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Le puissant mouvement qui perdure en Israël contre la refonte judiciaire soulève deux questions fondamentales liées entre elles : la démocratie et l’enjeu de la coexistence de deux États – Israël et la Palestine - vivant côte à côte et en paix. Deux questions restant taboues dans la plupart des chancelleries notamment aux États-Unis et en Europe, soutiens inconditionnels des différents gouvernements israéliens malgré leurs violations constantes des résolutions des Nations Unis.
Deux tiers des Israéliens demandent le retrait du projet de loi permettant la transformation de leur système judiciaire et par voie de conséquence du régime politique de leur pays contre les principes proclamés dans la Déclaration d’établissement de l’État d’Israël, couramment appelée Déclaration d’indépendance. Certes, ceux-ci sont souvent restés théoriques, mais le fait qu’ils se réfèrent à des règles d’État de droit, de séparation des pouvoirs, tout en garantissant la liberté de conscience constitue un point d’appui pour que les citoyens, les associations puissent se défendre.
On sait que ceux qui clament que l’État israélien est la plus grande démocratie du Proche-Orient cachent les violations permanentes de ces principes comme notamment l’engagement d’assurer « une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ». Ceux-ci pouvaient cependant constituer une garantie – certes fragile -, un levier, une base juridique permettant aux citoyens, aux associations, aux mouvements démocratiques y compris de la minorité palestinienne d’Israël de saisir la Cour suprême – seule instance de référence ultime en l’absence de Constitution - lorsqu’ils considéraient que des droits fondamentaux étaient bafoués.
C’est cela que la coalition ultra-réactionnaire d’extrême droite composée de religieux intégristes, d’adepte du suprémacisme juif veut rayer d’un trait de plume. Elle veut s’assurer un total contrôle de la Cour suprême. Les décisions de celle-ci ne pouvaient jusque-là faire l’objet d’appel. Elle pouvait contester une décision du pouvoir exécutif au nom d’une « clause de raisonnabilité ». La réforme en cours prévoit de supprimer ce dispositif qui donnait le droit à la Cour de rejeter une loi, un décret jugé… « Déraisonnable ».
Cependant, ne le cachons pas ! Tout en étant un atout pour des associations de défense des libertés, maintes décisions de cette instance suprême n’ont pas constitué un barrage contre l’occupation militaire, les persécutions contre les Palestiniens et les discriminations envers les Palestiniens israéliens. Ainsi, alors même que cette réforme n’est pas encore applicable – la Cour suprême doit en décider à partir du 12 septembre- on recense, depuis le début de cette année, la construction en Cisjordanie occupée de 13 000 logements supplémentaires dans les colonies, sans compter les dizaines d’ « avant-postes illégaux » * (terme officiel pour des projets d’installation « sauvage » de nouvelles colonies) régulièrement « légalisés » depuis le début cette année. Mais cela ne suffit pas pour la coalition ultra-droitière et raciste au pouvoir. Ils veulent accélérer le projet du « Grand Israël » en empêchant définitivement la création d’un État de Palestine. C’est du reste ce que stipule leur accord de gouvernement : « Le peuple juif a droit exclusif et inaliénable sur la terre d’Israël ; le gouvernement développera l’implantation partout, y compris en Judée-Samarie ». (autrement dit en Cisjordanie). C’est le projet en cours d’installations de 500 000 à 1 million de colons sur le sol de Palestine tout en parquant les habitants palestiniens dans des sortes de bantoustans sans droits, à défaut de pouvoir les faire fuir.
La volonté du gouvernement de s’accaparer les pleins pouvoirs en réduisant à néant le rôle de la cour suprême, après les lois sur « l’État-nation » devient donc bien le moyen politique et juridique de l’annexion définitive de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, tandis que la bande de Gaza reste une prison à ciel ouvert.
Le processus ne date pas d’hier. Depuis la conquête de ces terres palestiniennes en 1967, tous les gouvernements, ceux classés à gauche comme ceux de droite ont développé une même stratégie de colonisation devant aboutir, peu ou prou, à une annexion. Le pouvoir actuel est tout à la fois une résultante de cette politique et de sa mise au grand jour, sans fard et faux semblants, sans actions concrètes des États-Unis et de l’Union européenne pour l’empêcher.
Cette transformation juridique allie d’un même mouvement l’étranglement des libertés pour les citoyens Israéliens eux-mêmes, des dispositions sexistes et homophobes, et le renforcement de l’occupation militaire et la colonisation. Rien ne dit qu’un tel État théocratique et ethniciste prônant « la préférence nationale » ne conditionnerait pas l’attribution de la citoyenneté israélienne aux Juifs selon un certain nombre de critères de reconnaissance de la judéité déterminée par les clans religieux les plus puissants. Les populations israéliennes ont donc raison d’être inquiètes et d’agir. Elles se trouvent dans une contradiction que notre solidarité de combat devrait aider à dépasser.
La coalition portée au pouvoir lors de scrutin de l’an dernier n’était sans doute pas ce que souhaitaient nombre d’électeurs : chacun a voté pour son clan en dépit de ses capacités à gouverner. Nombre de citoyens Israéliens ne s’attendaient sans doute pas à la naissance d’un monstre hybride jailli des laboratoires des droites dont B Netanyahou échappant aux poursuites judiciaires est devenu la tête incontestée sous peine d’éclatement de l’ensemble. C’est en effet, un vote au scrutin proportionnel intégral à un seul tour qui a permis cette majorité fascisante à la Knesset. De fait, dans de multiples secteurs de la société israélienne, l’inquiétude grandit sur l’avenir de la nation née, il y a seulement 75 ans.
Cela complique la construction d’un rapport de force dans la rue alors que les puissances occidentales si promptes à se gargariser du respect de la Charte des Nations-Unies laissent faire. Et le pouvoir israélien profite de ce moment critique où les yeux sont tournés vers la guerre en Ukraine. Voilà qui oblige plus que jamais à notre solidarité envers un peuple miné par les inégalités, une classe ouvrière qui paie un lourd tribut du fait des dépenses pour la colonisation. Le mouvement est si profond que plus de 10 000 réservistes dont des officiers de haut rang ont décidé de ne plus servir le pouvoir, des responsables des services de sécurité protestent dans la presse, des secteurs du patronat contestent la réforme en cours, le syndicat Histadrout menace d’une grève générale. Ce puissant mouvement peut créer des conditions nouvelles pour un bilan de l’histoire et des remises en cause au sein de la société israélienne, et une revitalisation des forces de gauche parmi lesquelles il faut saluer le combat courageux de nos amis du Parti communiste israélien.
