Apportez-moi l’épée de Bolivar ! » Premier président de gauche de l’histoire de la Colombie, Gustavo Petro, ce 7 août, vient de prêter serment et de recevoir l’écharpe présidentielle. Devant les cent mille personnes terriblement émues et follement enthousiastes présentes sur l’emblématique place Bolivar, à Bogotá, son premier ordre de chef de l’Etat vient de claquer. Il faut une dizaine de minutes à la Maison militaire pour aller récupérer la précieuse relique du « Libertador » au siège de la présidence, la Casa de Nariño, et la déposer, à l’intérieur d’une vitrine fortement gardée, à côté du nouveau chef de l’Etat. A ce moment, et à ce moment seulement, Petro entame son discours d’intronisation.
Premier symbole : quelques heures avant la cérémonie officielle, l’encore président Iván Duque, aussi mesquin que néolibéral et ultraconservateur, avait pris sa dernière décision officielle en refusant que l’épée soit déplacée. En la recevant, Petro explicite son message : « C’est l’épée du peuple et c’est pourquoi nous l’avons voulu ici en ce moment et en ce lieu. » Que Duque le veuille ou non, la Colombie vient de changer.
Deuxième symbole : en janvier 1974, cette même épée a été volée par le M-19, une guérilla à dominante urbaine à laquelle appartenait le jeune Petro. A cette prise de guerre succéda une déclaration : « Bolívar, tu espada vuelve a la lucha ! » (« Bolívar, ton épée retourne à la lutte ! »). La relique ne fut rendue à l’Etat que lorsque le mouvement se démobilisa et revint à la vie civile, le 9 mars 1990. Par son geste, le nouveau chef de l’Etat assume son passé, dans le registre implicite « je ne regrette rien ».
Troisième symbole : Petro s’est vu remettre l’écharpe présidentielle par la sénatrice María José Pizarro, fille de Carlos Pizarro, dirigeant du M-19, assassiné par le terrorisme d’Etat, le 26 avril 1990, alors que, démobilisé, il était candidat à la présidence. Au-delà de la figure de l’ex-compagnon d’armes, l’hommage rappelle que si jamais aucun candidat de gauche n’était jusqu’à ce jour arrivé à la Casa de Nariño, c’est parce que tous ceux qui contestaient un tant soit peu l’oligarchie possédante avec une chance de l’emporter ont été assassinés : Jorge Eliécer Gaitán (aile gauche du Parti libéral, 1948), Jaime Pardo Leal (Parti communiste, 1987) ; Luis Carlos Galán (Parti libéral, 1989), Bernardo Jaramillo (Union patriotique, 1990) [1].
Pour qui aime les symboles, on pourrait en rajouter quelques-uns, tout aussi significatifs. Lorsque l’épée du « Libertador » est arrivée sur la place qui porte son nom, tous les chefs d’Etat – Alberto Fernández (Argentine), Gabriel Boric (Chili), Luis Arce (Bolivie), etc. –et autres invités de la tribune d’honneur se sont levés pour lui rendre hommage. Tous, sauf un : le roitelet espagnol Felipe VI. Comble d’impudence de la part de ses hôtes : l’investiture du président Petro coïncidait avec l’anniversaire de la bataille de Boyacá (7 août 1819), au cours de laquelle fut scellée l’indépendance de la Grande Colombie vis-à-vis de l’empire espagnol [2]. On manifesterait de la mauvaise humeur pour beaucoup moins que ça…
Par son importance, cette cérémonie a commotionné l’Amérique latine. Washington n’y a pourtant envoyé, comme cheffe de file de sa délégation, que l’administratrice de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), Samantha Power. On serait tenté de ne voir dans ce niveau de représentation que l’expression assumée d’un « programme minimum ». S’il s’agit d’un message subliminal, on peut toutefois l’interpréter autrement. Power a occupé plusieurs postes au Département d’Etat et au Conseil National de Sécurité sous la présidence de Barack Obama (elle fut ambassadrice de Washington aux Nations Unies de 2013 à 2017) et est considérée comme faisant partie des « faucons » du Parti démocrate. Sous couvert de coopération, les Etats-Unis s’appuient sur l’USAID, qui dépend directement du Département d’Etat, pour soutenir, former et financer les acteurs antigouvernementaux – dirigeants politiques, organisations non gouvernementales (ONG), médias, etc. – des pays que Washington souhaite déstabiliser, comme l’Equateur (du temps de Raphael Correa), la Bolivie, Cuba, le Venezuela et le Nicaragua [3].
Iván Duque, enfin. D’aucuns s’inquiétaient peut-être pour l’avenir de ce médiocre chef d’Etat (il s’agit là d’une appréciation assez largement partagée, d’un bord à l’autre du spectre politique). Qu’on se rassure. Dès le début de l’automne, l’ancien président va rejoindre, en tant que « membre distingué » et « conseiller global », le Wilson Center, basé à Washington. Ce forum « non partisan » a été créé en 1968 par… le Congrès américain. En son sein, Duque pourra (enfin ?) aborder les questions mondiales « par la recherche et le débat ». Président et directeur du Wilson Center, Mark Green a été l’administrateur de… l’USAID, d’août 2017 à avril 2020, sous le mandat de Donald Trump.
Un ange passe… Marta Lucía Ramírez (vice-présidente sortante) et Francia Márquez (vice-présidente entrante)
Il n’y aura ni entourloupe ni ambiguïté. Avant même de prêter serment, Gustavo Petro a clairement marqué les limites du « possible » dans un pays aussi dangereusement anachronique que la Colombie. « Nous allons développer le capitalisme. Non que le système nous plaise, mais parce que nous devons sortir du féodalisme et entrer dans la modernité. » Même sur de telles prémices en apparence très modérées, mais en réalité radicales pour un tel pays, une question a marqué la séquence post-électorale. Comment et avec qui gouvernera Petro ? Coalition de sept partis de gauche [4], le Pacte historique ne dispose alors de majorité ni à la Chambre (28 représentants) ni au Sénat (20 élus) [5].
L’appel du président à un « Grand accord national » n’eut sans doute pas suffi sans une caractéristique moult fois observée de la classe politique colombienne : sa capacité de rallier pragmatiquement (et souvent fort cyniquement) le vainqueur, une fois la défaite consommée. Phénomène auquel s’ajoute, pour les plus respectables, une réelle prise de conscience : la Colombie a impérativement besoin d’être réformée.
En multipliant les appels au consensus et en se réunissant y compris avec son pire ennemi, l’ex-président d’extrême droite Álvaro Uribe, Petro a fait le premier pas. Du sein du Parti libéral (14 sénateurs, 33 représentants), dont une partie de la base a voté pour lui, les voix depuis longtemps critiques se sont à nouveau élevées : « De nombreuses erreurs ont été commises pendant la campagne, affirme ainsi Juan Carlos Losada, élu à la Chambre des représentants.Le parti s’est allié à nos rivaux politiques sur le plan idéologique, comme le Centre démocratique et le Parti conservateur, pour soutenir [les candidats de droite] Fico Gutiérrez, puis, au second tour, Rodolfo Hernández. » Chef du parti, l’ex-président César Gaviria (1990-1994) ravale son néolibéralisme et affirme que son groupe parlementaire appuiera le gouvernement Petro.
Fondé en 2005 pour accompagner Álvaro Uribe, mais devenu avant tout le soutien de l’ex-président Juan Manuel Santos – signataire des Accords de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en 2016 –, le Parti de la U se rallie également (10 sénateurs, 15 représentants). L’ont précédé les centristes d’Alliance verte (8 sénateurs, 12 représentants). Alors qu’on l’attendait dans l’opposition, l’inattendu Parti conservateur (12 sénateurs, 25 représentants), l’un des plus vieux de l’histoire républicaine, tout en se déclarant indépendant, affirme qu’il soutiendra les propositions du Pacte historique qu’il considérera positives pour le pays. S’ajoutent à ces nouveaux « bataillons progressistes » des élus de formations de moindre importance, ainsi que lesalliés naturels – 16 élus des Circonscriptions transitoires spéciales de paix (représentant les victimes du conflit armé), 10 de Comunes (le parti des ex-guérilleros des FARC démobilisés ; 5 sénateurs, 5 représentants), ainsi que les titulaires des sièges réservés aux indigènes (2 sénateurs, 1 représentant) et aux afro-colombiens (2 représentants).
Réalisme magique ! Pour son début de mandat, Petro disposera d’une majorité, tant à la Chambre (106 représentants sur 188) qu’au Sénat (63 sénateurs sur 108).
Sans surprise, le Centre démocratique d’Iván Duque et de son mentor Álvaro Uribe (13 sénateurs, 16 représentants) emmènera une opposition au sein de laquelle il retrouvera Changement radical, l’autre parti droitier de l’ex-vice-président Germán Vargas Llera (11 sénateurs, 16 représentants), ainsi que le candidat battu au second tour de la présidentielle, Rodolfo Hernández, et (juste pour l’anecdote !) Vert oxygène de l’erratique Ingrid Betancourt, qui a expulsé ses deux uniques congressistes élus (Humberto de la Calle et Daniel Carvalho), trop indépendants d’esprit à son goût.
Mathématiquement parlant, la coalition de Petro a de l’allure. Politiquement, elle peut difficilement faire illusion dans la perspective de la loyauté et de la durée. En politicien expérimenté – il a été successivement représentant, sénateur et maire particulièrement chahuté de la capitale Bogotá [6] – Petro sait parfaitement où il met les pieds : « Lorsqu’un changement se profile, deux forces entrent en tension, a-t-il analysé. La tentative de cooptation du gouvernement par les forces traditionnelles qui disent : “Bon, cet homme a gagné, essayons de le gagner à notre tour pour que rien ne change.” C’est une force qui agit et va agir de manière implicite et explicite. Ensuite, de nombreux groupes diront : “Nous allons participer au gouvernement, nous allons entamer un dialogue avec le gouvernement, pour amoindrir ses réformes et le modérer.” Mais il y a une autre force, qui va venir de la base même de la société, qui est celle qui a voté. C’est celle qui est sortie d’entre les pierres. Ce sont ces jeunes hommes et femmes qui ont décidé de demander plus de réformes et plus de profondeur dans les réformes. Le gouvernement va être pris en étau entre ces deux forces. Et peut-être que tout se terminera par un juste milieu, car c’est ce que j’ai vécu à Bogotá [7]. »
Nulle inconscience. Un risque assumé. Car, en envoyant des messages à des secteurs aussi divers de la société, puis en les cooptant, Petro prend également le risque de déconcerter nombre de ses soutiens et appuis les plus engagés. Ce qui arrive très vite lorsque, fermant la porte à trois de ses plus fidèles alliés – María José Pizarro (qui lui a passé l’écharpe présidentielle), Gustavo Bolívar (tête de liste du Pacte historique) et Alexander López (syndicaliste très proche de la vice-présidente Francia Márquez) – il ordonne à ses troupes d’élire Roy Barreras à la tête du Sénat pour la première année, déterminante, de son mandat [8]. L’homme a été un allié politique d’Uribe ; il a suivi Juan Manuel Santos lorsque celui-ci s’émancipa de son sulfureux prédécesseur ; il a rompu avec Duque quand celui-ci remit en cause le respect des Accords de paix, dont Barreras fut l’un des négociateurs ; il n’a rejoint le Pacte historique que récemment. De quoi provoquer un fort agacement, publiquement assumé, de Gustavo Bolivar, pour ne citer que lui.
Rassurer les marchés, particulièrement nerveux ! Le ministre des Finances s’appellera José Antonio Ocampo, soutien du « centriste de droite » Sergio Fajardo pendant la campagne électorale. Economiste, Ocampo a dirigé le même ministère entre 1996 et 1997 sous le gouvernement de centre droit d’Ernesto Samper et, entre autres fonctions [9], a été codirecteur de la Banque de la République (la banque centrale du pays).
A l’Agriculture, Cecilia López retrouve un postequ’elle a occupé, elle aussi sous Samper. Elle se considère toujours « libérale », même si elle a quitté ce parti, dont elle fut la porte-parole au Sénat, lui reprochant son soutien au Centre démocratique et à Duque.
Pour y garantir la réalisation de l’ambitieux engagement du leader du Pacte historique, c’est un ancien ministre de la Santé de Juan Manuel Santos, Alejandro Gaviria, qui arrive à l’Education.
A l’Intérieur, Alfonso Prada a lui entamé sa carrière politique, dans les années 1980, au sein du Nouveau Libéralisme (centre), issu du Parti Libéral. Il y fut le secrétaire privé du leader Luis Carlos Galán, ultérieurement assassiné, avant d’être un représentant à la Chambre pour le Parti Vert. En 2014, il deviendra coordinateur de la campagne pour la réélection de Santos, dont il occupera le secrétariat général de la présidence.
Foin de la gauche, disons un gouvernement de centre droit.
Mais en même temps…
Certes issu du Parti conservateur, le ministre des Affaires étrangères Álvaro Leyva est un personnage atypique. Non sans panache, du fait des critiques et des attaques subies, Leyva s’est fortement impliqué dans les tentatives d’échanges humanitaires (captifs civils et militaires des FARC contre guérilleros emprisonnés), a été acteur de tous les processus de paix, avortés ou réussis, dont celui arrivé à son terme en 2016.
Enseignante, ex-présidente de la Fédération colombienne des éducateurs (Fecode) et ex-membre du comité exécutif de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), membre du Parti communiste colombien (PCC), sénatrice adoubée par le Pôle démocratique (gauche) entre 2006 et 2014, la très militante Gloria Inés Ramírez sera chargé de diriger le ministère du Travail.
En prenant possession de sa fonction, le titulaire de la Justice, le juriste Néstor Osuna, n’a pas hésité à décliner son credo : « Je m’intéresse tout particulièrement à la dignité des prisons et à la modification du système pénitentiaire afin qu’il soit véritablement axé sur la réinsertion. »
Nommée aux Mines, Irene Vélez appartient au mouvement « Je suis parce que nous sommes » (Soy Porque Somos) de la très radicale vice-présidente de la République Francia Márquez.
A la Culture, Patricia Ariza représente les artistes et créateurs qui ont œuvré pour la justice sociale et la paix : cofondatrice du très actif théâtre de la Candelaria (Bogotá), elle a été la responsable de la culture au sein de l’Union patriotique (UP), parti politique de gauche dont officiellement, d’après la Justice spéciale pour la paix (JEP), 5 733 dirigeants et militants furent assassinés dans les années 1980-1990.
