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16 août 2019 5 16 /08 /août /2019 05:56
QU'EST CE QU'UNE POLITIQUE INTERNATIONALE DE LA PAIX (Cause commune - Juillet Août 2019 - revue d'action politique du PCF)
QU'EST CE QU'UNE POLITIQUE INTERNATIONALE DE LA PAIX (Cause commune - Juillet Août 2019 - revue d'action politique du PCF)
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15 août 2019 4 15 /08 /août /2019 05:47

 

Dans les territoires occupés comme en Israël, Bédouins et Palestiniens subissent la destruction de leurs maisons, les brimades et les arrestations, marques de la politique coloniale, comme l’explique Salah Khawaja.
 

Salah Khawaja - Coordinateur de la campagne Stop the wall

Jérusalem-Est occupée, envoyé spécial.

 

En quoi la question des Bédouins n’est pas seulement une question humaine mais est directement en lien avec la stratégie politique israélienne ?

Salah Khawaja Il existe 46 regroupements de Bédouins en Cisjordanie, qui sont la cible d’une politique de transfert et d’expulsion israélienne de ces villages et regroupements. Le but de cette politique d’expulsion est l’arrêt de la vie palestinienne telle qu’elle existe et de regrouper les Palestiniens dans leur diversité au sein de cantons. Cela se traduit par une interdiction de fait du droit au travail, à l’éducation, à la santé et à la mobilité des Palestiniens. Ce transfert dans des cantons s’apparente tout simplement à un enfermement dans de grandes prisons ou à des réserves comme les États-Unis en ont créé pour les Indiens-Américains. Tous leurs droits humains basiques seront confisqués.

 

Quel est le projet politique d’Israël dans cette zone, à l’est de Jérusalem, sachant qu’on y trouve la colonie de Maale Adumim, la plus grande existante ? Qu’est-ce qui est prévu ?

Salah Khawaja Le but est clair. Il s’agit de contourner la loi internationale qui reconnaît que tous les territoires pris par les Israéliens aux Palestiniens en 1967 sont des territoires occupés. La guerre israélienne est menée contre tout un peuple, contre toute une société. On veut donc empêcher les Palestiniens d’exercer leur droit à l’autodétermination. En 1947, les Nations unies ont voté le partage de la Palestine en deux États avec Jérusalem comme zone internationale. En 1948, Israël en a saisi beaucoup plus : 78 %. Après 1967, les 22 % restants ont été occupés par Israël. À partir de ce moment-là, la colonisation s’est développée. Ainsi, Maale Adumim a été construite après 1982. Cette colonie est maintenant la plus grande de Cisjordanie tant en population qu’en superficie. Dans cette région, Israël a un plan nommé A1, qui vise à élargir cette colonie à celles qui l’entourent, pour faire une seule et grande colonie. Les camps de Bédouins sont un obstacle à ce projet, et donc les Israéliens les expulsent afin d’achever leur plan. La surface finale de cette nouvelle colonie sera de 62 km2, alors que la ville de Tel-Aviv s’étend sur 61 km2 ! Ce projet A1 comprend également, entre autres, la construction d’une cité bédouine dans la colonie, une zone industrielle pour laisser penser qu’il s’agit d’une ville « normale » et non pas d’une colonie. C’est violer la loi internationale sans devoir rendre des comptes. Le but final d’Israël est de rendre éternelle l’existence coloniale et de réprimer les humains. Le ministre de l’Intérieur d’Afrique du Sud, qui a vu la situation, a même estimé que la colonisation dans les territoires occupés était bien plus dangereuse que l’apartheid.

 

En termes politiques, il semble que les mouvements palestiniens, Fatah et Hamas, soient dans l’impasse. Comment le peuple palestinien réagit-il ? On parle de comités populaires, de résistance populaire. Qu’en est-il ?

Salah Khawaja L’Autorité palestinienne, créée avec les accords d’Oslo, a misé sur une solution politique, mais Israël en a profité pour renforcer sa présence coloniale. Nous sommes convaincus que le mouvement de la première Intifada est le meilleur exemple de luttes unies et celui qui nous a permis d’accomplir le plus de choses. La résistance populaire peut permettre de rassembler tout le monde et d’organiser une désobéissance civique qui prendrait alors la forme d’une intifada civile. Nous travaillons dans deux directions. D’abord, regagner la confiance des gens avec un travail populaire et solidaire. Après les échecs successifs depuis les accords d’Oslo eux-mêmes, les gens se sont détournés de l’engagement collectif et militant. Il faut leur montrer qu’il est possible d’agir, d’influer sur les décisions, de faire changer les choses, en s’engageant. Par ailleurs, nous cherchons à accumuler de petits succès pour parvenir à une victoire plus importante et plus durable.

 

Est-ce qu’il existe une coordination entre ces comités populaires et les partis traditionnels ?

Salah Khawaja Il existe une coordination de travail, mais il n’y a malheureusement pas une volonté politique de la direction palestinienne d’unir ces efforts. Notre travail consiste donc à unir, afin de parvenir à faire pression sur les organisations politiques pour qu’elles en terminent avec leur division, et engager une nouvelle stratégie gagnante face aux Israéliens. Nous devons retrouver la confiance en nous-mêmes.

 

La campagne BDS est-elle un outil qui va dans ce sens ?

Salah Khawaja Oui, c’est un moyen efficace pour aider la cause palestinienne. Il existe également d’autres initiatives comme « Pour un monde sans murs ». Il faut continuer à être créatif pour dévoiler la face fasciste d’Israël.

 

Entretien réalisé par Pierre Barbancey

 

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14 août 2019 3 14 /08 /août /2019 06:54
Communiqué du PCF Bretagne - 13 août 2019
Le PCF Bretagne apporte son soutien à Vincenzo Vecchi qui ne doit pas être extradé en Italie
 
Vincenzo Vecchi, citoyen italien vivant depuis 8 ans à Rochefort-en-Terre, militant altermondialiste et antifasciste, a été condamné en Italie à 11 ans et 8 mois de prison en vertu d'une loi inique pour participation aux manifestations contre le libre-échange et le capitalisme financier au G8 à Gênes en 2001. La répression féroce de ces manifestations par le gouvernement de Berlusconi avait été caractérisée à l’époque par Amnesty International comme « la plus grande violation des droits humains et démocratiques dans un pays occidental depuis la Seconde Guerre mondiale»:  un jeune homme, Carlo Giuliani, avait été abattu et des centaines d’altermondialistes tabassés, blessés, torturés ou détenus arbitrairement. 
 
Et pourtant Vincenzo Vecchi est convoqué ce jeudi 14 août à la chambre d'instruction de Rennes qui pourrait décider de son extradition dans l'Italie de Salvini, où les droits humains sont de plus en plus bafoués et où il deviendrait un prisonnier politique, un prisonnier d'opinion.
 
10 manifestants du contre-sommet du G8 à l'issue des violences déclenchées par la police et les brigades spéciales du gouvernement avaient été condamnés à des peines de 6 à 15 ans  en recourant au délit de « dévastation et saccage ». Un élément du Code pénal italien, introduit par les fascistes de Mussolini en 1930, et remis au goût du jour par Berlusconi, qui permet, dans les faits, au nom de la notion de simple « concours moral » aux événements, de sanctionner avec des peines de 8 à 15 ans de prison la simple présence et la participation à des manifestations considérées comme insurrectionnelles.
 
Il faut dire que la justice italienne reproche aussi à Vincenzo Vecchi la participation à une manifestation interdite contre l'extrême-droite à Milan en mars 2006.
 
Ce serait une entorse grave aux droits de l'homme et au droit d'asile d'extrader Vincenzo Vecchi en Italie, dans un contexte où l'extrême-droite a pris le pouvoir et en abuse sans respect des droits humains. 
 
Le PCF Bretagne soutient Vincenzo Vecchi et se félicite de l'élan rencontré par son comité de soutien et du rassemblement citoyen en solidarité avec lui à 9h devant la cour d'appel de Rennes le mercredi 14 août. 
 
Vincenzo ne doit pas être extradé en Italie"
Le PCF Bretagne apporte son soutien à Vincenzo Vecchi qui ne doit pas être extradé en Italie
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13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 07:00
Morbihan: un comité de soutien pour empêcher l'extradition de l'activiste italien arrêté Vincenzo Vecchi condamné pour participation aux manifestations contre le G8 de Gênes grâce à une loi mise en place par Mussolini et réactivée par Berlusconi (France 3 et L'Humanité, article Thomas Lemahieu)
Morbihan: un comité de soutien pour empêcher l'extradition de l'activiste italien arrêté
 
 
Par Maylen Villaverde
 
Depuis l'arrestation de Vincenzo Vecchi un groupe de quatre-vingts habitants du pays de Rochefort-en-terre se réunit pour discuter et échanger sur les actions possibles pour empêcher le renvoi du militant qui habitait dans ce coin de Bretagne depuis 8 ans.
 
 
Ils se retrouvent tous les jours en petits groupes ou en session plénière pour discuter et réfléchir aux actions à mener. "Ils" se sont des amis, des voisins ou de simples connaissances de Vincenzo qui le fréquentent pour certains depuis 8 ans, depuis qu'il avait posé ses valises dans ce coin du Morbihan. Ils ont donc décidé de créer un collectif de soutien pour empêcher le renvoi vers l'Italie de l'activiste.
 

