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13 juillet 2019 6 13 /07 /juillet /2019 18:00
12 juillet 1904: naissance du grand poète chilien Pablo Neruda (JC)

12 juillet 1904 :

Il y a 115 ans naissait le grand poète chilien, Prix Nobel de littérature (1971) et militant communiste, Pablo Neruda.

D'abord diplomate dans de nombreux pays, il est nommé consul en 1935 en Espagne. Pendant la Guerre d'Espagne, il prend parti pour les républicains espagnols face aux troupes du général fasciste Franco, ce qui lui vaudra d'être révoqué de son poste.

En 1945, il est élu sénateur du Parti Communiste Chilien.
Présenté en 1969 come candidat à la présidentielle par le PC chilien, Neruda se retire en faveur d'Allende, qui devient le candidat unique de la gauche "Unidad Popular", dont il sera un fervent partisan. Après sa victoire aux présidentielles, Allende le nomme ambassadeur du Chili en France.

Le 11 septembre 1973, les militaires avec à leur tête Pinochet font un coup d'état et renversent le Président Allende. Profondément anticommunistes, ils pourchassent tous les opposants à la junte militaire, Neruda en fait partie. Sa maison sera saccagée et ses livres brûlés.

Le 23 septembre de la même année, il décède officiellement d'un cancer mais les soupçons d'un assassinat par empoisonnement restent très probables. En 2017, une expertise internationale rejette l'hypothèse d'une mort due à un cancer.

Plus d'infos 👇https://www.humanite.fr/node/308392

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12 juillet 2019 5 12 /07 /juillet /2019 19:20
Non à la ratification du CETA - Appel à rassemblement demain, samedi 13 juin, à Morlaix, à 11h devant le kiosque

 Non à la ratification du CETA

 Le "CETA", traité de libre échange entre l'UE et le Canada, sera soumis pour ratification aux députés et sénateurs le mardi 17 juillet 2019. 

 Le collectif du pays de MORLAIX  « Stop CETA » rappelle que la signature de ce traité permettra aux canadiens de vendre en France des produits qui ne sont pas soumis au principe de précaution. Ce sont 65 000 tonnes de viandes canadiennes issues de bovins engraissés au maïs OGM, aux farines animales et aux antibiotiques qui arriveront en Europe. Cette arrivée massive de produits alimentaires ne respectant pas les normes européennes, ne sera pas soumis à un étiquetage permettant de les identifier. Les conséquences de ce traité sont connues : une importation de biens et de services des deux côtés de l’Atlantique qui va générer davantage de gaz à effet serre en raison de l'augmentation du transport maritime extrêmement polluant.  Le réchauffement va s’accélérer.  Le CETA est en totale contradiction avec les engagements pris par la France pour lutter contre le changement climatique. Ce traité est d'autant plus cynique que le Canada vient de s'engager dans un nouveau programme d'exploitation pétrolière favorisant ainsi le réchauffement climatique. 

C'est pourquoi, nous demandons à nos parlementaires de voter contre cet accord climaticide et nous vous invitons à nous  rejoindre le samedi 13 juillet à 11h au kiosque place des otages, pour protester contre la ratification de ce traité.

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11 juillet 2019 4 11 /07 /juillet /2019 14:33

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10 juillet 2019 3 10 /07 /juillet /2019 09:08
De quoi Libra, la monnaie Facebook, est-elle le nom ? Yann Le Pollotec PCF 10 juillet 2019

En juin 2019, Facebook annonçait la création de sa propre crypto-monnaie (1), qui aurait cours début 2020 et qui porte le nom de « Libra », en référence à l’unité de mesure du poids des pièces dans l’Empire romain : tout un symbole. Libra est lancé en partenariat avec 28 entreprises, fonds financiers, services de payement et ONG dont Visa, Mastercard, PayPal, Uber, Ebay, Booking, Spotify, l’opérateur de télécom britannique Vodafone et le français Iliad (2).

Facebook ne battra pas monnaie à proprement parler car il ne s’agit pas de création de monnaie ex nihilo mais d’un moyen de payement assis sur un panier de devises existantes. Si Libra voit effectivement le jour, Facebook va offrir ce moyen d’échange à ses plus de 2,7 milliards d’utilisateurs dans le monde, en créant la première crypto-monnaie grand public. Il deviendra, presque à l’égal des grandes banques centrales, un « tiers de confiance » à l’échelle planétaire. Il est probable qu’Amazon et Google (3) emboîte rapidement le pas à Facebook et crée à leur tour leur propre crypto-monnaie (4).

Officiellement pour Facebook, il s’agit d’offrir « une devise et une infrastructure financière mondiales simples, au service de milliards de personnes » en particulier », y compris en visant le marché des « 1,7 milliard d’adultes dans le monde (…) encore exclus du système financier et de l’accès à une banque traditionnelle, alors qu’un milliard d’entre eux possèdent pourtant un téléphone portable et que près d’un demi- Mais pour comprendre le véritable objectif que recherche Facebook, et qui va bien plus loin que celui de concurrencer le système bancaire traditionnel, il faut revenir à la jeune histoire des plateformes numériques capitalistes mondialisées. Ces plateformes sont nées sur les ruines du krach boursier de 2000 provoqué par l’éclatement de la bulle Internet en l’absence de modèle économique viable. Elles se sont développées sur la captation des données à leur profit et ont créé de véritables modèles économiques monopolistiques. Elles ont accumulé après la crise financière de 2008 une immense capitalisation boursière grâce aux milliers de milliards que les banques centrales ont injectés dans les circuits financiers. En accaparant la valeur produite par le travail de transformation des données, elles visent au monopole et à la rente. Leur stratégie est d’enfermer les usagers dans leur propre univers, ce qui est en contradiction totale avec la promesse initiale d’Internet d’une interconnexion de réseaux décentralisés où chacun était de manière égalitaire producteur et consommateur d’information. Elles sont en train de détruire Internet de l’intérieur. milliard ont accès à Internet » (5).

Ainsi Facebook à mis en place en Afrique un service d’accès gratuit à Internet par satellite, mais il ne donne accès qu’aux services et qu’aux applications de Facebook et de ses partenaires (6). Des intelligences artificielles de Google lisent tous vos mails envoyés sur Gmail et analysent vos requêtes sur son moteur de recherche, afin de vous proposer des offres commerciales vous correspondant. Amazon a l’ambition de faire passer par lui toute notre consommation, qu’il s’agisse de la nourriture, des biens manufacturés ou des biens et services culturels. Pour cela il entend installer des objets connectés comme ses enceintes Alexa chez nous afin d’enregistrer et d’analyser en permanence notre comportement. Ce qui est visé : la disparition de tous les réseaux de distribution ou leur soumission à Amazon. Dans le dispositif de l’univers Facebook, Libra servira à accumuler de précieuses données financières personnelles qui pourraient rendre Facebook incontournable en matière d’évaluation des risques de crédit.

“Un pouvoir qui n’est pas qu’économique”

Les firmes mondialisées du capitalisme de plateforme ont acquis un pouvoir qui n’est pas qu’économique. En ayant accès en temps réel à des milliards de données personnelles, au graphe social de chacun, elles connaissent mieux que les États et parfois que les individus eux-mêmes, leurs goûts, leurs désirs, leurs passions, leurs déplacements, leurs phobies, leurs angoisses, leurs addictions, leurs capacités d’interactions sociales, leurs états de santé. Cet accès et cette capacité de traitement de milliards de données personnelles et de relations entre ces données leur donnent à l’échelle mondiale un pouvoir gigantesque qui est de nature politique. On parle même maintenant d’identité numérique, voire d’État civil numérique qui serait à discrétion de ces plateformes. Ainsi on aurait une identité Facebook ou Amazon comme on a un état civil par l’État Français ou comme on avait un certificat de baptême de l’Église sous l’ancien régime. Ces plateformes deviennent des tiers de confiance à l’instar des notaires, des États, des banques à l’échelle planétaire.

Ces plateformes n’ambitionnent pas que de faire des profits ; elles ont une vision du monde libertarienne où chacun est entrepreneur de sa propre vie, pour paraphraser Michel Foucault. Facebook finance la congélation d’ovocytes de leurs salariées afin «de favoriser l’emploi des femmes et les aider à mieux maîtriser leur carrière ». Google, avec sa filiale Calico, a l’ambition de « tuer la mort ». Inspiré par le transhumanisme, Google est persuadé que l’homme et l’ordinateur vont fusionner afin de fonder une nouvelle humanité. Son PDG a déclaré : « Si nous nous y prenons bien, nous pouvons résoudre tous les problèmes du monde. » Ainsi une nouvelle idéologie est née sur les ruines des « États providences » : le « solutionnisme » (7). C’est-à-dire la croyance que chaque problème relèverait de comportements individuels et qu’à chacun de ces problèmes correspondrait une application technologique.

