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29 août 2018 3 29 /08 /août /2018 05:15

 

Le premier ministre a présenté les grandes orientations d’un futur budget 2019 marqué par l’austérité. Il s’en prend au pouvoir d’achat des familles et des retraités, attaque l’assurance-chômage et les emplois aidés.

On nous promettait un acte II plus social de la politique gouvernementale. Mais ce qu’a décrit longuement Édouard Philippe dans le Journal du dimanche, hier, en est l’opposé. Le budget 2019 s’annonce frappé du sceau de l’austérité. À l’exception notable des cadeaux faits aux entreprises, qui, à force de baisses de cotisations, vont sérieusement mettre à mal le financement de la solidarité nationale. Sous prétexte « de faire le choix du travail », le premier ministre s’en prend aux prestations sociales en les désindexant de l’inflation. Décryptage.

 

1 - LE POUVOIR D’ACHAT PLOMBÉ POUR DEUX ANS

C’est l’attaque la plus franche et la plus antisociale annoncée dans le Journal du dimanche par le premier ministre. Si Édouard Philippe rejette tout « gel » des prestations sociales et familiales, les hausses seront plafonnées à 0,3 % en 2019 et 2020, alors que les prix s’envolent et que l’inflation s’élève à 1,7 % cette fin d’année, selon l’Insee. Ce qui équivaut dans les faits à une baisse nette du pouvoir d’achat qui se prolongera pendant deux ans. « À croire que ces gens se réveillent tous les matins en se demandant comment pourrir la vie des gens modestes… » a réagi Ian Brossat, chef de file du PCF pour les élections européennes de 2019. Les pensions des retraités sont à nouveau en première ligne. « La désindexation des retraites combinée à la hausse de la CSG représentent 578 euros de perte de pouvoir d’achat par an pour un retraité qui a 1 300 euros de retraite par mois », a calculé Valérie Rabault, députée PS. La perte nette s’élève à 888 euros pour une retraite de 2 000 euros. Les familles seront aussi lourdement touchées au portefeuille : les allocations familiales, de rentrée scolaire, primes de naissance, aides à la garde, comme les APL – déjà attaquées l’année dernière – sont impactées et n’augmenteront que de 0,3 %. Seul le RSA reste indexé à l’inflation.

 

2 - HEURES SUP DÉSOCIALISÉES, UNE MESURE CONTRE-PRODUCTIVE POUR L’EMPLOI

Pour tenter d’adoucir l’impact de ses mesures défavorables au pouvoir d’achat des Français, le gouvernement confirme vouloir exonérer les salariés de cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Et ce dès septembre 2019. Une mesure censée redonner en moyenne « 200 euros supplémentaires par an » pour un salarié au Smic, d’après Édouard Philippe. À l’échelle de l’ensemble des ménages, l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) estimait pour sa part dans une étude de juillet 2017 que « le gain engendré par la mesure devrait s’établir à environ 0,4 % du niveau de vie des ménages, soit 88 euros par an par ménage ». L’OFCE estimait même que cette politique pourrait coûter 3 milliards d’euros par an aux finances publiques et détruire 19 000 emplois dans le contexte actuel de chômage élevé, les employeurs préférant allonger le temps de travail de leurs salariés plutôt que de créer des emplois. Une mesure « inégalitaire, hypothétique, qui a déjà été tentée et qui ne crée aucun emploi », a critiqué hier le numéro un de Force ouvrière, Pascal Pavageau, sur RTL, en référence à la politique de Nicolas Sarkozy, associant désocialisation et défiscalisation des heures supplémentaires.

 

3 - VERS UNE DÉGRESSIVITÉ DES ALLOCATIONS CHÔMAGE

L’assurance-chômage est dans le viseur du gouvernement. Pour fonder « un nouveau contrat social », Édouard Philippe se dit prêt à « discuter » de la dégressivité des allocations chômage pour les cadres à hauts revenus. Une proposition du député LaREM Aurélien Taché, visant à diminuer les allocations chômage « à partir de six mois » pour les bénéficiaires qui touchent plus de 5 000 euros d’indemnités. « Le principe de l’assurance-chômage, c’est que vos droits dépendent des cotisations que vous versez en fonction de votre salaire, rappelle Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE et membre des Économistes atterrés. Les cadres touchent plus parce qu’ils cotisent plus. Si on touche à leurs indemnités, ils seraient fondés à dire qu’on les fait payer pour rien. » Avec cette mesure, le risque est de pénaliser les seniors, une catégorie de demandeurs d’emploi qui perçoivent les plus hauts revenus, selon l’Insee. Samedi, Matignon a envoyé une lettre de cadrage aux syndicats et au patronat en vue des réunions bilatérales, du 29 août au 4 septembre, dédiées à l’assurance-chômage, la santé au travail et les arrêts maladie.

 

4 - NOUVELLE BAISSE DES CONTRATS AIDÉS

Le nombre de contrats aidés va à nouveau baisser en 2019, annonce Édouard Philippe Passés de 459 000 à 310 000 en 2017, ils avaient été déjà réduits à 154 000 dans le budget 2018. Un nouveau coup désastreux. Les baisses drastiques des contrats aidés, l’été dernier, ont eu « des impacts très lourds pour les associations, les collectivités, mais aussi les Ehpad », souligne un rapport publié cette année par les sénateurs Alain Dufaut (LR) et Jacques-Alain Magner (PS). Leur diminution brutale a « mis en péril l’existence de nombreuses structures » et aggravé la situation des bénéficiaires. « Du jour au lendemain, des milliers de personnes ont de nouveau basculé dans la précarité », souligne le rapport. Le gouvernement a créé un nouveau dispositif, appelé le parcours emploi compétences (PEC). Mais les associations et les collectivités y ont moins recours, car l’État ne prend en charge que 50 à 60 % du coût de ces contrats, contre 80 à 90 % pour les anciens. Les conditions d’accès ont aussi été restreintes. À peine 70 000 PEC ont été signés cet été… Beaucoup de monde risque de se retrouver sur le carreau.

