basculant des impôts injustes tels que la TVA vers l’impôt progressif, qui compterait davantage de tranches. C’est ce que nous proposerons.

Dans le même temps, l’impôt de solidarité sur la fortune – ISF – aurait dû faire l’objet d’une revalorisation, d’un élargissement de l’assiette et d’un déplafonnement. Exonérer Mme Bettencourt de 61 millions d’euros d’impôts, soit plus que le budget annuel de la commune de Vierzon, c’est tout simplement injuste et inefficace.

Mes chers collègues, c’est aussi d’une autre utilisation de l’argent que nous avons besoin, une gestion portée par un véritable pôle bancaire public, et d’une vraie guerre contre l’évasion, la fraude ainsi que l’optimisation fiscales. Chaque année, ce sont plus de 1 000 milliards d’euros en Europe qui sont soustraits aux budgets des pouvoirs publics, dont 60 à 80 milliards rien que pour la France. Comment peut-on encore accepter cela, alors que l’on demande à chacun, à juste titre, d’aller payer son impôt sur le revenu ou sa taxe d’habitation à son centre des impôts ?

Sans doute faut-il se rappeler que le président de la Commission européenne a dirigé l’État où a éclaté le scandale du LuxLeaks, ou que certains anciens commissaires européens fraudent ou se vendent aux établissements bancaires qui jouent avec les paradis fiscaux. Ces liaisons dangereuses d’une oligarchie financière délétère portent d’ailleurs une grande responsabilité dans la défiance des peuples et les divisions et les haines qui en résultent. Avec 1 000 milliards d’euros en Europe, nous disposerions d’une manne pour lancer réellement le plan de transition écologique, porteur d’emplois et de formations, pour une nouvelle ère de solidarité et de paix et pour des services publics de qualité.

Au lieu d’avoir l’œil rivé sur les 3 % de déficit public, au lieu de se soumettre à la domination de la dette établie par les marchés financiers, nous aurions là une espérance pour faire converger les peuples. Comme le dit le Prix Nobel Joseph Stiglitz, il faut rompre avec le « pacte de suicide collectif » préconisé en Europe.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il peut être tentant de s’en tenir à la discussion du déficit structurel ou conjoncturel. Il peut être sympathique d’ergoter sur un taux de croissance à 1,3 ou 1,5 % – la différence, c’est 4 milliards d’euros, c’est-à-dire moins du dixième des dividendes versés par les entreprises du CAC 40 en 2015. Il peut être satisfaisant intellectuellement de débattre sur toutes les dispositions du projet de loi de finances, sachant qu’en réalité, le débat parlementaire n’agit en fin de compte que sur 0,5 à 1 % du budget. C’est malheureusement le temps de l’économisme, de l’expertise-comptable, et non du destin collectif.

Pour nous, députés du Front de gauche, le grand enjeu de 2017 sera de remettre l’humain au cœur des politiques publiques, avant de satisfaire les « banksters » qui ont pris le pouvoir, les « too big to fail » – trop gros pour faire faillite – et « too big to jail » – trop gros pour aller en prison – qui nous assassinent. Et si nous ne pouvons que nous féliciter des tentatives pour réparer l’injustice faite aux retraités très modestes, comme nous saluons l’engagement de redonner des moyens humains pour assurer la sécurité, la justice, l’éducation, nous estimons que ce budget est dans la droite ligne d’une politique exclusive de l’offre, inefficace et injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Budget 2017: intervention de Nicolas Sansu à l'Assemblée Nationale (Front de Gauche)
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24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 12:14
SUICIDES À LA POSTE : LE CLIMAT SOCIAL MIS EN CAUSE

Alors qu’une factrice de 34 ans a tenté de se suicider sur son lieu de travail en début de semaine, 8 cabinets d’experts en santé et travail dénoncent un climat social qui n’a cessé de se détériorer depuis 2012 au sein de La Poste et un refus du dialogue social par la direction. Ils ont adressé une lettre ouverte à Philippe Wahl, PDG du groupe, pour l’enjoindre à prendre ses responsabilités.

