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8 août 2019 4 08 /08 /août /2019 05:18

 

Chaque jour, l’occupant de la Maison-Blanche cible une personnalité « non blanche ». Un signe explicite envoyé à sa base, clé de sa réélection en 2020, cimentée par le ressentiment racial et xénophobe.

Dès octobre 2017, Ta-Nehisi Coates avait mis dans le mille. L’auteur du tonitruant essai Une colère noire choisissait un titre apparemment provocateur pour son long papier publié dans The Atlantic : « Donald Trump, le premier président blanc ». Sous-titre : « La fondation de la présidence de Trump est la négation de l’héritage d’Obama ». Explication de texte, si nécessaire : « Trump est un phénomène vraiment nouveau : c’est le premier président dont toute l’existence politique dépend du fait qu’il y a eu un président noir. » La thèse prenait de front l’explication communément admise d’une élection improbable permise par les classes populaires blanches et déclassées.

Les études publiées depuis lui donnent raison tout comme… la stratégie de Trump elle-même. Les premières – au nombre de deux dizaines – montrent qu’il n’y a aucun unificateur socio-économique (chômeurs, peur du déclassement) parmi l’électorat de Trump, mais un ciment idéologique formé par le ressentiment racial, quelle que soit sa classe. D’ailleurs, les indicateurs économiques semblent tous au vert et il ne s’en sert que très peu dans ses discours. Il préfère jouer en permanence la « carte raciale », qu’il pense être son atout, voire sa martingale.

Dans la lignée de Richard Nixon et de sa stratégie sudiste

Depuis dix jours, il a franchi un pas supplémentaire. Cela a commencé avec la « brigade » des élues démocrates progressistes (quatre femmes nouvelles élues) qu’il veut renvoyer dans leur pays. Cela s’est poursuivi par une attaque contre un député (africain-américain) de Baltimore, ville « infestée de vermines (…) où aucun être humain ne voudrait vivre ». Le lendemain, c’est le pasteur et commentateur politique noir Al Sharpton qui était accusé de « haïr les Blancs et les flics ». Puis, Don Lemon, de CNN, s’est vu discerner le trophée de l’homme de télévision le plus stupide. Vous aurez deviné sa couleur de peau.

On ne découvre pas que Trump exploite les peurs raciales et qu’il développe une rhétorique nationaliste et xénophobe, un marqueur dès son entrée en campagne au cours de laquelle il dépeignait les immigrés mexicains en « violeurs » et « dealers ». À Charlottesville, en 2017, il voyait des « gens biens » des deux côtés, y compris, donc, du côté des néonazis. Il a manifestement décidé de jeter un peu plus d’huile sur ce feu, potentiel brasier dans ce pays dont la contradiction fondatrice réside dans l’établissement de la première République de l’ère contemporaine et du maintien, concomitant, de l’esclavage. Il fallut attendre trois quarts de siècle et une sanglante guerre civile avant d’en finir avec cette « institution ». Dès 1856, les abolitionnistes contribuèrent à la fondation d’un nouveau parti baptisé « républicain » face au Parti démocrate, hégémonique dans le Sud esclavagiste. Le premier président élu sous ses couleurs se nommait Abraham Lincoln et il publia la « déclaration d’émancipation » au terme de la guerre de Sécession. Cent cinquante ans plus tard, un certain Donald Trump porte les couleurs de ce même parti au terme d’une longue dérive droitière lancée par Richard Nixon et sa « stratégie sudiste ». Celle-ci visait à récupérer les électeurs « négrophobes » sur la base d’un discours raciste, mais décliné en « ultrason », c’est-à-dire sans jamais convoquer de mots « choquants » mais en laissant en permanence entendre à ceux qui le veulent bien de quoi il s’agit : de la suprématie blanche. Trump est passé maître dans cet art, le seul qui lui permettra de survivre politiquement dans un pays où ses idées sont minoritaires. C. D.

 

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8 août 2019 4 08 /08 /août /2019 05:00
Turquie. Erdogan veut envoyer ses troupes contre les Kurdes syriens
Mercredi, 7 Août, 2019

Ankara, qui contrôle déjà l’enclave kurde d’Afrin, entend forcer la main de Washington pour créer une « zone de sécurité » en territoire syrien. Des menaces d’embrasement bien réelles.

 

Affaibli politiquement dans son pays, comme l’ont montré les récentes élections municipales et la perte par son parti, l’AKP (Parti de la justice et du développement) des villes d’Istanbul et d’Ankara, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, tente de reprendre la main. Pour cela, il joue une fois de plus sur la fibre nationaliste et la lutte contre les « terroristes » kurdes, en Turquie mais aussi en Syrie. « Nous sommes entrés dans Afrin, Jarabulus et Al-Bab. Nous irons ensuite à l’est de l’Euphrate », a-t-il déclaré dimanche, faisant allusion à des localités prises par des rebelles islamistes syriens soutenus par la Turquie. « Nous avons dit cela à la Russie et à l’Amérique. Parce que tant que nous serons sujets au harcèlement, il ne nous sera pas possible de garder le silence », a-t-il ajouté.

les Turcs aggravent une proposition de Trump

Ce n’est pas la première fois qu’Erdogan lance ce type de menaces contre les combattants kurdes des YPG (Unités de protection du peuple) et les Forces démocratiques syriennes (FDS, composées des YPG et de milices arabes). Des menaces qu’il ne faut toutefois pas prendre à la légère. Ces dernières semaines, les médias turcs ont fait état de l’envoi de véhicules militaires et d’unités de commandos vers des localités turques à proximité de la frontière syrienne. La Turquie a mené deux offensives en Syrie en 2016 et début 2018 pour repousser les YPG. En 2018, la Turquie a pris le contrôle de l’enclave kurde d’Afrin, dans le nord-ouest de la Syrie, après une offensive terrestre et aérienne de deux mois qui a poussé à la fuite des dizaines de milliers de civils, dont beaucoup ont subi les exactions des groupes islamistes dont la barbarie et la cruauté ne doivent rien à l’organisation dite de l’« État islamique ». Le nom change, les pratiques persistent.

