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22 décembre 2016 4 22 /12 /décembre /2016 21:03

Né le 8 décembre 1912 à Guisseny (Finistère), fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier à l’Arsenal de Brest ; militant communiste ; résistant au sein des FTPF.

Marié, sans enfant, Joseph Ropars entra aux pupilles de la Marine à l’âge de quatorze ans, puis poursuivit dans la Marine nationale avant d’intégrer l’Arsenal de Brest (Finistère). Il était membre du Parti communiste français (PCF) clandestin.
Au mois de mai 1942, il rejoignit les groupes de combattants d’Yves Giloux et participa au sabotage de la station électrique de l’Arsenal de Brest le 26 mars 1942, puis à la destruction du central téléphonique allemand de Brest.
Arrêté le 1er octobre 1942 avec Charles Cadiou à son domicile de Saint-Marc (Finistère) par la police française et le Service de police anticommuniste (SPAC) pour « activité de franc-tireur », il fut incarcéré à la citadelle de Brest puis à la prison Jacques-Cartier à Rennes (Ille-et-Vilaine), enfin remis aux autorités allemandes et transféré le 28 juillet à Fresnes (Seine, Val-de-Marne). Il fut condamné à mort par le tribunal militaire du Gross Paris le 28 août 1943 et fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien.
http://maitron-fusilles-40-44.univ-paris1.fr/
Fonds ANACR 29 - Lettre de Joseph Ropars à sa mère et à sa soeur (le 17 septembre 1943)

Fonds ANACR 29 - Lettre de Joseph Ropars à sa mère et à sa soeur (le 17 septembre 1943)

Fonds ANACR 29 - Lettre de Joseph Ropars à sa mère et à sa soeur (le 17 septembre 1943)

Fonds ANACR 29 - Lettre de Joseph Ropars à sa mère et à sa soeur (le 17 septembre 1943)

Joseph Ropars, au centre en haut, était le bon compagnon de détention d'Albert Rannou, en bas à gauche

Joseph Ropars, au centre en haut, était le bon compagnon de détention d'Albert Rannou, en bas à gauche

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22 décembre 2016 4 22 /12 /décembre /2016 20:29
Albert Abalain

Albert Abalain

Entre le 23 mars 1941 et le 12 août 1944, 1014 résistants et otages ont été fusillés dans la clairière du Mont-Valérien. 125 venaient de l'Ouest, dont Albert Abalain fusillé le 17 septembre 1943.

 

Un enfant du pays, résistant, qui a donné sa vie à son idéal communiste et à son pays.

 

Albert Abalain (notice rédigée par Jean-Pierre Besse et Delphine Le Neveu dans le cadre d'un travail collectif de recherche)

Né le 13 janvier 1915 à Quimerch (Finistère), fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; pensionné, réformé de la marine ; communiste ; résistant FTPF dans le Finistère.

Fils d’un poudrier et d’une ménagère, Albert Abalain était pensionné à 100 % de la Marine et domicilié à Pont-de-Buis-lès-Quimerch (Finistère). Il adhéra au Parti communiste français (PCF) en 1936, milita à la Confédération générale des travailleurs (CGT) et participa à la reconstruction du PCF clandestin ainsi qu’à des actions menées à l’Arsenal de Brest (Finistère). Il entra très tôt dans la résistance armée communiste et selon certaines attestations contenues dans son dossier à Caen, il aurait été chef départemental des FTP du Finistère et membre de l’état-major FTP. Il fut arrêté le 1er octobre 1942 en gare de Châteaulin (Finistère) par la police française après le démantèlement du groupe FTP de Lorient (Morbihan). Le rapport de la gendarmerie de Châteaulin, en date du 1er octobre, signalait : « Suite à l’attentat dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1942 contre la caserne Frébaud à Lorient [...] des renseignements reçus du commandant de section de Lorient, Abalain réformé 100 % de la marine et domicilié chez ses parents ne serait pas étranger à cette affaire. Sur le quai nous remarquons un individu correspondant au signalement. » Il fut arrêté en possession de papiers qui le domiciliaient à Hauteville (Ain), d’une somme d’argent et de faux-papiers. Il réussit à s’évader mais fut repris au petit matin du 2 octobre près du pont SNCF à Pont-de-Buis. Incarcéré au château de Brest puis détenu par le Service de police anticommuniste (SPAC) à Lorient du 8 au 12 octobre 1942, il fut à nouveau enfermé au château de Brest puis à la prison Jacques-Cartier de Rennes (Ille-et-Vilaine) à partir de janvier 1943 avant d’être transféré à Fresnes (Seine, Val-de-Marne) le 28 juillet 1943. Il fut condamné à mort par le tribunal militaire allemand Gross Paris (Abt B) le 28 août 1943 pour « sabotages par explosifs et attaques à [sic] l’armée allemande ». Le rapport de gendarmerie déjà cité nous donne le signalement suivant : « 1 m 70, cheveux blonds, yeux bleus, nez rectiligne, visage ovale. » Il a été fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien.
Abalain figure sur le monument aux morts de Pont-de-Buis-lès-Quimerch, ville où vivaient, après la guerre, sa mère, Jeanne née Veignant (veuve), et ses frères. Le site des plaques commémoratives le dit « fusillé au Mont-Valérien avec dix-huit autres militants communistes de Brest ».
(http://maitron-fusilles-40-44.univ-paris1.fr/)

Extraits de missive de juillet 1943, quelques jours avant son exécution. « Je n'ai aucun espoir de sauver ma vie, l'officier instructeur m'a déclaré que je serais fusillé. Cela ne m'effraie pas, je mourrai brave en communiste, je suis fier d'avoir lutté pour l'indépendance de mon pays et de sauver de l'esclavage le peuple de France. Ceux qui m'ont livré aux Allemands, des policiers français ou soi-disant tels, ceux qui se sont fait les pourvoyeurs de cours martiales, auront à rendre des comptes, un jour, de leur conduite répugnante. Ce que j'ai pu souffrir par eux, vous ne le saurez jamais. Impossible d'imaginer le sadisme de ces chiens de garde du capitalisme. Privés de soins, de nourriture, cravaché jour et nuit, exposé durant des nuits durant aux courants d'air du mois de novembre, sans paillasse et sans couverture, dans une cellule si petite qu'il n'est pas possible de remuer pour tenter de se réchauffer. J'imaginais mal, avant mon arrestation, que les Français puissent se conduire ainsi avec les bons patriotes. La justice est en marche, là-bas du côté de l'Est de l'Europe où les héros de l'Armée Rouge infligent aux fauteurs de guerres capitalistes de sévères pertes. »
 

Lettre recopiée par les soins de l'ANACR 29

Lettre recopiée par les soins de l'ANACR 29

suite de la lettre (fonds ANACR 29)

suite de la lettre (fonds ANACR 29)

fonds ANACR 29

fonds ANACR 29

Cérémonie d'hommage à Albert Abalain (Ouest-France, 2011)

Cérémonie d'hommage à Albert Abalain (Ouest-France, 2011)

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10 décembre 2016 6 10 /12 /décembre /2016 19:32
Albert Rannou, résistant communiste, originaire de Guimiliau, fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943

Albert Rannou, résistant communiste, originaire de Guimiliau, fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943

Albert Rannou ancien lieutenant des brigades internationales en Espagne, a été fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 en même temps que 18 autres communistes brestois ou résidant à Brest: Lucien Argouach, Albert Abalain, André Berger, Louis Departout, Yves Guilloux, originaire des Côtes-du-Nord, Eugène Lafleur, venu de Paris, Louis Le Bail, Paul Le Gent, Paul Monot, Henri Moreau, Jean-Louis Primas, un ancien des Brigades Internationales en Espagne, Jean Quintric, Albert Rolland, Etienne Rolland, Joseph Ropars, Jean Teuroc, Charles Vuillemin, et Louis Leguen

(Georges-Michel Thomas et Alain Le Grand, Le Finistère dans la guerre 1939-1945, éditions de la Cité, 1979)  

***

Autre source d'information:

Albert Rannou. Né le 5 mars 1914 à Guimiliau (Finistère), fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ouvrier maçon ; volontaire en Espagne républicaine ; résistant au sein des FTPF.

Fils de Jean Rannou, maçon, et de Marie-Anne Coat, couturière, Albert Rannou, ouvrier maçon, adhéra au Parti communiste en 1935. L’année suivante, il devint membre du comité de section à Brest (Finistère). Volontaire dans les Brigades internationales en Espagne, il y devint lieutenant du génie et fut grièvement blessé.
Dans la Résistance, il fut chef de groupe communiste, puis de l’Organisation spéciale (OS) et enfin d’un groupe de Francs-tireurs et partisans (FTP). Il se chargea de transports d’armes et participa à certaines actions, comme l’attentat contre la Kommandantur de Brest et celui contre la station électrique de l’Arsenal de Brest*.
Il fut arrêté le 2 octobre 1942, interné à la prison Jacques-Cartier de Rennes (Ille-et-Vilaine), transféré à la prison de Fresnes (Seine, Val-de-Marne) et condamné à mort par le tribunal allemand du Gross Paris, qui siégeait rue Boissy-d’Anglas (VIIIe arr.), le 28 août 1943.
Les Allemands le fusillèrent le 17 septembre 1943, au Mont-Valérien.

Source : notes d'Eugène Kerbaul (le Maitron Dictionnaire biographique Fusillés, Guillotinés, Exécutés, Massacrés 1940-1944)

 

Une des correspondantes du "Chiffon Rouge", Anne Friant, présidente de l'ANACR 29, nous prévient que son père, Jacob Mendrès, a aussi participé à un sabotage sur la base sous-marine de Brest, probablement le 8 mai 1942.

 

***

Avertissement

C'est Jacques Guivarch, ancien adhérent du PCF comme son père Jean, tous les deux tour à tour anciens commerçants à Saint-Martin des Champs à la marbrerie Guivarch de la barrière de Brest, qui a fait lire et confié à Alain David et à Ismaël Dupont, ces doubles de lettres de résistants condamnés à mort qui se trouvaient dans une commode de son père, ancien résistant du maquis de Morlaix, militant communiste, raflé dans un premier temps le 26 décembre 1943 à Morlaix avant d'être relâché (il cachait des tracts de la résistance sous le landau de Jacques Guivarch, qui avait quelques semaines à l'époque), ce dernier les ayant peut-être reçu de la famille de ces résistants condamnés à mort ou par un autre canal. Etaient-ils des connaissances? Des amis? Ou étaient-ce les parents de Jacques Rannou qui ont voulu confier ces lettres à un militant communiste et un ancien résistant?

Il y a dans le lot de 30 pages photocopiées les copies des dernières lettres de deux autres résistants condamnés à mort dont l'exécution a eu lieu en même temps que celle d'Albert Rannou, le 17 septembre 1943.

Les lettres originales d'Albert Rannou, s'étalant sur 6 mois du 20 mars 1943 au 17 septembre 1943, ont été remises il y a sept ans au frère d'Albert Rannou. 

Il faut les lire dans leur intégralité, car au delà de l'apparente trivialité de certaines lettres et du caractère bouleversant et pleins de hauteur tragique de plusieurs autres, et notamment de la lettre écrite le jour de l'exécution, elles livrent beaucoup du quotidien des résistants prisonniers et de leurs préoccupations, ainsi que de l'état d'esprit, des informations et des espoirs d'un résistant arrêté en 1943.

Elles témoignent aussi d'une foi inébranlable dans les idéaux communistes et en la victoire prochaine.  

Ces lettres sont présentées dans l'ordre chronologique. Les fautes d'orthographe les plus évidentes ont été corrigées par souci de compréhension. Certains passages sont peu lisibles et dans ce cas indiqués comme tels.

 

 

   

Georges-Michel Thomas et Alain Le Grand, Le Finistère dans la guerre 1939-1945, éditions de la Cité, 1979 - p.309. Commentaires de Jean-Claude Cariou sur Charles de Bortoli, photo en haut à gauche: Charles (Carlo) de Bortoli était un communiste italien venu se réfugier à Brest pour fuir le fascisme de Mussolini:  le lieu de son exécution en Août 1943, qui n'est pas indiqué sous la photo, contrairement aux autres. C'est à Paris, mais pas au mont Valérien (en fait à Montrouge) comme la plupart des Résistants fusillés dans la capitale. Charles de Bortoli a été fusillé au stand de tir de l'armée de l'air (de l'époque) à Baltard , dans le XV ème arrondissement, à la limite de la ville d'Issy- les- Moulineaux, au sud de Paris. Le site a été détruit au moment de la construction du périph- 'dans les années 60 ' - mais il existe toujours un bâtiment militaire, avec une plaque indiquant les noms des 143 Résistants fusillés là. La caserne de Baltard était un repaire de la Gestapo, avec un centre de tortures, en plus du lieu d'exécutions.

Georges-Michel Thomas et Alain Le Grand, Le Finistère dans la guerre 1939-1945, éditions de la Cité, 1979 - p.309. Commentaires de Jean-Claude Cariou sur Charles de Bortoli, photo en haut à gauche: Charles (Carlo) de Bortoli était un communiste italien venu se réfugier à Brest pour fuir le fascisme de Mussolini: le lieu de son exécution en Août 1943, qui n'est pas indiqué sous la photo, contrairement aux autres. C'est à Paris, mais pas au mont Valérien (en fait à Montrouge) comme la plupart des Résistants fusillés dans la capitale. Charles de Bortoli a été fusillé au stand de tir de l'armée de l'air (de l'époque) à Baltard , dans le XV ème arrondissement, à la limite de la ville d'Issy- les- Moulineaux, au sud de Paris. Le site a été détruit au moment de la construction du périph- 'dans les années 60 ' - mais il existe toujours un bâtiment militaire, avec une plaque indiquant les noms des 143 Résistants fusillés là. La caserne de Baltard était un repaire de la Gestapo, avec un centre de tortures, en plus du lieu d'exécutions.

Fais en Prison de Rennes le 20 mars 1943

Bien chers Parents, 

Je suis bien content d'avoir eu du papier à lettres ce matin pour pouvoir vous donner de mes nouvelles qui sont toujours pour le mieux. Je m'habitue peu à peu à une vie de prisonnier. Si ce n'était l'insuffisance de nourriture et le manque de tabac, on arriverait peut-être à s'y faire à la longue.  J'ai reçu une lettre du 3 Février de Papa et 2 de maman du 15 Février et du 15 Mars, avec plaisir de vous savoir toujours en bonne santé. Mais je suis peiné de voir que vous vous faites du mauvais sang à mon égard. Il n'est point besoin de vous en faire pour moi, on n'est pas si malheureux que vous le supposez ici, on est bien couché. C'est déjà une bonne chose. Là il aurait fait froid autrement et je n'ai pas à me plaindre des gardiens, qui sont corrects envers nous. Ce matin, je suis bien heureux, car à partir d'aujourd'hui on peut m'envoyer des colis. Je ne sais toujours pas jusqu'à quel poids ni rien, mais la Croix Rouge vous l'a peut-être expliqué. Envoyez moi un peu de savon ainsi qu'un peigne et surtout à manger si vous trouvez quelque chose de nourrissant avec, tel que beurre ou fromage car on manque surtout de matière grasse. Crêpes, biscuit ou même du pain. Je ne crois pas avoir le droit à mon tabac. Mettez-moi un peu quand même, on verra bien. Je vous le dirai car j'aurai sans doute le droit de vous écrire toutes les semaines maintenant. Maman pourrait peut-être me faire une autre paire de chaussons car ceux-ci commencent à s'user. C'est embêtant de ne pas avoir de nouvelles de Yfic non plus ni de sa femme. Quand vous en aurez, ça sera peut-être pour vous annoncer que vous êtres grand-père et grande mère. Moi ça ne me déplairait pas que l'on m'appelle "tonton" un jour aussi, vous ne pouvez pas vous imaginer combien j'ai le loisir de penser à vous tous ici. J'ignorais l'affectueux sentiment dont était doué le coeur d'un homme vis-à-vis de ses proches mais seul tout le temps, on a que ça à faire du matin au soir. Revoir en pensée les êtres qui nous sont chers en attendant d'être parmi eux un jour. Je termine en vous embrassant de loin. 

Votre fils Albert. 

***

Fais à la Prison de Rennes le 27 Mars 1943

Chers Parents, 

Depuis bientôt trois semaines, je n'ai pas eu de vos nouvelles, mais je pense que la santé est bonne. Quand à moi, ça va aussi, surtout maintenant que je puis vous écrire. Je vous sais plus heureux. J'espère au moins que vous avez reçu ma lettre de samedi dernier vous annonçant que j'ai le droit de recevoir des colis. Avec quelle joie il sera reçu ce premier paquet. Double joie, d'abord la joie d'avoir quelque chose de vous, et ensuite, de pouvoir se mettre un peu plus sous la dent (illisible)... Si malgré ces temps de restriction, vous pouvez trouver encore de quoi m'envoyer tant soit peu, toutefois sans vous priver, je crois que de votre vie, il y a le temps pour m'écrire, ce n'est pas un reproche que je vous fais, loin de moi, parce que je sais ce que c'est, loin de moi, (illisible) mais seul, ici on s'ennuie, à défaut de nouveau, c'est qu'il ne doit rien avoir de sensationnel à raconter de Guimiliau... (illisible). J'ajoute que vous m'envoyez un peigne et du savon, et à maman de bien vouloir me préparer une paire de chausson. Car dans la cellule ici, je les use beaucoup ne mettant mes sabots que pour le quart d'heure de promenade dans la cour. En attendant de vous lire je finis cette missive en vous embrassant bien affectueusement tous les deux et en pensant à mon frère Yves et à Marie-Louise (je crois que c'est ça le prénom de sa femme). Bien le bonjour à toute la famille par ailleurs, et dites leurs que je ne les oublie pas. 

Donc sur ceux je vous quitte. Votre fils Albert.

***

Fais à la Prison de Rennes, le 3 Avril 1943 

Mes Chers Parents

Aujourd'hui je suis transporté d'allégresse, tous les bonheurs m'arrivent à la fois. Je viens de recevoir la lettre de Papa avec le message de mon frère et de ma belle-soeur. Jugez comme je suis heureux à présent de vous savoir tranquillisé sur leur sort. J'ai reçu la lettre de Maman aussi mardi datée du 18 mars (j'espère que vous recevrez la mienne toutes les semaines également) avec ça jeudi matin j'ai eu le plaisir de recevoir votre premier colis; comment (illisible) et le lard qu'est-ce qu'il est bon (illisible) poisson d'avril, c'était bien réussi. Et hier au soir, quand j'ai vu le gardien rentrer dans ma cellule avec un paquet, je n'en croyais pas mes yeux, quand je l'ai vu déballonner tout ça devant moi je me demandais si je ne rêvais pas. Aussi quand le soldat fut sorti, j'en pleurai de joie. Je me demandais par quoi commencer. Enfin j'ai mangé le pain avec du lard et des oeufs et bien entamé la crêpe avec le beurre (illisible) qui est toujours délicieux. Pour finir, une bonne pipe de tabac frais la dessus, rien de tel pour vous remonter un bonhomme. Aussi je vois qu'il est possible d'être heureux même en prison; quand on est choyé par les siens, comme je suis, et surtout d'avoir reçu des nouvelles d'Yfic; je n'ai plus d'inquiétude de ce côté là. J'ai assez de savon et de mouchoir comme ça, merci pour les chaussons et le peigne aussi car l'autre n'a plus que 3 dents. J'ai le droit de recevoir tout ce que je veux ici donc s'il est possible, et sans vous priver, profitez-en de m'envoyer car après on ne sait jamais si on pourra recevoir quelque chose, au premier mettez-moi une boîte d'allumette et un carnet de feuille et à chaque fois des journaux récents, car je ne sais absolument rien du dehors ici. J'ai droit au pinard aussi, mais ça je n'ai pas besoin, d'ailleurs j'ai une chopine le jeudi et le dimanche de la cantine en payant. J'ai même un quart de café tous les matins et une tranche de pâté et de la confiture le dimanche avec l'argent que j'ai en dépôt ici, la prochaine fois je vous retracerai mon emploi du temps quotidien en prison. Je comprends combien vous avez dû être malheureux avec tout ça depuis six mois, mais j'espère que le plus dur soit passé pour moi. J'ai le bon moral et je pense qu'il en est de même avec vous. Je termine ma lettre en vous embrassant de tout coeur. Votre fils Albert (dites-moi si vous recevez mes lettres). 

***     

Fais à la Prison de Rennes, le 10 Avril 1943

Bien chers Parents

Encore huit jours de passés depuis que je vous ai écrit. La santé est toujours bonne, et j'espère qu'il en est de même avec vous, depuis lundi on m'a mis avec d'autres camarades, dans une plus grande cellule. Je m'ennuie moins à présent après avoir passé 65 jours tout seul, c'est drôle de pouvoir causer avec quelqu'un, avec ça j'avais juste fini mes colis, mais mes copains venaient d'en recevoir et en ont eu encore depuis, donc j'ai pu manger à ma faim à peu près depuis le (illisible) de ce mois, je regrette de ne pas vous avoir dit plus tôt de m'envoyer des pommes de terre cuites dans les colis, comme ça vous auriez pu m'envoyer davantage, il est vrai que le transport aussi doit être assez cher, mais quelques livres de patates en plus par semaine feraient du bien. J'espère recevoir quelque chose de vous sous peu. J'aurai le plaisir de pouvoir partager avec mes collègues de cellule à mon tour. Autrement, voici ce qu'on a ici: à peine un quart de jus avec la cantine et la ration de pain de la journée (350 grammes environ) qui est avalée tout de suite naturellement, après on a 1/4 d'heure de promenade dans une petite cour. Entre 9 heure et 10 heure la soupe, deux louches (d'un quart environ) de bouillon et de légumes. Carottes (illisible) avec des rutas et des navets. Après ça (illisible)... en supplément le soir, à 4 heures repas du soir, une louchée de bouillon ainsi qu'une louchée de patates, haricots ou pois cassés, sauf le dimanche où c'est nouille et un morceau de viande, donc vous voyez que quand il n'y avait rien à ajouter à ces plats cétait maigre. Heureusement qu'on peut recevoir des colis maintenant,  ça relève drôlement. En attendant de vous lire et de recevoir quelque chose de votre part, je finis ma lettre en vous embrassant de loin. Votre fils qui ne cesse de penser à vous ainsi qu'à mon frère et belle-soeur. Albert. 

***

Fais à la prison de Rennes, le 24 avril 1943

Mes Chers Parents

Je n'ai plus le droit de vous écrire que tous second samedi, donc vous devez sans doute attendre cette lettre depuis un moment. La santé est toujours bonne. J'ai eu un abcès à une dent au début de la semaine mais c'est guéri à présent. J'ai eu deux lettres de maman du 5 et du 12 avril, heureux de savoir que vous allez bien. J'ai également reçu un colis il y a 15 jours et un autre dimanche matin. Je devais écrire avec Jo Ropars mais depuis une huitaine on ne peut plus se voir, ils ne nous envoient plus ensemble à la promenade. J'espère que vous êtes en bonne santé mais que vous devez attendre impatiemment la fin de la guerre. Yfic et Marie-Louise doivent aussi avoir hâte à la victoire. Tout va bien pour le moment nous avions appris hier que Orel est pris par les Russes et que Palerme en Sicile par les Alliés (nouvelle de la radio). Si les anglo-saxons mettent un peu du leur les Allemands auront chaud cette année, n'importe comment. Je ne crois pas qu'ils passeront un autre hiver en Russie. Nous avons l'espoir d'être bientôt délivrés, à côté de nous il y a un gars de St Eutrope qui est condamné à mort depuis le mois d'avril. Mais il paraît qu'ils ne fusillent plus. Pourvu que ça soit vrai car autrement, si on est jugé, je ne me fais pas d'illusions. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mes 2 blessures où j'ai échappé à la mort. J'ai confiance d'échapper encore cette fois-ci. Sur une autre lettre, je vous ai demandé de m'expédier mes souliers bas et 100 ou 200 F car on dépense une moyenne de 100 F par mois pour la cantine. On a du café, du vin et de la charcuterie le dimanche. Comment que les crêpes sont appréciées par les copains et par moi-même. C'est à savoir lequel qui reçoit les meilleures choses, sitôt qu'un paquet nous arrive on le met sur la table et c'est moi qui est désigné pour faire les distributions entre nous six à mesure de nos besoins. Depuis le 1er avril, je peu dire que j'ai mangé à ma faim, on a tous repris un peu de graisses. J'aurais bien voulu pouvoir écrire à ses beaux parents à Yfic, vous n'avez qu'à leur souhaiter le bonjour de ma part, ainsi qu'à toute la famille et surtout aux cousins André, Henri, Thérèse et Célestin. Je finis ma lettre en vous embrassant de loin. Votre fils qui ne cesse de penser à vous ainsi qu'à mon frère et belle-sœur.