C'est une démarche pour le moins inhabituelle. Huit cabinets d'expertise en santé et travail agréés et indépendants (1) ont adressé, le 13 octobre, une lettre ouverte au PDG de La Poste, Philippe Wahl. Ils dénoncent une "dégradation rapide de l'état de santé des agents" et "un refus du dialogue social", évoquant même "des cas de suicide au travail".

Une façon de sonner l'alarme, alors que cette semaine encore, une factrice âgée de 34 ans a tenté de mettre fin à ses jours en avalant des médicaments dans le bureau de poste central de Montpellier. Elle faisait l'objet d'une procédure disciplinaire pour avoir pris sa pause déjeuner pendant sa tournée.

Avant elle, un postier de 53 ans s'était pendu cet été dans le Doubs, après 34 ans de bons et loyaux services. Il expliquait dans une lettre que La Poste avait "petit à petit détruit ses employés, les vrais postiers, ceux qui avaient le contact avec les gens".

 

"Une logique purement taylorienne"

 

Les experts qui mènent des études sur l'état des conditions de travail et les conséquences potentielles de réorganisations à la demande des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) critiquent les "réorganisations permanentes qui réduisent les effectifs et soumettent les agents à des cadences accélérées". Ils évoquent une "aggravation de la pénibilité physique dans une logique purement taylorienne", des "situations de détresse individuelle", de "fréquents conflits ouverts entre agents", "un climat social dégradé"et "un mépris vis-à-vis des instances représentatives du personnel".

"Les conséquences en termes de santé au travail sont d'ores et déjà dramatiques : le groupe La Poste continue de rencontrer des cas de suicide au travail", écrivent les cabinets d'expertise. Depuis la vague de suicides de 2012, neuf employés se seraient suicidés pour des raisons professionnelles. La direction n'en reconnaissant "que" trois.

Par ailleurs, les experts dénoncent des "entraves [...] à leur travail" et "une absence de prise en compte de leurs alertes".

 

66 expertises en 2015

 

Dans un communiqué daté du 19 octobre, La Poste annonce l'ouverture prochaine d'une négociation nationale sur les métiers et les conditions de travail des facteurs et des encadrants de la branche Services-Courrier-Colis. "L'enjeu de cette nouvelle négociation sera de travailler à l'amélioration des conditions de travail des facteurs et des agents courrier", peut-on lire.

Interrogé par l'AFP, le groupe dit avoir pris connaissance de cette lettre "avec beaucoup de sérieux" et vouloir proposer de rencontrer les experts. "La politique de La Poste est de contribuer à la bonne réalisation des expertises votées par les CHSCT et de tenir compte de leurs conclusions", explique La Poste, disant compter "748 CHSCT qui ont demandé la réalisation de 66 expertises en 2015 sur tout le territoire (il y en avait 103 en 2013)". Tout en précisant que "sur les huit cabinets d'expertise signataires de la lettre, quatre n'ont réalisé aucune expertise à La Poste en 2015. Les 4 autres ont réalisé 10 expertises locales à La Poste en 2015".

À Montpellier, un CHSCT extraordinaire s'est réuni et a décidé de diligenter une enquête.

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23 octobre 2016 7 23 /10 /octobre /2016 06:00

La France qui se lève tôt s’était donné rendez-vous à Amiens ce mercredi 19 octobre pour manifester son soutien aux huit anciens salariés de Goodyear, rejugés en appel, après leur condamnation en janvier de cette année, à 24 mois de prison dont neuf ferme.  Dès 8 h, au parc Saint Pierre, l’ancien représentant de la CGT de Goodyear  Mickaël Wamen, a pris la parole ainsi que son avocat avant de se rendre, escorté par la foule, au palais de justice. Venus de toutes les régions et même des pays voisins, syndicalistes, représentants politiques, artistes ou simples citoyens tous avaient voulu faire de cette événement un temps fort de la lutte contre la répression antisyndicale, la justice de classe et la violence du capitalisme financier. Même avant l’énoncé du jugement, l’ampleur de la mobilisation avait un goût de victoire.