Le solutionnisme est un symptôme d’une grande misère de la politique. Misère d’une pratique de la politique réduite à la communication, incapable de produire du sens, de penser mondial, et renonçant à résoudre les problèmes de l’humanité. Misère de la politique, parce qu’avec le numérique, les questions de pouvoir, de participation et de représentation se posent de manière radicalement nouvelle.

Les plateformes numériques en elles-mêmes n’ont aucune valeur. Ce qui leur donne de la valeur ce sont les données qu’elles exploitent ainsi que les interactions entre ses utilisateurs. Uber n’investit pas dans les transports, ni Airbnb dans l’hôtellerie. Google ne crée pas d’informations et Youtube ne tourne pas de vidéo.

Le nuisible n’est pas la plateforme mais l’asservissement au capitalisme. Le capitalisme de plateforme doit être attaqué sur tous les fronts à la fois : lois antitrusts et démantèlement, fiscalité, protections collectives des données personnelles, droit des travailleurs, et l’alternative avec le coopérativisme de plateforme et des plateformes conçues comme des communs numériques mondiaux assurant des missions de service public comme Wikipédia.

Construire un modèle alternatif au capitalisme de plateforme devient un enjeu politique majeur de civilisation qui appelle une société communiste.

Yann Le Pollotec, responsable de la commission Révolution numérique

 

1. Une crypto monnaie est un système de paiement électronique en pair à pair. Pour en savoir plus : https://blockgeeks.com/guides/fr/quest-ce-que-la-crypto-monnaie/

2. C’est-à-dire le groupe de Xavier Niel, propriétaire de Free.

3. https://courscryptomonnaies.com/actualite/google-blockchain

4. Le groupe a déjà déposé discrètement trois noms de domaines significatifs : amazonethereum.com, amazoncryptocurrency.com et amazoncryptocurrencies.com

5. https://libra.org/fr-FR/white-paper/?noredirect=fr-FR#introduction

6. L’Inde a justement interdit ce service d’accès gratuit de Facebook car il limitait l’accès à l’ensemble d’Internet.

7. Néologisme inventé par Evgeny Morozov : « L’aberration du solutionnisme technologique pour tout résoudre cliquez ici ». Éditions Fyp

 

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9 juillet 2019 2 09 /07 /juillet /2019 07:16
Grèce. Le triomphe d'une droite dure. Syriza victime de l'austérité imposée par l'Europe (L'Humanité, 8 et 9 juillet 2019)
Grèce. Le triomphe d’une droite dure
Lundi, 8 Juillet, 2019

La Nouvelle Démocratie de Kyriakos Mitsotakis devance largement Syriza d’Alexis Tsipras aux législatives. Ce qui fait craindre une mise aux normes nationales-libérales du pays.

 

La droite de Kyriakos Mitsotakis a remporté les élections législatives anticipées de ce dimanche. Avec un peu plus de 40 % des suffrages, son parti, la Nouvelle Démocratie (ND), semblait assuré de disposer d’une majorité absolue à la Vouli, la chambre unique du Parlement grec. Une prime majoritaire représentant 16,7 % des députés est accordée en effet au parti arrivé en tête dans le système de répartition des sièges à la proportionnelle. Cette victoire s’inscrit comme un nouveau et inquiétant succès d’un parti qui affiche une orientation nationale-libérale, mêlant une très orthodoxe doxa sur le plan du « libre-échange » et de l’économie à une posture ouvertement nationaliste.

Syriza, le parti de gauche du premier ministre Alexis Tsipras, est crédité de 28,5 % des suffrages. Il arrive en seconde position très loin devant les autres formations politiques. La mobilisation d’une partie des électeurs de gauche soucieux de défendre les mesures gouvernementales en faveur des plus démunis n’aura pas suffi à inverser une tendance lourde à l’abstention parmi certains électeurs de gauche, déçus que le gouvernement n’ait pas réussi à tenir les promesses faites avant le scrutin de janvier 2015, qui avait marqué l’accession d’Alexis Tsipras au pouvoir.

« Réduire le périmètre de l’État »

La bascule semble se situer du côté des classes moyennes qui avaient jadis massivement voté Syriza. Fortement mises à contribution pour financer des mesures d’urgence dans la crise humanitaire qui affecte toujours le pays, elles ont boudé les urnes ou se sont laissé séduire par les promesses de baisses d’impôts avancées par Mitsotakis. Le vainqueur ne cache pas sa volonté de « réduire le périmètre de l’État. ». Traduisez : de revenir sur la redistribution des richesses qu’avait pratiquée le gouvernement Syriza contre vents et marées dans la dernière période, après avoir renoué avec la croissance et malgré les conditions de sortie du mémorandum imposé par l’UE.

Les dirigeants de l’eurogroupe et de l’Union européenne (UE) portent ainsi une terrible responsabilité. N’ont-ils pas, durant tout le premier semestre 2015, fait monter en puissance un chantage au Grexit. Au lieu de mettre en œuvre une solidarité européenne, ils se sont montrés intraitables et ils ont gardé le cap sur les règles de fer de la compétition et du monétarisme. Il n’avait alors pourtant échappé à personne combien un retour à la drachme aurait des conséquences tragiques pour le pays. La Grèce qui importe la majeure partie de ses biens de consommation courante aurait été prise dans une nasse infernale qui l’aurait conduite de dévaluations « compétitives » en plans d’austérité encore plus redoutables que ceux qu’elle venait de subir.

Le forcing libéral des nouveaux dirigeants de la Grèce laisse craindre dans l’immédiat une suppression rapide des mesures favorables aux plus pauvres. Quid de la gratuité d’accès aux soins, de ces pharmacies ou épiceries sociales ? Quid de la poursuite de l’augmentation du salaire minimum, revalorisé de 11 % par le gouvernement de gauche ? Quid du sort des petites pensions, voire de la pérennisation d’un 13e mois de retraite ?

La droite grecque a bâti une part de son succès sur un discours ouvertement nationaliste, exutoire commode aux malaises qui traversent une société malmenée par les partenaires européens et aux avant-postes de l’accueil des migrants. S’en prenant à l’accord de Prespa conclu entre Athènes et Skopje en 2018 qui prévoit la reconnaissance de la Macédoine du Nord, Mitsotakis a ainsi entonné une rhétorique, souvent proche de celle des extrêmes droites d’Aube dorée ou de Solution grecque. Selon une approche qui s’interdit d’envisager la Macédoine comme autre chose qu’une entité grecque en se référant à l’Antiquité et à la gloire d’Alexandre le Grand qui régna effectivement autour de… 330 avant Jésus-Christ sur ce territoire, qui fut intégré durant plusieurs décennies à la Fédération des Slaves du Sud (Yougoslavie).

Bruno Odent
Syriza victime de l'austérité imposée par l'Europe
Mardi, 9 Juillet, 2019

Après la victoire du parti de droite de Kyriakos Mitsotakis « Nouvelle Démocratie » aux élections législatives anticipées en Grèce, et l’échec d’Aléxis Tsipras et de son parti, Syriza, entretien avec le député européen Stélios Kouloglou, membre de Syriza.

 

Après la victoire le la droite aux élections européennes, la défaite de Syriza était annoncée. Comment expliquez-vous ce nouvel échec ? 

Stélios Kouloglou. En ce qui concerne les résultats de la Nouvelle Démocratie, il faut prendre en compte le fait que tout le système financier et médiatique a soutenu jusqu’au bout Kyriakos Mitsotakis ( président de N.D., ndlr. ) Il y a vraiment eu une propagande faite pour lui durant les mois précédant les élections. Il y avait une espèce d’embuscade contre Syriza qui était attaqué en permanence. Cela a été une campagne de désinformation magnifique. 

Nous n’avons eu aucun grand débat durant la campagne sur les grandes orientations à donner au pays parce que Mitsotakis n’était pas à la hauteur pour affronter Tsipras.

En dehors de ce poids de la propagande, quelles sont les raisons de fond de l’échec de Syriza ?

S.K. Il y a deux raisons principales à cet échec. D’abord, il y a l’austérité qui a été imposée par l’Union européenne avec le 3ème mémorandum signé par Tsipras, intervenant après les deux précédents. Même si le gouvernement a essayé de l’appliquer de manière plus souple, ça ne suffit pas. Les gens deviennent de plus en plus désespérés et mécontents. Et quand les gens sont désespérés, ils croient au miracle. Mitsotakis n’a rien dit de concret. Il a beaucoup parlé de privatisations de la sécurité sociale et des écoles. Il a promis de faire baisser les impôts en disant que si on baisse les impôts, il y aura de la croissance, et que ce sera le paradis. Mais c’est tout.

