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28 octobre 2016 5 28 /10 /octobre /2016 06:15
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28 octobre 2016 5 28 /10 /octobre /2016 06:00

  Le Monde Diplomatique, octobre 2016- Serge Halimi

  Depuis deux ans, la diffusion du Monde diplomatique s’est nettement redressée (1) ; le nombre de ses abonnés atteint un record historique ; la situation de ses finances n’inspire plus d’inquiétude. Un tel rétablissement détonne dans le paysage de la presse et dans le climat idéologique actuel. Il tranche en particulier avec le délabrement éditorial et économique de la plupart des périodiques, dont certains ne diffèrent leur trépas qu’en se transformant en prime numérique du géant des télécoms qui les possède (2).

Notre santé contraste également avec la situation politique et idéologique générale. Politique : le courant intellectuel — rationnel, démocratique, universaliste — qui inspire ce journal depuis sa naissance est provisoirement sur la défensive, affaibli par une absence de stratégie à long terme, des rivalités internes, le vrombissement ininterrompu des ego et des réseaux sociaux. Idéologique : les attentats djihadistes et la peur qu’ils inspirent relèguent au second plan les combats pour la justice sociale. Et encouragent à piétiner ce qui reste de libertés publiques, à accepter un état d’exception généralisé, à acclimater les esprits à l’idée d’une guerre civile.

Loin d’être l’apanage de l’extrême droite et de sites Internet paranoïaques, de tels desseins ont désormais table ouverte à la radio, à la télévision, dans les principaux titres de la presse. Ils concourent aux décisions d’un nombre croissant de responsables politiques. En juin dernier, l’éditorialiste du Point assimilait la Confédération générale du travail (CGT) à l’Organisation de l’État islamique. Avec le même souci de la comparaison intelligente et apaisée, l’ancien ministre Luc Ferry vient d’estimer, dans sa chronique hebdomadaire du Figaro, que le port du burkini vise à l’« islamisation de nos sociétés » et qu’il faut par conséquent « résister aux collabos de l’islamo-gauchisme », à leur « pacifisme munichois ».

Mobilisé à son tour par cette immense affaire estivale, l’éditorialiste socialiste Jacques Julliard ne décolère plus, tantôt dans Marianne,tantôt dans Le Figaro, contre « le parti collabo du “pas d’amalgame” à tous crins, du “vivre ensemble” à tout prix ». Et il vilipende le « parti de la France coupable » qui « lui tire dans le dos quand elle est attaquée de face ». En juin 1940, Winston Churchill avait alerté ses compatriotes du danger d’un débarquement des armées nazies sur les côtes britanniques  We shall fight on the beaches ») ; d’aucuns n’hésitent plus à transposer ce morceau de bravoure historique dans le combat, prétendument féministe mais assurément moins risqué, contre des tenues de bain religieuses : « Eh bien, nous aussi, nous nous battrons sur les plages (3»… Dans un tout autre domaine, celui de l’économie politique, même la critique argumentée des politiques néolibérales passe de nos jours pour une forme de « négationnisme ».

Contre ce nouveau maccarthysme, nous continuerons à privilégier engagement et raison. Nous ne demeurerons pas pour autant cantonnés dans des positions défensives. Au fil des mois, ce journal est redevenu le lieu de rassemblement d’un nombre croissant de lecteurs souvent actifs dans les mobilisations sociales. Notre souci de rendre compte des transformations rapides de l’ordre international, alors que l’attention est trop souvent happée par des événements sans portée, explique aussi ce regain d’influence. Joue également en notre faveur le fait que nous disposons d’une colonne vertébrale, de convictions anciennes et solides. Et que notre journalisme, loin de juxtaposer des commentaires indignés, s’adosse à des enquêtes exigeantes, ouvertes sur le monde. Chacun sait par ailleurs que nous n’appartenons à aucune chapelle, que les auteurs les plus divers collaborent à nos publications, qu’aucune banque, aucun industriel ne nous tient.

Depuis 2009, nous avons fait appel à vous pour mener ce combat éditorial et politique. Le résultat est là, puisque notre vigueur découle de votre appui. La période qui s’annonce réclamera plus que jamais que notre voix porte. Votre contribution aura donc également pour avantage de prévenir tous les dynamiteurs du bien commun que leur offensive nous trouvera sur leur chemin.

(1) Depuis 2014, notre diffusion moyenne est passée de 137 000 à 156 000 exemplaires. Nous détaillerons notre situation et nos comptes d’ici à la fin de l’année.

(2) Lire Serge Halimi et Pierre Rimbert, « Information sous contrôle », Le Monde diplomatique, juillet 2016, et Marie Bénilde, « Quand les tuyaux avalent les journaux », Le Monde diplomatique, septembre 2016.

(3) Élisabeth Lévy, Le Figaro.fr, 11 septembre 2016.

 

 

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28 octobre 2016 5 28 /10 /octobre /2016 05:50
Convention nationale de l'Appel des 100 le 12 novembre à Montreuil (L'Humanité, 26 octobre 2016)
Convention nationale de l'Appel des 100 le 12 novembre à Montreuil
LE COLLECTIF D’ANIMATION DE L’APPEL DES 100
MERCREDI, 26 OCTOBRE, 2016
HUMANITE.FR

Cette rencontre est ouverte aux collectifs locaux, à toutes les sensibilités de la gauche écologiste, sociale, associative, syndicale, politique …

Le 1er mai dernier, nous avons lancé un appel  (lire ici: ) dans lequel nous exprimions notre volonté de d’œuvrer au rassemblement des forces de progrès en favorisant l’irruption citoyenne pour construire une alternative citoyenne, sociale et écologique.
Nous avons commencé un cycle de réunions politiques dans le pays et nous avons travaillé à élaborer un premier projet de mesures d’urgences rassemblées dans un document (lire ici :  ) autour de 5 grandes priorités et 50 propositions.


L’Appel des 100 appelle à débattre de ce projet le 12 novembre prochain à Montreuil lors d’une grande convention nationale.
L'originalité de l'Appel des 100 est double :
-  Il réunit des personnes et des courants politiques qui n’avaient jamais travaillé ensemble au plus national jusqu’ici (de socialistes au Front de gauche, en passant par EELV) ;
-  Il réunit des acteurs et actrices de luttes syndicales, sociales, associatives, et des personnalités du monde universitaire et culturel, qui veulent jouer un rôle actif dans l’élaboration politique."

http://www.appeldes100.org/

Lire aussi: 

Présidentielles et législatives 2017: appel à l'unité de la gauche antilibérale et écologique venant de l'appel des Cent

Convention nationale de l'Appel des 100 le 12 novembre à Montreuil (L'Humanité, 26 octobre 2016)
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26 octobre 2016 3 26 /10 /octobre /2016 11:09
Explication des députés Front de Gauche: "Ce projet de loi de finances pour 2017 est taillé sur mesure pour répondre aux exigences de l'Union européenne"

Explication des députés Front de gauche

"Ce projet de loi de finances pour 2017 est taillé sur mesure pour répondre aux exigences de l’Union européenne"

 

Le 25 octobre, l’Assemblée a adopté la première partie du projet de loi de finances pour 2017. 285 députés ont voté pour, 242 députés ont voté contre et 24 députés se sont abstenus.

Les députés Front de gauche ont voté contre. Explication de vote par Gaby Charroux, (Bouches-du-Rhône) :

L’histoire de cette législature s’achève donc sur le satisfecit d’un gouvernement se réclamant de la gauche, devenu thuriféraire des bienfaits du pacte européen de stabilité et fétichiste des 3 % de déficit. Quel recul pour la démocratie et pour nos politiques publiques !

La politique européenne des comptables semble avoir pris le pouvoir et le respect des 3 % de déficit est ainsi devenu le principal motif de satisfaction du décideur public, quand le nombre de chômeurs s’est accru de près d’un million en cinq ans, quand neuf millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, quand la France reste, pour la troisième année consécutive, champion européen incontesté des dividendes, avec 40 milliards d’euros distribués, quand notre pays abandonne des pans entiers de son territoire, quand tant de nos jeunes quittent le système scolaire sans qualification et tant de nos anciens peinent à vivre de leurs petites retraites.