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22 octobre 2016 6 22 /10 /octobre /2016 06:05

Les 8 de Goodyear sont jugés en appel après leur condamnation à de la prison ferme. Leur «crime»? Avoir retenu 30 heures, sans violence, deux dirigeants de l'entreprise qui procédaient à la fermeture du site et à 1200 suppressions d'emplois.

Les 8 de Goodyear ne sont pas un cas isolé.  Les parlementaires Front de gauche ont déposé un projet de loi exigeant l'amnistie de tous les syndicalistes injustement condamnés. Le gouvernement doit revenir sur son refus d'examen de ce projet de loi. Et il faut de nouveaux droits aux salariés pour lutter contre les plans de licenciements et la rapacité des actionnaires.

Relaxe pour les Goodyear ! Message de soutien de Pierre Laurent

Les 8 de Goodyear sont jugés en appel après leur condamnation à de la prison ferme. Leur «crime»? Avoir retenu 30 heures, sans violence, deux dirigeants de l'entreprise qui procédaient à la fermeture du site et à 1200 suppressions d'emplois. La riposte d’ampleur qui s'est manifestée cette semaine à Amiens est juste et nécessaire.

Les 8 de Goodyear ne sont pas un cas isolé

Dans des centaines d'entreprises en France, des salarié-e-s sont poursuivis ou sous pression pour avoir défendu les conditions de travail ou de rémunération, agi contre des plans de licenciements, lutté pour leur outil de travail. A Air France, après la mise en examen de 16 syndicalistes, la Ministre du travail a validé le licenciement de Vincent Martinez, délégué CGT, accusé d'avoir participé à l'épisode de la "chemise arrachée", alors même que l'Inspection du Travail avait pris une décision inverse en janvier. En fait, le tribunal n'est la place d'aucun de ces salariés qui n'ont en tête que l'intérêt général. Contester les choix stratégiques patronaux, avancer d’autres propositions doit-il conduire à la perte de son emploi et devenir un délit puni de prison ? C'est une atteinte insupportable aux droits des syndicalistes de défendre les salarié-e-s et l'entreprise, en défendant par là même l’intérêt de populations et de territoires saignés par les choix de grands groupes dont la seule boussole est la rémunération des actionnaires au détriment de l’intérêt général.

 

Hollande continue Sarkozy

Après Nicolas Sarkozy, le mandat de François Hollande et du gouvernement socialiste qui s'achève a été marqué par une criminalisation inédite du droit syndical. Avec les nouveaux dispositifs encadrant et limitant le droit de manifester, ce gouvernement décide d'intimider les salarié-e-s. Sa politique économique et sociale est un copié/collé des exigences du Medef : il fragilise les conditions de travail et de rémunération, il culpabilise les salariés du privé et du public, d'un côté ; et de l'autre, il subventionne les entreprises pour maintenir et augmenter les dividendes. Dernier exemple en date, PSA qui s'empresse de profiter des « accords offensifs » de la loi Travail et annonce 2000 suppressions d'emploi après avoir fermé son site d'Aulnay en 2013. Cette entreprise a réalisé pourtant 1,2 milliards de bénéfices en 2015, reçu 126 millions de l’État au titre du CICE. Et l’État est actionnaire de l'entreprise ! Toujours plus de cadeaux et d'exonérations de cotisations sociales, toujours plus de casse des droits !

Criminaliser l'action syndicale, c'est criminaliser la démocratie

Les communistes sont solidaires des Goodyear et de tous les salarié-e-s victimes au quotidien de tracasseries, de chantage et de répression dans leurs entreprises. Les parlementaires Front de gauche ont déposé un projet de loi exigeant l'amnistie de tous les syndicalistes injustement condamnés. Le gouvernement refuse son examen!

