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2 mai 2020 6 02 /05 /mai /2020 09:00
Bangladesh. Les forçats du textile contraints par les grandes marques de retourner à l’usine (L'Humanité, Lina Sankari, Mercredi, 29 Avril, 2020)
Mercredi, 29 Avril, 2020
Bangladesh. Les forçats du textile contraints par les grandes marques de retourner à l’usine

Un quart des petites mains du textile s’étaient vues licenciées à la suite de l’annulation des commandes par les grandes marques. Sous pression des donneurs d’ordres et du patronat, les ouvriers retournent à l’atelier. A leurs risques et périls.

 

Parfois sans salaire depuis la fermeture des ateliers il y a un mois, des centaines de milliers de forçats du textile bangladais n’ont eu d’autre choix que de retourner à l’usine. Même sans respect des conditions minimales de sécurité sanitaire. Au Bangladesh, les pressions des donneurs d’ordres internationaux – les grandes marques de prêt-à-porter – ont eu raison des mesures de confinement. Pour voir repartir les profits, ils peuvent s’appuyer sur la peur de la faim ou des loyers impayés et la menace de la concurrence vietnamienne ou chinoise.

Les maillons faibles de la Fast fashion

502 fabriques ont ainsi rouvert, dimanche, pour compenser l’annulation d’au moins 3,1 milliards de dollars de commandes (2,85 milliards d’euros), alors que le textile représente 84 % des exportations nationales et 4,1 millions d’emplois, soit le deuxième producteur après la Chine. Ce modèle de développement entièrement tourné vers les exportations révèle ses fragilités à l’aune de la crise. Un quart des salariés – majoritairement des femmes – auraient été licenciés sans indemnités ou mis au chômage partiel du fait de l’arrêt de l’activité. Ils sont les maillons faibles d’un secteur qui « repose sur une production à flux tendus et à profits immédiats. C’est en réalité toute une réflexion autour de ce modèle économique qui devrait être engagée », insiste Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif Éthique sur l’étiquette. Le schéma de la fast fashion, le prêt-à-porter bon marché de masse, repose sur un renouvellement de l’offre de vêtements toutes les deux à six semaines dans le circuit mondial de distribution.

L’imbrication entre le pouvoir politique et économique est totale

En temps normal, le salaire minimum mensuel de 87 euros représente déjà cinq fois moins que le minimum vital. « Les grandes marques, qui profitent d’États défaillants en termes de protection sociale, fonctionnent à court terme. Face à la chute des ventes de vêtements, elles ont tout simplement annulé les commandes qui avaient pourtant été honorées. Elles se sont appuyées sur une clause de force majeure, alors que les contrats leur sont déjà extrêmement favorables », observe en outre Nayla Ajaltouni dont le collectif demande aux grandes marques de rééchelonner leurs commandes, d’accompagner leurs sous-traitants dans le versement des salaires et des éventuelles indemnités, d’assurer la protection ou le droit à un arrêt maladie pour les travailleurs présentant les symptômes du Covid-19. Or, un tiers des députés sont propriétaire d’usines. « L’imbrication entre le pouvoir politique et économique est totale. Les députés sont juges et parties, et contribuent à faire en sorte que les lois sur la protection sociale n’évoluent pas pour ne pas perdre des parts de marché », note Nayla Ajaltouni.

« Les députés sont juges et parties, et contribuent à faire en sorte que les lois sur la protection sociale n’évoluent pas pour ne pas perdre des parts de marché », note Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif Éthique sur l’étiquette.

Une pression maximale a ainsi été exercée par le patronat national. Les syndicats redoutent toutefois une hausse des contaminations alors que Mohammad Hatem, vice-président de l’Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh (BGMEA), également à la tête d’un atelier qui sous-traite les commandes du britannique Primark, enjoint à la reprise, quel qu’en soit le coût sanitaire : « Nous devons accepter le coronavirus comme une réalité de la vie. Si nous n’ouvrons pas nos usines, il y aura une crise économique. »

Manifestation et blocage à Dacca, N’ganj, Savar et Gazipur

En plus d’usines souvent mal ventilées où les postes de travail sont contigus, 76 % des directions versent toujours les salaires en espèces. Pour y prétendre, les ouvriers doivent faire le pied de grue dans de longues files d’attente ou descendre en masse dans la rue pour exiger les arriérés. Selon la BGMEA, 87 % du personnel de l’habillement auraient touché leur salaire de mars après plusieurs jours de manifestation et de blocage à Dacca, N’ganj, Savar et Gazipur. La BGMEA aurait demandé aux fabricants de ne réintégrer que les travailleurs vivant à proximité des petites usines afin d’éviter la contagion dans les transports et sur les lieux de production plus importants mais, selon les syndicats, de nombreux employés, confinés dans leur village natal, ont été joints par téléphone afin de regagner leur poste à Dacca ou ses environs. À leurs risques et périls.