Ces déclarations d’Ankara visent également à faire pression sur Washington dans le cadre de discussions en cours pour obtenir la création d’une « zone de sécurité » en territoire syrien sur 30 km de large et placée sous son contrôle. En cela, les Turcs ne font que reprendre et aggraver une proposition initiale de Donald Trump, qui parlait d’une zone de 30 km de long pour répondre aux premières menaces d’invasion turque ! Selon le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy, si aucun « terrain d’entente n’est trouvé avec les États-Unis », la Turquie sera obligée de « créer elle-même la zone de sécurité ». Parallèlement, il appelle les États-Unis à couper les ponts avec les YPG. Haut responsable kurde syrien, Aldar Khalil s’étonne dans un entretien à l’AFP. Les États-Unis pourraient « stopper l’attaque d’un seul mot mais on dirait qu’ils ne veulent pas mettre plus de pression que nécessaire sur la Turquie », juge-t-il. Mazlum Abdi, commandant en chef des FDS, avertit de son côté : « Nous avons également déployé une force importante avec des armes d’une portée de 20 km sur la frontière. Il y a une tension sérieuse, il suffit d’une petite étincelle pour allumer le feu. Si la Turquie attaque une de nos régions, la frontière de 600 km se transformera en zone de guerre totale. La Turquie, les États-Unis et la France le savent très bien. »

Les États-Unis sont face à leurs propres contradictions et la Turquie sait les exploiter. Le 19 décembre dernier, Trump avait annoncé le retrait des forces américaines censées lutter dans le nord-est de la Syrie contre les djihadistes aux côtés des FDS. Une mesure qui avait ouvert les appétits d’Erdogan. Celui-ci pousse maintenant son avantage après avoir acheté des missiles SS20 à la Russie tout en se positionnant toujours comme un allié indispensable de l’Otan dans la région. Ce qui lui permet de négocier d’égal à égal avec Washington, tout en poursuivant son « nettoyage » de tous les combattants kurdes dans la région, en Turquie comme en Syrie et en Irak, où son aviation bombarde sans cesse les positions du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le nouveau chef du Pentagone, Mark Esper, peut bien dire qu’une offensive turque contre les Kurdes syriens serait « inacceptable », il ajoute néanmoins que le but maintenant est de « trouver avec eux (les Turcs – NDLR) un arrangement qui réponde à leurs inquiétudes ».

Pierre Barbancey
Turquie. Erdogan veut envoyer ses troupes contre les Kurdes syriens (L'Humanité, 7 août 2019, Pierre Barbancey)
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7 août 2019 3 07 /08 /août /2019 07:03
Disparition. Toni Morrison, écrire pour briser le silence
Mercredi, 7 Août, 2019

Première Afro-Américaine lauréate du prix Nobel de littérature en 1993, la romancière est morte, lundi, à l’âge de 88 ans.

 

Elle était l’un des monstres sacrés de la littérature américaine, l’un des rares écrivains à concilier succès critique et commercial. Autrice de 11 romans, de livres pour enfants, de pièces de théâtre et d’un opéra, éditrice et enseignante, Toni Morrison s’est éteinte lundi soir, à New York. Chroniqueuse infatigable de la vie des Noirs américains, en particulier des femmes, elle militait pour une littérature affranchie de toute considération raciale, luttait contre les communautarismes et « l’obsession de la couleur ». En 1993, l’Académie Nobel saluait ses « romans caractérisés par leur force visionnaire » et sa manière de « donner vie à un aspect essentiel de la réalité américaine ». Couverte d’honneurs, elle avait remporté le prix Pulitzer en 1988 pour Beloved, l’histoire d’une ancienne esclave échappée d’une plantation en 1870, visitée par le fantôme de sa fille, qu’elle avait tuée de ses propres mains. « J’ai passé ma vie entière à m’assurer que le point de vue blanc ne dominait pas mes livres » confiait-elle dans une interview en 2019.

Elle publie Angela Davis et Mohamed Ali

Née Chloe Ardelia Wofford, le 8 février 1931 à Lorain, dans l’Ohio, une ville industrielle de la « Rust Belt », elle est la deuxième d’une famille modeste de quatre enfants. Elle fait très tôt l’expérience de la ségrégation. Son père, dans son enfance, a assisté à un lynchage et en a nourrit un très vif ressentiment à l’égard des Blancs. Quand Toni a 2 ans, le propriétaire met le feu à l’appartement familial en représailles d’un retard de paiement du loyer. Convertie au catholicisme à l’âge de 12 ans, elle prend comme deuxième prénom Anthony, puis Toni, qui, accolé au nom de son mari, épousé en 1958, deviendra son nom de plume. Le goût pour les mots arrive très tôt, grâce à ses parents et à sa grand-mère, Ardelia, qui lui racontent des histoires. Lectrice fervente, Toni dévore Jane Austen, Richard Wright ou Mark Twain. Adolescente, elle fait le ménage dans des familles de Blancs, est secrétaire à la bibliothèque publique de sa ville. Quand elle est en âge d’aller à l’université, elle entre à Howard, réservée aux Noirs, puis part à Cornell, avant de revenir à Howard. Étudiante brillante, elle consacre sa thèse à William Faulkner et Virginia Woolf et rencontre Alain Locke, célèbre pour ses écrits sur la « Harlem Renaissance », un mouvement de renouveau de la culture afro-américaine. Mère de deux garçons qu’elle élève rapidement seule à New York, elle consacre son temps libre à l’écriture, tôt le matin ou tard le soir. Pour gagner sa vie, elle devient enseignante, puis éditrice, dans la prestigieuse maison Random House où elle publie Angela Davis, militante des droits civiques proche des Black Panthers, et le boxeur Mohamed Ali.

Son premier livre, l’Œil le plus bleu, paraît en 1970, l’histoire d’une jeune fille noire qui veut se conformer aux canons de la beauté blanche et avoir les yeux bleus. Quarante-cinq ans plus tard, elle aborde le même thème dans Délivrances (2015), l’émancipation d’une jeune femme qui fait de sa couleur de peau, d’abord vécue comme un fardeau, une fierté. Parmi ses livres les plus marquants, on retiendra le Chant de Salomon (1977), une fresque foisonnante qui suit l’itinéraire d’un adolescent noir parti dans le Sud profond à la recherche de ses origines. Ou encore Paradis, l’histoire de cinq femmes retrouvées mortes dans une petite ville d’Oklahoma.