Colère et détermination des soutiens de Vincenzo


"Après l'étonnement de découvrir le passé de Vincenzo nous sommes aujourd'hui dans la colère et la détermination" explique Jean-Pierre, un membre du collectif  "Soutien à Vincenzo". Pour ce dernier il n'est pas question que Vincenzo soit renvoyer en Italie. "Le chef d'inculpation nous parait injuste et disproportionné ! Il a pris 13 ans pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, cela nous révolte" s'indigne Jean-Pierre. 

Condamné grâce à une loi mise en place par Mussolini et réactivée par Berlusconi


Selon le collectif, Vincenzo Vecchi a été condamné en Italie pour "dévastation et saccage" au G8 de Gênes. "Cette condamnation a été rendue possible sur la base d'une loi adoptée en 1930 sous Mussolini et réactivée par Silvio Berlusconi" à l'occasion du sommet économique de 2001. 

La justice italienne lui reproche aussi sa participation à une manifestation antifasciste, non autorisée, à Milan en mars 2006.

Pour le collectif morbihannais "il est impensable que la France renvoie cet homme vers l'Italie", pays qui a pour ministre de l'intérieur Salvini, un élu d'extrême droite. "Il va vouloir en faire un exemple" redoutent ses amis.

Ils rappellent aussi que "le G8 de Gênes a valu une lourde condamnation de l'Italie par la Cour européenne des droits de l'homme du fait des violences policières commises contre les manifestants, certaines ayant été assimilées à des "actes de torture", restait "une blessure ouverte en Italie".
 

Appel au soutien devant le tribunal de Rennes Mercredi


Mercredi Vincenzo Vecchi doit passer devant la Chambre d'Instruction de Rennes. Les membres du collectif ont prévu de venir manifester leur soutien pacifiquement et espèrent que d'autres personnes se joindront à eux. Ils ne souhaitent cependant pas qu'il y ait le moindre débordement car cela pourrait pénaliser leur ami.

Le collectif a fait appel à deux avocats afin d'avoir plus d'information sur le dossier et d'envisager une démarche en justice.

Morbihan: un comité de soutien pour empêcher l'extradition de l'activiste italien arrêté Vincenzo Vecchi condamné pour participation aux manifestations contre le G8 de Gênes grâce à une loi mise en place par Mussolini et réactivée par Berlusconi (France 3 et L'Humanité, article Thomas Lemahieu)
Répression. En Italie, la vengeance d’État se mange froide
Mardi, 13 Août, 2019

Menacé d’extradition, Vincenzo Vecchi, installé dans un bourg du Morbihan, a été condamné à près de douze ans de prison ferme en Italie pour sa participation au contre-G8 de Gênes en 2001.

 

Gênes persistante. Dix-huit ans après les manifestations contre le G8 dans le grand port de Ligurie (Italie), ensanglantées par la police de Silvio Berlusconi – un jeune homme, Carlo Giuliani, avait été abattu et des centaines d’altermondialistes tabassés, blessés, torturés ou détenus arbitrairement –, les hoquets de l’histoire n’en finissent jamais. Cette fois, c’est à Rochefort-en-Terre, dans le Morbihan, que les spectres de cette répression, caractérisée à l’époque par Amnesty International comme « la plus grande violation des droits humains et démocratiques dans un pays occidental depuis la Seconde Guerre mondiale », sont réapparus ces derniers jours. Vincenzo Vecchi a été arrêté jeudi, et il se retrouve menacé d’extradition vers l’Italie. Sur place, parmi ses amis et ses voisins, la stupeur est totale : installé en Bretagne depuis huit ans et parfaitement intégré, l’homme participait régulièrement aux activités culturelles et sociales d’un café associatif (la Pente). « Il était très sympathique et discret, il ne faisait pas de vagues, mais il était là », témoigne un membre du collectif de soutien qui se met en place localement.

À Rome, la presse dominante le présente comme un « fugitif »

Qu’a bien pu faire cet Italien de 46 ans pour mériter ce sort de criminel en puissance ? Dans la presse dominante à Rome ou à Milan, reprenant les fanfaronnades du gouvernement et déroulant à l’envi la minutieuse traque policière ayant abouti à son interpellation, Vincenzo Vecchi est présenté comme un « fugitif », le dernier « black bloc » en cavale à l’étranger après sa condamnation par la justice italienne pour des exactions commises lors du G8 de Gênes. Dans cette logique, ce n’est plus vraiment un homme, c’est un symbole ou, mieux encore, pour l’extrême droite au pouvoir dans la capitale italienne, un trophée.

Selon une sentence de la Cour de cassation italienne, prononcée en juillet 2012 après deux jugements, en première instance puis en appel, Vincenzo Vecchi a, le 20 juillet 2001, à Gênes, « endommagé, détruit, incendié des biens mobiliers et immobiliers, parmi lesquels des banques, des voitures et un supermarché, en s’emparant des marchandises exposées à ­l’intérieur ». Toujours selon cette reconstruction judiciaire, Vecchi s’est « opposé avec violence aux forces de l’ordre, exhortant les autres manifestants à passer à l’attaque, lançant des bouteilles, des pierres et faisant exploser quelques cocktails Molotov…, non sans déplacer des caissons pour les poubelles et les renverser au milieu des rues ».

Des faits constitutifs d’une émeute, en somme, sans violences envers des personnes, qui vont valoir à dix manifestants du contre-G8 de Gênes des peines allant de 6 à 15 ans de prison ferme. De quoi susciter une pétition signée par des intellectuels comme l’écrivain Erri De Luca, le metteur en scène Ascanio Celestini, le prix Nobel de littérature Dario Fo, l’actrice Franca Rame et des centaines d’autres, pour demander l’absolution de ces quelques boucs émissaires commodes pour une vengeance d’État en Italie… Vincenzo Vecchi est, lui, condamné définitivement à 11 ans et 6 mois de prison.

Deux poids, deux mesures. D’un côté, les policiers, les gendarmes et les militaires qui, au plus haut niveau de leurs chaînes de commandement lors du G8 de Gênes, s’étaient rendus coupables de violences multiples contre des manifestants, puis avaient organisé leur défense en produisant des documents falsifiés, ont tous, ou presque, bénéficié de non-lieux ou échappé aux ennuis grâce à la prescription. Le gendarme qui a abattu Carlo Giuliani d’une balle dans la tête a rapidement pu compter sur la thèse de la légitime défense. De l’autre, pour les manifestants présentés comme les « animateurs » d’un black bloc, décrit, de manière fallacieuse, comme homogène, les peines, de toute évidence totalement disproportionnées, ont été rendues possibles par le choix de la justice italienne de poursuivre une poignée de militants anti-G8 – plusieurs centaines d’entre eux avaient été arrêtés en 2001 et quasiment tous relâchés sans chef d’inculpation – en recourant au délit de « dévastation et saccage ». Un élément du Code pénal italien, introduit par les fascistes en 1930, qui permet, dans les faits, au nom de la notion de simple « concours moral » aux événements, de sanctionner avec des peines de 8 à 15 ans de prison la simple présence et la participation à des manifestations considérées comme insurrectionnelles.

Il a largement payé par ce long exil subi, séparé des siens

Lors de l’une des multiples audiences de ses procès, Vincenzo Vecchi avait lancé ces mots : « Je m’honore d’avoir participé en homme libre à une journée de contestation contre l’économie capitaliste. » À Rochefort-en-Terre, parmi le comité de soutien qui découvre ces jours-ci la machine à broyer qui rattrape leur ami et voisin, on s’organise pour préserver cette « liberté » : un rassemblement sera organisé mercredi à 9 heures à Rennes devant la chambre d’instruction qui doit statuer sur son extradition. « Il n’avait parlé à personne de ce passé, souffle-t-on sur place. Ce qui est sûr, c’est que Vincenzo a déjà largement payé par ce long exil forcé, séparé de sa femme et de son enfant. Cela suffit, il ne doit en aucun cas être renvoyé en Italie… »

Thomas Lemahieu
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13 août 2019 2 13 /08 /août /2019 05:48

 

La stratégie de Donald Trump d’affrontement commercial et monétaire avec la Chine attise les tensions économiques et diplomatiques. Pékin riposte tout en refusant une escalade. Décryptage.

Droits de douane augmentés sur les produits chinois importés par les États-Unis, monnaie chinoise dévaluée en réaction, Bourses mondiales fébriles sur fond d’accumulation historique de liquidités, d’argent quasi gratuit et de « bulles » gorgées comme jamais : en déclenchant une nouvelle étape de la guerre commerciale, Donald Trump a craqué une allumette au-dessus de multiples barils de poudre. Comment, pourquoi et jusqu’où ?

1Pourquoi Donald Trump a-t-il repris la guerre commerciale ?

Dès son entrée en fonction, Donald Trump a tenté d’extorquer, mesures punitives à l’appui, aux principaux partenaires commerciaux, à commencer par la Chine, un nouveau mode de relations commerciales, dans l’espoir de passer avec chacun d’entre eux un nouveau « deal » plus bénéfique pour les États-Unis.