En réalité, ce projet de loi de finances pour 2017 est taillé sur mesure pour répondre aux exigences de l’Union européenne. Il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur les cinq recommandations du Conseil à la France rendues publiques le 12 juillet dernier : « réduction des dépenses des collectivités territoriales », « diminution du coût du travail », « réforme du système d’assurance chômage », « réduction du taux de l’impôt sur les sociétés » et « mise en place du prélèvement à la source ». Telles sont les préconisations bruxelloises. Toute ressemblance avec un budget en cours de discussion est très certainement fortuite !

Cette législature devait être celle de la révolution fiscale. En réalité, nous avons assisté à ce que l’on pourrait qualifier de contre-révolution fiscale, qui a consisté à faire basculer une partie de la fiscalité des entreprises vers les ménages. Ainsi, depuis 2012, la contribution des entreprises à l’effort national a été réduite de 20 milliards, tandis que celle des particuliers a augmenté de 31 milliards d’euros. Ce constat est implacable, incontestable.

Quoi qu’on en dise, cette politique a également été supportée par les plus modestes, par le biais de la TVA, impôt invisible – que l’on règle quand on fait ses courses ou quand on paie son pain au chocolat –, mais impôt le plus injuste, car demandant plus d’effort à ceux qui ont le moins.

La majorité a successivement rejeté nos amendements visant à mettre la justice au cœur de notre système fiscal. Il s’agissait d’abord de redonner de la vigueur à notre impôt sur le revenu : neuf tranches véritablement progressives permettraient en effet d’aider ceux qui peinent et de faire contribuer ceux qui en ont les moyens – non pas les classes moyennes, qu’il nous faut préserver et sur lesquelles la fiscalité a tendance à se concentrer, mais les très hauts revenus.

Ensuite, comme je l’indiquais au préalable, la fiscalité des entreprises a été considérablement réduite, les allégements de cotisations sociales venant s’ajouter aux 20 milliards d’euros annuels du funeste crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, avec les résultats que l’on sait pour l’emploi et l’économie.

Avec une assiette trouée de toutes parts par tant de crédits d’impôts aussi coûteux qu’inefficaces, l’impôt sur les sociétés – IS – ne représente plus rien. Alors que cet impôt est déjà relégué au vingt-et-unième rang européen en termes de rendement, vous proposez la baisse de son taux sans vous préoccuper de son assiette. Avec la montée en charge du CICE, le rendement de notre IS représentera la moitié de la moyenne de la zone euro. Voilà la réalité, mes chers collègues, bien loin de ce que proclament, avec des cris d’orfraie, le MEDEF et ceux qui siègent sur la droite de cet hémicycle.

C’est ainsi ! Ce faisant, notre pays joue à plein la carte mortifère de la concurrence fiscale à laquelle se livrent les pays européens. Nos amendements de bon sens visant à moduler cet impôt en fonction de l’utilisation des bénéfices par les entreprises – qui seraient récompensées lorsqu’elles investissent et pénalisées lorsqu’elles distribuent des dividendes – ou de la taille de celles-ci ont également été rejetés. Au bout du compte, le cap maintenu sur les objectifs du pacte de responsabilité, traduits également par la nouvelle diminution des moyens alloués aux collectivités, explique pourquoi nous voterons contre cette première partie du PLF. Je terminerai toutefois par deux notes positives. Tout d’abord, un compromis intéressant a été trouvé sur la fiscalité des actions gratuites, verrue fiscale de la loi Macron sur laquelle l’Assemblée est partiellement revenue. Ensuite, le travail parlementaire transpartisan aura fini par payer pour ce qui concerne la taxe sur les transactions financières.  La hausse du taux de cette dernière à 0,3 % et son élargissement aux opérations intrajournalières sont deux belles victoires qui n’auraient pu être obtenues sans l’action de la société civile, fortement mobilisée pour obtenir ce vote incontestable de la représentation nationale. Voilà qui redonne un peu d’air à notre assemblée, traditionnellement réduite à la portion congrue en matière budgétaire.

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25 octobre 2016 2 25 /10 /octobre /2016 10:54
Evacuation du bidonville de Calais: retour à la "clandestinité" et risque de "traque aux migrants" (PCF)
Calais : Retour à la « clandestinité » et risque de « traque aux migrants » (PCF)
LUNDI, 24 OCTOBRE, 2016
HUMANITE.FR

L’État vient de commencer le démantèlement du camp de migrants de Calais dont le développement au fil des ans traduisait l’échec de la politique européenne d’accueil – ici, en l’occurrence, française et britannique – de ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants fuyant la guerre, la misère ou l’oppression.

Ce camp n’était pas un modèle du genre, et le PCF n'a cessé, de demander la mise en place de structures d’hébergements, d’accueil et d'accompagnement, dignes de la France, 6e puissance économique mondiale. A proximité du Port de Calais, et du Tunnel sous la Manche, l'installation toujours plus importante de migrants bloqués à leur passage vers la Grande-Bretagne dans des conditions indignes, et abandonnés des pouvoirs publics, pesait sur ce territoire frappé par un des plus forts taux de chômage de notre pays.

C'est moins le démantèlement de la « jungle » en soi que ses conditions d'évacuation qui sont discutables et ne devraient en aucun cas aboutir à« une opération sécuritaire ». Des migrants qui veulent absolument rejoindre la Grande-Bretagne ont commencé à se disperser dans le Calaisis, le Dunkerquois et sur le littoral belge. A la veille de l’hiver, c’est le retour à la « clandestinité », dans des mini jungles, avec le risque de voir s’organiser une véritable « traque aux migrants » et un risque de criminalisation des militants de la solidarité avec les migrants par des forces de l’ordre dont les effectifs resteront très élevés.

Il était possible, et souhaitable, de faire autrement :

- Le départ vers les CADA (centres d'accueil pour demandeurs d'asile) et les CAO (centres d'accueil et d'orientation) aurait pu et dû être étalé sur quelques semaines ; le démantèlement se faire de façon progressive, non traumatisante, dans le respect de la dignité des personnes, avec l’aide des associations qui ont la confiance des migrants ;

- La négociation avec la Grande-Bretagne pour organiser le rapprochement familial des mineurs isolés se devait d'être menée à son terme. Les 200 mineurs isolés accueillis par la Grande-Bretagne, sur le millier qui vivent dans la « jungle », ne fait pas le compte. Faut-il rappeler qu’à l’occasion de la fermeture du camp de Sangatte, la Grande-Bretagne avait accepté d’accueillir 1 100 femmes et enfants ? N'avons-nous pas les moyens de rappeler le gouvernement britannique à son devoir d’humanité et de respect de ses engagements ? N'est-il pas grand temps de dénoncer les accords bilatéraux du Touquet pour les remplacer par des accords respectueux du droit et des conventions internationales ?

- La réflexion sur le déplacement du Centre Jules Ferry, qui accueille les femmes et les enfants, devait elle aussi être conduite à terme en y intégrant la préoccupation d'un devenir assuré pour les personnels de LA VIE ACTIVE et de BIRO.

Quoiqu'il en soit nous souhaitons que l'accueil dans les CAO réussisse et permette une intégration rapide des personnes qui vont y être accueillies.

Le travail d’accueil devra continuer aussi dans le Calaisis. Cela pose la question de la localisation d’un centre d’accueil, hors zone économique, et plus fondamentalement, celle des relations entre la France et la Grande-Bretagne pour construire les voies légales de passage des réfugiés et migrants en application de la Convention de Genève de 1951 et celle des politiques migratoires françaises et européenne dont la refonte est une nécessité en commençant par l'abrogation des directives européennes de Dublin.