 

5 - TOUJOURS PLUS D’AUSTÉRITÉ ET MOINS DE FONCTIONNAIRES

« Pour la fonction publique d’État, nous tiendrons l’objectif du président de supprimer 50 000 postes à l’horizon 2022 », assure Édouard Philippe au Journal du dimanche. L’administration fiscale – et tant pis pour les 60 milliards d’euros d’impôts qui échappent chaque année à l’État – et le personnel des ambassades seront les plus ciblés. Le premier ministre cite également des suppressions de postes dans l’audiovisuel public. La cadence devrait s’accélérer dès 2020, grâce notamment au « développement numérique », assure-t-il. Les coupes devraient être d’autant plus fortes que le premier ministre annonce le recrutement de 2 000 policiers supplémentaires, sans revoir son objectif de coupe nette de 4 500 postes pour 2019. Rappelons également que, pour répondre aux promesses de campagne d’Emmanuel Macron, 70 000 suppressions de postes de fonctionnaires sont également à prévoir dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. On devrait en voir une nouvelle preuve avec la réforme de l’hôpital portée par Agnès Buzyn, qui sera présentée à la mi-septembre.

 

6 - LE CICE PÉRENNISÉ EN BAISSES DE COTISATIONS

La confirmation de la pérennisation du Cice en baisses de cotisations fait figure d’exception parmi ces annonces uniformément austéritaires. Alors que le premier ministre ne parle que d’économies, voilà qu’il justifie ce trou de 21 milliards d’euros dans le budget 2018. Plus de 70 milliards d’euros ont ainsi été consacrés à cette aide depuis sa création en 2013, sans jamais qu’ait été donné une preuve de son efficacité. Mais c’est avec élan qu’Édouard Philippe sécurise ce cadeau aux entreprises, malgré le déficit qu’il va causer. « C’est un transfert de trésorerie qui doit être utilisé pour leur compétitivité », justifie-t-il. Pire, comme le gouvernement prévoit une double baisse des cotisations, le manque à gagner pour la protection sociale sera de 3,3 milliards de plus que ce que coûtait le Cice, selon la commission des Finances du Sénat. Pourtant, le comité de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements rappelait encore l’année dernière qu’« on ne dispose à ce jour d’aucune évaluation des effets sur l’emploi » des exonérations de cotisations patronales « sur l’ensemble des vingt-cinq dernières années ».

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29 août 2018 3 29 /08 /août /2018 04:40
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28 août 2018 2 28 /08 /août /2018 04:40

Des tomates à 1,70 € le kilo, des pommes à 1,50 € le kilo ou encore les 2 melons à 3,50 € ! C'est ce que proposait ce mardi 22 août le Modef, le mouvement de défense des exploitants familiaux, épaulé par le PCF, à Paris et dans de nombreuses villes de la région parisienne.Une belle initiative de résistance mais aussi d'alternatives en ces temps difficiles pour de nombreuses familles

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28 août 2018 2 28 /08 /août /2018 03:49

Jean Jouzel climatologue, directeur de recherche au CEA, ancien vice-président du groupe scientifique du Giec

Pourtant loin d’être terminé, l’été 2018 marque d’ores-et-déjà un tournant dans notre lutte contre le réchauffement climatique. Feux de forêts incontrôlables en Californie, canicules sans précédent en Europe du Nord ou au Japon : de nombreux rapports scientifiques évoquent désormais le risque d’atteindre un point de rupture. Pour Jean Jouzel - chercheur dans le domaine de l’évolution du climat - nous pouvons encore agir, mais il est impératif que nous relevions l’ambition des 2 °C prévue par l’Accord de Paris.

Canicules en France, en Suède, au Japon, incendies d’une rare violence en Californie ou au Portugal : assiste-t-on à un emballement du réchauffement climatique ?

Malheureusement, les événements actuels correspondent à ce qui était envisagé depuis plus de trente ans par les climatologues. En moyenne, la température à la surface de la terre augmente de près de deux dixièmes de degrés par décennie. A ce réchauffement moyen – directement imputable aux activités humaines – s’ajoute désormais une évolution rapide des « extrêmes climatiques », expliquant notamment la recrudescence et l’intensification des vagues de chaleur, qui ne va pas aller en s’améliorant. Pour une hausse supplémentaire des températures moyennes de 1 °C, les extrêmes augmenteraient ainsi de 2 °C.

« Les épisodes de canicule se multiplient depuis le début des années 2000 »

De fait, on l’observe particulièrement cet été, les épisodes de canicule se multiplient depuis le début des années 2000. En France, nous avons été marqués par la canicule de 2003, mais n’oublions pas que d’autres pays ont connu des pics similaires depuis, comme par exemple la Russie en 2010. Des records sont ainsi battus de plus en plus fréquemment, en différents points du globe. Le rapport annuel de l’Agence américaine d’observation de l’océan et de l’atmosphère vient d’ores-et-déjà de confirmer que 2017 a été l’une des trois années les plus chaudes de la planète. Et 2018 pourrait bien battre de nouveaux records.

« Ces changements climatiques rapides sont sans aucun équivalent sur les 10 000 dernières années et nous font entrer dans un tout autre monde »

Si rien n’est fait pour enrayer cette dynamique, l’été caniculaire de 2003 – qui était 3 degrés plus chaud qu’un été de référence de la fin du XXsiècle – pourrait bien devenir la norme en France après 2050. Les étés caniculaires auraient alors des températures moyennes 6 ou 7 degrés plus élevées que cet été de référence. Par ailleurs, dans un contexte de réchauffement climatique non maîtrisé, on peut craindre des records de température de l’ordre de 50, voire 55 degrés, dans certaines régions à la fin du siècle. C’est énorme. Ces changements climatiques rapides sont sans aucun équivalent sur les 10 000 dernières années et nous font entrer dans un tout autre monde.

Pouvons-nous attribuer ces événements extrêmes au réchauffement climatique et à l’activité humaine ?

Le réchauffement moyen du globe est déjà clairement attribué à l’activité humaine et à l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, pour l’essentiel (75 %) dus aux dégagements de gaz carbonique causés par notre utilisation d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Le reste tenant principalement à nos usages agricoles qui rejettent du méthane et du protoxyde d’azote.