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30 avril 2020 4 30 /04 /avril /2020 17:20
Disparition. Denis Goldberg, une vie à lutter contre l’apartheid et pour la liberté de l’Afrique du Sud (Pierre Barbancey, 30 avril 2020)
Jeudi, 30 Avril, 2020 - L'Humanité
Disparition. Denis Goldberg, une vie à lutter contre l’apartheid et pour la liberté de l’Afrique du Sud

Militant communiste et de l’ANC, il était aux côtés de Nelson Mandela lors du procès de Rivonia et condamné à la prison à vie en 1963. Il s’est éteint mercredi soir au Cap. Il avait 87 ans.

 

Denis Goldberg venait d’avoir 87 ans. Il s’est éteint ce 29 avril, peu avant minuit, comme l’a annoncé sa famille sur son compte Facebook en inscrivant : « Sa vie a été bien vécue dans la lutte pour la liberté en Afrique du Sud. Il nous manquera ».

De parents, immigrants, juifs et communistes, Denis Goldberg a très vite appris ce qu’était l’injustice dans une Afrique du sud d’abord raciste puis franchement d’apartheid. Il milite dans des associations progressistes de jeunesse tout en poursuivant ses études d’ingénieur à l’Université du Cap, puis, recruté par l’avocat Braam Fischer, rejoint en 1957 le parti communiste alors interdit. Malgré les dangers, dès cette époque, il participe à différentes actions, notamment des distributions de tracts et la création du Congrès des Démocrates où se retrouvent les blancs opposés à apartheid.

En 1961, Nelson Mandela et Joe Slovo, secrétaire général du parti communiste sud africain, forment la branche armée du Congrès national africain (ANC) qui prendra le nom de Umkhonto we Sizwe (MK). En tant qu’ingénieur, donc capable de manier et de fabriquer des explosifs, Denis Goldberg est très vite contacté pour rejoindre les MK. Ce qu’il fera sans hésiter, d’autant que lui-même penche pour l’action armée depuis pas mal de temps déjà ! Il devient officier technique. Une période dont il se souvient dans une interview qu’il m’avait accordé en 2013 .

Alors qu’en août 1962 Nelson Mandela a été appréhendé par la police d’apartheid, grâce à l’aide de la CIA, les actions se poursuivent. Mais en juillet 1963, il est arrêté au siège clandestin du parti communiste, Lilies Farm, dans le quartier de Rivonia à Johannesburg. Avec lui, Walter Sisulu, Govan Mbeki, Ahmed Kathrada, Raymon Mhlaba, Elias Motsoaledi et Andrew Mlangeni (qui est maintenant le dernier survivant du groupe). Ils seront tous dans le box des accusés, aux côtés de Mandela, dans ce qu’on appelle le « procès de Rivonia ». Ils seront tous condamnés à quatre fois la prison à vie. Denis Goldberg, que Madiba appelait « the Boy », parce que « le plus jeune des accusés », est le seul blanc. Il est emprisonné à Pretoria alors que les autres sont emmenés sur l’île de Robben Island, ségrégation oblige ! Il ne sera libéré que 22 ans plus tard, en 1985. De 1985 à 1994, il est à Londres où il travaille pour la représentation de l’ANC. Puis, en 2002, de retour en Afrique du Sud, il devient conseiller de Ronnie Kasrils, alors ministre des eaux et des forêts.