Parti communiste français

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25 octobre 2016 2 25 /10 /octobre /2016 06:39
Avec Poisson, l’extrême droite s’incruste dans la primaire de la droite
24 OCTOBRE 2016 | PAR ELLEN SALVI

Accusé d’antisémitisme, Jean-Frédéric Poisson pourrait être exclu de la primaire de la droite et du centre. Le président du Parti chrétien-démocrate ne dit rien des relations qu’il entretient avec de nombreuses personnalités issues de l’extrême droite, aux côtés desquelles il prône l’«union des droites».

 

Le  9 septembre, jour du dépôt des candidatures à la primaire de la droite et du centre, Jean-Frédéric Poisson postait sur Twitter une photo de lui et d’Anne Levade, la présidente de la Haute Autorité de la primaire (HAP). « Candidature déposée et validée. Je serai le seul candidat non #LR à ce scrutin pour une parole libre », s’enorgueillissait alors le député des Yvelines, fort de son étiquette du Parti chrétien-démocrate (PCD, fondé par Christine Boutin), qui le dispensait de recueillir les parrainages nécessaires pour pouvoir se présenter au scrutin de novembre.

Quelques semaines plus tard, le candidat est en train de déchanter. Et surtout de comprendre que son étiquette n’a pas valeur d’immunité. En déclarant le 19 octobre, dans les colonnes de Nice-Matin, que « la proximité de [la candidate à la présidence américaine Hillary] Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France », le président du PCD s’est heurté aux limites de sa « liberté d’expression », s’attirant les foudres du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et de plusieurs de ses adversaires à la primaire.

Dans les équipes des différents candidats, tout le monde a condamné les propos du député des Yvelines. Vendredi 21 octobre, Nathalie Kosciusko-Morizet a même saisi la HAP, en insistant sur le fait qu’ils n’étaient « ni dignes ni compatibles » avec les valeurs de la droite et du centre que les sept prétendants se sont engagés à respecter en signant la charte de la primaire. La HAP se réunira mercredi 26 octobre pour statuer si oui ou non Jean-Frédéric Poisson doit être exclu du processus. La veille, se tiendra également une réunion du comité d’organisation de la primaire, autour du même sujet.

L’ordonnateur du scrutin, Thierry Solère, n’a pas attendu mardi pour dire tout le mal qu’il pense de la sortie du président du PCD. Pour lui, les choses sont claires : le candidat doit explicitement regretter ses propos et non pas seulement leur interprétation, comme il l’a fait vendredi dans un communiqué et une lettre adressée au CRIF. « Il doit absolument clarifier sa ligne, confie le député de Boulogne à Mediapart. Je l’avais déjà mis en garde sur un certain nombre de marqueurs : l’antisémitisme, le droit à l’avortement ou encore les alliances avec le FN. » Autant de points sur lesquels, à l’en croire, LR ne transigera pas.

Le 9 septembre, jour du dépôt des candidatures à la primaire de la droite et du centre, Jean-Frédéric Poisson postait sur Twitter une photo de lui et d’Anne Levade, la présidente de la Haute Autorité de la primaire (HAP). « Candidature déposée et validée. Je serai le seul candidat non #LR à ce scrutin pour une parole libre », s’enorgueillissait alors le député des Yvelines, fort de son étiquette du Parti chrétien-démocrate (PCD, fondé par Christine Boutin), qui le dispensait de recueillir les parrainages nécessaires pour pouvoir se présenter au scrutin de novembre.

Quelques semaines plus tard, le candidat est en train de déchanter. Et surtout de comprendre que son étiquette n’a pas valeur d’immunité. En déclarant le 19 octobre, dans les colonnes de Nice-Matin, que « la proximité de [la candidate à la présidence américaine Hillary] Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France », le président du PCD s’est heurté aux limites de sa « liberté d’expression », s’attirant les foudres du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et de plusieurs de ses adversaires à la primaire.

Dans les équipes des différents candidats, tout le monde a condamné les propos du député des Yvelines. Vendredi 21 octobre, Nathalie Kosciusko-Morizet a même saisi la HAP, en insistant sur le fait qu’ils n’étaient « ni dignes ni compatibles » avec les valeurs de la droite et du centre que les sept prétendants se sont engagés à respecter en signant la charte de la primaire. La HAP se réunira mercredi 26 octobre pour statuer si oui ou non Jean-Frédéric Poisson doit être exclu du processus. La veille, se tiendra également une réunion du comité d’organisation de la primaire, autour du même sujet.

L’ordonnateur du scrutin, Thierry Solère, n’a pas attendu mardi pour dire tout le mal qu’il pense de la sortie du président du PCD. Pour lui, les choses sont claires : le candidat doit explicitement regretter ses propos et non pas seulement leur interprétation, comme il l’a fait vendredi dans un communiqué et une lettre adressée au CRIF. « Il doit absolument clarifier sa ligne, confie le député de Boulogne à Mediapart. Je l’avais déjà mis en garde sur un certain nombre de marqueurs : l’antisémitisme, le droit à l’avortement ou encore les alliances avec le FN. » Autant de points sur lesquels, à l’en croire, LR ne transigera pas.

En attendant que les deux entités de la primaire se prononcent, le député des Yvelines a demandé par courrier, adressé ce lundi 24 octobre au comité d’organisation de la primaire, d’être entendu par celui-ci. « Je suis effondré de devoir préciser publiquement toute l’abjection que suscitent en moi l’antisémitisme et l’antisionisme », écrit-il, avant de préciser un peu plus loin : « Je veux redire clairement mon attachement au respect des valeurs qui nous rassemblent, sans aucune ambiguïté. Cet attachement explique ma présence au sein de la primaire. Il est également la raison pour laquelle je m’interdis absolument d’inviter quiconque à venir y voter lorsqu’il ne les partagerait pas. »

Il n’est pas innocent que Jean-Frédéric Poisson ait été alerté sur les trois marqueurs cités par Solère. Car si certaines de ses prises de position ont parfois agréablement surpris – comme son opposition argumentée à la loi sur le renseignement ou à la prolongation de l’état d’urgence –, le député n’en demeure pas moins l’un des plus radicaux du groupe LR (ex-UMP) à l’Assemblée nationale. « Lorsque je m’oppose à l’union civile, lorsque je ne reconnais pas l’IVG comme un droit fondamental (avec 6 autres députés seulement), lorsque je dépose une proposition de loi pour que les racines chrétiennes soient inscrites dans la Constitution… […] Je ne demande aucune autorisation », confiait-il à Valeurs actuelles, fin mai.

Il en est de même en matière diplomatique. Lorsqu’il part rencontrer à deux reprises Bachar al-Assad à Damas (Syrie) à l’initiative de l’association SOS Chrétiens d’Orient – qui se présente comme apolitique, mais compte dans ses rangs nombre de figures issues de l’extrême droite –, le président du PCD ne demande la permission à personne. Pas plus qu’il ne prévient le Quai d’Orsay lorsqu’il se rend à Tripoli (Libye), en juillet 2015, à l’invitation du gouvernement non reconnu par la communauté internationale.

C’est dans le même esprit d’« indépendance » qu’il a participé, fin mai, au premier “Rendez-vous de Béziers” organisé par Robert Ménard, en compagnie de tout le gratin des droites extrêmes françaises, comme l’élue frontiste Marion Maréchal-Le Pen ou encore Renaud Camus et Jean-Yves Le Gallou, théoriciens respectifs du “grand remplacement” et du concept de préférence nationale. « Nos électeurs […] sont las du politiquement correct et de la langue de bois. Ils attendent une refonte de la pensée politique de droite et de son expression électorale, se justifiait-il à l’époque dans Valeurs actuelles. Les “Rendez-vous de Béziers” sont une séquence qui, par leur caractère public, vont rendre visible cette volonté de refondation. »

De fait, l’événement a ajouté une pierre de plus à l’édifice d’« union des droites » que tentent de construire depuis plusieurs mois des personnalités issues de la droite et de l’extrême droite. Parmi elles, on retrouve donc le maire de Béziers et la députée frontiste du Vaucluse, mais aussi l’ancien UMP Charles Beigbeder et l’ex-ministre UDF Charles Million – tous deux fondateurs du « réseau collaboratif d’action politique » L’Avant-Garde, qui plaide pour une alliance électorale entre LR et le FN ; le président du RPF Christian Vanneste ; le patron de Souveraineté, identités et libertés (SIEL) – un parti associé au FN – Karim Ouchikh et bien sûr… Jean-Frédéric Poisson.