« Il ne fait désormais plus aucun doute que le changement climatique augmente la probabilité de survenue d’événements extrêmes »

Pour ce qui est des extrêmes climatiques, ils sont étudiés au cas par cas par les climatologues depuis plusieurs décennies et mes collègues sont désormais capables, grâce aux statistiques, de déterminer les probabilités de survenue de tel ou tel événement dans un contexte de réchauffement climatique. Par rapport à ce qui était fait il y a 15-20 ans, les experts climatiques sont de plus en plus sensibles à la notion dite « d’attribution » et – grâce à une meilleure documentation des phénomènes naturels et au développement de modèles climatiques plus élaborés – il ne fait désormais plus aucun doute que le changement climatique augmente la probabilité de survenue d’événements extrêmes. La vague de chaleur observée en Europe du Nord avait ainsi deux fois plus de chances de se produire aujourd’hui que dans le passé. C’est un changement de perspective important. L’étape suivante consistera à établir un lien causal direct entre ces extrêmes climatiques et l’activité humaine. Cette attribution a déjà été établie pour plusieurs pics de chaleur mais sans faire pour l’instant consensus.

 

L’ensemble de la planète, sans exception, est concerné par ce réchauffement. Les menaces sont bien sûr différentes d’une région à l’autre, mais aucun pays ne peut y échapper. On le voit cette année avec la Scandinavie, qu’on pensait à l’abri du réchauffement climatique, ou encore la Russie qui semblait épargnée avant la canicule de 2010.  

« L’Europe s’est considérée comme privilégiée pendant un temps, alors que nous sommes en réalité très vulnérables »

Sur ce plan, l’Europe s’est considérée comme privilégiée pendant un temps, alors que nous sommes en réalité très vulnérables, en témoigne la canicule actuelle. Aujourd’hui, un Européen sur 20 est, chaque année, en proie à un événement climatique extrême. Si rien n’est fait pour maîtriser le réchauffement, cette proportion pourrait atteindre deux tiers de la population d’ici 2050. Le nombre de décès liés aux extrêmes climatiques (essentiellement aux épisodes de canicule) pourrait également être multiplié par 50 dans la deuxième partie du siècle, passant de 3 000 à 150 000 victimes annuelles. Enfin, en France, une projection des risques de feux de forêts à horizon 2050 indique que des régions jusqu’ici épargnées pourraient être sujettes aux flammes, notamment dans le centre et l’ouest du pays.

Malgré tout, c’est incontestablement l’Afrique et l’Asie du Sud-Est qui sont en première ligne. Au niveau de la corne de l’Afrique (Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Somalie) par exemple, les températures dépassent régulièrement les 50 °C, et pourraient être amenées à augmenter de nouveau, rendant très compliquée l’adaptation des populations. C’est aussi ce qui attend, plus modérément la péninsule arabique. Dans certaines régions côtières, la principale crainte tient à l’élévation du niveau de la mer, tandis que la Californie est menacée par les feux de forêts incontrôlables, avec des températures qui frôlent, voire dépassent déjà les 50 °C dans la vallée de la mort.

C’est la vie sur Terre qui est menacée ?

Le GIEC a l’habitude de classer les effets du réchauffement climatique en cinq catégories. Outre l’intensification et la multiplication des « extrêmes climatiques » qui nous préoccupent aujourd’hui – et constituent la première d’entre elles – nous assistons à l’augmentation de l’acidité des océans qui absorbent chaque année 25 à 30 % du gaz carbonique que nous rejetons, mettant en danger les récifs coralliens et les animaux marins qui les peuplent. En cas de réchauffement climatique important, c’est la biodiversité dans son ensemble qui est menacée. A moyen ou long terme, certaines espèces ne pourront en effet plus se déplacer aussi vite que les zones climatiques, rendant impossible leur adaptation.

La vie humaine n’est pas épargnée puisque le réchauffement climatique cause des problèmes d’accès à l’eau, induit des déplacements importants de population (on parle de « réfugiés climatiques »), menace notre sécurité alimentaire et augmente le risque de conflits. La dernière catégorie de risques tient à l’existence de phénomènes irréversibles et donc, en premier lieu, à l’élévation du niveau de la mer.

A-t-on atteint un point de rupture ?

Le réchauffement climatique est irréversible, mais nous pouvons encore limiter son ampleur, si nous agissons rapidement. Il nous faut impérativement respecter la limite des 2 °C prévu par l’Accord de Paris, au risque d’atteindre effectivement ce point de rupture et de perdre le contrôle sur un certain nombre de phénomènes. A commencer dans les régions polaires, où le dégel du permafrost pourrait s’accentuer et libérer du gaz carbonique par décomposition de matière organique, venant grandir le stock – lié aux activités humaines – qui stagne déjà dans l’atmosphère. L’élévation du niveau de la mer avance également à un rythme soutenu : même si nous respectons l’objectif de l’accord de Paris, il pourrait atteindre 40 centimètres d’ici la fin du siècle et 1 mètre à la fin du siècle prochain. En cas de réchauffement plus important, les niveaux pourraient atteindre respectivement 1 mètre et 2 mètres supplémentaires. La fonte du Groënland serait alors également envisageable à l’échelle millénaire, ce qui conduirait à une élévation du niveau de la mer de 7 mètres.

« Il est impératif de s’atteler rapidement à la maîtrise de ces phénomènes, au risque d’enclencher un « effet domino » irréversible » et de voir notre planète se transformer en une véritable serre

Est-il suffisant de chercher à contenir la hausse des températures en deçà de 2 degrés, comme le prévoit l’Accord de Paris ? En sommes-nous encore capables ?

A scénario émetteur inchangé (c’est-à-dire sans respecter l’Accord de Paris), les températures moyennes mondiales pourraient gagner entre 4 et 5 degrés d’ici la fin du siècle. Il est donc impératif que nous respections l’objectif de maintien sous les 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, tout en sachant que la température du globe a déjà pris un degré par rapport à cette période et que notre fenêtre de tir est donc très étroite.

Problème majeur : les engagements qu’ont pris les Etats dans le cadre de cet accord ne permettent pas de tenir l’objectif. Pour le respecter, la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre devrait être trois fois plus importante et intervenir rapidement puisque le CO2 que nous émettons s’accumule au fur et à mesure dans l’atmosphère et vient grossir, chaque jour, un stock qui accélère le réchauffement climatique.

« Pour rester sous la barre des deux degrés, il ne nous reste plus que 20 ans d’émissions au rythme actuel »

Pour rester sous la barre des deux degrés, il ne nous reste plus que 20 ans d’émissions au rythme actuel. Il faut donc agir vite. C’est une question qui ne se pose plus simplement dans un long terme indéterminé, mais qui est à portée de génération : ce ne sont pas nos futurs enfants, ni petits enfants, qui sont concernés, mais bien les jeunes d’aujourd’hui.