Pourquoi à ce moment-là ? Trump a sans doute interprété la décision de la FED de baisser les taux d’intérêt comme un alignement de la banque centrale, pourtant indépendante, sur ses desiderata politiques. Elle ferait bien de même en cas de nouvelle guerre commerciale qu’il déclenche aussitôt en annonçant l’établissement de nouveaux droits de douane sur des produits chinois au point que ceux-ci « ont retrouvé les niveaux que nous associons avec le protectionnisme d’avant les années 1930 », selon Paul Krugman, prix Nobel d’économie.

Mais la guerre commerciale relève principalement de l’argument de campagne électorale permanente qu’entretient Trump. Il sait que sa réélection tient aux quelques dizaines de milliers d’électeurs qui l’ont fait roi dans trois États du Midwest, sensibles à sa rhétorique de nationalisme économique (« America First »).

2 Le « protectionnisme » de Trump favorise-t-il l’emploi américain ?

Les politiques commerciales de Donald Trump sont frappées du sceau du « protectionnisme » ; tous les indicateurs de l’économie sont au vert, donc le nationalisme économique a engendré une nouvelle phase de croissance : voilà le dernier sophisme à la mode.

Si le président en exercice ne valorise pas outrageusement (ce qui ne correspond évidemment pas à son caractère) l’apparente bonne santé de l’économie, c’est aussi parce que les Américains savent ce qui se cache derrière : l’accentuation des inégalités sociales et la faiblesse de la mobilité sociale. Quant aux mesures virilement annoncées de protectionnisme, leur effet concret apparaît nul, voire contre-productif. Le fardeau de l’augmentation des tarifs douaniers ne pèse pas sur la Chine mais sur les consommateurs américains. Les entreprises voient le coût des « biens intermédiaires » s’alourdir. Par ailleurs, la guerre commerciale entraîne des représailles qui minent les exportations américaines. Enfin, ce qui n’est plus importé de Chine l’est du Vietnam. Au final, le déficit commercial des États-Unis continue de se creuser.

3 La Chine a-t-elle manipulé sa monnaie ?

Depuis lundi, la guerre commerciale lancée par Donald Trump a entraîné celle de la monnaie. Pour la première fois depuis onze ans, la valeur de la devise chinoise a dévissé au point de franchir un seuil symbolique de 7 yuans pour 1 dollar. Contrairement à ses habitudes, la Chine a laissé jouer le marché. Habituellement, sa banque centrale intervient pour soutenir sa monnaie lorsque son cours fluctue au-delà des 2 %. C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait dès le lendemain, mardi, en intervenant sur le taux pivot – la devise n’étant pas totalement convertible. Pékin s’est défendu de vouloir utiliser l’arme monétaire dans la guerre commerciale. La baisse de la valeur du yuan permet à la Chine de faire baisser le prix de ses produits vendus en dollars et donc d’absorber les droits de douane supplémentaires. Reste que la deuxième puissance mondiale a envoyé un sérieux avertissement : elle dispose des moyens de « résister », pour reprendre les propos du président chinois Xi Jinping. « En dévaluant de façon temporaire, ils ont montré habilement de quoi ils pourraient être capables », confirme l’économiste et membre du conseil scientifique d’Attac Dominique Plihon. D’autant que le pays, grâce à ses excédents commerciaux, est assis sur une montagne de dollars. Il peut donc intervenir et fixer la valeur du yuan comme et quand il le souhaite.

4 Une guerre perdant-perdant pour Pékin et Washington ?

Les deux principales puissances économiques mondiales n’ont aucun intérêt à se lancer dans une telle escalade. Même si Xi Jinping assure que « le navire de l’économie chinoise (peut) affronter les vagues », en enregistrant une croissance de 6,2 % au second trimestre, soit sa plus faible performance depuis vingt-sept ans, la Chine a montré que sa situation économique se dégradait. D’ailleurs, le premier ministre Li Keqiang a appelé la semaine dernière à prendre davantage de mesures pour soutenir l’emploi et prévenir « les risques de licenciements massifs et de chômage ». « La Chine est d’autant plus vulnérable qu’elle est très ouverte, (les États-Unis étant le premier débouché de ses exportations – NDLR) même si, depuis la crise de 2008, elle tente de changer son modèle de croissance, en mettant davantage l’accent sur la consommation intérieure », analyse Dominique Plihon. En jouant sur le yuan, la Chine prendrait également le risque de perdre des investisseurs, ce qui pourrait freiner son développement.

Les stratégies de Donald Trump pourraient également se retourner contre son pays. « Les États-Unis sont en fin de cycle économique. Après neuf ans de croissance, celle-ci devrait également s’essouffler », estime David Cayla, maître de conférences à l’université d’Angers et membre des Économistes atterrés. Depuis quelques mois, les économistes entrevoient un ralentissement. Dans de nombreux secteurs, la politique commerciale agressive aura des effets négatifs. Dans l’agriculture par exemple, Pékin a d’ailleurs suspendu tous ses achats de produits agricoles américains et n’exclut pas d’imposer des taxes sur l’importation de produits agricoles issus des États-Unis et achetés après le 3 août. Dans l’industrie, la Chine est le premier sous-traitant des entreprises américaines. L’augmentation du prix des biens intermédiaires chinois entraînerait un renchérissement des produits finis américains, une baisse des exportations, une baisse de production et in fine une hausse du chômage.

5 La croissance mondiale est-elle menacée ?

L’affaiblissement de ces deux puissances accentuerait le ralentissement de la croissance mondiale. Depuis plusieurs mois, les institutions internationales comme le FMI et l’OCDE alertent et revoient à la baisse leurs prévisions en la matière. Dans sa note de conjoncture, le FMI constatait mi-juillet que l’évolution des échanges commerciaux stagnait à 0,5 % au premier trimestre et qu’elle ne devrait pas dépasser les 2,5 % en 2019, contre 5,5 % en 2017. Dans ce contexte morose, les Européens seront les premières victimes. La crise industrielle allemande, totalement dépendante de ses exportations, en est révélatrice. « L’effet de l’augmentation des droits de douane pourrait être amplifié dans la mesure où une proportion importante de marchandises passe les frontières à de multiples reprises au cours du processus de production », avait également averti en juin le président de la BCE. Mais, surtout le climat d’incertitude pourrait créer une rupture du cycle de croissance. Les entreprises, par exemple, en manque de visibilité préféreront reporter leurs investissements ou les embauches prévues, au risque de gripper la machine.

6 Y a-t-il un risque de krach financier ?

La tempête semblait s’éloigner, mardi, sur les places financières, après l’annonce du patron de la banque centrale chinoise, Yi Gang, d’une stabilisation du yuan. Mais le fort tangage des Bourses mondiales de ces derniers jours a rappelé combien la planète était à la merci d’un nouveau krach majeur semblable à celui de 2008, alors que les bulles spéculatives se sont reformées, comme en témoignent les records battus, semestre après semestre, par les principaux indices. Un tel scénario noir pourrait-il se produire, plongeant le monde dans une nouvelle crise ? Personne ne peut le dire à l’avance. Mais les signaux d’alerte se sont allumés dès l’annonce des mesures de Trump. La réplique de Pékin a amplifié la crispation des marchés. Le CAC 40 avait perdu 300 points (– 5 %) entre le 1er et le 6 août, et le Nasdaq américain 500 points (– 6 %).

Si l’accès de panique est passé, de nombreux voyants restent au rouge vif. L’excès de monnaie déversée sans contrepartie par les banques centrales à des taux historiquement bas pour soutenir à tout prix l’investissement et l’inflation, surfant sur l’illusion d’une ère sans fin d’« argent gratuit ». Ce qui favorise le gonflement des bulles boursières déconnectées du réel, tandis que les leviers budgétaires publics restent grippés et que la fin du cycle de croissance guette aux États-Unis. « Pour une crise financière il faut un terrain favorable : beaucoup de liquidités, un ralentissement de l’activité, et un choc, une étincelle. La dévaluation du yuan pourrait provoquer ce choc sur le marché des changes et entraîner cela », met en garde l’économiste Dominique Plihon.

7 Pourquoi l’Europe est-elle aux abonnés absents ?

Prise au dépourvu par le krach économique et financier en 2008, l’Europe est censée avoir tiré les enseignements de cette période noire, avec un arsenal anticrise renforcé grâce à la mise sur pied de l’union bancaire et de mécanismes budgétaires destinés à assurer la solidarité de ses États dans la tempête. Mais au moment où une nouvelle menace surgit, ses dirigeants paraissent singulièrement manquer de voix et d’initiative pour la contrer. « L’Union européenne n’a pas trouvé de moteur interne pour compenser la baisse de ses exportations. Elle n’a ni politique économique, ni politique commerciale. Même si elle signe des accords de libre-échange dangereux, elle laisse passer les trains », estime l’économiste David Cayla.