Militant de l’UP en compagnie de son frère Eduardo, assassiné en avril 1998 par les paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), Germán Umaña Mendoza s’installe dans la case Commerce, industrie et tourisme.
Poste clé s’il en est, la Défense a constitué un gros casse-tête. Avant de prendre sa décision, Petro confiait en privé : « Si je me trompe dans le choix du ministre, on est tous morts ! » Au sens propre du mot. Il a opté pour Iván Velásquez. Une commotion au sein de l’ « establishment ». En tant que coordinateur de l’unité spéciale de la Cour suprême, ce jugea provoqué la condamnation de plus de 50 membres du Congrès pour leurs liens avec le paramilitarisme (scandale dit de la « parapolitique »).Depuis le Congrès, Petro menait le même combat, les deux hommes se connaissent très bien. Avant de devenir chef de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), en 2013,Velásquez a enquêté sur les liens d’Álvaro Uribe avec les paramilitaires, s’en faisant un puissant ennemi. A travers cette nomination, c’est un fort message qu’envoie publiquement Petro à la hiérarchie militaire.
Gouvernement de Gustavo Petro
Le changement, c’est maintenant ! Mais là, il ne s’agit pas d’une « petite blague » [10]. D’après le Département administratif national de statistiques (DANE), 19,6 millions des 50 millions d’habitants vivent en dessous-du seuil de pauvreté. L’ambitieux projet de « Réforme fiscale pour l’égalité et la justice sociale » a déjà été déposé par le ministre Ocampo et déclaré « priorité absolue » par le président du Sénat Barreras. Il s’agit de « réduire les exonérations inéquitables dont bénéficient les particuliers aux revenus les plus élevés et certaines entreprises, fermer les voies de la fraude et de l’évasion fiscales, et obtenir des ressources suffisantes pour financer le renforcement du système de protection sociale ». Pour sa part, la titulaire de l’Agriculture Cecilia López a affirmé que le gouvernement mettra en œuvre une réforme agraire, « sans timidité ».Deux thèmes par définition sensibles pour le secteur privé en général, les « terratenientes » (propriétaires terriens) et les éleveurs en particulier. A Sarmiento Angulo, l’un des hommes les plus riches de Colombie, qui déclarait en juillet que les changements annoncés n’étaient que des « contes » ou de « petites histoires », le sénateur Iván Cepeda a sèchement répondu : « Vous n’allez plus gérer le pays comme une “finca” [ferme]. Les ordres arrogants des contremaîtres et des magnats sont terminés.Seuls valent le dialogue et les arguments. »
Proposant précisément un « dialogue social » pour enrichir la proposition programmatique initiale du Pacte historique, le président élu a appelé les citoyens à s’impliquer dans l’élaboration d’un Plan de développement national courant jusqu’en 2026. Sans oublier que ces citoyens, poussés à s’engager, doivent être protégés. Sous le gouvernement d’Iván Duque en effet, 930 dirigeants sociaux ont été assassinés (plus de 1500 depuis la signature de l’accord de paix avec les FARC en 2016). Très rapidement, des organisations populaires, la déléguée des Nations unies pour les droits de l’Homme Julieth de Riveros et le sénateur Cepeda ont remis au chef de l’Etat un Plan d’urgence pour protéger la vie de ces dirigeants. La proposition s’articule autour de la protection immédiate par la force publique ; la présence de l’Etat ; la non-impunité pour les crimes commis ; le développement intégral des territoires.
Dès le 20 août, par le biais du premier Poste de commandement unifié pour la vie (PMU), l’Etat a fait son apparition dans le département du Cauca, l’un des plus touchés par les assassinats de dirigeants sociaux (18 morts en 2022 auxquels s’ajoutent 5 ex-guérilleros des FARC, signataires des accords de paix). Participaient entre autres à cette inauguration située dans le « municipio » de Caldono, les organisations paysannes et sociales du cru, le ministre de l’Intérieur, le président du Sénat, le haut commissaire de paix Danilo Rueda, le sénateur et président de la Commission de paix du Congrès Iván Cepeda, Carlos Ruiz, responsable de la Mission de paix de l’ONU en Colombie, ainsi que les chefs locaux de la force publique, militaires et policiers. D’après le ministre de l’Intérieur, il s’agit, en cas de menace sur un ou plusieurs leaders, « d’assurer une sécurité rapide, sur le mode de la prévention » et non « dans le registre des lamentations » une fois que le crime a été commis.
Pour marquer l’importance de ce dispositif, changement phénoménal dans l’approche de l’Etat, le second PMU a été inauguré par le président Petro en personne, à Ituango (Antioquia). A son ministre de la Défense, également présent, le chef de l’Etat a demandé de donner des instructions pour que les maires des municipalités où s’installent ces PMU – 65 « municipios » sont concernés – deviennent les « commandants » des forces militaires en cas de danger avéré sur tout ou partie de la population. « Nous ne parlons pas d’un mécanisme de guerre, la guerre est organisée d’une manière différente. Quand une UMP est convoquée, c’est pour sauver des vies, pour défendre les droits de l’Homme sur le territoire », a précisé le chef de l’Etat [11].
En affirmant que le Plan d’urgence qui lui a été soumis sera étudié en conseil des ministres, Petro a mis en avant deux thèmes à aborder en priorité : l’interdiction totale du port d’armes par les civils et la discussion autour de « la guerre à la drogue », permanent serpent de mer de la vie colombienne, sous supervision étatsunienne, dont l’échec est patent.
D’après le National Drug Control Policy (ONDCP), qui dépend de la Maison-Blanche, la surface plantée en coca est passée de 208 000 hectares en 2018, au début du mandat de Duque, à 234 000 hectares en 2021. « Le plus grave est qu’après plus de 320 000 hectares éradiqués par la force, des dizaines de milliers de petits producteurs jetés dans la misère et l’obligation de replanter, non seulement il y a le même nombre d’hectares avec de la feuille de coca, mais il y a une augmentation de 22 % de la production de cocaïne », a pu commenter le président de l’Institut d’études sur le développement et la paix (Indepaz) Camilo González Posso [12].
Impossible en effet de rêver à la « paix totale » et à la « sécurité humaine », cœurs du projet et priorités du Pacte historique, sans s’attaquer à ce problème, intimement lié à la prolifération des groupes armés.
En remettant son édifiant rapport final de 896 pages, le 28 juin dernier [voir l’encadré en fin d’article], en l’absence remarquée du président Duque, encore en exercice, mais en présence du récemment élu Gustavo Petro, la Commission de la vérité, entre autres recommandations, a préconisé de « parler » avec tous les acteurs armés si l’on entend mettre un terme à la violence qui accable le pays depuis six décennies. Message manifestement reçu. Dans la recherche de son « processus de paix intégral », Petro a demandé à l’Eglise catholique d’ouvrir des canaux de communication. « Intégral, a-t-il précisé, signifie qu’il ne s’agit pas simplement de ceux qui sont encore aujourd’hui considéré comme les insurgés [traditionnellement les guérillas révolutionnaires], mais tout ce qui implique l’utilisation d’armes illégales. »
Terminée l’époque où l’on pouvait analyser un conflit dans le cadre duquel des guérillas de gauche affrontaient un Etat de droite ou d’extrême droite au nom de la lutte des classes, avec comme références Karl Marx (pour les FARC), le curé-guérillero Camilo Torres pour l’Armée de libération nationale (ELN), Simón Bolivar pour le M-19 et Ernesto Che Guevara pour tous. Ce, pour résumer très succinctement, la naissance et le développement du narcotrafic et du para-militarisme, postérieurs à l’apparition des guérillas, ayant embrouillé la situation au fil des ans. Sachant que, depuis 2016 et le fameux Accord de paix, le panorama s’est encore complexifié. On a désormais affaire à un illisible chaos aux multiples belligérants. Dissidences variées des FARC, guérilla de l’ELN, résidus de l’Armée populaire de libération (EPL). Côté narco-paramilitaires, 14 groupes en 2021, si l’on en croit Indepaz : Clan du Golf ou Autodéfenses gaitanistes de Colombie (ACG), le plus important, présent dans 25 départements [13] ; EPL-Pelusos (4 départements) ; Los Rastrojos (9) ; Los Caparros (3) ; Los Pacheca (5) ; La Oficina (1) ; Los Puntilleros (2) ; La Constru (1) ; Los Pachelly (1) ; Los Contadores (1) ; La Cordillera (4) ; Libertadores del Nordeste (1) ; La Empresa (1) ; La Local (1) ; autres groupes (8) [14]. Formations de toutes obédiences et idéologies (ou absences d’idéologie), en guerre avec l’Etat pour certains, avec le mouvement social et paysan pour beaucoup, et même en guerre les uns avec les autres pour le contrôle des territoires, dans de nombreux cas [15]. Selon un rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), il existe en 2022, outre les foyers de violence peu structurés, six conflits armés internes entre différents acteurs, dont 53 % des victimes sont des civils [16].
Paradoxalement, toute réflexion sur la recherche d’une « paix totale » ne peut faire l’économie d’un détour par ceux qui, depuis 2016, sont déjà démobilisés : les ex-guérilleros des FARC. Au cours de la négociation entreprise entre 2012 et 2016, cet important groupe d’opposition armée rejeta le classique concept du « DDR » (« désarmement, démobilisation, réintégration »), qui ignore délibérément les causes structurelles du conflit. Les pourparlers se firent à l’ombre du slogan « la paix avec justice sociale » – également entonné par les mouvements populaires. Sur de nombreux points, les accords âprement négociés à La Havane répondirent à cette aspiration.
Toutefois, au mépris de la parole de l’Etat lorsqu’il les a paraphés, ces accords n’ont cessé d’être modifiés unilatéralement, à travers la Cour constitutionnelle, la Cour suprême de justice et la majorité de droite du Congrès, encouragées par un Duque déchaîné contre leur mise en application. Au détriment tant de la réinsertion sociale et économique des ex-insurgés que des réformes permettant de sortir du modèle prédateur responsable de la tragédie. Pas de quoi modifier en quoi que ce soit une « culture de la guerre » qui, enracinée au long d’un demi-siècle, pousse tant de jeunes, dépourvus de perspectives, surtout en milieu rural, à choisir de survivre en empoignant n’importe quel fusil. Pas de quoi réduire le recours aux plantations de coca, la réforme rurale annoncée ayant été délibérément sabotée.
Fort de cette désastreuse expérience, l’ex-« comandante » Pastor Alape, membre de la direction nationale de Comunes (le parti des ex-FARC) et délégué au Conseil national de réincorporation, a exhorté le gouvernement à relancer l’accord de paix de 2016, « car il s’agira d’un point de référence fondamental pour que l’insurrection toujours en armes puisse envisager avec confiance un scénario garantissant l’avancée certaine des négociations (…) ».
Depuis le Pacte historique, la voix d’Iván Cepeda a fixé le cadre théorique : « C’est un nouveau modèle de paix que nous voulons atteindre au cours de ces quatre années. La première différence entre la paix totale et le modèle de paix essayé auparavant est que nous n’allons plus poursuivre le dialogue avec un seul groupe, avec lequel un accord est conclu et, l’accord n’étant pas respecté, viennent ensuite les dissidents et les dissidents des dissidents. Non, ça va s’arrêter. Nous allons dialoguer avec tous les groupes et facteurs de violence pour trouver une solution définitive, globale et simultanée au conflit armé, ou aux six conflits armés qui existent aujourd’hui en Colombie. »
En 2018, le gouvernement de Juan Manuel Santos avait entrepris des négociations avec l’ELN. Les pourparlers se déroulaient à Cuba, pays choisi d’un commun accord par les deux parties. Arrivé à la présidence, Duque ne nomma jamais un quelconque délégué pour poursuivre les conversations. Au contraire, il les rompit et, violant toutes les conventions, fit émettre des mandats d’arrêt, relayés par Interpol, contre les commandants guérilleros présents à La Havane, demandant leur extradition [17]. Les protocoles signés en 2016, au début des discussions, donnaient aux représentants des rebelles la possibilité de rentrer au pays dans les quinze jours en cas d’échec des tractations. « Ce type de garanties est habituel dans les négociations, car sans elles, aucun processus de paix ne serait possible, et aucun pays tiers n’accepterait d’être garant ou hôte (…) », soulignait à l’époque le juriste Rodrigo Uprimny. En tant que siège des rencontres et garant, Cuba refusa donc de répondre à la demande illégitime de Duque [18]. Lequel, dans une démarche obscène, obtint des Etats-Unis que l’île soit inscrite sur la liste des pays qui parrainent le terrorisme.
Armée de libération nationale (ML 2001)
En annonçant le 19 août qu’il remettait en vigueur les protocoles initiaux, Petro a ordonné de suspendre tant les mandats d’arrêt que les demandes d’extradition. Quatre jours après son accession à la présidence, une première délégation se trouvait déjà à La Havane, emmenée par le ministre des Affaires étrangères Álvaro Leyva, pour rétablir le dialogue avec le gouvernement cubain et la délégation des insurgés, que dirige l’un de leurs « commandantes » historiques, Pablo Beltrán. De son côté, et dès la fin juillet, le commandant en chef de l’ELN Eliécer Erlinto Chamorro, alias Antonio García, avait envoyé un signal positif : « Une fois que nous aurons repris les pourparlers, nous pourrons examiner de manière créative les propositions du nouveau gouvernement et les nôtres, tant celles liées à la participation de la société que celles liées à la création d’un nouvel environnement qui contribuera à la paix en Colombie. »
« Avec les organisations qui ont pris les armes en raison de leurs convictions politiques, nous allons mener une négociation politique », a affirmé le pouvoir. Dans cette catégorie, à laquelle appartient l’ELN, figure à l’évidence la dissidence des FARC nommée « Segunda Marquetalia ». Sombre et tragique épisode, produit d’une machination (récemment confirmée et documentée par la Commission de la vérité) ourdie en 2018 par le très uribiste procureur général Néstor Humberto Martínez et la Drug Enforcement Administration (DEA ; anti-narcos étatsuniens), contre deux figures emblématiques de l’ex-guérilla, Iván Márquez (chef des négociateurs du processus de paix) et Jesús Santrich (également membre de la délégation à La Havane). Pour échapper au piège qui leur était tendu, ceux-ci ont renoncé à leur siège de sénateur et repris le maquis [19]. Márquez avait déjà connu une situation similaire en 1984. Dans le cadre d’un Accord de cessez-le-feu signé avec le gouvernement du président Belisario Betancur, un certain nombre de guérilleros abandonnèrent les armes et intégrèrent un nouveau parti, l’Union patriotique (UP), pour reprendre le chemin de la voie dite démocratique. Elu député suppléant, Márquez dut précipitamment repasser à la clandestinité et à la lutte armée quand commença le massacre des militants et dirigeants de ce parti par les paramilitaires (plus de 5 733 morts, d’après la Juridiction spéciale pour la paix [JEP]).
