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2 novembre 2016 3 02 /11 /novembre /2016 07:07
"Paris sans le peuple" de la géographe Anne Clerval: quand le discours de la mixité sociale remplace la lutte des classes

Un article de l'Humanité du 18 octobre 2013 qui garde sa pertinence. 

Dans Paris sans le peuple (1), la géographe Anne Clerval analyse finement l’éviction des classes populaires de la capitale. Ce processus, appelé gentrification, ne tombe pas du ciel. Il est autant le fruit de la métropolisation que de l’absence, au niveau local, de politiques publiques permettant aux classes populaires de se réapproprier la ville.

Reste-t-il encore des espaces 
populaires à Paris ?

Anne Clerval. On ne peut pas répondre à cette question dans l’absolu. En Île-de-France, comme à Paris, il y a toujours de moins en moins d’ouvriers et d’employés et de plus en plus de cadres et de professions intellectuelles supérieures. À l’intérieur du périphérique, ces derniers sont passés de 21 % en 1982 à 34 % en 2008. À côté de la bourgeoisie traditionnelle se développe une petite bourgeoisie intellectuelle, avec une surreprésentation des professions de l’information, des arts et des spectacles et des étudiants. Paris intra-muros concentre à elle seule 26 % de ces dernières à l’échelle du pays. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’employés ou d’ouvriers dans la capitale. Mais ils sont sous-représentés par rapport au reste de l’Île-de-France, ou même au reste du pays. À Paris, 20 % de la population des ménages sont des ouvriers ou des employés, contre 33 % en France. Il ne reste que quelques quartiers, comme Belleville ou la Goutte-d’Or, où ils sont encore surreprésentés par rapport au profil moyen de l’ensemble de la ville. Et encore, ces zones apparaissent à peine si on les compare au profil moyen de la région.

Cet embourgeoisement de la capitale a été rendu visible par l’apparition des « bobos ». Un terme que vous prenez soin de ne jamais utiliser dans votre livre. Pourquoi ?

Anne Clerval. Le terme « bobo », inventé par un journaliste réactionnaire aux États-Unis, n’a aucun fondement scientifique. Aucun chercheur en activité ne l’utilise. Je préfère utiliser les termes de gentrifieurs et de gentrification, qui ont été forgés en partie par un courant de géographie radicale anglophone. Cette notion désigne un embourgeoisement spécifique des quartiers populaires par remplacement de population et transformation matérielle de la ville.

Cette recomposition sociale est-elle la conséquence directe de la désindustrialisation ?

Anne Clerval. La désindustrialisation a plusieurs facettes. Les grandes villes des anciens pays industrialisés ne sont plus des centres de fabrication, sous-traitée aux pays du Sud, mais elles restent des centres de commandement stratégique (direction, conception, gestion, finance). C’est ce qu’on appelle la métropolisation, une nouvelle division internationale du travail qui entraîne la concentration des emplois très qualifiés dans les villes qui dominent l’économie mondiale. La gentrification en est l’une des conséquences. Mais ces recompositions macroéconomiques ne tombent pas du ciel. Elles résultent de choix politiques.

C’est-à-dire ?

Anne Clerval. L’ouverture des frontières et la libre concurrence ont été mises en place par les États à travers l’Union européenne ou l’OMC. Au niveau local, la désindustrialisation de la région parisienne a été accompagnée par la politique de décentralisation industrielle dès les années 1960, favorisant le contournement par l’espace des bastions ouvriers les plus syndiqués à l’époque. S’en est suivie une volonté de « tertiariser » la capitale dans les années 1970, symbolisée par l’édification de la tour Montparnasse. Pour autant, d’autres politiques publiques ont plutôt retardé la gentrification à Paris. Le contrôle des loyers par la loi de 1948 a freiné la spéculation immobilière jusqu’aux années 1980. Avec une indexation des loyers sur la surface et la qualité des logements et non sur les prix du marché, ce système était autrement plus efficace que celui que promeut actuellement Cécile Duflot à travers le projet de loi Alur. Il explique en grande partie pourquoi la capitale française reste encore peu chère par rapport à des villes comme New York ou Londres. D’autre part, les politiques de rénovation par démolition-reconstruction menées par la mairie de droite dans les années 1980-1990 ont eu un effet ambigu. Si elles avaient pour but de faire des bureaux et d’élever le niveau social de la population, elles ont malgré tout conduit à la construction d’un parc non négligeable de logements sociaux, assurant le maintien d’une partie des classes populaires. Certains îlots de rénovation, comme le quartier Couronnes à Belleville, sont aujourd’hui classés en politique de la ville. Cette politique de rénovation a été abandonnée en 1995 avec le remplacement de Chirac par Tiberi et le passage à gauche de six arrondissements du Nord-Est parisien. À la fin des années 1990, la production de logements sociaux s’effondre et la mairie se lance dans une politique de soutien public à la réhabilitation privée à travers les opérations d’amélioration de l’habitat (Opah). Elle encourage aussi l’embellissement de la ville, y compris des faubourgs, avec la création de pistes cyclables, d’espaces verts, qui accompagnent la gentrification de quartiers comme la Bastille… Encore embryonnaire sous Tiberi, cette politique a été amplifiée par Bertrand Delanoë.

Depuis sa conquête de l’Hôtel de Ville, en 2001, la gauche a pourtant accéléré considérablement la construction de logements sociaux. Lors du dernier mandat, la majorité municipale a même dépassé ses objectifs de construction…

Anne Clerval. Il y a un vrai effort sur le logement social. En termes de budget, il est même difficile de faire mieux, sauf à augmenter les impôts locaux. Le problème, c’est que cette politique ne peut à elle seule lutter contre la gentrification et l’éviction des classes populaires. À Paris, où les terrains libres sont rares, on produit du logement social par la démolition, la réhabilitation de logements insalubres ou le rachat de logements préexistants. Avec ces opérations, on crée des logements plus grands et de bien meilleure qualité, mais, d’un point de vue quantitatif, on réduit le nombre de logements accessibles aux classes populaires. Si rien n’est fait pour garantir l’accessibilité du parc privé aux ménages modestes, 20 ou 25 % de logements sociaux ne suffiront pas quand on sait que les classes populaires représentent 40 % de la population des ménages en Île-de-France. D’autant plus que les logements sociaux ne sont pas tous destinés aux classes populaires. Un tiers des HLM créées depuis 2001 sont des PLS et s’adressent à des ménages dont les revenus sont supérieurs aux plafonds habituels, alors que seuls 5 % des demandeurs peuvent y prétendre. Dans une ville déjà bourgeoise, il faudrait en priorité créer des logements très sociaux (Plai). Et même imposer, comme le demandaient les Verts et maintenant les élus du Front de gauche, le remplacement de chaque logement dégradé par un logement social. Or, ce type d’opération engage des financements de l’État. Et ceux-ci sont toujours insuffisants, malgré le changement de majorité.

Anne Hidalgo a repris l’objectif des communistes d’atteindre 30 % de logements sociaux d’ici à 2030. Parallèlement, elle promet un « effort particulier sur les logements intermédiaires pour les classes moyennes et les jeunes actifs ». Les classes moyennes ne sont-elles pas, elles aussi, victimes de la gentrification ?

Anne Clerval. C’est faux. Toutes les statistiques montrent clairement que ce sont les classes populaires qui déclinent le plus à Paris. Contrairement aux idées reçues, les professions intermédiaires sont en progression régulière depuis les années 1980 (autour de 23 % des actifs à Paris aujourd’hui, une part proche de celle de la région et du pays). Les dirigeants PS de la capitale ne cessent de mettre en avant un déficit de familles, sans dire lesquelles. Ils reprennent aussi l’idée de droite selon laquelle Paris serait une ville « des plus aisés et des plus aidés ». Toute leur politique est destinée aux classes moyennes. La lutte contre l’éviction des classes populaires et la gentrification n’a jamais été affichée comme un objectif. Ils préfèrent mettre en avant la mixité sociale, un but à géométrie variable au nom duquel on peut construire à la fois quelques logements sociaux dans les beaux quartiers et des PLS dans les quartiers populaires. On agit sur la ville comme si elle était figée, comme si le rapport de forces n’était pas en défaveur des classes populaires, chassées de la ville depuis plus de vingt ans. Rechercher la mixité sociale dans les quartiers populaires, alors que la bourgeoisie résiste toujours à celle-ci, et avec succès, dans les beaux quartiers, cela revient à accompagner la gentrification.