Le rythme de ses phrases empruntait au jazz

Dotée d’un caractère bien trempé, Toni Morrison luttait contre toutes les conventions, jusque dans son usage de la langue. Sa littérature était âpre, parfois violente et crue, le rythme de ses phrases empruntait au jazz, le titre de l’un de ses romans (Jazz, 1993). Elle n’aimait pas qu’on qualifie son style de poétique, « parce que cela donnait une connotation luxuriante. Je voulais restituer le pouvoir originel de la langue des Noirs. Un langage riche mais sans fioritures ». Jusqu’au bout, malgré ses problèmes de santé, même si sa parole était devenue rare, Toni Morrison est intervenue dans le débat public, s’opposant farouchement à la politique « rétrograde » de Donald Trump. « C’est le silence qui m’a poussée à écrire toutes ces histoires jamais racontées, auxquelles on n’a jamais prêté attention », disait-elle au New Yorker en 2003. C’est une voix forte, respectée et inspirante qui vient de s’éteindre.

Sophie Joubert
Disparition. Toni Morrison, écrire pour briser le silence (Sophie Joubert, L'Humanité, 7 août 2019)
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7 août 2019 3 07 /08 /août /2019 05:31

Par Eric Bocquet

 
L’échelon européen est incontestablement le niveau adéquat afin d’appréhender efficacement la lutte contre l’évasion fiscale, même si la France peut et doit avoir un rôle pilote dans cette bataille

LUTTER CONTRE L’EVASION FISCALE, UN CHOIX POLITIQUE (« Cause Commune » - Revue d’action politique du PCF – janvier 2019).

Lutter contre l’évasion fiscale à l’échelon européen

La première mesure à prendre sur le sujet consisterait à remettre en cause la règle de l’unanimité sur les décisions fiscales parmi les membres de l’Union européenne. Sans remettre en cause la souveraineté fiscale des États, il faut dégager, sur le sujet, des coopérations renforcées avec les pays volontaires. Sinon, un seul État, quel que soit son poids, pourra s’opposer aux avancées.

La deuxième mesure serait d’ouvrir le chantier de l’harmonisation fiscale parmi les pays membres, un travail de long terme mais qui est indispensable. Sinon, comment admettre que des États membres comme l’Irlande, le Luxembourg ou les Pays-Bas ne figurent pas sur la liste des paradis fiscaux mondiaux ?

« Faire monter la pression politique afin de pousser les gouvernements à agir dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale. […] Organiser le prélèvement de l’impôt à la source pour les multinationales. »

En troisième lieu, il faut avancer sur la transparence des groupes économiques transnationaux, une mesure portée de longue date par de nombreuses organisations non gouvernementales, comme Oxfam, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), Terre Solidaire ou ATTAC. Exigeons de ces entreprises la communication des données, pays par pays, rendant compte de leur activité sur tous les aspects économiques, fiscaux et sociaux dans tous les pays où elles opèrent.


Pour l’organisation d’une COP fiscale internationale

Une quatrième mesure consisterait à ce que la France popularise et porte à l’échelon européen l’idée d’une COP fiscale internationale, à l’image de ce qui a pu se faire pour le climat avec la COP 21 à Paris il y a trois ans.
Enfin, c’est à une véritable campagne collective citoyenne qu’il faut se livrer au plan politique, associant les consommateurs, les ONG, les citoyens, les syndicats, les lanceurs d’alerte, les journalistes rassemblés dans un mouvement commun visant à faire monter la pression politique afin de pousser les gouvernements à agir dans la lutte contre l’évasion fiscale internationale. Au niveau national, la France peut et doit avoir un rôle pilote, par exemple en relayant, pour qu’elle soit portée dans d’autres pays d’Europe, la proposition de loi des députés communistes pour organiser le prélèvement de l’impôt à la source pour les multinationales.
De nombreuses autres mesures ont été formulées dans les rapports des commissions d’enquête et des missions d’information au Sénat et à l’Assemblée nationale, en France, et pourront être mises en œuvre tant au plan national qu’au niveau international.

Éric Bocquet est sénateur (PCF) du Nord.

Cause commune n°9 • janvier/février 2019

 

 

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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 05:23

Par Bernard Duterme

 
Depuis avril 2018, le Nicaragua traverse une profonde crise de régime. Fortement contesté, le couple régnant – le président Daniel Ortega et la vice-présidente Rosario Murillo, épouse du premier – s’accroche au pouvoir.

Deux lectures antagoniques des événements et tensions en cours prédominent. Selon les autorités nicaraguayennes, le pays est victime d’une « tentative de coup d’État », « téléguidée depuis Washington » et menée sur le terrain par des « bandes de vandales » et de « terroristes ». Cible de ces « putschistes » ? Le gouvernement « socialiste et souverainiste » Ortega-Murillo. La thèse est relayée par une part significative de la gauche latino-américaine, nord-américaine et européenne.
De l’autre côté, celui notamment des anciens camarades du président, qui ont quitté le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) entre 1990 et 2007, déçus ou déchus par « l’ortéguisme », la lecture de l’actualité est tout autre. « Néolibérales et conservatrices », les politiques menées, sous bannière socialiste, par l’ancien leader révolutionnaire Ortega depuis son retour à la tête de l’État en 2007, reposent sur un accaparement et une concentration « autocratique », sinon « dictatoriale » du pouvoir, aujourd’hui contestés légitimement par une majorité des Nicaraguayens. Ce point de vue est lui aussi relayé par une part non moins significative de la gauche latino-américaine, nord-américaine et européenne, opposée donc en cela à leurs alter ego pro-Ortega.

 

Accaparement et concentration autocratique du pouvoir

L’examen des faits tend à donner raison aux dissidents sandinistes et aux critiques de l’ortéguisme, tant en ce qui concerne la caractérisation des orientations et des décisions gouvernementales de ces onze dernières années, qu’au regard des acteurs de la révolte et de la répression disproportionnée dont ils ont fait l’objet. Sur le premier aspect, pas de faux-fuyants possibles. En étendant son emprise sur l’ensemble des pouvoirs, au sein de l’État et en dehors, et en entérinant le modèle économique des trois administrations néolibérales qui l’ont précédé, le régime Ortega-Murillo a délibérément tourné le dos aux idéaux sandinistes d’hier. En matière de redistribution et de justice sociale, comme en matière de démocratisation et de souveraineté nationale.