La seconde raison, c’est l’accord de Prespa ( accord entre la Grèce et la Macédoine du Nord, actant le nouveau nom de ce pays frontalier de la Grèce, désormais « République de Macédoine du Nord », ndlr. ) 

Cet accord a été attaqué de toutes parts. On nous traitait de traîtres même si tout le monde sait très bien qu’il s’agit du meilleur accord que le gouvernement pouvait signer. Mitsotakis a exploité le sentiment du peuple, il a joué la carte de l’extrême droite. Syriza a beaucoup perdu avec cet accord qui venait s’ajouter au mécontentement social. 

La bonne nouvelle, c’est que le parti d’extrême droite « Aube dorée » n’a pas pu entrer au parlement parce que leurs électeurs ont voté pour Nouvelle Démocratie. Ils l’ont fait à la fois pour se débarrasser de la gauche, et parce qu’ils étaient opposés à l’accord de Prespa. 

En ce qui concerne le pourcentage de Syriza, c’est presque 32%, ce n’est pas négligeable. C’est un résultat que tous les partis européens, qu’ils soient de gauche ou de droite, auraient bien aimé avoir.

Qui sont les électeurs qui ont abandonné Syriza après l’avoir soutenu pendant 4 ans et demi ?

S.K. D’abord, il y a une différence énorme de comportement électoral des citoyens selon leur statut social. On le voit par exemple à Athènes ou à Thessalonique, où les banlieues et les quartiers les plus pauvres ont voté massivement pour Syriza. Tandis que les quartiers les plus riches ou les quartiers de la classe moyenne ont voté pour Nouvelle Démocratie. Syriza a échoué à s’adresser à la classe moyenne, c’est pour cette raison qu’il a perdu la bataille. C’est vrai que la classe moyenne a été beaucoup taxée, beaucoup imposée.

Quelle va être la stratégie de Syriza maintenant ? 

S.K. Il faut changer de stratégie parce qu’on a fait des erreurs. 

A mon avis, il faut appliquer une politique non stalinienne, en s’appuyant sur le principe : « ceux qui ne sont pas contre nous, sont avec nous ». Il faut faire des alliances avec des petites formations et des personnalités plus proches des classes moyennes en adoptant une politique qui leur soit plus favorable. En diminuant les impôts par exemple, et en faisant avancer le développement économique.
Mais il faut aussi reconstruire le parti. 

Avec les élections législatives, nous avions en même temps en Grèce les élections locales. Or Syriza qui aux élections européennes obtenait 25 ou 30% des voix, n’est arrivée qu’à 5% ou 6% dans les listes locales qu’elle soutenait. L’influence électorale de Syriza ne correspond pas du tout à sa base réelle. Sa base correspond à un parti à 3%. 

La bureaucratie du parti n’a pas voulu s’ouvrir. Et c’est aussi la responsabilité de Tsipras. Il a bien dit qu’il fallait ouvrir les portes du parti, mais il n’a pas insisté. Il s’est d’abord préoccupé du gouvernement, des négociations avec l’Union européenne, avec Bruxelles, Merkel, etc. Or - et ceci est très important -, Syriza n’a pas de racines profondes dans la société locale. Nous n’avions personne sur place pour expliquer ce que le gouvernement a fait, notamment beaucoup de petites choses dans le domaine de la santé, de l’éducation, etc. qui ne sont pas connues par le peuple. 

Les jeunes de 18 à 24 ans ont voté massivement pour Syriza, mais il n’y a pas de jeunes dans le parti. On l’a déjà annoncé hier, il faut faire un grand parti du camp progressiste, avec un programme contre le néolibéralisme, pour l’écologie, un programme ouvert à tout le monde.

A quoi faut-il s’attendre désormais avec la droite au pouvoir ?

S.K. Ce qu’ils vont faire d’abord, c’est  de s’attaquer à des questions d’ordre public et de sécurité. Ils ont dit qu’ils allaient embaucher des milliers de policiers. 

Un groupe d’anarchistes par exemple, faisait des petites actions, rien de bien dangereux. Ils allaient dire des pamphlets devant l’ambassade des Etats-Unis ou bien écrire des slogans sur les murs. Ces actions ont été complètement gonflées par la presse. Ou bien, autre exemple, hier un groupe anarchiste qui s’appelle « Rubicon » est entré dans un bureau de vote et a volé deux urnes. Cela a donné des voix à Nouvelle Démocratie qui a exploité tous ces faits en disant qu’ils étaient inspirés par l’idéologie de Syriza. 

Le nouveau gouvernement va aussi attaquer la loi sur les Universités qui est actuellement protégée par une loi d’asile qui interdit à la police de pénétrer dans les universités. Ensuite il va petit à petit appliquer un programme de privatisation de la sécurité sociale et des hôpitaux en donnant le management de l’hôpital public aux sociétés privées. 

La presse qui est aux mains des oligarques va protéger ce gouvernement. Ils vont aussi devoir donner beaucoup d’argent à ceux qui les ont soutenus. Démocratie Nouvelle est complétement endettée. Il faudra qu’elle donne des contrats à ses donateurs. Ce parti a dépensé des sommes d’argent incroyables pour la campagne électorale. On ne sait pas où cet argent a été trouvé, mais c’est sans précédent. Le parti de Mitsotakis doit 250 millions d’euros aux banques, alors qu’ils n’ont pas un sous. Ils ont été beaucoup financés par les grands intérêts privés très puissants. En réalité, Nouvelle Démocratie est très faible. Ce parti sera très vulnérable aux demandes des oligarques.
Côté politique étrangère, rien ne va beaucoup changer. Aléxis Tsipras a mené une politique étrangère très active, en faisant par exemple l’accord de Prespa , ou en travaillant avec les pays du sud de l’UE. Démocratie Nouvelle va mener la même politique, mais en beaucoup plus passif. 

Est-ce qu’Aléxis Tsipras sort affaibli de ce scrutin ?

S.K. Non, il n’est pas menacé. Tsipras a mené une campagne très active en se rendant chaque jour dans une ville pendant plus d’un mois. Il a sous-estimé les résultats des élections européennes, mais il est bien décidé à reprendre l’offensive. Des rumeurs prétendaient ce matin que Tsipras allait occuper un poste à Bruxelles. Mais ce sont des rumeurs infondées.

 

Propos recueillis par Jean-Jacques Régibier
Grèce. Kyriakos Mitsotakis recycle les voix de l’extrême droite
Mardi, 9 Juillet, 2019

Largement devancé par une droite ultralibérale, Alexis Tsipras enregistre une défaite qui n’a, selon lui, rien de « stratégique ». Syriza pâtit de la désaffection des classes populaires mais s’affirme comme second pilier d’un nouveau bipartisme.

 

Son prédécesseur Alexis Tsipras avait choisi en 2015, fait inédit pour un premier ministre grec, de prêter serment sur la Constitution plutôt que sur la Bible. Retour aux Écritures pour Kyriakos Mitsotakis, le chef de Nouvelle Démocratie (ND), investi hier au palais présidentiel à Athènes, au lendemain d’une victoire sans appel de la droite aux élections législatives. Avec 39,80 % des voix et 158 sièges sur 300, les conservateurs raflent, sur la lancée de leur victoire aux élections européennes, la majorité absolue à la Vouli ; ils auront les mains libres pour mettre en œuvre leur programme ultralibéral : accélération des privatisations, diminution de l’impôt sur les bénéfices des entreprises, externalisation de certains services publics et programme d’« évaluation » des fonctionnaires.

Avec sa campagne aux accents extrémistes, le chef de file des conservateurs, héritier de l’une de ces dynasties politiques dont la Grèce a le secret, parvient à siphonner l’électorat d’extrême droite. Sans faire fuir, comme l’espéraient ses adversaires, l’électorat libéral pro-européen. Conséquence : les néonazis d’Aube dorée sont éjectés du Parlement. Ils ne passent pas la barre des 3 %, alors qu’ils frôlaient les 7 % et décrochaient 18 sièges aux élections législatives du 20 septembre 2015. Les nationalistes pro-Russes d’Elliniki Lysi (Solution grecque) font bien leur entrée à la Vouli, mais de justesse, avec 3,72 % des voix et 10 sièges. Quant aux souverainistes d’Anel (Grecs indépendants), longtemps alliés à Syriza et rayés du paysage politique à l’issue du scrutin européen, ils ne se présentaient même pas.

Mitsotakis affûte déjà des propositions dures pour flatter ses appuis les plus radicaux

Kyriakos Mitsotakis tire donc seul parti de la poussée de fièvre nationaliste suscitée par la conclusion de l’accord de Prespes sur le nom de la Macédoine. Par ce traité bilatéral parrainé par Berlin et Washington, la Grèce reconnaît à l’ex-République yougoslave voisine le nom de Macédoine du Nord. La démarche était censée clore une vieille querelle et lever au passage les obstacles à l’entrée de Skopje dans l’Union européenne et l’Otan. Mais l’extrême droite a hurlé à la trahison, le patron de Nouvelle Démocratie lui a emboîté le pas en fustigeant un « recul national » propre à « diviser les Grecs ».