À une essentielle condition : le retour d’Israël dans ses frontières d’avant la guerre de juin 1967. Des personnalités de premier plan, notamment dans l’armée prennent conscience que les choix politiques consistant à bafouer les décisions de l’ONU ouvrant la voie à l’existence de deux États sont non seulement une impasse, mais une menace pour l’existence même d’Israël. Un ancien général de l’armée israélienne, M. Amiran Levin après avoir qualifié l’armée israélienne de « partenaire de crime de guerre » « lorsqu’elle assiste sans rien faire aux attaques de colons israéliens contre des Palestiniens a lancé cette alerte. "Nous sommes en train de nous tuer de l’intérieur", s’est-il exclamé sur la chaîne de télévision publique Kan.
Dans les manifestations en Israël, des pancartes portent le slogan ". Non au fascisme" mais aussi de moins en moins rarement "pas de démocratie avec l’occupation". Il est vrai qu’un "peuple qui en opprime un autre ne peut pas être libre" .
Les Palestiniennes et Palestiniens subissent actuellement, une accélération de la dégradation de leur situation, un renforcement de l’occupation découlant de la stratégie engagée par le gouvernement d’ultradroite raciste sous la baguette de M. Netanyahou.
Malgré la dureté de la vie imposée aux enfants, aux femmes, aux travailleurs en Cisjordanie, avec courage et détermination le peuple palestinien refuse de plier. Les actions de résistance se multiplient. Les Palestiniennes et Palestiniens sont dans leur droit. Ceux que l’on appelle en Israël »les résidents d’avant-postes« , »c’est-à-dire les colons qui volent des terres pour élargir les colonies ou en implanter de nouvelles ont accentué les violences ces derniers mois avec 600 attaques contre des Palestiniens et leurs biens***. L’armée n’a pas contesté ce chiffre. Le pogrom perpétré par des colons dans la ville de Huwara en février dernier sans que l’armée n’y mette fin, l’équipée sauvage, officiellement initiée, de plus de mille militaires dans le camp de réfugiés de Jénine début juillet, avec des bulldozers rasant des habitations, des drones tueurs, et même un tir de missile tuant douze personnes et blessant 118 autres, sont des éléments d’une escalade dans la violence. La « vengeance » proclamée par M. Ben Gvir, le « ministre de la sécurité nationale » est le prétexte pour aboutir à une guerre totale destinée à écraser un peuple qui ne se laissera pas faire. Il luttera jusqu’au bout pour disposer de sa terre et de son État.
Nous sommes à ses côtés pour l’application du droit international : deux États dans les frontières de 1967, démantèlement des colonies Israéliennes, libération du territoire de Gaza, fin du système d’apartheid, libération de tous les prisonniers politiques dont Marwan Barghouti est la figure de proue. Le peuple Palestinien a urgemment besoin de bénéficier d’un mécanisme de protection internationale sous l’égide de l’ONU.
Notre solidarité pour le droit et les libertés en Israël et pour ouvrir la voie à la création de l’État de Palestine dans les frontières de 1967 doit considérablement se renforcer. Il n’y aura pas de liberté et de mieux vivre, en Israël tant que ce pays oppressera, spoliera, occupera La Palestine.
Venue des quatre coins de France, une délégation de maires, de responsables associatifs et de syndicalistes s’est rendue, fin juin, en Cisjordanie occupée à l’invitation de l’Association de jumelage des camps de réfugiés palestiniens avec les villes françaises.
Cisjordanie occupée, envoyée spéciale.
Se rendre en Palestine n’est jamais anodin. Y aller dans le cadre d’une délégation de l’Association pour le jumelage des camps de réfugiés palestiniens avec les villes françaises (AJPF) l’est sans doute encore moins.
Fin juin, une petite quarantaine d’élus, de responsables d’associations et d’organisations syndicales, venus des quatre coins de France, ont fait le voyage, à l’invitation de l’association créée en 1999 par le militant communiste Fernand Tuil et le Palestinien Ahmed Muhaisen, aujourd’hui disparus.
Si les deux tiers d’entre eux n’avaient jamais mis les pieds en Palestine occupée, tous y sont allés avec un objectif : faire vivre la solidarité concrètement et sur le terrain, porter haut les revendications de la reconnaissance d’un État palestinien et du droit au retour des réfugiés.
« J’imaginais que ce serait comme un voyage initiatique, et ça l’a été », confie Stéphane Buisine, conseiller municipal à Limay, jumelée depuis plus de vingt ans avec le camp de réfugiés de Shuafat. Avec Djamel Nedjar, maire communiste de cette ville des Yvelines, ils ont profité de leur passage en Palestine pour rencontrer le responsable du comité de résistance populaire de Shuafat.
Une séance de travail au cours de laquelle « on a beaucoup travaillé sur la question des déchets, de l’éducation et de l’intégration des femmes », détaille Stéphane Buisine. Pas de jumelage encore mais un premier voyage aussi, pour Carole Thomas. Élue à la solidarité à la mairie d’Alba-la-Romaine (Ardèche), elle mesure désormais « la réalité d’un système colonial, la toute-puissance de l’État israélien qui grignote le territoire palestinien ».
Si embarquer la population de sa ville dans un grand projet de coopération décentralisée lui semble pour l’instant prématuré, Carole Thomas assure que d’autres passerelles existent pour créer des liens de solidarité. Construire des projets d’échanges autour de l’archéologie en fait partie.
Lui aussi du voyage, Samy Charifi Alaoui a troqué, le temps d’une petite semaine, sa casquette de cheminot contre une bonne paire de baskets. Secrétaire général du secteur fédéral de la CGT cheminots de la région Paris-Est, il est « venu dans l’idée de (s)’engager dans une coopération avec un camp de réfugiés ». Mais les jours passant, les rencontres se faisant, les choses ne se sont pas passées comme prévu.
« À Masafer Yatta, quand je me suis assis dans cette petite école menacée de destruction, j’ai tout de suite eu la conviction très forte que c’était là que notre engagement serait utile », confie le syndicaliste. Dans cette zone semi-désertique du sud de la Cisjordanie, les populations de tradition bédouine subissent quotidiennement les assauts de la colonisation. Il lui fallait acter un engagement concret.
Et c’est sous la forme d’une prise en charge financière du salaire d’une dizaine d’animateurs qu’il s’est concrétisé. « Les gamins du coin étaient même privés de leur camp d’été. On a fait en sorte qu’il puisse avoir lieu », sourit Samy.
Dans le camp de réfugiés de Nur Shams, dans le gouvernorat de Tulkarem, c’est une tout autre ambiance qui attendait les élus de la petite ville armoricaine de Rostrenen. Hymnes nationaux, spectacle de danse traditionnelle, la signature officielle de l’accord de coopération s’est faite en grande pompe.