Un relèvement de l’ambition internationale serait donc nécessaire ?

Effectivement, il faut relever l’ambition de l’Accord de Paris, mais je crains fort que cela ne soit pas à l’agenda des négociations avant quelques années. En particulier depuis que Donald Trump a acté le retrait des Etats-Unis, brisant un cercle vertueux qui venait à peine de s’enclencher. Ce revirement américain est susceptible d’avoir un effet d’entraînement sur d’autres pays signataires. La Russie, qui n’a pas pour l’instant ratifié l’Accord de Paris, pourrait ainsi ne jamais le faire. Or, il faut être conscient que, si la politique de Donald Trump est susceptible d’avoir un effet positif à très court terme sur l’économie américaine, elle sera assurément néfaste pour le pays à moyen et long terme. A l’heure actuelle, aucune nation ne peut prétendre s’exonérer des questions climatiques.

Que peut-on attendre de la COP 24, qui réunira en décembre les parties signataires en Pologne ?

La COP 24 est une belle occasion pour toucher du doigt l’éventuel relèvement des ambitions de l’Accord de Paris. Mais l’année 2018 marque tout juste la fin d’une période de trois ans où les pays ont défini les règles de l’Accord signé en 2015 : quels engagements prendre ? Comment les tenir ? Il semble donc encore un peu tôt dans les négociations pour espérer rehausser nos objectifs. Nous attendrons donc sûrement 2020 bien que, d’un point de vue purement climatique, il soit nécessaire d’agir dès maintenant. Le seul point d’espoir tient à la publication, en octobre, d’un rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C, qui retiendra peut-être l’attention de certains négociateurs.

En France, la loi sur la transition énergétique va-t-elle dans le bon sens ?

Nous visons une division par quatre de nos émissions d’ici 2050, tout à fait compatible avec l’Accord de Paris – et qui va même au-delà étant donné que chacun participe à hauteur de ses émissions et que les pays développés ont donc un effort plus important à fournir. De plus, Nicolas Hulot a récemment annoncé viser la neutralité carbone à l’horizon 2050, contre la deuxième partie de ce siècle dans le cadre de l’Accord de Paris. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV) adoptée en 2015 marque également un progrès. Principal bémol : elle se focalise sur l’énergie et oublie les émissions du secteur agricole (méthane et protoxyde d’azote), qui sont certes moins importantes en quantité mais néanmoins loin d’être négligeables.  

« En 2017, nos émissions ont augmenté de 3,2 %, ce qui nous éloigne complètement de notre trajectoire 

Dans les textes, la situation est plutôt encourageante, avec également un Plan national d’adaptation au changement climatique qui devrait être promulgué d’ici la fin de l’année. Mais en pratique, le bilan est plus nuancé puisqu’en 2017, nos émissions ont augmenté de 3,2 %, ce qui nous éloigne complètement de notre trajectoire. En outre, nous savons d’ores-et-déjà que notre objectif d’avoir, en 2020, 23 % d’énergie renouvelable dans notre consommation ne sera pas atteint, tout comme la réduction de nos émissions de 40 % d’ici 2030 sera difficile.

Au niveau individuel, pouvons-nous encore espérer avoir un impact positif quelconque ?

Bien sûr, cela est possible et souhaitable ! En un sens, le réchauffement climatique est enthousiasmant pour les jeunes générations car il implique de changer tout notre modèle de développement : urbanisme, transport, habitudes d’alimentation et de consommation. Nous avons tous, et je m’inclus dedans, une certaine part d’égoïsme qui rend difficile la prise en compte du changement climatique à notre échelle individuelle, mais il n’y a pas de petit effort pour tendre vers un mode de vie plus sobre. Cela se joue dans les dizaines de décisions que nous prenons au quotidien, et doit être encouragé par les Etats et les collectivités locales, qui sont en première ligne de ce combat : le changement des habitudes de transport passe ainsi par l’élaboration d’une offre de transports propres par les collectivités.

« Il n’y a pas de petit effort pour tendre vers un mode de vie plus sobre »

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Et, contrairement à une idée reçue très répandue, la lutte contre le réchauffement climatique n’entrave pas la croissance mais serait, au contraire, le symbole d’un nouveau dynamisme économique. Six millions d’emplois pourraient ainsi être créés en Europe d’ici 2050 et, pour la France seule, l’Ademe évoque un potentiel de 90 0000 créations d’emplois. C’est simplement une autre forme de dynamisme que celle que nous cherchons aujourd’hui, et vers laquelle il nous faut tendre.

Propos recueillis par Aude Martin

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28 août 2018 2 28 /08 /août /2018 03:41

 

L’établissement bancaire a été surpris comme participant à un vaste système d’évasion fiscale, notamment aux États-Unis et en France. L’affaire a contribué à fixer de premières limites au secret bancaire suisse mais n’a pas fait cesser ces pratiques.

Profitant du secret bancaire, les banquiers d’UBS ont agi illégalement pour séduire de nouveaux clients internationaux. Leur soutien aux évadés fiscaux a été dévoilé en 2007, aux États-Unis, à partir de documents retrouvés par les agents du fisc au cours d’une perquisition aux bureaux du milliardaire américain d’origine russe Igor Olenicoff. Son conseiller, Bradley Birkenfeld, ancien banquier d’UBS et complice dans les irrégularités fiscales du milliardaire, a été contraint de collaborer avec le département de la Justice. Son témoignage a déclenché une enquête sur des milliers de comptes secrets ouverts par des citoyens américains en Suisse. La banque a ainsi violé l’accord signé en 2001 avec les États-Unis (le Qualified Intermediary, QI) dans lequel elle s’engageait à fournir l’identité de ses clients américains au fisc de leur pays.

Les auxiliaires d’UBS responsables de l’acquisition des clients aux États-Unis avaient clairement pour mission de contourner ces accords. Leur tâche première était de repérer des personnes aisées et de les aider à s’évader fiscalement en ayant recours aux services d’UBS. Les clients étaient recrutés lors de rencontres mondaines, souvent sponsorisées par la banque. Plus tard, les banquiers d’UBS, soutenus par des avocats et des comptables, ont usé de différentes stratégies pour cacher l’argent de leurs nouveaux clients au fisc américain. Le subterfuge visait à dissimuler les identités des titulaires par le biais de sociétés-écrans situées dans des pays tiers à partir desquels il devenait possible de contourner les accords Qualified Intermediary. Aux riches clients américains, il était également conseillé de déposer l’argent liquide et non déclaré directement en Suisse ou d’acheter des objets de luxe, œuvres d’art et bijoux.