Jusqu’à la fin, Denis Goldberg n’aura rien perdu de ses convictions politiques et humaines, toujours membre du parti communiste et de l’ANC. « Il était un « mensch », un être d’honneur de la plus haute intégrité qui rejetait les ambitions personnelles », a immédiatement réagi l’archevêque Desmond Tutu, prix Nobel de la paix. « Sa vie dédiée à l’Afrique du Sud et à son peuple était sans pareil. Avec son décès c’est comme si la nation avait perdu une partie de son âme ». Dans un long communiqué, le Parti communiste sud africain, salue « un géant est tombé », et veut s’assurer « que la société socialiste pour laquelle il a vécu et s’est battu, devienne une réalité ». Pour le président de l’Afrique du Sud et du Congrès national africain, Cyril Ramaphosa, Denis Goldberg était « un vrai patriote qui a sacrifié sa vie pour la liberté de notre peuple et dont les idées nous inspirent. »

Disparition. Denis Goldberg, une vie à lutter contre l’apartheid et pour la liberté de l’Afrique du Sud (Pierre Barbancey, 30 avril 2020)
Communiqué du Parti communiste sud-africain (SACP) - traduction Nico Maury

Hamba Kahle (adieu en zoulou) camarade Denis Goldberg.

Nous serons éternellement solidaires avec les travailleurs-travailleuses en souvenir de votre nom.

Le SACP abaisse sa bannière rouge et salue le camarade Denis Goldberg, piliers du Parti, de l' uMkhonto weSizwe ("fer de lance de la nation" - branche militaire du Congrès national africain d'Afrique du Sud et du Parti communiste), membre du SACP et de l'ANC, dirigeant de l'ANC et communiste jusqu'au bout de sa vie. Le camarade Denis Goldberg est décédé juste avant minuit, le 29 avril 2020 à l'âge de 87 ans. Le SACP est profondément attristée et a exprimé ses sincères condoléances à sa famille, à la fondation, à la classe ouvrière, aux camarades et amis, pour la grande perte rencontrée .

Son message au SACP, aux communistes et aux amoureux de la liberté du monde entier lors de son interview en février de cette année, nous a appelé à intensifier la solidarité avec les travailleurs-travailleuses et, à travers cette solidarité, à défendre les droits de ces derniers.

Nous avons appréciés la pertinence de ses luttes pour vaincre la pandémie de Covid-19 et pour garantir que les plus vulnérables de notre société soient à l'abri du virus, pour être en mesure de mettre de la nourriture sur la table et d'avoir un abri et de l'eau pour la vie. Le camarade Denis Goldberg en tant qu'ingénieur de formation a servi ce pays comme conseiller au ministère en charge de l'eau après son retour d'exil, de 2002 jusqu'à 2004. Il nous appartient de récupérer sa lance tombée et de nous assurer que le droit d'accès à l'eau propre et potable soit une réalité pour tous les Sud-Africain.e.s.

Le camarade Denis a été politisé enfant face à la montée du fascisme en Europe et suite aux événements de la guerre. Son engagement envers l'internationalisme n'a jamais faibli. Il a rejoint la Modern Youth Society alignée sur les socialistes en 1953 alors qu'il étudiait le génie civil à l'Université du Cap.

Le camarade Denis a été recruté au Parti communiste par le camarade Braam Fischer et a servi loyalement au sein du Parti tout au long de sa vie. Il était un membre actif du Parti clandestin dans les années 1950 et a joué un rôle actif dans la distribution du matériel du SACP au Cap, en utilisant son toit de voiture comme mécanisme de distribution pour les zones où les risques de distribution étaient connues. Telle est la créativité d'un ingénieur communiste!

En tant que membre du SACP, il a rejoint d'autres membres éminents pour former le Congrès des démocrates, la maison des militants du mouvement des congrès blancs dans les années 1950, et a fait partie de son exécutif. Pendant l'état d'urgence en 1960, Goldberg et sa mère ont été détenus pendant quatre mois. Il a donc été licencié, mais cela ne l'a pas dissuadé de sa contribution à notre révolution.

Le camarade Denis a rejoint le uMkhonto weSizwe en 1961 et a été officier technique. En juillet 1963, il a été arrêté au siège clandestin du SACP, Liliesleaf Farm. Décrit par camarade Nelson Mandela dans son autobiographie, Long Walk to Freedom, comme «le plus jeune des accusés», il a été inculpé dans le procès de Rivonia et condamné en 1964 à quatre peines de prison à perpétuité. En raison de la ségrégation raciale, il ne fut pas enfermé avec ses camarades à Robben Island, mais à la prison centrale de Pretoria. Le camarade Denis était un fervent partisan de l'abolition de l'apartheid pendant que d'autres étaient opprimés et exploités.