Pour une nouvelle ère de la citoyenneté à l'entreprise

Le PCF demande le remboursement immédiat des sommes versées par l’État, perçues par les entreprises qui licencient. Le PCF propose de reprendre le pouvoir sur les décisions économiques et politiques, c'est-à-dire sur les choix de gestion des entreprises, sur l'argent et son utilisation. Pour cela, il s'agit de renforcer la responsabilité sociale et territoriale de l'entreprise, en accroissant les pouvoirs d'intervention des salariés et des citoyens sur les choix de gestion des employeurs. C'est à dire donner de nouveaux droits aux salariés dans l'entreprise. Deux des premières mesures de ces nouveaux droits consisteraient dans le renforcement des missions et des moyens de l'Inspection du Travail et la reconnaissance légale d'un droit de veto des organisations syndicales aux projets des employeurs et de rendre obligatoire l'étude par l'employeur des contre-projets syndicaux.

Il est urgent que se lève dans ce pays l’espoir d’une alternative aux politiques d’austérité et à la mainmise de la finance sur les choix économiques et industriels du pays, l'espoir d'une extension des droits et des libertés.
 

 

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22 octobre 2016 6 22 /10 /octobre /2016 05:56

L'agriculture va mal sous l'effet du productivisme, de la pression des grands groupes agro-alimentaires, des politiques nationales et européennes… Il lui faut un autre chemin.

 

L'enseignement public agricole peut être un levier. Malheureusement, ses moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux. L'Enseignement Agricole Public doit donc avoir les moyens de ses missions

 

 

 

L'agriculture est aujourd'hui en crise. En France, en Europe et ailleurs, le productivisme s'est accompagné d'un effondrement de l'emploi agricole, de la baisse des revenus des producteurs et de graves préjudices environnementaux et sanitaires.

Dans les pays en développement, un milliard de personnes souffrent de la faim, dont l'essentiel sont des petits paysans qui n'arrivent pas à vivre de leurs revenus. Les politiques libérales tentent d'imposer partout une concentration de l'agriculture sous le pouvoir de gros propriétaires et de multinationales de l'agro-industrie.

En Europe, pour « rester compétitif », réforme après réforme, la PAC a favorisé l'élimination des exploitations familiales, tout en favorisant la concentration des outils de production au service d'une alimentation industrielle et de la malbouffe. En France, un vaste plan social qui n'en porte pas le nom guette les producteurs et plus globalement l'élevage français... Le diagnostic est connu, démantèlement des outils de régulation, libéralisation des marchés, dumping social, concentration de l'agriculture au profit des géants de l'agroalimentaire et de la grande distribution. Faute d'affronter le sujet de prix agricoles rémunérateurs, comme celui des travailleurs détachés en Europe, les mesures n'auront été qu'incantatoires !

C'est donc vers un autre chemin, celui du progrès humain, de l'appropriation sociale, des biens communs qu'il faut faire route et avec courage.

Face aux défis est posée l'émergence d'un nouveau mode de développement social et écologique. Notre combat est celui de la souveraineté alimentaire. Pour répondre au défi climatique, un nouveau modèle agricole, rémunérateur pour les travailleurs doit promouvoir la valorisation, la transformation et la vente au plus près des consommateurs.

En France, repenser le territoire est devenu indispensable. A l'inverse des logiques capitalistes actuelles qui concentrent et marginalisent, la ruralité doit devenir attractive. Il est urgent de réinvestir les départements ruraux en faisant le pari de l'agriculture paysanne, de la pêche artisanale, de l'artisanat et du développement des savoir-faire. Le déploiement de services publics au service des territoires et populations en est la condition.

 

PRIORITE A L'ENSEIGNEMENT PUBLIC

Après les suppressions massives d'emplois survenues sous la présidence Sarkozy, il était impératif pour le Comité permanent de défense et de développement de l'Enseignement de redonner clairement la priorité aux établissements publics agricoles.

Or, force est de constater que les moyens demeurent encore insuffisants et que les pratiques de gestion de la pénurie se sont poursuivies sans prise en compte des besoins réels, avec le maintien des plafonnements d'effectifs des ouvertures de classes très réduites, des options facultatives non financées,..., et le tout au détriment de la dimension pédagogique à l'image du refus de la DGER d'expérimenter un parcours en 4 ans pour les élèves de la voie professionnelle en ayant le plus besoin.