Un brin impressionné, Guillaume Robic explique que « la grandeur de la cérémonie est à la hauteur de l’espoir que suscite ce genre d’accord ». Le maire de Rostrenen n’en était pas à sa première visite en Palestine. Sur place, il a constaté l’aggravation des tensions. « Il y a ici un véritable apartheid, un colonialisme territorial doublé d’un impérialisme culturel qui laissent un sentiment très fort de colère et d’indignation. »
Yveline Le Briand ne le contredira pas. Première adjointe à la mairie de Grigny (Essonne), elle est venue officialiser une démarche de jumelage, entamée un an plus tôt par Philippe Rio, le maire communiste de sa ville, avec le camp de réfugiés d’Aïda, au nord de Bethléem. Sensibilisée à la cause palestinienne, Yveline concède que ce voyage a eu sur elle l’effet d’un électrochoc. « Savoir est une chose, mais le vivre, être témoin de ce traitement réservé aux Palestiniens dans le silence ahurissant de la communauté internationale, dépasse l’entendement », confie l’élue.
La montée en tension de la situation sur place, constatée par toutes celles et tous ceux qui connaissaient le terrain, va de pair avec l’extrême-droitisation du pouvoir israélien, explique Isabelle Tordjman-Tuil.
Elle qui vient « depuis trente ans en Palestine » a vu « la colonisation s’intensifier ». « Les populations palestinienne et israélienne sont de plus en plus isolées les unes des autres », déplore la militante. Avant de conclure, sans jamais se lasser, que « la paix se fera par les peuples ».
La maire communiste de Mitry-Mory, en Seine-et-Marne, a pris la présidence de l’Association pour le jumelage entre les camps de réfugiés palestiniens et les villes françaises (AJPF) en janvier dernier. Elle s'est rendue avec une délégation d'élus fin juin en Palestine
La maire communiste de Mitry-Mory, en Seine-et-Marne, a pris la présidence de l’Association pour le jumelage entre les camps de réfugiés palestiniens et les villes françaises (AJPF) en janvier. Charlotte Blandiot-Faride revient sur l’engagement de l’association auprès du peuple palestinien et interpelle directement le gouvernement français sur la situation.
Il n’y a pas meilleure façon de se rendre compte de la situation que d’y aller. Constater ce que subissent chaque jour les Palestiniens, ce que perpètrent une armée et un gouvernement colonial. L’AJPF s’est constituée, en complémentarité de beaucoup d’autres associations qui luttent pour les droits du peuple palestinien, avec une certitude : les liens tissés entre les peuples peuvent faire gagner la paix.
Alors que la question palestinienne a été reléguée au second rang des priorités internationales, que les médias dominants parlent peu et mal de ce conflit, envoyer sur place des élus de la République – mais pas que – permet de constater l’oppression, le mépris, la haine même qui s’abattent sur ce peuple dans le silence assourdissant de la communauté internationale, qui condamne, certes, de temps en temps, les actes du gouvernement et de l’armée israélienne, mais sans jamais prononcer de sanctions.
Pourtant, on l’a vu avec la guerre en Ukraine, elle a les moyens d’agir. En parallèle, lors de ces délégations, l’AJPF s’oblige à travailler avec un panel de partenaires locaux, responsables politiques palestiniens ou personnalités issues de la société civile – y compris israélienne. L’AJPF ne cherche pas à imposer un récit mais à opposer le réel aux préjugés.
Le but de notre association est avant tout de créer des réseaux, des liens privilégiés avec les camps de réfugiés palestiniens. Il appartient ensuite à chacun de développer des projets en fonction des besoins, des affinités, des capacités d’investissement. Ce lien de jumelage est d’abord politique. Nous militons pour la reconnaissance de l’État de Palestine et du droit au retour des réfugiés. Mais pas seulement.
Le jumelage ou la coopération décentralisée permettent également des échanges culturels, sportifs ou de solidarité. Soutien scolaire, formation d’animateurs socioculturels, financement de centres de santé, projets d’assainissement ou de traitement des déchets, accueil en vacances de jeunes Palestiniens… le panel d’actions possibles est large.
C’est grâce à cela que, par exemple, des jeunes Palestiniens du camp de Balata (dans les environs de Naplouse, au cœur de la Cisjordanie occupée – NDLR), ont pu, en se rendant à Mauléon (Deux-Sèvres), voir la mer pour la première fois.
Je suis allée en Palestine pour la première fois il y a dix ans, et j’y suis retournée quatre fois depuis. À tous les niveaux, la situation s’est largement durcie et profondément dégradée, y compris ces derniers mois. Depuis janvier, le nombre d’incursions israéliennes dans les camps et les villages palestiniens a explosé, avec plus de 200 Palestiniens tués en quelques mois à peine.
Il est particulièrement frappant de constater à quel point les colons agissent violemment, encore plus que l’armée parfois. Ils détruisent des maisons, incendient des terres agricoles et des véhicules, assassinent en toute impunité.
En face, le peuple palestinien fait preuve d’une immense résilience, mais, coupé géographiquement de ses voisins et ignoré de la communauté internationale, il ressent aussi une profonde lassitude, un véritable sentiment d’isolement.
Notre premier devoir est de rendre compte, clairement, de ce que nous avons constaté et vécu sur place. Il est évident qu’à chaque fois que la communauté internationale réagit sur la situation des Palestiniens, la réponse n’est pas à la hauteur du préjudice subi. L’ONU a reconnu à plusieurs reprises que l’État d’Israël bafouait le droit international.
Dans certaines villes palestiniennes, comme Hébron, les soldats, armés jusqu’aux dents, qui ont contrôlé plusieurs fois l’identité des membres de notre délégation et retenu pendant des heures nos accompagnateurs palestiniens sans raison, étaient franco-israéliens. C’est-à-dire que, là-bas, certains de nos compatriotes se sentent tout-puissants.
L’avocat Michael Sfard explique les buts recherchés par la coalition gouvernementale avec ce qu’il appelle une « révolution judiciaire ». Pour lui, celle-ci est totalement liée aux territoires occupés en Cisjordanie. Il relève que les Palestiniens subiront durement cette réforme.
Tel-Aviv (Israël), envoyé spécial.
Avec le Mur et la Porte (Zulma, 2020), l’avocat israélien Michael Sfard nous plongeait dans cinquante ans de lutte juridique pour le respect des droits des Palestiniens dans les territoires occupés.
Il chroniquait le combat mené par les avocats et les organisations humanitaires devant la Cour suprême d’Israël. Aujourd’hui, il intervient régulièrement pour s’opposer à la réforme judiciaire voulue par Benyamin Netanyahou et sa coalition d’extrême droite, réforme qu’il lie à l’occupation.
Plusieurs lois pourraient changer le système constitutionnel israélien. Pour l’instant, ils en ont voté une. Mais c’est seulement la première d’une longue série. Que veulent-ils réformer en réalité ? C’est très simple. Le pouvoir. Ils veulent consolider tout le pouvoir du gouvernement et de l’exécutif et, pour cela, abolir n’importe quel type de contrôle qui les empêcherait de faire ce qu’ils veulent.