Fidèle au principe selon lequel l'apprentissage est une activité permanente, il a étudié en prison et a obtenu des diplômes en administration publique, en histoire et géographie, et en bibliothéconomie. Goldberg avait presque terminé ses études de droit à sa sortie de prison, après avoir purgé 22 ans. En 1985, il part en exil à Londres pour rejoindre sa famille.

À Londres, il a repris son travail à l'ANC dans son bureau de Londres de 1985 à 1994. Il a été porte-parole de l'ANC et l'a également représenté au Comité anti-apartheid des Nations Unies. Il a été reconnu internationalement pour son travail contre l'apartheid.

Le camarade Denis Goldberg est retourné en Afrique du Sud en 2002 et a été nommé conseiller spécial de Ronnie Kasrils, alors ministre des Affaires hydrauliques et forestières, jusqu'en 2004. Ces dernières années, le camarade Denis a lutté contre la maladie avec le même esprit indomptable qu'il a combattu contre l'apartheid et capitalisme. Il est resté un activiste jusqu'à son dernier souffle, avec de merveilleux plans de développement communautaire dans sa région natale de Hout Bay, qui en son honneur doivent être maintenus et développés.

Un géant est tombé.

Un révolutionnaire a respiré son dernier souffle.

Alors que nous saluons notre camarade décédé et exprimons nos condoléances à sa famille et à ses camarades, veillons à ce que la société socialiste pour laquelle il a vécu et combattu devienne une réalité.
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29 avril 2020 3 29 /04 /avril /2020 18:30
Senso (1954) - Visconti

Senso (1954) - Visconti

Luchino Visconti: celui qui ouvrit les portes du Néoréalisme entre beauté et Résistance

Partie 5

Entre réalisme et mélodrame : Senso et Le notti bianche

Visconti, après l’expérience cinématographique de « Bellissima », continue avec ses expérimentations théâtrales mettant en scène d’abord « L’Auberge » de Goldoni au Théâtre La Fenice de Venise, puis « Trois sœurs » de Anton Tchekhov au Théâtre Eliseo de Rome, en renversant en même temps la récitation maniérée des éditions précédentes des spectacles et leur chorégraphie baroque. Le réalisateur se rapproche d’un réalisme cru, essentiel, moderne, qui le conduit aussi à faire évoluer sa vision cinématographique. Elle s’éloigne de plus en plus de l'époque néo-réaliste désormais arrivée à son terme et qui se transforme avec le début de comédies qui continueront à être produites dans les années à venir par l’industrie cinématographique italienne.

Luchino Visconti s'oriente de plus en plus vers une réappropriation du mélodrame qui trouvera son point d’aboutissement dans « Senso ». Il tourne d'abord l’épisode « Anna Magnani » dans « Siamo donne » (1953). Le film collectif est basé sur une idée de Cesare Zavattini qui voulait démystifier la figure de la diva, en engageant quelques grandes actrices pour raconter des épisodes privés de leur vie.

Nous sommes à Rome en 1943 et Anna Magnani doit se rendre au théâtre pour un spectacle. Mais elle a une dispute avec le chauffeur de taxi qui veut lui faire payer le transport du chien. L’actrice se refuse parce qu’il est de petite taille, et il naît ainsi de cet incident une série d’imprévus qui l’amèneront en retard au théâtre. Bien que considéré comme un travail mineur, en fait, le court-métrage renverse complètement les théories zavattiniennes et Visconti construit un portrait sanguin et vrai de l’actrice romaine avec une performance digne de sa grandeur. La diva Magnani est "authentique" parce que populaire, vraie femme. Le court-métrage sert de jonction avec la deuxième période du cinéma viscontien, où la mise en scène théâtrale se mêle à celle du quotidien. La séquence à l’intérieur de la caserne des carabiniers où l’on constate la taille de l’animal donnant raison à l’actrice est une scène naturelle, avec la cour où les militaires se montrent comme pour assister à un spectacle. Cette séquence s’oppose à la scène finale du théâtre, où la Magnani chante une chanson populaire, jouant une vendeuse de fleurs. Le théâtre de la vie se greffe sur le théâtre de la fiction.