Rejoints par d’autres « camaradas » de premier plan – « El Paísa », et « Romaña » – Marquez et Santrich ont établi en 2019 leur « Seconde Marquetalia » à cheval sur le département colombien d’Arauca et l’Etat vénézuélien frontalier d’Apure. Dans des circonstances non élucidées, Santrich (le 27 mai 2021), « El Paísa », (le 5 décembre) et Romana (le 7 décembre) ont été tués au combat ou assassinés. Iván Márquez, pour sa part, a été victime d’un attentat le 30 juin 2022. Gravement blessé (et même annoncé mort par les rumeurs), il est vivant et convalescent a confirmé le commissaire pour la paix Danilo Rueda. En novembre 2021, à l’approche de l’élection présidentielle, Márquez avait manifesté l’intention de négocier si l’emportait « un gouvernement s’impliquant jusqu’au bout pour une paix totale ». Le chemin que prendra ce groupe semble donc tracé.
Message de la « Segunda Marquetalia » saluant la victoire de Petro.
Après la signature des Accords de 2016, les FARC se sont fragmentées en plusieurs factions, la plus importante, très largement majoritaire, revenant à la vie civile, les autres refusant de se démobiliser ou reprenant les armes après l’avoir momentanément fait. Quelques-uns de ces fronts présents dans les départements d’Arauca, Valle Del Cauca, Cauca, Caquetá, Catatumbo, Choco, Magdalena Medio et Putumayo peuvent être considérés comme ayant conservé leur caractère « politique ». Beaucoup d’autres non, plus impliqués dans les trafics les plus divers que dans la lutte sociale et idéologique. S’agissant de ce type de structure, le président Petro a notamment proposé des « avantages juridiques » s’ils déposent les armes et signent la paix.
Initialement commandé par « Gentil Duarte » (annoncé « tué » le 4 mai 2022), fort d’environ 2 000 combattants, le Bloc sud-oriental, principalement présent dans la forêt amazonienne et sur la frontière vénézuélienne, a fait savoir le 31 juillet qu’il considère Petro et sa vice-présidente Francia Márquez, comme « de véritables représentants des aspirations des classes populaires ». En conséquence, il a manifesté sa disposition à créer « un climat propice à un accord de cessez-le-feu bilatéral ». Il a même donné le nom de son futur plénipotentiaire, le successeur de « Gentil Duarte », « Iván Mordisco ». Au-delà de son caractère positif, l’annonce a provoqué une certaine perplexité, Mordisco ayant été tué lors d’une opération militaire quinze jours auparavant, si l’on en croit le président de l’époque, Iván Duque. Néanmoins, au-delà de cette épineuse question de personne, cette faction « guérillera » semble réceptive aux propositions du pouvoir, tout comme le sont quelques fronts opérant dans le Cauca et dans le Nariño (colonne mobile Urías Rondón) qui, en septembre, ont à leur tour approché le gouvernement.
Dissidence des FARC (capture d’écran)
Dans les semaines précédant l’intronisation de Petro et dans le cadre d’un « plan pistolet », les narco-paramilitaires des AGC (ou Clan du Golfe) ont multiplié les attentats dans les départements de Chocó, Antioquia, Córdoba et Sucre contre les forces de sécurité. Vingt-cinq policiers et officiers en uniforme ont été tués – 18 en service, 7 pendant leurs repos (dont 12 pour le seul mois de juillet). S’agissait-il de représailles après l’extradition aux Etats-Unis du leader du Clan, Dairo Antonio Úsuga, alias « Otoniel », par le gouvernement de Duque ? D’un message au prochain locataire de la Casa de Nariño ? Ou même des deux ? La position de Petro (qui concerne également les dissidences des FARC et autres organisations impliquées dans des activités purement mafieuses) ne s’est pas faite attendre. Ne s’agissant pas d’acteurs politiques, le gouvernement en tant que tel, n’est pas directement concerné par une négociation : « C’est l’appareil judiciaire qui doit permettre la possibilité d’une soumission à une justice digne. La dignité est liée à la vérité, à la réparation pour les victimes, à la possibilité pour les zones d’action [des bandes] de prospérer, et même à la possibilité de bénéficier d’avantages juridiques pour autant qu’il n’y ait pas de répétition et que les victimes soient indemnisées. »
Le 8 août, les AGC réagissaient par un communiqué surprenant : « Enfin se termine le régime du président sortant Duque (…) représentatif de toutes les choses qui doivent changer dans le pays pour atteindre la paix insaisissable. » Et d’annoncer « un arrêt unilatéral des activités offensives ». Plus récemment, quelques groupes illégaux opérant en Antioquia, parmi lesquels Los Pachelly, ont fait connaître leur souhait de rejoindre le processus devant mener à la fameuse « paix totale ».
Les êtres humains ont une curieuse tendance à rester imprévisibles. Mais le sont-ils tant que ça ? Depuis les Etats-Unis, où il a été extradé en 2008 et condamné à 15 ans et 10 mois de prison, le dernier chef des historiques Autodéfenses unies de Colombie (AUC), Salvatore Mancuso, a créé la surprise : « Si le gouvernement de Gustavo Petro veut nous appeler pour tout travail visant à atteindre la paix totale, nous sommes ici prêts à tout pour l’aider. » Que le ressentiment guide Mancuso est une évidence, « après des années pendant lesquelles ceux qui ont bénéficié des groupes d’autodéfense ont réussi à accumuler du pouvoir et ont essayé par tous les moyens de nous faire taire et de nous laisser sans droits politiques ». C’est effectivement le chef de bande Álvaro Uribe, qui, pour éviter leurs révélations embarrassantes dans le cadre du processus « Justice et paix » issu des accords de Santa Fe de Ralito (juillet 2003), a expédié en mai 2008 aux Etats-Unis, où ils ont été jugés pour « narcotrafic », quatorze chefs paramilitaires démobilisés, ses anciens alliés [20]. D’où, sur le ton de la vindicte : « Le gouvernement Uribe nous a trompés. Il nous a poussés vers un système judiciaire dont les conditions n’avaient pas été convenues ». Mais aussi, et quoi qu’on pense du personnage, avec un bon sens certain : « Il a extradé nos principaux commandants et porte-parole. Le résultat a été le réarmement de ces jeunes qui ont compris que la négociation était un piège (…) Le phénomène de la violence émergente et des organisations comme les groupes d’autodéfense gaitanistes et d’autres de ce type est le résultat direct de l’échec de l’Etat à renoncer à l’extradition de ceux qui auraient dû travailler à la réincorporation des ex-combattants [21]. »
Toutes choses égales par ailleurs, on peut tenir le même discours sur l’acharnement criminel de Duque à mettre en pièces l’Accord de paix signé avec les FARC et les désastreux résultats qui s’en sont suivis.
Mancuso, qui a terminé sa peine mais demeure détenu dans une prison d’Atlanta (Géorgie), a été rejoint dans la démarche par les Autodéfenses Conquistadores de la Sierra Nevada (ou los Pachencas). Dans un communiqué manifestant sa volonté de dialoguer, l’état-major de ces « narcos » de la côte caraïbe a « invité le gouvernement à reprendre et améliorer les accords de Santa Fe de Ralito, dans lesquels existaient des garanties juridiques pour la démobilisation et l’abandon des armes ». Six autres ex-chefs des AUC [22] et le tout récent extradé « Otoniel », se sont également mis sur les rangs. Depuis la prison de haute sécurité ADX Florence (Colorado) où il se trouve à l’isolement total, « Otoniel » a confié un message à son avocat, Alexei Schacht. A ses anciens subordonnés des AGC, il demande de cesser leurs actions contre la force publique, d’interrompre les « paros armados » (paralysie forcée d’un territoire) « car ils nuisent à la population civile » et appelle le gouvernement de Petro à« rechercher l’accord de paix auquel aspirent tous les Colombiens ».
« Je n’ai pas dit oui ou non [à la proposition de Mancuso], mais ce qui ce qui se passe c’est qu’il y a des gens qui ont vraiment compris, après avoir été mis en prison, traités de la pire des façons, extradés, vu menacés leurs fils, leurs filles, leurs amours, et donc, s’être retrouvés acculés là-bas », a réagi Petro avant de souligner : « Lorsqu’une personne comme l’ancien chef paramilitaire dit cela, j’y vois une opportunité de parvenir à la paix. » Raison pour laquelle il confirme : « Le narcotrafiquant qui négocie avec l’Etat colombien en bénéficiant d’avantages juridiques, et qui s’engage à cesser définitivement le narcotrafic, ne sera pas extradé vers les Etats-Unis. »
« Otoniel » à son arrivée aux Etats-Unis.
Vision optimiste : de nombreux voyants passent au vert. Registre pragmatique : cela ne signifie en rien que la suite des opérations sera dépourvue de difficultés. Compte tenu de la diversité des situations, le pouvoir va devoir se montrer très inventif. Même avec une organisation à caractère idéologique, telle que l’ELN, il s’agira d’une négociation ardue. A la différence des ex-FARC, très verticales, orthodoxes et hiérarchisées, l’ELN est une organisation armée peu centralisée, une fédération de fronts guérilleros, au sein de laquelle une nouvelle génération de cadres intermédiaires a pris quelques distances avec la direction – certains fronts allant jusqu’à s’impliquer dans le narcotrafic, attitude exceptionnelle il y a quelques années. Il n’y aura donc ni unanimité automatique ni obéissance unanime dans ses rangs. L’ELN n’entend pas, par ailleurs, négocier seule, en tête à tête avec le pouvoir, mais souhaite impliquer la population. Ce à quoi a déjà répondu le gouvernement. « Il ne s’agira pas de pourparlers entre élites, à La Havane ou ailleurs, mais ce sont les territoires qui seront les protagonistes de la paix totale, a précisé Cepeda. Du dialogue social contraignant, des actions humanitaires sur le territoire, de ce que nous pouvons réaliser dans les conseils communautaires, dans les réserves indigènes, dans les assemblées populaires, dans chacun des endroits où il y a un conflit armé. Pour cela, nous allons introduire la figure d’une Région de paix qui inclura les territoires du PDET [Programmes de développement axés sur le territoire, établis dans les Accords de paix de 2016 [23]] et beaucoup d’autres qui ne sont pas inclus dans cette figure. »
Dès mai 2022, l’ELN a exprimé ses réticences quant aux pourparlers annoncés par Petro avec l’extrême droite et les « narcos », soulignant que ces organisations « ont des intentions "tordues" » en prétendant s’intéresser à la pacification du pays, « alors qu’elles sont au service de tueurs à gages ». Rappelant que la guérilla a pris les armes pour lutter contre l’inégalité sociale et la pauvreté, le commandant en chef Antonio García a clairement manifesté le refus d’être traité sur le même rang que ces structures : « Un gouvernement peut parler à qui il veut, chacun assume ses propres responsabilités. Mais si le gouvernement nous met dans le même sac que les gangs ou les groupes paramilitaires, nous ne participerons pas ; une chose est une chose et une autre chose est une autre chose… »
Que certains acteurs mafieux souhaitent une sortie négociée est plausible. Surtout à l’extrême droite, où l’on peut craindre une moindre mansuétude et une persécution plus affirmée venant d’un pouvoir qui échappe désormais à la domination des amis ou des complices de l’« uribisme ». En revanche, on ne pariera pas que tous jouent franc jeu. On peut certes être pris d’enthousiasme lorsque, dans un courrier de quatre pages, Los Caparrapos, Los Rastrojos (grands amis du président imaginaire vénézuélien Juan Guaidó), Los Shottas de Buenaventura, La Inmaculada de Tulua et les Grupos Mexicanos de Quibdó proclament : « Nous sommes prêts à désarmer quand le moment sera venu ; nous sommes prêts à demander pardon ; nous sommes prêts à fournir une vérité pleine et entière ; nous sommes prêts à… » Combien le feront ? C’est demander à un tigre de rendre un bifteck ! La dépendance à la cocaïne ne touche pas que les consommateurs ! Des sommes fabuleuses sont en jeu.
Sincère la lettre envoyée par l’ex-chef de la Oficina de Envigado (redoutable organisation criminelle urbaine ayant pour centre de gravité Medellín), José Leonardo Muñoz, alias « Douglas », depuis le pavillon des « extradables » de la prison de La Picota, à Bogotá ? Avec quelques autres, il demande « respectueusement qu’un espace de dialogue soit établi afin de concrétiser la proposition que vous [Petro] avez présentée au gouvernement des Etats-Unis pour apporter des changements à la politique d’extradition en vigueur en Colombie [24] ». Volonté de coopérer en appelant les membres du gang en activité (et avec quel succès ?) à la soumission ou, avant tout, tentative opportuniste d’échapper à l’extradition ?
D’une complexité folle, le problème donne lieu à trop de réponses possiblement contradictoires pour qu’il puisse être question de prophétiser.
Pessimisme de la raison, optimisme de l’action… Sans laisser le temps au temps, le pouvoir avance à grand pas. Il n’a pas le choix. Il doit profiter de son hétéroclite majorité au Congrès avant que celle-ci ne commence à se déliter. Et que les médias dominants, traditionnellement hostiles, mais pour l’heure relativement neutralisés du fait de la présence de secteurs de droite au gouvernement, ne retrouvent leur capacité de nuisance.