LA BANQUE EST DEPUIS 2013 SOUS LE COUP D’UNE ENQUÊTE EN FRANCE

L’ampleur de ce système est tel que le gouvernement helvétique est entré en scène fin 2008 pour limiter les dangers qu’une condamnation éventuelle (et finalement effective) d’UBS par la justice américaine faisait craindre sur l’économie du pays. L’accord portant sur le partage des données bancaires suspectes entre les deux gouvernements – américain et suisse – représente un tournant historique pour la lutte contre l’évasion fiscale. Le processus d’abolition du secret bancaire pour les non-résidents en Suisse, lancé en 2009, est ainsi renforcé. Le programme mis en place il y a huit ans par le département de la Justice des États-Unis dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale avait déjà obligé une des plus importantes banques au monde à payer une amende de 780 millions de dollars. Dans le même élan, d’autres banques ont été jugées dans le cadre de la lutte contre l’évasion fiscale américaine : Crédit suisse a dû payer 2,8 milliards de dollars d’amende en 2014 et Julius Baer, 547,25 millions de dollars en 2016.

Aujourd’hui, malgré l’intervention du gouvernement suisse et les progrès dans l’abolition du secret bancaire, UBS est toujours impliquée dans l’évasion fiscale internationale. La « société de services financiers », dont les sièges sont à Bâle et à Zurich, en Suisse, est la plus grande banque de gestion de fortune dans le monde avec des actifs investis de 2 440 milliards d’euros en 2016. Accusée d’avoir contribué activement à cette pratique suivant le même schéma mis en place aux États-Unis, la banque est depuis 2013 sous le coup d’une enquête en France et sera jugée à la rentrée 2018. Six hauts dirigeants de l’institut bancaire actifs dans les deux pays vont être jugés. Parmi ceux-ci, Raoul Weil, ancien numéro trois d’UBS, déjà accusé et acquitté après l’affaire américaine, et Patrick de Fayet, ancien numéro deux d’UBS France.

Demain Madonna, de l’aide au Malawi à son « isla bonita » des Bermudes.

Le guide touristique de la fraude

Suisse

À partir de son adoption en 1934, le secret bancaire suisse a été source de critiques concernant l’éthique des banques qui l’appliquent. Complice de l’évasion fiscale au niveau mondial, le secret bancaire a été limité pour la première fois en 2009 par les autorités des États-Unis. Le partage progressif des informations fiscales s’est ensuite mis en place grâce aux pressions internationales, aux menaces de sanctions économiques et aux procédures pénales contre les banques de la Confédération suisse. Les demandes d’assistance fiscale de la part d’autres administrations nationales ont crû à partir de 2015. L’adhésion de la Suisse aux standards internationaux de transparence fiscale a été signée récemment par un accord d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (EAR). Cet accord, entré en vigueur le 1er janvier 2017, concerne 38 pays mais ne serait effectif qu’en 2018, sur les données de l’année précédente. Le gouvernement helvétique espère régler ainsi certains contentieux avec ses principaux partenaires européens. Plusieurs banques suisses restent cependant impliquées dans l’évasion fiscale et… le secret bancaire, une spécialité nationale de la Confédération !

Federico Boldini

 

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27 août 2018 1 27 /08 /août /2018 03:39

 

André Chassaigne, président du groupe GDR à l’Assemblée, analyse les résultats de la politique économique menée par Macron et les inquiétudes qu’ils suscitent pour l’avenir de nos concitoyens.

La machine à illusions économiques du Président Macron a ces dernières semaines pris du plomb dans l’aile. En cet été 2018, les dernières données statistiques viennent confirmer ce que nous n’avons eu de cesse de dénoncer depuis le début du quinquennat : la mise en pratique des vieilles recettes du néolibéralisme plombe l’économie, la création d’emploi et le pouvoir d’achat des Français. Pis encore, la politique économique du pouvoir en a accentué les travers : réduction des dépenses publiques, suppression des droits sociaux des travailleurs, accroissement sans précédent des cadeaux fiscaux aux revenus les plus élevés et aux détenteurs de capitaux. Un an après, c’est le cœur de l’efficacité de la politique économique du « Président des Riches » qui est aujourd’hui mise en défaut par les faits. Et « les faits sont têtus ! »

La croissance. 0,2 % au second trimestre 2018. Niveau identique à celui du premier trimestre, soit une croissance deux fois moins forte que la moyenne des pays de la zone euro ou de celle de l’Union Européenne à 28 (0,4 %).

Le nombre de demandeurs d’emploi. 5 627 900 personnes en France métropolitaine à la fin juin 2018 pour les catégories A, B et C. Il progresse au dernier trimestre, comme sur l’ensemble de l’année écoulée (+ 1,4 %), tout en ne reflétant que la partie émergée de l’iceberg de la précarité économique que connaissent des millions de précaires, salariés à temps partiels et autres travailleurs pauvres.

Les salaires. Le salaire mensuel de base (brut) n’a progressé que de 1,5 % au cours de l’année écoulée (de juin 2017 à juin 2018), tandis que dans le même temps les prix à la consommation ont augmenté de 2,3 % en juillet sur un an (1,9 % pour les prix des produits alimentaires). Cela faisait 7 ans que l’ensemble des Français-e-s n’avaient pas perdu autant de pouvoir d’achat, alors même que la hausse de l’inflation semble se poursuivre en parallèle de politiques de compression des salaires dans les entreprises.

La balance commerciale. Un déficit de 33,5 milliards d’€ au premier semestre 2018 selon les dernières données issues des douanes. Les exportations ont représenté l’équivalent de 87,8 % des importations, un taux parmi les plus faibles enregistrés depuis les années 1970. Ces chiffres, quasi records, sont particulièrement alarmants puisqu’ils témoignent très directement à la fois de la poursuite de la désindustrialisation de la France et de sa dépendance croissante aux importations pour sa propre demande intérieure. Ils auront des implications durables pour l’économie de demain avec notamment la perte des savoir-faire et de la maîtrise technique de secteurs entiers.