Du fait, notamment, de la dépendance aux exportations de l’Allemagne, première économie de l’UE, toute nouvelle restriction du commerce mondial risquerait d’entraîner le continent dans la récession. Une tragédie, alors que la croissance, poussive en comparaison des États-Unis, fait l’objet d’un soutien aussi massif que son efficacité est contestable de la part de la Banque centrale européenne (BCE). Avec un curseur bloqué en position maximum en matière de rachats de dette et de baisse des taux d’intérêt, la BCE n’a plus de marge de manœuvre pour réagir en cas de survenue d’un nouveau choc, tandis que les États sont prisonniers de dogmes qui empêchent toute réelle politique de relance. Pour Dominique Plihon, « les mesures qu’a prises la BCE pour endiguer la crise de 2008 ont créé les conditions d’une nouvelle crise. Quant aux États, ils restent dans un attentisme coupable face aux salaires trop faibles et aux immenses besoins d’investissements dans la transition écologique et les services publics ».

Sébastien Crépel, Christophe Deroubaix et Clotilde Mathieu

 

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11 août 2019 7 11 /08 /août /2019 05:25
MIGRATIONS DANS LE MONDE - Par Catherine Wihtol de Wenden  (« Cause Commune » - Revue d’action politique du PCF – Mars 2019).
Catherine Wihtol de Wenden , invitée des Jeudis Rouges du réseau Partage des Savoirs à Quimperlé en 2018

Catherine Wihtol de Wenden , invitée des Jeudis Rouges du réseau Partage des Savoirs à Quimperlé en 2018

Par Catherine Wihtol de Wenden 


L’aspect le plus significatif concernant les migrations est leur globalisation, comme tendance structurelle du monde, et leur régionalisation.

En ce début du XXIe siècle, les migrations internationales se sont mondialisées : presque tous les pays du monde sont concernés par les départs, les arrivées et le transit, certains étant les deux ou les trois à la fois. Ces migrations concernent 260 millions de personnes, un chiffre qui a été multiplié par trois depuis les années 1975 et qui a doublé depuis la fin du XIXe siècle.

 

Globalisation 
Tous les continents sont inclus dans la mobilité transfrontalière, l’Europe étant la plus grande destination au monde (77 millions, si l’on inclut la Russie et l’Ukraine), suivie par les États-Unis, le Golfe et la Russie (13 millions). Le Sud est en passe de recevoir autant de migrants que le Nord de la planète à cause de la diversification des migrations : femmes (48 %), déplacés en­vi­ronnementaux (42 millions, dont seulement 17 millions sont des mi­grants internationaux, les autres étant des mi­grants internes), mineurs isolés, réfugiés, toutes catégories qui préfèrent aller moins loin et se diriger vers les pays voisins des leurs. Les trois quarts des réfugiés dans le monde vont dans des pays du Sud, comme on l’a vu lors des crises afghane (à destination de l’Iran et du Pakistan), irakienne (vers la Syrie), syrienne (en Turquie, Liban et Jordanie, pour l’essentiel). Les pays du Sud ont peu de politique migratoire et une cinquantaine d’entre eux ne sont pas signataires de la convention de Genève de 1951 sur l’asile, donc la protection est souvent relative, mais les migrants peuvent y entrer, le plus souvent. Cette globalisation a été favorisée par un droit de sortie généralisé, à cause de la possibilité presque mondialisée d’avoir un passeport, alors que le droit d’entrer s’est beaucoup rétréci, du fait des visas. Les migrations internationales sont, à l’échelle mondiale, essentiellement des migrations de travail, mais elles ne sont plus que 15 % des entrées en Europe, où le regroupement familial, les étudiants et l’asile occupent les premières places. Le droit d’entrée, qui n’est pas universel comme le droit de sortie, dépend de la souveraineté des États d’accueil, en fonction du risque migratoire représenté par chaque nationalité, selon son passeport : ce sont les Japonais qui peuvent entrer dans le plus grand nombre de pays dans le monde (189) pour trois mois, suivis par les Européens, les Américains et les Canadiens. Puis viennent les Russes, les Chinois et enfin la plupart des pays africains, dont les ressortissants de pays en crise (Érythrée, Somalie, Soudan) n’ont de possibilité de migrer que dans les pays les plus proches du leur. Cet élargissement du monde est lié à son interdépendance : certains pays ont des richesses mais peu de main-d’œuvre (comme les pays du Golfe), d’autres une importante population et peu de ressources (comme le Mali, le Niger ou le Burkina Faso). D’autres encore sont directement menacés par les défis environnementaux, comme le Bangladesh, premier au monde, les îles du Pacifique (Tuvalu, Fidji) ou la désertification. Le vieillissement de la population en Europe, en Russie, au Japon est aussi un facteur de dépendance à l’égard des migrations, pour la contribution de celles-ci à la croissance démographique et au manque de main-d’œuvre. L’absence de droits dans les pays de départ ou de transit peut aussi favoriser le désir d’aller plus loin, y compris en risquant la mort.

« Les experts du climat prévoient entre 150 et 200 millions de migrants environnementaux d’ici la fin du siècle. »

 

Régionalisation
Partout, sans aucune exception, il y a davantage de migrants de la même région que de migrants qui viennent d’ailleurs, du fait que le migrant international est de moins en moins exclusivement un homme seul, mais aussi comporte de nouveaux profils, dont les femmes, les réfugiés et les enfants qui ne vont pas aussi loin dans des parcours transcontinentaux. Ainsi, en Europe, le tiers des migrants internationaux vient d’Europe, un chiffre qui a beaucoup augmenté avec l’ouverture à l’Est : Roumains, Bulgares, Polonais sont partis nombreux travailler en Europe de l’Ouest dès 2004, de même que les Européens du Sud, après la crise de 2008, sont venus chercher du travail en Allemagne et au Royaume-Uni (Italiens, Espagnols, Portugais, Grecs). En Afrique, qui compte 26 millions de migrants internationaux, la plupart viennent d’un autre pays du continent, selon les chiffres du département de la population des Nations unies (UNDESA, 2017). Il en va de même en Amérique latine où la plupart des migrants sont des Latino-Américains : Vénézuéliens en Colombie, Péruviens en Argentine et au Chili, Paraguayens au Brésil, Boliviens dans les pays voisins du leur, tandis que les Centre-Américains et les Mexicains sont attirés par les États-Unis. Même schéma en Russie où, du fait de l’ouverture des frontières pour le travail à l’Asie centrale et au sud du Caucase, la plupart des migrants viennent de la CEI (Communauté des États indépendants, ex-URSS) et de la Chine dans les régions sibériennes. En Asie, les pays riches comme le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, Singapour attirent les populations des pays pauvres ou très peuplés. L’essentiel des migrants viennent d’Asie : Philippins, Pakistanais, Indiens, Chinois. L’Australie est de son côté de moins en moins « blanche » et s’asiatise de plus en plus. Le Golfe attire les populations du Maghreb, du Pakistan, du Soudan, d’Égypte, du Sri Lanka, des Philippines.

 

Des facteurs structurels

Les facteurs de ces migrations internationales correspondent à un mouvement de fond qui épouse les tendances structurelles du monde : valorisation de la mobilité comme élément de modernité, accès aux nouvelles technologies de la communication au Sud, qui font rêver à d’autres horizons plus prometteurs pour ceux qui considèrent qu’il n’y a aucun espoir chez eux (les jeunes notamment), inégalités du développement humain, crises et conflits, grandes lignes de fracture du monde sur un espace restreint comme la Méditerranée, la ligne Mexique/ États-Unis, l’Australie et ses voisins, offre de voyage du fait de l’impossibilité de circuler sans visa qui enrichit les passeurs, mode du tourisme international (un milliard par an), qui donne à d’autres l’idée d’aller s’installer ailleurs (comme les seniors au soleil), risques environnementaux (les experts du climat prévoient entre 150 et 200 millions de migrants environnementaux d’ici la fin du siècle), études à l’étranger à en juger par le succès d’Erasmus depuis trente ans… Enfin, les transferts de fonds représentant 460 milliards de dollars annuels envoyés par les migrants dans leurs pays d’origine. Ces facteurs vont perdurer pour la plupart, car le développement au Sud est un facteur, à court et moyen terme, d’accélération de la mobilité plutôt qu’il ne l’arrête ou la réduit. Les populations les plus mobiles sont celles des pays riches et les populations du Sud leur ressemblent de plus en plus, notamment chez les élites, qui peuvent souvent circuler légalement (les riches des pays pauvres), alors que les catégories intermédiaires ont du mal à obtenir des visas. Les plus pauvres du monde ne bougent pas, sauf en cas de migrations forcées (asile, crise environnementale), faute de réseaux de connaissance et de moyens. Sinon, les migrations internationales ne représenteraient pas 3,5 % de la population du monde, comme aujourd’hui, compte tenu des inégalités de la planète, mais beaucoup plus.