L’armée colombienne a vocation à « construire la paix » et à devenir « une armée de paix », a indiqué Petro à l’occasion de la prise de fonction officielle du nouveau commandement. Et pas n’importe lequel : en moins d’un mois, 52 généraux des Forces armées (28) et de la police (24) ont été démis de leurs fonctions et passés à la retraite. Dix-huit colonels ont subi le même sort. Encore candidat, Petro avait été publiquement attaqué par le commandant en chef de l’époque, Eduardo Zapateiro. Lequel a démissionné pour ne pas devoir assister à l’intronisation de l’ancien membre du M-19. Nouveau commandant en chef, le général Helder Fernando Giraldo Bonilla était jusque-là chargé de la lutte contre la corruption au sein de l’institution. Au cours du premier Conseil de sécurité qu’il a dirigé depuis Quibdo (Chocó), Petro a annoncé une véritable révolution : reposant jusque-là sur la participation exclusive des forces militaires et de la police, ceux-ci deviennent des « Conseils de sécurité humaine » auxquels prendront également part différentes institutions non armées – délégués des communautés, universités, etc.
Pour protéger les civils et les enfants, le ministre Velásquez entend réduire, sinon supprimer, l’une des stratégies les plus meurtrières utilisée contre les groupes armés illégaux : les bombardements. Il a de même annoncé la suspension de l’éradication forcée des cultures de coca et des vols d’aspersions de glyphosate utilisées à cette fin. Non sans que Petro ait précisé : « Suspendre les fumigations aériennes n’est pas un permis pour semer plus de coca ! »
Impunité zéro : les policiers et militaires perdront désormais des points et de l’avancement si des crimes sont commis dans leur juridiction. De facto, le service militaire « obligatoire » disparaît. Les jeunes pourront opter pour un « service social pour la paix » d’une durée de 12 mois, jouissant d’une rémunération conforme à celle prévue pour le service militaire et au cours duquel ils pourront travailler avec les victimes de la violence et du conflit armé.
Dernier point, et non des moindres : dépendant jusque-là du ministère de la Défense, le police, très décriée pour ses méthodes de répression, devrait prochainement passer sous le contrôle d’un futur ministère de la Paix, de la coexistence et de la sécurité. Quant aux redoutables Escadrons anti-émeutes (Esmad), ils devraient être considérablement réformés.
Transition modérée ? Non, changements profonds.
« Petro, ça suffit ! » (pendant le mouvement social, mai 2021)
Pais interne, paix externe. Car la Colombie était en guerre – fût-elle non déclarée. En février 2019, non seulement Duque a reconnu le président fantoche vénézuélien Juan Guaidó, mais, s’érigeant en fer de lance de l’encerclement diplomatique de la République bolivarienne, assurait que les heures du chef d’Etat Nicolás Maduro étaient comptées. Le 23 février, au milieu d’une escalade dans les tensions et à l’initiative de Maduro, les relations diplomatiques furent rompues. Depuis, le ministère imaginaire de Guaidó siégeait à Bogotá où, avec la bénédiction de Duque, il s’était mis aux ordres de l’ « ambassadeur étatsunien au Venezuela » James Story, lui aussi résidant en Colombie. Magnifiques alliances… En diverses occasions, les relations étroites du « Guaido Circus » avec les paramilitaires ont été révélées et documentées [25].
Virage à 180°, retour à la diplomatie. En quelques jours et alors que Guaidó tentait désespérément d’exister en déclarant qu’il rechercherait « des mécanismes formels de communication avec le gouvernement de Gustavo Petro », les deux pays ont rétabli leurs relations diplomatiques et, le 29août, échangé leurs ambassadeurs – le colombien Armando Benedetti à Caracas, le vénézuélien et ex-ministre des Affaires étrangèresFélix Plasencia à Bogotá. Au Venezuela, Benedetti n’a pas fait les choses à moitié : en quelques heures, il a rencontré le président Maduro, la vice-présidente Delcy Rodríguez, le président de l’Assemblée nationale Jorge Rodríguez et le numéro deux du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) Diosdado Cabello. Une claque phénoménale pour ceux qui, depuis Bogotá, pour complaire à Washington, se sont comportés comme des pirates et des voleurs avec le pays voisin. Tout en spoliant aussi la Colombie…
Monómeros Colombo Venezolanos S.A. : située à Barranquilla, firme pétrochimique appartenant à Pequiven (entreprise publique vénézuélienne), fournisseuse de 45 % des engrais et fertilisants du marché colombien. Depuis Washington et au nom de « sanctions » qui violent le droit international, Donald Trump mène une vaste campagne de séquestration et d’appropriation des actifs vénézuéliens à l’étranger – Etats-Unis, Portugal, Grande-Bretagne, etc. Avec la complicité de Duque, la « camarilla » corrompue de Guaidó s’empare de Monómeros et y nomme une nouvelle direction ad hoc – Carmen Elisa Hernández, une proche de Leopoldo López, leader du parti d’opposition vénézuélien Volonté populaire qui, depuis son exil doré de Madrid, où il se trouve en cavale, est le chef caché de Guaidó. Couverte par les fonctionnaires de Duque, cette « pandilla » laisse péricliter l’entreprise, la pille, la dépouille, en détourne les fonds et la mène à la faillite en 2021. La Colombie doit importer des fertilisants d’origine russe. Le conflit en Ukraine perturbe les approvisionnements. Les prix doublent au détriment de l’activité productive et paysanne, provoquant en bout de chaîne une hausse considérable de la valeur des aliments. Pendant la campagne électorale, les travailleurs de l’entreprise demandent au candidat Petro « de sauver l’entreprise et de sauver les travailleurs du massacre qu’ils subissent ».
Consulté sur ce thème, l’ambassadeur colombien Benedetti a rapidement mis les points sur les « i » : « Monómeros repassera au gouvernement de Nicolás Maduro, ce qui a été stipulé depuis que le gouvernement de Gustavo Petro a reconnu le président Maduro. Monómeros appartient au Venezuela, pas à Juan Guaidó, car Guaidó n’est rien ! »
Pour la plus grande satisfaction des secteurs économiques colombiens et vénézuéliens, mais aussi des populations installées des deux côtés de la frontière, celle-ci devrait être ré-ouverte le 26 septembre. En 2008, alors que le Venezuela était le premier partenaire commercial de la Colombie, cette dernière exportait 6,5 milliards de dollars dans le pays voisin. Entre janvier et juin 2022, on n’estimait plus les exportations qu’à 284,4 millions de dollars (en progression par rapport à 2021 !). La politique aussi inepte que criminelle de Duque l’a donc fortement pénalisée. Outre le transport routier de fret, les liaisons aériennes vont également reprendre. Ce retour à des relations normales devrait par ailleurs avoir un impact positif en réduisant le rôle des mafias qui monopolisent le trafic de personnes et de marchandises à travers les « trochas » – chemins sauvages dépourvus de surveillance, en zone boisée et isolée. Enfin, l’espoir d’une diminution de la violence en Colombie (mais aussi au Venezuela) ne peut faire l’économie d’une collaboration étroite entre les deux pays. D’après la Fondation Progresar, sur les seuls 422 kilomètres de frontière séparant Le Nord Santander (Colombie) du Táchira (Venezuela), douze structures illégales fonctionnent – guérillas, paramilitaires, bandes criminelles et autres trafiquants. Même situation entre l’Arauca (Colombie) et l’Apure (Venezuela) et, plus au nord, entre la Guajira et le Zulia.
Rétablissement des relations diplomatiques avec le Nicaragua.
Reste un acteur de taille : les Etats-Unis. Amis ou ennemis ? Depuis des décennies, la Colombie est gouvernée par une droite totalement alignée sur Washington. Deux jours après son élection, Petro a reçu un appel amical de Joe Biden en personne, au cours duquel, si l’on en croit le président colombien, a été évoquée « une relation diplomatique plus égalitaire, au profit des deux peuples ». Mais la marge de manœuvre de Petro est étroite, « verrouillée » par avance quand, à l’initiative d’Uribe, Santos et Duque, la Colombie a accédé au rang de « partenaire global de l’OTAN ». Quand les Etats-Unis peuvent utiliser à leur gré huit bases militaires sur le territoire national. Quand des conseillers américains de la Brigade d’assistance aux forces de sécurité (SFAB) stationnent sur la frontière, face au Venezuela, dans la base d’Arauquita (Arauca).
Ivan Duque avec les militaires étatsuniens de la SFAB (avril 2022)
En renouant avec Caracas, Petro a clairement revendiqué la pleine souveraineté de son pays. Il a, depuis, persisté et signé. Discrètement lorsque le ministre des Affaires étrangères envisage, comme l’a fait l’Argentine, de retirer la plainte de la Colombie contre le Venezuela devant la Cour pénale internationale (CPI), pour crimes contre l’humanité (prouvant s’il en était besoin à quel point le thème des « droits de l’homme » a été instrumentalisé, avec la connivence des grandes organisations du secteur – Amnesty International, Human Right Watch, etc. [26]) Plus spectaculairement quand Petro demande à Caracas – qui l’accepte le 12 septembre – d’être « garant » lors des futures négociations avec l’ELN. Il est prévu que, dans les jours prochains, les négociateurs de la guérilla emmenés par Pablo Beltrán quittent provisoirement La Havane pour gagner le territoire vénézuélien afin d’y rencontrer en sécurité les membres du Commandement central (COCE) – dont les très influents commandants Antonio García et « Pablito » – afin d’accorder leurs violons après le long laps de temps qui, les uns à Cuba, les autres sur le terrain, les a séparés. Dans le but d’actualiser les normes du dialogue initiées sous le mandat de Juan Manuel Santos, Beltrán rencontrera également des émissaires de Petro au Venezuela.
Pour l’instant, les Etats-Unis demeurent silencieux. Mais c’est depuis Bogotá, lors de l’intronisation de Petro, que Samantha Power, en conférence de presse, a déclaré le 7 août : « Sur la base de l’histoire récente, nous devons faire partie de la solution de manière responsable ; en tant qu’Etats-Unis et administration Biden, nous reconnaissons Juan Guaidó comme président par intérim du Venezuela [27]. » Selon que la Maison-Blanche soufflera le tiède ou le très froid sur Caracas, l’attitude de Washington par rapport à Bogotá pourrait assez facilement évoluer. La Colombie demeure une pièce maîtresse sur l’échiquier sud-américain. Pour preuve, les visites répétées de la cheffe du Commandement sud de l’armée des Etats-Unis (Southcom), la générale Laura J. Richardson. Sous Duque, en novembre 2021, elle est venue en Colombie pour « consolider les relations stratégiques entre les deux nations ». Le 5 septembre dernier, sous Petro, elle a dédié trois jours au renforcement de la coopération en matière de sécurité et… d’environnement. Au cours de son séjour, elle a rencontré le ministre de la défense Iván Velásquez, le commandant des Forces armées, et a visité des unités stratégiques avant un passage par l’Ecole de guerre où elle a donné un cours magistral aux officiers [28]. Quelques jours plus tard, prévues de longue date, des manœuvres se déroulent sur la base militaire de Tolemaida, sous supervision de l’OTAN.
Ivan DUQUE avec des militaires étatsuniens de la SFAB (Avril 2022)
En renouant avec Caracas, Petro a clairement revendiqué la pleine souveraineté de son pays. Il a, depuis, persisté et signé. Discrètement lorsque le ministre des Affaires étrangères envisage, comme l’a fait l’Argentine, de retirer la plainte de la Colombie contre le Venezuela devant la Cour pénale internationale (CPI), pour crimes contre l’humanité (prouvant s’il en était besoin à quel point le thème des « droits de l’homme » a été instrumentalisé, avec la connivence des grandes organisations du secteur – Amnesty International, Human Right Watch, etc. [26]) Plus spectaculairement quand Petro demande à Caracas – qui l’accepte le 12 septembre – d’être « garant » lors des futures négociations avec l’ELN. Il est prévu que, dans les jours prochains, les négociateurs de la guérilla emmenés par Pablo Beltrán quittent provisoirement La Havane pour gagner le territoire vénézuélien afin d’y rencontrer en sécurité les membres du Commandement central (COCE) – dont les très influents commandants Antonio García et « Pablito » – afin d’accorder leurs violons après le long laps de temps qui, les uns à Cuba, les autres sur le terrain, les a séparés. Dans le but d’actualiser les normes du dialogue initiées sous le mandat de Juan Manuel Santos, Beltrán rencontrera également des émissaires de Petro au Venezuela. Pour l’instant, les Etats-Unis demeurent silencieux. Mais c’est depuis Bogotá, lors de l’intronisation de Petro, que Samantha Power, en conférence de presse, a déclaré le 7 août : « Sur la base de l’histoire récente, nous devons faire partie de la solution de manière responsable ; en tant qu’Etats-Unis et administration Biden, nous reconnaissons Juan Guaidó comme président par intérim du Venezuela [27]. » Selon que la Maison-Blanche soufflera le tiède ou le très froid sur Caracas, l’attitude de Washington par rapport à Bogotá pourrait assez facilement évoluer. La Colombie demeure une pièce maîtresse sur l’échiquier sud-américain. Pour preuve, les visites répétées de la cheffe du Commandement sud de l’armée des Etats-Unis (Southcom), la générale Laura J. Richardson. Sous Duque, en novembre 2021, elle est venue en Colombie pour « consolider les relations stratégiques entre les deux nations ». Le 5 septembre dernier, sous Petro, elle a dédié trois jours au renforcement de la coopération en matière de sécurité et… d’environnement. Au cours de son séjour, elle a rencontré le ministre de la défense Iván Velásquez, le commandant des Forces armées, et a visité des unités stratégiques avant un passage par l’Ecole de guerre où elle a donné un cours magistral aux officiers [28]. Quelques jours plus tard, prévues de longue date, des manœuvres se déroulent sur la base militaire de Tolemaida, sous supervision de l’OTAN
Visite en Colombie de Laura Richardson, cheffe du SouthCom.