Poussés par un sentiment de souveraineté confisquée, des milliers de Grecs sont descendus dans la rue, au début de l’année, après la ratification serrée de cet accord par le Parlement. Kyriakos Mitsotakis a gagné son pari : cette mobilisation a bien trouvé sa traduction dans les urnes.

Lorsqu’il a pris à l’arraché la tête du parti conservateur en 2015, après la déroute d’Antonis Samaras, cet ancien banquier offrait pourtant le visage d’une droite bourgeoise et policée, d’une « modération » tout européenne. Il s’est vite conformé à la ligne radicale défendue par des transfuges du Laos (extrême droite) comme les anciens ministres de la Santé Adonis Georgiadis et Makis Voridis, piliers de la politique de démolition sociale conduite sous Samaras. Le premier ne jure que par « la patrie, la religion et la famille ». Le second savoure son surnom : la Hache, en référence à l’arme dont il menaçait, à l’université, les étudiants communistes.

Dans ce nouveau paysage politique marqué par la transhumance de l’électorat d’extrême droite vers Nouvelle Démocratie, Kyriakos Mitsotakis promet d’entendre « tous les Grecs », mais il affûte déjà, sur la sécurité et sur l’immigration, des propositions dures, destinées à flatter ses appuis les plus radicaux. Chaleureusement félicité par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, il ne parle plus, par contre, de renégocier « les paramètres du post-plan de sauvetage », entendre les mesures d’austérité toujours imposées par les créanciers de la Grèce, pourtant officiellement sortie du régime des mémorandums.

Dimanche soir, Alexis Tsipras, lui, a sobrement encaissé la défaite annoncée. « L’alternance est la quintessence de la démocratie », a-t-il commenté, en adoptant d’emblée la posture de chef d’une opposition rénovée. Syriza pâtit certes de l’abstention – la plus forte depuis la chute de la dictature – et de la désaffection de classes populaires échaudées par la signature en 2015 d’un troisième mémorandum d’austérité. Mais le parti ne s’effondre pas, fait-on valoir dans ses rangs : avec 31,55 % et 86 sièges, la formation de gauche s’affirme comme second pilier d’un nouveau bipartisme.

Rassemblés dans le Mouvement pour le changement (Kinal), les socialistes de l’ancien Pasok restent durablement marginalisés : ils recueillent 8 % des voix et gagnent 22 sièges seulement, eux qui rassemblaient encore 43,9 % des suffrages en 2009, à l’aube de la crise. Les communistes du KKE confirment de leur côté, avec 5,33 % et 15 sièges, les sévères reculs enregistrés aux élections européennes, municipales et régionales. Symptôme d’une « tendance générale au conservatisme » qui confortera, sous les auspices de la Nouvelle Démocratie, « des choix antipopulaires », regrette le chef du KKE, Dimitris Koutsoumbas.

« Notre peuple punit les gouvernements qui lui imposent des mémorandums»

Toujours à gauche, les dissidents de Syriza qui avaient claqué la porte du parti à l’été 2015 en accusant Alexis Tsipras de « trahison » après le référendum sont littéralement balayés. L’Unité populaire de Panayotis Lafazanis, ancien ministre de la Restructuration de la production, de l’Environnement et de l’Énergie, opposant résolu aux privatisations, n’atteint pas même 1 %. Le Cap vers la liberté de l’ancienne présidente du Parlement, Zoé Konstantopoulou, recueille 1,46 %. Seul Yanis Varoufakis tire son épingle du jeu : sa formation, Mera25, entre à la Vouli avec 3,44 % des voix et 9 sièges. « Notre peuple punit les gouvernements qui lui imposent des mémorandums », affirmait dimanche l’ex-ministre des Finances en commentant les résultats.

Ce scrutin le confirme : les incantations sur le « retour de la croissance » n’ont pas guéri la Grèce, laboratoire européen de violentes politiques d’ajustement structurel. Les politiques d’austérité imposées par des créanciers autoritaires ont profondément et durablement affecté la société grecque, en fragilisant les classes populaires, en broyant les services publics, en compressant les salaires, en faisant de la précarité la règle sur le marché du travail. La gauche grecque, au pouvoir, a endossé cette politique, à l’ombre d’un rapport de force démesurément favorable à la finance. Les fragiles filets sociaux rétablis par Syriza en faveur des plus modestes semblent aujourd’hui dérisoires, devant la hargne d’une droite décomplexée.

Alexis Tsipras, pourtant, assume sans ciller, défend son bilan, promet, dans l’opposition, de tout faire « pour empêcher les manifestations de revanche contre les conquêtes sociales ». Ces résultats, insiste-t-il, ne traduisent pas « une défaite stratégique pour Syriza ». Ils tiennent lieu, à ses yeux, de fondations au « grand parti démocratique » qu’il veut voir prendre corps. « Nous travaillerons durement, avec obstination, afin que la victoire de ND s’avère temporaire », promet-il. L’ancien locataire du palais Maximou est pressé de revenir aux affaires. Avec, pour cap politique, un « progressisme » aux contours encore incertains.

Rosa Moussaoui
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9 juillet 2019 2 09 /07 /juillet /2019 07:02
Accord ue-canada. Pourquoi la France doit s’opposer au Ceta
Mardi, 9 Juillet, 2019

Le projet de ratification de ce traité commercial « climaticide » et antidémocratique est examiné aujourd’hui en commission à l’Assemblée nationale, avant un vote le 17 juillet. Associations, syndicats et ONG appellent les députés à s’y opposer.

 

C’est un démenti cinglant au prétendu « virage écologique » d’Emmanuel Macron. En donnant le feu vert à la ratification du Ceta, le président de la République non seulement donne carte blanche aux multinationales pour imposer leurs lois, mais porte la responsabilité d’aggraver encore le réchauffement climatique. Depuis le début de son application partielle, en 2017, ses conséquences néfastes sur l’environnement et la santé ont été largement documentées, notamment dans un rapport commandité par le premier ministre lui-même… La France peut encore s’y opposer. C’est le sens de l’appel de 72 organisations, associations et syndicats, qui exhortent les parlementaires à ne pas le ratifier. D’autant que, après un premier recul sur le Mercosur, la majorité macroniste peine à justifier ce passage en force. À une semaine du vote, voici cinq bonnes raisons d’exiger de vos députés qu’ils s’y opposent.

1. Le pouvoir aux multinationales

C’est l’un des points les plus controversés du traité. Si une entreprise estime qu’un État prend une décision en matière environnementale ou sociale qui nuit à ses investissements, elle pourra porter l’affaire devant un mécanisme d’arbitrage. « Ces tribunaux risquent d’être préjudiciables aux mesures prises par les États dans l’intérêt général, comme en matière de santé ou d’environnement », avertissait la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) en 2016. Et c’est déjà le cas. En 2012, le groupe Veolia a attaqué l’Égypte pour avoir augmenté son salaire minimum et exigé 140 millions d’euros de compensation, argumentant une perte de rentabilité de sa filiale dans ce pays, en vertu d’un accord commercial entre Paris et Le Caire datant de… 1974. En juin, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) a rendu une décision en faveur de l’Égypte. Même si c’est souvent les États qui remportent les arbitrages, l’intimidation demeure. Et parfois, les firmes transnationales remportent la mise, telle Cargill, qui s’est vu verser 80 millions d’euros de la part du Mexique, lequel avait eu le malheur d’instaurer un impôt sur les sodas pour des raisons de santé publique.

2Un traité « climaticide »

Le Ceta est en totale contradiction avec les engagements pris par la France pour lutter contre le changement climatique. « En important plus de biens et de services des deux côtés de l’Atlantique, on émet plus de gaz à effet serre. Le réchauffement va s’accélérer. C’est incompatible avec l’accord de Paris », juge Maxime Combes, économiste à Attac. D’autant que le Canada est « l’un des pires élèves du G20 en matière de lutte contre le réchauffement », dénonce l’ancien ministre de la transition écologique Nicolas Hulot. Il faut dire que le pays de l’érable est loin de donner l’exemple. Alors que la Chambre des communes du Canada a décrété, il y a quelques jours, « l’état d’urgence climatique », ni une ni deux, le premier ministre, Justin Trudeau, a posé la dernière pièce à l’édifice pour le démarrage cet été de l’allongement de l’oléoduc Trans Mountain. Ce projet devrait permettre aux pétroliers de tout poil de tripler la capacité d’extraction – près de 890 000 barils par jour – des sables bitumineux de l’Alberta. Alors que le plan climat en France, présenté en 2017, prévoit l’interdiction de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures sur le territoire français – une première mondiale –, le pétrole canadien ne rencontrera donc plus d’obstacle pour finir dans le réservoir de nos voitures.