« Les migrations internationales sont, à l’échelle mondiale, essentiellement des migrations de travail, mais elles ne sont plus que 15 % des entrées en Europe, où le regroupement familial, les étudiants et l’asile occupent les premières places. »

Dans ce monde où les rapports internationaux, notamment le programme des Nations unies pour le développement (PNUD), rappellent que la mobilité est un facteur essentiel du développement humain (rapport 2009  Lever les barrières, migration et développement humains), le droit à la mobilité est une aspiration qui monte mais qui est très inégalement répartie. Ceux qui migrent ont infiniment moins de droits que ceux qui sont sédentaires, car beaucoup de conventions internationales n’ont pas été signées par tous les États (50 non-signataires de la Convention de Genève, tous pays du Sud, 53 signataires seulement de la convention de l’ONU de 1990 sur les droits des travailleurs migrants et de leurs familles), tous pays du Sud, les pays du Nord ne voulant pas se sentir liés par des droits à reconnaître aux migrants irréguliers, des millions de personnes sans protection internationale lors de crises politiques (sur les 66 millions de réfugiés, 26 millions seulement ont le statut de la convention de Genève, les autres ayant une protection temporaire ou humanitaire), 13 millions d’apatrides, des millions de sans-papiers, aucun statut international pour les déplacés environnementaux, un accès très différencié à la nationalité des pays d’accueil à l’échelle mondiale.

Des tentatives de dialogue global ont été mises en place depuis le début du XXIe siècle. Citons notamment à l’initiative de Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, le Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD), né du choix du multilatéralisme adopté par Kofi Annan pour dialoguer sur les migrations entre le Nord et le Sud mais aussi avec des acteurs non étatiques – organisations intergouvernementales (OIG), organisations non gouvernementales, associations, employeurs, syndicats, églises, experts. Le Forum mondial sur la migration et le développement se réunit chaque année depuis 2006, pointant, dans chaque région du mode, les inégalités les plus criantes ou les initiatives à encourager, considérant que la migration est un bien public mondial si elle est bien gérée, gagnante pour les migrants, les pays de départ et les pays d’accueil. Plusieurs pays du Sud s’y sont beaucoup investis, parmi lesquels le Mexique, le Maroc, le Bangladesh. Le pacte mondial (Global compact) est issu de cette même approche, Nord/Sud et multilatérale, signé à Marrakech en décembre 2018, reprend les grandes lignes du FMMD. Né de la décision de l’assemblée générale des Nations unies de septembre 2016 après la crise des réfugiés de 2015, le pacte comprend deux volets : les migrants et les réfugiés. Il lance l’idée d’une autre gestion par le biais d’une meilleure coopération entre États. Le Mexique ainsi que la Suisse y ont joué un rôle déterminant. Le pacte est non contraignant (ce n’est pas un traité). On compte une quinzaine d’États non signataires du pacte, dont les États-Unis et cinq pays européens. Mais c’est un pas de plus pour inscrire les migrations sur la table des questions majeures des Nations unies et de sortir le sujet de l’illégitimité dans laquelle il a été longtemps relégué.

 

Catherine Wihtol de Wenden est politiste en science politique. Elle est directrice de recherche émérite au CNRS.

Cause commune n° 10 • mars/avril 2019

 

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10 août 2019 6 10 /08 /août /2019 07:55
Migrants: un nouveau décret italien criminalise davantage les ONG
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Un décret adopté cette semaine en Italie prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à un million d’euros pour les bateaux de sauvetage de migrants. Ce texte octroie aussi davantage de pouvoir au ministre de l’intérieur Salvini pour mettre en place sa politique hostile à l’immigration. Les ONG, jusqu'à présent, continuent de se rendre au large de la Libye.

Leur navire attend dans les eaux près de l’île italienne de Lampedusa. À bord, ce jeudi 8 août, un équipage de 19 personnes et 121 migrants d’Érythrée, d’Éthiopie, du Soudan, du Tchad… partis de la Libye et sauvés des eaux internationales le 1er août. L’Open-Arms, bateau humanitaire affrété par l’ONG espagnole Proactiva Open Arms (POA), croise sans destination précise depuis une semaine. 

« Aucun port de Malte ou d'Italie ne nous accepte, nous restons à proximité de Lampedusa si quelqu’un a une urgence médicale, mais nous ne pouvons pas accoster », précise au téléphone Riccardo Gatti, chef de mission de l’ONG en Italie, joint par Mediapart. Il y a deux ans, une telle impasse aurait été « rare et choquante », dit-il. Mais depuis l’arrivée d'un gouvernement d'extrême droite à la tête de l’Italie, POA – qui en est à sa 65e mission en Méditerranée centrale depuis 2016 – s’est habituée à sillonner pendant des jours dans les eaux italiennes en quête d’un port.

Aussi Riccardo Gatti n’a-t-il pas été surpris lorsque, lundi 5 août, le Sénat a adopté le nouveau décret sécurité porté par Matteo Salvini, le ministre de l’intérieur de la Ligue. « Depuis un an, il y a une criminalisation de nos activités, ce n’est qu’une étape de plus de ce gouvernement, le passage d’une loi contraire au droit international », constate Gatti.

Avec ce « décret sécurité bis », qui s'ajoute à une première loi de sécurité adoptée en novembre 2018, le ministre de l’intérieur, connu pour ses positions hostiles à l’immigration, durcit sa politique répressive à l'encontre des humanitaires qui viennent en aide aux migrants. Il garde en tête l’action de Carola Rackete, la capitaine du navire Sea-Watch 3 qui avait accosté en Italie sans autorisation avec des réfugiés à son bord. Elle avait été arrêtée le 29 juin, puis libérée le 2 juillet.

Précédemment adopté par la Chambre des députés, ce décret est passé avec 160 voix pour et 57 contre à la chambre haute. Le ministre Salvini s’octroie ainsi des pouvoirs élargis et pourra dorénavant « limiter ou interdire » l'entrée de navires « en transit ou en stationnement » dans les eaux italiennes. Les bateaux d'ONG y pénétrant sans autorisation pourront écoper d'une amende allant de 150 000 à un million d'euros, contre 50 000 euros auparavant. Leurs capitaines pourront être arrêtés et leur navire saisi immédiatement.

Le décret doit encore être ratifié par le président italien, Sergio Mattarella. Le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de l'ONU s'est d'ores et déjà dit « inquiet » de ce décret, mardi, soulignant que les ONG « jouent un rôle inestimable » dans le sauvetage des migrants en mer. Matteo Salvini a quant à lui exprimé sa satisfaction. « Le décret sécurité octroie plus de pouvoirs aux forces de l'ordre, plus de contrôles aux frontières, plus d'hommes pour arrêter les mafieux », a-t-il réagi lundi sur Facebook, l’un de ses principaux canaux de communication. 

Ce mercredi 7 août, il s’en est également pris à l’ONG POA, toujours sur ce réseau, les accusant de ne pas faire de « la vie des gens à bord » une « vraie priorité », « en refusant de gagner l’Espagne [le bateau bat pavillon espagnol – ndlr] » et en voulant « à tout prix transférer des clandestins dans notre pays ».

Las, le responsable de l'organisation espagnole Riccardo Gatti répond qu'il s'agit du « comportement normal de M. Salvini, il propage des fake news en détournant nos déclarations et attise la haine contre nous ». Il précise que « malgré la criminalisation de ce gouvernement à l'encontre des humanitaires, nous continuerons nos activités dans la Méditerranée centrale. Nous tenons à rappeler que le naufrage d'un bateau de migrants vient d'avoir lieu [le 25 juillet, naufrage qualifié de « pire tragédie de l’année » par le haut-commissaire de l’ONU pour le HCR, Filippo Grandi – ndlr]. Il a fait près de 150 morts. Notre action est nécessaire ».

Dans une lettre adressée jeudi au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, le président du parlement européen David Maria Sassoli, par ailleurs membre du parti démocrate italien (dans l'opposition), a réclamé une « assistance d’urgence aux migrants bloqués sur le bateau » Open-Arms

Il n'est pas le seul navire à se rendre sur zone. Les bateaux Alan-Kurdi, Lifeline, etc., croisent aussi au large de la Libye. Pour eux, les entraves aux opérations sont toujours plus nombreuses. Le bateau humanitaire Ocean-Viking de l’ONG SOS Méditerranée, qui a quitté Marseille le 4 août, s'est vu refuser le plein de carburant dans les eaux maltaises par les autorités, mercredi soir. Malte ne précise pas le motif de ce refus, selon SOS Méditerranée.

« C'est la première fois que ça nous arrive et c'est une difficulté supplémentaire, concède Fabienne Lassalle, directrice générale adjointe de l’ONG en France, jointe par téléphone le 8 août. Ocean-Viking est toutefois toujours en route pour la zone SAR [de sauvetage – ndlr] au large de la Libye. Il y a peu de bateaux d'humanitaires pour l'immensité du secteur à couvrir et les gens continuent de mourir », précise-t-elle. L’Ocean-Viking peut secourir à son bord 200 à 300 personnes « dans des conditions correctes ». 

Chaque jour, des migrants continuent de tenter de quitter les côtes libyennes. Depuis le début de l’année, et jusqu’à la date du 2 août, 4 622 migrants ont été interceptés par les gardes-côtes libyens et ramenés à terre, alors que 3 600 sont arrivés en Italie depuis la Libye, d’après l’UNHCR.