Il faut noter que les partis qui composent la coalition ont des intérêts différents. Netanyahou lui-même veut être en mesure de sortir du procès en cours mené contre lui, en contrôlant les poursuites. Ceux du Likoud, son parti, entendent pouvoir engager des amis, des membres de leurs familles, des proches, des adhérents de leur cercle politique et de les placer à toutes sortes de postes dans l’administration. C’est quelque chose qu’il n’est pas possible de faire librement si l’autorité judiciaire a son mot à dire sur de telles nominations.
Ensuite, il y a les ultraorthodoxes, qui se battent depuis des décennies pour obtenir une exemption définitive du service militaire et d’autres lois qui iraient dans leur sens sans que la Haute Cour de justice puisse s’y opposer.
Enfin, il y a les colons. Ils sont probablement la partie la plus importante de la coalition actuelle, son élément le plus radical. Le courant dominant parmi les colons est maintenant au pouvoir. Dans le passé, le mouvement des colons était conservateur.
Il croyait à des changements graduels qui n’allaient pas trop faire gîter le bateau. La nouvelle génération de colons, représentée par Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir (respectivement ministre des Finances et ministre de la Sécurité nationale – NDLR), n’est pas conservatrice. Elle veut tout, maintenant.
Et le système judiciaire israélien, même s’il est collaborateur de l’entreprise coloniale, fournit néanmoins des règles permettant de ralentir l’accaparement de terres et la construction des colonies. Et l’intérêt des colons dans cette révolution judiciaire est d’assurer que les cours de justice et les conseillers juridiques des ministères ne ralentissent pas ce processus.
Il est assez étonnant, en effet, de voir que le débat public se concentre sur la façon dont l’annonce de l’annulation de la doctrine de la « raisonnabilité » (qui permet à la Cour suprême de juger du caractère « raisonnable » d’une loi – NDLR) affecte les Israéliens et leurs droits. Le mouvement de protestation est le fait d’Israéliens qui sont allés dans les rues pour défendre leurs propres droits, pas pour défendre les droits des autres.
C’est très triste de le constater, mais c’est quelque chose qui est vrai pour tout collectif, pas seulement pour les Israéliens. Il n’est pas étonnant que, parmi ces Israéliens, les points de vue sur le conflit israélo-palestinien diffèrent.
Je pense que cette révolution judiciaire et le danger de création d’une dictature en Israël sont un génie sorti d’une bouteille sur laquelle on peut lire « made in occupation ». Si nous ne tenons pas compte de l’occupation et si nous ne luttons pas pour en finir avec elle, Israël ne sera jamais une démocratie. Nous n’avons jamais eu la démocratie et Israël ne sera jamais une démocratie dans ces conditions.
Il n’y a pas de démocratie qui contrôle les vies de millions de gens pendant des générations avec des populations qui n’ont pas de droits civils et politiques ni de représentation au gouvernement. L’un des défis du bloc antioccupation à l’intérieur du mouvement de protestation est de relier tous les points soulevés et de convaincre les Israéliens qui sont contre cette « révolution » menée par la coalition au pouvoir et résistent que tout est connecté à l’occupation.
Un autre secteur existe, en effet. Il englobe des millions de personnes qui ne sont pas israéliennes. Elles n’ont pas de droits politiques et civils du tout. Elles n’ont pas d’outils à leur disposition comme les Israéliens pour combattre n’importe quel type de violation de leurs droits. Ces millions de personnes sont les Palestiniens qui vivent dans les territoires occupés, principalement en Cisjordanie. Et l’unique chose qui pourrait les protéger d’une violation arbitraire de leurs droits, c’est l’examen judiciaire.
Porto Empedocle près d'Agrigente au sud de la Sicile: Sea Watch et Océan Viking bloqués administrativement au port - août 2020
Le Ouest-France du 14 août 2023 l'annonce dans ses pages internationales et son article en Une:
Tristes records que l'on bat avec une régularité confondante dans une quasi indifférence générale d'année en année.
Samedi, l'Organisation internationale pour les migrations de l'ONU a recensé au moins 2060 morts en mer, rien qu'en Méditerranée, depuis le début de l'année. Le macabre "bilan" de 2022 est déjà dépassé en août en 2023.
Et encore, il est certain que de nombreuses noyades collectives, disparitions en mer, ne sont pas connues. Parfois, les passeurs ou bien les policiers (dans certains États d'Afrique du Nord, en Turquie, en Grèce), sont complices de ces noyades qui sont carrément provoquées.
Des milliers d'autres migrants sont renvoyés à la mort dans le désert, sans eau, sans nourriture.
Les États européens aussi ont une responsabilité écrasante en sous-traitant la politique de lutte contre l'immigration irrégulière en connaissance de cause à des pays non démocratiques où le respect des droits de l'homme n'est pas une priorité des régimes en place et qui sont de toute façon en difficulté pour gérer l'arrivée des exilé.e.s et réfugié.e.s pour des raisons économiques. Et la responsabilité principale des États européens dont le nôtre est d'abord de ne pas suffisamment ouvrir de voies d'immigration légales et sécurisées, notamment pour rendre effectif le droit d'asile. De ne pas reconnaître de droit au déplacement et à la mobilité alors même que nos ressortissants, eux, voyagent, s'installent à l'étranger, y travaillent.
Des États européens qui peuvent aussi comme l'Italie bloquer temporairement l'activité des bateaux de sauvetage en mer comme l'Océan Viking de SOS Méditerranée, qui a sauvé 623 personnes ces derniers jours, dont de nombreux réfugiés fuyant les conflits et les crises humanitaires, venus du Soudan, de Guinée, du Burkina Faso, de Côte d'Ivoire...
Des États européens qui se livrent à un concours Lépine de la politique la plus répressive en matière de lutte contre l'immigration et de restriction des droits des réfugiés, comme le Royaume-Uni qui envoie des demandeurs d'asile au Rwanda, ou l'expérimentation de barge en mer pour réfugiés qui ressemblent à des prisons flottantes.
Samedi 12 août, c'est dans la Manche entre la France et l'Angleterre qu'un bateau a fait naufrage, avec 65 exilé.e.s à son bord. 6 afghans ont perdu la vie. Depuis le verrouillage du port de Calais et du terminal Eurotunnel en 2018, plus de 100 000 migrants auraient traversé, au péril de leur vie, la Manche à bord de petites embarcations selon des estimations britanniques.
Ce qui fait naufrage depuis des années, ce sont bien sûr des femmes, des hommes, et des enfants, par dizaines de milliers, sur des radeaux de la Meduse que l'on abandonne à leur sort, mais ce sont aussi les prétentions à l'humanisme et à la défense des droits de l'homme de l'Europe dont la politique vis-à-vis des exilé.e.s est, il faut le dire sans détour, criminelle.