3. Des OGM dans nos assiettes

En juin dernier, le ministre de l’Agriculture français déclarait qu’il refuserait tout « accord qui nuirait aux intérêts des agriculteurs et consommateurs français, aux exigences de qualité sanitaire et alimentaire des standards européens, et à nos engagements environnementaux de l’accord de Paris ». Didier Guillaume a-t-il vraiment pris la mesure des conséquences du Ceta, qui ouvrira le marché européen à 65 000 tonnes de viandes canadiennes issues de bovins engraissés au maïs OGM, aux farines animales et aux antibiotiques ? En clair, les dispositions du texte risquent de réduire la possibilité de réglementer les OGM ou les perturbateurs endocriniens en Europe. Et la forte baisse des barrières tarifaires va affecter de plein fouet le secteur agricole, créant une concurrence déloyale. Une fois n’est pas coutume, syndicats agricoles et ONG sont sur la même position : le Ceta « met en concurrence deux modèles agricoles qui ne jouent pas à armes égales, dénonce ainsi Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, le principal syndicat agricole français. D’un côté, on demande aux agriculteurs européens de monter en gamme, avec des produits plus sains, d’avoir des pratiques plus respectueuses de l’environnement. De l’autre, on ouvre nos frontières à des produits agricoles qui n’offrent aucune garantie en matière sociale, sanitaire et environnementale ». Pour résumer, les intérêts commerciaux et des investisseurs primeront sur les considérations quotidiennes de la plupart des Européens et des Canadiens, à savoir une alimentation saine et de qualité.

4. Une aberration démocratique

Concocté dans la plus grande opacité, le Ceta, grâce à une anomalie démocratique tout européenne, est déjà appliqué de manière « provisoire » depuis le 21 septembre 2017, avant même le feu vert du Parlement européen et le vote dans chacun des États membres. Pire, la Commission européenne aura tout fait pour désinformer les citoyens, en affirmant notamment que ce traité ne prévoit aucun mécanisme d’arbitrage. Ce qui est vrai, puisque les auteurs du texte lui ont substitué le terme de « système de cour sur l’investissement » (ICS), qui donnera exactement le même pouvoir aux multinationales. Tout retour en arrière pourrait s’avérer extrêmement ardu puisque des clauses – dites « crépusculaires » – prévoient que ces tribunaux pourraient exister encore vingt ans après une éventuelle dénonciation de l’accord ! Ou comment donner les clés des décisions politiques aux multinationales…

5. Une machine à fabriquer de la précarité

La liberté de circulation des marchandises, des services et des capitaux est inscrite dans l’ADN du Ceta. Le Medef y voit déjà des opportunités à saisir pour les entreprises. Et pour cause : dans un contexte de concurrence accrue, les multinationales seront en position de force pour rafler les marchés au détriment des PME. Côté perdants, on compte aussi les travailleurs. En effet, la mise en concurrence des entreprises va entraîner une fuite des capitaux et des investissements là où la fiscalité et les protections sociales sont les plus faibles. Conséquence : le dumping social et fiscal va s’accentuer. Dans leur lettre ouverte, 72 organisations, dont la CGT et Attac, pointent un traité qui « facilite l’entrée sur le marché européen de produits qui ont été élaborés selon des normes inférieures aux standards européens ». Pour les salariés, la prospérité promise ne traversera pas l’Atlantique.

Alexandra Chaignon, Gaël de Santis, Lola Ruscio, Eric Serres et Maud Vergnol
 
Lire aussi:
Accord ue-canada. Pourquoi la France doit s’opposer au Ceta (L'Humanité, 9 juillet 2019)
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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 08:04

Avoir l'extrême droite au pouvoir, c'est un ministre qui appelle à tirer sur des juges qualifiés de "sales communistes" parce qu'ils libèrent une héroïne qui a sauvé des migrants de la noyade, capitaine Carola Rackete.

Salvini est un fasciste... comme l'écrit Mordillat.

Et ça ne choque plus grand monde, malheureusement, où en tout cas par les médias qui font le jeu des Marine Le Pen et Marion Maréchal Le Pen, de voir les fachos au pouvoir en Italie, en Autriche, en Pologne, en Hongrie, aux Etats Unis, au Brésil.

La barbarie est en passe de redevenir notre quotidien! Et que faisons-nous pour repousser la peste brune? Interrogeons-nous collectivement!!! Et surtout, agissons votre défendre une certaine idée de l'Humanité!!!

Fabien Roussel: Carola Rackete: « Un symbole de l’entraide naturelle entre humains »
Jeudi, 4 Juillet, 2019 - L'Humanité

Fabien Roussel  Secrétaire national du PCF

 

En découvrant le sort réservé à Carola Rackete, arrêtée par la police comme si elle avait enfreint la loi alors qu’elle sauvait des vies, j’ai repensé à ma visite au collège Fernig de Mortagne-du Nord, voici un an. Ce jour-là, des enfants de 12 ou 13 ans m’interrogeaient sur mes sujets d’actualité. En retour, je leur ai demandé ce qu’ils avaient retenu, eux, de l’actualité. Vaste programme ! 

Plusieurs mains se sont alors levées pour me parler… de l’Aquarius, au cœur à l’époque d’une vive polémique sur l’accueil des migrants. J’ai d’abord eu peur : ces jeunes élèves allaient-ils reprendre à leur compte les propos mille fois entendus sur « l’impossibilité d’accueillir toute la misère du monde » ou sur « les dangers de créer un appel d’air pour une immigration massive » ?

Tout au contraire, les mots utilisés par les collégiens m’ont touché, ému, parce qu’ils étaient les plus justes, les plus purs, lancés comme une bouffée d’oxygène au milieu d’une conversation d’adultes. Leurs paroles résonnent toujours en moi : « Quand même, ce sont des femmes et des enfants en souffrance ». Ou encore: « Demain, c’est nous qui pourrions être à leur place ». Ou alors: « Ils fuient la guerre, on ne peut pas les laisser tout seuls, sans leur tendre la main. »

 Cette réaction, saine, humaine, généreuse, naturelle est la seule qui devrait nous guider aujourd’hui. Tout comme doit nous inspirer l’action courageuse de Carola Rackete, symbole de l’entraide naturelle des humains entre eux.

Pourtant, j’ai l’impression que beaucoup de chefs d’Etat de l’Union européenne, dont le notre, ont décidé de faire de cette question un sujet d’actualité, polémique, pour diviser les européens et créer des tensions qui ne devraient pas exister. Le mot « accueil » n’existe plus dans leur bouche alors qu’il devrait être le premier à être utilisé.

Résultat de ces choix honteux: 2 262 hommes, femmes et enfants sont morts dans la mer Méditerranée en 2018 car ils n’ont pas été secourus. Leur porter secours devient un délit. Certains pays veulent même créer « le délit de solidarité » et réussissent à marier deux mots qui n’ont rien à faire ensemble.

Pour finir, il serait temps aussi que nous nous attaquions aux causes de ces migrations. Les guerres, les ventes d’armes massives, le pillage des économies locales, l’évasion fiscale qui corrompt et ruine les budgets publics sont souvent la cause de la pauvreté et des exodes massifs. Et dans la grande majorité des cas, les réfugies s’installent dans le pays voisin.

Il est urgent de mettre en place des politiques de coopération et de développement, de promouvoir la paix plutôt que la tension, la solidarité plutôt que la concurrence pour permettre à chaque peuple, à chaque famille, de vivre heureux auprès des siens. A quand une grande politique internationale au service de l’être humain et de la planète ?

Gérard Mordillat « Arrêtons de nous accommoder du fascisme de Matteo Salvini »
Jeudi, 4 Juillet, 2019

Gérard Mordillat Romancier, poète et cinéaste
 

Appelons un chat un chat : Matteo Salvini est un fasciste ; qu'il soit néo ou proto ou tout ce qu'on veut mais c'est un fasciste. Le problème, c'est qu'il n'est pas le seul et que le fascisme de monsieur Salvini, comme le dit Robert Paxton, s'il ne reproduit pas les formes historiques du fascisme est quand même du fascisme. Ce fascisme new-look, new-age, furieusement moderne, prolifère en Europe. Aucun pays n'y échappe et en France il grouille de l'extrême-droite aux macronistes bon teint qui, à bas bruit, défendent la même vision du monde que réclame à grands cris madame Le Pen et consorts : pas d'étrangers chez nous ! Surtout pas de noirs et – horreur des horreurs ! – pas de noirs musulmans ! Et ne parlons pas des Arabes. Qu'ils se noient, qu'ils meurent, ce n'est pas notre problème. Nous sommes blancs, chrétiens, patriotes. Monsieur Macron qui s'est fait baptisé à douze ans, qui se targue d'avoir été l'assistant de Paul Ricoeur a dû rater la lecture de l'évangile de Matthieu : " j'étais étranger et vous ne m'avez pas accueilli, nu vous ne m'avez pas vêtu, malade et prisonnier vous ne m'avez pas visité " (Mt25,35). Monsieur Salivini, comme madame Le Pen, comme monsieur Macron et tous ceux qui communient dans la même bondieuserie additionnent l'hypocrisie, la lâcheté, le cynisme à leur profession de foi de catholique et néo-libérale. Carola Rackete, capitaine du Sea Watch 3, interpellée samedi dernier à Lampedusa par la Police de Matteo Salvini est poursuivie pour avoir sauvé des eaux 42 exilés, hommes, femmes et enfants, venus de Lybie. Que fait la France ? Que fait l'Europe ? Que fait le Pape ? Que fait l'ONU ? Rien ; et c'est bien cela qui porte et qui portera inexorablement le fascisme au pouvoir tant qu'on s'accommodera d'un monsieur Salvini, de ses pratiques, de ses idées. Non seulement il faut que  Carola Rackete soit immédiatement libérée de toute poursuite, que son bateau lui soit rendu et que ceux si prompts à prendre des mesures contre l'Iran, les Russes ou les Vénézuéliens en prennent d'encore plus sévères contre le fascisme italien incarné par Salvini avant qu'il domine l'Europe.