En synthèse, Visconti évoque les thèmes qu’il aborde dans la grande fresque de « Senso » (1954). Situé à Venise en 1866 pendant la troisième guerre de l’Indépendance, l’histoire raconte un amour impossible entre la belle Comtesse Livia Serpieri (Alida Valli) et le lieutenant autrichien Franz Mahler (Farley Granger) ; amour né sur la scène du théâtre de la Fenice pour sauver le cousin de Livia, le marquis patriote Ussoni (Massimo Girotti) qui a défié Franz en duel. Dans le théâtre est en scène « Il Trovatore » de Giuseppe Verdi et quand il y a le solo du ténor qui incite les hommes aux armes, les patriotes irrédentistes lancent des tracts qui acclament à l’unité nationale et à l’éloignement des forces d’occupation. La séquence initiale est un véritable chef-d’œuvre de mise en scène et de cadrage par le réalisateur. La représentation de « Il Trovatore » se fond avec ce qui se passe dans la réalité, mais toujours à l’intérieur du théâtre, comme pour souligner le côté mélodramatique de l’action, le spectacle excessif face à un épisode toutefois mineur de protestation. La caméra se déplace horizontalement et verticalement, en partant de la scène et en encadrant le public dans la salle et le long des scènes et des galeries bondées de spectateurs. Les militaires autrichiens sont assis dans les premières rangées et sont symboliquement "attaqués" par les acteurs armés en face et inondés par les tracts et les cris de protestation du public d’en haut. Déjà ici, nous avons en résumé ce que sera l’affrontement armé sur le terrain entre les troupes autrichiennes et italiennes.

Cette première partie de « Senso » renferme deux styles de grande élégance qui se retrouveront tout au long du film. Le premier est la théâtralité du mélodrame, puisque tous les intérieurs sont toujours aménagés comme si on était en présence d’une représentation sur scène (la maison de la Serpieri, la villa de campagne, la chambre en location à Vérone où Mahler vit) mais aussi les extérieurs tels que les « calli » vénitiennes ou les rues nocturnes de Vérone dans les séquences finales sont filmés comme sur une scène naturelle. Le deuxième style est le reflet du miroir qui dénote la duplicité des deux personnages : d’une part, la femme qui, par une passion folle trahit les idéaux du Risorgimento et l’amour pour son cousin, de l’autre celle de Mahler qui est en réalité amorale, lâche, dévoué seulement à l’argent qui se fait donner par les femmes, trahissant l’image d’officier et de galant qu’il devrait représenter.

Pendant presque tout la durée du film, en outre, la Serpieri utilise des voiles et des tulles qui arrivent à couvrir son visage complètement, comme pour cacher sa vraie nature de femme qui sacrifie sa propre morale et les idées de liberté (exprimées au contraire sans hésitation au visage découvert au début du film).

Tiré d’un récit de Camillo Boito, le scénario complexe est écrit par le même Visconti avec Suso Cecchi d'Amico et la collaboration de Carlo Alianello, Giorgio Bassani, Giorgio Prosperi et de Tennessee Williams et Paul Bowles qui soignent en particulier les dialogues des deux amants, qui greffent le mélodrame personnel des deux personnages à l’intérieur d’un décor historico-culturel plus vaste.

Visconti se sert des costumes de Marcel Escoffier et de Piero Tosi et des décors d’Ottavio Scotti qui reconstruisent dans le détail le cadre historique dans lequel les personnages se déplacent. « Senso », visuellement, est une magnifique synthèse de la peinture du XIXe siècle avec des références à Francesco Hayez, Giovanni Fattori et au mouvement des « Macchiaioli », où l’on peut admirer les compositions soit dans les intérieurs des palais et des villas, soit dans les extérieurs des campagnes. Mais surtout, la fusillade final de Mahler sur les murs de Vérone la nuit à la lumière des torches reprend les toiles du peintre espagnol Francisco Goya. Cette utilisation de la musique et de la peinture élargit le souffle culturel du film, la rendant riche du point de vue expressif et élargissant au maximum les potentialités du moyen cinématographique.