Sortir de cette impasse est une nécessité plus grande encore à l'heure où la crise agricole n'a jamais été aussi vive et la promotion de nouveaux modèles de production respectueux de l'environnement aussi urgente. L'Enseignement agricole public, fort de ses exploitations agricoles et de ses 3 voies de formation, est seul à même de porter des politiques publiques audacieuses en faveur d'une formation professionnelle et technologique au service d'une agriculture relocalisée et paysanne. Cela nécessite que les freins au développement de l'EAP, notamment en terme de moyens, soient levés dans le cadre du budget 2017, tant en regard de la demande des familles que des enjeux de société.

L'Enseignement Agricole Public doit donc avoir les moyens de ses missionsdont la première d'entre elles reste de garantir l'égal accès à la formation de tous et toutes pour la réussite de tous et toutes.

Nous avons la conviction que nous ne pourrons porter collectivement un autre modèle d'agriculture, respectueux de l'environnement, au service des territoires et des citoyennes et citoyens qu'en donnant un nouveau souffle, un nouvel élan à l'enseignement agricole public. Il est plus que temps de porter et d'assumer politiquement cette priorité.

 

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22 octobre 2016 6 22 /10 /octobre /2016 05:52

LA CHRONIQUE DE JEAN-CHRISTOPHE LE DUIGOU (*)

L'HUMANITE DIMANCHE

 

 

 

 

On ne compte plus les précandidatures à l'élection présidentielle à gauche, à gauche de la gauche et maintenant à droite de la gauche ­ avec celle d'Emmanuel Macron ­, sans oublier celle implicite du président sortant. Il est vrai que la droite n'est pas en reste avec une bonne dizaine de prétendants avant la primaire qui est censée les départager. « Abondance de biens ne nuit pas », dit le proverbe. Sauf que cette multiplication de prétendants alimente avant tout une bataille de posture, plutôt qu'un véritable débat de fond. Chacun l'a remarqué, les prétendants parlent surtout « d'urgence », « de détermination », « d'engagement », « d'irrévocabilité », plutôt que de « projet » et de « programme ». Les faux débats pullulent.

On fait du problème de la sécurité une question coupée de ses racines sociales. De quoi nourrir un peu plus la perception de la crise politique dont Marine Le Pen, jour après jour, fait son miel. Pas question de se résigner ! Après la première phase de l'affrontement sur la loi travail, après le référendum britannique sur la sortie de l'Europe et alors que la croissance économique cale, il est urgent d'investir les trois questions économiques et sociales essentielles, celles dont dépend l'avenir du pays : le devenir de notre système social, la refondation de l'Europe et la sortie des politiques d'austérité. Il faut pour cela en finir avec la critique permanente de notre système social, qui, à en croire certains commentateurs, recélerait tous les vices de la Terre. Pierre Gattaz en a d'ailleurs remis une couche, la semaine dernière. Il n'est malheureusement pas le seul. C'est une impasse, au moment où il faut réfléchir à ce que serait un Code du travail du XXIe siècle ­ une protection sociale qui mette en avant la grande idée de prévention, que ce soit en matière de santé ou de chômage. Qu'on ne nous dise pas que c'est au-dessus de nos moyens ! Qu'aurait fait la génération de la Résistance si, en 1944, elle s'était arrêtée à cet argument ?