« Boutin ne voulait pas entendre parler du FN, avec lui les relations sont plus simples »

Tout ce petit monde a commencé à se côtoyer en 2013 au sein des cortèges de La Manif pour tous. Ensemble, ils ont marché, discuté, échangé. Avec le temps, ils ont fini par s’apprécier. Et par ne plus se quitter. Rien d’étonnant donc à apercevoir Karim Ouchikh dans le public du premier débat de la primaire, le 13 octobre.« L’union des droites patriotes est en marche ! » a même tweeté le président du SIEL, dont le parti soutient officiellement le candidat du PCD. « Jean-Frédéric Poisson a été le seul à porter haut et fort un discours eurosceptique, s’est-il également félicité dans Le Figaro. Je l'imagine bien appeler à voter Marine Le Pen au second tour de la présidentielle. 

On retrouve cette droite autoproclamée« hors les murs » dans la pétition lancée récemment sur Internet par le collectif Vos Couleurs. Fondé par quatre anciens militants de La Manif pour tous, ce collectif appelle lui aussi à l’« union des droites ». « Ça va dans le bon sens, je soutiens la dynamique », a indiqué à ce propos le député des Yvelines dans Valeurs actuelles, sans préciser s’il avait signé le texte. De façon plus générale, le président du PCD est aussi le favori des sites de la réacosphère (Boulevard Voltaire, Nouvelles de France, Salon beige…). Ses déclarations sur les « lobbies sionistes » lui ont même valu le soutien plus récent du site d’Alain Soral, Égalité et réconciliation.

Le fondateur du SIEL, Paul-Marie Coûteaux, soutient lui aussi la candidature de Poisson qu’il « apprécie beaucoup ». Et à l’écouter, il est loin d’être le seul. « Une partie de l’entourage de Marion Maréchal-Le Pen ira voter pour lui à la primaire, explique-t-il à Mediapart. Ce n’est pas un vote dissident puisque ça peut affaiblir le candidat qui se retrouvera face à Marine Le Pen en 2017. » Cheville ouvrière du courant « national-républicain », l’ancien eurodéputé estime que le président du PCD est beaucoup « plus ouvert » que celle qu’il a remplacée à la tête du parti en novembre 2013. « Christine Boutin ne voulait pas entendre parler du FN, avec lui les relations sont plus simples. »

Plus simples, mais aussi plus récurrentes. Après le “Rendez-vous de Béziers”, Jean-Frédéric Poisson s’est de nouveau rendu à Béziers mi-septembre, à l’invitation de Robert Ménard, pour présenter son livre Notre sang vaut moins cher que leur pétrole (Éd. du Rocher). Le 12 décembre prochain, le député des Yvelines retrouvera encore le maire de Béziers pour un meeting commun à La Mutualité, à Paris. Seront également présents d’autres partisans de l’« union des droites », comme Charles Beigbeder, Karim Ouchikh, Christian Vanneste, mais aussi Patrick Louis, le secrétaire général du Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers.

Le fondateur du MPF a d’ailleurs lui aussi affiché sa sympathie pour le président du PCD à maintes reprises. « J’ai de l’estime pour [lui], c’est vraiment quelqu’un de très bien qui a une pensée juste et des convictions », déclarait-il en juin au magazine France, « le petit nouveau dans la famille des médias patriotes. » « J’ai une sympathie humaine et politique pour Jean-Frédéric Poisson. Sur le plan de l’identité, de la souveraineté, de la politique étrangère, il est sur une ligne largement compatible », affirmait également Marion Maréchal-Le Pen sur France 2, le même mois.

Une sympathie réciproque si l’on en croit le principal intéressé, qui a encore affirmé, ce lundi 24 octobre sur France Info, se sentir « plus proche sur certains sujets » de la députée FN du Vaucluse que de Nathalie Kosciusko-Morizet. Estimant que « le FN a changé » et qu’il « doit être considéré comme un parti comme les autres », le patron du PCD veut « en finir avec ce cordon sanitaire qui n’a ni sens ni raison d’être » autour du Front national. « S’il faut choisir entre un candidat PS malhonnête et un candidat FN honnête, je choisirais le candidat FN », affirmait-il à Valeurs actuelles, mi-octobre, expliquant sans ambages que s’il avait « été électeur à Béziers en 2014, [il aurait] voté pour Robert Ménard », « un homme courageux ».

Dans le Sud, le député des Yvelines peut aussi compter sur le soutien du député et maire d’Orange Jacques Bompard, fondateur du parti d’extrême droite Ligue du Sud. « Dans ma ville, j’encourage tout le monde à voter pour lui à la primaire, confie cet ancien frontiste à Mediapart. C’est le candidat qui me paraît être le plus proche des idées que je défends. » Là encore, la réciproque est vraie, puisque Jean-Frédéric Poisson n’a pas hésité à soutenir publiquement, le 6 septembre, Marie-Claude Bompard, maire Ligue du Sud de Bollène et épouse de l’édile d’Orange.

ommé par LR de clarifier sa ligne et ses relations avec le FN, sous peine d’exclusion de la primaire, le patron du PCD reçoit depuis quelques jours de nombreux messages d’encouragement de ses collègues de la « droite hors les murs ». « Que l’on soit d’accord ou non avec les propos de @jfpoisson78, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait plus concourir la #Primaire2016 [sic] » a par exemple tweeté Charles Beigbeder.« L’incroyable cabale des hommes du passé contre @jfpoisson78 qui bouscule la bienpensance au sein de la droite dite “républicaine” », a également commenté sur le réseau social l’avocat Frédéric Pichon, vice-président du SIEL. « Bravo la démocratie ! » ajoute Bompard auprès de Mediapart.

Du côté de la rue de Vaugirard, le casse-tête Poisson commence à en agacer plus d’un. Chez les juppéistes, beaucoup souhaitent que le problème soit rapidement réglé, afin qu’il n’entache pas la primaire au point d’en dégoûter les éventuels électeurs. Quant aux sarkozystes, eux aussi condamnent les propos du candidat PCD, mais ne se risquent pas, pour l’heure, à réclamer une exclusion, laquelle bénéficierait pourtant à l’ex-chef de l’État. Ce dernier ne s’est d’ailleurs pas encore exprimé officiellement sur le sujet. En tout état de cause, il lui serait difficile d’aller trop en avant dans l’attaque, lui qui veut justement s’attirer les faveurs de cet électorat de droite qui a cédé aux sirènes du FN.

Cette discrétion est d’autant plus criante que dans le même temps 165 élus, soutiens de Nicolas Sarkozy, ont signé une tribune dans le JDD contre « le retour opportuniste de François Bayrou [le président du MoDem, parti avec lequel plusieurs signataires dudit texte, comme Christian Estrosi, Philippe Richert ou encore Gérald Darmanin ont pourtant fait campagne pour les régionales de décembre 2015 – ndlr] dans la primaire de la droite et du centre », retour qu’ils qualifient de « signe annonciateur de cette compromission idéologique ». En matière de « compromission idéologique », celle de Jean-Frédéric Poisson avec l’extrême droite ne semble en revanche guère les émouvoir.

 

 

 

 

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25 octobre 2016 2 25 /10 /octobre /2016 06:25
1946 : le statut général des fonctionnaires, un « socle progressiste »
Histoire
ANICET LE PORS ANCIEN MINISTRE, CONSEILLER D’ÉTAT HONORAIRE
VENDREDI, 21 OCTOBRE, 2016
L'HUMANITÉ
 
À partir de 1946, plus d’un million d’agents publics de l’État, comme ici, aux PTT, ont acquis le statut de fonctionnaires protégés par la loi. Photo : M. Zalewski/Adoc-Photos

À partir de 1946, plus d’un million d’agents publics de l’État, comme ici, aux PTT, ont acquis le statut de fonctionnaires protégés par la loi. Photo : M. Zalewski/Adoc-Photos

Issue du mouvement de progrès social impulsé par la Résistance, une loi sera promulguée le 19 octobre 1946. Contrairement au système hiérarchique en vigueur, les agents publics de l’État sont considérés comme fonctionnaires, protégés par un statut.