A l’occasion des commémorations des bombardements de Hiroshima et Nagasaki, et alors que la guerre en Ukraine est à nos portes,16 maires du réseau AFCDRP-Maires pour la Paix, ont signé une tribune conjointe réitérant leur volonté d’agir pour protéger leur population face aux risques posés par les armes nucléaires
Nous, Maires, avons une responsabilité directe auprès de nos populations. Notre rôle est d’agir pour les aider à vivre dans une sécurité publique, économique, sanitaire, comme culturelle. Face aux menaces planétaires nous agissons aussi. Nous avons su enclencher des prises de consciences et des politiques publiques novatrices pour engager le combat contre le dérèglement climatique. Devant le risque d’emploi d’arme nucléaire, plus grand que jamais en grande partie à cause de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, nous ne devons pas non plus échapper à notre devoir de protéger nos habitants de ce fléau.
Soixante dix huit années ont passé depuis les destructions d’Hiroshima puis de Nagasaki les 6 et 9 août 1945. Seulement deux bombes atomiques, d’une puissance très relative à comparer avec les armes existantes en 2023, ont réduit à néant ces villes, engendrant la mort en quelques instants, jours, puis semaines de 220 000 personnes. Nous nous inscrivons dans les mots prononcés, il y a tout juste une année à Hiroshima, par António Guterres, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies : « l’humanité joue avec un pistolet chargé. Nous sommes à une erreur, à un malentendu, à un mauvais calcul de l’Armageddon. Les dirigeants doivent cesser de frapper à la porte du Jugement dernier et retirer définitivement l’option nucléaire de la table ».
Jusqu’à présent le tabou de l’emploi d’une arme nucléaire en temps de guerre résiste. Par contre, le chantage à la menace d’emploi de cette arme de destruction massive lui est tombé, depuis la poursuite de l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022.
Vivre l’impensable est le quotidien d’un maire. Nous avons tous vécu des situations heureuses ou dramatiques inattendues, nous obligeant à agir dans la minute ; sans préparation. Ici, dans le cas d’une détonation nucléaire, ou que cela soit sur la planète, agir après pour répondre à l’urgence humanitaire serait très probablement vain. C’est la conclusion du Comité international de la Croix-Rouge, car il n’existe pas assez de moyens matériels et humains pour pouvoir porter secours. L’action doit donc se situer dans la prévention d’un tel acte.
Sans catastrophisme et avec lucidité, nous avons conscience que remettre le génie nucléaire dans sa bouteille est un processus extrêmement complexe, emprunt de difficulté et qui au final n’est pas directement de notre ressort. Mais, nous observons que c’est par l’action et la mobilisation des consciences, que nous pouvons venir à bout des menaces qui pèsent directement sur nos villes. C’est comme cela que nous travaillons pour rendre nos villes plus résilientes tant face au dérèglement climatique que face à une épidémie ou des problèmes sociaux.
Nous avons décidé d’exprimer notre inquiétude sur cette réalité qui menace notre humanité depuis 1945, en rejoignant le réseau des Maires pour la paix ou en signant l’Appel des Villes pour montrer notre soutien au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), porté par la Campagne Internationale pour abolir les armes nucléaires (organisation prix Nobel de la paix 2017). Certains d’entre-nous sont allés plus loin, en agissant par le développement de la culture de paix, notamment dans les écoles, par la création de cycles de conférences ou encore par l’interpellation du secteur financier dans son rôle dans le financement des entreprises produisant des systèmes d’armes nucléaires.
La France est un État qui protège sa population en s’appuyant sur la dissuasion nucléaire ; soit la possibilité d’employer des armes nucléaires contre tout État qui viendrait agresser son territoire et donc frapper les villes. Le 12 juillet dernier, le parlement a décidé d’octroyer la somme de plus de 53 milliards d’euros, à travers la Loi de programmation militaire, pour moderniser et renouveler (sur la période 2024-2030) les différents systèmes nucléaires militaires. Nous ne nous prononcerons pas sur ce choix. Mais si l’objectif est de protéger les français et les françaises nous nous interrogeons sur le choix qui est fait de refuser de participer, à minima comme État observateur, à la prochaine Réunion (novembre 2023) des États parties au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, qui se tiendra au siège des Nations unies. Car nous, nous avons appris que le dialogue avec nos habitants, avec les différents services nationaux, avec des élus d’autres couleurs politiques est obligatoires si nous voulons avancer pour le bien de nos populations et établir une bonne coexistence dans nos villes.
Le dialogue est la clé pour changer nos problématiques mondiales, comme locales. Sans celui-ci, aucun de nos problèmes ne peut trouver une issue positive, au contraire, les différentes parties prenantes ne feront que se regarder fixement avec à terme de plus en plus d’animosité entre États favorables et opposés au TIAN ; sans compte le risque de prolifération et d’emploi de ce type d’arme. Refuser le dialogue est donc réalisée au détriment des populations.
Il est toujours très complexe de réaliser le premier pas, mais il est nécessaire de penser aux générations futures qui porteront des regards circonspects contre les gouvernements qui n’auront pas osé le faire. Si la France le faisait, elle ne pourra voir son aura diplomatique qu’être valorisée, lui permettant d’apparaître comme un État responsable pour assurer la sécurité de sa population.
M. Philippe Rio, maire de Grigny (Président de l’AFCDRP-Maires pour la Paix France)
Mme Jacqueline Belhomme, Maire de Malakoff
M. Pierre Bell-Lloch, maire de Vitry sur Seine
M. Michel Soriano, maire de Lasseran
M. Gilles Leproust, maire de Allonnes
M. Ali Rabeh, maire de Trappes
M. Martial Bourquin, maire de Audincourt
M. André Molino, maire de Septèmes-les-Vallons
M. Clovis Cassan, maire de Les Ulis
M. Nicolas Langlois, maire de Dieppe
M. José Morales, maire de La Bouilladisse
M. Julien Quennesson, maire de Somain
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure, maire de Cahors
Mme Martine Laborde, maire de Cazeuneuve
M. Bernard Andrieu, maire de Cordes-sur-Ciel
M. Christophe Sonrel, maire de Damelevières
Le gouvernement post-fasciste de Giorgia Meloni a acté la suppression du revenu de solidarité, l’équivalent italien du RSA. Près de 500 000 personnes vont perdre l’accès à cette prestation sociale. Les économistes interpellent sur un risque de paupérisation de la société italienne.