 

Vous critiquez la mixité sociale, mais n’est-ce pas, finalement, une manière d’éviter une ghettoïsation de certains quartiers, de favoriser le vivre ensemble ?

Anne Clerval. Il faut remettre en cause ces idées toutes faites. Qui peut croire que l’installation de classes moyennes à la Goutte-d’Or va améliorer les conditions de vie des ouvriers et des employés vivant dans ces quartiers ? Proximité spatiale ne signifie pas redistribution des richesses. Elle accroît même, parfois, les difficultés. Les familles populaires installées dans les logements sociaux construits en bas des Champs-Élysées, en plein cœur du 16e arrondissement, pour beaucoup d’origine africaine, se heurtent à un racisme bien plus important qu’ailleurs, et perdent des liens sociaux nécessaires pour résister à la crise. L’éviction et la dispersion des classes populaires vers la périphérie entraînent aussi la perte d’un précieux capital social, des réseaux de solidarité, voire des réseaux militants, particulièrement denses dans la ville-centre et certaines communes de proche banlieue. Aujourd’hui, l’injonction au vivre ensemble et la mixité sociale ont remplacé la lutte des classes. Ce ne sont que les succédanés contemporains de la collaboration de classe et de la justification d’un ordre social inégalitaire prônées par le catholicisme social au XIXe siècle pour concurrencer le socialisme. L’hégémonie de ce discours et l’ethnicisation croissante des questions sociales désarment les classes populaires face à la gentrification, et compliquent le développement d’une solidarité de classe. Il n’y a pas de ghettos, ni de ghettoïsation, mais une paupérisation considérable des classes populaires dans le nouveau régime capitaliste d’accumulation flexible. La concentration spatiale des classes populaires a au contraire été historiquement un support d’émancipation par la révolte et la révolution, comme les quartiers noirs états-uniens ont été la base du mouvement pour les droits civiques : à charge d’une gauche de gauche de prendre au sérieux les ferments actuels de révolte dans ces quartiers au lieu de vouloir les supprimer.

 

Existe-t-il un contre-modèle pour faire le lien entre les moins fortunés des gentrifieurs, qui votent souvent Front de gauche, et les classes populaires ?

Anne Clerval. Pour cela, il faut d’abord poser la question du mode de production capitaliste de la ville. Pourquoi la capitale exclut-elle autant de personnes ? Parce que la production de la ville n’est pas faite pour satisfaire les besoins des gens. Elle vise d’abord à rentabiliser le capital, à immobiliser au sol les surplus de capitaux pour une rentabilisation ultérieure. La ville est un stabilisateur du capitalisme mondial. Lutter contre le processus de gentrification suppose de remettre en cause le capitalisme. C’est la condition nécessaire à la réappropriation de la ville par tous, et en particulier les classes populaires. Cela rejoint la proposition d’Henri Lefebvre pour le droit à la ville, autrement dit le droit collectif de produire et de gérer la ville, qui oppose la propriété d’usage à la propriété privée lucrative et remet en cause à la fois le pouvoir des propriétaires ou des promoteurs et celui des édiles au profit d’un pouvoir collectif direct. Cette lutte contre la production marchande et inégalitaire de la ville s’incarne, aux États-Unis, dans un mouvement appelé Right to the city. Cette coalition de collectifs locaux s’affirme clairement contre la gentrification, milite pour le droit au logement, ou se bat pour sauver un commerce populaire menacé par un promoteur… Une lutte multiforme qui permet d’ancrer la lutte des classes dans chaque quartier et de fédérer différentes luttes sectorielles au niveau local. Elle peut aussi inclure ceux qui fréquentent la ville, qui la font vivre, sans toutefois y résider. Parfois, ce sont d’anciens habitants qui continuent d’y passer du temps, comme à Château-Rouge (18e). La ville, longtemps réduite à la question du cadre de vie, peut être un levier aussi efficace que le monde du travail pour une prise de conscience anticapitaliste.

(1) Paris sans le peuple  la Gentrification de la capitale. Éditions La Découverte, 2013, 24 euros.

Qui sont les gentrifieurs ? « La barricade de la rue Saint-Maur vient de mourir, celle de la Fontaine-au-Roi s’entête. » Ce livre sur l’éviction des classes populaires de Paris, issue d’une thèse, s’ouvre sur les derniers instants de la Commune décrits par Louise Michel. Ce n’est évidemment pas un hasard. Les transformations matérielles actuelles de Paris trouvent leurs racines dans « l’embellissement stratégique » d’Haussmann, et elles sont, comme à cette époque, le résultat du mode de production capitaliste de la ville. En menant ce travail abouti sur la gentrification, la géographe Anne Clerval permet de faire le lien entre la mutation de la ville et les rapports de domination, entre le changement de la rue et l’évolution du capitalisme mondial. Son livre, parfait révélateur des politiques publiques actuelles, écrase le mythe des « bobos », expression faisant croire à une catégorie homogène. À côté des « gentrifieurs stricto sensu », de catégories intermédiaires ou supérieures, propriétaires qui transforment leur logement, se trouvent aussi d’autres professions intellectuelles moins fortunés, souvent locataires, qui ne participent qu’à la marge à la gentrification. Ils sont souvent plus à gauche et plus critiques vis-à-vis du Parti socialiste.

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2 novembre 2016 3 02 /11 /novembre /2016 06:38

►A l’instar du TIPP (ou TAFTA) avec les États-Unis, le CETA est un traité de libre-échange négocié depuis plusieurs années et dans le plus grand secret entre l’Union Européenne et le Canada.

► Ce traité ultralibéral abaisserait toutes les normes sociales, sanitaires et environnementales, tout en créant un droit des affaires contre les droits humains.Tous les États, dont la France, s'apprêtaient à la signer, manquait juste la Wallonie Belge.

►A la suite de pressions inouïes qui se sont exercées sur lui, le gouvernement de la Wallonie (Belgique), qui avait rejeté le CETA dans un premier temps, a finalement accepté de retourner aux négociations afin de trouver un accord. La signature a été retardée mais la question de la démocratie est plus que jamais d’actualité !

 

 

Tout était prêt pour célébrer jeudi 27 octobre, à Bruxelles, et en présence de tous les chefs d’État de l’Union européenne, une nouvelle victoire de la mondialisation capitaliste contre les peuples et le droit. La signature du traité CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) qui devait avoir lieu a dû être retardée. A l’issue de ses débats, le Parlement Wallon de Belgique a décidé de ne pas donner son accord pour la signature, refusant de « se couper du débat démocratique et de l’opposition au traité qui s’est exprimée dans la population ». Depuis, les pressions exercées ont reconduit le parlement belge à la table des négociations.

 

Le CETA, qu’est-ce que c’est ?

Alors que le projet de traité transatlantique (TIPP) commence à chanceler sous la pression populaire, l’Union européenne s’est engagée à ratifier ce qui en serait les prémices, le traité avec le Canada, dans les meilleurs délais. Ce projet d’accord bilatéral ne traite pas seulement des tarifs douaniers, mais oblige aussi les États à modifier leurs normes sanitaires, sociales, environnementales, fiscales…

C’est donc bien plus qu’un traité, mais un modèle de développement, un modèle de société qui se négocie dans le secret.

  • Le Ceta c’est la suppression de 93,8 % des droits de douane agricoles, et donc encourager la course à l’industrialisation agricole.
  • Le Ceta propose la libéralisation de tous les services publics qui ne sont pas financés publiquement à 100 %.
  • Le Ceta, c’est le détricotage des normes alimentaires, comme par exemple l’autorisation des « lavages » de viande ou l’autorisation du soja transgénique.
  • Le Ceta prévoit l'association des lobbies industriels canadiens à la formulation des nouvelles réglementations y compris dans le domaine des biotechnologies (OGM inclus).
  • Le Ceta permet aux entreprises d’attaquer un Etat en raison de ses décisions légales ou réglementaires.
  • Le Ceta, c’est un traité tellement opaque que personne n’a pu prendre connaissance des textes de négociation avant août 2014.

Son rejet serait donc une bonne nouvelle !

 

Une bataille démocratique

L’Union Européenne n’entend pas baisser les armes et la volonté de passer en force s’exprime clairement avec les menaces qui pleuvent sur la Wallonie, notamment celle de privation des fonds européens pour les zones les plus défavorisées.