Albert.

***

Fais à la prison de Rennes le 6 juin 1943,

Chers Papa et Maman

J'espère que cette lettre vous parviendra sans tarder. J'ai eu une occasion pour vous écrire sans passer par la censure. Je ne sais pas si vous avez reçu mes lettres (bi mensuelles). Car depuis le 5 mai je n'ai pas eu de vos nouvelles. Les copains n'en reçoivent pas non plus. Je pense qu'elles doivent être jetées au panier. Ma santé est toujours excellente. Je souhaite qu'il en est de même avec vous. Nous attendons toujours le jugement. Certains disent qu'il aura lieu à Paris et d'autres parlent qu'il aura lieu dans peu de temps à Rennes. Enfin, rien ne presse pour ce qu'on a à en tirer, de l'instruction. J'ai demandé à l'inspecteur allemand quelle serait ma peine. Il m'a dit que je pouvais espérer mais que la loi est dure. On cause aussi de nous envoyer dans un camp de travaux en Allemagne. Mais je prends ça pour un calmant qu'on donne à un malade sur le point de calancher. Quand j'ai fait mon boulot, je savais à chaque fois à quoi je m'exposais, et maintenant j'attends stoïque qu'on décide de mon sort. Les premiers camarades arrêtés ont été cravaché sur tout le corps, leurs fesses étaient rendu comme du pâté de foie par la police française au service de l'ennemi (c'est joli ça). Par ça ils ont dû avouer. Ce qui m'a fait arrêter, ainsi que beaucoup d'autres. Mais il y a des mouchards aussi dans la bande. Raoul D. de Landerneau qui doit être en liberté maintenant et René R.* de St Marc le frère à Gabi. De mauvais communistes quoi mais ils payeront tôt ou tard, ainsi que les policiers collaborateurs et vichyssois. Nous sommes ici 45 de Brest avec les 5 femmes, donc certains ont déjà été jugés par les Français, mais qui doivent encore l'être par un tribunal Allemand. La moitié d'entre nous risquons le grand paquet. Le pire, c'est qu'il y a beaucoup de mariés et de pères de famille. Pour moi, si ça m'arrive j'aurai seulement le grand désespoir de vous quitter ainsi que mon frère et sa femme. Mais rien ne m'inquiète à votre sujet, votre santé est bonne et rien ne vous manque par ailleurs. Donc s'il faut se résigner un jour ça sera avec calme et fierté que je marcherai. J'ai fait mon devoir de Français et de communiste. Je suis allé en Espagne parce que là-bas se jouait le sort de la France et que l'Espagne Républicaine vaincue, c'était la guerre pour notre Pays. A présent le capitalisme est en train de creuser sa propre tombe, malheureusement qu'avant de disparaître il peut encore faire beaucoup de mal. Je viens d'apprendre que 3 jeunes classes vont partir pour l'Allemagne sur ordre de Pétain-Laval. Une fois là-bas, ils seront déguisés en mannequins du 3ème Reich et envoyez sur le Front pour combattre leurs camarades Russes contre leur propre liberté. La bête agonise mais elle a du mal à crever. J'aurais bien voulu pouvoir assister à sa fin. Si je n'y suis pas, vous pourrez dire que votre fils a maintes fois risqué sa vie pour le triomphe de son idéal et pour la victoire de notre juste cause. La défense de la République française que nous voulons voir prospérer dans une union des Républiques mondiale. Peut-être que les Alliés arriveront à temps mais ils n'ont pas l'air de se presser, quoi qu'il advienne ils ne perdent pas pour attendre, car les peuples anglo-américains ont aussi compris que leur salut est aux côtés de leurs camarades bocheviques, qu'il faut qu'ils luttent, pour écraser à jamais le fascisme fauteur de guerre et de misère.

« Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage » (Karl Marx*)

Si Henri ou André plus tard ont l'intention d'apprendre le métier de maçon, Papa peut leur donner quelques-uns de nos outils pour commencer. Le bonjour à Thérèse aussi. J'espère que Baptiste va mieux à présent. S'il venait à manquer, ce serait triste pour mon filleul et sa petite sœur. Je me demande aussi ce qu'a pu devenir (illisible), sa femme et Riri là-bas en Tunisie pendant l'occupation, Célestin va probablement partir pour l'Allemagne. Dites lui de ma part qu'il fasse le mieux possible, car tout ce qu'il fera, c'est (illisible : contre lui?). Dites à Grand-mère et à toute la famille que j'ai bien pensé à eux pendant ma détention.

On a tous un moral extraordinaire ici. Je pense que de votre côté vous êtes bien courageux et le (prouverez?) bientôt car les temps sont durs mais il y aura des jours meilleurs bientôt. Si j'arrive à vous manquer, pas de prières ni surtout de service religieux, cette race là a déjà fait assez de mal à l'humanité. Lui donner un jour de plus, c'est un crime. Dans votre prochain colis, mettez des feuilles et des allumettes. J'aurais bien voulu goûter encore du (Churchill ?). Si vous voulez bien m'envoyer un peu dans un bock marqué (vinaigre) dessus. Sitôt reçu écrivez-moi en mettant (?). Reçu nouvelle du cousin René. Je vous embrasse.

Votre fils Albert Merci bien à vous

* Les noms figuraient dans la lettre mais nous ne voulions pas les reproduire.

** En réalité Jaurès.

 

***

Fais à la Prison de Rennes le 12 juillet 1943

Bien chers Parents

Il m'arrive d'avoir une occasion de vous écrire clandestinement donc je profite pour vous dire que je suis en bonne santé avec un moral épatant (suite illisible). J'ai reçu votre colis avec grand plaisir. Ne mettez pas de pain dedans car nous en avons largement, on en refuse même souvent. On est à 11 ensemble dans la même cellule et nous recevons une douzaine de colis par semaine. Hier matin j'ai reçu mon complet avec des chaussons et du beurre, et je vous ai retourné mon autre paletot et pantalon. Vous voudriez bien m'envoyer mes paires de souliers bas et une paire de chaussettes dans votre prochain paquet. Je n'ai pas eu le temps de réaliser hier matin. Sans ça je me serais dessaisi d'autres choses encore. Je continue à recevoir du tabac par la Croix-Rouge mais je ne sais pas d'où il vient. Je vois Jo Ropars tous les jours. Il est gros et gras signe qu'il se porte bien et que comme moi il ne s'en fait pas. Moi je n'ai jamais été aussi gros (illisible) J'ai presque un double menton comme un curé de campagne. Enfin les Alliés ont débarqué en Sicile. J'espère qu'ils arriveront bientôt à bout des (macaronis) et qu'ils débarqueront sans tarder ailleurs pour nous délivrer. Ma confiance augmente de jour en jour, car on n'est pas encore jugé et je commence à croire qu'on ne le sera jamais. Donc je crois que j'aurai bientôt le bonheur de vous voir, malgré que je ne suis pas trop sûr de moi tant que je serai entre leurs mains. La prison est archi-pleine, il y a des généraux, un (colonel?), un commissaire de police, un comte, un baron. Et aussi 3 ou 4 curés, il y a 8 Morlaisiens à côté pour vol d'huile d'aviation. On a appris aussi qu'il y a 2 trains de permissionnaires qui sont rentrés en collision près de Rennes. Il y aurait un millier de victimes. Je finis ma lettre en vous embrassant de loin, en espérant le faire bientôt de près si la chance me sourit, car la fin de la guerre est proche. Le bonjour à tous.

Votre fils Albert.

 

***

Fais à la Prison de Rennes le 25 juillet 1943

Bien chers Parents

J'espère que vous recevez ces quelques mots que je vous envoie par des voies détournées. J'ai reçu votre colis hier encore, mais des lettres, je n'en ai pas eu depuis longtemps, les copains non plus d'ailleurs. Nous sommes à 11 ensemble et on ne s'ennuie pas, on a également assez à manger grâce aux colis que nous recevons. Inutile de nous envoyer du pain. La semaine dernière, on a eu 2 kilos de pêche. Je suis avec Ernest Mazé et son fils du Forestou en St Marc. Le Roux dont la femme est institutrice à Bolazec. Jean Nedellec. Charles Cadiou et Théo Drogou, ouvriers de l'arsenal. Charles Bénard de la rue Louis Pasteur qui nous amuse avec ses équilibres, des fois on s'instruit avec Albert Abalain du Pont-de-Buis qui a son Bac et René Claireaux de Brest qui n'est pas trop seul, malgré qu'il a raté trois fois son bachot. Avec toute cette équipe, on ne sent pas le temps passer car on a aussi des journaux et des revues, on a fait des jeux de cartes et de dominos. André et Henri seraient jaloux de nous. S'ils nous voyaient avec nos jeux de gosse, je pense que Thérèse et Célestin doivent s'amuser quand même aux pardons. Dimanche, j'ai pensé à celui de Guimiliau. Je pense bien le voir l'année prochaine. Je termine en vous embrassant bien fort avec l'espoir de vous voir un jour prochain.

Albert qui pense à vous.

 

***

Fais à la Prison de Rennes le 28 juillet 1943

Chers Parents,

Je pars avec les copains pour une destination inconnue. Je vous embrasse bien fort.

 

***

Fais à la Prison de Fresnes le 17 Août 1943

Bien chers Parents

Quelques mots pour vous dire que je suis en bonne santé et je pense que vous soyez de même ainsi que Yfic et ma belle-sœur et les parents. Vous pouvez m'envoyer un colis de 5 kilos toutes les quinzaines avec du tabac et un peu de savon. L'adresser à la Croix-Rouge Française – 16 boulevard Raspail pour Albert Rannou 3ème division prison de Fresnes, Seine-et-Oise. Le jugement est commencé depuis ce matin. Il y en a pour un moment. Je finis ma lettre en vous embrassant bien fort. Votre fils Albert qui pense à vous.

P.S. Vous pouvez m'envoyer des journaux aussi. Ecrivez-moi à la prison de Fresnes, section allemande. Seine-et-Oise.

 

***

Fais à la Prison de Fresnes le 23 Août 1943

Bien Chers Parents

Je crois pouvoir vous écrire tous les mois ici. Pour le moment tout va bien et j'espère qu'il en est de même avec vous. Ne vous inquiétez pas pour ma santé car sur quatre que nous sommes dans la cellule il y a un docteur. J'ai eu la visite de tante Célestine jeudi qui m'a causé une grande joie. Elle m'a donné un paquet de tabac, des gâteaux et du raisin. J'ai reçu votre colis le lendemain, on peut en recevoir un par quinzaine. Tachez de m'avoir du tabac si cela est toujours possible. On est pas trop mal nourri donc ne vous privez pas de trop pour moi. J'aurai besoin d'une chemise, une serviette et quelques mouchoirs. Je termine en vous embrassant. Le bonjour à tous.

Votre fils Albert qui ne vous oublie pas.

 

 

 

Albert Rannou: Lettres de prison d'un résistant communiste brestois né à Guimiliau fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien

Fais à la Prison de Fresnes le Mardi 31 août 1943

Biens chers Oncle et tante

Je suis en bonne santé et j'espère que ma lettre vous trouvera de même. J'ai été condamné à mort samedi matin et j'attends le dénouement de l'affaire avec calme. Mon avocat espère que je serai gracié, ce que je crois aussi tout en restant dans le doute. Je saurai le résultat définitif dans une quinzaine. Je pense avoir la visite de Maman cette semaine si au moins elle veut venir à Paris. Je suis dans la même cellule que Jo Ropars à présent ainsi que d'autres Brestois. Donc Tante Célestine , tu voudras bien mettre Papa et Maman au courant de ce qui est et que dans ce moment pénible je pense beaucoup à eux ainsi qu'à mon cher frère et belle-sœur et aussi à grand-mère et toute la famille. En attendant de te revoir je t'embrasse ainsi que tonton Henri et mon jeune cousin espérant que vous aurez bientôt de ses nouvelles.

Votre neveu.

Albert Rannou

 

***

Fais à la Prison de Fresnes le 17 septembre 1943

Cher Papa et chère Maman

Il est 11 heures moins le quart, on vient de nous prévenir qu'on va être fusillés à 16 heures. Je vais donc donner ma vie à la France, pour ma patrie que j'ai toujours aimée et pour laquelle j'ai combattu. Je meurs content car mon sacrifice (j'en ai la certitude) n'aura pas été vain. J'ai lutté durant ma courte existence pour le bonheur des travailleurs et pour que la paix règne en ce monde.

(censuré)

Mes chers parents, vous savez que je vous ai toujours aimés et que vous me le rendez bien ainsi qu'Yfic. Ça me fait une peine immense de vous quitter à jamais. Je ne sais comment vous exprimer toute ma gratitude pour ce que vous avez fait pour moi. Vous m'avez choyé depuis mon enfance jusqu'à ma dernière heure. Si quelquefois je vous ai fait de la peine, vous m'avez pardonné. Je n'oublie pas non plus ma belle-sœur. Grand-mère et toute la famille auxquels vous voudrez bien envoyer mes amitiés dernières. Je pense à vous tous en ce moment qui est plus pénible pour vous que pour moi. Je viens de voir l’aumônier, j'ai refusé la communion. Donc aucun service religieux à mon intention. Mes amitiés aussi à tous les voisins et camarades, qu'ils sachent que j'ai fait mon devoir de Français et de communiste.

Papa, Maman, ma dernière pensée sera pour vous et pour mon frère. Je vous embrasse tous dans un même élan.

Soyez courageux.

Adieu tous.

Votre fils Albert.

Vive la France, Vive le parti communiste

Paix- Liberté- Justice

 

***

A remettre à Madame Berard. Fresnes le 17 Septembre 1943

Chers oncle et tante

Je pars… d'où l'on ne revient pas. Dans 4 heures, je vous aurai tous quittés. Embrassez tous mes parents pour moi, et votre fils Henri quand vous aurez le bonheur de le trouver.

Recevez les derniers baisers de votre neveu

Albert Rannou

      

Dernières lettres d'Albert Rannou  - 17 septembre 1943

Dernières lettres d'Albert Rannou - 17 septembre 1943

Albert Rannou: Lettres de prison d'un résistant communiste brestois né à Guimiliau fusillé le 17 septembre 1943 au Mont-Valérien
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10 décembre 2016 6 10 /12 /décembre /2016 19:28
Dernière lettre de Paul Monot, résistant brestois fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 avec Albert Rannou et 17 autres résistants brestois dont André Berger et Henri Moreau

Lettre copiée après qu'elle ait été transmise par Jacques Guivarch et Annie sa femme, de Pleyber-Christ. Lettre accompagnant celles beaucoup plus nombreuses, d'Albert Rannou, tué avec Paul Monot.

 

Paul Monot était  né le 1er juin 1921 à Brest,  il a été fusillé à 22 ans, il était ouvrier à l'arsenal de Brest, membre du Parti communiste français (PCF) et des Francs-tireurs et partisans français (FTPF) dans la région de Brest

 

(Sur le coin de la page à grand carreau du cahier d'écolier ou est écrit cette dernière lettre de Paul Monot, le marteau et la faucille).  

 

Fresnes, le 17 septembre 1943

Chers Grand-mère, oncle, tante et cousine !

Je vous envoie un mot pour vous donner une bien triste nouvelle : il est près de 11h et on vient de me prévenir que mon recours en grâce a été rejeté et que je serai fusillé cette après-midi à 16h. Mais je saurai mourir en vrai Français.

Je demande pardon à Grand-mère et à vous tous car je n'ai pas toujours été chic et je ne savais pas ce que je faisais. Mais depuis le temps que je suis ramassé j'ai eu le temps de réfléchir à tout cela et de me mordre les doigts bien des fois.

N'oubliez pas surtout les policiers français et il faut qu'ils payent ce qu'ils ont fait, car je les déteste bien plus que l'occupant et ceux-là oui sont les vrais traîtres à la patrie.

Pour moi, je suis (difficile à lire), je pars et c'est la loi, je trouve cela régulier. Il y en a qui meurent dans leur lit, d'autres au champ d'honneur, moi je meurs au poteau. Qu'est-ce que vous voulez, c'est la destinée, je ne suis pas jaloux de ceux qui restent et comme il y a déjà des monceaux de cadavres avant moi, j'espère que je serai dans les derniers à payer de la vie la joie de voir enfin la victoire qui approche à grand pas.

L'unité communiste réalisée pour un monde sans guerre. Car n'oubliez jamais que vous n'aurez cela qu'avec un régime où tous les prolétaires seront unis.

Dernière lettre de Paul Monot, résistant brestois fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 avec Albert Rannou et 17 autres résistants brestois dont André Berger et Henri Moreau
Dernière lettre à sa famille de Paul Monot- résistant communiste brestois de l'Arsenal condamné à mort et exécuté au Mont Valérien le 17 septembre 1943

Dernière lettre à sa famille de Paul Monot- résistant communiste brestois de l'Arsenal condamné à mort et exécuté au Mont Valérien le 17 septembre 1943

Suite de la dernière lettre de Paul Monot

Suite de la dernière lettre de Paul Monot

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10 décembre 2016 6 10 /12 /décembre /2016 19:28
Dernière lettre à sa femme de Jules Lesven, dirigeant de la résistance communiste brestoise, ouvrier et syndicaliste à l'Arsenal, fusillé le 1er juin 1943,

 

Avertissement: Une photocopie de mauvaise qualité de cette lettre manuscrite se trouvait dans la liasse confiée par Jacques Guivarch de Pleyber-Christ à Alain David et Ismaël Dupont, appartenant d'abord à son père, Jean Guivarch, patron d'une marbrerie funéraire à St Martin des Champs, militant communiste de la section de Morlaix, ancien résistant.

***

Lettre de Jules Lesven, fusillé à Champagné (dans la Sarthe) le 1er juin 1943

Ma chère Monique bien aimée,

Dans quelques heures, je vais être fusillé. Ma dernière pensée va vers toi ma chère Monique car demain toutes ces responsabilités vont peser sur tes épaules, la lourde charge d'assurer le pain pour nos trois petits chéris. Le moment est (illisible) mais je sais que tu es courageuse et que tu ne manqueras pas d'assumer la tâche qui t'incombe en ces heures tragiques et qui vont me séparer de tous ceux qui me sont les plus chers. Du fond de ma noire cellule où j'écris ces derniers mots, je pense à tous ceux que je ne reverrai plus et que j'aimerais saluer, embrasser de tout mon cœur une dernière fois. Je meurs en patriote pour que vive la France, pour avoir la tête haute, pour la libération de mon pays.

Je vais devant le peloton d'exécution la tête froide conscient d'avoir rempli mon devoir de Français.

Je suis resté fidèle à mon passé et à la classe ouvrière et à notre grand parti Communiste auquel j'appartiens qui mène une lutte vigoureuse pour unir toutes les forces vives du pays pour sa libération.

J'adresse aussi à mes camarades de travail mon dernier salut ainsi qu'à tous mes Amis. Je termine cette dernière lettre en te disant Adieu ma chère Monique, Adieu mon cher fils Gilbert, Adieu ma chère fille Mathilde, Adieu mon petit Pierrot.

 

VIVE LA FRANCE

 

***

 

Qui était Jules LESVEN?
 
(un très bon article biographique sur le site du lycée technologique et professionnel brestois, réalisé avec le concours de l'ANACR)
 
Jules LESVEN est né le 25 avril 1904 à Saint-Thégonnec. Orphelin à 4 ans, il est élevé par une tante. En 1929, il épouse Monique Kerrien, née à Plouescat en 1908, couturière. Le couple aura 4 enfants, dont 3 d'entre eux, toujours vivants, résident à Brest ou dans les alentours.
 
Forgeron, Jules Lesven a travaillé à Plouescat, Landivisiau, Plounévez-Lochrist chez un réparateur de machines agricoles. Dès 1929, il est forgeron à l'arsenal de Brest.
Militant syndical - membre du Conseil d'Administration de la CGT (Confédération Générale du Travail) à l'arsenal - et militant politique - il adhère au Parti Communiste en 1935 - il doit faire face à une situation délicate en 1939 lorque le gouvernement Daladier interdit le Parti Communiste. Il participe à sa restructuration clandestine à l'arsenal.
Au sein de son syndicat, il s'oppose aux dirigeants réformistes de la CGT qui sont devenus majoritaires et qui lui demandent de renier son Parti et de condamner la politique de l'Union Soviétique.
Il est alors déchu de son mandat syndical mais s'oppose à cette mesure de déchéance qu'il juge arbitraire, tout comme les ouvriers de l'arsenal.
En novembre 1939, il est coopté au "triangle" de direction de l'organisation communiste clandestine brestoise. Ce triangle est composé de Jeanne Goasguen-Cariou, Eugène Kerbaul et Jules Lesven.
Ce triangle est une unité d'organisation du Parti communiste ; ce mode d'organisation sera ensuite utilisé au sein de la Résistance pour protéger ses membres. Chaque adhérent se situe à une des extrémités d'un triangle et ne connait que les deux autres camarades des deux autres sommets du triangle, ce qui permet d'assurer une certaine sécurité du réseau.
 
En 1940, lors du départ des Anglais, Jules Lesven, avec quelques camarades, récupèrent des armes et des munitions. Le groupe organise des sabotages, dès janvier 1941, sur les chantiers et à l'arsenal. Fin juin 1941, un triangle militaire est mis en place et comprendre Jules LESVEN, Pierre CORRE et Lucien KEROUANTON. Le Triangle militaire a pour but de coordonner l'action des groupes O.S. (Organisation Spéciale de Protection des membres du P.C. distributeurs de tracts et écrivains ruraux et des militants et de leurs familles) de la région brestoise.
Fin 1941, les réserves d'eau distillée destinées à alimenter les batteries des sous-marins allemands sont sabotées à l'arsenal de Brest.
 
Le 27 mars 1942, des sous-stations électriques de l'arsenal sont sabotées.
Fin avril - mai 1942, les groupes O.S. disparaissent : ils sont versés dans les formations de combat mises en place par "Le Front National de lutte pour la libération et l'Indépendance de la France" : ce sont les F.T.P.F (Francs-Tireurs et Partisans Français) pour lesquels compte avant tout l'action directe (propagande, lutte armée, sabotages).
Jules LESVEN devient responsable départemental des "F.T.P." puis interrégional de Bretagne.
 
"Grillés", recherchés par la police française et par les Allemands, les responsables brestois quittent la région de Brest.
Mais les actions continuent : sabotage à la gare de tirage du Mans (09.01.1943) et de la voie ferrée Le Mans - Rennes (26.01.1943), attentats à la bombe à l'arsenal de Brest.