Le 5 octobre 1946, la deuxième Assemblée ­nationale constituante examine son dernier projet de loi avant le référendum sur la Constitution de la IVe République. Il s’en est fallu de peu que ce texte relatif au statut général des fonctionnaires ne puisse venir en discussion avant la fin de la session ; un ultime accord entre le président du gouvernement provisoire, Georges Bidault, et le vice-président du Conseil, chargé de la fonction publique, Maurice Thorez, également secrétaire général du Parti communiste français, a tranché d’âpres débats qui n’en finissaient pas. En quatre heures, sans discussion générale, les 145 articles du texte sont votés à l’unanimité. Plus d’un million d’agents publics de l’État sont considérés comme fonctionnaires, protégés par la loi, même si seulement 47 % d’entre eux sont effectivement titularisés dans le cadre de ce statut. La loi sera promulguée le 19 octobre 1946.

C’était l’aboutissement d’une longue histoire de la fonction publique. L’Ancien Régime avait connu la vénalité et la patrimonialité des charges administratives. La Révolution française supprima ces privilèges et posa des principes d’égalité d’accès aux emplois publics et de probité des agents publics. Mais c’est une fonction publique dominée par le pouvoir hiérarchique qui prévalut au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe. Au point que le premier statut des fonctionnaires vit le jour sous Vichy, un texte du 14 septembre 1941 inspiré par l’antidémocratique « charte du travail ». Les associations, puis les syndicats de fonctionnaires n’avaient cessé de dénoncer jusque-là les tentatives de « statut carcan » que tentaient de leur imposer les gouvernements conservateurs. Ils réclamaient un « contrat collectif ».

Un premier projet de statut démocratique

Une telle situation met en valeur la lucidité et l’intelligence dont firent preuve les responsables progressistes de l’époque, issus pour la plupart de la Résistance. À l’exemple de Jacques Pruja, un dirigeant de la Fédération générale des fonctionnaires (FGF-CGT), révoqué, arrêté, puis réintégré, qui prit l’initiative d’élaborer un premier projet de statut démocratique avec lequel il finit par vaincre les réserves qui s’exprimaient au sein même de son organisation syndicale. La FGF adopta finalement un projet de statut lors de son congrès de mars 1945. Les forces syndicales de la CGT, majoritaire, et de la CFTC prirent alors une part active dans la promotion des nouvelles dispositions. Le projet retenu par le ministre de la Fonction publique suscita de très vives oppositions. Venant de hauts fonctionnaires qui admettaient difficilement le recul de l’ordre hiérarchique antérieur, les oppositions s’accentuèrent au fil du temps de la part de la CFTC et du MRP, parti démocrate-chrétien, qui finirent par élaborer leur propre projet ; ou encore de ministres socialistes de la SFIO. Le rejet du premier projet de Constitution par ­référendum du 5 mai 1946 menaça de tout faire capoter. Mais, combinant esprit de compromis (abandon de la création d’une fonction de secrétaire général de l’administration, par exemple) et fermeté sur les principes, Maurice Thorez parvint à ses fins.

Une grande référence sociale pour tous les salariés, du public comme du privé

Le statut mit dans la loi de très nombreuses garanties pour les fonctionnaires en matière de rémunération (voir dans l’encadré ci-contre la définition du « minimum vital », l’ancêtre du Smic), d’emploi, de carrière, de droit syndical, de protection sociale et de retraite. Il a été abrogé par l’ordonnance du 4 février 1959 lors de l’avènement de la ­Ve République. Statut fondateur, il a ainsi ouvert la voie au statut fédérateur de 1983 d’une fonction publique « à trois versants » : de l’État, territoriale et hospitalière, regroupant aujourd’hui 5,5 millions de salariés du service public, soit 20 % de la population active de la France, exemple sans équivalent dans le monde. Protégés par la loi plutôt que par le contrat, le statut général indique une voie inverse de celle de la loi El Khomri ; c’est une grande référence sociale pour tous les salariés, du public comme du privé. En 2011, la CGT déclarait à ce sujet : « Dans la fonction ­publique, même s’il subit des attaques sans précédent, le statut général des fonctionnaires demeure un socle progressiste pour des millions d’agents et autant de garanties pour les ­citoyens. Le caractère unifié doit en être renforcé. » Offensives frontales ou dénaturations sournoises, les attaques contre le statut des fonctionnaires n’ont jamais cessé, ce qui lui a permis de faire la preuve de sa solidité et de son adaptabilité. Nul doute que l’on en reparlera au cours de la campagne présidentielle.

Pour aller plus loin : lire la Fonction publique du XXIe siècle, d’Anicet Le Pors et de Gérard Aschieri. Éditions de l’Atelier, 2015.
Une loi et un statut

Extrait de la loi n° 46-2 294 du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires. « Chapitre Ier. Dispositions statutaires : Art. 1er. – Le présent statut s’applique aux personnels qui, nommés dans un emploi permanent, ont été titularisés dans un grade de la hiérarchie des cadres d’une administration centrale de l’État, des services extérieurs en dépendant ou des établissements publics de l’État. Art. 32. – Le traitement fixé pour un fonctionnaire nommé à un emploi de début doit être calculé de telle façon que le traitement net perçu ne soit pas inférieur à 120 p. 100 du minimum vital. (…) Par minimum vital, il faut entendre la somme au-dessous de laquelle les besoins individuels et sociaux de la personne humaine considérés comme élémentaires et incompressibles ne peuvent plus être satisfaits. »

Repères

  • 22 avril 1905 La loi prescrit la communication du dossier aux fonctionnaires faisant l’objet d’une sanction disciplinaire.
  • 1911-1913 Une première loi fixe des règles relatives à l’avancement, une seconde les règles du détachement.
  • 19 octobre 1946 Promulgation par la loi du premier statut général des fonctionnaires (de l’État).
  • 1983 Réforme sous la houlette du ministre Anicet Le Pors comprenant un nouveau statut des fonctionnaires.
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24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 14:35
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUCIE FOUGERON
JEUDI, 20 OCTOBRE, 2016
HUMANITÉ DIMANCHE

« Droitisation » : le mot a envahi les analyses de la vie politique, souvent dans un cadre franco-français. Dans son dernier ouvrage, « la Droitisation du monde », c'est à l'ensemble de la planète que François Cusset étend l'analyse de cette lame de fond. Écrivain, chercheur en histoire intellectuelle et politique contemporaine, professeur d'études américaines à l'université de Nanterre, il détache son point de vue des seuls cadres nationaux, échiquiers politiques et calendriers électoraux, et met au jour un processus aussi profond que contemporain ­ à peine un demi-siècle ­, toujours en cours, dans une perspective d'histoire et de pensée critiques. Pour le comprendre dans toute son ampleur et, partant, déceler les issues émancipatrices possibles dans un paysage confus et bouleversé. Entretien.

HD. Pour rendre lisible notre monde complexe, vous proposez l’hypothèse de sa droitisation. Sur quoi la fondez-vous ?