 

Professeur de droit à l’université de Nantes et spécialiste du droit de la mer, Patrick Chaumette souligne pour sa part que « ce décret néglige les obligations internationales italiennes, l'obligation de sauvetage en mer ». Et l’expert de rappeler les textes en vigueur qui viennent contredire ledit décret : « La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) de l'Organisation maritime internationale, la convention Search and Rescue de Hambourg de 1979, le rôle du MRCC (centre de sauvetage) de Rome, la Convention de Genève relative au statut des réfugiés… », avant de conclure : « Les États côtiers ont des obligations, que l'Italie décide d'ignorer […]. L'idée que tout navire transportant des naufragés en Méditerranée ne relève plus du droit de passage inoffensif est absolument excessive. »

Le décret (en italien) ratifié par le Sénat. (pdf, 558.4 kB)

Une politique de criminalisation qui sert la politique d’externalisation

Pour la chercheuse Sara Prestianni, membre du réseau Migreurop, ce décret, peu surprenant, n’est que la continuité de la politique italienne en matière d’immigration. « Ce décret vise à la criminalisation de la solidarité et au renforcement des politiques de retour. Il est complémentaire avec le décret-loi sécurité numéro un, qui visait au démantèlement du système d’accueil et d'asile italien. »

Adopté le 28 novembre 2018 par la Chambre des députés, ce dernier avait déjà suscité la polémique, prévoyant entre autres un allongement de la durée de détention des migrants avant leur expulsion, une modification de la liste des pays sûrs, une augmentation des fonds alloués aux expulsions et surtout une remise en cause profonde du système d’accueil italien avec l’abrogation de la protection humanitaire.

Des mesures qui ont par ailleurs entraîné « de nombreux départs de migrants qui étaient pourtant dans un processus d’intégration en Italie ». Certains ont par exemple pris le chemin de la France, où l’on compte une arrivée de « dublinés », ayant leurs empreintes dans le pays voisin. « La criminalisation des ONG avait déjà commencé sous l’ancien premier ministre [Paolo Gentiloni – ndlr], au printemps 2017, avec tout un tas d’accusations fausses à l’encontre des organisations soupçonnées d’être liées aux passeurs. » Rome avait alors instauré un « code de conduite » controversé, limitant déjà le nombre d'ONG dans le secteur à l'époque.

« Surtout, l’UE a signé un accord d’externalisation de la politique migratoire avec la Libye », rappelle Sara Prestianni. En juillet 2017, l’Europe avait renforcé son partenariat avec Tripoli afin de stopper le mouvement d’exil qui abordait les côtes italiennes, avec la signature d’un accord contesté par de nombreuses ONG. Ces dernières dénonçaient les méthodes des gardes-côtes libyens et la menace planant sur les exilés en Libye, en proie au conflit.

Preuve du danger qu'ils encourent : le 3 juillet, près de 40 migrants ont été tués dans une frappe aérienne contre leur centre de détention dans la banlieue de Tripoli. Plusieurs cas de migrants vendus aux enchères, révélés par la chaîne CNN, avaient fait la lumière sur l'esclavage moderne dans le pays en novembre 2017. « Il y a le besoin d’éloigner encore davantage les acteurs humanitaires de ce terrain, de vider la mer de ses ONG afin qu’il n’y ait plus de témoins. Cette politique de criminalisation sert l’externalisation de la politique migratoire européenne », signale Sara Prestianni.

Contactés par Mediapart, les porte-parole de l’agence Frontex basés en Pologne ont répondu « ne pas être en mesure » de commenter la politique italienne.

Les traversées illégales en bateau pneumatique sont nombreuses en Méditerranée centrale, voie de passage dangereuse fréquentée par les migrants transitant par la Libye. L'Italie et l'UE ont multiplié les missions pour la surveillance de cette frontière maritime ces dernières années. Fin 2013, après l'embrasement d'un chalutier transportant des migrants au large de Lampedusa, qui avait fait plus de 360 morts, les autorités italiennes avaient lancé l’opération Mare Nostrum, visant selon Rome à sauver le plus grand nombre possible de migrants en mer. La marine italienne avait alors décidé d'intervenir jusqu'à la limite des eaux libyennes (à 12 milles marins du pays d'Afrique du Nord).

Mare Nostrum a été remplacée en 2014 par l'opération européenne Triton, elle-même remplacée en 2018 par la mission Themis « pour aider l’Italie dans les activités de contrôle des frontières », opérant au large de la Libye. En parallèle, des ONG se sont progressivement rendues sur zone, non loin de cette frontière maritime libyenne, pour des opérations de sauvetage.

Migrants: un nouveau décret italien criminalise davantage les ONG (Médiapart, 8 août 2019, Elisa Perrigueur)
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9 août 2019 5 09 /08 /août /2019 05:38

Par Gérard Streiff

 
L’étude de Matthew Stewart, intitulée « La nouvelle aristocratie américaine », parue dans The Atlantic de juin 2018, est singulière. Ce philosophe montre, avec force documents et non sans humour, comment la société américaine se fracture, comment se recompose la classe dominante, dont il dit faire partie, comment ce processus menace la démocratie, comment aussi des changements s’imposent. Un propos américain qui n’est pas sans point commun avec notre propre histoire.

 

On connaît tous ce chiffrage hautement symbolique : 1 % des plus fortunés accapare l’essentiel des pouvoirs au détriment de 99 % de la planète. Pierre Laurent avait titré un essai (99 %,  le Cherche-Midi, 2016) sur cet affrontement radical. Le mouvement Occupy Wall Street en avait fait son étendard : « Nous sommes les 99 %. » L’écrivain et philosophe américain Matthew Stewart explore ce thème, le nuance et le module dans une étude intéressante, probablement discutable mais riche en enseignements. Stewart distingue trois classes : celle des 0,1 %, les plus fortunés des plus fortunés, soit 323 000 personnes, familles comprises, une caste bien plus étroite encore que le 1 % évoqué ordinairement ; les 90 % qui forment l’essentiel du peuple ; et enfin, entre les deux, les 9,9 %, enfants de la « méritocratie », dit-il, qui n’auraient qu’un objectif : se consolider en tant que classe, se barricader sur leurs privilèges, devenir bourgeois comme les bourgeois, comme on aurait dit en 1968.

Les 0,1 % sont, selon lui, les grands gagnants de la concentration des richesses : ils détenaient 10 % de la richesse américaine en 1963 et 22 % en 2012. Dans le même temps, les 90 % « inférieurs » ont perdu en trois décennies douze points, soit autant que ce que les 0,1 % ont engrangé. Et entre les deux, il y a un groupe « qui va très bien, qui a conservé sa part de tarte […] et qui en tant que groupe possède beaucoup plus de richesses que les deux autres réunies ».

On dit, on répète que la société américaine est ouverte, que la mobilité sociale est son credo et que l’inégalité est en quelque sorte le prix à payer. Faux, dit l’article : la mobilité sociale américaine diminue. « Il y a un mythe fondateur de la méritocratie américaine : notre succès n’a rien à voir avec l’échec des autres. » Mais l’auteur montre comment ces 9,9 % construisent des murs pour barricader leur pouvoir. « L’argent est peut-être la mesure de la richesse mais il est loin d’être la seule. La famille, les amis, les réseaux sociaux, la santé personnelle, la culture, l’éducation et même le lieu de résidence sont également des moyens d’être riches. Ces formes de richesses non financières ne sont pas simplement des avantages d’être membres de notre aristocratie. Ils nous définissent. Nous sommes des gens de bonne famille, en bonne santé, avec de bonnes écoles, dans de bons quartiers et dotés de bons emplois. » Il détaille avec une sidérante précision ces divers éléments. On y apprend par exemple que « l’obésité, le diabète, les maladies cardiaques, rénales et hépatiques sont deux à trois fois plus fréquents chez les personnes dont le revenu familial est inférieur à 35 000 dollars que chez celles dont le revenu familial est supérieur à 100 000 dollars. »
Et le plus important, souligne-t-il, c’est que « nous avons appris à transmettre tous ces avantages à nos enfants ».

 

Une société qui se calcifie

L’étude s’attarde sur les dépenses incroyables fournies par les membres de ce groupe en matière d’éducation (écoles privées, collèges de marque, universités ciblées). Cette « bonne éducation » assure ensuite « une prime », un bonus tout au long de la vie professionnelle. Ce n’est pas vraiment une question de compétence mais de « marque », d’appartenance à la bonne filière. Cela vaut pour toutes les carrières de médecin, d’avocat, de financier, par exemple. Stewart signale que le pouvoir fédéral, dont ce groupe aime se plaindre, sert en fait parfaitement ses intérêts, ponctionnant les plus pauvres (sous diverses formes de fiscalité indirecte et de taxes notamment) pour redistribuer la manne aux fortunés. Le lieu de résidence aussi est essentiel, ce qu’il appelle « le code postal doré. » « Le code postal est ce que nous sommes. Il définit notre style, annonce nos valeurs, établit notre statut, préserve notre richesse et nous permet de transmettre à nos enfants. Cela étrangle aussi lentement notre économie et tue notre démocratie. »
L’auteur se veut lucide. « La classe méritocratique a maîtrisé le vieux stratagème de la consolidation de la richesse et du transfert des privilèges aux dépens des enfants des autres. Nous ne sommes pas les témoins innocents de la concentration croissante de la richesse, nous sommes les principaux complices d’un processus qui étrangle lentement l’économie, déstabilise la politique américaine et érode la démocratie. Nos illusions de mérite nous empêchent maintenant de reconnaître la nature du problème que représente notre émergence en tant que classe. Nous avons tendance à penser que les victimes de notre succès ne sont que les personnes exclues du club. Mais l’histoire montre très clairement que, dans le genre de jeu auquel nous jouons, tout le monde perd au final. »