Jules LESVEN, recherché, a quitté l'arsenal de Brest.
Devenu responsable politique de la SARTHE, il est arreté par des policiers français le 7 mars 1943 (jour du 1er anniversaire de son fils Pierre) au domicile d'un chef de train.
Livré au Allemands, torturé, jugé et condamné à mort, il sera fusillé au camp d'AUVOUR (à 15 km du Mans - Commune de CHAMPAGNE), le 1er juin 1943.
Dernière lettre à sa femme de Jules Lesven, résistant communiste brestois fusillé le 1er juin 1943

Dernière lettre à sa femme de Jules Lesven, résistant communiste brestois fusillé le 1er juin 1943

Dernière lettre à sa femme de Jules Lesven, résistant communiste brestois fusillé le 1er juin 1943 (deuxième page)

Dernière lettre à sa femme de Jules Lesven, résistant communiste brestois fusillé le 1er juin 1943 (deuxième page)

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7 février 2016 7 07 /02 /février /2016 13:08
Appel du 10 juillet 1940, L'Humanité clandestine: Jacques Duclos et Maurice Thorez

Appel du 10 juillet 1940, L'Humanité clandestine: Jacques Duclos et Maurice Thorez

La Libération de Concarneau a été l'oeuvre de trois groupes de Résistance, constitués suivant leurs vicissitudes propres, ne se connaissant pas à l'origine, en raison même des nécessités de la sécurité de chacun.

Dès 1940:

Le Jeudi 20 juin 1940, à midi, les Allemands pénètrent dans la ville. Les semaines suivantes, c'est le retour au foyer de ceux qui ont pu échapper aux camps de prisonniers (1,8 millions de soldats français, dont 137 000 bretons, ont pris le chemin des stalags et des oflags d'Allemagne et d'Autriche). Parmi eux, de nombreux militants du Parti Communiste Français, dont Alain Le Lay, secrétaire régional du Finistère-Morbihan et responsable à Concarneau. Ses efforts tendront à rassembler les militants et les jeunes pour répondre aux directives qui viennent du centre avec lequel la liaison est bientôt établie. A Nantes, le représentant du Comité Central est Marcel Paul, qui préside à la réorganisation du parti. C'est le futur ministre de la Libération et Président National des Anciens Déportés (au début des années 1960). Les choses ne sont pas faciles.

Des militants influents sont arrêtés depuis la "drôle de guerre" et le pacte germano-soviétique approuvé par le PCF le 25 août 1939: Jean Ropars (qui mourra en 1948 des suites de sa déportation), Joseph Le Coz, Scouazec, gérant de "La Bretagne" également.

Marcel Paul, résistant communiste, futur membre du comité international de résistance de Buchenwald et ministre à la libération

Marcel Paul, résistant communiste, futur membre du comité international de résistance de Buchenwald et ministre à la libération

Pierre Guéguin, maire communiste de Concarneau, fusillé à 45 ans en 1941 dans la carrière de Chateaubriant

Pierre Guéguin, maire communiste de Concarneau, fusillé à 45 ans en 1941 dans la carrière de Chateaubriant

 

Le jour où l'Assemblée Nationale (Chambre des députés et sénat) à Vichy donne les pleins pouvoirs à Pétain, malgré le courageux vote contre de 84 députés et sénateurs (les élus communistes avaient déjà été destitués, 3 élus du Finistère ont refusé d'abdiquer face au renversement de la démocratie et de la République: le sénateur-maire Le Gorgeu à Brest, les socialistes Jean-Louis Rolland à Landerneau et Tanguy Prigent à Saint Jean du Doigt), l'appel de Maurice Thorez et Jacques Duclos du 10 juillet 1940 proclamant dans L'Humanité clandestine (interdite en août 1939) "Le Peuple de France ne sera pas un peuple d'esclave" qui parviendra bientôt va faciliter l'organisation du travail clandestin face aux Allemands: l'appel s'élève contre "ces hommes qui ont voulu la guerre et préparé la défaite".

"Il n'y a, dit l'appel, de paix véritable que dans l'indépendance des peuples". Dans sa deuxième partie, l'appel précise: "C'est seulement autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage parce que l'avenir lui appartient, c'est seulement autour de la classe ouvrière guidée par le Parti Communiste, parti de propreté, d'honneur et d'héroïsme, que peut se constituer le Front de la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France".

Albert Ouzoulias, ancien résistant communiste chargé dès 1941 dans la liaison avec la résistance de l'Ouest et notamment nantaise, rapporte dans Les Bataillons de la Jeunesse (éditions sociales, 1967), que le journal anglais Daily Telegraph du 20 décembre 1940 reconnait que malgré le pacte germano-soviétique, c'est du Parti Communiste persécuté par la République finissante et capitularde de Daladier puis par Vichy que vient le premier appel à la révolte contre Vichy et l'occupation: "Le seul parti existant quoique illégal est le Parti Communiste et plus de mille de ses militants ont été arrêté le mois dernier. Ils distribuent des tracts antiallemands qui font appel au sentiment patriotique des Français". Deux mois plus tard, un journal de la collaboration dans le Nord de la France, Le Journal d'Amiens, fait le même constat: "Alors que sous le poids de la défaite tous les partis ont renoncé à toute action collective, les communistes seuls ont maintenu leur organisation, seuls ils s'adressent au peuple et tentent de l'enrôler. Il y a là danger plus grand qu'on ne pourrait le croire en haut lieu. Certes, tant que l'armée d'occupation sera sur notre sol, l'ordre y sera maintenu avec vigueur, mais après?".

Jacqueline Sainclivier dans un article "La Résistance en Bretagne: une identité spécifique?" des Actes du colloque de 2001 sur "Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre Mondiale" (Centre de Recherche Bretonne et Celtique de l'UBO, sous la direction de Christian Bougeard, 2002) note que contrairement aux affirmations d'une historiographie non communiste de guerre froide à tendance révisionniste prétendant que l'effort de résistance des communistes aurait commencé seulement après l'invasion de l'URSS le 22 juin 1941, beaucoup de communistes sont entrés en Résistance dès l'été 1940.

Malgré le trouble créé chez des militants anti-fascistes par le pacte germano-soviétique, cela a été facilité par l'entrée dans la clandestinité et une première expérience de persécution qui a commencé du temps même de la République, avant le régime de Vichy. Le 7 mars 1940, 3400 militants communistes ont été emprisonnés, des milliers d'autres ont été jetés dans des camps de concentration, 8000 fonctionnaires appartenant au Parti Communiste ont été victimes de sanction. Le 19 mars 1940, "dressant le bilan de la répression anticommuniste, Sarraut, ministre de l'Intérieur, déclare: "Nous allons voir, maintenant, ce que j'appelerai volontiers de cette expression triviale: le tableau de chasse du gouvernement". Ce "tableau" ne paraissant toutefois pas suffisant à son successeur, le socialiste Sérol, celui-ci décrète la peine de mort contre les Français suspects de propagande communiste, en avril 1940. Léon Blum avait écrit dans Le Populaire"J'ai le sentiment que la majorité de notre parti trouvera la dissolution du Parti Communiste Français naturelle et légitime". (Histoire vraie de la déclaration de guerre, Pierre Durand, Supplément à l'Humanité du 30 septembre 1959). Déjà Blum avait justifié en août 1939 l'interdiction de L'Humanité et du journal communiste Ce Soir  par Daladier. 

En Bretagne mais aussi ailleurs en France. Albert Ouzoulias cite ainsi une affiche du préfet de Seine-et-Oise Marc Chevalier datée du 23 août 1940 qui se plaint en ces termes de l'activité des communistes sans son département:

" Habitants de Seine-et-Oise,

(...) Je donne un premier avertissement aux fauteurs de troubles qui.. poursuivent leur campagne de haine et d'agitation par des tracts et des affiches anonymes... Les manifestations de cet ordre, dès qu'elles seront découvertes dans une commune de Seine-et-Oise, entraîneront, à titre de sanction, l'internement administratif des principaux militants communistes résidant dans la commune. Des actes de sabotage continuent à s'exercer contre le matériel des armées d'occupation. Je ne saurais assez blâmer ces tentatives aussi lâches que stupides... Celui qui se livre à ces gestes criminels est un mauvais citoyen...

Vous ne servirez utilement votre pays, tout en gagnant l'estime des autorités d'occupation, avec lesquelles je collabore en toute loyauté pour la défense de vos intérêts, que par votre attitude correcte, disciplinée, digne de la réputation et des traditions françaises."

A Paris, dans le XVIIe arrondissement, le jeune Guy Môquet dont le père, Prosper Môquet, député communiste, est interné depuis le 10 octobre 1939, organise une vingtaine d'adhérents de la Jeunesse Communiste et couvre l'arrondissement de papillons anti-allemands et anti-Vichy dès septembre 1940. Il est d'ailleurs arrêté le 13 octobre 1940, torturé pour passer aux aveux sur les amis de son père, emprisonné à Fresnes, puis à Clairvaux, puis envoyé à Châteaubriant. Le jeune communiste Jacques Grinbaum, 20 ans, est aussi arrêté pour des graffitis anti-allemands et patriotiques autour du Sacré Coeur: il sera fusillé avec Gabriel Péri et 92 autres camarades au Mont-Valérien, le 15 décembre 1941.

Les rapports hebdomadaires de la Gestapo sont aussi significatifs. Celui du 30 septembre 1940 s'exprime ainsi: "Pour mettre un terme à tout nouvel accroissement de la propagande communiste à Paris, la police parisienne appliquera des mesures préventives qui consistent à arrêter et interner dans un camp tous les dirigeants et militants communistes actifs connus à Paris". Le Bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 21 octobre 1940 publie un arrêté du préfet de police Langeron: "Toutes découvertes de tracts clandestins sur le territoire d'une commune de la Seine entraînera l'internement administratif d'un ou plusieurs communistes notoires résidant sur le territoire de cette commune". Marcel Déat, toujours cité par Albert Ouzoulias, confirme dans un éditorial de l'Oeuvre du 6 novembre 1940 le danger et le caractère de résistance à l'occupation de la propagande communiste: "Nos communistes sont redevenus nationalistes. Leurs tracts clandestins ont des conclusions entièrement parallèles aux propos gaullistes. Il n'est question que de la libération et de l'indépendance de la France et l'on nous assure que seul le communisme lui restituera sa pleine souveraineté".

Néanmoins il y a une ambiguïté résiduelle dans les tracts du Parti Communiste à l'été et au début de l'automne1940: tout en étant anti-fasciste, anti-Vichy, anti-allemand, en parlant de liberté et d'indépendance, ils parlent tout de même de lutte pour la paix, et attestent d'une forme d'égalité entre l'impérialisme allemand et anglais. 

En juillet 40, à Concarneau, le triangle de direction du Parti Communiste clandestin est constitué et tient sa première réunion au bois de Kerguerès. Il comprend René Lijour, Eugène Le Caignec et Joseph Berthou.

A Concarneau, le travail de propagande, la diffusion des tracts notamment, ne s'arrêtera jamais. Mais dès cet été 1940, les actions de sabotage contre les installations allemandes commencent. René Lijour paie de sa personne et entraîne les jeunes. Yves Le Gall (qui mourra à Rennes en revenant de déportation), Jean Trolez, entre autres, Eugène Le Bris participent à de nombreuses opérations: déboulonnage des voies ferrées (en mai 1942) et à la destruction des lignes téléphoniques (à l'initiative de Charles Tocquer, responsable des jeunes). Des soldats nazis sont attaqués. La nuit est parfois troué d'explosions: c'est la grue de la gare qui saute (en août 1942), ou bien un transformateur ou un poteau à haute tension.

La loi de Vichy du 16 novembre 1940 permet d'"épurer" plusieurs communes bretonnes de personnalités de gauche (Saint-Brieuc, Dinan, Saint-Malo, Saint-Servan, Fougères, Vannes), dont Concarneau. Le maire de Concarneau Pierre Guéguin avait déjà été destitué en octobre 1939 par l'Assemblée Nationale du Front Populaire qui avait levé l'immunité des élus communistes après le pacte de non agression germano soviétique, en même temps que 316 autres maires communistes, et 2778 élus communistes déchus de leur mandat.

Le 9 mai 1941, Victor Louarn, jeune militant communiste est arrêté, puis Fanch Tollec. Alors que le premier est jugé à Paris, le second passe au tribunal à Quimper.

 

La lutte se développe, mais les communistes paient un lourd tribut à la répression vichyste en 1941 et 1942

Alain Le Lay va et vient, organise les groupes de l'"Organisation Spéciale" (O.S) dans le département. La liaison avec le Centre est assurée par le "Père Georges" (Venise Gosnat, adjoint au maire d'Ivry). A une réunion de direction à Kerviniou, Alain Le Lay donne des indications sur l'organisation du travail clandestin.

En septembre 1941, la police de Vichy, au service des Allemands, sous les ordres du commissaire SOUTIF, va démanteler l'organisation clandestine du Parti et des Jeunesses Communistes et les groupes armés de l'Organisation Spéciale.

En septembre 1941, Berthou échappe à une arrestation de la police de Vichy venu à son domicile. Il est hébergé par Pierre Guillou jusqu'à Décembre et, clandestin, devra quitter le département. Entre-temps, Eugène Le Bris l'aura remplacé au triangle de direction.

Après son retour à Toulmengleuz, il sera arrêté en septembre 1942. François Tallec sera arrêté une seconde fois et réussira à s'évader. Esprit Jourdain, arrêté le même jour, mourra en déportation. Théophile Louarn, après l'arrestation de son frère, demandera à s'engager dans l'action résistante.

L'arrestation de Pierre Gueguin, Maire Communiste destitué de Concarneau, et de Marc Bourhis, militant trotskiste, leur exécution à Chateaubriant avec d'autres internés communistes et cégétistes dont Guy Môquet le 22 octobre 1941 en représailles de l'assassinat du lieutenant colonel Hotz à Nantes le 20 octobre 1941 par des résistants communistes parisiens, suscite une émotion profonde à Concarneau et une prise de conscience de l'occupation nazie.

Une manifestation spontanée a lieu au cimetière sur les tombes des familles.

Le 2 octobre 1941, des inscriptions badigeonnent les murs du Grand Hôtel et de l'entreprise Marscesche "A bas Laval", "Nous voulons du pain". Arrêté le 2 octobre, Fanch Caignec réussira à s'évader.

Au printemps 1942, le "Père Georges" (Venise Gosnat) organisateur régional du Parti Communiste prend contact directement avec René Lijour et lui annonce une prochaine arrivée d'armes. Un sous-marin anglais attendra aux Glénans que les Résistants viennent en prendre livraison. Le mot de passe est donné. Contact est pris avec Guillaume Bodere et son camarade Baudry (agent de liaison fusillé au mont Valérien). Les deux résistants se font reconnaître du sous-marin qui est bien à l'endroit prévu. Les containers pris en charge sont débarqués sur la côte bigoudène où trois membres du groupe dont René Lijour viendront les prendre pour les transporter dans la ferme du Vourgoat, en Melgven, chez Daoudal (également fusillé au Mont-Valérien). Des parachutages sont annoncés.

 

En septembre 1942, 35 résistants de Concarneau, communistes pour la plupart, sont mis hors de combat.

Le combat continue. Carduner tente de faire sauter le Pont-Minaouët. Il sera arrêté en septembre 1942 et mourra à Dachau. Mme Le Breton est arrêtée et déportée. Joseph Berthou, résistant du même groupe et syndicaliste, est arrêté à Thouars et fusillé à Poitiers le 3 décembre 1942.

Eugène Le Bris se rend à Nantes pour délivrer un camarade arrêté. D'une audace folle, il pénètre dans le bureau du juge Le Bras, l'abat avec son arme et libère son ami. En septembre 1942, ils sont arrêtés tous deux alors qu'une grande rafle de la Police de Vichy permet l'arrestation de presque toute l'organisation.

Alain Le Lay mourra à Auschwitz, comme Théophile Louarn.

Son arrêtés également Esprit Jourdain (mort en déportation), Daoudal (il sera fusillé), Fanch Touchard aussi (qui après sa première arrestation avait été relâché), André Herlédan, Armand Villard, Christophe Digoust, Charles Huchon, Jacques serre, Yves Le Gall (qui meurt en revenant de déportation), Joseph Dréano, Arthur Rioual, Mathias Lorc'h, Eugène Le Caignec, Louis Guiffant (de Trégunc), Yves Trichard, Jo Le Gall, Jean Bourbigot, Jean Trolezz, Charles Tocquet, André Herledan (père et fils), Louis Péron, Charles Dolliou, les frères Huon, Marie Jeanne Bodere.

René Lijour ayant réussi à échapper à l'arrestation, une vaste opération de police est montée le dimanche 27 pour perquisitionner à son domicile. Sa femme Lucie Lijour sera arrêtée et déportée.

Réné Lijour et quelques militants ayant réussi à passer entre les mailles du filet, la propagande allait pouvoir continuer.

Remi Nedellec, en contact avec Quimper, faisait parvenir les tracts. Le cheminot François Le Beux, au dépôt de Quimper, en fournissait également. Il devait mourir tragiquement sur sa machine lors d'une attaque de l'aviation anglaise.

Une caisse de secours aux familles des déportés et fusillés, sous l'égide du Secours Populaire, fut constituée et alimentée par des dons en argent et en nature.

La liaison avec René Lijour, malade, est reprise par Mme Le Caignec et Mme Duot. Les indications sont les suivantes: la haine de l'occupant s'est développée, il est mis en échec à Stalingrad, les conditions sont créées pour élargir le combat. La question de la création du Front National et de ses groupes de combat, les F.T.P.F, est posée.

 

Le groupe Libération à Concarneau

A partir de septembre 1940, l'instituteur brestois, originaire de Concarneau, Pierre Coroller, recolte des renseignements sur les ouvrages défensifs et offensifs de la région qu'il transmet à des groupes locaux de résistance à Brest. Il collabore sur place à Concarneau avec le docteur Nicolas et avec une professeur d'EPS, Mademoiselle Le Bastard. Avec M. Kervahut, dit Kervoas, instituteur en retraite à Penhars, Coroller fonde le groupe Libération au 2ème trimestre 1942, dirigé sur place par le Docteur Nicolas qui connaît bien la population  et organise le recrutement. Le groupe transmet des plans des défenses de Concarneau et de la région. Cette activité de renseignement permit aussi sans doute d'abattre à Concarneau le 18 décembre 1943 avec un avion descendant en piqué un bateau ravitailleur de sous-marin qui fut coupé en deux et coulé en quelques instants, alors qu'il contenait des vivres pour 8 mois. Louis Le Bourhis servira d'agent de liaison pour le Docteur Nicolas avec Mademoiselle Le Bastard, et Monsieur Chauveur se charge du recrutement avec le docteur. Le mouvement prend une certaine ampleur au premier trimestre 1943 et s'étend à Trégunc, Melgven, Beg-Meil, Névez. Il regroupe plus de notables et d'"hommes d'ordre" (le colonel Krebs, à la tête d'une entreprise de construction navale, maire de Lanriec, le Maréchal des Logis Le Romancer, le lieutenant de réserve Jean Jaffrezic, des gendarmes) que les autres mouvements de résistance. Le Docteur Nicolas sera emprisonné en février 1944.    

 

Le groupe Vengeance Action de Concarneau

Dès 1941, un groupe de jeunes Concarnois qui avaient l'occasion de fréquenter Georges Martin, un meneur d'homme qui n'hésita pas le 16 août 1942 à inviter les 2000 personnes présentes à la fête d'athlétisme de Moros à se révolter contre l'occupation allemande, se décidèrent à entrer dans la Résistance. Un premier noyau regroupe sous l'autorité de George Martin Marcel Yvonnou, Arsène et François Herlédan, Paul Corribras, Albert et Jacques Gloaguen, Louis Lozach. L'affiliation du Groupe au Réseau "Vengeance Action", qui se spécialisera dans les Renseignements, les faux papiers d'identité (avec Paul Corribras à la baguette), la récupération et l'évacuation des aviateurs alliés (une douzaine d'aviateurs durent ainsi évacués sur Brest, via Quimper), et existant d'abord à Concarneau sous la direction d'André Le Floch, représentant de commerce rue Amiral Courbet, se réalise le 1er avril 1943. Comptant d'abord huit hommes en août 1942, ce groupe qui s'agrandit de mois en mois comptera au moment des combats pour la libération de la ville de Concarneau 260 combattants. Georges Martin et ses hommes effectueront plusieurs sabotages avant le débarquement allié en Normandie. Il s'intégrera après le débarquement aux F.F.I sous la direction du chef d'escadron Rincazaux et de son adjoint, le capitaine Bourhis. Le 6 août 1944, les audacieux résistants du groupe Vengeance action, au nombre de 6, sous la direction de Georges Martin, constituant le commando "Ma Salver" tentèrent d'immobiliser au port en barrant le chenal les bateaux allemands. L'opération ne réussit pas comme prévu. Le bataillon FFI issu du groupe réussit à faire 80 russes enrolés par les Allemands prisonniers à Trégunc le 6 août 1944. 

 

   

Les F.T.P.F de Concarneau

La liaison reprise par René Lijour par Alphonse Duot (fils) qui était également en contact avec Robert Jan, un travail de réorganisation fut entrepris aussitôt en tenant compte de la nécessité de sauvegarder la sécurité de chacun des résistants. Une difficulté subsistait: la coupure avec le centre. Elle allait durer un certain temps, mais qu'importe, le travail fut entrepris quand même. A côté du groupe du Parti Communiste fut formé un groupe des Jeunes Communistes organisé en triangle pour les nécessités de la sécurité, dont Pierre Le Rose assure la direction jusqu'à la Libération.

Il y a chez ceux qui sont en liberté la volonté de poursuivre le combat de leurs frères arrêtés, déportés, abattusn torturés, exécutés. Il y a la volonté de la population d'exprimer son hostilité au nazisme, il y a la confiance née des premiers revers de l'armée nazie. Stalingrad, de Novembre 42 à février 43, stimule la combativité des français. 

En septembre 1943, quelques jeunes concarnois, en contact avec les étudiants de l'Ecole Primaire Supérieure (E.P.S) de Quimperlé, constituent le premier groupe de F.T.P, rattaché à la "compagnie Sous-Marin Curie". 

Le recrutement devint intensif. Les jeunes de vingt ans et moins se constituèrent en groupe de F.T.P (Francs-Tireurs et Partisans Français).

Le 1er groupe de F.T.P.F de Concarneau comprend Yves Le Moal, qui vient de terminer ses études au collège de Quimperlé, André Le Cras (Fredo), toujours élève dans l'établissement, Henri Joncourt (tué ensuite en Algérie avec le grade de capitaine), Baptiste Pascal, Marcel Lancien, Paul Carduner, Henri Joncourt, José Le Goff.

Ce groupe est rattaché à la Compagnie Sous-Marin Curie dont le commandement est assuré par Cabellic (Commandant Fernand) qui mourra le 31 août 1944 à l'hôpital de Quimperlé à la suite des blessures reçues le 15 juillet au combat de Kernabat en Scaër. 

Le recrutement des F.T.P se fait à petit pas. Forts de l'expérience des anciens, la sécurité préside à tout engagement. Il s'agit de former des volontaires dans le but d'opposer aux troupes d'occupation ainsi qu'au gouvernement de Vichy une résistance maximum par des actions très variées allant de la distribution de tracts et de journaux clandestins jusqu'à l'attaque de soldats allemands isolés. Sur le plan national, les F.T.P, regroupés dans l'Armée Secrète, forment les groupes de combat du Front National.

Avant de signer son acte d'engagement "jusqu'à la libération totale du sol national", le nouveau membre prend connaissance du Code d'Honneur des F.T.P. Il signe de son "nom de guerre" et reçoit un numéro matricule. Le cloisonnement, très rigoureux, est, si possible, triangulaire. Trois groupes de 8 forment un détachement, commandé par un chef de détachement. Les groupes n'ont aucun contact entre eux. 4 détachements de 25 hommes forment une compagnie ayant à sa tête un commandant de compagnie assisté de deux adjoints: un adjoint aux effectifs, un adjoint au matériel.   

L'activité du groupe se développant, les contacts purent être établis avec l'état-major F.T.P d'une part, avec la direction du Parti Communiste d'autre part.