Un simple SMS. Le 27 juillet, 169 000 familles italiennes ont appris, en quelques lignes, qu’elles ne toucheraient plus le revenu de solidarité, l’équivalent italien du RSA. Une allocation de 780 euros, mise en place depuis 2019 et destinée à une part des personnes au chômage. « Le revenu de solidarité a été mis en place pour placer l’ensemble des Italiens au-dessus du seuil de pauvreté, situé à ce moment-là à 780 euros, explique à l’Humanité Federico Bassi, économiste italien et maître de conférences à l’université de Lille. Une argumentation économique à l’époque, qui laisse donc aujourd’hui place à une argumentation moraliste. »
Cette décision est « le triomphe de l’idéologie néolibérale avec en filigrane l’idée que, si les gens sont pauvres, c’est de leur faute », souligne Henri Sterdyniak, économiste de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). C’est une idéologie répandue en Europe : couper les allocations sociales diminuerait l’« assistanat » et forcerait les gens à travailler, « discours typique des classes dirigeantes européennes », glisse Henri Sterdyniak. Pour réduire les dépenses publiques de son pays, Meloni a décidé de couper drastiquement dans les dépenses sociales. Cette mesure fait disparaître un tiers des anciens bénéficiaires, soit 500 000 personnes, et permet de réaliser une économie de 2,5 milliards d’euros.
En bonne samaritaine, Meloni ne supprime pas totalement les aides. Mais pour la première fois, « le gouvernement distingue les personnes employables et celles qui ne le sont pas », explique Federico Bassi. Ainsi, le gouvernement juge l’accès au travail plus compliqué pour les familles composées de personnes en situation de handicap, d’enfants mineurs ou de personnes âgées de plus de 60 ans. Ces dernières vont avoir le droit à un crédit d’insertion plafonné à 500 euros par mois. Mais tous n’ont pas cette « chance ». « Ceux qui vont en majorité pâtir de la situation sont les couples sans enfants et les personnes célibataires », décrit Federico Bassi. Ces derniers ne se verront verser qu’un chèque de 350 euros pendant douze mois. « On ne pousse pas les gens à travailler, on les y oblige », estime Henri Sterdyniak.
En Italie, il n’existe pas de salaire minimum. « Avec cette mesure, le gouvernement italien va forcer les Italiens à accepter des emplois très mal rémunérés et précaires », interpelle Federico Bassi. « Alors même que le gouvernement vient de repousser les discussions sur le salaire minimum », poursuit-il. « Le gros drame de cette décision est que la plupart des gens concernés viennent de régions fortement affectées par la criminalité. Réduire ces prestations sociales, c’est mettre encore plus de gens sous la protection de l’État social mafieux », regrette Federico Bassi.
« Une guerre aux pauvres. » C’est dans ces termes que l’opposition de gauche italienne a qualifié la décision du gouvernement post-fasciste de Giorgia Meloni. « Cette décision ne va faire qu’accroître la pauvreté et le chômage en pleine inflation », pointe du doigt Henri Sterdyniak. Le pays est en proie à une inflation de 6,4 % et à un chômage atteignant 7,4 % (juin 2023). Les chiffres sont semblables en France avec une inflation à 4,3 % et un chômage de 7,1 % et pourtant, alors que les inégalités s’accentuent, le gouvernement Borne va lui aussi rendre l’accession au RSA plus compliquée en demandant aux allocataires d’avoir une occupation contrôlée de 15 à 20 heures par semaine. « En France, c’est la même décision sous une forme allégée », glisse Henri Sterdyniak.
Federico Bassi observe une « tendance à la baisse des prestations sociales à travers l’Europe. Après les aides importantes délivrées pendant le Covid, les États veulent réduire leurs dépenses publiques. En Italie, Meloni s’attaque au RSA, en France Élisabeth Borne et Emmanuel Macron se sont penchés sur les retraites ». Mais rien ne garantit que la décision prise par la présidente du Conseil ne s’exporte pas en France, même si, pour Federico Bassi, « les syndicats et les citoyens se battent plus ardemment qu’en Italie pour défendre leur droit ».
Alors que nous sommes à un an de l’enjeu majeur démocratique en Europe - les élections européennes de 2024 -, se tenait une réunion importante du PGE à Vienne, les 24 et 25 juin.
Nous avons à disposition des études pour les élections européennes, faites par Transform. Nous avons à disposition un calendrier électoral du PGE, en vue des élections européennes de 2024, qui a pour but d’élaborer collectivement une visée et des propositions transformatrices européennes.
La crise sociale et écologique du capitalisme est à la fois internationale et européenne. Il en va de même pour la préservation de la paix et la lutte pour vaincre la domination du grand capital financier. Au-delà des différences et des nuances nationales, le néofascisme a pour objectif commun d’essayer d’empêcher que la frustration et l’indignation ressenties par les personnes directement touchées par la crise ne soient dirigées contre le système capitaliste et canalisées dans l’agenda que le néofascisme présente partout : racisme, chauvinisme, misogynie, musellement de la presse, restrictions des droits syndicaux…
Nous sommes à la croisée des chemins. Dans le cadre néolibéral, l’UE n’est pas en mesure de relever ces défis, ce qui facilite également la normalisation du néofascisme aux yeux d’une grande partie des populations. La démocratie à tous les niveaux en Europe et la souveraineté populaire doivent être le tremplin de la coopération européenne plutôt que l’austérité et la concurrence néolibérale.
Il existe aujourd’hui en Europe une large hégémonie idéologique, sociale et culturelle des valeurs réactionnaires, autoritaires, patriarcales et individualistes qui favorise la montée de l’extrême droite. La gauche n’a pas encore trouvé de réponse adéquate à cette question. Le Parti de la gauche européenne tire la sonnette d’alarme.
C’est pour répondre à cela que Le PGE lance un appel à l’unité.
C’est dans ce moment politique que nous avons accueilli GRS, la gauche républicaine et socialiste, en présence du député européen Emmanuel Morel, comme nouveau membre du PGE.
Les élections au Parlement européen en juin 2024 seront la première confrontation politique à l’échelle européenne des deux tendances. C’est une responsabilité extraordinaire pour la gauche, qui doit comprendre qu’il ne s’agit pas seulement d’une dispute électorale, mais d’une composante idéologique et sociale. La gauche européenne prône une transformation sociale et écologique pour éviter le danger d’une catastrophe universelle.
Les représentants du PCF, Vincent Boulet, Frédéric Boccara et Hélène Bidard, ont pu exprimer tout à la fois des positions et analyses du PCF, mais aussi des enjeux que nous analysons à un an des élections européennes.
Ce qui ressort des études électorales, c’est que 3 sujets préoccupent le plus les européen·ne·s. Ces sujets sont le « coût de la vie » ; la guerre ; la crise climatique.
Face à l’augmentation du coût de la vie, une de nos propositions, majeure, passe par le développement des services publics.
L’Europe est un lieu de confrontations considérables entre ceux qui possèdent tout et celles et ceux qui n’ont presque rien. Des conquêtes sociales ont permis aux habitant·e·s d’accéder à des services indépendamment de leurs ressources. Services publics et protection sociale sont des salaires différés et socialisés pour la classe des travailleurs et travailleuses.