L’enjeu est considérable, l’échec de l’accord Ceta contribuerait également à mettre un coup d’arrêt à l’accord avec les États-Unis, le TIPP ou TAFTA.

La situation oblige maintenant à ouvrir un vrai débat sur les contenus de ce texte dont la teneur est cachée au plus grand nombre alors qu’il aurait de redoutables conséquences sur la vie quotidienne de chacune et chacun.

 

#CETA NOUS DE DÉCIDER

Pour l’intérêt général et la démocratie, ce Traité ne devrait pas voir le jour. L’engagement des communistes et de leurs élus sera total pour contribuer à construire une Europe des peuples.

 

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2 novembre 2016 3 02 /11 /novembre /2016 06:17
Vie privée: 60 millions de Français fichés dans une base de donnée? (Ouest-France, 1er novembre)
Vie privée. 60 millions de Français fichés dans une base de données ?

 

Le décret est paru dimanche au Journal Officiel, au cœur d'un week-end de Toussaint. Il prévoit la constitution d'une gigantesque base de données permettant « un traitement de données à caractère personnel commun aux passeports et aux cartes nationales d'identité ». Ce fichier regroupera donc les données personnelles et biométriques de 60 millions de Français...

Repéré par le site NextImpact, le décret paru dimanche au Journal Officiel (JO) officialise la création d'un fichier unique compilant les données personnelles et biométriques des 60 millions de Français possédant un passeport ou une carte d'identité.

Cette base de données, baptisée Titres électroniques sécurisés (TES), regroupera les informations des passeports et des cartes d'identité : état civil, photo numérisée du visage (sans sourire !), empreintes digitales, couleur des yeux, taille, filiation des parents…

« L'administration continue de se moderniser en accélérant et en simplifiant les démarches des usagers. Il s'agit également de fiabiliser » les demandes « de pièces d'identité en les sécurisant », a déclaré mardi le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Pierre-Henry Brandet.

60 millions de Français

L'immense majorité des Français y figureront, puisqu'il suffira d'avoir une carte d'identité ou un passeport pour y figurer. Pendant 15 ans (carte d'identité) ou 20 ans (passeport), selon les durées de conservations des données.

Les mineurs de moins de 12 ans y échappent.

Réserves de la CNIL et du Conseil constitutionnel

Ce décret est la suite d'une loi votée en 2012 par l'Assemblée nationale, alors à droite, dans le cadre de la loi sur la carte d'identité biométrique.

Le projet de loi de 2012 avait deux finalités :

- lutter contre l'usurpation d'identité pour éviter qu'une personne s'approprie le document d'une autre

- l'identification d'une personne à partir de ses données (empreintes digitales notamment), y compris à des fins judiciaires. En raison de cette seconde finalité, la création du fichier avait été retoquée par le Conseil constitutionnel.

Le texte avait donné lieu à des débats vifs - la gauche avait voté contre - et avait suscité les réserves de la Commission nationale informatique et liberté. « Ce fichage de l'ensemble de la population nous semble dangereux », avait estimé en 2012 Isabelle Falque-Pierrotin, la présidente de la Commission nationale informatique et liberté.

Le Sénat s'était également inquiété du risque d'un fichier généralisé pour les libertés publiques.

Le Conseil constitutionnel avait également censuré plusieurs articles, notamment la création de ce fichier centralisé.

Le ministère de l'Intérieur défend le fichier

Le décret qui vient d'être pris ne comporte aucune fonctionnalité d'identification d'une personne à partir de ses seules données biométriques », fait-on valoir au ministère, où l'on assure donc qu'il « ne peut être comparé à la proposition qui avait été censurée en 2012 ».

Au ministère de l'Intérieur, on répond que le Conseil d'Etat a été « sollicité » pour avis et a jugé la voie réglementaire « conforme à la loi ».« La Cnil a également été consultée et a acté que la recherche d'identité à partir des empreintes ou des photos ne serait pas possible, et a considéré que les finalités » du fichier TES « étaient déterminées, explicites et légitimes », plaide-t-on place Beauvau.

Saisie pour avis, la Cnil a cependant également émis plusieurs réserves, et précise qu'« au vu des risques graves d'atteinte à la vie privée soulevés par la mise en œuvre de ce traitement, la commission se montrera particulièrement attentive à ses conditions réelles de mise en œuvre ».

Un fichier critiqué

Malgré tout, des personnalités ont déploré la création d'un « mégafichier de 60 millions de Français ».

L'actuel ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, avait critiqué en février 2012 sur Twitter un fichier à l'origine « administratif » devenu « policier » :

Jean-Jacques Urvoas avait également fait part de son opposition au principe d'un fichier unique regroupant toute la population sur son blog.

Il y posait notamment la question de la sécurité de ce fichier, et le risque de voir ses données fuiter ou être piratées.

Pour le président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme Michel Tubiana, « plus vous avez un fichier qui est gros, plus vous avez un fichier qui est consultable par une multiplicité de services, et c'est le cas dans le décret puisque pratiquement tous les services peuvent le faire, plus vous avez la possibilité d'avoir un hackage du fichier » par des pirates informatiques.

« La finalité d'identification à partir des données a certes été écartée mais dès lors que le fichier a été constitué, elle devient techniquement possible », a fait valoir le sénateur socialiste Gaëtan Gorce et membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), organisme qui avait donné un avis négatif à ce sujet lors de la proposition de loi de 2012.

« On peut craindre qu'un futur gouvernement modifie les finalités », a-t-il dit, déplorant que le gouvernement ait décidé de créer « une sorte de monstre ».

Qui aura accès ?

Le fichier TES, selon le décret, sera accessible aux fonctionnaires en charge de la délivrance et de la gestion des cartes d'identité et des passeports : agents des services centraux du ministère de l'intérieur et du ministère des affaires étrangères, agents des préfectures et des sous-préfectures, agents diplomatiques et consulaires, agents des communes…

La police, la gendarmerie et les services de renseignements y auront accès, à l'exception des empreintes digitales numérisées. Certaines données du TES pourront également être transmises à Interpol ou dans l'espace Schengen.

 

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1 novembre 2016 2 01 /11 /novembre /2016 06:10
La France vote contre un traité d'interdiction des armes nucléaires à l'ONU (Paul Quilès, 28 octobre)

 Un événement rare et historique vient se produire cette nuit à l'ONU. Une résolution en faveur de la rédaction d'un traité d'interdiction des armes nucléaires a été votée par la 1ère commission à une très large majorité.

 

      123 pays (dont l'Autriche, la Suède, le Mexique, le Brésil, l'Afrique du Sud, ...) ont voté en faveur de cette résolution.

 

      38 pays ont voté contre, dont la France.

 

     16 se sont abstenus, dont la Chine, l'Inde, le Pakistan,la Finlande, les Pays-Bas, la Corée du Nord).

 

      Je considère le vote de la France comme contradictoire avec tous les beaux discours sur la recherche d'une plus grande sécurité dans le monde et de la lutte contre la prolifération nucléaire.

 

      Pour faire court, ce vote est honteux.

 

Paul Quilès

 

 

Et un article plus développé de Paul Quilès sur le Huffington Post 

Depuis des mois, la France ne cesse d'aller à l'encontre de la volonté exprimée par une majorité de pays d'établir une norme juridique contraignante de prohibition des armes nucléaires. Le 27 octobre dernier, à l'ONU, elle a confirmé cette position en votant contre le projet de résolution L.41 proposé par 34 États, intitulé "Faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire". Elle a émis le même vote que les États-Unis, le Royaume-Uni mais aussi la Russie et Israël ; un non-sens total ! Les pays non nucléaires de l'OTAN ont voté dans le même sens, de peur de contrarier leur protecteur américain, seuls les Pays-Bas s'abstenant sous la pression de leur Parlement.

 
Les armes nucléaires sont les dernières armes de destruction massive à ne pas être soumises à une interdiction.

Opposés aux puissances nucléaires, 123 États (Autriche, Suède, Irlande, Mexique, Brésil, Afrique du Sud, Malaisie, Nouvelle Zélande...) ont voté cette résolution, qui va faire de 2017 l'année de la négociation d'un "instrument juridiquement contraignant visant à interdire les armes nucléaires en vue de leur élimination complète".