François Cusset. Le dernier demi-siècle est marqué par un cycle contre-révolutionnaire qui constitue un retournement. Le cycle émancipateur, progressiste du milieu du XXe siècle – décolonisation des deux tiers de la planète, émergence d’une culture jeune, protestations étudiantes et ouvrières, État providence… – a suscité en réaction, dialectiquement, à partir du milieu des années 1970, un retour de bâton de la classe dirigeante, dont les lignes sont variées mais se mêlent. Le capitalisme familial, national et protectionniste, est devenu spéculatif, actionnarial et mondialisé ; l’économie de production est devenue financière et spéculative ; la consommation définit désormais entièrement notre existence individuelle et collective… La fin du bloc de l’Est a ouvert au capitalisme un territoire nouveau, tout en mettant en deuil les tenants des politiques émancipatrices ou progressistes. Le « sud » de la planète a émergé à la fois économiquement et culturellement – pas encore politiquement. Est également survenu le désastre écologique, accélération hyperbolique des ravages produits par le capitalisme. Enfin, la révolution technologique constitue à la fois une immense métamorphose économique et une révolution existentielle rendant nos vies ubiquitaires, virtuelles, à la fois hypersocialisées et totalement individualisées. S’ajoutent les questions identitaires nouvelles : si la « théorie » du « choc des civilisations » relève de la propagande néoconservatrice, des tensions religieuses et ethniques existent. Toutes ces lignes vont dans le même sens : un énorme cran supplémentaire dans l’histoire moderne vers la droite, pas seulement sur l’échiquier politique, mais aussi en termes de valeurs, de modes de vie, de visions du monde et même de pratiques collectives – désormais incarnées par l’équipe de foot, la Manif pour tous, la communauté religieuse ou le réseau social… –, dont sont absentes les formes sociales progressistes du XXe siècle.

HD. Vous analysez ce processus de « droitisation du monde » tout en estimant qu’on peut aujourd’hui se passer des catégories droite-gauche. N’est-ce pas paradoxal ?

François Cusset. À gauche, s’est creusé un abîme entre la gauche de gouvernement, gestionnaire et « efficace », plus austéritaire et sécuritaire que ses homologues de droite depuis la triade Clinton-Blair-Schröder, et une gauche de combat en miettes, prise en étau entre une tentation électorale illusoire, une nostalgie du grand soir et une mobilisation qui ne se reconnaît pas en elle : Nuit debout, Occupy Wall Street, les Indignés… Au sein de la droite classique, deux lignes historiquement en contradiction ont formé une alliance stratégique : la droite des marchés, du libre-échange radicalisé, de la haine de l’État et de la suppression de toutes les barrières à la mondialisation économique, et la droite des valeurs patrimoniales, chrétiennes et identitaires. Sous le prétexte de la « guerre des civilisations », après le 11 septembre 2001, mais cela repose fondamentalement sur la défense des intérêts des classes dirigeantes.

HD. Que devient le rôle de l’État dans ce grand virage ?

François Cusset. La doctrine néolibérale élaborée après guerre lui vouait une haine viscérale. Ensuite, ses tenants et les acteurs économiques sont devenus les meilleurs amis d’un État qui a sauvé le système lors de la crise des subprimes, d’un État austéritaire à l’échelle européenne et d’un État sécuritaire qui, sous prétexte d’état d’urgence, endigue les mouvements sociaux… Ce sont les fonctions mêmes de l’État qui ont changé. Historiquement vouées à protéger, compenser, instruire, égaliser partiellement, elles sont désormais de trois ordres en Occident : présenter aux marchés une administration rentable en supprimant ses fonctions sociales dépensières ; une fonction diplomatico-politique de service aux entreprises ; une fonction militaro-policière, qui va de l’interventionnisme aux quatre coins du monde sous prétexte de lutte antiterroriste à une hypersurveillance généralisée poliçant nos existences.

HD. En quoi le développement de la « biopolitique » est-il une expression de cette droitisation ?

François Cusset. Ce terme, dû à Michel Foucault, désigne le rapport entre les formes de pouvoir politique et les formes de vie à la fois organique, existentielle, morale, normative. La biopolitique a émergé avec la mise en œuvre par les États de politiques natalistes, par exemple, s’insinuant dans des aspects de nos existences qui n’étaient pas de leur ressort. Un siècle plus tard, l’extension du capitalisme se fait dans deux directions simultanées. À la fois vers le plus volatil – la spéculation qui déstabilise l’économie, précarise le travail et sacrifie la production – et vers le plus concret, organique, intime – ces dimensions de nos existences qui ne relèvent pas du domaine de la marchandise, de la vie de « l’âme » à la sexualité en passant par la rentabilisation du temps disponible avec l’ubérisation. En nous incitant à optimiser nos existences, la biopolitique individualise radicalement nos façons de faire et impose des normes, légifère. C’est, en outre, un secteur économique en plein boom. Invention des États, la biopolitique est désormais l’apanage d’immenses multinationales privées – le rachat de Monsanto par Bayer en est un exemple spectaculaire. En fait, trois domaines fondamentaux sont passés de la gauche à la droite. La nation, invention des peuples de gauche et des révolutions du XIXe siècle. Le vitalisme, situé à gauche, et les biopolitiques étatiques progressistes au XIXe siècle (elles étaient en même temps coloniales…), désormais de droite, où la vie doit être rentabilisée. Enfin, la culture : au cycle de l’après-guerre, avant-gardiste, indissociable du changement social et de la déstabilisation des pouvoirs en place, a succédé l’extension de la culture à tous les aspects de l’existence, une industrie devenue le moteur de l’économie mondiale, sphère de loisirs pour oublier les rapports de forces. La lame de fond de la massification de l’accès à l’éducation et à la culture, mais aussi aux droits sociaux, change la donne : créateur et consommateur sont deux fonctions indifférenciées, ce qui va aussi bien dans le sens d’une reprise en main du pouvoir culturel par les gens que dans le sens du nivellement par le bas, du démantèlement des points de repère, sans rien avoir à mettre à leur place…

HD. Que deviennent alors les questions et les perspectives sociales et collectives ?

François Cusset. Les formes de mobilisation collective antérieures ont perdu la plus grande part de leur crédibilité ou de leur efficacité. Et en même temps, il y a du nouveau : les ZAD, les mouvements de quartier, la jeunesse mobilisée pour occuper les places… Ces phénomènes, mondiaux, convergents dans le temps depuis les printemps arabes, sont le signe d’une réinvention des formes de mobilisation, encore minoritaires et réticentes à l’organisation et donc insuffisamment stratégiques. Le mouvement social unitaire, avec ses formes d’organisation traditionnelles, n’a pas d’autre choix, face au moloch de droite, que d’avancer main dans la main avec ces nouveaux combats.

« Droitisation » : le mot a envahi les analyses de la vie politique, souvent dans un cadre franco-français. Dans son dernier ouvrage, « la Droitisation du monde », c’est à l’ensemble de la planète que François Cusset étend l’analyse de cette lame de fond. Écrivain, chercheur en histoire intellectuelle et politique contemporaine, professeur d’études américaines à l’université de Nanterre, il détache son point de vue des seuls cadres nationaux, échiquiers politiques et calendriers électoraux, et met au jour un processus aussi profond que contemporain – à peine un demi-siècle –, toujours en cours, dans une perspective d’histoire et de pensée critiques. Pour le comprendre dans toute son ampleur et, partant, déceler les issues émancipatrices possibles dans un paysage confus et bouleversé. Entretien.

François Cusset est écrivain, historien des idées, professeur à l'université Paris-Ouest Nanterre-la Défense

 

« LA DROITISATION DU MONDE », DE FRANÇOIS CUSSET, CONVERSATION AVEC RÉGIS MEYRAN, ÉDITIONS TEXTUEL, 2016, 192 PAGES, 15 EUROS.

Un ouvrage de mise au point, selon son auteur ­ dont les travaux portent depuis longtemps sur le tournant néolibéral des dernières décennies, mais aussi sur ses opposants, des mouvements sociaux aux contre-cultures ­, qui s'attache ici à dénouer les fils du grand virage droitier à l'échelle mondiale ­ initié dès l'aube des années 1970 ­, entremêlés et composés des diverses facettes de notre présent. Détaillant ce long « retour de bâton », réactionnaire et individualiste, cynique et guerrier, bienveillant et divertissant, il interroge ses reconfigurations et ce que peuvent encore les forces de résistance et d'émancipation. François Cusset a publié, notamment, « French Theory » et « la Décennie : le grand cauchemar des années 1980 » (la Découverte, 2003 et 2006), et dirigé « Une histoire (critique) des années 1990 » (Centre Pompidou-Metz, 2014). Il est aussi l'auteur de deux romans, « À l'abri du déclin du monde » et « les Jours et les jours » (P.O.L, 2012 et 2015).