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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 07:59
Carola Rackete: «Je me suis sentie livrée à moi-même» - Interview du capitaine courage du Sea-Watch 3 Carola Rackete par Der Spiegel et Médiapart
Carola Rackete: «Je me suis sentie livrée à moi-même»
Par Frank Hornig (Der Spiegel)

« Nous repartirons. Ce sera simplement plus difficile de trouver un capitaine qui acceptera de prendre le risque. » Mediapart publie l’entretien réalisé par Der Spiegel avec Carola Rackete, la capitaine du Sea-Watch 3, qui a osé défier Matteo Salvini et ébranler l’indifférence des dirigeants européens.

Der Spiegel (traduction Mathieu Magnaudeix).– « Si les poursuites contre moi sont abandonnées, je reprendrai la mer. » La capitaine du Sea-Watch 3 est devenue l’emblème de l’Europe humaniste et citoyenne qui agit, quand ses dirigeants s’enferrent dans des négociations technocratiques ayant pour rare dénominateur commun la volonté de fermer les frontières du continent européen.

Mediapart publie, avec son aimable autorisation, l’entretien réalisé par Der Spiegel, notre partenaire allemand au sein de l’European Investigative Collaborations (EIC), avec Carola Rackete, qui a osé défier et braver le leader italien Matteo Salvini et ses interdictions faites à son bateau venu en aide à des migrants en détresse d’accoster en Italie. Après avoir accosté à Lampedusa malgré l’interdiction des autorités, puis avoir été arrêtée avant d’être relâchée, la capitaine de 31 ans se désespère de l’inhumanité des dirigeants européens. « Sur la scène nationale et internationale, personne ne voulait vraiment nous aider (…) Ces êtres humains, personne n’en veut. » Entretien.

Pour beaucoup, vous êtes devenue une héroïne qui a beaucoup risqué afin de sauver des vies. Pour d’autres, vous êtes une figure honnie…

Carola Rackete. J’ai été surprise de voir comment tout cela est devenu personnel. Il ne devrait s’agir que des faits eux-mêmes, l’échec de l’Union européenne à se répartir les personnes secourues, à exercer ensemble cette responsabilité. C’est de cela qu’on devrait parler, pas d’individus comme moi apparus par hasard. Je n’ai pas souhaité cette situation. J’ai remplacé un collègue, c’est lui qui était prévu au planning.

Comment avez-vous vécu les dernières semaines ?

Ce fut difficile. Nous avons passé presque dix-sept jours à bord avec les réfugiés. Après notre arrivée dans les eaux internationales italiennes au large de Lampedusa, alors que nous savions que nous n’avions pas le droit d’entrer, dix cas médicaux particulièrement urgents ont été évacués. D’autres évacuations ont suivi, même si nous avions des doutes médicaux, car notre station médicale n’est équipée que pour les cas d’urgence.

Vous avez ensuite croisé pendant des jours devant Lampedusa...

Nous avons réfléchi à ce que nous pouvions faire. Nous avons d’abord interjeté appel contre l’interdiction d’accoster de l’Italie, appel immédiatement refusé. Nous avons ensuite fait une tentative auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Trente-quatre des personnes secourues à bord et moi, la capitaine, avons déposé une plainte, mais cela a demandé beaucoup de temps.

Quelle était la situation sur le Sea-Watch 3 ?

Chaque jour, la situation médicale et l’hygiène empiraient. Puis nous avons reçu la décision judiciaire de refus. Tout nous est apparu sans issue.

Avez-vous eu des contacts directs avec les garde-côtes italiens   ?

Un jour, une évacuation médicale a été nécessaire, car un de nos passagers était malade et devait immédiatement être débarqué. Nous avons appelé les sauveteurs en mer, les Italiens sont arrivés en moins de deux heures et ont porté assistance, alors que nous étions hors des eaux italiennes. C’est allé vite. Mais ce fut une exception.

 

Pourquoi ?

Nous envoyions chaque jour des rapports médicaux, au centre de coordination des secours à Rome, à l’État pavillon [les Pays-Bas – ndlr], au port de Lampedusa. Mais nous ne trouvions pas d’écoute, personne ne répondait. La plupart du temps, Rome nous répondait : « Nous avons transmis vos rapports au ministère de l’intérieur italien. » Ce fut tout. Nos médecins n’ont plus rien compris. Même politiquement, rien n’a été fait. Le Sea Watch 3 a envoyé des demandes à Malte, à la France, il y avait constamment des requêtes auprès du ministère allemand des affaires étrangères, du ministère de l’intérieur.

Et pas de réactions ?

On nous disait : « On s’en occupe. » Mais en réalité, aucune solution ne s’est dessinée, rien de concret.

Cela vous a-t-il surprise ?

Je savais que ce serait difficile. Le problème de la répartition reste non résolu depuis des lustres. Depuis à peu près un an, la situation est similaire pour tous les bateaux de secours, pensez au cas du Lifeline à Malte, ou à l’Aquarius. À chaque fois, c’est la même question : qui prend ces gens maintenant ? Sur chaque bateau, on ne parle que de ça.

Vous le saviez au début de votre mission.

Nous continuons parce que c’est nécessaire. Mais naturellement, nous avons lancé les opérations du Sea-Watch en sachant que personne ne voulait prendre ces réfugiés. Pas même la Tunisie, que les pays européens voient comme une alternative sûre. Tandis que nous étions en mer, le cargo Mare Dive a attendu quinze jours au large des côtes tunisiennes avec soixante-quinze réfugiés à son bord. Mais les Tunisiens n’ont aucune envie de devenir le prochain port de délestage. Ces êtres humains, personne n’en veut.

À quoi ressemblait la vie à bord ?

Les réfugiés sont presque en prison. Il y a peu de place, pas de sphère privée. La plupart des gens dorment sur le pont arrière sur une tente posée sur le sol, chacun a une couverture en laine. Il y a trois cabines mobiles de w.c.. Il n’y a pas assez d’eau pour se doucher tous les jours. Auparavant, c’est l’organisation Mé­de­cins sans fron­tiè­res qui opérait ces bateaux. À l’époque, les gens passaient au plus trois jours à bord. Ces bateaux ne sont pas conçus pour davantage.

Quelle est l’atmosphère dans le bateau ?

Nous ne pouvions pas leur promettre l’impossible. Personne ne voulait les prendre. Cette situation sans espoir se mélange souvent avec des troubles post-traumatiques. Beaucoup d’entre eux ont vécu des atteintes aux droits humains, ils ont été torturés, vendus, ont travaillé dans des conditions assimilables à de l’esclavage, ou été victimes de violences sexuelles. Nous voulions leur transmettre de la confiance, mais plus cela durait, plus nous perdions la leur.

Vous avez également justifié votre accostage à Lampedusa en expliquant que certains à bord auraient pu attenter à leur vie.

Certains avaient parlé à notre équipe médicale de leurs précédentes tentatives de suicide et nous avaient demandé de prendre soin d’eux, car ils allaient mal. Cela concernait trois personnes au premier chef.

Que vous êtes-vous dit ?

Au début de la mission, dans l’équipe, nous avions discuté et fixé des lignes rouges, à partir desquelles nous aurions l’obligation d’entrer dans un port sûr. Lorsque ces lignes ont été franchies, nous sommes entrés dans le port.

Quelles étaient ces lignes rouges ?

De nombreux passagers auraient dû être pris en charge par des spécialistes. Nous avions un soupçon de tuberculose. Nous ne pouvions ni faire de tests à bord ni prendre cela en charge. Les autres, nous ne pouvions les traiter qu’avec des antidouleurs, sans pouvoir établir de diagnostic. Presque tous avaient besoin d’un suivi psychologique, mais nous n’avions pas de psychologues avec nous. Lorsque vous maintenez des gens pendant deux semaines dans de telles conditions, c’est très explosif.