Le Commandant André (Louis Stephan, prisonnier évadé) vient bientôt à Concarneau. Les visites de Botch (Yves Boudigou) l'un des principaux responsables F.T.P étaient fréquentes. Les réunions avaient lieu dans la campagne, dans un champ, dans un bois. Le point était fait de la situation, de l'état des forces. Le "père Henri" (cheminot retraité du dépôt d'Auray), responsable régional du Parti Communiste et Leduc (entrepreneur à Plestin-les-Grèves), Capitaine F.T.P, vinrent également à l'époque à Concarneau.

Parallèlement à la constitution des F.T.P, le Front National de lutte pour la libération et l'Indépendance de la France était créé à Concarneau. Sous l'impulsion d'Alphonse Duot fils, qui avait réussi à établir le contact avec la direction régionale par l'intermédiaire de Remi Nedelec. Des tracts parvenaient à Concarneau fournis par les Cheminots du dépôt de Quimper.   

De nombreux signes comme la progression des armées alliées sur tous les fronts et l'activité de l'aviation américaine donnent la certitude que l'année 1944 sera décisive. Il est temps de préparer la Libération. Dans ce but, des efforts sont entrepris dans 3 directions: l'armement, le carburant, l'argent. 

Répartis au centre du département du Finistère, dans une zone délimitée, en gros, par Scaër-Carhaix et Châteauneuf, les maquis F.T.P étaient nombreux, unitairement peu importants, mais très mobiles. N'allaient au maquis que les F.T.P dont la sécurité était menacée. Mais ces maquis ne pouvaient vivre uniquement sur le terrain, il leur fallait de l'argent. D'abord, il fallait penser aux familles sans ressources du fait de l'absence du père maquisard. Il fallait aussi prévoir les évènements qui s'annonçaient. C'est pourquoi il fut décidé de constituer un "trésor de guerre" en s'appuyant sur des "visites de courtoisie" aux banques, perceptions, caisses d'épargne. Ces prélèvements étaient toujours suivis d'un reçu, après acheminement de l'argent à l'Etat-Major de Quimper, souvent dans les 24 heures.  

 

Les combats de la Libération

Le grand problème, face au recrutement, était le manque d'armes.

Deux groupes F.T.P de huit hommes s'organisèrent à Concarneau et un troisième groupe de huit également à la Forêt. Les chefs de groupes seuls se connaissaient. Ce cloisonnement assurait la sécurité, car les Résistants avaient tirés les leçons des expériences passées. Ces trois groupes appartenaient à la Compagnie "Sous-Marin Curie" du Sud-Finistère, mais formèrent bientôt la Compagnie Leclerc, le recrutement de nouveaux résistants s'étant intensifié. La Compagnie comprenait un chef de détachement, un responsable aux effectifs et un responsable au matériel. Elle était rattachée au Bataillon de La Tour d'Auvergne à Quimper. Les deux groupes concarnois avaient pris le nom de Pierre Guéguin et Marc Bourhis.

C'est Etienne Millour, de Fouesnant, qui en prit le commandement. La Compagnie étant en partie composée d'éléments de La Forêt et de Fouesnant. Les jeunes de ces localités allaient payer lourdement les combats libérateurs.

Au printemps 1944, les F.T.P possèdent deux mitraillettes STEN et quelques pistolets.  

Avec quelques révolvers, les F.T.P passaient pourtant à l'action. Un allemand isolé fût descendu à Kérandon et son révolver récupéré. 

Le travail d'explication continuait. Les résistants, qualifiés de "terroristes" par les autorités de collaboration et les allemands, étaient de moins en moins isolés, surtout après que beaucoup de jeunes aient rejoint la résistance suite à leur décision d'échapper au S.T.O. Mais ils devaient encore se légitimer auprès de la population en insistant sur les questions du ravitaillement, de la pénurie dûe aux réquisitions de l'occupant. 

Du matériel de propagande fut diffusé et affiché, notamment un journal: "L'étincelle", du nom du journal où écrivait Lénine. "L'étincelle" est le journal des jeunes communistes. Les Résistants communistes diffusent aussi du matériel national clandestin: "L'avant garde", "L'Humanité" , "France d'abord", le Journal des F.T.P. Les dernières lettres de Guy Môcquet, Gabriel Péri, Daniele Casanova, sont reproduites. Tout est mis en oeuvre pour que la population soit présente dans l'action libératrice.  

Les tracts après avoir insisté au printemps sur les questions du ravitaillement, de la pénurie due à l'Occupant, montraient maintenant la nécessité de l'insurrection armée et de l'union nécessaire de toute la population contre les Allemands et les collaborateurs. Un journal local du Front National, "L'Insurrectionnel", fut alors édité. Il exaltait les patriotes, les appelait au combat. 

La police et la gendarmerie furent longtemps hostiles aux patriotes. Après une démarche d'Yves Boudigou, des gendarmes entrèrent en contact avec les résistants et leur action commune permit de mettre un terme à l'activité des pilleurs de fermes. 

Il faut signaler les actions hardies des F.T.P contre le dépôt allemand de la Criée de la Croix (devenu par la suite Atelier municipal) qui permit la récupération d'armes et grenades pour la Résistance, le coup de main faisant main basse sur 1 800 litres de carburant (essence et gasoil), en pleine nuit, à la soute du Petit-Château en Ville Close... Le carburant est aussitôt transporté à la Forêt-Fouesnant et Quimper par Georges Le Coz au volant de son camion et enterré sur place. Les parachutages promis se font attendre. Plusieurs fois, les coordonnées pour parachutages ont été transmis à Londres mais les Anglais refusent de parachuter dans la zone côtière. 

Après le débarquement, du renfort est demandé pour un parachutage à Kernabat, à Scaër. Dans la nuit du 14 au 15 juillet 1944, trouveront là-bas la mort, trois membres de la compagnie Leclerc: Etienne Millour, le commandant de la Cie Leclerc, Louis Massé et Hervé, de La Forêt. E. Millour sera remplacé à la tête de la Cie par A. Le Cras. C'est qu'il y avait déjà eu un parachutage au même endroit dans la nuit du 8 au 9 juillet. Cette imprudence fait que le 15 juillet à 6h, deux bataillons allemands de sécurité, formés au front de l'est, affrontent les F.T.P, encore sur le terrain avec leurs 35 containers tombés à 0h30. Cette attaque du parachutage repoussera au 8 août l'armement de la compagnie.  

Il fallait songer aussi au rétablissement de la légalité républicaine. Le Conseil National de la Résistance, groupant toutes les organisations et Partis, montrait l'exemple de ce qui devait être fait. 

Le Gouvernement Provisoire d'Alger (avec dans son sein "le catholique de Menthon et le communiste Grenier" disait l'un des tracts à la population) faisait des couvertures pour un dialogue avec les groupes "Vengeance" et "Libération" dont l'activité était maintenant connue. 

Des réunions eurent lieu pour constituer un Comité Local de Libération. Dans le bois de Kernéac'h, un après-midi, son programme fut mis au point. Il portait sur le retour à la légalité républicaine (mise en place du Conseil Municipal de 1939 en application d'une ordonnance du gouvernement provisoire), sur les problèmes du ravitaillement, sur le concours nécessaire de toute la population. Un appel du Comité de la Libération fut placardé, en plein jour, par un groupe de F.T.P, au nez des Allemands. 

Une entrevue eut lieu avec Fily, mais celui-ci fut réticent à la mise en place du Comité de Libération, dont la présidence était confiée à Alphonse Duot père (adjoint au maire de Pierre Guéguin) et le secrétariat à Pierre Le Rose. François Herledan (blanchisseur) représentant le Parti Socialiste, Julien Larsonneur la CGT, etc... Le dimanche après-midi, le 6 août, une assemblée plénière eut lieu au café des Sables Blancs. 

Le 8 août 1944, Quimper est libéré, la compagnie Leclerc rejoignait cette Ville où elle allait recevoir l'armement léger nécessaire. Le jeudi 10 août, deux destroyers anglais poursuivent un bateau allemand et tirent sur Concarneau. 

Le 12 août, trois compagnies F.T.P du Bataillon La Tour d'Auvergne, dont la 5e (Leclerc), la 1ère, la 3ème prennent position au nord de Concarneau, conjointement avec une compagnie FFI de Rosporden, commandée par le capitaine Mercier. Ils tiennent tout le secteur s'étendant de la route de Quimper aux Sables Blancs. Le PC est installé au Poteau-Vert. Les F.T.P ont à leur tête le capitaine Gaston (Jos Kervarec) qui commande le bataillon depuis la disparition de Fernand.

Le 13 août, le Commandant Otto décrète l'état de siège à Concarneau et menace dans un placard, d'incendier la ville si la résistance attaque. Les nazis sont bloqués. Le 16, des chars américains arrivent, accompagnés d'une batterie d'artillerie. Le lendemain matin, ils bombardent la ville. Deux compagnies de F.T.P et des éléments de la milice patriotique (recrutée par le Front National) participent à l'action et pénètrent à l'intérieur de la ville espérant être suivis par les chars U.S. Louis Guillerme, Georges Le Coz, Réné Rioual détruisent un petit poste aux abords de la Kommandantur.

Georges Le Coz est blessé par des éclats de grenade. A la demande des américains, les F.T.P descendent la côte de Lanadan entourant les chars afin d'attaquer le blockaus de la propriété Toiray. Bientôt les Allemands du Blockaus ripostent. Donnard, de Quimper, de la 3e Compagnie F.T.P est tué. On compte 17 blessés parmi les résistants. Mais les chars américains se replient et les F.T.P doivent décrocher. Qualques dizaines de prisonniers allemands, du matériel récupéré, sont le bilan de la journée. La Milice Patriotique pourra être équipée et deviendra à ce moment là la 7ème compagnie de F.T.P. 

Les agents de liaison Lisette Jaffrezic, Yvonne Herledan et Simone Cosqueric, feront preuve d'une grande activité durant ces journées. Elles iront jusqu'à distribuer des tracts aux Allemands leur demandant de se rendre. Madame Hanselot effectuait aussi à partir de juin 1944 la liaison Concarneau-Bénodet pour le compte de la résistance. Le café de Charlotte Kernéis à Concarneau servait de boîtes aux lettres depuis le début 44 jusqu'à la libération pour les F.T.P. 

Le 18, le capitaine de Corvette Otto, commandant de la place, se rend aux Américains avec une partie de la garnison. L'artillerie américaine et les chars bombardent la ville. Des groupes d'habitants commencent à évacuer Concarneau tandis que les usines Cassegrain, Rodel, et quelques maisons sont en flamme. 

Le 19 août, les F.T.P, poussés par les Américains, amorcent une attaque. Tout le bataillon est dans l'affaire mais l'artillerie nazie se déchaîne, clouant les combattants au sol. Les chars américains ne viennent pas. Le repli est ordonné. Quand ils reviennent à leur base, les F.T.P ne trouvent plus les Américains, partis pour Lorient.   

Charly, interprète de la Kommandantur, avec un camion équipé de plaques de blindage et d'un canon à tir rapide, se déplace dans les divers points de la ville, arrosant Kérandon, Kernéac'h, La Maison Blanche. Louis Tudal sera grièvement blessé à la cuisse. 

Quatre jours se passent en escarmouches. Dans la nuit du 24 au 25, de violentes explosions se font entendre. Un court et violent bombardement allemand a lieu. Une patrouille de la 7ème compagnie, sous les ordres de Paul Sabersmann, ukrainien, déserteur de l'organisation Todt, pénètre dans la ville. Elle est vide. Dans la nuit, les Allemands ont évacué par la mer vers Lorient. 

Les F.T.P descendent la ville déserte. Les compagnies F.T.P sont cantonnées à l'hôtel de Cornouaille, l'Hôtel de la Mer et l'Hôtel Beau-Rivage. Au cours d'une réunion avec le Comité de Libération le Conseil Municipal est remis en place. Alphonse Duot (père) est le Maire de la Libération; 

Quelques jours plus tard, Concarneau arborait un air de fête. Des drapeaux français et alliés garnissaient toutes les fenêtres. Les libérateurs de la ville allaient recevoir un hommage mérité.     

 

La plupart des informations sont issues des notes sur la résistance et la libération à Concarneau, Pierre Le Rose, 1964. 

  

   

Carte du Comité Départemental de la Libération de Pierre Le Rose

Carte du Comité Départemental de la Libération de Pierre Le Rose

La lutte se développe, mais les communistes paient un lourd tribut à la répression vichyste en 1941 et 1942

Alain Le Lay va et vient, organise les groupes de l'"Organisation Spéciale" (O.S) dans le département. La liaison avec le Centre est assurée par le "Père Georges" (Venise Gosnat, adjoint au maire d'Ivry). A une réunion de direction à Kerviniou, Alain Le Lay donne des indications sur l'organisation du travail clandestin.

En septembre 1941, la police de Vichy, au service des Allemands, sous les ordres du commissaire SOUTIF, va démanteler l'organisation clandestine du Parti et des Jeunesses Communistes et les groupes armés de l'Organisation Spéciale.

En septembre 1941, Berthou échappe à une arrestation de la police de Vichy venu à son domicile. Il est hébergé par Pierre Guillou jusqu'à Décembre et, clandestin, devra quitter le département. Entre-temps, Eugène Le Bris l'aura remplacé au triangle de direction. Après son retour à Toulmengleuz, il sera arrêté en septembre 1942. François Tallec sera arrêté une seconde fois et réussira à s'évader. Esprit Jourdain, arrêté le même jour, mourra en déportation. Théophile Louarn, après l'arrestation de son frère, demandera à s'engager dans l'action résistante.

L'arrestation de Pierre Gueguin, Maire Communiste destitué de Concarneau, et de Marc Bourhis, leur exécution à Chateaubriant avec d'autres internés communistes et cégétistes dont Guy Môquet le 22 octobre 1941 en représailles de l'assassinat du lieutenant colonel Hotz à Nantes le 20 octobre 1941 par des résistants communistes parisiens, suscite une émotion profonde à Concarneau et une prise de conscience de l'occupation nazie.

Une manifestation spontanée a lieu au cimetière sur les tombes des familles.

Le 2 octobre 1941, des inscriptions badigeonnent les murs du Grand Hôtel et de l'entreprise Marscesche "A bas Laval", "Nous voulons du pain". Arrêté le 2 octobre, Fanch Caignec réussira à s'évader.

Au printemps 1942, le "Père Georges" (Venise Gosnat) organisateur régional du Parti Communiste prend contact directement avec René Lijour et lui annonce une prochaine arrivée d'armes. Un sous-marin anglais attendra aux Glénans que les Résistants viennent en prendre livraison. Le mot de passe est donné. Contact est pris avec Guillaume Bodere et son camarade Baudry (agent de liaison fusillé au mont Valérien). Les deux résistants se font reconnaître du sous-marin qui est bien à l'endroit prévu. Les containers pris en charge sont débarqués sur la côte bigoudène où trois membres du groupe dont René Lijour viendront les prendre pour les transporter dans la ferme du Vourgoat, en Melgven, chez Daoudal (également fusillé au Mont-Valérien). Des parachutages sont annoncés.

 

En septembre 1942, 35 résistants de Concarneau, communistes pour la plupart, sont mis hors de combat.

Le combat continue. Carduner tente de faire sauter le Pont-Minaouët. Il sera arrêté en septembre 1942 et mourra à Dachau. Mme Le Breton est arrêtée et déportée. Joseph Berthou, résistant du même groupe et syndicaliste, est arrêté à Thouars et fusillé à Poitiers le 3 décembre 1942.

Eugène Le Bris se rend à Nantes pour délivrer un camarade arrêté. D'une audace folle, il pénètre dans le bureau du juge Le Bras, l'abat avec son arme et libère son ami. En septembre 1942, ils sont arrêtés tous deux alors qu'une grande rafle de la Police de Vichy permet l'arrestation de presque toute l'organisation.

Alain Le Lay mourra à Auschwitz, comme Théophile Louarn.

Son arrêtés également Esprit Jourdain (mort en déportation), Daoudal (il sera fusillé), Fanch Touchard aussi (qui après sa première arrestation avait été relâché), André Herlédan, Armand Villard, Christophe Digoust, Charles Huchon, Jacques serre, Yves Le Gall (qui meurt en revenant de déportation), Joseph Dréano, Arthur Rioual, Mathias Lorc'h, Eugène Le Caignec, Louis Guiffant (de Trégunc), Yves Trichard, Jo Le Gall, Jean Bourbigot, Jean Trolezz, Charles Tocquet, André Herledan (père et fils), Louis Péron, Charles Dolliou, les frères Huon, Marie Jeanne Bodere.

René Lijour ayant réussi à échapper à l'arrestation, une vaste opération de police est montée le dimanche 27 pour perquisitionner à son domicile. Sa femme Lucie Lijour sera arrêtée et déportée.

Réné Lijour et quelques militants ayant réussi à passer entre les mailles du filet, la propagande allait pouvoir continuer.

Remi Nedellec, en contact avec Quimper, faisait parvenir les tracts. Le cheminot François Le Beux, au dépôt de Quimper, en fournissait également. Il devait mourir tragiquement sur sa machine lors d'une attaque de l'aviation anglaise.

Une caisse de secours aux familles des déportés et fusillés, sous l'égide du Secours Populaire, fut constituée et alimentée par des dons en argent et en nature.

La liaison avec René Lijour, malade, est reprise par Mme Le Caignec et Mme Duot. Les indications sont les suivantes: la haine de l'occupant s'est développée, il est mis en échec à Stalingrad, les conditions sont créées pour élargir le combat. La question de la création du Front National et de ses groupes de combat, les F.T.P.F, est posée.

 

Les F.T.P.F de Concarneau

La liaison reprise par René Lijour par Alphonse Duot (fils) qui était également en contact avec Robert Jan, un travail de réorganisation fut entrepris aussitôt en tenant compte de la nécessité de sauvegarder la sécurité de chacun des résistants. Une difficulté subsistait: la coupure avec le centre. Elle allait durer un certain temps, mais qu'importe, le travail fut entrepris quand même. A côté du groupe du Parti Communiste fut formé un groupe des Jeunes Communistes organisé en triangle pour les nécessités de la sécurité, dont Pierre Le Rose assure la direction jusqu'à la Libération.

Du matériel de propagande fut diffusé et affiché, notamment un journal: "L'étincelle", du nom du journal où écrivait Lénine.

Le recrutement devint intensif. Les jeunes de vingt ans et moins se constituèrent en groupe de F.T.P (Francs-Tireurs et Partisans Français). Il y avait parmi eux André Le Cras (Frédo), Yves Le Moal, Baptiste Pascal, Marcel Lancien, Paul Carduner, Henri Joncourt (tué ensuite en Algérie), José Le Goff. L'activité du groupe se développant, les contacts purent être établis avec l'état-major F.T.P d'une part, avec la direction du Parti Communiste d'autre part.

Le Commandant André (Louis Stephan, prisonnier évadé) vient bientôt à Concarneau. Les visites de Botch (Yves Boudigou) l'un des principaux responsables F.T.P étaient fréquentes. Les réunions avaient lieu dans la campagne, dans un champ, dans un bois. Le point était fait de la situation, de l'état des forces. Le "père Henri" (cheminot retraité du dépôt d'Auray), responsable régional du Parti Communiste et Leduc (entrepreneur à Plestin-les-Grèves), Capitaine F.T.P, vinrent également à l'époque à Concarneau.

Le grand problème, face au recrutement, était le manque d'armes. Deux groupes F.T.P de huit hommes s'organisèrent à Concarneau et un troisième groupe de huit également à la Forêt. Les chefs de groupes seuls se connaissaient. Ce cloisonnement assurait la sécurité, car les Résistants avaient tirés les leçons des expériences passées. Ces trois groupes appartenaient à la Compagnie "Sous-Marin Curie" du Sud-Finistère, mais formèrent bientôt la Compagnie Leclerc, le recrutement de nouveaux résistants s'étant intensifié. La Compagnie comprenait un chef de détachement, un responsable aux effectifs et un responsable au matériel. Elle était rattachée au Bataillon de La Tour d'Auvergne à Quimper. Les deux groupes concarnois avaient pris le nom de Pierre Guéguin et Marc Bourhis.

C'est Etienne Millour, de Fouesnant, qui en prit le commandement. La Compagnie étant en partie composée d'éléments de La Forêt et de Fouesnant. Les jeunes de ces localités allaient payer lourdement les combats libéra

La lutte se développe, mais les communistes paient un lourd tribut à la répression vichyste en 1941 et 1942

Alain Le Lay va et vient, organise les groupes de l'"Organisation Spéciale" (O.S) dans le département. La liaison avec le Centre est assurée par le "Père Georges" (Venise Gosnat, adjoint au maire d'Ivry). A une réunion de direction à Kerviniou, Alain Le Lay donne des indications sur l'organisation du travail clandestin.

En septembre 1941, la police de Vichy, au service des Allemands, sous les ordres du commissaire SOUTIF, va démanteler l'organisation clandestine du Parti et des Jeunesses Communistes et les groupes armés de l'Organisation Spéciale.

En septembre 1941, Berthou échappe à une arrestation de la police de Vichy venu à son domicile. Il est hébergé par Pierre Guillou jusqu'à Décembre et, clandestin, devra quitter le département. Entre-temps, Eugène Le Bris l'aura remplacé au triangle de direction. Après son retour à Toulmengleuz, il sera arrêté en septembre 1942. François Tallec sera arrêté une seconde fois et réussira à s'évader. Esprit Jourdain, arrêté le même jour, mourra en déportation. Théophile Louarn, après l'arrestation de son frère, demandera à s'engager dans l'action résistante.

L'arrestation de Pierre Gueguin, Maire Communiste destitué de Concarneau, et de Marc Bourhis, leur exécution à Chateaubriant avec d'autres internés communistes et cégétistes dont Guy Môquet le 22 octobre 1941 en représailles de l'assassinat du lieutenant colonel Hotz à Nantes le 20 octobre 1941 par des résistants communistes parisiens, suscite une émotion profonde à Concarneau et une prise de conscience de l'occupation nazie.

Une manifestation spontanée a lieu au cimetière sur les tombes des familles.

Le 2 octobre 1941, des inscriptions badigeonnent les murs du Grand Hôtel et de l'entreprise Marscesche "A bas Laval", "Nous voulons du pain". Arrêté le 2 octobre, Fanch Caignec réussira à s'évader.

Au printemps 1942, le "Père Georges" (Venise Gosnat) organisateur régional du Parti Communiste prend contact directement avec René Lijour et lui annonce une prochaine arrivée d'armes. Un sous-marin anglais attendra aux Glénans que les Résistants viennent en prendre livraison. Le mot de passe est donné. Contact est pris avec Guillaume Bodere et son camarade Baudry (agent de liaison fusillé au mont Valérien). Les deux résistants se font reconnaître du sous-marin qui est bien à l'endroit prévu. Les containers pris en charge sont débarqués sur la côte bigoudène où trois membres du groupe dont René Lijour viendront les prendre pour les transporter dans la ferme du Vourgoat, en Melgven, chez Daoudal (également fusillé au Mont-Valérien). Des parachutages sont annoncés.

 

En septembre 1942, 35 résistants de Concarneau, communistes pour la plupart, sont mis hors de combat.

Le combat continue. Carduner tente de faire sauter le Pont-Minaouët. Il sera arrêté en septembre 1942 et mourra à Dachau. Mme Le Breton est arrêtée et déportée. Joseph Berthou, résistant du même groupe et syndicaliste, est arrêté à Thouars et fusillé à Poitiers le 3 décembre 1942.

Eugène Le Bris se rend à Nantes pour délivrer un camarade arrêté. D'une audace folle, il pénètre dans le bureau du juge Le Bras, l'abat avec son arme et libère son ami. En septembre 1942, ils sont arrêtés tous deux alors qu'une grande rafle de la Police de Vichy permet l'arrestation de presque toute l'organisation.

Alain Le Lay mourra à Auschwitz, comme Théophile Louarn.