Le mélodrame pour Visconti devient ainsi l’art national véritable et original à opposer à une politique pauvre, périphérique, face aux événements européens de l’époque qui représentent par translation celle de l’actualité historique du réalisateur. Si la lutte pour l’unité nationale était tout à fait secondaire par rapport aux mouvements historiques européens et mondiaux, tout comme l’Italie d’après-guerre était un pion à l’intérieur du front occidental dans la politique mondiale des deux blocs (américain et soviétique), ce qui reste comme expression nationale originale est le mélodrame, forme de réalisation d’un esprit artistique concret et original. Du reste, la conscience de la nation est loin d’être formée, ainsi que l’idée d’un bien public, et tout se résout en passions individualistes, véritables fins en soi qui ne conduisent qu’à la trahison et à la tragédie finale, ainsi que dans le fond le Risorgimento est défini comme une  "révolution trahie".

Mais « Senso » est aussi une œuvre de grande inspiration scénique. Il reste un exemple, plus unique que rare, dans le cinéma italien, la représentation sans rhétorique des batailles du Risorgimento, en particulier la défaite à Custoza des troupes du général Alfonso La Marmora contre celles d’Alberto d’Autriche. Tout en étant vaincu, le Royaume d’Italie annexe la Vénétie en profitant de l’alliance avec les Prussiens qui battent les Autrichiens à Sadowa en les forçant à la capitulation. Les séquences sur le champ de bataille de Custoza rendent de façon réaliste le mouvement chaotique et peu organisé des troupes italiennes du fait d'incompréhensions entre La Marmora et le général Enrico Cialdini, en faisant vivre au spectateur le caractère dramatique de ces moments. Visconti privilégie des cadrages dans des champs longs en évitant les gros plans, en soulignant l’inutilité de cette bataille sanglante. Le film, principalement pour cette raison, est frappé par la censure précisément pour l’esprit révolutionnaire, qui contraint la coupe des scènes où l’état-major empêche l’intervention des patriotes civils par peur d’un tournant démocratique. Et c’est aussi une des raisons du boycott du film à l’Exposition du Cinéma de Venise en réduisant les probabilités de l’attribution du Lion d’Or. Mais cela ne l’empêche pas de devenir l’un des chefs-d’œuvre reconnus pas seulement de Visconti, mais du cinéma italien.

Dans un article paru sur « L’Europeo » en 1966 Luchino Visconti affirme :

"Cinéma, théâtre, opéra : je dirais que c’est toujours le même travail. Malgré l’énorme diversité des moyens utilisés. Le problème de faire vivre un spectacle est toujours le même. C'est plus d’indépendance et de liberté dans le cinéma, bien sûr, et dans le cinéma le discours devient toujours très personnel : on est beaucoup plus auteur en faisant un film, même s’il s’agit d’un film de d'adaptation littéraire. Mais il faut aussi dire que le cinéma n’est jamais de l’art. C’est un travail d’artisanat, parfois de premier ordre, plus souvent de deuxième ou de troisième ordre".

Cette déclaration apparaît comme une dévalorisation du cinéma en tant que septième art, en la réduisant à un simple artisanat. Et il peut sembler étrange pour quelqu’un comme Visconti, plus connu pour ses productions cinématographiques. Mais ce qui importe dans cette déclaration, ce sont trois concepts. Le premier est que, de toute façon, le réalisateur d’un film est un "auteur" autonome et peut donc, en tant que tel, exprimer sa poétique. Le second, pour Visconti, le mélange - et l’influence - entre cinéma, théâtre et opéra est évident et se répercute dans tous ses films. Le troisième aspect est le discours sur l’art et l’artisanat.

Il est indubitable que le cinéma est un ensemble d’autres arts : photographie, peinture, écriture, sculpture, théâtre, poésie; tout comme l’aspect collectif de l’équipe technique pour réaliser un film est déterminant. Le décor, la construction du décor, les costumes, bref, tout ce qu’on appelle le profilmique, sont faits par de grands artisans, par des personnes qui utilisent l’esprit, les mains et la passion. Et l’artisanat élevé frôle l’art. Art et artisanat dans le cinéma se mêlent et à plus forte raison dans celui de Visconti, où la recherche du détail, de l’objet, de leur disposition, de la scénographie et des costumes n’est jamais secondaire. Un discours qui a conduit beaucoup à accuser Visconti d’être une esthète formaliste.

Mais dans la réalité, le cinéma de Visconti est complexe et contradictoire dans son opération de fusion entre  culture et spectacle, né de la crise personnelle et sociale de ces années, où les ferments innovateurs allaient diminuer. 