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24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 14:22
"Ce budget est dans la droite ligne d’une politique exclusive de l’offre, inefficace et injuste"

jeudi 20 octobre 2016

Le 18 octobre, la loi de finances pour 2017 est entrée en discussion à l’Assemblée nationale.

Pour les députés du Front de gauche, "le grand enjeu de 2017 sera de remettre l’humain au cœur des politiques publiques, avant de satisfaire les « banksters » qui ont pris le pouvoir, les « too big to fail » – « trop gros pour faire faillite » – et « too big to jail » – « trop gros pour aller en prison » – qui nous assassinent. Et si nous ne pouvons que nous féliciter des tentatives pour réparer l’injustice faite aux retraités très modestes, comme nous saluons l’engagement de redonner des moyens humains pour assurer la sécurité, la justice, l’éducation, nous estimons que ce budget est dans la droite ligne d’une politique exclusive de l’offre, inefficace et injuste", explique Nicolas Sansu lors de la discussion générale.

Lire son intervention en intégralité

 

Nous abordons ce soir le dernier budget de la législature, lequel, pour l’heure, ressemble plus à une sorte d’épitaphe des occasions manquées qu’à un étendard de la réussite.

Avec 600 000 chômeurs de plus, avec une industrie fragilisée, avec trop de nos jeunes projetés hors de l’emploi et des apprentissages, avec des retraités et des salariés qui ont vu leur pouvoir d’achat au mieux stagner, au pire reculer, notre pays s’est malheureusement fracturé, abîmé et divisé. C’est le résultat du choix d’une politique d’austérité qui partout en Europe a fait tant de mal ces dernières années – on a oublié que notre pays aurait pu choisir un autre chemin.

Les atouts de la France ne manquent pourtant pas : de merveilleuses capacités d’innovation et de formation, une façade maritime unique, un patrimoine culturel et historique qui résonne partout sur la planète. Alors pourquoi cet échec ? Nous, députés du Front de gauche, estimons qu’il découle de l’alignement inconsidéré sur les exigences du capital financier mondialisé porté par les traités européens. La France, notre belle France, est terne quand elle laisse l’expertise comptable s’imposer face à la pensée politique.

Regardons la réalité : à mesure que l’empire de la haute finance s’étend, les inégalités se creusent, les crises économiques et financières s’enchaînent et les fraudes géantes s’accumulent. Notre monde est devenu complètement dingue. Les 61 personnes les plus riches de la planète possèdent autant que les 3,5 milliards d’êtres humains les plus pauvres. Qui peut raisonnablement penser que ce modèle a un quelconque avenir ?

Faut-il dès lors s’étonner que les conflits, notamment militaires, se généralisent ? Selon le Institute for Economics and Peace, un think tank mondial, seuls 11 pays sur les 162 suivis n’étaient pas en guerre en 2014, ce qui marque une très forte dégradation par rapport à 2007.

L’ennemi, c’est toujours la finance, monsieur le secrétaire d’État, cette finance qui s’est accélérée, qui se joue des règles territoriales, qui pèse sur les peuples avec trop souvent la complicité d’élites politico-administratives, et qui a comme conséquence la montée des haines et des divisions. Près de 1 150 000 milliards de dollars transitent entre les places financières, alors que seulement 40 000 milliards de dollars sont utiles à l’économie réelle, soit vingt-huit fois moins. Sans cesse, le capital financier exige que les travailleurs fassent des concessions salariales et les États des concessions fiscales. C’est la course à qui fera pire.

Le pire, ce sont des dérégulations dans tous les domaines, qu’il s’agisse des traités transatlantiques, le TAFTA et le CETA, ou, pour notre pays, des diktats sur le marché du travail imposés par les lois Macron ou El Khomri. C’est à tout ce système que la France doit s’attaquer. Certes, le combat n’est pas simple, mais au terme de ce quinquennat, voyons si les politiques publiques menées, concrétisées par les politiques budgétaires, auront permis d’avancer.

L’absence d’une véritable taxe sur les transactions financières incluant les mouvements spéculatifs intrajournaliers, l’absence d’une véritable séparation entre banques d’affaires et banques de dépôts, le refus de toucher au verrou de Bercy ou la frilosité à l’égard des dispositifs d’évasion fiscale mis en œuvre par les grandes entreprises auront été autant de rendez-vous manqués. Le cas d’Apple et des 13 milliards dont les États européens ont été littéralement spoliés est exemplaire.

Quant à la politique fiscale menée depuis 2012, l’Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE – vient d’en faire le pré-bilan. Et la sentence est claire : un renversement inédit de la fiscalité des entreprises vers les ménages s’est opéré au cours de ces cinq dernières années. Alors qu’en 2012 les entreprises contribuaient à hauteur de 19,8 points de PIB, ce ne serait plus que de 18,9 points en 2017, soit 20 milliards d’euros de moins. Pour les ménages, c’est exactement l’inverse : leur contribution passe de 24,2 à 25,7 points de PIB, ce qui correspond à une hausse 31 milliards d’euros. En outre, l’architecture fiscale reste toujours aussi injuste avec un impôt progressif, l’impôt sur le revenu, qui ne représente que 3,5 points de PIB alors que la TVA a fortement augmenté. Et il ne faut pas oublier la diète imposée par l’État aux collectivités locales, qui a entraîné un accroissement des impôts sur les ménages et accentué le déséquilibre territorial.

Au total, trop de nos concitoyens auront subi une pression fiscale injuste, à commencer par les pauvres, ainsi que les retraités et les classes moyennes, du fait surtout de la TVA. À y regarder de plus près, seuls les plus aisés y ont gagné, profitant des mécanismes d’optimisation. Le patrimoine des 500 Français les plus riches aura progressé de près de 25 % en cinq ans. C’est indécent !

Dans ce contexte, la cure d’austérité promise par une droite qui rêve de parachever la contre-révolution libérale à l’œuvre depuis les années quatre-vingt est une surprime à l’indécence. Pourtant, bien des institutions, des livres et des recommandations appellent à cesser les politiques restrictives et à encourager l’investissement. C’est le cas du FMI – Fonds monétaire international. Toujours selon l’OFCE, en six ans l’investissement public est passé de 4,5 points de PIB en 2010, soit 86 milliards, à 3,2 points de PIB, soit 67 milliards d’euros. Ces orientations, terribles pour les territoires, obèrent l’avenir.

Surtout, le basculement de la fiscalité vers les ménages n’a pas produit les effets escomptés. Comme on pouvait s’y attendre ! Selon les études réalisées, chaque emploi sauvé ou créé par le CICE a coûté entre 287 000 et 574 000 euros : quel gâchis ! Vous souhaitez d’ailleurs l’aggraver en faisant passer le taux de ce crédit d’impôt de 6 à 7 %.

De ce fait, l’impôt sur les sociétés, que le MEDEF nous présente toujours comme le grand Satan, a quasiment disparu, mité par une assiette à gros trous. Il représentera 25 milliards à l’horizon 2018, soit 1,2 point de PIB, un rendement deux fois moins élevé que la moyenne de la zone euro. C’est pourquoi, plutôt qu’une baisse uniforme des taux d’impôt sur les sociétés, les députés du Front de gauche défendent l’idée d’une modulation de la fiscalité des entreprises en fonction de l’utilisation des bénéfices. Une entreprise qui crée de l’emploi, favorise la formation, augmente les salaires, investit dans la production doit être avantagée par rapport à une entreprise qui verse des dividendes. Et, nous le savons, ce ne sont pas les PME ou les TPE qui alimentent la chaudière de la spéculation, elles qui créent de l’emploi et des richesses sur tout le territoire.