Politiquement d’abord, il a usé d’un étonnant assortiment de moyens, licites et illicites, pour s’attirer les faveurs de ses ennemis d’hier (à la tête de l’Église catholique, du grand patronat et de la droite politique), se faire élire démocratiquement (38 % en 2006), réélire frauduleusement (62,5 % en 2011), puis plébisciter sans réelle opposition (72,5 % en 2016), chaque fois en un seul tour de scrutin. Économiquement ensuite, l’orthodoxie libre-échangiste de ses politiques lui a valu l’appui continu, voire les félicitations d’une communauté internationale suffisamment rassurée pour ne pas tenir rigueur à l’ancien leader révolutionnaire de ses épisodiques envolées anticapitalistes, les sachant dépourvues d’effets concrets.

« Au Nicaragua, la concentration des richesses au sein d’une caste d’ultraprivilégiés atteint des niveaux sans précédent.»

En réalité, la double allégeance du président Ortega – au sein de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA) d’un côté, et vis-à-vis et de son principal partenaire commercial, les États-Unis, et du Fonds monétaire international (FMI) de l’autre – lui a permis de profiter des avantages des uns et des autres, dans un contexte international marqué, jusqu’en 2014-2015, par les cours élevés des matières premières produites. Résultat, en dix ans, le Nicaragua est parvenu à doubler son produit intérieur brut (de 6 milliards de dollars en 2006 à 13 milliards en 2016), même si le pays reste le plus pauvre du continent après Haïti. Les exonérations et exemptions fiscales, sociales et environnementales offertes au capital privé ont boosté tant la croissance économique que les investissements étrangers et les exportations ; la terre et la main-d’œuvre nicaraguayen­nes demeurant les moins chères de l’isthme centro-américain. Parallèlement, l’État a investi dans les infrastructures – routes, parcs publics, etc. – et financé plusieurs programmes sociaux ciblés, garantissant une certaine stabilité sociale.

« Le régime Ortega-Murillo a délibérément tourné le dos aux idéaux sandinistes d’hier.»

Comme dans presque toute l’Amérique latine durant cette période de vaches grasses et de regain des politiques extractivistes et agroexportatrices, la pauvreté a baissé. Pas les inégalités par contre. Au Nicaragua, la concentration des richesses au sein d’une caste d’ultraprivilégiés – les nouveaux amis du président « sandiniste » – atteint même des niveaux sans précédent, tandis que la majorité des Nicaraguayens ne peuvent s’offrir l’entièreté de la canasta basica (les produits vitaux du quotidien) et que, selon la Banque centrale, 80 % de la population active vivaient du secteur informel en 2017, 20 % de plus qu’en 2009. L’environnement a aussi fait les frais de ce modèle de développement dominant dans la région, en raison notamment de l’extension des zones dévolues au bétail, principal produit d’exportation du pays, avec l’or, le café et le sucre. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le couvert forestier du Nicaragua aurait été réduit de plus d’un tiers depuis le début du siècle et continue à rétrécir aujourd’hui de 2,3 % l’an.

NICARAGA : fin de régime ? (« Cause Commune » - revue d’action politique du PCF – Novembre 2018)

Basculement, normalisation

Le renversement de tendances qui s’est opéré depuis 2015-2016 – cycle déflationniste des matières premières, effondrement de l’aide pétrolière vénézuélienne, menace de la part des États-Unis de sanctions anticorruption – est venu progressivement assombrir le panorama, pour le duo présidentiel Ortega-Murillo. Et surdétermine le conflit et la crise en cours. En avril dernier, la mauvaise gestion gouvernementale d’un vaste incendie de forêts dans le sud-est du pays, puis une réforme des retraites, abrogée par la suite, avaient d’abord mobilisé quel­ques centaines de militants environnementalistes, de retraités et d’étudiants contestataires, mais c’est la brutale répression, inattendue, dont ceux-ci firent l’objet de la part du pouvoir qui mit le feu aux poudres.

En quelques semaines, des centaines de milliers de Nicaraguayens sont descendus dans les rues et des dizaines de barricades ont été dressées à travers le pays, pour exiger la fin de la répression et la destitution du couple présidentiel, qualifié de « corrompu », « népotique » et « dictatorial » par les manifestants. La police anti-émeute, flanquée de « policiers volontaires » (comme les nomma le président Ortega lui-même dans plusieurs entretiens télévisés) munis d’armes de guerre, répondit par davantage de répression, tuant quelque trois cents personnes, blessant et emprisonnant des centaines d’autres, nettoyant les routes des barrages et poursuivant les auteurs (étudiants, paysans, dissidents sandinistes, etc.) de critiques publiques à l’endroit du régime.

Tandis qu’environ 30 000 Nicaraguayens auraient déjà fui le pays à ce jour, le président et son gouvernement se flattent, depuis fin juillet, du retour à la « normalité ». S’ils semblent en effet avoir remporté pour l’instant l’épreuve de force en interne, en pariant sur l’étouffement violent de la contestation, reste qu’une forte majorité des Nicaraguayens souhaite désormais le départ du binôme présidentiel. Pire peut-être pour ce dernier, ces grands alliés d’avant avril ou mai derniers – la hiérarchie catholique (excédée par le sang versé) et la fédération patronale (affectée par la forte détérioration du climat des affaires) – demandent, eux, l’anticipation des prochaines élections présidentielles, de 2021 à 2019. Plus radicale, plus populaire et plus à gauche, l’Articulation des mouvements sociaux, de récente constitution, pose quant à elle la destitution immédiate du régime Ortega-Murillo comme préalable à tout processus de transition, d’élection et de démocratisation du Nicaragua.