"Nuits blanches" (« Le notti bianche »), sorti en 1957, est comme le signe emblématique de cette vision du cinéma - et de cette crise. Le film naît d’une production indépendante, dont font partie Visconti lui-même, Suso Cecchi D'Amico, Marcello Mastroianni et Franco Cristaldi, qui, pour surmonter les difficultés d’ordre économique traversée par le cinéma italien, décident de s’autofinancer, en fondant CI.AS (Cinématographique associée).

S’inspirant du récit homonyme de Dostoïevski, sur proposition de Suso Cecchi d'Amico, Visconti écrit le scénario ensemble, bouleversant l’original, transportant l'histoire à notre époque, dans un lieu qui pouvait être n’importe quelle ville italienne.

Marcello Mastroianni joue le personnage de Mario, tandis que le personnage de Natalia est confié à l’actrice Maria Schell, rencontrée par Visconti peu avant le tournage, et qui récite de mémoire les répliques en ne connaissant pas l’italien. Précisément par le type d’histoire d’amour contrasté, aussi bien aléatoire que littéraire, Visconti, en utilisant Mario Chiari et Mario Garbuglia, cherche à donner corps aux événements des deux personnages en s’appuyant sur la scénographie, en faisant construire une ville miniature dans le studio 5 de Cinecittà et en demandant à Giuseppe Rotunno de créer une photographie « d'atmosphère », en tournant en nocturne et en jouant sur les ombres et les lumières artificielles. Considéré comme une œuvre mineure, « Le notti bianche » remporte le Lion d’argent à l’Exposition du Cinéma de Venise en 1957, pour sa reconstruction où l’élément théâtral et scénographique devient prépondérant.

Un travail grandiose, de haut artisanat, justement, apprécié pour la capacité de rendre réel ce qui n’est pas. Pour Visconti, le film est aussi l’occasion d’explorer des voies nouvelles, inhabituelles. Une fois de plus, le mélange de cinéma, de théâtre et de littérature devient un terrain pour se détacher d’un style traditionnel et maniériste de l’époque, de la comédie à l’italienne et d’un néoréalisme désormais disparu et assimilé aux films qui traitent de sujets où le protagoniste est « le peuple », mais caricatural et avec un style maniériste. De plus, « Le notti bianche » devient le contrepoids positif de « Senso » : si dans ce dernier nous avons des personnages remplis d’inquiétude existentielle, où l’amour conduit à la ruine, dans « Le notti bianche » Visconti décrit des personnages qui croient en l’espoir, en attente de l’amour véritable, et Natalia est à la fin  récompensée par l'union avec l’homme qu’elle aime et qui s’était éloigné. Inversant les attentes avec une fin heureuse, cette vision "néoromantique" dicte le dépassement définitif du néoréalisme par Visconti (après Bellissima), de plus en plus conscient que la route à parcourir est celle d’un réalisme où la culture et l’analyse politique-sociale sont des éléments essentiels.

Andréa Lauro, 28 avril 2020

"Nuits blanches" (Le notti bianche), 1957 de Visconti - Marcello Mastroiani dans le rôle de Mario

"Nuits blanches" (Le notti bianche), 1957 de Visconti - Marcello Mastroiani dans le rôle de Mario

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27 avril 2020 1 27 /04 /avril /2020 15:13
Turquie: Hier guitariste, aujourd’hui je suis devenu terroriste . La lettre d'Ibrahim Gökçek, en grève de la faim
Dimanche, 26 Avril, 2020
Turquie. « Hier guitariste, aujourd’hui je suis devenu terroriste ». La lettre d'Ibrahim Gökçek, en grève de la faim
Ibrahim Gökçek, bassiste de Grup Yorum, est en grève de la faim depuis 314 jours ce 26 avril. Amaigri, ne pesant plus que 40 kilos, il est maintenant à l’article de la mort. Il a néanmoins transmis une lettre à l’Humanité . Une adresse au monde entier pour dénoncer les accusations portées contre lui, expliquer son combat et faire partager son espoir. Il rappelle le souvenir de son amie, la chanteuse du groupe, Helin Bölek, en grève de la faim elle aussi et qui a succombé le 3 avril dernierDes propos terribles et émouvants.
 