Ce système est attaqué par les réformes libérales capitalistes et il nous faut être lucides : les institutions européennes, avec la complicité active des gouvernements des États membres, se sont mis au service de cette dynamique et en ont sanctuarisé la logique dans les traités, texte après texte. Les conditions d’accès pour les populations se détériorent, les coûts d’accès augmentent, ce qui dégrade le niveau de vie des habitant·e·s. L’Union européenne ne peut pas, dans ce cadre, répondre aux besoins économiques et sociaux. La, le libéralisme et l’opposition à l’investissement public restent de mise dans la construction européenne, au lieu de mettre l’humain au cœur des politiques publiques.
Pourtant de nouvelles potentialités peuvent s’ouvrir, en s’appuyant sur les mouvements sociaux et les luttes. En Europe, et surtout en France, nous vivons un moment de regain des luttes revendicatives sur les salaires, les retraites, le logement, sur les revendications féministes et écologiques. Les mouvements sociaux constituent des points d’appui très importants.
C’est pourquoi nous proposons de mener une campagne comme une bataille sociale, en écho aux luttes, pour les services publics, l’emploi et une nouvelle industrialisation écologique et sociale, dont la conquête de député·e·s sera un point d’appui et une étape, au cœur desquels les questions de l’argent et de changer les règles européennes sont centrales.
Nous voulons montrer que nous pouvons porter une bataille pour une autre mondialisation. Nous pouvons agir au niveau européen fortement, comme en France pour une transformation sociale, écologique, économique.
Nous voulons porter une dynamique européenne. PCF porte l’ambition de retrouver sur ces bases sa représentation au Parlement européen. Pour porter l’enjeu démocratique et de la souveraineté par et pour le peuple, pour développer des coopérations en Europe, une Europe qui protège, une Europe juste, durable et solidaire. L’enjeu est immense une Europe cadenassée depuis sa création par les logiques capitalistes. Seuls les salarié·e·s, travailleurs et travailleuses en ont la clé !
Hélène Bidard
Membre du CEN
Le sommet de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à Vilnius s’est tenu les 11 et 12 juillet, quelques jours après le 500e jour de la guerre en Ukraine et l’agression injustifiable et criminelle de la Russie. L’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN est remise à plus tard par les Etats-Unis eux-mêmes, malgré les appels des va-t-en-guerre, y compris français, qui souhaitent en découdre avec l’armée russe et s’engager dans ce conflit.
Mais celui-ci s’enlise. Les dirigeants ukrainiens et russes s’engagent dans une guerre d’usure, sur une ligne de front de 900 kilomètres. Certains parlent d’une guerre qui pourrait durer plusieurs années. Les dirigeants occidentaux eux-mêmes relaient cette idée pour préparer les esprits à un conflit de longue durée.
Nous ne voulons pas revivre en Europe une guerre de tranchées, avec le spectre planant d’une escalade nucléaire. Déjà plus de 9 000 civils tués selon l’Organisation des Nations unies (ONU), auxquels s’ajoutent les dizaines de milliers de morts au combat de part et d’autre et plus de 14 millions de déplacés. Des paysages dévastés, des kilomètres de tranchées, des combats durs qui nous rappellent la guerre de 14-18. On dit que l’histoire ne se répète pas. Mais elle peut bégayer.
Nous devons tout faire, par les voies diplomatique et politique, pour mettre rapidement un terme à cette catastrophe humanitaire et écologique. De plus, cette guerre a des conséquences internationales. D’abord sur les peuples européens qui subissent les coûts de cette économie de guerre imposée à tous, avec, entre autres, l’inflation comme conséquence. Dans une économie libérale, les peuples seront toujours mis à contribution au bénéfice des marchands de canons et de la finance.
Ensuite, de lourdes menaces pèsent sur les exportations de céréales permises par l’accord conclu en juillet 2022, suspendu lundi 17 juillet par la Russie. Or l’approvisionnement en blé de la Corne de l’Afrique, déjà menacée de famine, en dépend en grande partie. Enfin, la déstabilisation possible du pouvoir en Russie ouvrirait la porte à l’inconnu pour la maîtrise du deuxième arsenal nucléaire mondial. Ce dont personne, en responsabilité, ne peut se réjouir.
Ne laissons pas les surenchères guerrières devenir incontrôlables. Nous sommes à la croisée des chemins. Soit, nous comptons sur une victoire militaire de l’Ukraine pour libérer ses territoires, hypothèse aujourd’hui jugée hautement incertaine, soit nous empruntons une autre voie, certes étroite, mais pouvant permettre d’éviter le pire : la recherche d’une solution politique et diplomatique.
Du fait de son histoire, la France a une voix singulière à faire entendre. C’est le sens des propositions que j’ai formulées au président de la République à la veille du sommet de Vilnius. Même si ce chemin vers la paix est étroit, il faut pouvoir y travailler, lui donner de la consistance et le mettre en débat pour essayer de faire cesser le bruit des armes.
Ce chemin devra correspondre aux principes de la Charte des Nations unies et de la sécurité commune en Europe, respecter la souveraineté des peuples et donner les garanties réciproques de sécurité assurant une paix durable. C’est dans cet esprit que notre pays pourrait appeler les parties prenantes à discuter des points suivants : l’évacuation immédiate et inconditionnelle des territoires que la Russie occupe depuis le 24 février 2022, la négociation d’un statut de neutralité pour l’Ukraine lui apportant toutes les garanties sur sa souveraineté et sa sécurité dans le cadre d’une protection internationale sous l’égide de l’ONU, une négociation sur les réparations de guerre et un contrôle sur leur emploi pour qu’elles soient concrètement utiles au peuple ukrainien et qu’elles n’alimentent pas la corruption.
Il est également nécessaire d’évoquer l’acceptation par la Russie et par l’Ukraine d’un référendum internationalement contrôlé sur le statut de la Crimée et du Donbass, où la guerre a fait depuis 2014 des milliers de morts – la Russie renoncerait, ce faisant, aux résultats des référendums unilatéraux et sans valeur qu’elle a convoqués en 2022 dans les territoires occupés ainsi qu’à celui de 2014 sur la Crimée. Enfin doivent être abordés le retrait des armes nucléaires déployées en Biélorussie et le renoncement par Moscou de celles qui menacent directement l’Europe, en échange de quoi les forces de l’OTAN déployées en Europe reviendraient immédiatement à leur niveau de février 2022.
Les négociations sur un désarmement multilatéral des forces nucléaires déployées en Europe pourraient dès lors reprendre, sur la base du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Cela rendrait possible l’ouverture, dès que les conditions le permettront, d’une conférence paneuropéenne de sécurité collective en vue d’interrompre sur tout le continent la dynamique de militarisation au profit de mesures de confiance réciproque. J’ai bien conscience de formuler ces propositions dans un moment d’affrontement militaire. Chaque jour, les logiques de force et l’aggravation des haines attisent l’incendie.