Alors, faudrait-il croire, comme le psalmodie la communication gouvernementale, que ce constat n’a aucun lien avec des choix politiques devenus insensés ? Faut-il se laisser une nouvelle fois abuser par les digéreurs de la parole présidentielle, pris la main dans le pot de déconfiture libérale, et se réfugiant dans la formule consacrée : « le résultat des réformes n’est pas encore perceptible » ?

Bien au contraire, c’est le moment de dire que ces résultats sont directement corrélés à des choix néfastes pour l’ensemble de l’économie française. C’est le moment de dénoncer encore plus fermement l’hypocrisie qui consiste à faire croire qu’en donnant toujours plus au capital, on en retirerait des retombées positives. Fort logiquement, c’est tout le contraire qui se produit puisque cette politique a accéléré le prélèvement déjà exorbitant opéré sur les richesses produites par le travail des Françaises et des Français par le capital. Et cette explosion du coût du capital se paie cash avec l’augmentation de la rémunération des actionnaires au détriment de celle du travail et des investissements.

Une dernière information économique vient ainsi confirmer le contresens économique et social total poursuivi par le pouvoir. Les bénéfices nets des grands groupes du CAC 40 atteignent des sommets, tandis que ces mêmes groupes continuent de supprimer de l’emploi et des salaires. Les 33 sociétés sur 40 ayant publié leurs résultats sur les 6 premiers mois de 2018 ont déjà accumulé 43,5 milliards d’€ de résultat net. Le CAC 40 est en passe de franchir le cap des 100 milliards d’€ de bénéfices nets annuels, au-delà des résultats d’avant-crise. Mais le plus important est bien de voir que cette explosion des bénéfices se traduit, en même temps, par la dégringolade de l’effort d’investissement de ces mêmes groupes. Moins 12 milliards d’€ d’investissements pour l’ensemble des groupes du CAC 40, le plus bas niveau d’investissement relevé depuis 12 ans par l’étude Ricol Lasteyrie-EY dressant chaque année le « profil financier du CAC 40 », cabinet d’expertise que l’on pourra difficilement taxer de collusion avec les économistes communistes. Les dégâts de la poursuite des mesures d’allègements fiscaux dont bénéficient ces mêmes groupes, comme l’ensemble des « premiers de cordée », notamment avec le CICE, le CIR et les multiples dispositifs en faveur de l’emploi peu qualifié apparaissent ainsi à la vue de tous. Il s’agit en réalité de mesures de pillage des richesses par une poignée au détriment de l’avenir économique du pays.

Aussi, la priorité des priorités économiques serait-elle de retrouver ces premières marges de manœuvres financières, en supprimant dès 2019 ces allègements fiscaux qui alimentent le capital financier et la spéculation au détriment de notre tissu industriel, de l’innovation, de l’emploi et des salaires. La lutte contre le coût du capital doit devenir une grande cause nationale. Car c’est bien aujourd’hui cette ponction croissante sur les richesses produites qui déstabilise toute notre économie et prive durablement notre pays de sa capacité à tracer la voie d’un modèle de développement économique, social et écologique juste et durable. Bien entendu vous n’entendrez aucun économiste ou expert libéral faire état de cette situation alarmante. Dans leur diversité d’analyse, ce sont en revanche les économistes hétérodoxes, notamment communistes, qui portent clairement l’exigence du combat contre ce coût caché du capital.

Pour sortir de cette ornière libérale, il faut donc avoir dès aujourd’hui le courage et la volonté d’affronter dans la durée cette politique gouvernementale dépassée et néfaste sur son terrain fétiche de l’illusion économique.

André CHASSAIGNE

Président du groupe de la

Gauche Démocrate et Républicaine à l’Assemblée nationale

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26 août 2018 7 26 /08 /août /2018 05:32

La rentrée ouvre la saison budgétaire. C’est toujours un moment difficile pour l’exécutif : celui-ci a invariablement promis des hausses de dépenses pour tel ou tel sujet prioritaire et des baisses de prélèvements à telle ou telle catégorie sociale, le tout en réduisant bien entendu les déficits. C’est au moment d’établir le budget pour l’année suivante qu’il faut trancher ces contradictions.

Cette année, l’équation est encore compliquée pour Emmanuel Macron par le net ralentissement de l’activité économique enregistré au premier semestre et les fortes incertitudes qui pèsent sur les prochains mois dans un contexte international de plus en plus tendu.

A ce stade tous les arbitrages concernant le budget de l’Etat et celui de la Sécurité sociale ne sont pas encore rendus, mais le gouvernement a d’ores et déjà transmis au Parlement en juillet dernier les enveloppes budgétaires maximales prévues pour 2019 pour les différentes missions de l’Etat

Une forte austérité programmée

Niveau des principales enveloppes du budget de l’Etat pour 2019 (en milliards d’euros) et évolution par rapport à 2018 en volume et par habitant (en %)

BUDGET 2019  - LE GOUVERNEMENT PROGRAMME UNE FORTE AUSTERITE (ALTERNATIVES ECONOMIQUES -  GUILLAUME DUVAL – 22 AOUT 2018)

Celles-ci font apparaître qu’une forte austérité est bien programmée par le gouvernement avec une baisse moyenne de 1,4 % en volume et par habitant des budgets des différents ministères, si on prend en compte une inflation de 1,8 % sur l’année et une hausse de 0,4 % de la population.

L’exécutif a prévu des baisses drastiques des budgets consacrés au travail et à l’emploi, à l’agriculture, au logement, à la cohésion territoriale et aux relations avec les collectivités locales

L’exécutif a prévu en particulier des baisses drastiques des budgets consacrés au travail et à l’emploi, à l’agriculture ou encore au logement, à la cohésion territoriale et aux relations avec les collectivités locales.

Pas de quoi favoriser l’indispensable mutation de notre modèle agricole pour qu’il devienne moins destructeur de l’environnement et moins menaçant pour la santé des Français. Pas de quoi non plus limiter la grave crise du logement qui touche toujours les jeunes et les plus pauvres dans les grandes agglomérations. Pas de quoi enfin limiter non plus les inégalités territoriales dont l’aggravation menace la cohésion du pays. 