À l’extérieur, si les États-Unis ne voyaient jusqu’ici aucun intérêt à s’acharner contre un partenaire qui, contrairement à ses voisins immédiats, garantissait à la fois ouverture économique, paix sociale et fermeté migratoire, ils condamnent désormais haut et fort les agissements des autorités nicaraguayennes et décident de sanctions à leur encontre. De là à ce que l’administration Trump en fasse une priorité, l’imprévisibilité de sa politique étrangère rend difficile tout pronostic. Entre-temps, la communauté internationale – Nations unies et Organisation des États américains en tête – a beau jeu aujourd’hui de multiplier les verdicts de « violations généralisées des droits humains » au Nicaragua, elle qui a salué et financé « l’ortéguisme » ces dernières années pour la responsabilité et la conformité de ses orientations économiques.

Bernard Duterme est sociologue. Il est directeur du Centre tricontinental (CETRI) à Louvain-la-Neuve.

 

 

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À propos de « Cause commune »

La revue « Cause Commune » est la revue d'action politique du PCF.

Aller au-delà des apparences pour mieux comprendre et agir plus efficacement ; suivre les élaborations et les décisions du Parti communiste ; préparer des initiatives militantes efficaces : Cause commune, c'est tout cela et plus encore.

La revue donne la parole aux communistes mais aussi aux chercheurs et artistes de tous horizons. Ils font le point des débats et nous emmènent au-delà des sentiers battus de l'idéologie dominante.

Cette revue paraît tous les deux mois.

Au cours de ce mois d’août notre Blog vous propose quelques articles de « Cause Commune » parus entre novembre 2018 et août 2019.

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6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 05:14

 

Un « recensement national de citoyenneté » risque de créer plusieurs millions d’apatrides. Les Indiens originaires du Bangladesh sont particulièrement visés.

Madhubala Das vaquait à ses occupations quotidiennes dans son village de Bishnupur lorsqu’elle a été arrêtée par la police locale. C’était en novembre 2016. Du jour au lendemain, elle a été déclarée « immigrée clandestine » par la justice et envoyée aussitôt dans un camp de détention à Kokrajhar, dans l’ouest de l’État de l’Assam, une région située à l’extrême nord-est de l’Inde. En juin dernier, un chef de police, récemment nommé dans la zone, s’est penché sur son cas. Grâce à son enquête, il a permis à cette femme de 59 ans de retrouver enfin la liberté. Malgré tous ses efforts, Madhubala Das n’était pas parvenue à convaincre la police qu’elle était de nationalité indienne. Incapable de s’exprimer en hindi, la langue la plus parlée en Inde, elle a donc été emprisonnée, par erreur, dans un camp pour étrangers. Actuellement, ils sont ainsi 938  détenus répartis dans six centres. Les autorités locales prévoient d’en construire encore dix autres dont les capacités pourront atteindre de 1 000 à 3 000 personnes. Des activistes locaux et des avocats estiment qu’il existe des dizaines de milliers de Madhubala Das. Et il pourrait y en avoir davantage à l’avenir…

En Assam, la reconnaissance de citoyenneté tient parfois à un maigre bout de papier. L’actualité de la région a rappelé que la zone géographique est largement touchée par la mousson et les inondations : régulièrement, ses habitants perdent tous leurs effets personnels, dont les documents prouvant leur nationalité indienne. Sous l’impulsion du gouverneur de cet État, Jagdish Mukhi, membre du BJP (parti nationaliste hindou, au pouvoir), et du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), un groupe paramilitaire, également nationaliste hindou d’extrême droite, un recensement national de citoyenneté (RNC) a été lancé il y a quatre ans. Le gouvernement local exige de la population qu’elle prouve que sa présence en Inde date d’avant 1971. Ce choix n’est pas anodin : c’est l’année où le Bangladesh a acquis son indépendance. À l’époque, la guerre a contraint des millions de Bangladais à fuir leur terre natale et à se réfugier en Inde. Selon un « recensement de migration » datant de 2011 et publié cette année, 50 % des migrants de l’Assam seraient originaires du Bangladesh. Ils sont majoritairement de confession musulmane. De nombreuses ONG critiquent ces politiques. « L’Assam cherche à préserver son identité ethnique, mais rendre apatrides des millions de gens n’est pas la solution », a dénoncé l’organisation Human Rights Watch en 2018. Après investigation sur place, des experts américains estiment que le recensement « pourrait alimenter une discrimination religieuse ».

l’internement de force dans des camps pour réfugiés

« Le gouvernement identifiera les migrants illégaux sur chaque parcelle du pays et les fera déporter, selon la loi internationale », a martelé Amit Shah, le ministre de l’Intérieur indien, le 17 juillet dernier. Plus tôt dans le mois, il avait qualifié ces mêmes migrants de « termites ». Le premier ministre indien, Narendra Modi, chantre du nationalisme hindou, assurait pourtant de son côté qu’« aucun Indien ne serait expulsé d’Inde ». Outre le caractère raciste de ce recensement, ce dernier présente de nombreuses zones d’ombre. Le projet a débuté en 2015, mais, faute de rigueur administrative, sa publication officielle a été reportée à plusieurs reprises. Il devait enfin être rendu public le 31 juillet 2019, mais a été renvoyé au 31 août, sur ordre des autorités nationales qui, sous la pression de l’opinion publique, demandent une vérification d’au moins 20 % des noms inscrits sur le registre.

La Cour suprême, elle aussi, a été saisie par plus de 2,5 millions d’habitants de l’Assam qui ont lancé une pétition contestant « l’objectivité » du recensement. Certains constatent leur propre absence tandis que d’autres contestent la légitimité de leurs voisins à y figurer. Tous, en revanche, s’accordent sur un nouveau report de sa publication. Les autorités régionales, prises à défaut, se défendent de toute discrimination et expliquent que leur principal objectif est désormais d’éviter l’inscription abusive de migrants.

Le pouvoir instrumentalise de plus en plus la religion

En 2018, 4,4 millions d’Indiens musulmans ont failli perdre leur nationalité indienne. Aujourd’hui, les ONG alertent sur le sort de centaines de milliers d’habitants de l’Assam – plusieurs millions en Inde – qui pourraient se retrouver dans les limbes de la justice indienne, en devenant des apatrides. Faute de papiers les autorisant à vivre en Inde, les habitants de cette région se verront privés d’accès à l’école, au système de santé, et perdront leur droit de vote. Mais, le risque majeur réside dans l’internement de force dans des camps pour réfugiés. Avant d’être arrêtés, puis enfermés, les Indiens supposés étrangers sont contraints de passer devant des tribunaux spéciaux chargés de traiter ces cas. L’Assam, qui en compte déjà des centaines, ambitionne d’en créer 200 autres avant le 1er septembre. 245 000 affaires sont en attente.