« J’ai défendu le plan Colombie dès le début, et je me suis assuré qu’il reçoive un soutien bipartite au Congrès, écrivait Biden, il n’y a pas si longtemps, dans un quotidien de Floride. Il s’agit là de l’une de nos plus grandes réussites en termes de politique étrangère depuis un demi-siècle [29]. » Dix milliards de dollars depuis 1999 et Bill Clinton pour… rien. C’est ce qu’on appellera un optimisme à tout crin. Ou une absolue cécité. Peut-être Biden ne lit-il pas les rapports de ses propres services (voir les chiffres précédemment cités de l’ONDCP). Manifestement, Petro les connaît. En exprimant sa volonté de mettre en œuvre une stratégie innovante pour lutter contre le narcotrafic – « Il esttemps d’avoir une nouvelle convention internationale qui accepte que la guerre contre les drogues a échoué » – et en prônant une « politique forte de prévention de la consommation » dans les pays développés, il a donc mis la barre très haut. Malgré les 107 000 étatsuniens morts en 2021 d’overdoses, pas sûr que Washington ne l’aide beaucoup… Sachant que la « communauté internationale » – l’Union européenne, pour aller vite – suit généralement ce qu’ordonne le porteur de la bannière étoilée. Et qu’elle se montre particulièrement timorée dès qu’il s’agit d’aborder sérieusement cette épineuse question.
Le Pacte historique s’attaque à une tâche titanesque. Ces dernières semaines, dans le Cauca et le Valle del Cauca, des organisations indigènes et paysannes ont mené des actions de récupération de terres. Sans doute socialement justifiées. Mais quelque peu précipitées, vues depuis le pouvoir. « Ce que cela fait, a déclaré la ministre Cecilia López, c’est ralentir le processus ; cela entrave l’espace politique pour prendre ces décisions, cela nous amène à résoudre des conflits au lieu de progresser sur la façon dont nous allons octroyer des titres sur les terres, dont nous allons les distribuer et sur ce qui se passe avec les actifs de la SAE [Société des actifs spéciaux, gestionnaire des biens confisqués aux narcotrafiquants]. » Premiers accrocs, particulièrement inattendus. Pour des organisations telles que la Coordination nationale agraire (CNA), les déclarations de cette proche de… la vice-présidente Francia Márquez stigmatisent la lutte populaire pour la justice face à la dépossession.
Pain béni pour les forces hostiles, qui demeurent en embuscade. « L’ELN co-gouverne avec Petro, accusait déjà la sénatrice du Centre démocratique Maria Fernanda Cabal. Il n’y a qu’à décrocher un téléphone pour que l’aile idéologique parle à l’aile militaire. » Les yeux fixés sur la présidentielle de 2026, cette admiratrice de Donald Trump et Jair Bolsonaro multiplie les outrances : « Souvenons-nous que Petro a des chefs comme Maduro, [Daniel] Ortega, la [Cristina] Kirchner et [Gabriel] Boric. Les chefs sont l’Iran, la Russie et sûrement la Chine (…) Ils veulent commencer à produire de nouvelles générations d’endoctrinés, comme l’ont fait les nazis ou lors de la guerre du Cambodge : les enfants étaient à la tête des camps de concentration, dans des camps pédagogiques et de rééducation. » On pourrait en sourire. Mais Cabal a pour époux le président de la Fédération colombienne des éleveurs (Fedegan) José Félix Lafaurie. En réaction aux récentes occupations de terres, celui-ci a suscité la controverse en évoquant la venue de « temps difficiles » et en suggérant la création de « Groupes de réaction solidaire immédiate » – les paramilitaires ne sont pas nés autrement !
Tout ce beau monde se montre hostile aux négociations avec l’ELN. « Il est clair qu’ils ont perdu toute qualité d’insurgés et qu’aujourd’hui ils doivent être traités comme des criminels de droit commun », déclare une autre « ultra » du Centre démocratique, la sénatrice Paloma Valencia. Pour l’instant en mode mineur, certains secteurs militaires ont pointé le bout du nez. Président de l’Association colombienne des officiers retraités (Acore), soutien du candidat de droite Rodolfo Hernández durant sa campagne, l’ex-colonel Jhon Marulanda s’est exprimé ainsi lorsqu’a été connu le nom du nouveau ministre de la Défense : « Ce n’est pas la nomination à laquelle nous nous attendions ; nous pensions que ce serait une femme. Mais nous avons ce M. Iván Velásquez qui en sait long sur le crime transnational et qui a fortement attaqué l’armée et la police. »
Sabotage ? Provocation ? Pas de quoi inciter les forces de l’ordre à s’enthousiasmer pour la « paix totale », en tout cas : le 1er septembre, dans la zone rurale de San Luis (département de Huila), sept policiers sont morts dans une embuscade dont les auteurs demeurent inconnus. But atteint : sur le thème de la sécurité, le gouvernement se retrouve sous pression.
Enfin, on n’oubliera pas de mentionner l’inévitable Juan Guaidó. Le 12 août, en conférence de presse, le protégé de Washington a vertement critiqué la rapidité avec laquelle Petro a rétabli les relations diplomatiques avec le Venezuela. « Il n’aurait pas dû se rapprocher de ceux qui aujourd’hui protègent le terrorisme, favorisent les dissidents des FARC et de l’ELN, le trafic de drogue, le trafic d’armes, la traite des êtres humains, la contrebande, entre autres choses », a-t-il déclaré. Le personnage peut paraître désormais anecdotique. Qu’on ne s’y trompe pas. Il n’est pas si seul que ça. Interviewé le 7 septembre par CNN en espagnol, l’ex-président Iván Duque a déclaré que « sa grande frustration, en tant que gouvernant, est de ne pas avoir vu la chute de la dictature de Nicolás Maduro au Venezuela. » Si à court, moyen ou long terme, les ennemis de la paix avec justice sociale se mobilisent en Colombie, la droite et l’extrême droite vénézuéliennes, avec les méthodes qu’on leur connaît, participeront activement à l’offensive contre Petro.
Commission de la Vérité
Dans son Rapport préliminaire de 896 pages rendu public le 28 juin 2022, la Commission de la vérité fait la lumière sur un conflit interne long de d’un demi-siècle impliquant guérillas, paramilitaires, forces armées, civils, classe politique et puissances étrangères (essentiellement les Etats-Unis).
450 664 personnes ont été tuées entre 1985 et 2018 (elles pourraient être en réalité plus de 800 000 estime le rapport).
50 770 personnes ont été enlevées.
On a compté 121 768 disparus et 7,7 millions de déplacés.
La responsabilité des morts incombe pour 27 % aux guérillas ; 45 % aux paramilitaires ; 12 % aux forces de l’ordre. Si l’on considère les liens avérés entre militaires et paramilitaires, 57 % des victimes sont donc attribuables à l’Etat contre 27 % aux guérillas.
A ces chiffres, il convient de rajouter les 200 000 morts de la période connue sous le nom de « la Violencia » (1948-1954), postérieure à l’assassinat du leader libéral Eliécer Gaitán.
Gustavo Petro invite « les jeunes, les vieux et les vieux sages, les travailleurs, les patrons, les femmes, les Noirs, les Indigènes à participer aux cinquante dialogues régionaux contraignants. » (15 septembre 2022)
[1] En 1995, le candidat conservateur Álvaro Gómez Hurtado (Movimiento de Salvación Nacional) fut également éliminé. Un doute subsiste quant à l’appartenance politique des auteurs de cet assassinat. La responsabilité des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) a été évoquée par un de leurs ex-commandants, l’actuel sénateur Julián Gallo (anciennement connu sous le nom de Carlos Antonio Lozada). La thèse demeure contestée, y compris par le fils de Gómez Hurtado.
[2] La Grande Colombie englobait les actuels Colombie, Venezuela, Equateur et Panamá ainsi qu’une partie du nord du Pérou et du nord-ouest du Brésil, en Amazonie. Elle avait été proclamée par le Vénézuélien Simón Bolívar en septembre 1819 à Angostura (aujourd’hui Ciudad Bolivar).
[3] Les activités de l’USAID sont étroitement coordonnées avec celles de la National Endowment for Democracy (NED), une organisation de façade créée en 1983 par Ronald Reagan pour financer en mode « moins sulfureux » les interventions non conventionnelles jusque-là du ressort de la CIA.
[4] Colombia Humana (de Gustavo Petro), Unión Patriótica (UP)-Partido Comunista (PCC), Polo Democrático Alternativo (PDA), Movimiento Alternativo Indígena y Social (MAIS), Partido del Trabajo de Colombia (PTC), Unidad Democrática (UD), Todos Somos Colombia.
[6] Le 9 décembre 2013, il a été destitué de son poste de maire et interdit de mandat politique pendant quinze ans par le très « uribiste » procureur général Alejandro Ordoñez, avant d’être rétabli dans ses fonctions le 23 avril 2014 par le Tribunal supérieur de Bogotá. Prétexte de cette destitution : Petro avait voulu déposséder des entreprises accusées de se comporter en mafia du ramassage des ordures pour transférer celui-ci à un service public.
[8] Cette présidence du Sénat sera ensuite occupée, par rotation, par d’autres forces de la coalition. Dans l’ordre : Parti vert, Parti conservateur et Parti libéral.
[9] Ministre de l’agriculture du néolibéral César Gaviria (1993) ; secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal) de 1998 à 2003 ; secrétaire général adjoint des Nations unies pour les affaires économiques et sociales (2003-2007) ; professeur à Cambridge, Yale, Oxford et Columbia.
[10] « Le changement c’est maintenant » a été le slogan de campagne de François Hollande en 2012.
[13] L’AGC trouve son origine dans les membres des Autodéfenses unies de Colombie (AUC) qui, entre 2003 et 2006, dans le cadre de la loi Justice et Paix promue par le gouvernement d’Álvaro Uribe et approuvée par le Congrès, n’ont pas voulu se soumettre au processus de démobilisation.
[20] Outre Salvatore Mancuso, les plus grands dirigeants des milices d’extrême droite ont pris le chemin des Etats-Unis qui les ont jugés pour « narcotrafic » : Rodrigo Tuvar Pupo (alias « Jorge 40 »), Diego Fernando Murillo (alias « Don Berna »), Hernán Giraldo (alias « Pablo Sevillano »), Ramiro Vanoy (alias « Cuco Vanoy »), etc.
[21] Caracol Radio, Bogotá, 25 août 2022 (première interview accordée depuis 15 ans, depuis les Etats-Unis).
[22] Fredy Rendón Herrera, Edward Cobos, Rodrigo Pérez Alzate, Manuel de Jesús Piraban, Luis Eduardo Cifuentes et Ramón Isaza.
[23] Instrument de planification et de gestion sur 15 ans, qui vise à stabiliser et à transformer les territoires des 170 municipalités les plus touchées par la violence, la pauvreté, les économies illicites et la faiblesse institutionnelle.
[26] Amnesty International a vertement critiqué le gouvernement argentin lorsque celui-ci a officiellement quitté le Groupe de Lima (inféodé à Washington) et demandé à la Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, le retrait de toutes les mesures prises contre le Venezuela, à la demande, entre autre, du gouvernement de Mauricio Macri.
[28] Le 7 septembre, au terme d’une réunion avec le président Petro, il a été envisagé la création d’une force militaire conjointe destinée à la protection de la forêt amazonienne.
[29] Lola Allen et Guillaume Long, « Colombie : feu sur l’“ennemi intérieur” », Le Monde diplomatique, Paris, juin 2021.
Au XVe siècle, le pape partagea le continent américain entre les Espagnols et les Portugais, sans se préoccuper des Indiens qui à l’origine l’occupaient, avec leurs lois, leurs coutumes et leurs droits de propriété. Ainsi est plus ou moins née ce qu’on appelle l’« Amérique latine », ce concept imprécis qui, nous dit Christophe Ventura, « sert à distinguer deux Amériques opposées sur le même continent, une saxonne (protestante, blanche) et une latine (catholique, métisse) ». Car en effet, nul n’en ignore, est apparu ultérieurement, au nord, une sorte de géant, mélange d’idéologie et de business : les Etats-Unis.
Cet ex-« Nouveau Monde » – l’Amérique latine – occupe aujourd’hui une place importante au cœur des grands enjeux qui façonnent le XXIe siècle. Mais il est parfois mal connu du fait d’une « information » devenue assemblage de fragments juxtaposés, sans points de repère ni construction. D’où l’intérêt de l’ouvrage rédigé par Ventura, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). En quatre parties – « les Amériques latines », « Economie et sociétés », « Dynamiques sociopolitiques contemporaines », « L’Amérique latine et le monde » – et 40 fiches allant à l’essentiel, l’ouvrage cerne les défis contemporains du sous-continent. Un ensemble de 33 pays (et 43 territoires si l’on prend en compte Porto Rico ainsi que les territoires britanniques, français et néerlandais de la Caraïbe et de l’Amérique du Sud), comptant 660 millions d’habitants (dont 214 millions au Brésil et plus de 130 millions au Mexique) ainsi que des mégapoles de plus de 10 millions d’habitants (São Paulo, Ciudad de Mexico, Buenos Aires, Rio de Janeiro, Lima). Ce qui n’est pas rien.
On ne prétendra pas que tout est passé au crible dans ce livre, mais l’éventail est large, qui replace la politique, l’économie et le social de la région dans leur contexte. A commencer par l’impérialisme états-unien (même si le terme n’est pas employé), depuis la Destinée manifeste (1840), la Doctrine de Monroe (1823), l’Amendement Platt (1898), le Corollaire de Roosevelt (1904), cadres de référence encore revendiqués par Donald Trump, il n’y a pas si longtemps.
A cette mention sans doute classique, mais essentielle, s’ajoute une pléthore de sujets transversaux aussi divers que « l’arc caribéen », « 1001 langues », « les systèmes politiques », « reflux catholique et poussée évangélique », « disputes territoriales », « violence et narcotrafic », « Internet et réseaux sociaux », « la crypto-économie », « les mouvements indigènes et afro », « les femmes », « les questions LGBTQIA+ », « les mouvements populaires », etc. Ainsi découvrira-t-on qu’il existe une Agence latino-américaine de l’espace (ALCE) créée en 2020 ou que, après le cycle progressiste (1998-2008) et ses initiatives d’intégration régionale, la pauvreté et l’extrême pauvreté progressent depuis 2014 dans la région.
A la périphérie du capitalisme mondialisé, certains de ces pays, comme l’Argentine, le Brésil, le Chili ou le Mexique, « considérés comme “émergents”, prennent une part croissante dans l’économie mondiale. » Le survol effectué par Ventura permet de discerner les évolutions récentes les plus significatives, depuis l’émergence de l’Antarctique – « où le réchauffement climatique et la fonte des glaces liés aux effets du changement climatique rendent le territoire de plus en plus attractif » – jusqu’au recul historique des Etats-Unis en tant que partenaire commercial de la zone, en passant par le rôle futur de l’ Argentine, de la Bolivie et du Chili, qui abritent les plus grandes réserves de lithium du monde, ce qui (c’est nous qui l’ajoutons) en fait des cibles de premier choix pour les « rapaces » des puissances dites développées.