Certes quelques autres budgets augmentent significativement comme celui de la solidarité : malgré la fameuse sortie sur le « pognon de dingue » dépensé pour les pauvres, le gouvernement privilégie donc finalement les aides sociales plutôt que le soutien à l’emploi dans son budget. Comprenne qui pourra…

Le gouvernement prévoit d’amputer de 2 milliards d’euros le budget de l’emploi pour accroître d’un milliard d’euros le budget de la solidarité et financer le plan de lutte contre la pauvreté

Il prévoit en effet d’amputer de 2 milliards d’euros le budget de l’emploi, avec une nouvelle réduction drastique des emplois aidés, pour accroître d’un milliard d’euros le budget de la solidarité afin de financer notamment le tant attendu plan de lutte contre la pauvreté.

Outre que le compte n’y est pas dans ce jeu de vases communicants, on peut légitimement redouter que les très nombreux chômeurs de longue durée, désormais privés d’emplois aidés, s’en sortent en réalité plus mal demain qu’hier malgré le coup de pouce donné au plan pauvreté pour les assister davantage…

La justice, la défense ou encore l’aide au développement verront également leur enveloppe s’accroître, mais, malgré tous les beaux discours sur la priorité à l’éducation, celles de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur vont baisser au contraire en termes réels l’an prochain. De même, malgré toutes les belles paroles, le budget de l’écologie continuera de stagner l’an prochain en termes réels… 

 

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26 août 2018 7 26 /08 /août /2018 05:30

 

Son nom figure sur les enseignes de nombreux salons de coiffure en France et à l’étranger, mais ses profits ont été rassemblés bien à l’abri des impôts, sur des comptes en Suisse.

Grand patron de l’empire de la coiffure qui porte son nom, Jacques Dessange fait partie de ceux qui ont régularisé leur situation après que leur évasion fiscale via des sociétés écrans a été avérée, selon le Consortium international des journalistes d’investigation (Icij). En 2015, l’opération SwissLeaks avait révélé que le millionnaire âgé de 92 ans avait un compte dans la filiale suisse de HSBC, sur lequel il avait placé jusqu’à 1,6 million d’euros entre 2006 et 2007. L’homme passe pour être une des incarnations françaises du mythe américain de Rockefeller. Né en pleine Sologne, à Souesmes (Loir-et-Cher), où il a gardé des attaches, notamment parmi les grandes propriétés qui la morcellent, il travaille d’abord dans le salon de coiffure paternel. Une fois le certificat d’études en poche et la Seconde Guerre mondiale terminée, il monte à Paris où il se fait remarquer par la suite chez Dior, Coco Chanel et auprès des vedettes de cinéma avec son fameux « coiffé-décoiffé ». Auréolé d’une telle renommée dans le show-business de l’époque, il ouvre rapidement son premier salon, en 1954, près de l’arc de Triomphe, avenue Franklin-D.-Roosevelt, puis un second à Saint-Tropez.

MEMBRE DE CETTE CLASSE « QUI NE VEUT PLUS CONTRIBUER À UNE QUELCONQUE SOLIDARITÉ AVEC LES PEUPLES »,

C’est durant ces années-là qu’il s’associe avec d’autres coiffeurs pour créer les salons Jacques Dessange. Un développement dont il sera l’un des principaux bénéficiaires et durant lequel il mettra en place des franchises, en 1975, puis une structure de formation pour adapter les salariés à ses besoins spécifiques. Des salariés qui, par leur travail, créent visiblement les richesses attendues, puisque Jacques Dessange lance sa marque de maquillage dès les années 1990, dont une gamme avec L’Oréal, puis rachète les salons de coiffure Fréderic Moreno, en 2002. Quelques années plus tard, Jacques Dessange possède des enseignes dans près de 45 pays et, s’il s’est brouillé avec son fils sur le partage de leur empire au point que ce dernier (qui dirige Dessange international) a engagé des poursuites contre son père, il n’en demeure pas moins que la fortune familiale est loin d’être sur le déclin.

Alors, quoi de plus naturel pour le coiffeur qui a fait fortune, membre de cette classe « qui ne veut plus contribuer à une quelconque solidarité avec les peuples », comme l’affirment les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, que de placer son patrimoine là où il peut croître sans entraves ? C’est ainsi qu’il ouvrira le compte client numéroté « 40779 JD », lui-même relié à dix autres comptes bancaires au sein de la banque d’affaires helvétique HSBC.

C’était compter sans sur la pugnacité du lanceur d’alertes Hervé Falciani. Cet informaticien à la HSBC Private Bank a pris tous les risques pour rompre le secret bancaire et rendre publiques les informations auxquelles il a pu avoir accès. Les noms de ceux qui s’adonnaient à l’évasion fiscale ou au blanchiment d’argent, dont celui de Jacques Dessange, ont alors été dévoilés. Un exploit quand on sait qu’en Suisse, « la tendance est au transfert à l’étranger du plus grand nombre possible de renseignements sur le client » (1), pour mieux les dissimuler. Pour avoir fourni des informations aux autorités fiscales, Hervé Falciani a dû fuir en France et a été condamné à de la prison en Espagne. Quant au magnat de la coiffure, s’il dit avoir régularisé sa situation en 2012, la question demeure de savoir où les profits engrangés depuis ont été placés.

 

(1) Séisme sur la planète finance : au cœur du scandale HSBC, Hervé Falciani, La Découverte, 2015.

Olivier Morin

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25 août 2018 6 25 /08 /août /2018 05:26

Le politologue Robi Morder analyse le renouvellement des pratiques militantes d’une jeunesse dont la politisation ne rime plus forcément avec l’adhésion à un parti.

Les jeunes sont-ils la classe dépolitisée et désengagée qu’on dépeint ?

Robi Morder Quand les gens parlent de « dépolitisation » des jeunes, ils font référence à des critères anciens d’engagement, à des formes de militantisme comme l’adhésion aux partis ou aux syndicats. Il ne s’agit pas d’une dépolitisation en soi, mais de nouvelles formes d’engagement, plus ponctuelles, moins générales. Beaucoup se tournent vers l’action immédiate de solidarité, de soutien aux sans-papiers par exemple. Ce type d’engagement s’est beaucoup développé dans la jeunesse, mais il n’est pas toujours visible, ou du moins pas de manière aussi spectaculaire que les grandes manifestations ou meetings. Les chiffres sont éloquents : près de la moitié des étudiants sont engagés dans des associations et le sont sur des questions extérieures à l’université. Les formes anciennes de militantisme n’ont pas disparu, mais les répertoires d’action ont changé. Face à ces nouvelles pratiques, les organisations traditionnelles doivent apprendre à faire du nouveau avec du vieux : utiliser Internet tout en ayant recours aux traditionnelles grèves et manifestations. Il ne faut pas abandonner l’ancien, mais bien composer entre différents répertoires.