Dans une Inde où le pouvoir instrumentalise de plus en plus la religion, « la plus grande démocratie au monde » commence à battre de l’aile. La politique de recensement se basant sur des origines ethniques et religieuses, les dérives autoritaires de Narendra Modi et de son parti, le BJP, continuent d’exacerber les haines confessionnelles.

Carla Fournet

 

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5 août 2019 1 05 /08 /août /2019 16:39
Etats-Unis : El Paso est la conséquence du racisme et de la xénophobie attisés constamment par Donald Trump (PCF, 5 août 2019)
 
Donald Trump préfère voir dans les tueries d'ElPaso (Texas), Dayton (Ohio) et Gilroy (Californie) des manifestations de « maladie mentale » alors que les motivations racistes et xénophobes de l'assassin de 29
personnes dans un supermarché d'El Paso sont, comme à Pittsburg l'an dernier, parfaitement connues et sans équivoque.
Ces massacres sont le résultat des mots de haine viscérale distillés quotidiennement par Donald Trump qui s'est fait le porte-voix des suprémacistes du KKK au plus haut niveau de l’Administration et des institutions américaines. Les « incidents de haine et violence raciales », dénombrés à 567 dans l'année qui a suivi l'élection de Donald Trump, sont en constantes augmentation aux Etats-Unis depuis 2016. Depuis janvier dernier, ce sont 249 tueries de masse qui ont eu lieu, plus de 8 600 personnes tuées par armes à feu et plus de 17 000 autres blessées.
Si le président Trump évoque aujourd'hui un possible, et très relatif, « encadrement » du 2e Amendement de la Constitution c'est d'abord sous le coup de l'émotion générale suscitée dans le pays par ces trois tragédies survenues en 5 jours. Mais c'est aussi grâce à la mobilisation incessante et massive de centaines de milliers d'Américain-e-s, le plus souvent jeunes et étudiants, depuis 2 ans contre la libre circulation des armes à feu.
Voici même D. Trump contraint de condamner publiquement « le racisme, la haine et la bigoterie » et le « suprémacisme » mais en rejetant la responsabilité de la diffusion de ces fléaux sur les médias, internet,
les jeux vidéos et les réseaux sociaux. En fait, D. Trump entend couper l'herbe sous le pied à tous ses détracteurs avec ses déclarations car dans le même temps, les seules restrictions du port d'arme qu'il
envisage sont d'ordre médical (ce qui existe déjà dans plusieurs Etats), et qu'en outre il ne se prive pas d'insister sur Twitter sur la prétendue « urgence » d'une réforme des lois d'immigration continuant de
jeter sur les immigrés le blâme des maux économiques et sociaux de son pays.
Le PCF se range du côté des victimes et de leurs familles et amis, et de toutes celles et ceux qui mènent un long combat contre le port d'arme, les discriminations, le racisme institutionnalisé aux Etats-Unis et les
réseaux d'extrême droite qui bénéficient comme jamais d'appuis et de relais à Washington.
 
Parti communiste français,
 
Paris, le 5 août 2019.
Etats-Unis : El Paso est la conséquence du racisme et de la xénophobie attisés constamment par Donald Trump (PCF, 5 août 2019)
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5 août 2019 1 05 /08 /août /2019 12:22

Turquie/Syrie : Stopper la criminelle offensive de la Turquie contre les Kurdes de Syrie (PCF, 5 août 2019)

Le dictateur Recep Tayyip Erdogan a annoncé l'imminence d'une troisième offensive dans le nord de la Syrie et à l'est de l'Euphrate. L'élimination des Kurdes qui ont été la force principale dans la lutte contre l'organisation de l’État Islamique est au cœur de la politique syrienne de la Turquie. Après une première incursion en 2016 et l'annexion du canton d'Afrin en 2018 avec ses supplétifs djihadistes, Ankara fait pression sur Washington et Moscou pour obtenir leur assentiment dans une nouvelle phase d'annexion et de criminel nettoyage ethnique.

Cela fait des mois que R.T. Erdogan trépigne d'impatience pour anéantir le Rojava syrien pacifique et progressiste. Ce sera aussi pour lui l'occasion de libérer les milliers de prisonniers islamistes que détiennent les autorités kurdes.

Le PCF condamne cette nouvelle menace d'agression turque contre les Kurdes qui incarnent l'une des rares forces démocratiques de la région. Elle constituerait un foyer de guerre supplémentaire permettant à l'organisation de l’État Islamique de reconstituer ses forces et déstabiliserait encore davantage un Moyen-Orient meurtri.

La France, engagée sur le terrain, va-t-elle encore plier devant la tyrannie de R.T. Erdogan ?

Paris et l'Union européenne qui ont un devoir moral à l'égard des Kurdes doivent d'urgence sanctionner la politique de R.T. Erdogan, multiplier les initiatives diplomatiques et saisir le Conseil de Sécurité de l'ONU afin d'empêcher l'irréparable barbarie de se reproduire.

Le PCF appelle à une protection internationale des Kurdes de Syrie et leur exprime sa solidarité totale.

Turquie/Syrie : Stopper la criminelle offensive de la Turquie contre les Kurdes de Syrie (PCF)
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4 août 2019 7 04 /08 /août /2019 05:50

 

A quelques jours des commémorations des monstrueux bombardements d'Hiroshima et Nagasaki par l'armée américaine, les 3 et 9 août 1945 et alors que la guerre était déjà perdue par le Japon et l'Allemagne, Washington et Moscou viennent d'acter –en s'en accusant mutuellement – leur retrait du traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaire (en anglais INF) signé en 1987.

C'est Donald Trump qui avait donné le la en février dernier, en annonçant la suspension de l'engagement américain au traité et en donnant un ultimatum à la Russie. Vladimir Poutine n'a plus eu qu'à lui emboîter le pas en rejetant son chantage : une musique bien réglée entre les dirigeants populistes etatsunien et russe qui, dès lors, réouvrent franchement une ère de menace nucléaire pour le monde, à commencer par l'Europe.