Son arrêtés également Esprit Jourdain (mort en déportation), Daoudal (il sera fusillé), Fanch Touchard aussi (qui après sa première arrestation avait été relâché), André Herlédan, Armand Villard, Christophe Digoust, Charles Huchon, Jacques serre, Yves Le Gall (qui meurt en revenant de déportation), Joseph Dréano, Arthur Rioual, Mathias Lorc'h, Eugène Le Caignec, Louis Guiffant (de Trégunc), Yves Trichard, Jo Le Gall, Jean Bourbigot, Jean Trolezz, Charles Tocquet, André Herledan (père et fils), Louis Péron, Charles Dolliou, les frères Huon, Marie Jeanne Bodere.

René Lijour ayant réussi à échapper à l'arrestation, une vaste opération de police est montée le dimanche 27 pour perquisitionner à son domicile. Sa femme Lucie Lijour sera arrêtée et déportée.

Réné Lijour et quelques militants ayant réussi à passer entre les mailles du filet, la propagande allait pouvoir continuer.

Remi Nedellec, en contact avec Quimper, faisait parvenir les tracts. Le cheminot François Le Beux, au dépôt de Quimper, en fournissait également. Il devait mourir tragiquement sur sa machine lors d'une attaque de l'aviation anglaise.

Une caisse de secours aux familles des déportés et fusillés, sous l'égide du Secours Populaire, fut constituée et alimentée par des dons en argent et en nature.

La liaison avec René Lijour, malade, est reprise par Mme Le Caignec et Mme Duot. Les indications sont les suivantes: la haine de l'occupant s'est développée, il est mis en échec à Stalingrad, les conditions sont créées pour élargir le combat. La question de la création du Front National et de ses groupes de combat, les F.T.P.F, est posée.

 

Les F.T.P.F de Concarneau

La liaison reprise par René Lijour par Alphonse Duot (fils) qui était également en contact avec Robert Jan, un travail de réorganisation fut entrepris aussitôt en tenant compte de la nécessité de sauvegarder la sécurité de chacun des résistants. Une difficulté subsistait: la coupure avec le centre. Elle allait durer un certain temps, mais qu'importe, le travail fut entrepris quand même. A côté du groupe du Parti Communiste fut formé un groupe des Jeunes Communistes organisé en triangle pour les nécessités de la sécurité, dont Pierre Le Rose assure la direction jusqu'à la Libération.

Du matériel de propagande fut diffusé et affiché, notamment un journal: "L'étincelle", du nom du journal où écrivait Lénine.

Le recrutement devint intensif. Les jeunes de vingt ans et moins se constituèrent en groupe de F.T.P (Francs-Tireurs et Partisans Français). Il y avait parmi eux André Le Cras (Frédo), Yves Le Moal, Baptiste Pascal, Marcel Lancien, Paul Carduner, Henri Joncourt (tué ensuite en Algérie), José Le Goff. L'activité du groupe se développant, les contacts purent être établis avec l'état-major F.T.P d'une part, avec la direction du Parti Communiste d'autre part.

Le Commandant André (Louis Stephan, prisonnier évadé) vient bientôt à Concarneau. Les visites de Botch (Yves Boudigou) l'un des principaux responsables F.T.P étaient fréquentes. Les réunions avaient lieu dans la campagne, dans un champ, dans un bois. Le point était fait de la situation, de l'état des forces. Le "père Henri" (cheminot retraité du dépôt d'Auray), responsable régional du Parti Communiste et Leduc (entrepreneur à Plestin-les-Grèves), Capitaine F.T.P, vinrent également à l'époque à Concarneau.

Le grand problème, face au recrutement, était le manque d'armes. Deux groupes F.T.P de huit hommes s'organisèrent à Concarneau et un troisième groupe de huit également à la Forêt. Les chefs de groupes seuls se connaissaient. Ce cloisonnement assurait la sécurité, car les Résistants avaient tirés les leçons des expériences passées. Ces trois groupes appartenaient à la Compagnie "Sous-Marin Curie" du Sud-Finistère, mais formèrent bientôt la Compagnie Leclerc, le recrutement de nouveaux résistants s'étant intensifié. La Compagnie comprenait un chef de détachement, un responsable aux effectifs et un responsable au matériel. Elle était rattachée au Bataillon de La Tour d'Auvergne à Quimper. Les deux groupes concarnois avaient pris le nom de Pierre Guéguin et Marc Bourhis.

C'est Etienne Millour, de Fouesnant, qui en prit le commandement. La Compagnie étant en partie composée d'éléments de La Forêt et de Fouesnant. Les jeunes de ces localités allaient payer lourdement les combats libéra

La lutte se développe, mais les communistes paient un lourd tribut à la répression vichyste en 1941 et 1942

Alain Le Lay va et vient, organise les groupes de l'"Organisation Spéciale" (O.S) dans le département. La liaison avec le Centre est assurée par le "Père Georges" (Venise Gosnat, adjoint au maire d'Ivry). A une réunion de direction à Kerviniou, Alain Le Lay donne des indications sur l'organisation du travail clandestin.

En septembre 1941, la police de Vichy, au service des Allemands, sous les ordres du commissaire SOUTIF, va démanteler l'organisation clandestine du Parti et des Jeunesses Communistes et les groupes armés de l'Organisation Spéciale.

En septembre 1941, Berthou échappe à une arrestation de la police de Vichy venu à son domicile. Il est hébergé par Pierre Guillou jusqu'à Décembre et, clandestin, devra quitter le département. Entre-temps, Eugène Le Bris l'aura remplacé au triangle de direction. Après son retour à Toulmengleuz, il sera arrêté en septembre 1942. François Tallec sera arrêté une seconde fois et réussira à s'évader. Esprit Jourdain, arrêté le même jour, mourra en déportation. Théophile Louarn, après l'arrestation de son frère, demandera à s'engager dans l'action résistante.

L'arrestation de Pierre Gueguin, Maire Communiste destitué de Concarneau, et de Marc Bourhis, leur exécution à Chateaubriant avec d'autres internés communistes et cégétistes dont Guy Môquet le 22 octobre 1941 en représailles de l'assassinat du lieutenant colonel Hotz à Nantes le 20 octobre 1941 par des résistants communistes parisiens, suscite une émotion profonde à Concarneau et une prise de conscience de l'occupation nazie.

Une manifestation spontanée a lieu au cimetière sur les tombes des familles.

Le 2 octobre 1941, des inscriptions badigeonnent les murs du Grand Hôtel et de l'entreprise Marscesche "A bas Laval", "Nous voulons du pain". Arrêté le 2 octobre, Fanch Caignec réussira à s'évader.

Au printemps 1942, le "Père Georges" (Venise Gosnat) organisateur régional du Parti Communiste prend contact directement avec René Lijour et lui annonce une prochaine arrivée d'armes. Un sous-marin anglais attendra aux Glénans que les Résistants viennent en prendre livraison. Le mot de passe est donné. Contact est pris avec Guillaume Bodere et son camarade Baudry (agent de liaison fusillé au mont Valérien). Les deux résistants se font reconnaître du sous-marin qui est bien à l'endroit prévu. Les containers pris en charge sont débarqués sur la côte bigoudène où trois membres du groupe dont René Lijour viendront les prendre pour les transporter dans la ferme du Vourgoat, en Melgven, chez Daoudal (également fusillé au Mont-Valérien). Des parachutages sont annoncés.

 

En septembre 1942, 35 résistants de Concarneau, communistes pour la plupart, sont mis hors de combat.

Le combat continue. Carduner tente de faire sauter le Pont-Minaouët. Il sera arrêté en septembre 1942 et mourra à Dachau. Mme Le Breton est arrêtée et déportée. Joseph Berthou, résistant du même groupe et syndicaliste, est arrêté à Thouars et fusillé à Poitiers le 3 décembre 1942.

Eugène Le Bris se rend à Nantes pour délivrer un camarade arrêté. D'une audace folle, il pénètre dans le bureau du juge Le Bras, l'abat avec son arme et libère son ami. En septembre 1942, ils sont arrêtés tous deux alors qu'une grande rafle de la Police de Vichy permet l'arrestation de presque toute l'organisation.

Alain Le Lay mourra à Auschwitz, comme Théophile Louarn.

Son arrêtés également Esprit Jourdain (mort en déportation), Daoudal (il sera fusillé), Fanch Touchard aussi (qui après sa première arrestation avait été relâché), André Herlédan, Armand Villard, Christophe Digoust, Charles Huchon, Jacques serre, Yves Le Gall (qui meurt en revenant de déportation), Joseph Dréano, Arthur Rioual, Mathias Lorc'h, Eugène Le Caignec, Louis Guiffant (de Trégunc), Yves Trichard, Jo Le Gall, Jean Bourbigot, Jean Trolezz, Charles Tocquet, André Herledan (père et fils), Louis Péron, Charles Dolliou, les frères Huon, Marie Jeanne Bodere.

René Lijour ayant réussi à échapper à l'arrestation, une vaste opération de police est montée le dimanche 27 pour perquisitionner à son domicile. Sa femme Lucie Lijour sera arrêtée et déportée.

Réné Lijour et quelques militants ayant réussi à passer entre les mailles du filet, la propagande allait pouvoir continuer.

Remi Nedellec, en contact avec Quimper, faisait parvenir les tracts. Le cheminot François Le Beux, au dépôt de Quimper, en fournissait également. Il devait mourir tragiquement sur sa machine lors d'une attaque de l'aviation anglaise.

Une caisse de secours aux familles des déportés et fusillés, sous l'égide du Secours Populaire, fut constituée et alimentée par des dons en argent et en nature.

La liaison avec René Lijour, malade, est reprise par Mme Le Caignec et Mme Duot. Les indications sont les suivantes: la haine de l'occupant s'est développée, il est mis en échec à Stalingrad, les conditions sont créées pour élargir le combat. La question de la création du Front National et de ses groupes de combat, les F.T.P.F, est posée.

 

Les F.T.P.F de Concarneau

La liaison reprise par René Lijour par Alphonse Duot (fils) qui était également en contact avec Robert Jan, un travail de réorganisation fut entrepris aussitôt en tenant compte de la nécessité de sauvegarder la sécurité de chacun des résistants. Une difficulté subsistait: la coupure avec le centre. Elle allait durer un certain temps, mais qu'importe, le travail fut entrepris quand même. A côté du groupe du Parti Communiste fut formé un groupe des Jeunes Communistes organisé en triangle pour les nécessités de la sécurité, dont Pierre Le Rose assure la direction jusqu'à la Libération.

Du matériel de propagande fut diffusé et affiché, notamment un journal: "L'étincelle", du nom du journal où écrivait Lénine.

Le recrutement devint intensif. Les jeunes de vingt ans et moins se constituèrent en groupe de F.T.P (Francs-Tireurs et Partisans Français). Il y avait parmi eux André Le Cras (Frédo), Yves Le Moal, Baptiste Pascal, Marcel Lancien, Paul Carduner, Henri Joncourt (tué ensuite en Algérie), José Le Goff. L'activité du groupe se développant, les contacts purent être établis avec l'état-major F.T.P d'une part, avec la direction du Parti Communiste d'autre part.

Le Commandant André (Louis Stephan, prisonnier évadé) vient bientôt à Concarneau. Les visites de Botch (Yves Boudigou) l'un des principaux responsables F.T.P étaient fréquentes. Les réunions avaient lieu dans la campagne, dans un champ, dans un bois. Le point était fait de la situation, de l'état des forces. Le "père Henri" (cheminot retraité du dépôt d'Auray), responsable régional du Parti Communiste et Leduc (entrepreneur à Plestin-les-Grèves), Capitaine F.T.P, vinrent également à l'époque à Concarneau.

Le grand problème, face au recrutement, était le manque d'armes. Deux groupes F.T.P de huit hommes s'organisèrent à Concarneau et un troisième groupe de huit également à la Forêt. Les chefs de groupes seuls se connaissaient. Ce cloisonnement assurait la sécurité, car les Résistants avaient tirés les leçons des expériences passées. Ces trois groupes appartenaient à la Compagnie "Sous-Marin Curie" du Sud-Finistère, mais formèrent bientôt la Compagnie Leclerc, le recrutement de nouveaux résistants s'étant intensifié. La Compagnie comprenait un chef de détachement, un responsable aux effectifs et un responsable au matériel. Elle était rattachée au Bataillon de La Tour d'Auvergne à Quimper. Les deux groupes concarnois avaient pris le nom de Pierre Guéguin et Marc Bourhis.

C'est Etienne Millour, de Fouesnant, qui en prit le commandement. La Compagnie étant en partie composée d'éléments de La Forêt et de Fouesnant. Les jeunes de ces localités allaient payer lourdement les combats libéra

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9 janvier 2016 6 09 /01 /janvier /2016 09:09

Dans une lettre datée du 16 octobre 1985, Pierre Le Rose donne à Pierre Crépel, un camarade de l'IRM (Institut de Recherche Marxiste) basé à Lanester, des renseignements complémentaires sur le Parti Communiste à la Libération, période qu'il a connue en tant que dirigeant et acteur. On trouve dans cette lettre des informations tout à fait importantes d'un point de vue historique qui justifient qu'on la publie, avec l'accord de la fille de Pierre Le Rose:

"L'audience du Parti était très grande dans le Finistère à la Libération. On évaluait les adhérents à 10 000 ou 12 000. Les cartes étaient placées aux réunions publiques au lendemain de la libération. L'organisation ne suivait pas. Mais dans les localités importantes (Brest, Morlaix, Quimper, Douarnenez, Concarneau), les cellules avaient des Bureaux et des activités réelles. Le premier pointage réel que j'ai pu faire en Avril 47 (je venais d'avoir la responsabilité de l'organisation fédérale) faisait apparaître plus de 7000 adhérents. Nous avons vu jusqu'à 12 000 personnes à nos fêtes fédérales (fête de la Bretagne, notre journal, avec Marcel Cachin; 40 000 personnes à Brest sur le cours d'Ajot avec Maurice Thorez le 6 juillet 1947). Parallèlement, les JC (44-45) puis l'UJRF (à partir d'avril 45) comptaient entre 9 et 10 000 adhérents (jeunes venus des FTP, jeunes filles très nombreuses). Les jeunes prenaient leurs responsabilités pour organiser les activités ( 400 Jeunes Communistes à Quimper, 200 à Concarneau, mêmes chiffre à Douarnenez; organisations existant dans les localités rurales du Centre Finistère, Riec sur Belon, etc...). Les meetings des JC rassemblaient autant et parfois plus d'auditeurs que le Parti. Ce sont les JC (garçons et filles) qui ont vite fourni les cadres du Parti (peut-être au détriment de l'organisation des jeunes).

L'audience du Parti est venue du combat clandestin, puis de l'activité des militants, des élus et des ministres communistes, activité qui continuait le combat national, le confirmait.

Dans des élections législatives à la proportionnelle, le Parti Communiste recueillait 70 000 voix en novembre 1945 (2 députés), 80 000 voix en mars 1946 (2 députés), 105 800 voix en novembre 1946 (3 députés sur 10 députés finistériens).

La part de la jeunesse et des femmes fut considérable dans cette période. Nous avions la première femme maire (Kernevel), des adjointes. Notre Parti faisait le plus confiance aux jeunes (Gabriel Paul, député et secrétaire fédéral à 26 ans), Marie Lambert, députée et secrétaire fédérale à 33 ans (idem dans les Côtes d'Armor avec Hélène Le Jeune). On retrouve des jeunes de nos fédérations bretonnes également à Ouest-Matin (sur Rennes comme correspondants).

La composition du Parti: bien sûr des ouvriers et des ouvrières d'usines dans le sud, mais aussi des paysans, des marins et des classes moyennes. A noter la présence d'enseignants, souvent secrétaires de cellules et sections. A noter, l'apport au Parti d'anciens SFIO (souvent les plus sectaires à l'égard des socialistes) et d'anciens soutiens des radicaux baillistes (région du Cap-Sizun). Cet apport a eu des effets positifs et négatifs sur le fonctionnement des cellules.

Après l'exclusion des communistes du gouvernement: le Parti, tel qu'il était composé, pouvait réagir vite et avec beaucoup d'allant aux mesures de Ramadier puis de Robert Schumann (c'était l'époque du Rapport Jdanov). D'où l'ampleur des grèves de 47, puis en 48, en 50 (Arsenal), en 52 (bâtiment), en 53 (fonctionnaires). Grèves aussi dans la conserve, les pêcheurs de Concarneau (1949), première guerre de marins ayant un caractère de classe (les grèves dans la pêche artisanale étaient jusque là plutôt dirigées contre les usiniers, les mareyeurs - cette fois-ci contre les armateurs industriels apparus à Concarneau pendant la guerre). On peut dire que l'audience du Parti, la participation de ses militants aux luttes, y compris aux luttes revendicatives dans la CGT, expliquent l'ampleur des luttes de cette période. Mais en même temps, le caractère de classe de ces actions écarte les classes moyennes. En 1951, nous perdons plus que d'autres départements aux élections (2 députés), probablement les couches gagnées entre 45 et 46 et nous stabilisons le 2 janvier 1956 (2 députés). Intéressant: la vague poujadiste à ces mêmes élections, Demarquet élu député.

Les luttes revendicatives se sont déroulées dans cette période sur un fond de combats politiques (guerre d'Indochine, Henri Martin, luttes pour la paix). On ne peut séparer la dureté de la répression à Brest en 50 (assassinat d'Edouard Mazé le 17 avril 1950 et plus de 20 blessés hospitalisés) de la politique de guerre froide donc pro-américaine du gouvernement. La question du débarquement d'armes à Brest était posée. A cette manifestation, Alain Signor et Marie Lambert, députés, furent arrêtés et jugés. Le procès d'Henri Martin à Brest en 1951 avait lieu pendant les grèves du bâtiment.

Les paysans étaient nombreux dans le parti avec la naissance d'une solidarité à l'égard des grévistes (envoi de pommes de terre, keufs, etc.). Dans le Centre Finistère, ils faisaient la liaison avec leurs propres luttes, constitutions de comités de défense paysannes, manifestations aux perceptions avec des charrettes de pommes de terres".

Archives Pierre Le Rose: Marcel Cachin à la Fête de la Bretagne

Archives Pierre Le Rose: Marcel Cachin à la Fête de la Bretagne

Archives Pierre Le Rose: les JC à la Libération?

Archives Pierre Le Rose: les JC à la Libération?

Henri Martin (carte postale militante du PCF) archives Pierre Le Rose

Henri Martin (carte postale militante du PCF) archives Pierre Le Rose

L'audience du Parti Communiste à la libération dans le Finistère
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6 janvier 2016 3 06 /01 /janvier /2016 17:12

Marie-Pierre Le Rose et sa sœur viennent de faire don au Parti Communiste du Finistère des archives de leur père, ancien résistant et ancien secrétaire départemental du Parti Communiste du Finistère, puis adjoint au maire à Concarneau.

C'est une joie et un honneur pour nous de pouvoir explorer ce passé de militant, ses documents issus de la Résistance, du CNR, ses lectures communistes, ses rapports, et à travers cela, de restituer une époque passionnante et inspirante de notre histoire.

Pierre Le Rose est le fils de Théophile Le Rose, né à Concarneau le 11 février 1900, qui était lui-même un militant communiste. Engagé à 18 ans, Théophile Le Rose était au dépôt de Brest au moment des événements faisant suite aux révoltes de la Mer Noire. Il était ami avec Théo Le Coz qui sera plus tard directeur de La Bretagne ouvrière, paysanne et maritime.

Voilier, Théophile succéda à son père à la tête de la voilerie artisanale et familiale employant cinq ouvriers. Pierre Le Rose est l'un de ses deux fils, qui naît le 10 février 1923 à Concarneau.

Théophile participe au mouvement populaire qui se développe après février 1934. Il adhère au Parti Communiste en 1935 et est présent dans les différentes activités du Front Populaire (campagne électorale de 1934 où Pierre Guéguin entre au Conseil Général, de 1935 avec l'élection aux municipales de la liste de front commun, de 1936 avec la victoire aux législatives). Il participe au soutien à l'Espagne Républicaine (accueil des réfugiés, organisation des Brigades Internationales). Il organise la manifestation départementale du Front Populaire le 7 juin 1936 à Concarneau, prépare la première fête de la Bretagne du Parti Communiste à Concarneau en août 1936 avec Marcel Cachin, réceptionne et achemine Jacques Duclos en novembre 1937. Théophile Le Rose développe aussi des relations étroites avec Alain Signor, élu au Comité Central au Congrès d'Arles en 1937. Il décède après la fête de l'Humanité de Garches, le 8 juillet 1938.

Son fils, Pierre Le Rose, commence à s'intéresser à la vie politique à partir des événements de 1934 et de 1936, de la construction du Front Populaire. Il participe aux manifestations comme enfant, lit "l'Huma" à laquelle son père est abonné. Il vend des Bonnets Phrygiens, insignes du Front Populaire, à la manifestation du 7 juin 1936: Pierre a alors 13 ans. Son père décède quand Pierre atteint sa quinzième année. En 1940, à dix-sept ans, il quitte l'école pour prendre la direction de la Voilerie qu'avait conservée sa mère au décès de Théophile. Il conserve un contact avec le Parti, désormais clandestin après les accords germano-soviétiques, et il a connaissance des premiers tracts du Parti Communiste, alors plus que jamais persécuté: l'appel du 10 juillet 1940 notamment.

Au printemps 1943, avec une équipe de jeunes amis, il constitue les premiers groupes de FTP de la région de Concarneau. Parallèlement, en liaison avec Alphonse Duot, secrétaire de la section clandestine du Parti à Concarneau (reconstituée à la suite des arrestations de 1942), il organise les groupes de la J.C, le Front National et plus tard les F.U.J.P et le Front Patriotique de la Jeunesse. Il rédige et confectionne des tracts, des journaux écrits à la main ("L'étincelle", organe du Parti et des J.C, "l'Insurrectionnel", bulletin du Front National). Il participe aux diverses actions des FTP, à la propagande du Parti et des Jeunesses Communistes, au recrutement. Au Printemps 1944, Pierre Le Rose participe à la création du Comité Local de Libération dont il devient le Secrétaire. Désigné par ses camarades de la Libération (le 15 août 1944 à Quimper, Concarneau n'est pas encore libérée), il devient membre du Comité Départemental de Libération pour représenter les "Forces Unies de la Jeunesse Patriotique". Il contribue dans ce cadre à la mise en place des délégations spéciales en remplacement des institutions de Vichy et à la réintégration des Conseils Municipaux dissous en 1939 par Daladier: Concarneau, Guilvinec, Léchiagat, etc.

Il devient membre actif du Front National (l'organe unitaire de la Résistance créé par les Communistes pour fédérer largement la résistance intérieure) pour lequel il fait ses premiers meetings (Douarnenez, avec Albert Trévidic), à Concarneau aux rassemblements des J.C dont il est membre du Bureau Régional. Pierre le Rose est coopté au Comité Régional du Parti Communiste mi-décembre 1944. Il prend la parole au Congrès du Front National présidé par Joliot-Curie en janvier 1945. Il est élu aux Etats généraux de la Renaissance Française le 14 juillet 1945. Pierre Le Rose était dans la délégation du Finistère au Congrès des JC constitutif de l'U.J.R.F début avril 1945. En mai 1946, Pierre Le Rose est élu au secrétariat fédéral du Parti Communiste (dont Marie Lambert, première députée femme du Finistère à la Libération, devint première secrétaire). Il restera à cette fonction sous la direction de Daniel Trellu (1949-1952) et sera élu secrétaire fédéral en février 1953. En mars 1956, Pierre Le Rose devient permanent d'Ouest Matin à l'agence de Brest et il fait son retour à Concarneau la même année. Il est secrétaire de la section de Concarneau entre 1957 et 1968. Des raisons de santé ne lui permettront pas de militer pendant quelques années et il quittera le Comité fédéral en 1968, pour y revenir en 1970 lors de la division du PCF finistérien en deux fédérations. Il sera élu trésorier fédéral en 1979.