 

Il faut rappeler que les armes nucléaires sont les dernières armes de destruction massive à ne pas être soumises à une interdiction (Convention sur l'interdiction des armes biologiques - 1972, Convention sur l'interdiction des armes chimiques - 1993).

 

Depuis 1970 (entrée en vigueur du Traité de Non-Prolifération- TNP) cinq pays bénéficient du droit de disposer de ces armes, mais à la condition d'en négocier "de bonne foi" l'élimination. Or, quarante-six ans plus tard, il existe toujours plus de 15 000 armes nucléaires et tout est bloqué dans les faits en matière de désarmement nucléaire multilatéral depuis 1996, date de la signature du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

 
Le vote négatif de la France –qui est intervenu dans un regrettable silence médiatique - contredit tous les beaux discours de ses représentants.

Le projet d'interdiction internationale de l'arme nucléaire dont il est question aujourd'hui est porté depuis de nombreuses années par un grand nombre d'ONG, comme la Croix Rouge ou la Campagne Internationale pour l'Abolition des Armes Nucléaires (ICAN). Il ne s'agit pas de la revendication d'un mouvement d'idéalistes, mais d'un objectif concret de politique internationale pour près des deux tiers des pays de la planète.

Le vote négatif de la France –qui est intervenu dans un regrettable silence médiatique - contredit tous les beaux discours de ses représentants sur le renforcement de la sécurité internationale et la lutte contre la prolifération nucléaire. Il heurte la conscience et le bon sens. Imagine-t-on aujourd'hui un pays qui s'opposerait à l'interdiction des armes de destruction massive chimiques ou biologiques ?

Pour s'opposer à l'adoption du principe d'interdiction totale et complète des armes nucléaires, la représentante permanente de la France à la Conférence du désarmement a affirmé qu'il fragiliserait le TNP et serait de ce fait préjudiciable au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Cela signifie-t-il que les armes nucléaires garantissent la paix et la sécurité internationale ? Ce n'est pas la conclusion la plus évidente que l'on peut tirer de la succession actuelle des crises et conflits. Quant à notre représentant permanent adjoint, il est allé plus loin encore en affirmant qu'un traité d'interdiction allait "ouvrir une brèche en matière de non-prolifération" ; alors même qu'au contraire il a pour objet de rendre ces armes illégales... De tels discours pourraient eux-mêmes être considérés comme des incitations involontaires à la prolifération nucléaire !

Les États non nucléaires, en très grande majorité, s'apprêtent à accroître leur pression sur les puissances nucléaires en se saisissant de l'agenda du désarmement.

La perspective d'un traité d'interdiction des armes nucléaires est soutenue par un vaste mouvement d'opinion à l'échelle mondiale. C'est ainsi que les parlementaires européens viennent d'adopter le 25 octobre 2016, à une large majorité, une résolution appuyant le projet de l'ONU. Ils y soulignent, contrairement à la plupart des gouvernements de l'Union européenne, "qu'une telle démarche viendra étayer les objectifs et obligations consacrés par le TNP en matière de non-prolifération et de désarmement, et contribuera à créer des conditions favorables pour la sécurité internationale et un monde sans armes nucléaires". Ce mouvement global d'opinion s'explique notamment par une prise de conscience de plus en plus aigüe des conséquences humanitaires d'une explosion, délibérée ou accidentelle, d'un engin nucléaire.

Les votes récents de l'Assemblée générale des Nations Unies sont le signe d'un changement profond. Désormais, les États non nucléaires, en très grande majorité, s'apprêtent à accroître leur pression sur les puissances nucléaires en se saisissant de l'agenda du désarmement. Une nouvelle période de l'histoire du désarmement nucléaire s'ouvrira en 2017. Avec l'organisation Initiatives pour le Désarmement Nucléaire (IDN), nous souhaitons que la France y participe de manière constructive. Devant la gravité des enjeux, la poursuite de la politique de la chaise vide serait irresponsable et contradictoire avec les valeurs que la diplomatie de notre pays entend défendre et promouvoir.

 

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1 novembre 2016 2 01 /11 /novembre /2016 05:53
La parole à Ambroise Croizat...
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1 novembre 2016 2 01 /11 /novembre /2016 05:50
350	000 foyers fiscaux sont assujettis à l’ISF, soit 0,53/% des ménages

350 000 foyers fiscaux sont assujettis à l’ISF, soit 0,53/% des ménages

L’ISF, un symbole de justice plébiscité
AURÉLIEN SOUCHEYRE
VENDREDI, 28 OCTOBRE, 2016
L'HUMANITÉ

Les Français sont attachés à l’impôt de solidarité sur la fortune, malgré la lubie obsessionnelle d’une droite qui souhaite le supprimer pour mieux renforcer l’injustice profonde de notre régime fiscal.

L’écrasante majorité des candidats à la primaire de la droite veulent supprimer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Il coûterait bien plus cher qu’il ne rapporte, plaident-ils de façon hasardeuse. Manque de bol, cette vieille rengaine ne convainc pas les Français. Ils sont 72 % à être contre la suppression de l’ISF, selon un sondage Odoxa-le Parisien paru jeudi. « Cela montre l’attachement de la nation à la contribution juste de chacun, apprécie le député PCF Nicolas Sansu. Les Français comprennent bien que l’ISF est un outil de redistribution alors que les inégalités explosent. Vouloir le supprimer est une bêtise économique et un symbole grave. »

Derrière la question de l’ISF, se cache surtout celle de la justesse de notre architecture fiscale. Là encore, le bât blesse à droite, de la hausse de la TVA, impôt injuste car il pénalise davantage les plus démunis, à l’instauration, comme le défend Nathalie Kosciusko-Morizet, d’un impôt à taux unique, à hauteur de 20 %, qui profiterait très largement aux plus riches. « Mais il faudrait alors, pour rester cohérent, une TVA proportionnelle à la richesse de chacun », raille Nicolas Sansu. Ce que la droite ne prévoit absolument pas.

Le parlementaire, qui a voté pour améliorer la lutte contre les optimisations fiscales abusives visant à se soustraire à l’ISF, dans le cadre du projet de budget 2017, considère néanmoins que « le quinquennat Hollande restera celui de la révolution fiscale ratée ». « Ce gouvernement n’a même pas remis l’ISF au niveau qui était le sien avant sa diminution par Nicolas Sarkozy. Si la légitimité de son existence ne souffre aucune discussion, son assiette et son taux peuvent par contre très bien être revus dans le cadre d’un projet global. L’ISF à lui seul, et c’est bien la preuve que les plus riches n’ont pas à le fuir, n’a pas empêché la France de devenir un pays de rentiers. Les droits de succession se sont effondrés. Les 10 % sont les plus riches possèdent 48 % du patrimoine, et le 1 % le plus fortuné s’en est accaparé 17,5 %. Environ 350 000 foyers fiscaux sont assujettis à l’ISF, soit 0,53 % des ménages, qui détiennent à eux seuls 1 400 milliards d’euros, sur lesquels sont prélevés 5 milliards d’euros au titre de l’ISF, soit 0,3 % de leur patrimoine… »

La fraude fiscale est estimée à 70 milliards d’euros en France

À cela s’ajoute le fait que les cinq cents plus grandes fortunes françaises ont vu leur patrimoine gonfler de 20 % en cinq ans. « L’ISF n’est donc ni confiscatoire ni dissuasif », argumente Nicolas Sansu. Et ne résout pas, en l’état, l’extrême concentration des richesses par quelques-uns. « Je n’oublie pas qu’il a été créé au départ pour financer le RMI, même s’il n’est plus fléché aujourd’hui. Ce qu’il nous faut bâtir, au-delà, c’est surtout un système fiscal plus efficient et plus juste, avec un impôt sur les revenus plus progressif et composé de davantage de tranches. Sur l’ISF, il faudrait un plafond en valeur, afin d’éviter l’inconstitutionnalité et surtout pour ne pas laisser des sommes faramineuses aux mains de quelques-uns au nom du pourcentage. Pourquoi ne pas laisser une sorte de reste à vivre aux plus riches, à hauteur par exemple de 10 millions d’euros par an, en dehors de leur patrimoine ? »

Reste enfin la lutte contre la fraude fiscale. Environ 70 milliards d’euros sont ainsi volés chaque année à la France… À côté, les 5 milliards rapportés par l’ISF apparaissent bien ridicules, quand bien même la droite les trouve insupportables…

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1 novembre 2016 2 01 /11 /novembre /2016 05:36

Anti-européens et nationalistes oui, mais pas jusqu'au point de ne pas considérer l'Europe et les contribuables européens comme des vaches à lait pour financer le salaire des collaborateurs!