Mais pouvons-nous assister en simple spectateur à l’engrenage fatal qui peut mener demain l’Europe à une guerre généralisée ? Il est temps qu’une initiative politique porte une proposition allant dans l’intérêt des peuples. Je suis convaincu que c’est ce qu’attendent les Françaises et les Français, parce que cela correspond à l’idée qu’ils se font du rôle de notre pays dans le monde.
Fabien Roussel est secrétaire national du Parti communiste français et député du Nord.
Fabien Roussel (secrétaire national du PCF, député du Nord.)
Romancière, traductrice, éditrice, et maître de conférence, Laura Alcoba a vécu en Argentine jusqu'à l'âge de 10 ans. Elle a publié aux éditions Gallimard "Manèges: Petite histoire argentine" (2007), "Jardin blanc", "Les passagers de l'Anna C.", "Le bleu des abeilles" (2013), et en 2023, "Les rives de la mer douce" au Mercure de France
J'ai eu la chance de rencontrer Laura Alcoba et Valéria Selinger aux rencontres littéraires "Les échappées du livre" à Avranches.
Début juin, elles étaient toutes deux invitées également au festival de Moguériec.
Laura Alcoba s'est fait connaître avec un premier roman d'une grande beauté "Manèges", sous-titré "Petite histoire argentine" où elle nous raconte ses mois de clandestinité quand elle était enfant, à 7-8 ans, avec sa mère, militante montonera à La Plata, en 1975, sous la menace du régime et des hommes des commandos de l'AAA, la Alianza Anticomunista Argentina qui enlèvent, torturent et tuent les militants de gauche, les Montoneros, les militants de l'extrême-gauche, les communistes. Les Montoneros étaient une organisation politique argentine péroniste de gauche, influencée par le christianisme social au départ, qui dût rentrer dans la clandestinité et fut contrainte de pratiquer la lutte armée entre 1970 et 1979.
L'émotion de la remémoration est partout présente, et traitée avec beaucoup de pudeur, de grâce et de subtilité: dans les visites en prison à son père, militant montonero lui aussi, arrêté et prisonnier politique, avec qui, après une fouille humiliante qui met à nu, elle converse dans un langage des signes complice, mise en joue par les militaires qui pointent les fusils et mitraillettes sur leurs visages. Un père qui ne sortira de prison que 6 ans plus tard, en 1981. Dans le portrait de la rayonnante Diana, enceinte de Clara Anahi, qui sera vraisemblablement kidnappée par les militaires pour être adoptée après l'exécution de sa mère, si solaire et courageuse, et de son père quelques mois plus tard. Dans le rappel de la douleur des grands-parents, contraints de cacher leur petite-fille pour éviter les mouchardages des voisins. Dans la souffrance de la mère, dont le visage s'affiche dans les journaux du régime, qui la présentent comme une "ennemie publique n°1". Dans l'évocation de la relation de la petite fille avec l'Ingénieur, qui construit la cachette où elle logée l'imprimerie clandestine des Montoneros pour laquelle travaille la mère de Laura, dans la maison des Lapins, une planque de la périphérie de la Plata, cet Ingénieur qui sera à l'origine de l'extermination du groupe de militants montoneros de "La Casa de los conejos", soit qu'il l'ait infiltré, soit qu'il ait été torturé et l'ait "donné", l'interprétation que retient le magnifique film inspiré de "Manèges" de Valeria Selinger, elle même, comme Laura Alcoba, née en Argentine (où ses parents étaient des militants des Jeunesses communistes) et vivant à Paris, "La Casa de los conejos", réalisé en 2020.
"Manèges" se lit d'une traite, en quelques heures: il nous replonge dans la noirceur des années de plomb latino-américaines où les Américains, Kissinger et Nixon au premier chef, la CIA, ont organisé l'opération CONDOR pour financer tous les mouvements violents d'extrême-droite qui pourraient lutter contre la contagion communiste en Amérique du sud, dans leur chasse gardée, après la révolution cubaine, transformant le Chili, l'Argentine, la Bolivie, le Paraguay, le Brésil, l'Uruguay, en lieu de chasse ouverte à l'encontre des militants progressistes et marxistes et en enfer carcéral. En Argentine, il y eu au moins 10 000 victimes et disparus de la dictature de Videla et des répressions anticommunistes et progressistes qui l'ont précédée du temps d'Isabel Peron. Au Chili, le coup d'Etat de Pinochet et l'affreuse répression qui s'ensuivit fit au moins 6000 victimes.
Dans Le bleu des abeilles, au titre inspiré d'une lecture commune de la jeune fille de dix ans, exilée au Blanc-Mesnil, et de son père - La Vie des abeilles de Maurice Maeterlinck - Laura Alcoba, aujourd'hui auteure de plus de 5 romans, traductrice de romancières argentines (notamment le très beau "Les Vilaines" de Camila Sosa Villada, ou encore Selva Almada: "Sous la grande roue", "Après l'orage"), maître de conférence, nous raconte dans un superbe récit progressant par petites touches et anecdotes évocatrices son arrivée en France, plusieurs mois après l'exil de sa mère, sa relation épistolaire à son père, encore en prison, et son adaptation à l'exil, à la banlieue parisienne, et à l'école primaire Jacques-Decour, ainsi que sa découverte émerveillée et merveilleuse de la langue française.
On ne saurait trop recommander la lecture des romans de Laura Alcoba et le film de Valéria Selinger, par ailleurs autrice de documentaires sociaux, "La Maison des lapins" (ou "Casa de los conejos"), adaptant "Manèges", qui fut un immense succès en Argentine, plusieurs fois réimprimé, avec une jeune actrice magnifique, un merveilleux film sur l'enfance, la résistance, avec la peur en toile de fond, et en bande originale la très belle musique du frère de Diana, tuée le 24 novembre 1976 avec 8 militants montoneros dans la "Casa de los conejos" accueillant l'imprimerie du journal des montoneros attaquée par l'armée au mortier.
Ismaël Dupont
Genre : DramePays d'origine : Argentine, France, EspagneDurée : 1 h 34 minRéalisateur : Valeria SelingerScénariste : Valeria SelingerProducteurs : Oscar Marcos Azar, Luis Ángel Bellaba, Arnaud Boland, Cathy Coopman, Carlos Martínez, Susana Rizzuti, Valeria Selinger Synopsis : Laura n’a que huit ans mais elle sait déjà que pour survivre elle doit se taire. Même ses grands-parents doivent ignorer son nouveau nom et l’adresse de l’élevage de lapins qui sert de couverture à l’imprimerie clandestine où elle se cache avec sa mère et d’autres militants qui luttent contre la dictature et tentent d’échapper aux escadrons de la mort qui les recherchent.