« Les 9,9 %, enfants de la “méritocratie” n’auraient qu’un objectif : se consolider en tant que classe, se barricader sur leurs privilèges. »

Ses critiques visent juste : « Le défi permanent de notre époque est de renouveler la promesse de la démocratie américaine en inversant les effets calcifiants de l’accélération des inégalités. Tant que l’inégalité régnera, la raison sera absente de notre politique. »

Il termine son étude sur un appel à inverser l’ordre des choses : « Le genre de changement qui compte vraiment nécessitera l’intervention du gouvernement fédéral. Ce qui crée un pouvoir monopolistique peut aussi le détruire. Ce qui permet à l’argent d’entrer dans la politique peut aussi le supprimer. Celui qui a transféré le pouvoir du travail au capital peut le restituer. Le changement doit aussi se produire aux niveaux national et local. Sinon comment allons-nous ouvrir nos quartiers et restaurer le caractère public de l’éducation ? »


Trump et le ressentiment

L’élection présidentielle de 2016 a marqué un tournant dans l’histoire du ressentiment aux États-Unis. En la personne de Donald Trump, le ressentiment est entré à la Maison-Blanche. Il est né d’une alliance entre un minuscule sous-groupe des 0,1 % de super-riches (pas nécessairement tous américains) et un grand nombre de 90 % qui représentent à peu près tout ce que ne représentent pas les 9,9 %. La grande majorité de ces électeurs sont les perdants de la nouvelle économie ; ils ne sont pas pauvres mais ils ont des raisons de se sentir jugés par le marché, et jugés insuffisants. Les comtés qui ont soutenu Hillary Clinton représentaient 64 % du PIB alors que les comtés de Trump n’en comptaient que 36 %. Aaron Terrazas, économiste à Zillow, a montré que la valeur moyenne des maisons dans les comtés de Clinton était de 250 000 dollars, tandis que la moyenne dans les comtés de Trump était de 154 000 dollars. En tenant compte de l’inflation, les comtés de Clinton ont bénéficié d’une appréciation du prix de l’immobilier de 27 % entre janvier 2000 et octobre 2016. Cette hausse n’était que de 6 % dans les comtés de Trump. De la même manière, les habitants du « pays Trump » ont été les perdants dans la bataille de la santé. Selon Shannon Monnat, professeure agrégée de sociologie à Syracuse, les comtés de la Rust Belt qui ont voté Trump sont ceux qui ont perdu le plus grand nombre de personnes ces dernières années, morts de désespoir (alcool, drogue, suicide). […] Ceci explique que l’un des mots préférés de Trump est « injuste ». C’est le seul mot que le ressentiment veut entendre.
Extrait de Matthew Stewart, « La nouvelle aristocratie américaine », The Atlantic, juin 2018.

Cause commune n° 10 • mars/avril 2019

 

 

 

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8 août 2019 4 08 /08 /août /2019 17:15
Surexploitation des terres et climat: le Giec souligne un cercle vicieux
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Les scientifiques ont rendu jeudi 8 août un rapport sur l’usage des terres et la crise climatique. L’agriculture et l’élevage dégradent les sols et comptent pour un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Ces émissions augmentent la température moyenne qui à son tour dégrade les sols. Il est urgent d’agir, selon le Giec, notamment sur nos habitudes alimentaires.

Le mois de juillet a été le plus chaud jamais enregistré. 2018 figurait déjà parmi les années les plus chaudes. Une étude vient de montrer que près d’un quart de l’humanité était menacé par une pénurie d’eau. Le dernier rapport annuel de l’ONU, en juillet, établissait que pour la troisième année consécutive, la faim dans le monde avait progressé, touchant plus de 820 millions de personnes.

C’est dans ce contexte anxiogène que les 196 « parties » (195 États plus l’Union européenne) ont adopté, jeudi 8 août, le rapport spécial sur le climat et les terres du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Ce rapport spécial (à lire en intégralité ici) porte plus précisément « sur le changement climatique, la désertification, la dégradation des terres, la gestion durable des sols, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres ». 

Pas moins de 107 auteurs de 52 pays – plus de la moitié venant de pays en voie de développement, a souligné le Giec – ont examiné plus de 7 000 études scientifiques pour le rédiger. Un « résumé à l’attention des décideurs », négocié pied à pied pendant quelques jours à Genève, a été publié dans la foulée. 

Ce rapport fait suite au « Rapport 1.5 » publié en octobre dernier, qui faisait un état des lieux précis à la fois des efforts à faire pour contenir la hausse de la température globale sous 1,5 °C d'ici à 2050 et des risques encourus dans un monde plus chaud de 2 °C. Un autre rapport spécial, portant cette fois sur les océans, est prévu dans quelques mois.

 

Dans le résumé rendu public jeudi, les scientifiques du Giec documentent un cercle vicieux : plus les terres sont dégradées, moins elles participent à la lutte contre le dérèglement climatique, et plus la crise climatique s’exacerbe, et plus les terres sont dégradées. « Les changements climatiques peuvent exacerber les processus de dégradation des terres, notamment par l’augmentation de l’intensité des précipitations, les inondations, la fréquence et la gravité des sécheresses, le stress thermique, les périodes de sécheresse, le vent, la montée du niveau de la mer et l’action des vagues, le dégel du permafrost et la modulation des résultats par la gestion des terres », écrivent les scientifiques. 

« La stabilité de l’approvisionnement alimentaire devrait diminuer à mesure que l’ampleur et la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes qui perturbent les chaînes alimentaires augmentent. L’augmentation des niveaux de CO2 dans l’atmosphère peut également réduire la qualité nutritionnelle des cultures », ajoute le Giec.

Pour les experts, il est ainsi urgent d’agir, tant dans la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre que dans la restauration des sols. « Retarder les mesures d’atténuation du changement climatique et d’adaptation dans tous les secteurs aurait des effets de plus en plus négatifs sur les terres et réduirait les perspectives de développement durable », écrivent les scientifiques. 

Ceux-ci estiment par ailleurs qu’il est urgent de suivre les scénarios réduisant rapidement les émissions, car « le report des mesures prévues dans les scénarios d’émissions élevées pourrait avoir des répercussions irréversibles sur certains écosystèmes, ce qui, à plus long terme, pourrait entraîner d’importantes émissions supplémentaires de GES provenant des écosystèmes et accélérer le réchauffement planétaire ». 

Entre 2007 et 2016, les activités agricoles, forestières et autres activités liées à l'utilisation des terres ont représenté environ 13 % des émissions mondiales de CO2, 44 % des émissions de méthane (CH4) et 82 % des émissions de protoxyde d’azote (N2O) provenant des activités humaines, soit 23 % des émissions nettes totales de GES dues à l'homme. Ces deux derniers gaz sont respectivement 24 et 265 fois plus polluants que le dioxyde de carbone.

70 % des terres émergées et non recouvertes par les glaces sont utilisées directement par les hommes, selon le rapport. Lors de la conférence de presse de lancement du rapport, Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe I du Giec, a rappelé que le quart de ces terres était aujourd’hui dégradé. Par ailleurs, au niveau mondial, l’agriculture utilise 70 % de l’eau douce disponible. 

Le Giec insiste sur le fait que la température moyenne sur les surfaces émergées augmente plus rapidement que la température moyenne mondiale lorsque l’on prend les océans en compte. Surtout, il montre que les terres se dégradent cent fois plus vite qu’elles ne se réparent dans les zones labourées, et dix à vingt fois plus vite dans les champs non labourés.

Réagissant au rapport, Cécile Claveirole, pilote du réseau agriculture à France Nature Environnement, estime que « l’artificialisation des sols naturels, forestiers ou agricoles, impacte très fortement notre sécurité alimentaire, ainsi que la capacité des sols à retenir l’eau, à réguler l’humidité atmosphérique, à réduire les îlots de chaleur, à stocker du carbone, sans oublier que les sols recèlent une très grande biodiversité ».

Selon le Giec, l’Asie et l'Afrique devraient compter le plus grand nombre de personnes vulnérables à une désertification accrue. L'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, la Méditerranée, l'Afrique australe et l'Asie centrale pourraient être de plus en plus touchées par les feux de forêt. Les régions tropicales et subtropicales devraient être les plus vulnérables à la baisse des rendements agricoles.

Pierre-Marie Aubert, coordinateur de l’initiative Agriculture européenne de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), estime dans son analyse du rapport que les zones arides, qui occupent 46 % des terres émergées et abritent trois milliards de personnes, sont celles « dans lesquelles les effets attendus du changement climatique sont les plus négatifs, notamment en termes de rendements agricoles et d’occurrence des événements extrêmes ».

Mais les grands centres urbains ne seront pas épargnés. Le résumé à l’attention des décideurs note ainsi que « le réchauffement de la planète et l’urbanisation peuvent renforcer le réchauffement des villes et de leur environnement (effet d’îlot thermique), en particulier lors d’événements liés à la chaleur, y compris les vagues de chaleur. Les températures nocturnes sont plus affectées par cet effet que les températures diurnes. L’urbanisation accrue peut également intensifier les épisodes de précipitations extrêmes sur la ville ou sous le vent des zones urbaines ».