L’Union européenne réclame 339.000 euros à Marine Le Pen

31 OCTOBRE 2016 | PAR MARINE TURCHI

Mediapart et Marianne révèlent que l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) demande le recouvrement de 339 000 euros versés « indûment » à Marine Le Pen, pour l'emploi de deux assistants à Strasbourg. L'OLAF explique à Mediapart qu'il« surveille[ra] étroitement les actions prises à la suite de ses recommandations ».Sur la base de son rapport, le parquet de Paris a élargi son enquête préliminaire sur les soupçons d’emplois fictifs d’une vingtaine d’assistants parlementaires FN. 

 

 

L'office de lutte antifraude européen (OLAF) a demandé en août au parlement européen de lancer une procédure de recouvrement à l’encontre de Marine Le Pen, selon une enquête de Mediapart et Marianne. La présidente du FN est soupçonnée d’avoir employé de manière fictive, sur des fonds européens, deux assistants parlementaires, Catherine Griset et Thierry Légier. L’organisme chiffre à 339 946 euros le « préjudice financier » à l’Union européenne. L'avocat de Marine Le Pen annonce deux référés.

À cette procédure administrative européenne s'ajoute un volet judiciaire français. L'OLAF a transmis le 26 juillet son « rapport d'enquête administrative » à la justice française, qui enquête depuis mars 2015 sur les salaires versés à des assistants d'eurodéputés frontistes depuis le début du mandat, en juillet 2014. Sur la base de ce rapport, le parquet de Paris a étendu fin août son enquête préliminaire pour « abus de confiance » à des faits couvrant désormais la période 2010-2016, à cheval sur l'ancienne et la nouvelle mandature.

Le 29 juillet, un premier courrier à en-tête de l'OLAF est arrivé sur le bureau de Marine Le Pen. L'Office anti-fraude estime que 339 000 euros lui auraient été « indûment » versés pour rémunérer deux de ses assistants parlementaires. L'organe de contrôle s'appuie sur l'article 33 des mesures d'application du statut des eurodéputés (MAS), qui stipule que les fonds débloqués pour employer les assistants doivent correspondre à une activité « directement liée à l'exercice du mandat parlementaire des députés ». En clair, les assistants ne doivent pas être rémunérés pour travailler au sein d'un parti.

Le 30 septembre, la présidente du FN reçoit un second courrier, signé cette fois du secrétaire général du parlement européen, Klaus Welle. Le fonctionnaire, se fondant sur le rapport de l'OLAF reçu le 2 août, lui demande d'apporter des explications ou des preuves de travail de ses assistants. Marine Le Pen – qui n'a pas répondu à nos questions – avait un mois pour fournir ses éléments ou observations, elle n'a rien transmis. « Sur le fond, nous n’avons pas le rapport de l’OLAF, de quoi voulez-vous que nous discutions ? »[avec l'administration du parlement – ndlr], justifie à Mediapart son avocat, Marcel Ceccaldi.

 

Le 12 octobre, il a demandé au parlement et à l'OLAF, par lettres recommandées, la communication de ce rapport. « Je n'ai eu aucune réponse », s'indigne l'avocat, affirmant que l'organisme avait déjà lancé une première enquête « en juin 2014 ». « L'OLAF commence son enquête en mars 2016 et la conclut en juillet, juste avant le début de la campagne présidentielle. Et sa directrice est promue à la commission européenne quatre semaines après ! Marine Le Pen na jamais été entendue. C’est abracadabrantesque, cest une violation délibérée de lÉtat de droit, une opération montée par lexécutif allemand du parlement pour museler ceux qui sont critiques envers le fonctionnement de lUnion européenne. »

Si Marine Le Pen reste silencieuse, le parlement lui demandera de rembourser ces 339 000 euros, soit directement, soit par une retenue sur son indemnité d'eurodéputée, en application de l'article 68 du MAS. Cette procédure n'est pas suspensive, mais la présidente du FN dispose de plusieurs recours : les questeurs, le bureau du parlement, ou, en dernier ressort, la Cour de justice de l'UE.

Marcel Ceccaldi prépare deux référés « contre le secrétariat général et contre lOLAF »devant la justice européenne, et organisera une conférence de presse dans les deux prochaines semaines à Bruxelles, aux côtés de l'avocat belge de Marine Le Pen, Ghislain Dubois. « Nous allons tout mettre sur la table : les procédés de lexécutif du parlement, ceux de lOLAF, dont lindépendance est une pantalonnade, mais plus largement la question du fonctionnement de lUE. Nous allons utiliser la règle de droit pour nous opposer à leurs pratiques », assure-t-il.

L'OLAF pointe du doigt les salaires touchés par deux assistants: Catherine Griset (298 392 euros au total) et Thierry Légier (41 554 euros). Vieille amie et ex-belle sœur de Marine Le Pen, Catherine Griset a été, entre décembre 2010 et mi-février 2016, son assistante parlementaire « accréditée » à temps plein, c'est-à-dire qu'elle devait travailler dans les murs du parlement, entre Bruxelles et Strasbourg. Sauf qu'elle était parallèlement la cheffe du secrétariat de la présidente du FN, puis sa cheffe de cabinet, au siège du parti, à… Nanterre. 

« OLAF a consaté que votre assistante n'a pas rempli certaines de ses obligations contractuelles et statutaires », notamment « l'obligation d'assistance directe dans les locaux du parlement européen à un député », écrit Klaus Welle dans son courrier adressé en septembre à Marine Le Pen, et publié par Challenges lundi soir. Catherine Griset avait assuré au Parisien concilier les deux tâches « grâce au télétravail », sans préciser si elle cumulait deux salaires, ou si le parlement européen couvrait son travail au siège du FN. En février 2016, elle est devenue simple assistante « locale », c'est-à-dire implantée dans la circonscription. Depuis vendredi, elle n'apparaît plus parmi les collaborateurs de Marine Le Pen sur le site du parlement.

Thierry Légier, lui, a été l'assistant « local » de l'eurodéputée entre octobre et novembre 2011, sous l'ancienne mandature. Ce colosse d'un mètre quatre-vingt-dix, ancien parachutiste, a assuré pendant vingt ans la protection de Jean-Marie Le Pen, avant de devenir le garde du corps de Marine Le Pen. Klaus Welle souligne sa« rémunération horaire de 64 euros », « extrêmement élevée » comparée à celle de 39 euros « d’un précédent contrat pour des tâches similaires »

« Le travail des assistants ne peut être seulement législatif, c'est un travail général sur des études, des médias, des messages reçus de circonscription », plaide de son côté Me Ceccaldi. Interrogé lundi soir sur BFMTV, Florian Philippot préfère y voir une « affaire assez comique sur le fond »« On reproche à Marine Le Pen d'avoir une assistante. Elle est l'assistante de Marine Le Pen depuis longtemps, tous vos collègues le savent. Elle n'est pas son jardinier, sa nounou ». Marine Le Pen est « eurodéputée de minuit à 24 heures (sic), du 1er janvier au 31 décembre », a-t-il ajouté.

 

Gendarme de l'Union européenne, l'OLAF n'est pas un organe judiciaire, il réalise des enquêtes administratives puis fait des recommandations. Il transmet ensuite ses conclusions à l'autorité nationale compétente, s'il estime que des poursuites sont justifiées. Après la publication de cet article, l'organisme a expliqué à Mediapart ne« pouvoir faire aucun commentaire à ce stade », mais il confirme avoir clôturé, en juillet 2016, « une enquête liée à une possible mauvaise utilisation par le Front national des fonds européens dédiés à l'assistance parlementaire ».

L'office européen confirme aussi avoir « envoyé son rapport final contenant des recommandations financières au Parlement européen, afin que tous les fonds de l'UE indûment versés soient retournés au budget de l'UE », et précise « surveill[er] étroitement les actions prises à la suite de ses recommandations »Il précise avoir « étroitement coopéré avec la justice française », par exemple en « assistant la police judiciaire française dans la réalisation de plusieurs recherches sur les bureaux et les maisons privées liées au Front national », dans le cadre de l'enquête préliminaire ouverte en France.