Car c'est en Europe que va se jouer cette aberrante escalade : l'OTAN sous l'impulsion des Etats-Unis et de ses plus fidèles alliés, et Russie ne vont pas manquer de déployer leurs missiles pour se placer réciproquement sous pression.

Mais il ne s'agit pas d'un jeu : la force destructrice des armes nucléaires est la promesse de la fin de la civilisation humaine et non de quelque prétendue victoire militaire. Il faut stopper cette dérive !
Le Parti communiste français appelle à la mobilisation générale pour la paix et le désarmement : ne laissons pas le sort de l'humanité aux mains de cyniques va-t'en guerre, de populistes irresponsables et de leurs amis les marchands d'armes.


En juillet 2017, 122 pays ont adopté en Assemblée générale de l'ONU, un traité international d'interdiction des armes nucléaires (TIAN), c'est ce texte qui doit être mis en application, et les armements détruits. La France dont les dirigeants ont dénigré le TIAN se doit de s'émanciper de la tutelle étatsunienne, de le signer et le ratifier sans plus tarder.


Citoyens, peuples du monde, peuvent imposer la voix de la paix : le 21 septembre, journée internationale de la paix, marchons très nombreuses et nombreux contre la mort du traité INF et pour l'adoption et la mise en œuvre du traité international d'interdiction des armes nucléaires (TIAN). Levons-nous et marchons !

Le 26 septembre, journée internationale du désarmement nucléaire, le député communiste et secrétaire national du PCF Fabien Roussel, réunira en conférence à l'Assemblée nationale les actrices et acteurs d'un monde sans armes nucléaires et pour la paix.

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4 août 2019 7 04 /08 /août /2019 05:38

À propos de « Cause commune »

La revue « Cause Commune » est la revue d'action politique du PCF.

Aller au-delà des apparences pour mieux comprendre et agir plus efficacement ; suivre les élaborations et les décisions du Parti communiste ; préparer des initiatives militantes efficaces : Cause commune, c'est tout cela et plus encore.

La revue donne la parole aux communistes mais aussi aux chercheurs et artistes de tous horizons. Ils font le point des débats et nous emmènent au-delà des sentiers battus de l'idéologie dominante.

Cette revue paraît tous les deux mois.

Au cours de ce mois d’août notre Blog vous propose quelques articles de « Cause Commune » parus entre novembre 2018 et août 2019.

 

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Entre le traité de Rome en 1957 et aujourd’hui, l’Europe et le monde ne sont pas restés immobiles. Durant soixante ans, le PCF a cherché à prendre en compte les aspirations des peuples face aux nouvelles exigences du capital.

 

On nous dit : « Le PCF était contre le projet européen à sa création, maintenant il est pour. » Est-ce vrai ?
Disons que c’est un raccourci trompeur. Nous ne sommes pas « pour LE projet européen » (sous-entendu celui que nous combattions « à sa création ») mais pour UN projet européen, à bien des égards en rupture avec celui des années 1950 comme avec celui que nous subissons aujourd’hui.
 
L’UE est une machine à dumping social, réglementaire et environnemental. Le projet européen a-t-il été « dévoyé » ou tout était-il déjà en germe dans le traité de Rome ?
Oui, le ver (libéral) était dans le fruit dès le traité de Rome. Mais les orientations et le fonctionnement n’ont cessé de s’aggraver depuis ! Il y a eu le tournant de la fin des années 1980 (acte unique : trois cents directives de libéralisation !) et du début des années 1990 (Maastricht : « l’économie de marché ouverte où la concurrence est libre »…) Puis on a eu la fuite en avant consécutive à l’élargissement de 2004-2007 (mise en concurrence brutale des modèles sociaux pour tirer vers le moins-disant). Enfin, a été entreprise la gestion régressive et autoritaire de la crise de la zone euro à partir de 2010 (pacte budgétaire, troïka…) qui a conduit ce « projet » dans une crise existentielle.

« La libre circulation des capitaux était déjà inscrite dans le traité de Rome en 1957, mais n’a été appliquée qu’à partir de 1990 ! »

Donc, je ne dirais pas que le projet a été « dévoyé », mais qu’il s’est déployé lorsque les rapports de force, tant en Europe que dans le monde, le lui ont permis. La chute progressive du système soviétique à partir de 1989 et l’explosion concomitante de la mondialisation capitaliste ont libéré l’Union européenne d’un certain nombre d’entraves au libéralisme. Un exemple : la libre circulation des capitaux était déjà inscrite dans le traité de Rome en 1957, mais n’a été appliquée qu’à partir de 1990 !

 

Les discours sur l’Europe sociale sont-ils un « simple enfumage » ?
Si on pense au discours des tenants de l’ordre européen actuel, oui. La priorité aux marchés qui caractérise ce système est incompatible avec la promotion du social. En revanche, le projet européen alternatif auquel se réfère le PCF – celui d’une construction européenne visant à mobiliser tous les moyens à sa disposition en faveur de la promotion des capacités humaines – est un objectif sérieux. Imaginons que les 2 400 milliards d’euros créés à partir de rien par la Banque centrale européenne en trois ans pour conjurer le risque de déflation aient été versés aux États pour des investissements favorables à l’emploi, aux services publics et à la transition écologique plutôt que d’être mis à la disposition des banques sans condition quant à leur utilisation ! Cela renverserait la tendance en faveur du social au sens large ! Or, techniquement, rien ne s’y oppose. C’est une question de rapport des forces !

 

L’existence du traité de Maastricht (1992) a-t-elle conduit à une inflexion de la politique européenne du PCF ?
Oui, mais à une inflexion dans le sens d’une mobilisation décuplée contre le projet de grande envergure qui se mettait alors en place ! En témoigne l’investissement massif des communistes dans la bataille du NON à Maastricht lors du référendum de 1992. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu que le NON l’emporte.