À quoi est due cette recomposition des formes d’engagement ?

Robi Morder Avec la décentralisation, les décisions et les budgets sont votés au niveau local. Il faut des formes d’action adaptées au niveau local. On assiste donc moins à des grands mouvements nationaux qu’à des mouvements locaux, ce qui donne une impression de multiplication des grèves. Dans le syndicalisme salarié, face à la précarité, les licenciements, l’ancienneté moins grande… le grand enjeu est de recréer du collectif. On ne construit pas des organisations pérennes avec des gens qui viennent à la carte. Pour arriver à réfléchir ensemble, les réunions physiques sont essentielles.

Les choses ont-elles changé depuis l’élection de Macron ?

Robi Morder Son élection n’est qu’un révélateur des changements profonds de notre société. Les politiques mises en place par Macron ont suscité des luttes défensives dans lesquelles les jeunes ont été très présents, mais ça ne concerne qu’une minorité. Il n’y a pas d’adhésion aux valeurs libérales, mais les jeunes se sentent impuissants. C’est pourquoi le gouvernement n’a pas été fragilisé par les mouvements étudiants ou lycéens, ni par la SNCF… La ruse de l’histoire, c’est qu’il l’a été par une affaire de garde du corps. C’est quand on ne s’y attend pas que, parfois, le déclic se réalise… un peu comme en Mai 68 : qui aurait parié que ce serait un rassemblement étudiant au Quartier latin qui mettrait le feu à la plaine ?

Entretien réalisé par Laurène Bureau

 

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24 août 2018 5 24 /08 /août /2018 05:48

 

L’onde de choc de l’effondrement meurtrier du viaduc Morandi dépasse les frontières italiennes. En France, un audit (en lien ci-dessous) pointe la vétusté avancée du réseau routier national tandis que l’état des autoroutes privatisées interroge.

Alors que Gênes, groggy, tente de sortir de la torpeur après l’effondrement meurtrier du viaduc Morandi, l’état de vétusté des infrastructures routières et autoroutières italiennes est mis au banc des accusés. La chute des investissements globaux consacrés aux réseaux routiers dans le pays est en cela éclairante : ils sont passés de plus de 13 milliards d’euros en 2007 à un peu plus de 5 milliards en 2015 (selon les chiffres compilés de l’OCDE).

Mais loin de se borner aux frontières italiennes, l’onde de choc de la catastrophe questionne les politiques de maintenance des infrastructures routières de l’ensemble des pays européens. Et si Sofia vient d’annoncer le lancement d’une campagne titanesque de rénovation simultanée de tous les ponts délabrés de Bulgarie, en France, le ministère des Transports planche pour la rentrée sur un projet de loi de programmation des infrastructures.

30 % DES 12 000 PONTS DU RÉSEAU ROUTIER NATIONAL SONT À RÉPARER

À cette occasion, un audit sur l’état du réseau routier non concédé (hors autoroutes privatisées), commandé par l’exécutif et dont les conclusions, rendues fin juillet, sont passées quasi inaperçues, prend aujourd’hui une tout autre envergure. Il révèle, entre autres, que 30 % des 12 000 ponts que compte le réseau routier national sont à réparer et que 7 % d’entre eux – soit 252 ouvrages – présentent même un « risque d’effondrement ». Plus généralement, le rapport, qui juge le réseau routier « vieillissant et dégradé » dans son ensemble, indique que plus de 2 000 kilomètres de routes nationales sont gravement endommagés. En conclusion, les auteurs de l’audit estiment à 1,3 milliard d’euros annuels le montant moyen des dépenses à prévoir pour la régénération du réseau public. Pour 2018, l’État a seulement alloué une enveloppe de 800 millions d’euros à la rénovation de cette partie du réseau.

Mais si ces chiffres sont révélateurs d’une « dégradation importante et inexorable des routes nationales », estime la CGT, ils ne concernent pas les 9 158 kilomètres d’autoroutes privatisées en 2006 gérés en concession par 18 sociétés privées qui cumulent, en 2017, plus de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est d’ailleurs sur une autoroute concédée à la société italienne Autostrade per l’Italia (filiale du groupe Atlantia) que la catastrophe de Gênes s’est produite (voir encadré).

L’ÉTAT GÉNÉRAL DES AUTOROUTES CONCÉDÉES SE DÉTÉRIORE

En France, selon les chiffres de l’Association des sociétés françaises d’autoroutes (Afsa), 1,49 milliard d’euros ont été investis en 2017 sur le réseau privé par l’ensemble des sociétés concessionnaires, dont 143 millions d’euros « consacrés à l’entretien des infrastructures et à la sécurité », précise l’organisme. Des investissements en baisse (près de 2 milliards d’euros en 2011), inversement proportionnels à l’augmentation des bénéfices pour les concessionnaires. Conséquence, l’état général des autoroutes concédées se détériore, à un rythme certes moins rapide que celui du réseau national. Ainsi, un rapport d’information de la commission de l’Aménagement du territoire et du Développement durable du Sénat, reprenant les données sur la période 2001-2015, pointait dès 2017 que « si la proportion des autoroutes en très bon état de surface est restée relativement stable, autour de 65 %, celle des autoroutes en bon état de surface a diminué, passant de 31 % en 2011 à 18 % en 2013. En conséquence, la proportion du réseau autoroutier dont l’état est plus ou moins dégradé a augmenté, de 5 % à 16 % ».

En revanche, poursuit le rapport sénatorial, la proportion des ouvrages d’art – dont les ponts – qui nécessitent des « réparations structurelles » est, elle, passée de 8 % en 2011 à 4 % en 2015. Malgré le mauvais état constaté des infrastructures autoroutières privatisées, l’État a rallongé en 2015 la durée des contrats de concession. À l’époque, la Cour des comptes avait d’ailleurs épinglé l’indulgence de la puissance publique envers des concessionnaires devenus tout-puissants. Et les sages de relever que « l’État n’a pas jugé utile de subordonner l’ouverture des négociations relatives aux contrats de plan au respect par les concessionnaires de leurs obligations de base en matière d’entretien du réseau ».

En lien

 l'audit remis au ministère des transport qui dénonce l'état accablant des routes 

 

 

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