Au parlement, nos questions sont restées sans réponse. Sollicité, son président, Martin Schulz, n'a pas voulu faire de commentaire et nous a renvoyés vers les services de communication, qui nous ont fait savoir que « le parlement européen ne souhait[ait] pas réagir à ce stade ».

320 000 euros réclamés à Jean-Marie Le Pen, 270 000 euros à Bruno Gollnisch

Ce n'est pas la première fois que l'utilisation par Marine Le Pen de l'enveloppe européenne attire l'attention du parlement. En juillet 2012 déjà, les services financiers avaient questionné la présidente du FN sur l'embauche de deux de ses assistants, Louis Aliot et Florian Philippot, comme Mediapart l’avait révélé. L'eurodéputée les avait employés en pleine campagne, à temps partiel, comme assistants « locaux », alors qu’ils étaient parallèlement vice-présidents du parti, mais aussi directeurs de sa campagne présidentielle, puis porte-parole du FN aux législatives.

À l’époque, le parlement avait cru bon de rappeler l'article 43, qui souligne que les fonds débloqués pour financer le travail des assistants parlementaires « ne peuvent servir directement ou indirectement à financer des contrats établis avec des groupes politiques du Parlement ou des partis politiques »« La durée horaire modeste de leurs contrats d’assistance parlementaire permet de concilier deux activités professionnelles », avait répondu Marine Le Pen dans un courrier. Le parlement avait renoncé à éplucher les agendas d’Aliot et Philippot, jugeant que la présidente du FN profitait d'un certain flou juridique concernant la catégorie des assistants « locaux ».

Aujourd'hui, elle n'est pas la seule frontiste visée par une demande de recouvrement. En janvier, le parlement européen a réclamé 320 000 euros à Jean-Marie Le Pen et 270 000 euros à Bruno Gollnisch, pour avoir respectivement employé, sous la précédente mandature (2009-2014), Jean-François Jalkh, vice-président du parti, et Guillaume Lhuillier, le directeur de cabinet du fondateur du FN. Dans son courrier, adressé à Jean-Marie Le Pen, le secrétaire général du parlement soulignait que « pour l’ensemble de la septième législature, M. Le Pen ne fournit ni explication ni preuve du travail d’assistance parlementaire réalisé par M. Jalkh ».

« Il y a un certain climat depuis un an, on le voit avec l’affaire des assistants, le parlement européen nous réclame une somme astronomique et c’est exécutoire », se plaignait en juin le conseiller de Le Pen, Lorrain de Saint-Affrique, interrogé par Mediapart. « Il y a les injonctions fiscales, l'enquête préliminaire [sur le patrimoine de Jean-Marie Le Pen – ndlr], les perquisitions, et l’OLAF. » De son côté, Bruno Gollnisch fustige « une procédure politique et persécutoire » et annonce : « Moi qui étais un député relativement économe, j'ai décidé de dépenser l'intégralité des enveloppes de frais désormais ! ». Les deux élus ont engagé des recours devant la cour de justice européenne. Trois autres eurodéputées frontistes sont également visées, d'après Me Ceccaldi : Sophie Montel, Dominique Bilde, Mylène Troszczynski.

 

organigramme du FN (Médiapart)

organigramme du FN (Médiapart)

C'est la publication du nouvel organigramme du Front national, en février 2015, qui a alerté le parlement européen. En croisant ce document avec les contrats des assistants, les services du parlement ont découvert que sur les 82 personnes occupant des fonctions officielles dans l'appareil frontiste, 20 étaient des collaborateurs d’eurodéputés (4 « accrédités » et 16 « locaux »). Sur ces vingt, dix ont fourni dans leur contrat de travail au parlement l'adresse du siège du Front national à Nanterre. Tout comme neuf autres assistants parlementaires, qui ne figurent pas, eux, dans l'organigramme. Au total, ce sont donc 29 assistants frontistes – sur 63 – dont la situation était susceptible de poser problème, selon le parlement.

C'est sur cette base que le président du parlement européen, Martin Schulz, a saisi l'Olaf en mars 2015, conformément au règlement de l'institution. Parallèlement, le président social-démocrate allemand écrivait à la ministre de la justice française de l'époque, Christiane Taubira. Dans son courrier, consulté par Mediapart, M. Schulz évoque « une possible utilisation frauduleuse de fonds européens », et pointe des « salaires versés à des assistants qui ne compenseraient pas un travail effectif pour le Parlement et pourraient financer de façon indue les activités d'un parti politique ».

Le 24 mars 2015, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire qu'il confie à l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). Pendant plusieurs mois, les enquêteurs réalisent un travail d'épluchage et de recoupement des agendas, badges électroniques et contrats d'une quarantaine d'assistants parlementaires frontistes, pour identifier les situations potentiellement problématiques. Il s'agit concrètement de déterminer, pour chaque assistant, s’il a effectivement consacré tout ou partie de son temps de travail au mandat européen de son député. L'enquête se resserre sur une vingtaine d’assistants. 

Début 2016, une série de perquisitions est menée au siège du Front national et aux domiciles de plusieurs collaborateurs, avec l'assistance des enquêteurs de l'OLAF, qui participent à l'exploitation des ordinateurs saisis. Fin août, le parquet de Paris, destinataire du rapport de l'organisme européen, élargit le champ de son enquête préliminaire à la période 2010-2016. Les enquêteurs français doivent maintenant faire le tri dans les informations transmises par l'OLAF, et établir les faits qui sont susceptibles d'être poursuivis, ceux qui ne le sont pas, et ceux qui sont prescrits (au-delà de trois ans).

De son côté, le Front national dénonce depuis le départ « une opération politique » du socialiste allemand Martin Schulz, « directement pilotée par François Hollande et Manuel Valls » pour « surveiller et intimider l’opposition patriote ».

Le parti de Marine Le Pen est-il le seul à tenter de maximiser la manne européenne ? Dans une longue enquête publiée en mai 2014, Mediapart avait déjà mis en lumière plusieurs cas problématiques d’eurodéputés français – au PS, à l'UMP, au Parti de gauche –, suspectés d’employer leurs assistants à d’autres fins qu’un simple travail de collaborateur européen. Dans plusieurs partis (au-delà même des Français), des situations posent – ou ont posé – problème, à des degrés divers.

La pratique est ancienne. L'écologiste Gérard Onesta, un ancien vice-président du parlement européen, qui a coécrit le règlement interne de l'institution, avait racontéà Mediapart « les capacités d'imagination de certains députés pour contourner le règlement » au fil des années. Mais selon lui, « avec le FN, il semble que l'on n'est plus dans le tripatouillage marginal, mais bien plutôt dans le montage massif, systématique, industriel ».

En passant de trois à vingt-trois eurodéputés après les élections de 2014, le Front national a en tout cas réalisé une bonne opération budgétaire – à rebours de son discours de dénonciation des institutions européennes(lire notre article). Car ces nouveaux élus touchent chacun 6 400 euros net mensuels, bénéficient de défraiements jusqu'à 4 320 euros, mais aussi d'une enveloppe maximale de 23 392 euros chacun pour payer chaque mois leurs assistants. Au total, ce sont 97 personnes (20 eurodéputés et 77 assistants) qui sont aujourd'hui rémunérées grâce aux fonds européens,d'après nos calculs. Et le groupe parlementaire que le FN est parvenu à créer en juin 2015 – Europe des nations et des libertés (ENL) – lui permet de toucher des subventions supplémentaires : 3 222 261 euros pour l’année 2016.

Outre cette affaire des assistants, le Front national ou ses dirigeants sont visés par deux autres enquêtes judiciaires. En octobre, le parti frontiste, son trésorier, l'un de ses vice-présidents et plusieurs proches de Marine Le Pen, ont été renvoyés en correctionnelle dans l'affaire du financement de ses campagnes législatives de 2012. Les déclarations de patrimoine de la présidente du FN et son père font par ailleurs l'objet d'une enquête préliminairediligentée par le parquet national financier.