Quelles leçons tirer de l’expérience grecque ? Impossibilité de changer, trahison, ou encore quelque espoir ?
L’expérience grecque doit effectivement être analysée très lucidement pour en tirer les vrais enseignements. L’acharnement des dirigeants européens contre le gouvernement d’Alexis Tsipras s’explique non par des raisons économiques – les demandes des Grecs auraient été parfaitement gérables pour les finances européennes – mais par des motivations politiques. Ils voulaient, en étouffant dans l’œuf le projet Syriza, prévenir tout effet contagieux, notamment sur les autres pays du sud de l’Europe.

« En étouffant dans l’œuf le projet Syriza, les dirigeants européens ont voulu prévenir tout effet contagieux, notamment sur les autres pays du sud de l’Europe. »

Or, dans ce bras de fer si inégal – la Grèce est un petit pays très vulnérable du fait de son énorme endettement –, seule une très forte solidarité européenne lui aurait permis de l’emporter. Cette solidarité lui a fait dramatiquement défaut ! Aux réunions de l’« eurogroupe » (les ministres des Finances des dix-neuf pays de la zone euro), tous les ministres, y compris Michel Sapin, se sont alignés sur l’impitoyable Wolfgang Schäuble, le grand argentier allemand de l’époque. Le Fonds monétaire international (FMI) était également de la partie. Les marchés financiers imposaient des taux d’intérêt totalement prohibitifs. Toutes les issues furent verrouillées. Quant aux forces de gauche et syndicales européennes, si elles ont été nombreuses à manifester leur sympathie à la Grèce, elles n’ont pas été en mesure de réaliser une contre-offensive à même de desserrer l’étau. Voilà pourquoi je trouve très injuste – et un peu facile – que certaines de ces formations clouent au pilori Alexis Tsipras coupable d’avoir été contraint – une fois les caisses de l’État vides – de passer sous les fourches caudines des créanciers de son pays.
La leçon principale que je tire de cette tragédie est qu’il faut prendre conscience de l’exigence de créer un vrai rapport de force pour transformer l’UE et cela suppose non seulement un rassemblement très large dans le pays concerné, mais des convergences fortes avec d’autres peuples et, si possible, d’autres pays. La solidarité est le maître-mot.
 
Que penser du Brexit et des propositions de Frexit avancées par certains ?
Le « Brexit » est une défaite pour l’Union européenne puisque, pour la première fois, un peuple a décidé d’en sortir. C’est le summum de la crise de défiance qui ronge l’UE très au-delà de la Grande-Bretagne. Mais cela risque de se transformer aussi en une cuisante défaite pour les travailleurs britanniques ! Les hérauts du Brexit (Boris Johnson, Nigel Farage…) leur ont fait miroiter une économie de 150 millions de livres sterling par semaine (!) qui irait au renforcement de la protection sociale ! Mensonge éhonté ! En réalité, la seule perspective aujourd’hui envisagée par les « Brexiters » pour compenser le préjudice économique de la rupture de liens établis avec le continent depuis quarante-cinq ans, c’est de faire de la Grande-Bretagne un super-paradis fiscal et un champion du low cost. Pour ces ultralibéraux, les normes européennes étaient… trop sociales !
Cette expérience illustre par ailleurs le niveau atteint par les interdépendances entre pays européens. La Grande-Bretagne a beau être le pays le moins intégré dans l’UE – elle n’est ni dans la zone euro ni dans l’espace Schengen ; elle bénéficie de nombreuses dérogations ; elle touche une importante ristourne sur sa contribution au budget… –, elle est profondément déstabilisée par son retrait de l’UE, au point de demander un sursis de deux ans, voire plus, quitte à respecter durant cette période supplémentaire toutes les règles européennes sans plus avoir aucune voix au chapitre. Ce n’est décidément pas un exemple à suivre. J’ajoute que « sortir » de l’Union européenne, ce n’est en rien sortir du capitalisme ! Les marchés financiers et la guerre économique seraient toujours là. S’y ajouteraient simplement les dévaluations compétitives en cascade et le risque d’une flambée des nationalismes : pas vraiment un boulevard vers la république sociale…

 

Les forces progressistes semblent beaucoup plus faibles dans les autres pays européens (Hongrie, Italie, pays Baltes…), n’est-il pas illusoire, dès lors, d’espérer changer l’Europe ?
C’est effectivement utopique d’imaginer que les vingt-sept pays de l’UE veuillent tous « changer l’Europe » en même temps et de la même manière ! C’est pourquoi le PCF s’est prononcé pour une « Europe à géométrie choisie ». Cela veut dire qu’il faut arriver à faire accepter par les dirigeants de l’Union européenne l’idée qu’un pays, ou – mieux – un groupe de pays, puisse coopérer avec tous les autres membres dans certains domaines mais pas dans d’autres. Naturellement, il faut que ces choix soient cohérents : si un pays veut que ses services publics soient mis à l’abri de la concurrence, ces entreprises publiques ne pourront pas conquérir des marchés dans d’autres pays. Si un pays veut bénéficier de la solidarité financière des autres, il ne peut pas leur refuser d’autres formes de solidarité, comme l’accueil de réfugiés. Ce type d’union serait certes beaucoup plus différencié que l’actuel, mais en définitive certainement mieux accepté par les peuples, car il résulterait de choix démocratiques de chacun d’eux.
Cela étant précisé, il est vrai que notre approche des enjeux européens a évolué, comme ont évolué ces enjeux eux-mêmes. Les interdépendances qui existent de nos jours entre les pays membres – certains le sont depuis plus de soixante ans ! – n’ont rigoureusement rien à voir avec la situation qui prévalait au départ ! Nous sommes favorables à une construction européenne conçue à la fois pour protéger les Européens contre les effets pervers de l’actuelle mondialisation et pour mettre son poids pour contribuer à humaniser cette mondialisation.
En 2005, lors de la campagne du « NON de gauche » au projet de traité constitutionnel, nous avons pris cela en considération en travaillant avec succès « contre l’Europe libérale » et « pour une Europe sociale ». Nous avons affiné par la suite notre vision alternative de la construction européenne au cours d’une convention nationale en 2013, qui a donné lieu à l’élaboration collective d’un document public dont le contenu est toujours d’une grande actualité.

 

Francis Wurtz est député honoraire au parlement européen.

Propos recueillis par Simon Burle.

Cause commune n° 9 • janvier/février 2019

 

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