Comme il se doit, sont évoqués la Chine (acheteuse d’un tiers des exportations agricoles du Brésil, pour ne citer que cette donnée) l’Union européenne, la Russie (à l’heure de la guerre en Ukraine), mais aussi l’Afrique (pour des raisons historiques et culturelles, « par l’intermédiaire du funeste commerce triangulaire »), le Moyen-Orient (« dont l’Amérique latine assure 20 % des besoins alimentaires ») et l’Inde (« avec qui les relations commerciales se multiplient »).
« L’Amérique latine contribuera-t-elle à l’émergence progressive d’un monde plus multipolaire et sera-t-elle capable de peser dans la définition des nouveaux (des)équilibres mondiaux du XXIe siècle ? », interroge l’auteur, dans sa conclusion. Nul n’a sans doute la réponse. Mais, illustré de cartes, de graphiques et de tableaux, cet ensemble permettra aux étudiants et aux curieux d’acquérir les données de base permettant de mieux comprendre, en la replaçant dans son contexte, l’actualité immédiate quotidiennement distillée par les médias.
En tant que lecteur exigeant, on peut regretter que l’ouvrage ne soit pas doté d’une fiche par pays, ce qui le rendrait complet. Mais, à l’évidence, il s’inscrit dans une collection – « Géopolitique » – qui lui impose un format, une maquette (particulièrement élégante) et une pagination préétablie. On se ralliera donc sans réserves excessives au choix de la transversalité. En revanche, une « monstruosité » est demeurée malgré le soin évident apporté à la préparation de cet ensemble. Dans le chapitre « Passions sportives », sont mentionnés les champions Juan Manuel Fangio et Ayrton Senna (automobile), Carlos Monzón, Julio César Chávez et Juan Manuel Márquez (boxe), Luis Herrera, Nairo Quintana et Egan Bernal (cyclisme), les stars du baseball, mais, nulle part, absolument nulle part, ne figurent Edson Arantes do Nascimento, dit « Pelé », et Diego Maradona. Un oubli absolument impardonnable, à corriger dans une prochaine édition.
WWF. Le bulletin de santé de la biodiversité mondiale vient de paraître et il est alarmant
Environnement. Alors que la COP15 de la biodiversité doit se tenir du 5 au 19 décembre à Montréal, au Québec, le WWF publie son rapport « Planète vivante ». Il révèle une baisse de 69 % des populations de vertébrés depuis 1970.
Publié ce jeudi par le WWF, le rapport « Planète vivante » – qui compulse les données scientifiques collectées sur 32 000 populations de plus de 5 230 espèces – conclut que, « entre 1970 et 2018, le déclin moyen des populations de vertébrés est de 69 % ». Contre 58 % en 2012.
Partout dans le monde, poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles souffrent non seulement de la conversion des terres et de la surexploitation des ressources naturelles, mais également – et de plus en plus – du réchauffement climatique.
Si nous ne parvenons pas à limiter le réchauffement global à 1,5 °C, le climat deviendra très rapidement la première cause de perte de biodiversité. »
Véronique Andrieux, directrice générale du WWF
C’est d’ailleurs l’un des grands enseignements de cette dernière étude. « Si nous ne parvenons pas à limiter le réchauffement global à 1,5 °C, le climat deviendra très rapidement la première cause de perte de biodiversité », affirme Véronique Andrieux, directrice générale du WWF. Pire, si rien n’est fait et que le réchauffement planétaire atteint 4 °C d’ici à la fin du siècle, « 75 % des espèces animales et végétales se retrouveraient en danger d’extinction », alerte l’ONG.
Une situation des grands vertébrés particulièrement préoccupante
« Ces chiffres, absolument catastrophiques, traduisent ce que les scientifiques constatent depuis une trentaine d’années », explique Nicolas Mouquet. Chercheur du CNRS au laboratoire biodiversité, exploitation et conservation, le scientifique est particulièrement inquiet en ce qui concerne la biodiversité marine. « La surexploitation de la ressource halieutique va de pair avec la destruction des habitats naturels. Certaines techniques de pêche, comme la senne démersale (que Bruxelles vient de refuser de réglementer – NDLR), détruisent définitivement les fonds marins et empêchent la reconstitution des stocks », alerte-t-il.
Au niveau mondial, 60 % des stocks de poissons sont victimes d’une surpêche « insoutenable pour leur reconstitution », 30 % sont exploités au maximum et seulement 10 % sont prélevés de telle sorte que les espèces peuvent se renouveler
Sur terre, la situation des grands vertébrés et des amphibiens est particulièrement préoccupante. Le gorille des plaines africaines est ainsi en déclin de 80 % depuis 1994, victime du braconnage et du réchauffement climatique, qui assèche les sols, augmente le risque de feux de forêt, affectant la qualité de la nourriture et la capacité reproductive des femelles.
L’érosion de la biodiversité est une menace mondiale. Mais certaines régions sont plus touchées que d’autres, révèle l’Ipbes – groupe international d’experts, équivalent du Giec pour la biodiversité. « En Amérique latine, dans la zone des Caraïbes, en Afrique et en Asie-Pacifique, l’effondrement constaté est dramatique », insiste Arnaud Gauffier, directeur des programmes au WWF.
Mais « dramatique » là-bas ne signifiant pas raisonnable ici. « Ce constat s’explique par les différents types de destruction de l’environnement. En Amazonie, on parle de destruction primaire, qui touche la ressource endémique. En Europe, où la destruction primaire a eu lieu il y a des siècles, on parle d’effet secondaire, souvent lié à l’urbanisation, à l’agriculture. »
En France métropolitaine, la rainette verte – pourtant inscrite sur la liste rouge des espèces menacées – a vu, depuis les années 1960, 50 % de son habitat naturel détruits. À l’autre bout du monde, dans l’ouest de la Guyane, « la population de tortues luth se raréfie de façon très rapide (…) avec une perte de plus de 95 % en vingt ans », détaille le WWF.
« Zéro perte nette de nature à l’horizon 2030 »
Derrière la lente agonie de la biodiversité mondiale, se joue la survie de populations entières. En 2005, et pour la première fois, l’ONU publiait une évaluation de la contribution de la nature aux populations humaines chiffrée alors à plus de 125 000 milliards de dollars, pour un PIB mondial à l’époque de 60 000 milliards. Approvisionnement (nourriture, bois de chauffage, molécules naturelles), régulation (dépollution, captation de carbone), apports culturels (patrimoine ou spiritualité), « la biodiversité est aussi précieuse qu’indispensable à l’équilibre de nos écosystèmes », rappelle Véronique Andrieux.
D’où l’importance d’agir, nationalement et internationalement, pour répondre à cette « double urgence du changement climatique et de la perte de biodiversité », poursuit la directrice générale du WWF, en « combinant protection, restauration et transformation de nos modes de production et de consommation ».
Des enjeux cruciaux, au cœur de la COP15 de la biodiversité. Sous présidence chinoise, elle s’ouvrira le 5 décembre, à Montréal, au Canada, et doit être l’occasion « d’aboutir à un cadre global visant zéro perte nette de nature à l’horizon 2030 ». Un objectif qui exige, dans l’immédiat, que soit décrété « un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins » et que soient suspendues « toutes les subventions dommageables à la biodiversité », martèle le WWF.
Mahsa Amini, iranienne kurde, a été assassinée pour avoir laissé dépasser une mèche de cheveux de son foulard lors d’une manifestation à Téhéran. Trop c’est trop.
Qui se souvient, en 1978, de cette forte aspiration du peuple iranien à la liberté lors du renversement du sinistre dictateur Mohammad Reza Pahvali, dit « le Sha ». A l’époque, la gauche iranienne, dont le parti Toudeh, de sensibilité communiste, avait acquis une influence qui pouvait remettre en cause le féodalisme en place. Les religieux ont savonné la planche de la révolution pour imposer en 1979 un régime dit « islamiste » dont les femmes sont encore les premières victimes.
Contre révolution religieuse
Le film d’animation, « Persepolis », inspiré de la bande dessinée de l’autrice Marjane Satrapi, a très bien démontré les effets d’une dérive sectaire violente qui a miné une civilisation dont les sources perses avaient exprimé des valeurs raffinées à l’opposé du sectarisme religieux. L’actuelle théocratie d’obédience chiite (une des branches de la diversité religieuse islamique) est loin de faire l’unanimité dans cette même communauté (chiite) implantée essentiellement au Moyen-Orient et même en Inde avec des citoyens du monde tels que Salman Rushdie.
À la faveur d’une crise qui plonge la moitié de l’Iran dans la pauvreté et commence à éroder le modeste confort de ses couches moyennes, le régime ne tient que par la répression.
Les raisons d’espérer
Ainsi, explique Shireen Karimi, dans une tribune publiée sur le site Radio Zamaneh, le mouvement féministe iranien « transcende les clivages sociaux, ethniques et idéologiques et ouvre la voie vers une forme démocratique de gouvernance ». On veut y croire, d’autant que l’Iran est confronté au croisement douloureux des tensions où guerres religieuses et guerre d’influence géopolitique s’accumulent. La révolution féministe iranienne a donc un effet d’aubaine. Elle pose la question concrète d’un autre quotidien pour toutes celles qui, quelle que soit la communauté d’origine, veulent vivre avec les mêmes droits que les hommes. Autant dire que notre solidarité avec les femmes et le peuple d’Iran contre la tyrannie des mollahs intégristes ne peut qu’aider à sortir notre monde d’une tendance barbare qu’on aurait voulue voir enterrer.
Maryam Madjidi à Morlaix en 2019 (librairie Dialogues)
Iran. Maryam Madjidi, la jeune fille et la mort
L’assassinat de Mahsa Amini, tuée par la police des mœurs, a soulevé un vent de révolte en Iran. Contrainte de fuir Téhéran avec sa mère, l’écrivaine Maryam Madjidi exprime le même cri de liberté que les femmes iraniennes, dans un texte bouleversant qu’elle a confié à « l’Humanité Magazine ».
« Ton voile est mal mis. Donne-moi ton passeport. »
Cette phrase, « ton voile est mal mis », je l’ai entendue à l’âge de 6 ans dans l’aéroport de Téhéran. La phrase était adressée à ma mère. Nous étions dans la salle d’embarquement. Nous attendions de monter dans l’avion pour fuir à Paris. Mon père était déjà là-bas depuis sept mois. Je n’ai pas compris le lien entre « ton voile est mal mis » et cet homme barbu au regard d’acier qui arrache le passeport des mains de ma mère et disparaît. Ton voile est mal mis. Donne-moi ton passeport.
La peur dans les yeux de ma mère, la peur qui fait du corps entier un morceau de chair inerte, paralysée. C’est même plus de la chair, non, c’est devenu tout dur, comme le corps d’une morte, froid et insensible, on dirait de la pierre. Ce n’est même plus de la peur qui entre dans le corps, c’est le souffle glacé de la mort qui vient caresser notre nuque. Le froid entre dans les tissus, les cellules, les veines, les muscles et paralyse le corps entier. Le corps de ma mère ne bouge plus. Je la secoue pour courir derrière l’homme qui a disparu avec notre passeport. Elle se réveille brusquement et nous courons à sa recherche. Nous le voyons entrer dans une pièce, nous frappons, il ne répond pas, nous frappons plus fort, il ouvre la porte et nous dit de nous asseoir.
Il répète : ton voile était mal mis. Tu connais la loi islamique. Un voile mal mis doit être puni. Je ne comprends pas. Dans ma tête de petite fille âgée de 6 ans, je m’interroge : le voile doit être puni ? C’est la faute du voile s’il est mal mis ? Oui, ça me paraît logique. Un voile qui glisse sur les cheveux, un voile dont le tissu n’accroche pas assez aux cheveux, un voile au tissu pas islamique, un voile rebelle, fourbe, vicieux, qui laisse échapper des mèches. Le monsieur barbu va donc punir le voile de ma mère. Mais pourquoi a-t-il pris notre passeport ? Pourquoi nous empêche-t-il de partir ? Ça, je le comprends très vite, tant que le passeport est dans ses mains, nous ne pourrons pas prendre l’avion. Ce passeport que nous avons eu tant de mal à nous procurer. Les dernières semaines, je n’entendais que ce mot à la maison : le passeport. Comment obtenir un passeport ? Un passeport pour partir. Sans passeport, pas d’avion et pas de papa.
J’ai 6 ans, je ne comprends rien. Les mots tourbillonnent dans ma tête comme des démons autour d’un feu au-dessus duquel nous sommes suspendues.
Voile - mal mis - mèches qui dépassent - punir - passeport - avion - France - France papa - pas de passe- port - pas d’avion - pas de papa.
Ça tourne, ça tourne dans ma tête, j’ai 6 ans, je ne comprends pas ce monde, je ne comprends pas les mots de ce monde, de ce monsieur qui me fait peur – ma mère toujours une pierre, une pierre qui entrevoit dans une brume ce que je ne peux voir moi du haut de mes 6 ans, la prison, les coups, la torture, l’impossibilité de s’exiler, de partir pour toujours, prisonnière en Iran, moi sa fille en prison aussi ?
Je pleure, je hurle, je crie que je veux revoir mon père. Le monstre a une fille, sa fille a le même âge que moi, et il y a quelque chose en lui qui vacille comme une faible lueur : sa dernière goutte d’humanité. Cette goutte d’humanité envahit ses yeux durs, rase sa barbe noire, essuie le sang de ses mains, et il nous jette le passeport.
Nous atterrissons à Paris quelques heures plus tard.
J’ai 42 ans, je vais sur Internet et je lis trente-six ans plus tard sur l’écran de mon ordinateur la même phrase : son voile était mal mis. Puis je lis cette phrase : « Elle est décédée trois jours plus tard à l’hôpital. » Là non plus je ne comprends pas le lien entre les deux phrases. Un voile mal mis et la mort de cette jeune fille de 22 ans.