 

 

 

 

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1 novembre 2016 2 01 /11 /novembre /2016 05:27
Cette année encore, des centaines de sans abris sont morts dans la rue

Sur le site de RFI - avec l'AFP

Chaque année, le nombre de SDF augmente dans les rues de France. Entre 2001 et 2012, on a noté une augmentation de 50% du nombre de personnes sans domicile fixe. Si leur nombre est assez simple à calculer, la mortalité de cette population à risque de décès prématuré reste compliqué à estimer. Entre janvier 2008 et décembre 2010, 6.730 SDF sont morts dans les rues, plus de 2.000 par an. C'est ce que révèle une nouvelle estimation publiée mardi dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'Institut de veille sanitaire (InVS). 

Cette nouvelle étude qui aboutit à estimer ces décès à 6.730 au cours de cette période 2008-2010, est basée sur des recoupements entre les données du Collectif les morts de la rue et celles de la base nationale des causes médicales de décès du Cépi-DC Inserm. Selon le rapport du Collectif les morts de la rue, rendu public le 12 novembre, les personnes décédées (498 en 2014) qu'il avait pu répertorier, étaient majoritairement des hommes (88%), morts en moyenne à 49 ans, alors que l'âge moyen de décès des hommes dans la population générale s'établit à 79 ans. Le collectif a estimé à cette occasion n'avoir recensé qu'entre 1/5e et 1/6e des disparitions de SDF. 

De plus en plus d'enfants dans la rue

Le BEH consacré à ces populations relève notamment "un accroissement des familles ayant des enfants" au cours de la dernière décennie. Parmi ces sans domicile, près d'un tiers sont des enfants, un quart des adultes travaillent, mais ont des emplois le plus souvent précaires, peu qualifiés et mal rémunérés, rappelle le bulletin. 

Le nombre de familles sans logement est estimé à 10.280 en Ile-de-France, selon les premiers résultats de l'enquête EnFams 2013, consacrée exclusivement à ces familles, également publiée dans le BEH. 

Près de la moitié des familles étaient monoparentale, 22% ayant au moins 3 enfants, selon l'enquête. La majorité souffrait de malnutrition, avec une forte fréquence d'"insécurité alimentaire", d'anémie (50% des mères et 38% des enfants)...

***

Sur le site du Figaro

L'année n'est pas encore terminée, mais le collectif Les Morts de la Rue a déjà recensé le décès de 323 personnes vivant dans la rue. Selon l'association, la moyenne d'âge des personnes décédées est de 49 ans.

Depuis le début de l'année 2016, au moins 323 personnes sans domicile fixe sont décédées dans la rue. Le collectif Les Morts de la Rue , dresse une liste, actualisée chaque semaine, qui recense les informations sur ces SDF victimes de la rue. Âge, date, lieu de décès et quelques fois un nom, le collectif tente par ce bias d'alerter les pouvoirs publics. «On est choqué par ce qui se passe. Tout le monde est amené à mourir un jour, mais en moyenne un homme a une espérance de vie qui se situe autour de 79 ans. Pour les personnes qui vivent dans la rue c'est 49 ans», confie Nicolas Clément, président du collectif. Si ce chiffre est déjà important, il n'est cependant que partiel, l'année n'étant pas encore terminée.

Cette liste est établie à partir de différentes sources. «Il y a certaines associations qui nous transmettent les avis de décès. Certains riverains qui nous alertent ou encore la police et les hôpitaux. Cette liste est donc incomplète mais elle permet d'alerter sur la situation», explique Cécile Rocca, coordinatrice au sein du collectif Les Morts de la Rue.

Si le collectif refuse de faire une estimation du nombre de morts attendus à la fin de l'année dès maintenant, Nicolas Clément précise que depuis plusieurs années «on est autour de 500 décès par an». «C'est un chiffre dont on est sûr. Mais ce dont il faut avoir conscience, c'est que ce chiffre est très incomplet. Selon une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), il pourrait y avoir entre 2700 et 2800 décès de sans domicile fixe par an».

Cette année, la moyenne d'âge des personnes mortes dans la rue est pour l'instant de 48,2 ans. Soit un peu moins que les années précédentes. Dans sa liste, on note également la très faible présence de femmes, évalué à 8%.

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30 octobre 2016 7 30 /10 /octobre /2016 17:13
Etre jeune communiste en 2016 (Capucine Tissot, Le Journal du Dimanche - 28 octobre 2016)

Ils viennent de s’engager au PCF mais peinent à se faire entendre dans le débat politique. Rencontre avec des militants qui luttent contre les préjugés sur l’histoire de leur parti.

"Dehors!" C’est ainsi qu’a été accueilli Romain, 17 ans, un après-midi de septembre. "Je me souviendrai de ce jour toute ma vie. Je rentre des cours, ma mère m’attend dans le salon, mon ordinateur sur la table. À sa mine, je comprends tout de suite…" Elevée dans une famille où l’on vote à droite depuis des générations, Romain se revendique communiste. Des idées incompatibles avec celles de son entourage, qui lui demande de quitter la maison! "Le temps d’annoncer la nouvelle aux autres et surtout de la digérer", se rappelle-t-il.

"Etre jeune communiste en 2016, c’est difficile", avoue aussi Guénolé Fournet, coordinateur national en charge de la vie des départements au Mouvement des jeunes communistes français (MJCF). La faute à l’histoire du parti, selon Vincent Bouget, secrétaire départemental du Gard : "Il y a une image du PCF que l’on traîne et qu’il est impossible de déconstruire. Pourtant, nous n’avons pas à nous excuser de ce qui a été l’histoire du Parti communiste." Ce passé aura valu à Romain des remarques blessantes de la part de ses camarades de classe : "C’est arrivé qu’on me surnomme 'le stalinien' au lycée. Les autres en rigolent, et je rigole aussi pour faire bonne figure, mais en vérité, c’est vexant à la longue."

"Avec la loi Travail, nous avons accru notre présence locale"

Depuis la chute du bloc soviétique, le PCF enchaîne les très mauvais scores aux élections. En 2007, la dernière candidate à la présidentielle, Marie-George Buffet, réunissait 1,93% des suffrages au premier tour, un plus bas historique. "Comme il n’y aura pas de président communiste en France, c’est difficile pour certains jeunes militants de s’engager à 100%", assure Nicolas Cossange, élu conseiller régional. Hugo Touzet, 23 ans, secrétaire de section dans le 18e arrondissement de Paris, est plus optimiste : "Le changement ne se fera pas en un claquement de doigts, mais rien n’est impossible. Il suffit de regarder les victoires électorales de la gauche en Amérique Latine au début des années 2000 ou même en Europe avec Syriza et Podemos, pour se rendre compte que les choses peuvent parfois évoluer très vite."

Le changement serait-il déjà en marche? Nicolas Cossange, 30 ans et conseiller régional dans le Languedoc-Roussillon, l’assure : "Il y a une évolution notable depuis la contestation contre la réforme des retraites en 2010. Cette année-là, il y a eu une explosion d’inscriptions dans les Jeunesses communistes." De même, lors de la mobilisation contre la loi Travail au printemps dernier : "Entre février et juillet, nous sommes passés de 13.000 à 15.000 adhérents au MJCF et avons accru notre présence locale sur des villes et des départements où nous n’étions pas encore tout à fait présents", reprend Guénolé Fournet du MJCF. A Nîmes par exemple, où la jeunesse communiste avait disparu en tant qu’organisation depuis plusieurs années, « nous avons réussi à la faire renaître grâce à cette mobilisation", confirme Vincent Bouget, secrétaire départemental du Gard. Du coup, Guénolé Fournet reste optimiste : "Notre avenir est à l’image de la période historique que nous traversons, pétrie de contradiction. Mais avec la volonté et la combativité, nous y arriverons. Nous avons de beaux jours devant nous."

 

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29 octobre 2016 6 29 /10 /octobre /2016 12:20
"Fondamentalement, M. Fillon est un colon. Il a la même philosophie, il se considère comme un être supérieur par rapport aux "sauvages" auxquels on a appris ce qui lui semble bon à ses yeux"

"Fondamentalement, M. Fillon est un colon. Il a la même philosophie, il se considère comme un être supérieur par rapport aux "sauvages" auxquels on a appris ce qui lui semble bon à ses yeux"

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SÉBASTIEN CRÉPEL
VENDREDI, 28 OCTOBRE, 2016
HUMANITE.FR
 

Le syndicaliste guadeloupéen Elie Domota expose dans l’Humanité ce qu’il n’a pas pu dire au candidat à la primaire de la droite sur France 2, jeudi soir, après les déclarations de l’ancien premier ministre évoquant un « partage de culture » à propos de la colonisation.