Aujourd’hui, l’architecture fiscale, confirmée par ce projet de loi de finances pour 2017, n’est pas suffisamment juste et les niches se multiplient, formant un véritable chenil. Le prélèvement à la source qu’il est prévu d’instaurer fera l’objet d’un débat spécifique. Il pose un problème de confidentialité, car c’est l’entreprise qui viendra collecter l’impôt. Il n’a pas été conçu pour améliorer le taux de recouvrement, lequel s’élève déjà à 99 % : il a surtout vocation à préparer la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG, qui consacrera le financement de la protection sociale non pas par la cotisation sur les richesses créées mais par l’impôt.

Ce nouvel impôt à la source pourrait être un moyen d’améliorer la progressivité des prélèvements, mais aussi le cheval de Troie de cette flat tax si injuste à laquelle rêve la droite. Pour notre part, nous estimons que cette législature aurait dû être celle de la progressivité fiscale, en basculant des impôts injustes tels que la TVA vers l’impôt progressif, qui compterait davantage de tranches. C’est ce que nous proposerons.

Dans le même temps, l’impôt de solidarité sur la fortune – ISF – aurait dû faire l’objet d’une revalorisation, d’un élargissement de l’assiette et d’un déplafonnement. Exonérer Mme Bettencourt de 61 millions d’euros d’impôts, soit plus que le budget annuel de la commune de Vierzon, c’est tout simplement injuste et inefficace.

Mes chers collègues, c’est aussi d’une autre utilisation de l’argent que nous avons besoin, une gestion portée par un véritable pôle bancaire public, et d’une vraie guerre contre l’évasion, la fraude ainsi que l’optimisation fiscales. Chaque année, ce sont plus de 1 000 milliards d’euros en Europe qui sont soustraits aux budgets des pouvoirs publics, dont 60 à 80 milliards rien que pour la France. Comment peut-on encore accepter cela, alors que l’on demande à chacun, à juste titre, d’aller payer son impôt sur le revenu ou sa taxe d’habitation à son centre des impôts ?

Sans doute faut-il se rappeler que le président de la Commission européenne a dirigé l’État où a éclaté le scandale du LuxLeaks, ou que certains anciens commissaires européens fraudent ou se vendent aux établissements bancaires qui jouent avec les paradis fiscaux. Ces liaisons dangereuses d’une oligarchie financière délétère portent d’ailleurs une grande responsabilité dans la défiance des peuples et les divisions et les haines qui en résultent. Avec 1 000 milliards d’euros en Europe, nous disposerions d’une manne pour lancer réellement le plan de transition écologique, porteur d’emplois et de formations, pour une nouvelle ère de solidarité et de paix et pour des services publics de qualité.

Au lieu d’avoir l’œil rivé sur les 3 % de déficit public, au lieu de se soumettre à la domination de la dette établie par les marchés financiers, nous aurions là une espérance pour faire converger les peuples. Comme le dit le Prix Nobel Joseph Stiglitz, il faut rompre avec le « pacte de suicide collectif » préconisé en Europe.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il peut être tentant de s’en tenir à la discussion du déficit structurel ou conjoncturel. Il peut être sympathique d’ergoter sur un taux de croissance à 1,3 ou 1,5 % – la différence, c’est 4 milliards d’euros, c’est-à-dire moins du dixième des dividendes versés par les entreprises du CAC 40 en 2015. Il peut être satisfaisant intellectuellement de débattre sur toutes les dispositions du projet de loi de finances, sachant qu’en réalité, le débat parlementaire n’agit en fin de compte que sur 0,5 à 1 % du budget. C’est malheureusement le temps de l’économisme, de l’expertise-comptable, et non du destin collectif.

Pour nous, députés du Front de gauche, le grand enjeu de 2017 sera de remettre l’humain au cœur des politiques publiques, avant de satisfaire les « banksters » qui ont pris le pouvoir, les « too big to fail » – trop gros pour faire faillite – et « too big to jail » – trop gros pour aller en prison – qui nous assassinent. Et si nous ne pouvons que nous féliciter des tentatives pour réparer l’injustice faite aux retraités très modestes, comme nous saluons l’engagement de redonner des moyens humains pour assurer la sécurité, la justice, l’éducation, nous estimons que ce budget est dans la droite ligne d’une politique exclusive de l’offre, inefficace et injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Budget 2017: intervention de Nicolas Sansu à l'Assemblée Nationale (Front de Gauche)
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24 octobre 2016 1 24 /10 /octobre /2016 12:14
SUICIDES À LA POSTE : LE CLIMAT SOCIAL MIS EN CAUSE

Alors qu’une factrice de 34 ans a tenté de se suicider sur son lieu de travail en début de semaine, 8 cabinets d’experts en santé et travail dénoncent un climat social qui n’a cessé de se détériorer depuis 2012 au sein de La Poste et un refus du dialogue social par la direction. Ils ont adressé une lettre ouverte à Philippe Wahl, PDG du groupe, pour l’enjoindre à prendre ses responsabilités.

C'est une démarche pour le moins inhabituelle. Huit cabinets d'expertise en santé et travail agréés et indépendants (1) ont adressé, le 13 octobre, une lettre ouverte au PDG de La Poste, Philippe Wahl. Ils dénoncent une "dégradation rapide de l'état de santé des agents" et "un refus du dialogue social", évoquant même "des cas de suicide au travail".

Une façon de sonner l'alarme, alors que cette semaine encore, une factrice âgée de 34 ans a tenté de mettre fin à ses jours en avalant des médicaments dans le bureau de poste central de Montpellier. Elle faisait l'objet d'une procédure disciplinaire pour avoir pris sa pause déjeuner pendant sa tournée.

Avant elle, un postier de 53 ans s'était pendu cet été dans le Doubs, après 34 ans de bons et loyaux services. Il expliquait dans une lettre que La Poste avait "petit à petit détruit ses employés, les vrais postiers, ceux qui avaient le contact avec les gens".

 

"Une logique purement taylorienne"

 

Les experts qui mènent des études sur l'état des conditions de travail et les conséquences potentielles de réorganisations à la demande des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) critiquent les "réorganisations permanentes qui réduisent les effectifs et soumettent les agents à des cadences accélérées". Ils évoquent une "aggravation de la pénibilité physique dans une logique purement taylorienne", des "situations de détresse individuelle", de "fréquents conflits ouverts entre agents", "un climat social dégradé"et "un mépris vis-à-vis des instances représentatives du personnel".

"Les conséquences en termes de santé au travail sont d'ores et déjà dramatiques : le groupe La Poste continue de rencontrer des cas de suicide au travail", écrivent les cabinets d'expertise. Depuis la vague de suicides de 2012, neuf employés se seraient suicidés pour des raisons professionnelles. La direction n'en reconnaissant "que" trois.

Par ailleurs, les experts dénoncent des "entraves [...] à leur travail" et "une absence de prise en compte de leurs alertes".

 

66 expertises en 2015

 

Dans un communiqué daté du 19 octobre, La Poste annonce l'ouverture prochaine d'une négociation nationale sur les métiers et les conditions de travail des facteurs et des encadrants de la branche Services-Courrier-Colis. "L'enjeu de cette nouvelle négociation sera de travailler à l'amélioration des conditions de travail des facteurs et des agents courrier", peut-on lire.

Interrogé par l'AFP, le groupe dit avoir pris connaissance de cette lettre "avec beaucoup de sérieux" et vouloir proposer de rencontrer les experts. "La politique de La Poste est de contribuer à la bonne réalisation des expertises votées par les CHSCT et de tenir compte de leurs conclusions", explique La Poste, disant compter "748 CHSCT qui ont demandé la réalisation de 66 expertises en 2015 sur tout le territoire (il y en avait 103 en 2013)". Tout en précisant que "sur les huit cabinets d'expertise signataires de la lettre, quatre n'ont réalisé aucune expertise à La Poste en 2015. Les 4 autres ont réalisé 10 expertises locales à La Poste en 2015".

À Montpellier, un CHSCT extraordinaire s'est réuni et a décidé de diligenter une enquête.

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