Pierre Le Rose, infatigable militant, s'est aussi investi à la présidence des parents d'élèves du lycée dans le cadre de la FCPE, à l'ANCR, il a été secrétaire du Comité du souvenir de Châteaubriant, secrétaire du comité de jumelage de Concarneau dans lequel il s'est beaucoup investi pour développer, par-delà les souvenirs douloureux de la guerre, la fraternité franco-allemande. En 1977, il devient conseiller municipal de Concarneau et responsable du groupe communiste de 1977 à 1983.

section communiste de Beuzec, aujourd'hui rattachée à Concarneau (Archives Pierre Le Rose)

section communiste de Beuzec, aujourd'hui rattachée à Concarneau (Archives Pierre Le Rose)

Manifestation du Front Populaire à Concarneau, rue Dumont d'Urville (Archives Pierre Le Rose)

Manifestation du Front Populaire à Concarneau, rue Dumont d'Urville (Archives Pierre Le Rose)

Les Bretons à la fête de l'Huma de Garches, 1936 (Archives Pierre Le Rose)

Les Bretons à la fête de l'Huma de Garches, 1936 (Archives Pierre Le Rose)

Conflit de la Galoche, 17 décembre 1936-1er février 1937: le syndicat CGT des galochiers de Rosporden au complet (Archives Pierre Le Rose)

Conflit de la Galoche, 17 décembre 1936-1er février 1937: le syndicat CGT des galochiers de Rosporden au complet (Archives Pierre Le Rose)

Campagne militante des Jeunes Communistes, probablement à la Libération (Archives Pierre Le Rose)

Campagne militante des Jeunes Communistes, probablement à la Libération (Archives Pierre Le Rose)

Les Bigoudènes encadrent Rol Tanguy (chef FFI qui a libéré Paris, ancien métallo né à Morlaix, ancien des Brigades Internationales), Paul Le Gall (futur secrétaire départemental du Finistère-Sud), Alain Signor, responsable communiste depuis l'avant guerre, résistant, député à la Libération, et Pierre Le Rose (Archives Pierre Le Rose)

Les Bigoudènes encadrent Rol Tanguy (chef FFI qui a libéré Paris, ancien métallo né à Morlaix, ancien des Brigades Internationales), Paul Le Gall (futur secrétaire départemental du Finistère-Sud), Alain Signor, responsable communiste depuis l'avant guerre, résistant, député à la Libération, et Pierre Le Rose (Archives Pierre Le Rose)

Marcel Cachin dans le Finistère (Paul Le Gall à sa gauche, Pierre Le Rose à sa droite): une affection réelle liait Marcel Cachin et Pierre Le Rose (Archives Pierre Le Rose)

Marcel Cachin dans le Finistère (Paul Le Gall à sa gauche, Pierre Le Rose à sa droite): une affection réelle liait Marcel Cachin et Pierre Le Rose (Archives Pierre Le Rose)

Fête de l'Huma: les sud-finistériens à Meudon, 1959 (Archives Pierre Le Rose)

Fête de l'Huma: les sud-finistériens à Meudon, 1959 (Archives Pierre Le Rose)

Célébration communiste à Concarneau (Archives Pierre Le Rose)

Célébration communiste à Concarneau (Archives Pierre Le Rose)

Paul Le Gall, Piero Rainero, Daniel Trellu (ancien chef FTP du Finistère), Pierre Le Rose, Gaston Plissonnier

Paul Le Gall, Piero Rainero, Daniel Trellu (ancien chef FTP du Finistère), Pierre Le Rose, Gaston Plissonnier

Marchais dans un intérieur du sud Finistère avec une communiste "made in Breizh" (archives Pierre Le Rose)

Marchais dans un intérieur du sud Finistère avec une communiste "made in Breizh" (archives Pierre Le Rose)

Pierre Le Rose à un congrès de la FCPE (Archives Pierre Le Rose)

Pierre Le Rose à un congrès de la FCPE (Archives Pierre Le Rose)

Intervention de Pierre Le Rose à une conférence-débat avec Rol-Tanguy, le mardi 6 Novembre 1979 à Concarneau

" Vous qui restez, soyez dignes de nous, les 27, qui allons mourir".

Ces mots, écrits par Guy Môquet, ce jeune communiste de 17 ans, dans sa dernière lettre, quelques instants avant d'être fusillé dans la carrière de Châteaubriant, ont profondément marqué, dès qu'ils furent connus, les communistes concarnois.

Etre dignes d'eux, c'était poursuivre alors, dans les conditions de la guerre, contre l'occupant hitlérien et ses valets de Vichy, la lutte que ces 27 communistes fusillés le 22 octobre 1941 avaient entrepris, bien avant la guerre pour que les hommes et les femmes de ce pays vivent mieux, pour la liberté contre le fascisme et pour la Paix. "Plutôt Hitler que le Front Populaire" proclamaient à notre classe ouvrière et à notre peuple, ni l'union anti-fasciste, ni la victoire électorale, ni les conquêtes sociales de 1936. "Plutôt Hitler..." aboutissait à désigner pour le peloton d'exécution par un ministre français les 27 otages, fusillés parce que communistes suivant l'avis d'exécution paru à l'époque dans "l'Ouest-Eclair" et "la Dépêche de Brest", porte-paroles des allemands et du gouvernement Pétain Laval. La bourgeoisie collaborationniste se vengeait en frappant ces ouvriers et ces intellectuels communistes, de la grande peur ressentie les années précédentes face à l'union réalisée entre les forces de démocratie et les possibilités qu'avait cette union de grandir encore davantage. Aussi livrait-elle aux Allemands ces communistes pour lesquels elle avait construit ses camps d'internement. Elle frappait Charles Michel, le député, Pierre Semant et Jean-Pierre Thimbault, les militants syndicalistes, Guy Moquêt, fils de député communiste, Grandel, le maire de Gennevilliers, Pierre Guéguin, le Conseiller Général et Maire Communiste de Concarneau, Marc Bourhis, militant syndicaliste et antifasciste, dont le père était un adjoint au maire de la Municipalité de Front Populaire de Concarneau.

Oui, durant toute la guerre contre l'occupant, les communistes de Concarneau ont été dignes de la juste cause pour laquelle combattaient ceux de Châteaubriant. Ils ont, avec patience, multiplié les efforts d'information de la population, remontant son moral, montrant les possibilités de la Victoire, donnant confiance. Ils sont passés aux actions de sabotage contre les installations de l'occupant, à la lutte armée avec la formation de l'Organisation Spéciale (l'O.S) dont Alain Le Lay fut l'un des actifs organisateurs. Ils ont entrepris au printemps de 1942 les liaisons avec les sous-marins et puis la livraison, par mer, des premiers envois d'armes par les anglais. Aussi la répression les a t-elle durement frappés et comme Alain Le Lay, sont morts en déportation (après la rafle des policiers de Vichy conduits par le Commissaire des Renseignements Généraux, en septembre 1942) Théophile Louam, Esprit Jourdain, Carduner de Lauriec, Yves Le Gall, Auguste Soulfès. Joseph Berthou et Eugène Le Bris étaient fusillés.

Mais la lutte continuera. Trente-cinq résistants de l'organisation communiste sont mis hors de combat, mais l'organisation se reconstituera. Les jeunes viendront nombreux dans les détachements de F.T.P dont les premiers détachements concarnois prendront les noms de Pierre Guéguin et Marc Bourhis, marquant leur fidélité aux idéaux qui animaient les fusillés de Châteaubriant. L'organisation du Front National prendra de l'extension, multipliant ses efforts d'union de tous les patriotes pour une France Libre et Indépendante, tandis que l'organisation du Parti Communiste et celle des Jeunesses Communistes recruteront à Concarneau et dans les alentours plus d'une centaine d'adhérents, distribuant des tracts clandestins, collant des affichettes, publiant à deux reprises un journal polycopié "L'Etincelle". Bientôt naîtra une compagnie entière de la Milice Patriotique qui allait devenir la 7e Compagnie des F.T.P. L'autre compagnie, la 5e, portant le nom de Leclerc (ses membres voulant montrer l'unité de combat entre les Forces de la France Libre et celles "sans uniforme") perdait son chef, un jeune fouesnantais de 20 ans, notre camarade Etienne Millau dans le combat de Kernabut le 14 juillet 1944, tombé en même temps que Massé et Hervé, deux forestois.

Etre dignes du combat des 27 de Châteaubriant, c'était également après le débarquement entreprendre l'unification de toutes les forces de la Résistance, unir dans une même organisation ceux qui par des chemins différents, sous des formes diverses, avaient menés de longs mois, de longues années, le même combat, avec le même mérite, les mêmes sacrifices pour les mêmes buts: chasser l'envahisseur, rendre aux français leur liberté et à la France son indépendance. Aussi dans les combats libérateurs les FFI formaient une seule force, sous un commandement unique et les comités de libération rassemblaient toutes les opinions de notre population pour rétablir la démocratie, à l'image du Conseil National de la Résistance, pour soutenir le Gouvernement provisoire de la République au sein duquel toutes les tendances étaient représentés...

Etre dignes d'eux, c'était depuis, - et c'est encore aujourd'hui - poursuivre le combat et l'effort de rassemblement pour le bonheur des hommes, la liberté, l'Indépendance de notre pays, pour sauvegarder la Paix. Nous pensons, nous communistes, depuis trente ans, avoir mené ce combat sans défaillance aussi bien contre la guerre d'Indochine, contre la guerre d'Algérie que contre l'oppression partout où elle se manifeste dans le monde. Nous avons conscience de le faire aujourd'hui quand nous voulons rassembler, unir notre peuple afin qu'il gagne lui-même une vie meilleure, qu'il contribue au désarmement et à l'entente entre les peuples, qu'il avance vers toujours plus de démocratie, de liberté, de droits pour l'homme.

La grande leçon de la résistance, c'est l'invincibilité de notre peuple quand il est uni. A cette union les communistes ont conscience d'avoir contribué. Nous persévérerons dans cette voie pour unir toutes les forces vives de ce pays, pour comme il y a trente-cinq ans, nous trouver ensemble, "celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas"...

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19 août 2014 2 19 /08 /août /2014 07:20

 

Le Parti communiste naît en 1921 (il ne prendra ce nom qu'en 1922) à l'issue du Congrès de Tours de la SFIO qui voit une majorité de congressistes adhérer aux conditions de l'Internationale Communiste créée en 1919, dans le sillage de la révolution russe.

Le choix des militants socialistes qui rallient le communisme est dicté par la critique d'une direction jugée trop réformiste, opportuniste, bourgeoise, qui avait justifié la stratégie d'Union Sacrée pendant la guerre. Mais aussi par l'enthousiasme suscité par les promesses de monde nouveau portées par la révolution russe et le renouveau de l'espoir révolutionnaire qu'elle porte. 

La minorité critique vis à vis de la ligne de défense nationale et de guerre à outrance est montée en puissance entre 1916 et 1920. Ébranlés par l'horreur de la guerre et la passivité voir la complicité des dignitaires socialistes vis à vis de généraux et d'hommes politiques sacrifiant les hommes inutilement, beaucoup de militants ressentent le besoin d'un redressement moral, d'une réappropriation de la tradition ouvrière et révolutionnaire du socialisme.

Parmi les 80% d'adhérents de la fédération de la Seine, la plus importante de la SFIO, qui votent l'adhésion à la Troisième Internationale, un certain nombre sont d'origine bretonne, dont Marcel Cachin, le directeur de l'Humanité depuis octobre 1918, leur chef de file. Ces majoritaires qui font le choix de la régénération populaire, révolutionnaire, pacifiste et internationaliste de la SFIO. Ils comptent dans leurs rangs moins d'élus, de députés, de professions libérales que ceux qui se rangent derrière la motion Blum (60% sont des élus parmi les partisans de la motion Blum, 25% parmi ceux de la motion Cachin-Frossard) mais plus d'ouvriers, d'instituteurs, de jeunes, à l'écoute de la déception des masses rurales vis à vis de la politique de guerre, écœurés par ce qu'ils ressentent parfois comme les dérives oligarchiques d'élus plus préoccupés par le pouvoir et ses petits privilèges que par le militantisme pour changer la société.

La rupture avec les pratiques parlementaires sociales-démocrates est à l'ordre du jour. Le climat social agité à la fin de la guerre et de l'immédiate après-guerre, l'aspiration à une politique de Paix de beaucoup de français d'origine populaire font monter, en même temps que les adhésions syndicales, les effectifs de la SFIO et beaucoup de ces nouveaux militants réclament un nouveau souffle pour le Parti et voient d'un bon œil la révolution russe.

Nationalement, selon Yves Santamaria (Histoire du Parti communiste français, La Découverte. 1999), la SFIO avait doublé en 1919 ses effectifs par rapport à 1914: la guerre a joué comme un vecteur de politisation à gauche, en rupture avec la société bourgeoise.

Toutefois en novembre 1919, c'est une Chambre bleu horizon, et une droite revancharde qui sort gagnante des élections législatives. Les socialistes ont moins de députés qu'en 1914, malgré les progrès en voix. Nombre de grandes grèves de 1920 aboutissent à des échecs. L'époque est à la remise en question, et peut-être aussi à la remise en cause de l'indépendance syndicale par rapport au politique, qui doit retrouver les chemins révolutionnaires du syndicalisme tout en lui proposant un débouché global dans la promesse d'une autre société.

Ainsi, écrit Jean-Jacques Monnier dans Histoire d'un siècle Bretagne 1901-2000 L'émancipation d'un monde publié en 2010 chez Skol Vreizh, en Bretagne au lendemain de la guerre, « le Parti Socialiste progresse et quadruple ses effectifs entre 1918 et 1920. Les adhérents les plus anciens comme les élus sont opposés à l'adhésion à la IIIe Internationale (communiste), enjeu du congrès national réuni en décembre 1920 à Tours, mais une nette majorité des militants y semble favorable. Même s'ils sont peu nombreux – les Bretons disposent de cinq fois moins de mandats qu'un département comme le Nord-, les deux tiers de leurs délégués, menés par la Rennaise Louise Bodin, se déclarent favorables à l'adhésion... Malgré ses positions en pointe contre l'occupation de la Ruhr en 1923 ou la guerre du Rif au Maroc, le PC décline en Bretagne suite à la bolchevisation imposée par Moscou à partir de 1923: les effectifs vont chuter de moitié et Louise Bodin quitte le parti en 1926 » (p.136).


 

Louise Bodin, la « bolchevique aux bijoux ».

 Née en 1877, cultivée, issue d'un milieu bourgeois, la parisienne Louise Berthaux s'installe à Rennes, ville qu'elle n'aimait guère, après son mariage avec le professeur de l'école de médecine de Rennes Eugène Bodin.  En révolte contre son milieu social, elle surmonte le remords d'être une privilégiée en prenant le parti de la Révolution et des dominés. Certains rennais la surnommaient la « bolchevique aux bijoux » : c'est également le titre de sa biographie par Colette Cosmier (La bolchevique aux bijoux, Louise Bodin - édition Pierre Horay – 1988). Les militants communistes la surnommeront eux la « Bonne Louise » après 1922. Louise Bodin fait partie des rennaises qui ont fondé le groupe local de l'Union Française pour le vote des femmes. Avant et pendant la guerre, elle professe des idées pacifistes. En 1917, elle est avec Colette Reynaud la fondatrice et la l'animatrice du journal « La voix des femmes » où collaborent des féministes connues comme Nelly Roussel et Hélène Brion. Elle écrit beaucoup d'articles, pour le Populaire, L'Humanité en particulier. En 1920, au congrès de la SFIO, elle est élue pour devenir membre de la commission administrative del'Humanité. Elle adhère en 1920 à la IIIème Internationale et va jouer un rôle majeur pour l'implantation du Parti Communiste en Ile-et-Vilaine. Elle devient secrétaire de la Fédération départementale du PC en 1921, et membre du Comité Directeur du Parti Communiste où elle défend la ligne la plus à gauche, celle de Souvarine. Elle crée le journal la « Voix Communiste » à Rennes, qui fusionnera avec le journal communiste brestois « Germinal » pour former « la Bretagne Communiste » de 1923 à 1926, qu'elle anime quand la maladie lui en laisse la possibilité. En 1926, elle représente le parti à l'Internationale Communiste. Elle rallie l'opposition à la direction du PC soviétique et rompt ses liens avec le PC français dans la foulée. Elle meurt en 1929, trois ans après, à Rennes.

 

Avant le congrès de Tours, la fédération socialiste du Finistère avait déjà donné des signes d'émergence d'une critique radicale de la direction SFIO, de poussée à gauche et d'éclatement possible.

C'est ce que raconte Claude Geslin dansToute l'histoire de la Bretagne Des origines à nos jours (Skol Vreizh, 2012):

«  Pendant l'année 1918 et en 1919, l'évolution des socialistes vers le pacifisme est beaucoup plus radicale. La propagande antimilitariste brestoise reprend de plus belle au lendemain de la guerre pour protester contre le départ de Brest de convois destinés à ravitailler les ennemis des Bolcheviks. Des grèves de dockers éclatent à l'occasion. Dans le même temps, les Fédérations socialistes bretonnes voient leur influence grandir et elles se structurent. Celle du Finistère passe de 400 adhérents en 1918 à 900 en 1919 et 1500 en 1920. Mais se pose le problème de l'adhésion à la 3e Internationale. A Brest, les deux députés du Finistère, Masson et Goude, ainsi que Nardon, le maire de la ville, suivent le centre-reconstructeur de Longuet. Mais une minorité importante se dégage bien vite en faveur de l'adhésion. Elle grandit à tel point qu'elle l'emporte largement au congrès de Brest, le 5 décembre 1920, destiné à préparer le congrès de Tours. La nouvelle majorité refusant d'appliquer la représentation proportionnelle traditionnelle au comité fédéral, malgré la désapprobation des instances nationales du Parti Socialiste, la minorité d'E. Goude qui contrôle Le Cri du Peuple quitte la Fédération le 18 décembre. Un comité fédéral est mis en place. Ainsi, avant Tours, une fédération socialiste bretonne a déjà éclaté préfigurant ce qui va se passer sur le plan, national ».

Les mandats au congrès de Tours des socialistes bretons vont dans le sens de ceux de la majorité des socialistes français: dans l'Ile et Vilaine, 8 pour Cachin, 4 pour Longuet, 3 pour Blum, et dans le Finistère 26 sur 36 pour l'adhésion à la 3e Internationale...

 

Après la scission politique entre SFIO vieille maison et SFIC, c'est autour de la CGT de se fissurer suite à l'exclusion des communistes, réunis dans les Comités Syndicalistes Révolutionnaires. Les anarchistes, nombreux à la CGT, se partagent entre la CGT légitimiste et la CGTU communiste où ils cherchent à contrebalancer l'influence des communistes. Beaucoup seront poussés à la sortie néanmoins comme R. Martin à Brest, qui redeviendra en 44 secrétaire CGT des métaux, puis secrétaire de l'UL CGT de 1948 à 1950, avant de passer à la CGT-FO.

 

Marcel Cachin

Marcel Cachin

L'une des figures les plus marquantes du socialisme, puis du communisme français au 20e siècle, est bretonne et bretonnante. Marcel Cachin naît le 20 septembre 1869 dans le petit bourg de Plourivo, à côté de Paimpol. Son père est gendarme, sa mère fileuse de lin. Excellent élève, il fait ses études au lycée de Saint Brieuc, puis de Rennes, et enfin à l'Université de Lettres de Bordeaux où il sera professeur de philosophie pendant 15 ans. Il s'engage au Parti Ouvrier Français de Jules Guesde et de Paul Lafargue et en 1900, il devient conseiller municipal de Bordeaux. A Amsterdam en 1904, il se prononce pour l'unification des socialistes puis devient délégué à la propagande de la SFIO, écumant les meetings partout en France pour le compte du parti pendant 7 ans. Dès les années 1900, il s'engage contre le colonialisme, et entreprend entre 1908 et 1911 des voyages en Algérie dont il fait des nombreux compte-rendus. En 1912, il remplace Paul Lafargue comme rédacteur del'Humanité. En 1914, il est élu député du 18e arrondissement de Paris. Au déclenchement de la guerre, il est partisan de l'Union Sacrée et du Gouvernement de Défense Nationale. Le Gouvernement lui confie une mission auprès de Mussolini, alors dirigeant syndical socialiste, pour mener une campagne en faveur de l'entrée en guerre des Italiens avec la France et la Grande-Bretagne. Il est aussi en 1917 à Saint-Pétersbourg avec deux autres députés socialistes pour persuader Kerensky et le gouvernement provisoire de continuer la guerre contre l'Allemagne. Le 27 décembre 1918, il devient directeur de L'Humanité. Il le restera jusqu'à sa mort en 1958. Du 13 juin au 12 août 1920, Cachin fait partie avec Frossard des deux « pèlerins » envoyé par la direction de la SFIO à Moscou et Pétrograd pour envisager la possibilité d'une reconstitution de l'Unité de l'Internationale Socialiste après la faillite des mouvements sociaux-démocrates pendant la guerre, la révolution bolchevique, l'écrasement de la révolution spartakiste. Frossard, secrétaire général de la SFIO, avant son voyage en Russie, est hostile à une importation des pratiques bolcheviques autoritaires en France, à la notion de dictature du prolétariat.

Cachin, tout en étant marqué évidemment par la tradition démocratique et parlementaire du socialisme français, croit aux promesses de la Révolution Russe et considère que l'Unité de l'Internationaliste Socialiste ne peut se faire qu'autour du Komintern et de Moscou. Au début de leur voyage, Cachin et Frossard sont mal reçus par Lénine et aux blessures d'amour-propre s'ajoutent, pour les deux dirigeants, les impressions défavorables: misère, terreur policière (« Lénine, note Cachin, parle à tout instant de faire fusiller les gens »). Froissard et Cachin, sous peine d'être exclus de Russie sont plus ou moins sommés d'adhérer individuellement à la IIIe Internationale après avoir dû se repentir de la stratégie d'Union Sacrée. Ils plaident en vain pour que Longuet puisse rejoindre l'internationale communiste , lui qui était du parti de la Paix à partir de 1916, même s'il a eu des démêlées avec d'autres partisans pacifistes du camp zimmerwaldien proches des bolcheviks et refuse de considérer la scission inévitable. Ils sont là bas en concurrence avec les délégués de l'ultra-gauche de la SFIO, le Comité de la IIIe Internationale de Boris Souvarine, qui les soumet à des critiques féroces auprès des bolcheviques. Peu à peu pourtant, la « conversion » s'opère au fil des discussions et dans l'enthousiasme du Congrès de l'Internationale Communiste le 19 juillet 1920. Au retour en France, Cachin et Frossard taisent les éléments à charge sur le nouveau Régime, justifient la dictature du prolétariat, la violence bolchevique, par le danger et les armes de la Réaction. Cachin situe le communisme dans la tradition française: « un communiste est un jacobin lié au prolétariat ».

Au retour de Russie, dans ses Carnets, Marcel Cachin écrit: « L'agonie de la IIe Internationale... c'est la fin tragique d'un temps, d'une époque du socialisme qui fut grande et féconde: les évènements sont venus, qui ont hâté la dissolution de cet organisme qui n'a pu survivre à 1914. (…). Mais c'est un fait certain: c'est que dans les grandes lignes, la méthode, la tactique nouvelles sont fixées; il faut agir dans le sens de Moscou, car d'abord ils ont montré le chemin et ont déjà accompli une moitié de leur tâche, celle qui est la moins aisée, la destruction du régime de l'argent » (cité par Romain Ducoulombier dans Camarades La Naissance du Parti Communiste en France, éd. Perin, 2010 – p. 208).

Du 25 au 30 décembre 1920, Marcel Cachin sera avec Frossard, Clara Zetkin, Boris Souvarine, Vaillant-Couturier, un des artisans de la victoire du camp de l'adhésion à la IIIe Internationale et aux conditions de Moscou, face à la minorité fidèle à la IIe Internationale: Longuet, le gendre de Marx, pourtant minoritaire pacifiste et hostile à l'Union Sacrée pendant la guerre, Blum, Sembat, et la droite de Renaudel.