Invité ce jeudi soir à s’exprimer sur France 2 en direct depuis la Guadeloupe pour apporter la contradiction à François Fillon dansl’Emission politique, le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) Elie Domota n’a pas pu développer son argumentation face au candidat à la primaire de la droite et du centre, la chaîne l'empêchant de s'expliquer jusqu'au bout. Cela est d'autant plus regrettable qu'il accusait l’ancien premier ministre d’avoir tenu des « propos racistes » dans son discours à Sablé-sur-Sarthe (Sarthe), le 28 août. L’Humanité a contacté l’ancien animateur de la grève générale de 2009 en Guadeloupe pour lui proposer d’exposer dans nos colonnes ce qu’il n’a pas pu dire à l’ancien premier ministre.

Vous avez accusé jeudi François Fillon d’avoir tenu des propos racistes quand il a déclaré à Sablé-sur-Sarthe, le 28 août : « La France n'est pas coupable d'avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Nord », mais les téléspectateurs de France 2 n’ont pas pu entendre la fin de votre réponse. Qu’entendez-vous par là ?
Elie Domota
 Lors de la préparation de l’émission, France 2 m’avait assuré que je disposerais d’un temps de parole pour développer mes arguments, mais cela n’a pas été le cas. Ce que je voulais dire à François Fillon, c’est que ces propos sont tenus par trop de responsables politiques. Il faut rappeler qu’en 1635, lorsque des mercenaires sont envoyés par Richelieu, ils ont pour mission de coloniser la Guadeloupe et la Martinique. Il s’ensuit une longue décennie d’assassinats, de viols de meurtres et de massacres des Indiens sur l’île. C’est comme cela que le royaume de France est devenu propriétaire de la Guadeloupe, par le sang et par le meurtre. François Fillon appelle cela le « partage de la culture » ; moi, j’appelle cela conquête coloniale, meurtre et vol des terres. La France est alors allée chercher des Africains pour les déporter et les réduire en esclavage durant 400 ans. Toujours en vertu du « partage de la culture » selon M. Fillon, ont ensuite été organisés de véritables « élevages de nègres » pour en finir avec les révoltes d’esclaves, car Il est plus facile de dominer un être humain dès la naissance que de dominer un adulte qui connaît ses origines pour créer un être soumis. Il faut attendre la Révolution française pour que la première abolition de l’esclavage voie le jour en Guadeloupe. Mais en 1802, les troupes de Napoléon rétablissent l’esclavage. J’aurais aussi voulu rappeler à François Fillon que cette guerre a coûté aux forces guadeloupéennes des milliers de victimes avec, cerise sur le gâteau, plus de trois cents décapités en place publique à Pointe-à-Pitre. La France n’a certes pas inventé la décapitation, mais elle l’a commise contre des Guadeloupéens, qui étaient des Français. C’était encore la République à l’époque ! Et en 1848, lors de la deuxième abolition de l’esclavage, la République a déclaré que c’était une atteinte à la dignité humaine, mais elle a indemnisé les propriétaires, et non leurs victimes. La colonisation, c’est la violence pour s’approprier le bien d’autrui, parce qu’on considère qu’autrui est inférieur. Cette conception perdure, camouflée dans une prétendue mission civilisatrice de la France, de Jules Ferry à Nicolas Sarkozy, Manuel Valls ou François Fillon aujourd’hui. Fondamentalement, M. Fillon est un colon. Il a la même philosophie, il se considère comme un être supérieur par rapport aux "sauvages" auxquels on a appris ce qui lui semble bon à ses yeux.

François Fillon vous a répondu que si la colonisation vue selon les « critères d’aujourd’hui » est effectivement condamnable, il refuse la « repentance », estimant que la France n’a inventé ni l’esclavage ni la colonisation, que bien d’autres pays ont aussi pratiqués. N’est-ce pas relativiser le crime qu’a constitué la colonisation ?
Elie Domota 
Tout à fait, il est même dans une attitude d’apologie de crime contre l’humanité. Imagine-t-on François Fillon déclarer que les troupes allemandes sont venues occuper la France pour partager leur culture germanique ? Jamais cela ne lui viendrait à l’esprit. Mais à l’égard des Noirs en général, le négationnisme est toléré. François Fillon doit cesser de vanter pour autrui ce qu’il ne voudrait pas pour lui-même. On ne demande à personne de pleurer sur notre sort. M. Fillon, tout comme l’ensemble des Français, ne sont ni responsables ni coupables de cette histoire, mais ils en ont hérité, et le gouvernement français, quel que soit son bord politique, doit l’assumer et ne pas se voiler la face en prétendant que, sous prétexte qu’ont été construits des routes, des chemins de fer et des dispensaires, la France a oeuvré au développement du pays. Car la colonisation repose toujours sur le principe que le colonisé est inférieur à vous, que sa culture et sa musique, sa langue ne sont rien, et qu’au final lui-même n’est rien, et qu’il faut donc lui imposer votre langue, votre religion, vos coutumes. C’est une entreprise de déshumanisation, de négation des individus. Tuer des gens et prendre leur bien n’est pas du partage de culture, en 1635 comme en 2016.

A Sablé-sur-Sarthe, François Fillon a également déclaré que l’école ne devrait pas « apprendre aux enfants à comprendre que le passé est source d'interrogations » et à « faire douter de notre histoire ». N’est-ce pas là aussi une volonté de nier, jusque dans les programmes scolaires, ce qu’a été réellement la colonisation ?
Elie Domota
 On retrouve cette pression sur l’enseignement de l’histoire visant à exonérer la France de ses responsabilités en tant que puissance coloniale et esclavagiste, et même, à la limite, à rendre les victimes responsables de leur situation. Un exemple : en mai 2015, François Hollande est venu inaugurer le mémorial ACTe à Pointe-à-Pitre. Qu’y voit-on ? Que ce sont les Africains qui ont vendu leurs frères, et que les Européens, passant par là, les ont donc achetés comme esclaves. Comme si les bateaux étaient arrivés par hasard ! Deuxième chose, il est dit que c’est grâce à la religion chrétienne que les Noirs sont sortis de l’idolâtrie. Rien sur la bulle du pape Nicolas V qui, en 1454, a encouragé le pillage des terres et les meurtres des païens ! L’apprentissage est aussi une question de domination.

Vous avez demandé à François Fillon qu’il se prononce en faveur de l’annulation des textes qui, à partir de 1848, indemnisent les anciens propriétaires d’esclaves, mais il a refusé, au nom, là aussi, de son désaccord avec la « repentance »…
Elie Domota
 Cela n’a rien à voir avec la repentance. Nous demandons une remise en état pour que le vivre-ensemble ait un sens. Nous disons à M. Fillon : êtes-vous prêts à annuler ces textes pour oeuvrer à une redistribution des terres pour que nous vivions dans une société plus juste et équitable, et à cette question il répond non. A partir de 1848, le pouvoir des propriétaires blancs a été renforcé, et les anciens esclaves ont été jetés dans la précarité, et aujourd’hui, nous sommes toujours dans la même configuration. Les héritiers des maîtres d’esclaves sont propriétaires des usines, ils siègent dans les conseils d’administration des banques, et les descendants d’esclaves sont pour la plupart ouvriers. Nous demandons que toutes les terres acquises de façon criminelle fassent l’objet d’une redistribution. Comment peut-on venir nous parler, sinon, de liberté, d’égalité et de fraternité ?

Quelles actions envisagez-vous pour obtenir cette « remise en état » ?
Elie Domota 
Nous avons demandé en mai 2015 au tribunal de nommer un groupe d’experts pour évaluer le préjudice subi par les colonisés, et de mettre à l’étude une réforme agraire pour la redistribution des terres acquises dans le cadre de l’esclavage et de la colonisation. Nous avons accompagné cette requête de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) pour savoir si les textes qui prévoient l’indemnisation des propriétaires d’esclaves sont conformes à la Constitution française. En droit français comme dans le droit international d’ailleurs, le criminel ne peut pas tirer bénéfice de son crime, il est sanctionné et et la victime est indemnisé. Mais un an et demi plus tard, nous n’avons toujours pas de réponse. Le dossier est encore devant le tribunal de Pointe-à-Pitre, alors qu’il faut en moyenne deux mois à une QPC pour être présentée devant la Cour de cassation…

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