Que vous ont dit les autorités italiennes ?

La police douanière et financière italienne était déjà venue à bord pour contrôler nos papiers. Ils m’avaient dit : « Capitaine, ne vous énervez pas comme ça, une solution arrive, attendez encore. » J’avais dit : « OK, nous attendons. » Les parlementaires italiens qui avaient été sur le Sea-Watch nous avaient eux aussi donné de l’espoir, il était question de pourparlers entre la France, l’Allemagne et le Portugal. Salvini disait qu’il autoriserait notre accostage quand des États seraient prêts à prendre les gens.

Que s’est-il passé dans les dernières heures avant l’arrivée à Lampedusa ?

La veille au soir, nous avons eu une deuxième évacuation médicale. Un passager devait se rendre en urgence à l’hôpital, il avait de fortes douleurs, sans doute des calculs rénaux. À partir de là, la situation n’était plus tenable. Le sentiment parmi les passagers était : « Faut-il qu’on soit tous malades ou qu’on se jette tous à l’eau pour que quelque chose se passe ? » Par ailleurs, l’équipage lui-même était tout près de ne plus en pouvoir. Chaque jour devenait plus fatigant. À la fin, nous étions totalement désespérés.

Et pendant ce temps-là, les gouvernements européens discutaient de qui prend qui, et quand.

C’est ce que les parlementaires nous ont dit : la solution est en vue, elle sera là dans les prochaines heures. Je ne voulais pas entrer dans le port. Je ne voulais pas enfreindre la loi. Nous avons accru les gardes sur le bateau pour que personne ne se fasse du mal. Ça, c’était jeudi soir. Le vendredi, je me suis levée à six heures et j’ai demandé aux députés : « Elle est où, votre solution ? » Naturellement, il n’y en avait pas. À ce moment-là, je ne sais plus comment continuer. Ça n’allait plus. Je ne pouvais plus garantir la sécurité à bord.

Puis ?

Vendredi après-midi, les douaniers italiens sont revenus à bord est m’ont rendu les papiers. Ils m’ont dit qu’une enquête serait ouverte contre moi pour entrée interdite dans les eaux territoriales et complicité d’entrée illégale sur le territoire. Ils ont pris le cahier de bord du bateau et voulaient repartir. Je leur ai demandé ce qu’ils comptaient faire des quarante personnes à bord, s’ils allaient les prendre. Ils ont répondu par la négative, ils n’en savaient rien. À Berlin, on me dit peu après que Salvini bloquait encore une solution. Je ne voulais pas prendre la responsabilité d’une nuit supplémentaire avec les réfugiés. Alors j’ai décidé d’y aller.

Et lorsque vous êtes entrée dans le port...

Avec leur lumière bleue, les douaniers italiens se sont placés sur la route. Nous sommes entrés vraiment lentement, nous avons arrêté le bateau et l’avons tourné pour accoster à l’arrière. À ce moment-là, j’ai vu le bateau des douaniers italiens placé au milieu du pont pour empêcher notre accostage. Nous avons heurté leur bateau, mais c’était un accident, et pas une attaque contre un navire de guerre, comme certains me l’ont reproché.

Comptiez-vous être arrêtée ?

Je craignais quelque chose comme cela.

Que s’est-il passé après ?

Les fonctionnaires étaient aimables. Après huit heures à la douane italienne, on m’a amenée au camp de réfugiés au milieu de l’île. C’est là-bas qu’est situé le seul poste de police équipé pour les mesures anthropométriques. Là-bas, les personnes que nous avions secourues étaient sur le sol et ont commencé à applaudir lorsqu’ils m’ont vue. Les policiers ont pris mes empreintes digitales. J’ai été placée en résidence surveillée. Et lundi, on m’a amenée en bateau vers la Sicile pour une audition.

Qu’avez-vous dit à la juge de la détention ?

Je lui ai exposé mes raisons et j’ai décrit la collision avec le bateau italien telle que je l’avais vécue. Ensuite, on m’a placée dans une autre résidence surveillée.

Saisissez-vous alors déjà l’effervescence autour de votre personne, l’adoration digne d’une héroïne, mais aussi la haine que vous avez suscitée ?

À peine, puisque j’étais en résidence surveillée. Mais j’étais contente de ne pas avoir à me préoccuper de ce que l’on disait. Dans mon deuxième lieu de détention, la télévision était allumée, il y avait les images, mais je ne voulais pas regarder.

Que vous inspire ce rôle d’héroïne ? Après Greta Thunberg, la jeune activiste du climat, vous êtes désormais la combattante pour les migrants.

Je ne réalise pas encore tout à fait. Par ailleurs, je suis plutôt quelqu’un qui agit au lieu de parler. Et je trouve que cette action en soi est suffisamment explicite.

Mardi soir, une juge a décidé de vous libérer.

De façon surprenante, elle a suivi notre argumentation sur presque tous les points. Elle a aussi écrit que nous ne sommes pas entrés dans les eaux territoriales de façon illégale : nous ne sommes pas des passeurs, cette interdiction ne vaut que pour les passeurs.

Que va-t-il se passer maintenant ?

Mardi, il y a une seconde audition, cette fois pour complicité d’entrée illégale, et l’entrée dans les eaux territoriales. Dans d’autres cas, pour autant que je sache, ces motifs ont été abandonnés. Mais cela peut durer des mois.

Est-ce que cela vous plaît d’être vue comme l’adversaire de Salvini ?

Je ne cautionne pas sa façon de parler. Je sais comment l’Italie a voté lors des élections européennes, beaucoup d’Italiens soutiennent sa politique. Mais en Italie aussi, il y a beaucoup de mouvements de solidarité. Le pays est divisé.

Que lui diriez-vous si vous étiez en face de lui ?

Ce n’est pas quelqu’un que je souhaite rencontrer. Sa politique est à l’encontre des droits humains. Sa façon de s’exprimer est irrespectueuse, inadaptée pour un politicien de premier plan.

Comment expliquez-vous que Salvini vous ait justement placée dans son viseur ?

De nos jours, tous les capitaines des bateaux de secours savent qu’il y a une criminalisation de leurs activités. Ce qui est inhabituel, c’est à quel point ce cas est devenu extrême. Il y a eu un enchaînement remarquable de circonstances : alors que nous avions encore les réfugiés à bord, Salvini a fait passer un décret qui interdit aux organisations humanitaires l’entrée dans les ports italiens. Il a été passé en urgence. Nous avons porté assistance en mer un mercredi, le vendredi le décret était au Parlement à Rome, publié en ligne peu après. Derrière une telle rapidité, il y avait une très grande pression politique.

L’Allemagne, votre pays, vous a-t-elle assez soutenue ?

Je me suis sentie livrée à moi-même. Bien sûr, il y a ceux qui ont aidé, par exemple ces villes qui voulaient accueillir nos réfugiés. Mais cela a échoué au niveau du ministre allemand de l’intérieur Horst Seehofer, qui n’avait aucune envie d’accepter les offres de ces municipalités. Mon impression, c’est que sur la scène nationale et internationale, personne ne voulait vraiment nous aider. Alors que nous avions quarante personnes secourues à bord de notre bateau, ils se sont refilé la patate chaude.

Que faut-il faire politiquement pour améliorer la situation ?

Nous avons besoin d’une solution pour accueillir en Europe les gens qui fuient chez nous. Et pour les répartir de façon solidaire. Le règlement de Dublin, qui laisse cette responsabilité aux États disposant de frontières extérieures, n’est pas juste.

Et en attendant ?

Je suis curieuse de savoir ce qui va se passer avec d’autres bateaux actuellement en mer qui ne manqueront pas de recueillir des réfugiés, comme l’Open Arms, actuellement à proximité des côtes nord-africaines.

Que va-t-il se passer maintenant pour votre bateau, le Sea-Watch 3 ?

A priori, notre bateau va nous être prochainement rendu. Il est actuellement retenu pour examen des preuves. Ensuite, il fera l’objet de travaux techniques. Et puis nous repartirons. Ce sera simplement plus difficile de trouver un capitaine qui acceptera de prendre le risque.

Le referez-vous ?

Pour l’instant, les avocats me le déconseillent. Mais si les poursuites contre moi sont abandonnées, je reprendrai la mer.

Carola Rackete: «Je me suis sentie livrée à moi-même» - Interview du capitaine courage du Sea-Watch 3 Carola Rackete par Der Spiegel et Médiapart
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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 06:56
Face à la menace Trump, action solidaire
Jeudi, 4 Juillet, 2019

L'éditorial de Patrick Le Hyaric. La politique du doigt sur la gâchette menée par M. Trump rend crédible une déflagration militaire dont personne ne peut aujourd'hui mesurer les conséquences.