Cachin devient membre du Comité Directeur de la SFIC, futur parti communiste, et fait partie des 8 membres sur 24 qui sont restés en place après quelques années, alors que seize sont exclus ou démissionnent. En 1922, Froissard lui-même est contraint à la démission puisque Trotski refuse l'appartenance à la franc-maçonnerie dans les rangs de l'IC. Au lendemain de la mort de Lénine en 1924, Cachin reste fidèle à la direction du Parti Communiste Russe et à Staline, contrairement par exemple à Souvarine et à la gauche du PCF, favorables à Trotski, et qui ne tardent pas à se faire exclure.

Sous l'égide de Cachin, l'Humanité se transforme en organe du PCF à partir du 8 février 1923 et le 4 octobre 1924, elle arbore la faucille et le marteau avec une citation de Lénine. Le journal compte 200 000 lecteurs pour un Parti Communiste comptant 900 000 électeurs à l'époque. En 1924, Cachin est condamné à un an de prison pour avoir appelé à ne pas participer à la guerre coloniale du Rif. La même année, il est nommé membre du Comité Exécutif de l'Internationale Communiste.

Dans les années 30 , où l'influence politique communiste s'étend au niveau national, Marcel Cachin est un des partisans de la mise en place d'un Front Populaire de vigilance anti-fasciste avec les socialistes et les radicaux. La lutte contre « l'impérialisme français », qui vaut au Maroc, en Syrie, en Algérie, en Indochine, en Alsace (dont le PCF défend un statut d'autonomie depuis son rattachement à la France en 1918) produit aussi dans une certaine mesure un regard bienveillant vis à vis de l'affirmation des cultures populaires régionales, et des revendications identitaires, bretonnes notamment

Marcel Cachin est également très attaché à la Bretagne, on le verra faire des discours en breton aux fêtes communistes dans le pays bigouden. En mars 1935, il participe aux côtés de l'abbé Perrot, d'Olier Mordrel (le futur militant fasciste breton), à l'enterrement de son ami Yann Sohier, le fondateur d'Ar Falz (la Faucille), un groupe de défense e l'enseignement de la langue bretonne à l'école publique par fondé par des instituteurs laïques progressistes (avant de rejoindre le PNB, Yann Sohier était très proche du communisme). Il faut savoir que dans les années 1920 à 1932, le PCF analyse de manière favorable le développement du mouvement autonomiste, dans la lignée de la politique officielle de promotion des nationalités à l'encontre de l'impérialisme russe tsariste de l'URSS. En 1932, L'Humanité est ainsi un des rares journaux à ne pas condamner l'attentat de la mairie de Rennes contre le monument de l'Union de Bretagne à la France (perpétré probablement par le chimiste et futur fondateur de l'unité SS Bezen Perrot Célestin Lainé). Jean-Jacques Monnier raconte dans Résistance et conscience bretonne 1940-1945 (Yoran Embanner, 2007) qu'en 1932 toujours, «  la visite d'Edouard Herriot, président du Conseil, à l'occasion du quatrième centenaire du « Traité d'Union », donna lieu dans l'Humanité à ce titre sans ambiguïté: « Le pacifiste Herriot fête en la Bretagne le réservoir des troupes fraîches » puis au commentaire suivant: Il n'a point parlé de l'écrasement de toute civilisation celtique par la France, de l'abandon culturel où le pays dominateur a laissé la Bretagne, refusant de reconnaître la langue du pays, détruisant toute culture, étendant l'ignorance. Réservoir d'hommes, parc à boucherie de guerre, c'est tout ce qu'Herriot considère en Bretagne » (8 août 1932).

Cachin souhaite le développement et une meilleure reconnaissance de la culture et de la langue bretonne, cette dernière qu'il considère comme « la langue des paysans et des socialistes bretons ». A un moment où le PCF tend à se rapprocher du patriotisme français jacobin propre au reste de la Gauche avec la stratégie du Front Populaire, Marcel Cachin prend la tête du groupe des Bretons Emancipés, une organisation communisante anti-fasciste implantée dans l'importante diaspora bretonne en région parisienne: on y retrouve l'ethnologue et peintre Creston, de Saint-Nazaire. De mai 37 à juin 39, Marcel Cachin dirige la revue « War Zao » (« Debout »), dont le sous-titre est « contre le fascisme oppresseur des individus et des Peuples, dressons le Front Populaire breton ». « War Sao » publie les paroles de l'Internationale en breton adaptées par le morlaisien, membre pendant la guerre du PNB, Delalande-Kerlann, alors secrétaire général d'Ar Falz. Le journal préconise aussi l'hymne national breton, le Bro goz, proposé par Taldir Jaffrenou en 1905, mais en fait traduit en breton quelques années avant par un pasteur gallois. Dès le numéro 1 de la revue « War Sao », Marcel Cachin précise l'optique du mouvement:

« … nous sommes décidés en même temps à défendre les legs émouvants des générations qui ont fait des Bretons ce qu'ils sont aujourd'hui. La langue bretonne, la

culture bretonne, la tradition bretonne, nous voulons ici les respecter et les faire aimer. Nous voulons être les plus hardis pionniers et constructeurs de la véritable civilisation humaine de demain. Mais nous contribuerons à cette grande oeuvre avec les qualités et les vertus propres du peuple dont nous sommes issus, dont nous sommes fiers (...) ». (cité par Jean-Jacques Monnier, Résistance et conscience bretonne. p.33).

Dans les colonnes de « War Sao », poursuit Jean-Jacques Monnier, on lit les articles de Creston, de Eliès en Breton (alias Abeozen) et la publicité en faveur de la méthode de breton de l'instituteur Yann Sohier, le père de Mona Ozouf, fondateur d'Ar Falz-Skol Vreizh. Elle s'intitule Me a lenno(« Je lirai »). Plusieurs des Bretons Emancipés vont s'engager dans la Guerre d'Espagne au côté des Brigades Internationales comme René Hamon, mort au combat sur le front de l'Ebre, Joseph Loisel, Emilienne Morin (la compagne quimpéroise du dirigeant anarchiste Buenaventurra Durruti, assassiné le 19 novembre 1936), Jean Cremet, futur résistant ... (cf. Jean-Jacques Monnier, opus cité. p. 36).

En 1939, le PCF est interdit en raison du Pacte Germano-Soviétique: Marcel Cachin se réfugie dans son Goëlo natal. Les Allemands viennent l'y arrêter en 1941 et le contraignent à signer un document il condamne publiquement les attentats individuels des premiers francs-tireurs engagés dans la Résistance contre l'Allemagne. Des extraits de cette déclaration seront utilisés à grande échelle par les Allemands sur des affiches en mai-juin 1942, au moment où la résistance armée communiste s'affirme. Les militants communistes des FTP bretons dirigés par Charles Tillon, Louis Bon, mareyeur à Saint-Brieucx, « enlèvent » début août 1942 Marcel Cachin et le placent en lieu sûr, dans la clandestinité en région parisienne. A la Libération, Marcel Cachin est placé en retrait par le parti, tout en étant couvert d'éloges et en continuant à écrire des articles, à avoir une activité parlementaire.

 

(une des sources d'information , le blog:http://www.ablogjeanfloch.com/article-marcel-cachin-un-breton-dans-le-mouvement-ouvrier-51022546.html).

 

En Bretagne, suite au Congrès de Tours, les socialistes sont nombreux à devenir communistes, particulièrement dans le Finistère et en Ile-et- Vilaine. Mais dans les années 20, la SFIO prend rapidement l'ascendant, y compris dans les secteurs ouvriers comme Saint-Nazaire.

La dureté de la discipline et de la bolchevisation à l'intérieur du PCF, sa ligne un peu sectaire classe contre classe, le dynamisme retrouvé de la SFIO, plus proche des attentes d'une région globalement modérée et peu industrialisée, vont être cause que le nombre de communistes sera inférieur à celui des socialistes en Bretagne dans les années 1920-1930, et celui de leurs électeurs très largement inférieur.

Ainsi en 1936, des circonscriptions bretonnes donnent des indications significatives: « à Fougères, le socialiste Helleux obtient 1959 voix et Macé (PC), 404. A Saint-Malo 1ère, le SFIO Gonnon a 4999 voix (30% des inscrits) et le PC Wascat en obtient 159 (0,9%). A Saint Malo 2ème, Jezequel (SFIO) a 2363 voix et Lebideau (PC) 420. A Rennes 1ère, Aubry (SFIO) précède avec 5685 voix le communiste Drouillas (717); dans Rennes 2e, c'est le socialiste Quessot (5146 voix et 22% des inscrits) qui précède Le Roy (PC et 1035 voix). Partout le PC est largement distancé au 1er tour » (Claude Geslin, « Industrie et mouvement ouvrier de 1914 à 1945).

En revanche, les socialistes parviennent à administrer de grandes municipalités bretonnes dans l'entre-deux guerres: Rennes (1925), Lorient (1925), Saint-Nazaire (1925), Nantes (1935), Lanester, … En 1928, la SFIO compte 3 députés bretons ( Goude à Brest, Masson à Châteaulin, Blancho à Saint-Nazaire), puis elle en comptera 4 en 1932 et 8 en 1936 (dont 4 en Loire-Inférieure), grâce en partie à l'abandon de sa stratégie classe contre classe par le PCF et à sa stratégie d'Union de la gauche.

Le PCF gagne des voix en 1936 en Bretagne, mais dans une moindre mesure. En 1936, grâce à la stratégie du Front Populaire, le PCF compte 288 000 adhérents, réalise 15,2% des suffrages exprimées sur le plan national aux élections législatives du 23 avril et 2 mai, et compte 73 députés, mais il n'y en a aucun en Bretagne.

Dans l'ensemble, du fait du poids du conservatisme dans la région et du caractère limité de la population ouvrière, du manque de dynamique locale et nationale, d'une gestion très autoritaire et sélective (ouvriérisation oblige) des militants, de la répression patronale et policière qui s'abat sur les ouvriers qui lèvent la tête, et qui contraint de nombreux syndicalistes, cadres du PCF, à s'exiler à Paris, les effectifs des adhérents communistes en Bretagne sont faibles dans les années 30.

Eugène Kerbraul, dans Chronique d'une section communiste de province (Brest 1935-1943) avance le chiffre extrêmement faible de 130 adhérents de la « région Bretonne Finistère-Morbihan » au début 1934, répartis surtout sur la zone côtière du sud-Finistère.

Au printemps 1935, dans un contexte de combativité ouvrière retrouvée sous le gouvernement réactionnaire de Pierre Laval, et avec la stratégie d'union de la gauche et de Front commun contre le fascisme, les effectifs quadruplent, avec 500 adhérents.

 

L'exemple de Brest

Les années 1935-1936 marquent un tournant dans l'histoire sociale et politique des villes bretonnes. On peut prendre l'exemple de Brest pour le montrer.

En août 1935, de violents combats opposent les ouvriers de l'arsenal aux forces de l'ordre suite à la volonté du gouvernement et du préfet de réprimer un mouvement revendicatif contre un décret réduisant les salaires à l'arsenal. Les arrestations s'enchaînent mais les ouvriers vont être plus forts grâce à la réunification syndicale que le PCF a voulu entre la CGT et la CGTU et qu'à Brest, Marcel Hamon parvient à plaider victorieusement, contre la position des anarchistes. 6000 travailleurs fêtent dans la salle « La Brestoise » en novembre 1935 l'unité retrouvée en cours de la CGT. A Brest, les militants communistes gagnent en influence et expliquent la stratégie de Front Populaire aux ouvriers, se heurtant là encore aux critiques des anarchistes leur reprochant d'abandonner le terrain de la lutte des classes. A l'occasion des législatives , le PCF sort de sa coquille de groupuscule en organisant de nombreuses réunions publiques. Signe du renforcement de l'influence communiste dès l'ouverture de la période du Front Populaire, le journal régional du PCF, « La Bretagne », est diffusé à 4000 exemplaires sur le Finistère, dont un millier rien que pour Brest.

Le 14 juin 1936, une grande manifestation fête la victoire du Front Populaire à Brest, réunissant 10 000 travailleurs. Dockers, employés de commerce, métallos, boulangers, assureurs, camionneurs, gaziers se mettent en grève dans la foulée pour réclamer une amélioration des salaires et des droits sociaux, avec notamment la semaine de 40h. La « Dépêche de Brest » calomnie les grévistes, faisant pleurer Margot devant « les mères de famille angoissées près de leur réchaud éteint » (l'argument de l'usager-victime ne date pas d'hier!). A partir de septembre 1936, les rapports se tendent entre communistes et socialistes. Les communistes s'impliquent dans la solidarité avec l'Espagne républicaine et les Brigades Internationales. Aux cantonales d'octobre 1937, les communistes doublent leurs voix par rapport aux précédentes élections de 1936. Parallèlement, la CGT se renforce considérablement après le succès des grèves de juin 1936. Le PCF lutte contre l'extrême-droite qui se reconstitue après la dissolution des ligues: ses militants et ceux de la CGT (mais pas ceux de la SFIO) accueillent le colonel de la Roque et ses sympathisants des ex-Croix de Feu dissous en janvier 1938 aux cris de « Vive le Front Populaire ». Son parti, le Parti Social Français, colle quelques mois après dans les rues de Brest des affiches antisémites, signe que le climat devient malsain:

« En 1914-1918, morts pour la France:

Bretons, 240 000, juifs: 1812

Mais parmi les hommes au pouvoir, il y a 75% de juifs...

Les Bretons, ils feront les affaires de la France, sans les Français d'occasion »

 

penn sardin

Douarnenez et Concarneau: deux implantations communistes dans l'entre deux-guerres.

 

La municipalité de Douarnenez devient communiste en 1921, avec Sébastien Velly, premier maire communiste de France (il avait été élu conseiller municipal sous l'étiquette de la SFIO en 1919 mais son maire, Le Gouic, resté fidèle à la SFIO, avait été mis en minorité par les autres conseillers), puis à partir de 1924 Daniel Le Flanchec, qui restera maire de Douarnenez, suite à la grande grève des Penn Sardin qu'il soutient en 1924 jusqu'à la victoire sur le patronat des conserveries en janvier 1925. Douarnenez comptait à l'époque presque 5000 marins-pêcheurs et des milliers d'ouvrières travaillant en coiffes et sabots dans 21 conserveries.

 

Un article d'Audrey Loussouarn dans L'Humanité en 2013 raconte bien cet épisode héroïque des luttes sociales en Bretagne sous le titre « Ces sardinières qui ont su tenir tête à leurs patrons ».

 

(http://www.humanite.fr/social-eco/douarnenez-ces-sardinieres-qui-ont-su-tenir-tete-l-546179

« (…) Les «petites filles de douze ans» prennent aussi le chemin de l’usine. Aucune législation du travail.. Si la pêche était bonne, les femmes pouvaient travailler jusqu’à soixante-douze heures d’affilée! Pour se donner du courage, elles chantaient. «Saluez, riches heureux / Ces pauvres en haillons / Saluez, ce sont eux / Qui gagnent vos millions.» Certaines sont licenciées pour avoir fredonné ce chant révolutionnaire dans l’enceinte de leur usine. Conditions de travail déplorables, flambées des prix, salaires de misère, c’en est trop. Le 20 novembre 1924, les sardinières de la fabrique Carnaud vont décider de se mettre en grève. Elles demandent 1 franc de l’heure, alors que le tarif de rigueur est de 80 centimes. Les patrons refusent. Trois jours plus tard, un comité de grève est mis en place. Le lendemain, ce sont les 2000 sardinières qui arrêtent le travail et marchent dans les rues de Douarnenez. Une pancarte est dans toutes les mains: «Pemp real a vo» («Ce sera 1,25 franc»). Aux côtés des femmes, Daniel Le Flanchec. Ce «personnage éloquent, tonitruant», comme le décrit Michel Mazéas, et que les sardinières appellent leur «dieu», leur «roi», accompagne le mouvement. Un meeting se tient début décembre sous les Halles. Il réunit plus de 4000 travailleurs et des élus. Le 5 décembre 1924, l’Humanité titre: «Le sang ouvrier a coulé à Douarnenez». Le journaliste raconte comment une «charge sauvage commandée par le chef de brigade de Douarnenez piétina vieillards et enfants». Ordre venant du ministre de l’Intérieur. L’élu communiste, en voulant s’interposer devant l’attaque des gendarmes, sera suspendu de ses fonctions pour «entrave à la liberté du travail». La tension monte, les patrons ne veulent toujours pas négocier, des casseurs de grève s’immiscent dans le mouvement. Dans le même temps, des représentants syndicaux et politiques de la France entière se joignent aux grévistes. C’est dans la nuit du 31décembre au 1erjanvier que tout va basculer: des coups de feu retentissent. Des cris se font entendre: «Flanchec est mort!» Il est retrouvé blessé dans la rue. La colère explose. L’hôtel des casseurs de grève est saccagé. Un chèque y sera retrouvé, signé de la main d’un des patrons d’usine. Les conservateurs, qui ont tenté d’assassiner l’élu, avoueront plus tard qu’ils voulaient «seulement combattre le communisme». Finalement, le 8 janvier, après près de cinquante jours de bataille acharnée, les patrons céderont. Les sardinières obtiendront 1 franc horaire, avec heures supplémentaires et reconnaissance du droit syndical. Au cours de ce conflit qui a duré 48 jours à partir de la grève de la conserverie Carnaud, des dirigeants syndicaux sont accourus de toute part, et notamment parmi eux le dirigeant rennais de la CGTU, Charles Tillon, futur résistant et ministre communiste à la Libération.

Parmi les diverses répercussions attribuées au mouvement social, on peut retenir l'élection de Joséphine Pencalet (1886-1972) au conseil municipal auprès de Daniel Le Flanchec en 1925. La responsable syndicale fut l'une des dix premières femmes élues en France. Dépourvues de droit de vote, les femmes ne pouvaient pas encore être élues à cette époque, Joséphine Pencalet n'exerça donc jamais ses fonctions.

Daniel Le Flanchec

Daniel Le Flanchec était né le 2 juillet 1881 au bourg de Tredrez (22), fils d'un bedeau né à Pleumeur-Bodou. D'abord anarchiste, proche de la Bande à Bonnot, il sera parmi les fondateurs du Parti Communiste en Bretagne et secrétaire fédéral du PC dans le Finistère. Tatoué, borgne, excessif, tonitruant, tribun exceptionnel, il crie partout ses révoltes et ses espoirs.A Douarnenez, on disait de lui : « Hennezh’zo un den » Celui-là est un homme » ! Adulé par les siens, marins et femmes d’usine, il rompt, en 1936 avec le Parti Communiste, suit un moment Jacques Doriot dans ses dérives populistes et terrasse le Front Populaire lors d’élections mémorables. Quand les Allemands arrivent en juin 1940, il hisse, par bravade, le drapeau français sur la façade de la Mairie et refuse de l’enlever (acte rarissime, qui lui vaut d’être destitué). Après sa destitution par les Allemands alors qu'il était membre du PPF depuis 1936, Le Flanchec est arrêté à Ploulec'h où il s'était retiré et déporté par les Allemands au camp de Buchenwad où il meurt. Lui et Sébastien Velly auront inauguré à Douarnenez une tradition communiste peu commune en Bretagne puisque de 44 à 45, c'est le communiste Joseph Pencalet qui sera maire de Douarnenez, de 1949 à 1951 Joseph Trocme, avant que Michel Mazéas, ancien résistant, ne gère la ville pendant 4 mandats et 24 ans, à partir de 1971.

 

(source: http://roscoff-quotidien.tumblr.com/post / http://fresques.ina.fr/ouest-en-memoire/fiche-media/Region00732/douarnenez-autrefois.html)


Pierre Guéguen

Un autre élu communiste breton notable de l'entre-deux guerres est le maire de Concarneau depuis 1935 Pierre Guéguin, né en 1896 à Quimerc'h, ancien soldat et lieutenant pendant la guerre de 14-18, qui a fait partie des 27 fusillés de Chateaubriant, assassiné à 51 ans le 22 octobre 1941, avec son ami Pierre Bourhis, instituteur à Trégunc et maire-adjoint à Concarneau, membre du PCF de 1930 à 1933, militant de l'Ecole Emancipée, la tendance syndicaliste-révolutionnaire de l'enseignement, puis membre de groupuscules d'extrême-gauche d'extrême-gauche (le POI, puis le Parti Ouvrier et Paysan de Marceau Pivert, pacifiste et trotskiste). Pierre Guéguin avait adhéré à la SFIO en 1919, rejoint le Parti Communiste en 1921, et était devenu maire et conseiller général de Concarneau. En 1936, il avait porté les couleurs de la Gauche Unie et du Front Populaire mais avait été battu. En août 1939, il rejette le pacte germano-soviétique et le dit publiquement le 1er septembre 1939 en Conseil Municipal. Il est immédiatement exclu de toutes les instances du PCF, accusé de déviationnisme trotskiste. Et en octobre 1941, c'est même avec beaucoup de méfiance qu'il sera accueilli au camp de Châteaubriant avec Pierre Bourhis par les autres otages communistes, mis en quarantaine selon un témoignage de détenu communiste dans Le Monde en 1985, Mr Robert D. .



Fernand Jacq

Parmi les Fusillés de Châteaubriant, on compte aussi le conseiller municipal communiste de Huelgoat, le bon docteur Fernand Jacq. Celui-ci est né à Granville en 1908. Il s'intalle comme docteur à Huelgoat en 1934 et apprend le breton pour pouvoir communiquer avec la population. Il est élu conseiller municipal dès mai 1935. C'est que le docteur est dévoué: il soigne les pauvres et « oublie » parfois ses honoraires, il fait de la prévention, donne des conseils d'hygiène et de tempérance, bataille contre les préjugés. En 1939, Fernand Jacq est déchu par le gouvernement de sa fonction de conseiller municipal comme tous les élus communistes. Il est arrêté en juillet 1941 et détenu au camp de concentration de Châteaubriant. Au camp, il devient l'animateur d'une chorale bretonne et donne des cours de langue bretonne. Quand les Allemands viennent le chercher le 15 décembre 1941 pour le fusiller dans une clairière du Bois de la Blissière, ses camarades d'incarcération chantent après la Marseillaise le « Bro Goz Ma Zadou » (Vieux pays de mes pères) pour lui rendre hommage, ainsi qu'aux autres martyrs.

 

Dans le Trégor et le Centre-Finistère, le PCF gagne en influence à la veille de la guerre grâce à sa mobilisation pour la petite paysannerie victime d'une grave crise agricole. Les communistes se battent notamment pour empêcher les ventes-saisies. Des communistes comme François Marzin à Plouaret ou le professeur de philosophie originaire de Plufur Marcel Hamon, auteur lui aussi d'une adaptation de l'Internationale en breton, à Plestin les Grèves, y gagnent une grande popularité auprès de la paysannerie.



Les Communistes bretons pendant la guerre

Suite au pacte germano-soviétique conclu le 24 août 1939, le PCF est combattu par l'État Français après l'entrée en guerre de la France le 3 septembre 1939. Le 26 août, la presse du parti est interdite par le gouvernement Daladier. Le 26 septembre, le gouvernement prononce la dissolution du PCF et de toutes ses organisations. Le 30 novembre, la Chambre des députés décide de la levée de l'immunité parlementaire pour les députés communistes qui après l'interdiction du PCF avaient formé un « groupe ouvrier et paysan ». A Brest, où le PCF compte alors 200 adhérents, Marcel Paul, le futur ministre de la Libération, dirigeant syndical et communiste, est mobilisé comme « ouvrier militaire » et étroitement surveillé. En mars 1940, la persécution contre les communistes a déjà pris une ampleur très importante: députés traduits devant un Tribunal militaire, 620 syndicats dissous, 11000 perquisitions effectuées, 3400 militants arrêtés, 10000 sanctions prises contre les fonctionnaires au niveau national. Le 3 avril 1940, les députés communistes sont mis en prison et un décret prévoit la peine de mort pour toute propagande communiste.