Mahsa Amini est morte parce que son voile était mal mis. Une mèche de cheveux dépassait. Son crime : une mèche de cheveux. C’est à cause de cette mèche qui dépassait qu’elle est morte. Voilà, c’est ça, c’est cette causalité-là que je tente de comprendre mais c’est impossible, trente-six ans plus tard, cinquante ans plus tard, cent ans plus tard, je ne comprendrai jamais. Mon cerveau ne veut pas comprendre un monde dans lequel un tel lien de cause à effet existe. Alors je rumine sans cesse ces mots, « voile mal mis », jusqu’à l’insomnie, jusqu’à la nausée dans mon appartement, les yeux ouverts sur le plafond blanc : son voile était mal mis. Je me lève, je tourne en rond, je répète cette phrase. Soudain, je ne suis plus à Paris. Je ne suis plus en France. Je suis à Téhéran et mon voile est mal mis, j’entre dans la fourgonnette de la police des mœurs, de la guidance islamique, on me frappe, je reçois des coups violents à la tête, j’ai une fracture crânienne, une hémorragie, je sens la mort qui entre dans mon corps et elle m’emporte. Mais ce n’est pas vrai, je ne suis pas Mahsa Amini. J’ai beau pleurer, hurler, crier, je ne serai jamais cette femme dont la vie était suspendue à une mèche de cheveux. Je ne serai jamais cette femme où quelque part dans le Grand Livre de la Destinée il était écrit d’une main invisible à la page de sa vie : toi, Mahsa Amini, tu mourras à l’âge de 22 ans parce que ton voile laissait échapper des cheveux.
Voir aussi :
Iran. La mèche rebelle de Mahsa devenue arme de combat
Je culpabilise comme tous les exilés du monde en pensant que le voile mal mis de ma mère ne nous a pas coûté la vie, à elle, à nous. Cette pensée me perce le cœur. Je culpabilise comme tous les survivants d’une tragédie. Pourquoi son voile à elle a causé sa mort et pourquoi, nous, nous avons survécu à ce voile mal mis ?
Je culpabilise d’être vivante, en bonne santé, libre en France. J’essaie de me convaincre du contraire, de me mettre à la place de toutes les femmes iraniennes qui protestent au risque de leur vie, mais ça ne marche pas, ça ne prend pas. Personne n’est dupe.
Voir aussi :
Entendre les voix d’une révolution féministe en Iran
J’aurais aimé que la police dise à Mahsa : tu avais une arme sur toi, tu voulais assassiner le guide suprême, on t’embarque.
J’aurais aimé que la police lui dise : tu as tenté de commettre un attentat, on t’embarque. Mais le régime islamique iranien ne dit jamais cela.
Il dit : ton voile était mal mis, on t’embarque, on te frappe, on te tue.
Il dit : tu défends les droits des femmes et des prisonniers, on t’embarque, on te fouette et on t’emprisonne (1).
Il dit : tu as pris des photos devant la prison de Téhéran, on t’embarque, on te torture, on te viole, on te tue (2).
Il dit : tu as distribué des fleurs dans le métro sans ton voile pour réclamer un peu de liberté, on t’embarque et on t’emprisonne (3).
Il dit : tu as dansé et tu t’es filmée en train de danser, on t’embarque et on t’humilie (4).
Il dit : tu manifestes pour une bouffée de justice, on te tire dessus pour te tuer (5).
Il dit : tu es une femme et ta vie ne vaut rien, on a tous les droits sur toi.
Vous n’embarquerez pas nos idées, nos luttes, notre soif de justice et de liberté. Quand l’une de nous est condamnée à se taire, des millions d’autres se mettent à chanter, danser, crier, lutter, manifester, écrire.
Voir aussi :
Iran. Le témoignage de Naghmeh, qui marche désormais sans voile dans les rues de Téhéran
(1) Nasrin Sotoudeh, avocate condamnée à 33 ans de prison et 148 coups de fouet en mars 2019.
(2) Zahra Ziba Kazemi, journaliste et photographe irano-canadienne, arrêtée, torturée, violée et assassinée en juillet 2003.
(3) Yasaman Ariani et sa mère, Monireh Arabshahi, condamnées à 16 ans de prison en juillet 2019.
(4) Maedeh Hojabri, arrêtée et forcée à des aveux en juillet 2018.
(5) Hadis Najafi, morte de six balles tirées par les forces de sécurité le 22 septembre 2022 à Karaj.
Aujourd'hui, mercredi 5 octobre, une réunion et conférence de presse sur l'affaire Vincenzo Vecchi se sont tenues à l' #assembleenationale à l'initiative du député Pierre Dharréville – Voir sa tribune publiée dans Libération du 4 octobre et signée par 76 élus. [1]
La première session, à laquelle participaient Maîtres Catherine Glon, Maxime Tessier et Paul Mathonnet en charge de la défense de Vincenzo Vecchi, a réuni une vingtaine de parlementaires
Léo Walter, les avocats pénalistes Raphaël Kempf et Vincent Brengarth, la vice-présidente de la Ligue des droits de l'Homme Vergiat Marie-Christine et Eric Vuillard ainsi que Jlmelenchon , venu
témoigner de son soutien à l'invitation du Comité Vincenzo.
A noter parmi les nombreuses interventions :
*** Paul Molac dénonce « le glissement vers une société de plus en plus répressive au détriment des libertés fondamentales »...
*** Joël Labbé « alerte sur la remise en cause des droits fondamentaux et salue cette mobilisation au-delà des frontières pour une personne qui mérite d'être défendue et protégée... Vincenzo est un homme libre dans le pays de la Liberté ».
*** Marie Christine Vergiat souligne que « si on laisse passer cette jurisprudence, on va avoir plein de Vincenzo Vecchi ».
*** Quant à Jean Luc Mélenchon, il déclare qu'il est « en phase avec tout ce qui a été dit, qu'il ne veut pas en dire plus mais qu'il est atterré par l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite en Italie »...
Bref, tous les intervenants ont appelé à la vigilance quant au #MAE, dispositif européen initialement prévu pour lutter contre le grand banditisme, le terrorisme et la délinquance financière et qui
aujourd'hui s'appliquerait à un simple manifestant. Tous sont scandalisés par cette absurde et inique menace de plus de 12 ans de prison à l'encontre de Vincenzo Vecchi. Tous espèrent que le bons-sens démocratique et l'esprit de Justice prévaudront lors de l'audience de la Cour de #cassation le 11 octobre...
La seconde session, la conférence de presse proprement dite, a accueilli une vingtaine de journalistes des media nationaux et régionaux.
Nous remercions tous ces élus, personnalités et associations pour leur soutien sans faille à Vincenzo, et tous les journalistes pour leur efficace relais.
Le Comité de Rochefort-en-Terre et les comités en activité dans toute la France, se mobilisent pour organiser leur présence le 11 octobre à Paris.
Des parlementaires expriment leur soutien à Vincenzo Vecchi
Publié le 05 octobre 2022
Une vingtaine de parlementaires ont exprimé leur soutien à Vincenzo Vecchi ce mercredi 5 octobre, à l’Assemblée nationale. (Photo Comité de soutien à Vincenzo Vecchi)
Le comité de soutien à Vincenzo Vecchi a réuni une vingtaine de parlementaires en soutien à l’activiste italien ce mercredi 5 octobre. L’audience devant la Cour de cassation doit se tenir mardi prochain.
À six jours de l’audience de la Cour de cassation qui décidera de l’extradition, ou non, de Vincenzo Vecchi vers l’Italie, une vingtaine de parlementaires français ont voulu lui témoigner leur appui, ce mercredi 5 octobre. Les membres de son comité de soutien avaient organisé une réunion à l’Assemblée nationale. L’activiste italien installé à Rochefort-en-terre (Morbihan) a été condamné par l’Italie à une peine d’emprisonnement de douze ans pour des « dévastation et pillage » auxquels il aurait participé à l’occasion d’une manifestation anti-G8 à Gênes en 2001.
Parmi les parlementaires qui se sont exprimés, Paul Molac, député de Ploërmel a dénoncé « le glissement vers une société de plus en plus répressive au détriment des libertés fondamentales ». Le sénateur Joël Labbé a, quant à lui, alerté « sur la remise en cause des droits fondamentaux » et salue « cette mobilisation au-delà des frontières pour une personne qui mérite d‘être défendue et protégée… Vincenzo est un homme libre dans le pays de la Liberté ». Des propos approuvés par Jean-Luc Mélenchon.
La Cour de cassation doit se prononcer mardi 11 octobre. Sa décision doit mettre un terme à ce feuilleton judiciaire qui dure depuis l’arrestation de Vincenzo Vecchi, en août 2019.
Son comité de soutien organise un rassemblement samedi 8 octobre à partir de 11 h sur le port de Vannes.
«Au nom de la coopération européenne, mieux vaudrait que soit appliquée une loi littéralement fascisée ? Ça serait donc ça, nos valeurs ?», s’étrangle Eric Vuillard. «Cela reviendrait à faire passer la défense des droits fondamentaux après le principe de solidarité européenne», abonde Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la Ligue des droits de l’Homme. Et de mettre en garde sur «une jurisprudence» qui menace de créer «plein de Vincenzo Vecchi», dans un «contexte d’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en Italie». Me Maxime Tessier, qui représente l’activiste Italien aux côtés de Catherine Glon et Paul Mathonnet, interroge : «Si un gouvernement européen se met à pénaliser l’IVG, est-ce qu’à partir du moment où une personne serait condamnée et viendrait trouver refuge chez nous, on la remettrait à l’Etat qui la demande ?»
Engrenage de la guerre : « La nuée de l’orage est déjà sur nous »
C’est ainsi que Jean Jaurès, dans son dernier discours prononcé à Vaise le 25 juillet 1914 alertait sur la gravité de la situation internationale, deux jours après l’ultimatum fulminé par l’Autriche-Hongrie à la Serbie. La gravité de la situation est extrême.
Face au danger extrême et immédiat de généralisation de la guerre, c’est un sentiment d’impuissance qui domine parmi les peuples, et que les mécanismes de régulation des grandes crises internationales ont été démantelés au cours de la dernières période.
Le danger aigu de la crise actuelle tient au fait que, dans le contexte de fragmentation militarisée de la mondialisation capitaliste, aucune des parties en présence ne peut se résoudre à reculer, à perdre, alors qu’elles s’affrontent pour la définition de nouvelles hiérarchies de dépendance. La question est : est-ce que l’une d’elles est prête à aller jusqu’au bout de l’affrontement ? Pour l’instant, non. Mais demain ?
D’un côté, le pouvoir russe fait considérablement monter les enchères en cherchant à reprendre l’initiative et à ressouder autour de lui ses appuis, après les flottements qui ont suivi les revers militaires dans la région de Kharkov. Pour lui, la guerre contre l’OTAN a déjà commencé. En décrétant la mobilisation partielle, il prend le risque de remettre en cause le compromis sur lequel il repose : assurer au peuple russe la stabilité, en échange de son désintérêt des questions politiques. La guerre devient désormais une réalité tangible pour des centaines de milliers de familles russes. Il faut se garder des discours annonçant l’effondrement du pays, présentant la Russie comme « village Potemkine » et reposant en réalité sur des clichés. Le pouvoir russe tient et depuis plusieurs années il n’a pris aucune grande décision sans être assuré du soutien d’une majorité de la population, réforme des retraites de 2018 exceptée. Quand Vladimir Poutine et son ministre de la Défense, Sergeï Choïgou, disent que « ce n’est pas tant une guerre contre l’Ukraine que contre l’Occident collectif », en utilisant comme argument l’aide massive que l’OTAN accorde à l’Ukraine (un total de 85 milliards de dollars depuis l’invasion russe de février 2022), cela fait écho à ce que pense une majorité de la population russe dont on pourrait résumer la perception de la situation par : « ce n’est pas nous qui avons quitté l’Occident, mais l’Occident qui nous a quittés ». Qu’en sera-t-il cette fois-ci avec la mobilisation ? Une des clés de la situation tient dans l’évolution qui va se produire maintenant dans la population russe qui ne peut plus vivre « comme si » la guerre n’existait pas. Contrairement aux clichés russophobes récemment recyclés, le peuple de Russie n’est pas une masse amorphe. La solidarité avec les pacifistes russes est nécessaire. Les protestations contre la mobilisation existent. L’exil contraint de plus de 250000 personnes fuyant la mobilisation en quelques jours est un phénomène important. Elles doivent être accueillies dignement.
L’évolution prochaine va également dépendre de la situation économique. Pour l’instant, le secteur « utile » pour le pouvoir, à savoir les hydrocarbures, qui représentent 40% du PIB russe, fait plus que résister aux sanctions étant donné qu’ils sont soutenus par l’explosion des prix. Les prévisions annoncent en outre une augmentation de 40% des exportations au cours des prochaines années. Force de constater que les manifestations courageuses contre la mobilisation n’ébranlent pas le pouvoir qui reste solidement installé sur ses bases matérielles, capitalistes kleptocratiques, et idéologiques, réactionnaires et nationalistes.
Par ailleurs, la conduite des référendums dans les républiques autoproclamées du Donbass et les territoires occupés va permettre au gouvernement russe de dire que l’Ukraine attaque le territoire de la Fédération de Russie avec l’aide des armes de l’OTAN. De ce point de vue, il ne faut pas tenir « pour du bluff » la menace nucléaire, et ce d’autant plus que la doctrine d’emploi russe a été élargie en 2020 afin de rendre possible un emploi tactique, et non plus uniquement stratégique, et a ouvert une possibilité d’emploi en premier. Enfin, il ne faut pas oublier que l’opposition au pouvoir la plus puissante et la plus influente est l’extrême-droite ultra-nationaliste, relégitimée depuis l’assassinat de la fille d’Alexandre Douguine, qui n’est pas « l’éminence grise » de Poutine, mais qui coagule un certain nombre de déchets idéologiques venus du pire de la tradition réactionnaire slavophile, des anti-Lumières et du fascisme occidental.
Enfin, la question de l’isolement ou non de la Russie sur la scène internationale est un autre facteur qui compte pour le pouvoir. D’un côté il se décrédibilise auprès de ses alliés proches, par exemple en ayant annoncé à l’Arménie, qu’il ne la soutiendrait pas en cas d’invasion azerbaïdjanaise, ce qu’ont aussitôt exploité les Etats-Unis en envoyant Nancy Pelosi à Erevan. D’un autre côté, le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, qui s’est tenu les 15 et 16 septembre à Samarcande, ont été l’occasion d’élargir cette alliance économique à l’Iran et plus largement au Moyen-Orient.