Agroécologie et régimes alimentaires

Le rapport ne se contente pas de dresser un tableau, il propose également des orientations pour éviter le pire. Il s’agirait en premier lieu de changer radicalement nos modes de production de nourriture. Pour Laurence Tubiana, directrice générale de la Fondation européenne pour le climat et coprésidente de la Convention citoyenne pour la transition écologique, « ce rapport du Giec doit permettre à nos décideurs politiques de comprendre l’urgence à réformer notre système de production agricole pour assurer la sécurité alimentaire des années à venir ».

« Les États doivent investir davantage dans l’agriculture familiale, en particulier en faveur des femmes agricultrices, qui souffrent le plus de la faim et sont les grandes laissées-pour-compte des politiques agricoles », réagit pour sa part Nicolas Vercken, de l’ONG Oxfam. 

Sarah Lickel, chargée de plaidoyer droit à l’alimentation au Secours catholique-Caritas France, estime que le rapport définit « l’usage soutenable des terres comme nécessitant de transformer notre agriculture pour aller vers l’agroécologie, l’agroforesterie, l’agriculture biologique et les solutions fondées sur la nature (protection des écosystèmes forestiers primaires) »

« Les pratiques agroécologiques minimisent l’usage d’intrants externes et restaurent la santé des sols en misant sur les complémentarités agro-sylvo-pastorales à l’échelle de la parcelle cultivée : elles remplacent l’usage des pesticides par le contrôle biologique et substituent des légumineuses aux engrais azotés ; elles recourent à l’agroforesterie afin de minimiser le recours à l’irrigation en renforçant la capacité des sols à absorber l’eau de pluie. Elles sont la science agronomique de ce siècle », insiste pour sa part Olivier De Schutter, coprésident du Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food).

En clair, il faudrait mettre fin le plus rapidement possible à l’agrobusiness au niveau mondial pour espérer agir à temps. D’autant que le Giec montre que certaines solutions mettront plusieurs dizaines d’années avant de produire leurs effets.

Il s’agirait également de réduire le gaspillage alimentaire, alors que 25 % des produits alimentaires fabriqués sont perdus. Il faudrait ensuite changer notre régime alimentaire, en particulier en mangeant moins de viande. 

Certes, James Skea, coprésident du groupe III du GIEC, a affirmé lors de la conférence de presse jeudi que « le Giec ne recommande pas les régimes alimentaires des gens ». « Ce que nous avons souligné sur la base des preuves scientifiques, c’est qu’il y a certains régimes alimentaires qui ont une empreinte carbone plus faible », a-t-il ajouté. « Il y a des solutions entre les mains des agriculteurs. Mais il y a aussi des solutions entre les mains de chacun d’entre nous, quand nous achetons de la nourriture, et ne gaspillons pas la nourriture », a déclaré Valérie Masson-Delmotte jeudi matin.

Le Giec estime dans le résumé à l’attention des dirigeants que « les régimes alimentaires équilibrés, qui comprennent des aliments d’origine végétale, comme ceux à base de céréales secondaires, de légumineuses, de fruits et légumes, de noix et de graines, et des aliments d’origine animale produits dans des systèmes résilients, durables et à faibles émissions de GES, offrent d’importantes possibilités d’adaptation et d’atténuation tout en produisant d’importants avantages secondaires en termes de santé humaine ».

Mais un autre cercle vicieux menace : si la course à la baisse de nos émissions pour préserver notamment notre sécurité alimentaire vient à passer par le développement à grande échelle de la bioénergie, cela aurait un impact sur l’utilisation des terres, exacerbant les conflits d’usage. 

« S’il est appliqué à l’échelle nécessaire pour éliminer le CO2 de l’atmosphère, le boisement, le reboisement et l’utilisation des terres pour fournir des matières premières pour la bioénergie avec ou sans capture et stockage du carbone, ou pour le biochar [sorte d’engrais obtenu par pyrolyse de biomasse – ndlr], pourraient considérablement accroître la demande de conversion des terres », écrivent les scientifiques.

Plus loin, ils soulignent : « L’utilisation de résidus et de déchets organiques comme matière première pour la bioénergie peut atténuer les pressions de changement d’utilisation des terres associées au déploiement de la bioénergie, mais les résidus sont limités et l’élimination des résidus qui seraient autrement laissés sur le sol pourrait entraîner leur dégradation. »

Pierre-Marie Aubert, de l'IDDRI, rappelle dans son analyse du rapport que trois des quatre scénarios « archétypaux » proposés par le Giec dans son précédent rapport spécial reposaient sur un développement poussé des bioénergies, sur de la reforestation à grande échelle, ainsi que sur des projets de « bioenergy carbon capture and storage » (BECCS) – nom de code pour désigner des projets technologiques actuellement non matures consistant à boiser de vastes espaces avec des essences forestières à croissance rapide, afin d’en exploiter la biomasse, de la brûler pour produire de l’énergie et de capter le CO2 émis au moment de la combustion pour le cristalliser sous forme stable. 

Mais pour cet expert, « le deuxième enseignement majeur du rapport est d’alerter sur le fait que faire reposer la décarbonation de l’économie sur ces changements d’usage des terres à grandes échelles est incompatible avec l’atteinte d’une grande partie des objectifs de développement durable (ODD) tels qu’adoptés à New York en 2015 ».

 

« L’accent est notamment mis sur la pression sur l’espace qui serait induite par de tels changements d’usages des terres, poursuit-il. Une telle pression aurait des conséquences sociales importantes, en particulier en termes d’accès au foncier, ainsi qu’environnementales, comme par exemple les risques liés à une intensification dramatique des pratiques agricoles et donc à un recours accru aux pesticides et fertilisants de synthèse, polluant en retour terres, air et atmosphère. »

Réagissant au rapport, la ministre française de la transition écologique, Élisabeth Borne, a écrit sur Twitter : « Lutte contre l’artificialisation des sols, développement de l’agroécologie, meilleure gestion de l’eau : il n’est pas trop tard pour agir, et c’est ce que nous continuerons à porter avec détermination. Nous aurons besoin de la mobilisation de tous pour changer la donne. »

La ministre oublie un peu vite l’autorisation donnée à Total d’importer de l’huile de palme pour son usine de La Mède, la ratification de l’accord UE-Canada (Ceta), la conclusion des négociations pour un accord UE-Mercosur (dont le Brésil de Jair Bolsonaro), l’autorisation de nouvelles fermes-usines en Bretagne, ou encore l’autorisation de nouvelles recherches minières dans la forêt amazonienne en Guyane. 

 

Surexploitation des terres et climat: le Giec souligne un cercle vicieux (Médiapart, Christophe Gueugneau, 8 août 2019)
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8 août 2019 4 08 /08 /août /2019 06:51
Israël. Grève de la faim contre la détention administrative
Mercredi, 7 Août, 2019

Des dizaines de détenus palestiniens refusent de se nourrir, en soutien à neuf de leurs camarades.

 

Les principales revendications des grévistes sont la libération des neuf détenus, ainsi que la fin du recours à la détention administrative qui viole le droit international. Le gouvernement israélien s’en sert pour détenir arbitrairement les Palestiniens, sans chef d’inculpation ni procès. Ces périodes de détention de six mois peuvent être prolongées indéfiniment et sans motif, dans l’opacité la plus totale. Le dossier n’est communiqué ni au détenu ni à ses défenseurs. Parmi 5 500 prisonniers politiques palestiniens, 500 sont en détention administrative. Ils sont dénués de leurs droits les plus fondamentaux – du droit à un procès équitable au droit de visite –, aussi la grève de la faim est le moyen ultime de protestation face à un pouvoir qui refuse toute discussion. Dans l’espoir de briser le mouvement, des unités spéciales sont intervenues dans la prison d’Ofer, dimanche 4 août. Selon le Club des prisonniers palestiniens (PPC), elles ont non seulement transféré cinq détenus dans une autre prison, mais aussi placé une quinzaine d’autres à l’isolement.

Ces derniers jours, 40 détenus palestiniens ont entamé une grève de la faim, en soutien à neuf de leurs camarades en détention administrative. Les détenus de la prison du Néguev ont été rejoints par ceux de la prison d’Ofer, colonie située près de Ramallah (Cisjordanie). Parmi les grévistes en détention administrative, Huthaifa Halabiya, Mustafa Hassanat et Mohammed Abu Akker ne se sont pas alimentés depuis un mois. L’association pour les prisonniers politiques palestiniens, Addameer, révèle qu’un de leurs avocats a pu rendre visite à ces trois détenus le 29 juillet. Le juriste a constaté que ces derniers souffraient « d’épuisement, de douleurs articulaires et de migraines ». Malgré tout, ils ont réaffirmé leur volonté de continuer leur combat.

Irina Lafitte
Israël. Grève de la faim de prisonniers palestiens contre la détention administrative qui touche 500 d'entre eux(Irina Laffite, L'Humanité, 7 août 2019)
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