Une partie de la base militante du PCF et de ses élus ont été abasourdis et pris de désarroi devant le pacte germano-soviétique, eux qui luttaient depuis des années contre le fascisme et dénonçaient la passivité du gouvernement français face à ses progrès en Europe, voire sa complicité. D'autres considèrent qu'il s'agit d'un pacte de non agression et non d'une alliance et que nul n'a de leçons à donner aux communistes en termes d'anti-fascisme, le PCF soutenant d'ailleurs toujours l'engagement français contre l'Allemagne.

L'Humanité clandestine s'interroge ainsi: « Est-ce mener une guerre populaire, démocratique, que de persécuter les meilleurs lutteurs contre le fascisme, ceux qui dénoncèrent Hitler les premiers, ceux qui firent échec à ses créatures à Paris les 7 et 9 février 1934? » (26 octobre 1939)

Bon nombre d'adhésions et de gains électoraux avant guerre étaient même dus au fait que le communisme était perçu comme un rempart contre le nazisme et incarnait une ligne patriotique. D'ailleurs, il était à peu près le seul à condamner les accords de Munich conclus sur le dos de la Tchécoslovaquie entre Hitler, Mussolini, Chamberlain et Daladier après le 29 septembre 1938. Après l'invasion de la Finlande par l'URSS, la vague d'opinion anti-communiste bat son plein, comme la repression dont les communistes font l'objet. Ainsi, à l'arsenal de Brest en décembre 1939, les ouvriers reçoivent un questionnaire où ils doivent signaler s'ils font encore partie d'un parti qui n'existe plus officiellement....

Le Parti Communiste se réorganise toutefois dans la clandestinité, par cellules locales et en triangle, même s'il est affecté par quelques départs liés à la ligne officielle de neutralité et de paix immédiate par rapport à un conflit inter-impérialiste et par des arrestations qui précèdent l'installation au pouvoir de la droite vichyste, dans un climat d'anti-communisme frénétique.

Pourtant, dès juin 1940, Charles Tillon lance un appel à combattre les nazis.

Thorez écrit lui en septembre 1940: « C'est contre les Pétain, Laval et Cie, les principaux responsables de la défaite, les agents du capital et les serviteurs zélés des autorités étrangères que la colère du peuple français doit se déchaîner dans toute sa force et sa violence » (article de la revue The Communist International cité dans par Laurent Douzou dans L'histoire des gauches en France, volume 2 – La Découverte, p.396).

Dès le 17 juillet 1940, Maurice Thorez envoyait un appel à la Résistance aux militants communistes: « La France encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante...jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d'esclaves....La France, au passé si glorieux, ne s'agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes... C'est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c'est autour de la classe ouvrière, ardente et généreuse... que peut se constituer le front de la liberté, de l'indépendance et de la renaissance de la France ».

Dans le chapitre consacré aux « Bretons dans le second conflit mondial » de Toute l'histoire de la Bretagne(Skol Vreizh, 2012), les historiens Jean-Christophe Cassard et Jean-Yves Veillard soulignent qu'à partir d'octobre 1940 apparaissent en Bretagne les premiers groupes armés communistes OS (Organisation spéciale). « Leur première arme est la rigueur et avant de passer à des coups de main, à des attentats, ils pratiquent le sabotage, du simple (sur le lieu de travail: ateliers de la SNCF, arsenaux) au complexe (usage d'explosifs) ».

Dès le mois d'août 1940, des inscriptions sont faites sur les murs de Brest par des militants cheminots emmenés par Lesven et Le Nedellec: « A bas le traître Pétain, vive Thorez ». A signaler que le sénateur-maire radical anti-Front Populaire de Brest, Le Gorgeu, et le député socialiste JL Rolland ont fait partie des 80 parlementaires qui ont courageusement refusé de donner les pleins pouvoirs à Pétain (contre 569 voix pour la dictature, et 18 abstentions).

En novembre 1940, les cheminots communistes brestois sabotent une locomotive qui devaiet acheminer des pommes de terre et d'autres denrées en Allemagne, qui organise son pillage de la France. En mars 1941, La Dépêche de Brest annonce les arrestations de militants communistes pour faits de propagande et des soldats allemands sont molestés la nuit. Des tracts en langue allemande sont diffusés auprès des soldats pour les appeler à rejoindre le mouvement anti-nazi.

Dans le Nord de la France, les mineurs du Nord-Pas de Calais mènent une grève dure du 27 mai au 10 juin 1941 en s'affrontant aux troupes d'occupation. A partir du printemps 41, sous l'impulsion du Komintern, le PCF avait lancé un appel pour former un Front national de l'indépendance de la France.

Plus près de chez nous,avril-mai 1941, et donc avant l'invasion allemande, de fréquentes distributions de tracts communistes sont signalées dans les régions de Lannion, de Guingamp, de Callac-Bourbriac, de Maël-Carhaix.

A partir de l'agression allemande contre l'URSS le 22 juin 1941, les actions de résistance jusque là contenues, et dirigées surtout contre la politique de collaboration et réactionnaire Vichy, vont être systématisées et centralisées et se traduire par le recours des communistes à la lutte armée. Des sabotages sont organisés dans les usines.

A partir de juillet 1941, des militants communistes reconnus sont systématiquement envoyés en camps de détention pour être retenus comme otages. Pour les Finistériens et les Morbihanais, c'est Châteaubriant.

« Le Colonel Fabien » (Pierre Georges), ancien des Brigades Internationales, comme le colonel Henry Rol-Tanguy, né à Morlaix, communiste et chef FFI à la Libération qui dirigera les combats pour chasser les Allemands de Paris, abat un militaire allemand en plein Paris le 21 août.

Charles TILLON

Charles Tillon, né à Rennes, et élu député d'Aubervilliers en 1936, dirigeant national du PCF clandestin, prendra la tête en avril 1942 des FTPF (Francs-tireurs et partisans français), dirigés d ans l'Ouest par Marcel Hamon: c'est l'organisation militaire clandestine du « Front National », créée par le PCF mais qui regroupe aussi des non communistes (dans le secteur du Trégor, l'instituteur socialiste Jean Devienne, venu du nord, et Désiré Camus, bien connu des habitants de la région de Morlaix en raison de sa forte personnalité et de ses passionnants livres de témoignages, en sont l'exemple) car ceux qui voulaient résister allaient tout simplement dans les maquis et les réseaux de résistance les plus proches, et bien souvent ils étaient communistes.

Christian Bougeard dans l'Histoire de la résistance en Bretagne raconte qu'avant cela « le PC clandestin a décidé à partir de l'été 1941, sous l'influence de Charles Tillon notamment, contre la ligne Duclos-Cassin, de frapper l'occupant en envoyant des petits groupes (3 hommes à Nantes) chargés d'exécuter des officiers allemands, sachant que le cycle attentats-répression ne manquerait pas de secouer « l'attentisme » de la majorité des français tout en montrant les limites et les compromissions de la collaboration d'État de Vichy ».

Le 20 octobre 1941, un militant communiste parisien, Gilbert Brustlein, tue à Nantes le lieutenant colonel Hotz, ce qui déclenche l'exécution de 48 otages apparentés au PCF ou à la CGT et choisis par le ministre de l'intérieur de Pétain, Pierre Pucheu: 27 à Châteaubriant (dont le responsable CGT de la Métallurgie, Jean-Pierre Timbaud, le jeune Guy Môquet, fils d'un député communiste parisien, Michels, député lui aussi), 16 au camp de Bêle à Carquefou, 5 à Paris. Au même moment, à Bordeaux, un commando OS abat un autre officier supérieur allemand.

Ces exécutions d'otages attisent la haine de la population contre l'occupation plus sûrement encore que la désapprobation face aux attentats. En plein procès de Riom, Léon Blum, qui a pourtant l'habitude d'être malmené par les communistes, se refuse à les critiquer. Le dit le 11 mars 1942:

« Je n'oublie pas que, dans la zone occupée, le parti communiste fournit sa large, sa très large part d'otages et de victimes. J'ai lu l'autre jour, dans une liste d'otages donnée par un journal, le nom du petit Timbaud. J'ai très bien connu Timbaud: c'était un secrétaire de l'Union des syndicats métallurgistes de la région parisienne. Je l'ai vu souvent et j'ai été bien souvent en bataille avec lui. Seulement, il a été fusillé et il est mort en chantant « La Marseillaise » ... « La Marseillaise » de Hugo, « ailée et chantant dans les balles... ». C'est comme cela qu'est mort le petit Timbaud et que sont morts beaucoup d'autres. Alors, pour ma part, en ce qui concerne le parti communiste, je n'ajouterai n'ajouterai rien ».

 

A Brest, une grève a lieu le 25 octobre à l'arsenal pour condamner les exécutions d'otages communistes ou apparentés à Châteaubriant et à Nantes. Un dépôt de gerbe y est effectué. Des sabotages sont effectués à l'arsenal. Des communistes brestoises, Jeanne Goasguen-Cariou et Marie Salou, aident des réfugiés républicains espagnols prisonniers du fort de Montbarrey, astreints aux travaux forcés et maltraités par les Allemands, à s'évader en leur donnant de faux papiers d'identité et en organisant leur évasion. Les communistes brestoises essaient aussi d'organiser des manifestations de femmes pour réclamer le retour de leurs maris, prisonniers de guerre, ceci afin de narguer les Allemands. En mai 1942, plusieurs communistes sont arrêtés à Brest, qualifiés de terroristes. Un policier zelé charge De Bortoli, un anti-fasciste communiste italien accusé d'avoir collé des affiches anti-allemandes. Devant le tribunal, avant d'être condamné à mort, il s'écrie « Vive le Parti Communiste ». Le policier collaborateur qui avait dénoncé De Bortoli reçoit quelques jours après un petit cercueil ainsi qu'une lettre lui annonçant sa condamnation à mort par le tribunal de la résistance brestoise s'il ne revient pas sur sa déposition pour sauver De Bortoli (Eugène Kerbaul. Chronique d'une section communiste de province, Brest 1935-1943, p.256). Ce dernier évidemment n'en fait rien: De Bortoli est exécuté au champ de tir d'Issy les Moulineaux le 22 août 1942. Le policier collaborateur, qui avait été impliqué également dans le démantèlement du réseau de résistance non communiste Elie (lequel s'était soldé par plusieurs condamnations à mort), pour lequel le juge d'instruction en charge du dossier s'était déjà fait tué par la Résistance, est exécuté par le chef départemental des FTP, Jean-Louis Primas, le même jour à Brest. Le 25 août, un soldat allemand est grièvement blessé par un groupe FTP et à la fin du mois d'août, la vitrine des locaux de la Légion des Volontaires Français rue de Siam. Le 31 août, Jean Kerautret et Vincent Guivarc'h, deux membres des Jeunesses Communistes, échangent des coups de feu avec des Allemands alors qu'ils pensaient devoir être arrêtés: ils sont abominablement torturés et fusillés le 14 octobre 1942, après qu'on ait retrouvé un arsenal d'armes du groupe FTP au domicile de Kerautret. En septembre 1942, les chefs FTP brestois Jean-Louis Primas et Pierre Corre organisent deux attentats qui font 28 victimes dans un bordel fréquenté par les Allemands, tandis qu'au même moment, un attentat contre l'hôtel abritant l'état major de la Kriegsmarine tue probablement 12 officiers. Quelques jours plus tard, un groupe de FTP abat un major-général allemand dans sa voiture entre Landerneau et Landivisiau.

 

Une fraction de plus en plus importante de la population approuve ces actions dures de la résistance communiste contre les collaborateurs et les Occupants, au moment même où la bataille de Stalingrad qui commence occupe les esprits. Suite à cette vague d'attentats contre les intérêts allemands, 247 arrestations ont lieu dans le Finistère, touchant très durement l'organisation communiste et ses FTP, notamment à Brest. A Brest, 70 détenus patriotes sont torturés à la prison du Château en octobre 1942, certains d'entre eux par des policiers brestois. Au total, à la Libération, selon Eugène Kerbaul, 50 militants communistes ayant agi sur Brest auront perdu la vie: victimes des Allemands et des collaborateurs, déportés, exécutés, victimes des bombardements: sur un total de 200 militants en 1939.

En Bretagne, les communistes sont loin d'être les seuls à résister et ils ne le font pas tous évidemment même si leur habitude du dévouement total, de la clandestinité et de la persécution et leur organisation leur donne incontestablement de l'efficacité et une capacité d'entraînement. Au côté des résistants du mouvement Front National-FTP, il y a d'autres mouvements, nés sur le territoire métropolitain et qui ne prennent contact avec Londres que dans un second temps: OCM (Organisation civile et militaire), Défense de la France (DF), Libération-Nord. Y agissent des patriotes de toute condition sociale: officiers, médecins, prêtres, nobles, professeurs, artisans, mères de famille, jeunes femmes... 

Libération-Nord est très fort et actif dans le Finistère, où il est dirigé par Tanguy Prigent, qui recrute le docteur Le Janne à Morlaix, l'ancien député socialiste Jean-Louis Rolland à Landerneau. Libération-Nord serait devenue en termes d'effectifs la première formation du Finistère selon Christian Bougeard (Histoire de la Résistance en Bretagne) à la veille de la Libératioon avec 7000 adhérents, contre 2500 à 3000 au F.N, 2000 à « Défense de la France » et 800 à « Vengeance ».

Au départ composé surtout d'enseignants et d'employés de la gauche non communiste, Libé-Nord s'est élargi vers des membres des professions libérales, des cadres militaires d'actives, plutôt de droite, des gendarmes et des membres de la Police.

« Le Front National, écrit Christian Bougeard, est particulièrement actif et dynamique dans les Côtes du Nord, où il s'organise à partir de janvier 1943 dans l'ouest du département sur les bases de l'implantation communiste (Saint Brieux, Trégor, Guingamp, Plouaret). Il s'étend progressivement dans les chefs-lieux de cantons du pays bretonnant puis gagne l'est pendant l'autome 1943 et le début 1944. Un des organisateurs du PC et des FTP, Louis Pichouron - Maurice – confie la direction du F.N à un jeune instituteur, ancien secrétaire des Jeunes Socialistes du Nord, Jean Devienne, - Xavier-, installé à Guingamp. Son dynamisme explique à la fois l'élargissement vers des socialistes et à d'autres courants de pensée et son rapide essor... L'audience du FN s'élargit considérablement à partir de septembre 1943: non seulement il diffuse le journal national « France d'abord » (créé par Charles Tillon) mais Jean Devienne, devenu « François », créé son propre journal départemental. Il s'agit de « La France combattante des Côtes du Nord » qui deviendra en octobre « Le Patriote des Côtes-du-Nord » imprimé clandestinement à Morlaix par la famille Boclé: il aura 10 numéros jusqu'à la Libération, passant de 1500 à 30 000 exemplaires en juin 1944. Jean Devienne est le contributeur principal de ce journal.

La plupart des initiateurs du Front National et des FTP, souvent communistes depuis quelques temps, sont arrêtés, fusillés ou déportés en 1942 et 1943. Ils seront remplacés par une nouvelle génération qui découvre le communisme dans le cadre de la lutte de libération nationale.

Dans les livres du spécialiste de la collaboration en Bretagne, Kristian Hamon, on trouve de nombreux exemples des coups d'éclats de la résistance à partir de la fin 42, et de la férocité de la répression qui s'abat sur les Patriotes, alors appelés « bandits » ou « terroristes » par la bonne presse aux ordres. 

« Le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, marque un tournant dans l'histoire de la Deuxième Guerre Mondiale. La conséquence en sera l'occupation immédiate de la « Zone Libre » par les Allemands le 11 novembre, date symbolique s'il en est. Mais c'est surtout la capitulation de la 6e armée devant Stalingrad, le 2 février 1943, qui redonne de l'espoir aux patriotes. Les Allemands ne sont plus invincibles. Avec l'instauration du STO le 16 février suivant, l'hostilité de la population à l'égard de l'occupant ne fait que s'accroître. Bénéficiant désormais d'un afflux de jeunes réfractaires, la Résistance se montre de plus en plus active. C'est ainsi que les groupes FTPF, dirigés par Louis Pétri (« Loulou » Pétri, alias « commandant Tanguy », né en 1919, chef interdépartemental FTPF, authentique héros de la résistance), multiplient les opérations de sabotage dans le secteur de Fougères: le 27 septembre 1942, un attentat détruit la permanence du Rassemblement National Populaire (RNP) de Fougères. Le 10 juillet 1943, une attaque à la grenade contre la Feldgendarmerie de Fougères blesse douze soldats et tue un officier. Deux résistants, Jules Fontaine et son fils Roger, seront arrêtés peu après et fusillés à la prison de Fresnes. Le 10 novembre 1943, c'est le domicile d'un industriel de la ville qui est visé » (Agents du Reich en Bretagne, Kristian Hamon. Skol Vreizh, 2011- p. 74).

La Résistance commence à mener une véritable guerre civile de basse intensité contre les Collaborateurs à partir de 1942, et parmi eux, les séparatistes bretons radicaux du PNB, ces Breizh Atao que protègent, paient et emploient volontiers les Allemands, comme indicateurs, délateurs et propagandistes, avant d'utiliser les plus féroces, inconscients ou déterminés d'entre eux comme exécuteurs des basses œuvres dans la lutte militaire et policière contre la Résistance.

Une vingtaine de membres du PNB ont été victimes d'attentats de la part de la Résistance bretonne, communiste ou gaulliste. Yann Bricler, le cousin d'Olier Mordrel, un des chefs historiques de Breizh Atao qui a organisé la collaboration à outrance avec les Nazis du mouvement indépendantiste, est abattu à Quimper le 4 septembre 1943 par un militant communiste de Scaer. L'homme invitait les officiers de la Kommandantur à des parties de pêche en mer, il entretenait des relations commerciales avec les aut

orités d'occupation et les renseignaient sur les activités des communistes et des résistants, sur la base des informations que des militants bretons lui apportaient. On a retrouvé dans son coffre- fort le jour du meurtre une liste de plusieurs patriotes du Finistère dénoncées aux Allemands pour activités gaullistes ou communistes. Sur cette liste, il y avait entre autre la receveuse de poste de Scrignac, ardente patriote ayant de l'influence sur la population, avec laquelle Jean-Marie Perrot, l'abbé de Scrignac, militant breton et fondateur du « Bleun Brug », qui accueillait dans son presbytère aussi bien des officiers allemands que des collaborateurs du PNB, avait eu des démêlées. Le 12 décembre 1943, après l'exécution d'un autre collaborateur du PNB à Plounévez Le Fou, Yves Kerhoas, c'est l'abbé Perrot qui est assassiné dans un chemin creux à 4km de Scrignac à la sortie de la messe. La population avait été prévenue par des placards de l'exécution du militant breton, à qui on reprochait, non seulement de soutenir des collaborateurs notoires et de prêcher l'anti-communisme, mais de mettre en danger les résistants du coin par ses relations équivoques avec l'occupant. (cf. Le Bezen Perrot, de Kristian Hamon chez Yoran embanner , 2004 – p. 41 à 53). Bricler et Perrot sont à chaque fois enterrés en présence de tout l'état-major du mouvement nationaliste breton, protégé par l'armée allemande. Célestin Lainé décide alors de nommer la Milice nationaliste bretonne qu'il voulait créer pour traquer la Résistance aux côtés des Allemands le Bezen Perrot (Brigade Perrot), en contradiction avec l'esprit de l'enseignement de l'abbé Perrot, nullement fasciste en dépit de certaines ambiguïtés.

Le Bezen Perrot va passer à l'action contre les réseaux et maquis de la résistance à partir de début 44, principalement dans le Centre-Bretagne et le Nord du Morbihan, même s'il participera aussi à de nombreuses séances de torture à Rennes et à l'extermination des jeunes FTP du maquis de Broualan au nord de l'Ile-et-Vilaine. Souvent, les membres du Bezen se font passer pour des résistants et parlent breton avec la population locale pour obtenir ou vérifier des informations sur les maquis, avant l'assaut avec les troupes allemandes, composées en ces temps de nombreux Russes Blancs de la division Vlassov, de sinistre mémoire: georgiens, ukréniens, …

A la suite d'une tentative d'attaque de la gendarmerie du Callac, où un chef de brigade fait du zèle contre les réfractaires du STO, 40 patriotes sont arrêtés, torturés après un tri sur la place du village: 4 seront fusillés, 15 mourront en déportation, 4 en reviendront. Des soldats bretons engagés sous l'uniforme nazi participaient à la rafle. La présence de nationalistes bretons lors des rafles répressives allemandes commence à se savoir et le FTP Roger le Hyaric, une des figures de la résistance dans le Morbihan, ordonne l'exécution de 3 militants nationalistes et collaborateurs en représailles dans le secteur de Bubry, Inquiniel, Inzinzac-Lochrist, surnommé « le petit Moscou » par les occupants allemands et leurs séides. A partir du printemps 44, dans les Côtes-du-Nord, et plus particulièrement dans le triangle à forte concentration de maquis FTP Loudéac-Carhaix-Guingamp, les rafles se succèdent aux rafles jusqu'à la Libération. Des fermes sont brûlées, parfois avec des résistants  à l'intérieur, des écoles servent de lieu d'interrogatoires et de supplices, comme à St Nicolas du Pélem, Saint Jean Brévelay, Pontivy, Uzel, Bourbriac. Scrignac et Callac, au centre de zones de résistances très actives, sont visitées plusieurs fois par les Allemands et leurs auxilaires bretons. A Scrignac, après l'assassinat de deux officiers allemands et de leur interprète par la résistance, l'école et la mairie sont brûlées le 30 juillet 44.

L'implantation des maquis était plus forte en Côtes-du-Nord, en Finistère et dan s le Morbihan que dans les autres départements bretons, Loire Inférieure et Ile-et-Vilaine. Dans ce dernier département, le maquis de Broualan qui a doublé d'effectif à partir du 6 juin, est démasqué et ses 60 jeunes combattants sont massacrés dans des circonstances affreuses par des miliciens au service des renseignements militaires allemands et le Bezen Perrot.

A partir de juin 44, les coups de main des maquis FTPF et FFI pour ralentir les troupes allemandes dans leur regroupement pour rejoindre le Front. Bientôt, les FTP se fondent dans les FFI et libèrent les poches de Lorient et de St Nazaire au mois de mai 1945, après d'âpres combats. 30 000 Bretons ont intégré les maquis en tout, la plupart seulement à partir de 44. 

maquisards bretons dans le Morbihan


 Au sortir de la guerre, en 1946, le PCF regroupe 18% de l'électorat breton (contre 20% aux socialistes en Bretagne et 28% aux communistes sur le plan national), soit une progression considérable par rapport à 1939, dû à son statut de Parti de Résistance, parti des suppliciés, des déportés, des fusillés (75 000 selon la direction du Parti, chiffre exagéré). Le PCF est devenu en Bretagne un Parti national et populaire avec la résistance et l'apport de l'URSS à l'écrasement des Nazis bien plus encore qu'avec la période du Front Populaire. Il s'implante en milieu rural, dans le centre-Bretagne (dans l'est des Monts d'Arrée, le sud du Trégor et le nord de la Cornouaille, terres de résistance où les FTP se sont illustrés tout particulièrement, le PCF réalise plus de 28% aux législatives de 1946), l'est du Morbihan, les Côtes du Nord notamment et profite aussi de la vague de syndicalisations d'après-guerre et de la croissance des revendications sociales dans un contexte de restrictions et de reconstruction où la classe ouvrière est aux premières loges de la reconstruction du pays et porte, avec le gouvernement et la société issus de la Résistance, le projet de la création d'une Société plus solidaire et moins inégalitaire. 

 

Ismaël Dupont. 

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