Cette montée des enchères du pouvoir russe s’accompagne en miroir du refus de toute négociation en Europe et en Amérique. On voit ici à quel point la logique de bloc participe à l’engrenage. Le discours de Joe Biden à l’assemblée générale de l’ONU s’inscrit pleinement dans son ambition stratégique de redessiner les contours de l’impérialisme américain en dévoyant les institutions multilatérales et en se faisant le héraut d’un soi-disant « camp des démocraties ». Avec un aplomb hypocrite rare, il est allé jusqu’à déclarer que « les Etats-Unis veulent que cette guerre se termine », alors qu’à eux seuls les USA fournissent la moitié de la totalité de l’aide militaire à l’Ukraine et renforcent leurs positions militaires en Europe. Et que dire du discours d’Emmanuel Macron qui enjoint, sur un ton paternaliste totalement désuet, les pays non-alignés à choisir leur camp ? Heureusement que d’autres chefs d’Etat ont délivré des discours à la hauteur de la situation, tel que Gustavo Petro, le président colombien, qui, dans une remarquable intervention, a conjugué impératif de la paix, urgence écologique et urgence sociale. Ce décalage montre à quel point la logique de blocs défendue par nombre de pays occidentaux n’est pas partagée.
Au-delà des discours, nombre de signaux vont dans le sens d’une escalade en Occident également. L’ancien secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, vient de rédiger, avec l’appui du gouvernement ukrainien, un projet de traité de « garanties de sécurité », qui, entre les lignes, ouvre la voie à une entrée de l’Ukraine dans l’OTAN. L’UE prépare un 8e train de sanctions, en étant d’ailleurs à la peine pour en trouver de nouvelles, à moins que l’interdiction de délivrance des visas refasse surface. La décision des Etats baltes de ne pas délivrer de visa humanitaire aux Russes qui refusent la mobilisation est d’un cynisme rare et fournit des arguments au pouvoir russe. Surtout, l’idée qu’une victoire ukrainienne soit possible après le succès de la campagne d’Izioum est prise comme argument pour condamner toute idée de cessez-le-feu, comme l’a fait Ursula Von der Leyen.
Mais personne ne s’interroge sur le prix de la poursuite de la guerre sur sa première victime, le peuple ukrainien (Donbass inclus), qui subit bombardements, catastrophe humanitaire, violences en tout genres, crimes de guerre, exécutions, tortures, mauvais traitements, manque d’assistance médicale, d’eau et de nourriture. La poursuite de la guerre signifie la poursuite de ces violations des droits humains.
C’est dans ce contexte d’urgence et d’extrême gravité qu’il convient de reposer l’exigence d’un cessez-le-feu et de la paix. Le choix est clair : guerre ou paix. Les possibilités sont infimes, aussi grandes qu’un trou de souris. Mais il faut s’y engager.
Pour cela, il convient de combattre deux arguments qui reviennent dans le débat public.
D’une part, il y a ceux qui spéculent sur une victoire ukrainienne en renforçant l’envoi d’armes, y compris des chars, à l’Ukraine. Même avec l’aide de l’OTAN, cela relève pour le moment de la spéculation. La défaite n’est pas une option pour le pouvoir russe, de même que pour le pouvoir ukrainien. Parier sur une victoire ne repose sur aucun argument sérieux. On peut par contre être certain que cela participe de l’engrenage du conflit. Répétons-le : la poursuite de la guerre signifie la poursuite des destructions et des violences contre la population civile.
D’autre part, ceux qui pensent qu’un cessez-le-feu gèlerait la situation sur le terrain, y compris la présence de troupes russes en Ukraine. Mais le cessez-le-feu, nécessaire, doit s’inscrire dans une dynamique politique, celle de la paix, qui n’est pas simplement l’absence de guerre. Il est important d’y donner du contenu. Les négociations devront prendre en compte à la fois la souveraineté du peuple ukrainien, que piétine Poutine, et l’impératif de sécurité du peuple russe et de tous les peuples. Le ministre des Affaires étrangères chinois, Wang Li, a appelé à une « résolution pacifique du conflit » dans ce sens. Le président mexicain, Lopez Obrador, à la formation d’un groupe de contact international, incluant le secrétaire général de l’ONU. Plus largement, les nécessaires négociations, qui ne seront pas simples, doivent se placer dans un cadre plus large : celui de la construction d’une architecture équilibrée de sécurité collective pour les peuples d’Europe, dans laquelle l’OTAN n’a pas sa place. Pour y arriver, cela implique d’ouvrir la voie d’un désarmement négocié, global et multilatéral, dans les domaines nucléaires et conventionnels, le refus du recours au nucléaire. Enfin, pour l’Ukraine, dans un cadre européen de sécurité collective, il conviendra de poser la question de sa neutralité et du statut du Donbass.
Le chemin est étroit. Mais le courage politique impose de l’emprunter si l’on veut éviter la catastrophe.
Vincent Boulet,
membre de la Commission des relations internationales du PCF
Dimanche 25 septembre 2022, trente Palestiniens détenus « administratifs » dans les prisons israéliennes ont entamé une grève de la faim illimitée, seule « arme à leur disposition » pour recouvrer la liberté.
Parmi eux, Salah Hamouri, avocat, citoyen français et palestinien de Jérusalem-Est annexée, a été arrêté, une fois de plus, le 7 mars dernier et frappé de 6 mois de détention par un tribunal militaire et est victime depuis le 5 septembre de 3 mois supplémentaires en isolement dans une prison de haute sécurité.
En octobre 2021, le ministère israélien de l’Intérieur lui a retiré son statut de résident permanent à Jérusalem-Est sous prétexte de « non allégeance à l’État d’Israël ». L’étape suivante de ce procédé totalement contraire aux Conventions de Genève fixant les obligations des puissances d’occupation, pourrait être l’expulsion de sa terre natale de Palestine. Son épouse Elsa Lefort, française elle aussi, et ses deux enfants qui vivent en France, n’ont droit à aucun contact avec Salah.
Rappelons que la détention « administrative », inventée par le « mandataire» britannique en Palestine et prorogée par l’État d’Israël consiste à arrêter et priver de liberté sans procès, à maintenir en prison pour une durée indéfiniment renouvelable d’une durée maximum de six mois. La victime de cette pratique, à l’instar de ses avocats, est tenue dans l’ignorance des faits reprochés – qualifiés de « secrets d’État ».
Depuis 1967, 54 000 Palestiniens ont fait l'objet d'ordres de détention administrative. 723 personnes sont actuellement détenues sous le même régime illégal par Israël, un État qui méprise ses propres engagements formalisés par sa signature en 1991 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit par son article 9 à toute personne arrêtée le droit à un procès équitable.
Le 23 août dernier l’Élysée a annoncé que le chef de l’État français s’était « enquis de (la) situation » de Salah par téléphone auprès du Premier ministre israélien Yaïr Lapid. Une démarche visiblement sans effet, puisque les conditions de détention de Salah Hamouri durcies dès le 26 juillet dernier sont toujours en vigueur. Il est toujours enfermé dans la prison de « haute sécurité » d’Hadarim dans laquelle il a été transféré en guise de mesure punitive, à la suite d’une lettre qu'il a écrite à Emmanuel Macron pour lui demander d'intervenir sur son cas. Aujourd'hui, sa cellule est sous vidéosurveillance et il doit faire face à de nombreuses fouilles nocturnes. Depuis mardi, ses 29 compagnons de misère et de lutte ont été également placés en « isolement », une forme de torture psychologique courante dans les prisons israéliennes.
Emmanuel Macron qui affirme haut et fort sa volonté de combattre pour la justice et les droits humains est au pied du mur : il doit agir pour la liberté d’un citoyen français et le respect du droit international par les autorités de Tel Aviv. La politique de « deux poids, deux mesures » n’est plus supportable. Les autorités françaises doivent agir – et en ont les moyens – pour imposer aux autorités israéliennes des mesures contraignantes de sanction comme par exemple la suspension des accords d’association avec l’Union européenne. Elles peuvent, sans plus attendre, enfin reconnaître l’État de Palestine comme l’a recommandé une résolution du Parlement français et du Sénat.
Le Parti communiste français (PCF) exprime toute sa solidarité avec Salah Hamouri et tous les prisonniers politiques palestiniens, et exige leur libération. Le PCF condamne la colonisation, l'occupation militaire et la politique d'apartheid.
Parti communiste français
Paris, le 30 septembre 2022
Après l'assassinat de MAHSA AMINI, solidarité avec les femmes iraniennes
La mort de Mahsa Amini, jeune femme kurde arrêtée et frappée par la police des mœurs du régime iranien, suscite l’indignation et un soulèvement général dans tout le pays.
Depuis l’instauration du régime islamique, les femmes font l’objet d’une répression quotidienne, d'une oppression, qui s’est brutalement aggravée avec l’élection à la présidence de la République de l’ultra conservateur Ebrahim Raïssi. Les difficultés économiques du pays qui résultent de l’incurie, de la corruption des mollahs et de l’oligarchie en place mais aussi des sanctions américaines ont plongé la moitié de la population dans la pauvreté tandis que les couches moyennes sont laminées. Dans ce contexte social explosif, les éléments les plus réactionnaires du régime ont décidé d’un retour par la force à l’ordre moral islamique dont les femmes paient le prix fort.
Si la société iranienne s’est profondément transformée, les structures politiques n’ont pas évolué et se fossilisent, limitant toujours plus les libertés, accentuant la violence politique en ciblant les femmes, les jeunes et les démocrates. Déjà en 2009, en 2017 et 2019 des manifestions considérables avaient contesté le régime dictatorial tandis que les Gardiens de la révolution les noyaient dans le sang. Dans cette contestation, les femmes sont au premier rang, défiant le régime en se découvrant la tête, en jetant leur foulard au feu dans des vidéos virales qui les exposent à un déchaînement de brutalité. Les femmes iraniennes constituent un socle majeur dans la lutte pour l’émancipation sociale face à l’obscurantisme. Elles font preuve d’un courage admirable.
La révolte gagne aussi toute la jeunesse. Comme par le passé, les universités sont en ébullition. L’exaspération est à son comble et l’aspiration à un changement radical est massif.
Pour y faire face et rassurer sa base sociale, le pouvoir a durci le ton. On dénombre déjà 31 morts dans les manifestations, des centaines d’arrestations tandis que les réseaux sociaux ont été coupés.
Rien n’y fait car Mahsa Amini est devenue un symbole de lutte, de libération et de justice pour les femmes qui rejettent toutes les formes de domination et entendent être maître de leur corps.
Le Parti Communiste Français (PCF) exprime toute sa solidarité avec la lutte des femmes et le peuple iranien. Justice doit être rendue à Mahsa Amini, les lois patriarcales et sexistes doivent être abrogées et la police des mœurs dissoute. Il appelle au succès des rassemblements et à amplifier partout la mobilisation pour que cesse la répression des manifestants.
Face à l’emprisonnement arbitraire, exercé de manière systémique par l’État israélien, les prisonniers politiques palestiniens n’ont qu’une seule arme : la grève de la faim. Dimanche 25 septembre, trente prisonniers palestiniens emprisonnés dans le cadre de la "détention administrative" ont entamé une grève de la faim illimitée pour exiger la fin de cette pratique dont sont actuellement victimes plus de 740 prisonniers palestiniens, dont 6 mineurs. Sur ordre de l’autorité militaire israélienne, ces prisonniers sont détenus sans inculpation ni procès, pour une durée pouvant aller jusqu’à 6 mois, et renouvelable indéfiniment, sur la base d’un « dossier secret ».
Parmi ces prisonniers en grève de la faim, Salah Hamouri, avocat franco-palestinien. Il a été placé en détention administrative le 7 mars et sa détention a été prolongée jusqu’au 5 décembre. De plus, Salah Hamouri a vu révoquer en octobre 2021 son statut de résident permanent à Jérusalem-Est, par une décision du ministre israélien de l’intérieur au motif de « non allégeance » à l’État d’Israël. Cette révocation sera examinée par la cour suprême israélienne en février 2023. Il risque d’être expulsé de Palestine, ce qui créerait un grave précédent.
Le gouvernement français s’est adressé plusieurs fois au gouvernement israélien, sans exiger sa libération ni prendre aucune mesure qui fasse pression sur le gouvernement israélien. Combien de temps tolérera t-il encore qu’un citoyen français subisse une telle atteinte à ses droits sans prendre la moindre mesure.
La détention administrative est une arme d’oppression et de répression qui bafoue le droit des détenus à un procès équitable et viole l’article 17 alinéa 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « nul ne peut être arbitrairement privé de sa liberté ». Les autorités militaires israéliennes y ont massivement recours, ce qui est prohibé par le droit international. Depuis 1967, 54 000 Palestiniens ont fait l’objet d’ordres de détention administrative, ce qui équivaudrait à plus d’un million d’habitants de France.
Nous soutenons ces prisonniers qui mettent leur vie en jeu pour alerter sur cette politique inhumaine et illégale, pour réclamer le respect de leurs droits les plus élémentaires à la justice et à la liberté. Ils doivent être libérés sans délai. Il est totalement inacceptable que Khalil Awawdeh, placé en détention administrative, ait dû mener une grève de la faim de plus de 180 jours au prix de sa santé pour obtenir sa libération qui devrait intervenir le 2 octobre.
Le Président de la République doit maintenant exiger clairement et explicitement la libération de Salah Hamouri, ainsi que le rétablissement de son droit de résidence à Jérusalem. Il doit prendre des mesures concrètes pour contraindre Israël à accéder à cette demande de justice.
Une réunion du Conseil d’association entre l’Union européenne et Israël est prévue début octobre. Dans de telles circonstances, elle doit être reportée, ou pour le moins soumise à des mesures précises marquant la fin de l’acharnement d’Israël contre les défenseurs des droits humains. Ne pas le faire revient à donner un blanc-seing à Israël.
Le Bureau National de l’AFPS, le 27 septembre 2022
30 prisonniers palestiniens se mettent en grève de la faim - dont Salah Hamouri.#FreeThemAll#StopAD
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Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste.
Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale.
Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.