Il est de même indispensable d'éviter le piège tendu à propos de l'Europe. En sortir, à l'exemple des Britanniques, sachant que les salariés vont payer un lourd tribut, ou l'accepter telle qu'elle est, libérale et technocratique, assortie de quelques mesures de relance. En fait, l'Europe ne fonctionne plus. Elle ne cesse de produire des inégalités. Elle a besoin d'une refondation, notamment de son cœur financier et monétaire, qui donne la priorité aux dynamiques de solidarité et de coopération. Il faut, enfin, sortir de la spirale de l'austérité, qui n'a fait qu'alourdir le poids réel des dettes, publiques et privées. La priorité est à une relance par l'emploi en quantité et en qualité. C'est la condition pour que la demande intérieure puisse s'accroître après plus de deux décennies de restrictions. C'est pourquoi doit être élaborée une véritable politique industrielle. Il est indispensable d'organiser la maîtrise de l'épargne nationale. La véritable question, bien réelle, de la souveraineté est celle de l'efficacité des financements pour l'emploi, l'innovation, les besoins collectifs. On le voit, il est encore temps d'approfondir un véritable travail de diagnostic et de propositions afin de permettre aux citoyens de se projeter dans un avenir de long terme qui dépasse l'horizon de 2017. La question de l'homme ou de la femme apte à porter un projet offensif au printemps prochain viendra après.

(*) Économiste et syndicaliste.

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22 octobre 2016 6 22 /10 /octobre /2016 05:48

Gérard LE PUIL

L’HUMANITE DIMANCHE

 

 

La construction de lotissements ou de vastes zones commerciales bétonnent, chaque année, 70 000 hectares de terres fertiles.

 

Alors que les moissons de cet été ont donné une récolte décevante en raison du climat, il n'est pas vain de méditer sur la nécessaire préservation des terres agricoles. Ce fut souvent le dernier souci des gouvernants, de bon nombre de parlementaires, de présidents de région, d'élus départementaux, voire de certains maires depuis des décennies. Il suffit de voir les lotissements pavillonnaires et les vastes zones commerciales à la sortie des villes pendant que crèvent les commerces du centre pour comprendre comment on a bétonné quelque 70 000 hectares de terres fertiles chaque année pour peu d'utilité. Cela revient à soustraire la superficie d'un département tous les sept ans à l'agriculture, au détriment des générations futures.

Nous entrons progressivement dans un monde de rareté. Nous devons aussi diviser par quatre la consommation d'énergies fossiles d'ici à 2050 pour freiner le réchauffement climatique. D'ici la fin du siècle en cours, les terres agricoles et les forêts redeviendront les principales richesses disponibles. D'ailleurs, les prix des terres et des forêts augmentent désormais plus vite que l'inflation en France. Toutefois, le prix moyen d'un hectare est de 6 000 euros chez nous, contre 7 700 en Pologne et 55 000 aux Pays-Bas.

Le prix, désormais, croît plus que l'inflation. Ici 6 000 euros à l'hectare agricole et 55 000 aux Pays-Bas !

Nous connaissons une pause relative de la tendance haussière du prix de la terre dans la mesure où les récoltes mondiales de produits agricoles de base comme les céréales, les oléagineux et le sucre ont dépassé la demande solvable ces trois dernières années. Mais, quand un risque de pénurie mondiale apparaîtra, suite à une ou deux mauvaises récoltes, on verra flamber les prix de la nourriture et des terres arables.

Il faudra bientôt nourrir 9 milliards d'humains. Il sera alors dangereux de laisser la terre aux mains des détenteurs de capitaux spéculatifs. Elle doit devenir un bien commun au même titre que l'eau et l'air. Encore faut-il décider sous quelle forme. La France devrait légiférer dans un premier temps pour que ses terres agricoles ne deviennent pas propriété d'investisseurs étrangers, comme cela s'est récemment passé dans le département de l'Indre où, via une prise de participation de 98 % dans une société créée à cet effet, plusieurs centaines d'hectares sont passées sous la coupe d'investisseurs chinois.

Nationaliser le foncier en spoliant des paysans qui ont besoin de compléter leur maigre retraite par le revenu du fermage de quelques hectares ne peut être envisagé. Mais, alors que le livret A ne rapporte plus que 0,75 % d'intérêt, il doit être possible de canaliser une partie de l'épargne populaire pour l'acquisition de terre par une banque publique. Cette maîtrise progressive du foncier permettrait aussi d'installer des jeunes paysans, de développer du maraîchage et des circuits courts de distribution pour les citadins. Des pratiques voisines ont déjà cours grâce aux activités de l'association Terre de liens. Le moment est venu d'aller plus loin dans cette voie.

 

 

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