 

Depuis la chute du mur de Berlin, les États-Unis n’en finissent pas de vouloir reconfigurer à leur avantage le Proche et le Moyen-Orient. Les guerres de proie menées en Afghanistan et en Irak par deux fois, les tentatives de déstabilisation des États, les manœuvres géo-économiques autour de la rente pétrolière, la colonisation encouragée de la Cisjordanie se sont additionnées pour former le décor sombre d’une région plongée dans le chaos.

Mais la logique de guerre états-unienne, nourrissant sur son passage les monstres hideux du fanatisme et du terrorisme, se heurte à la résistance des peuples et d’une histoire qui refuse de dire son dernier mot. Cette logique s’insère désormais dans une guerre économique mondiale qui redouble d’intensité à la faveur des révolutions technologiques. Le face-à-face entre la Chine et les États-Unis, qui rend ces derniers fébriles et nerveux, produit dans son sillon de nouvelles tensions.

Pour conserver leur position hégémonique dans un monde qui les rejette, les États-Unis semblent prêts à toutes les aventures, aussi périlleuses soient-elles. Tous les fronts sont ouverts : Moyen-Orient, Amérique latine, Eurasie. Leur arsenal militaire et nucléaire toujours plus impressionnant, ajouté à la position acquise par leur monnaie dans les échanges internationaux, rend la séquence actuelle extrêmement dangereuse. La bête blessée risque de se prêter à des actions que la raison réprouve si ses initiatives ne sont pas dûment contrées. L’agitation de M. Trump sur la scène internationale est essentiellement motivée par sa réélection, condition de l’amplification de sa politique réclamée par une base électorale extrémisée. Les menaces de guerre contre l’Iran et l’offensive menée contre les droits des Palestiniens dans un même mouvement en témoignent amplement.

Le prétendu « deal du siècle », écrit comme son nom l’indique dans un sabir de bureaucrates capitalistes, fomenté par le gendre de M. Trump et supervisé par l’extrême droite israélienne, vise non seulement à faire perdurer la colonisation de la Cisjordanie, mais surtout à engager dans un second temps un processus d’annexion pure et simple des terres palestiniennes. Le découpage de la Cisjordanie transformée en gruyère par la colonisation, le blocus de Gaza, l’annexion du plateau du Golan et les pressions diplomatiques pour faire de Jérusalem la seule capitale d’Israël sont autant de pierres à l’édifice de recomposition politique du Proche-Orient. Ce faisant, les faucons états-uniens et israéliens comptent réaliser le mythe biblique d’un « Grand Israël » imprégné d’une idéologie racialiste et millénariste qui trouve des échos dans les franges les plus radicalisées de l’électorat de M. Trump comme dans certains gouvernements européens, qui laissent paradoxalement infuser dans leurs pays le vieux venin de l’antisémitisme.

C’est à cette aune qu’il convient d’observer la promesse de 50 milliards de dollars jetés à la face du peuple palestinien, sommé d’abjurer son honneur et de renier ses exigences les plus élémentaires de dignité et de liberté. Fort hypothétique, cette somme viserait par des leviers aussi divers que fantasques à faire de la Palestine une sorte de place forte financière régionale sur le modèle des « cités-États » asiatiques. Un million d’emplois, un PIB multiplié par deux, un développement inouï des nouvelles technologies sont ainsi promis. De toute évidence, ce plan provocateur n’a pas vocation à être appliqué et les raisons de sa médiatisation sont à aller chercher ailleurs que dans ses promesses glauques et irréalistes.

Le gouvernement des États-Unis a une intuition louable que, malheureusement, beaucoup d’Européens ont perdue : la question palestinienne est bien une question clef pour l’avenir de l’ensemble du Moyen-Orient. Mais il en tire des conclusions radicalement opposées à celles qui animent ici les progressistes et humanistes. Il s’agit pour M. Trump d’en terminer avec la solution à deux États, et donc la question palestinienne, pour finir de sceller l’alliance des États inféodés à sa politique belliciste et ultracapitaliste.

Les tensions avec l’Iran se révèlent illisibles si elles ne sont pas liées à la politique globale menée par les États-Unis. Comment comprendre, par exemple, l’ultimatum interdisant à l’Iran d’enrichir son uranium à des fins militaires, alors que les dispositions pour l’en empêcher étaient inscrites dans l’accord que le même M. Trump a violemment déchiré dès son accession au pouvoir ? Il n’y a dans cette posture aucune autre cohérence que l’affirmation d’une politique de la force des plus bornées, qui ne peut en outre que créer de dangereux précédents.

La mainmise sur les marchés décisifs des matières premières et de l’énergie est indissociable des tensions créées dans le détroit d’Ormuz, qui voit passer près de 30 % du pétrole mondial, dont un huitième du brut utilisé aux États-Unis et le quart de celui utilisé en Europe. Il est également un des principaux sillons d’approvisionnement en pétrole de la Chine et de l’inde. Depuis peu, grâce à l’extraction d’huile et de gaz de schiste ravageuse pour l’environnement, les États-Unis sont devenus les premiers exportateurs de pétrole. Cette position arrachée à crédit les pousse à maintenir un niveau de production mondial bas, au risque d’une baisse des prix qui pourrait leur être fatale. Les sanctions contre l’Iran permettent ainsi de contrôler le marché du pétrole et de maintenir cette hégémonie dont usent et abusent les Nord-Américains pour déstabiliser des pays, comme ce fut le cas au Venezuela.

C’est donc un projet global de reconfiguration régionale périlleux qui est mis en œuvre par les cercles fanatisés du pouvoir états-unien. Les guerres commerciales et de proie sur les ressources énergétiques s’accompagnent d’une hausse toujours plus importante des budgets militaires. La politique du doigt sur la gâchette menée par M. Trump rend crédible une déflagration militaire dont personne ne peut aujourd’hui mesurer les conséquences. Si le réchauffement climatique, les menaces sur l’environnement et l’accumulation des arsenaux nucléaires sont les épées de Damoclès qui pèsent sur la tête de l’humanité, nul doute que les États-Unis représentent aujourd’hui un danger majeur. Des forces s’y lèvent pour conjurer le péril. Elles ne pourront y parvenir qu’avec une Europe et une France libérées de la tutelle nord-américaine, capable de faire vivre l’esprit multilatéral sur l’ensemble des sujets qui agitent aujourd’hui notre si fragile humanité.

Patrick Le Hyaric
Face à la menace Trump, l'action solidaire - Patrick Le Hyaric, L'Humanité, 4 juillet 2019
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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 05:50

 

Les réunions du conseil des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont dans la douleur fait la proposition qu’Ursula von der Leyen, proche d’Angela Merkel et promotrice d'une Europe de la défense liée à l’OTAN, préside la Commission Europe, et que Christine Lagarde prenne la tête de la BCE. Les dirigeants européens ont également nommé Charles Michel, le premier ministre belge d’un gouvernement en faillite après avoir gouverné pendant quatre ans avec les nationalistes flamands de la NVA, à la présidence du Conseil européen.

Les nominations à la tête des institutions européennes : l’Europe libérale vers l’abîme

Si nous pouvons nous féliciter avec d’autres de la nomination de femmes à des postes de responsabilité, nous ne pouvons qu’être très inquiets de leurs objectifs politiques pour continuer à mettre en œuvre cette politique de concurrence libre et non faussée, de libéralisation totale de l’économie, d’effacement total de la souveraineté des peuples.

Ces petits arrangements entre libéraux ont encore une fois choisi de mettre de coté la voix des peuples qui exigent une autre construction européenne, plus sociale, plus écologiste et respectueuse des souverainetés des peuples et des nations. Le président de la République a délibérément choisi de s’allier avec le PPE et les députés les plus libéraux du Parlement européen. Dans la foulée, en totale contradiction avec ses coup de mentons médiatiques, il accepte la signature de traités de libre échange dont celui du MERCOSUR, le pire que l’UE ait signé depuis sont existence !

Il accepte en plus la nomination à la Présidence de la commission européenne celle qui a été la ministre de La Défense Allemande, celle qui rêve de mettre en place une armée européenne de La Défense entièrement sous la tutelle de l’OTAN, privant totalement chaque pays de déterminer sa propre politique en matière de défense. C’est grave pour l’avenir de la Paix, pour les peuples qui attendent de l’Europe et de la France une voix forte face à celle des États Unis.

Plus que jamais et avec nos alliés européens, de la GUE-NGL, du PGE, du Forum européen des forces progressistes, écologiques et de gauche, le PCF est déterminé à mener la lutte contre ceux qui envoient l’Europe dans l’abîme de l’austérité et dans le chaos de l’ethnicisme. Les peuples et les nations d’Europe ont besoin d’autres coopérations, pour lutter contre la crise climatique et contre l’évasion fiscale, pour la défense des droits des travailleurs.euses, pour la lutte contre les discriminations et pour l’égalité femmes-hommes, pour la paix et la sécurité collective. 

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