Helin Bölek, la chanteuse de Grup Yorum, décède d'une longue grève de la faim pour protester contre les atteintes aux libertés et droits humains de Erdogan

LA LETTRE D’IBRAHIM GÖKÇEK

« Hier j’étais guitariste, aujourd’hui je suis devenu terroriste »

Depuis ma chambre, dans un quartier-bidonville d’Istanbul, je regarde par la fenêtre le jardin. En sortant à l’extérieur, je pourrais voir un peu plus loin le Bosphore d’Istanbul. Mais voilà, je suis alité, et je ne pèse plus que 40 kilos. Mes jambes n’ont plus la force de porter mon corps. Pour le moment, je ne peux qu’imaginer le Bosphore.

Je suis sur scène, avec attachée au cou par la sangle étoilée que j’aime le plus, ma guitare… En face de moi, des centaines de milliers de personnes, poings levés, chantent “Bella Ciao”. Ma main gratte les cordes de la guitare comme si c’était la plus douée au monde… Mes jambes sont vigoureuses… Je pourrais parcourir dans Istanbul de long en large. 

Ces deux affirmations sont réelles… Les deux sont miennes, elles sont notre réalité. Parce que je vis en Turquie et que je suis membre d’un groupe qui fait de la musique politique. Et donc, mon histoire représente la grande histoire de mon pays… Aujourd’hui cela fait 310 jours que je ne mange plus. Disons que “je m’exprime par la faim” ou encore, “ils m’ont pris ma guitare basse et pour m’exprimer j’utilise comme instrument mon corps”. 

Je m’appelle Ibrahim Gökçek… Depuis 15 ans, je joue de la guitare basse dans “Grup Yorum”. Le Grup Yorum, créé il y a 35 ans par 4 étudiants, a une histoire en dents de scie à l’image de celle de la Turquie. Cette histoire nous a amenés jusqu’à aujourd’hui dans une grève à la vie à la mort pour pouvoir à nouveau faire des concerts. 

L’une des nôtres, ma chère camarade Helin Bölek, s’est éteinte le 3 avril, au 288ème jour de sa grève de la faim illimitée. C’est moi qui ai repris le flambeau. Vous allez dire, “pourquoi les membres d’un groupe musical font-ils une grève de la faim jusqu’à la mort? Pourquoi préfèrent-ils un moyen de lutte aussi affreux que la grève de la faim illimitée?”. 

Notre réponse est dans la réalité brûlante qui a conduit Helin à sacrifier sa vie à l’âge de 28 ans et qui me pousse à assumer de fondre de plus en plus chaque jour: 

Nous, nous sommes nés dans les luttes pour les droits et les libertés menées en Turquie à partir de 1980. Nous avons sortis 23 albums pour réunir la culture populaire et la pensée socialiste. 23 albums vendus au total à plus de 2 millions d’exemplaires. Nous avons chanté les droits opprimés en Anatolie et dans le monde. Dans ce pays, tout ce qu’ont vécu ceux qui luttaient pour leurs droits, les opposants, ceux qui rêvaient d’un pays libre et démocratique, nous aussi qui chantions leurs chansons, avons vécu les mêmes choses: nous avons été mis en garde à vue, emprisonnés, nos concerts ont été interdits, la police a envahi notre centre culturel et a brisé nos instruments. Et pour la première fois, dans la Turquie de l’AKP, nous avons été mis sur la liste des “terroristes recherchés” avec récompenses en prime. 

C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, j’ai décidé, ce qui doit vous paraître surprenant, de renoncer à manger. Parce que, malgré la qualification qui a été mise sur ma tête, je ne me sens absolument pas être un terroriste. 

La raison pour laquelle nous avons été mis sur cette « liste de terroristes » est la suivante: nous parlons dans nos chansons des mineurs qui sont obligés de travailler au plus bas sous terre, des ouvriers assassinés par les accidents du travail, des révolutionnaires tués sous la torture, des villageois dont on détruit l’environnement naturel, des intellectuels qui sont brûlés, des maisons détruites dans les bidonvilles, de l’oppression du peuple kurde et aussi de ceux qui résistent. Parler de tout cela, est considéré en Turquie comme du “terrorisme”. Ceux qui considèrent depuis 30 ans que le socialisme à l’échelle internationale n’est plus de mise, se trompent en pensant qu’un art comme le nôtre n’a pas de public. Nous avons donné les concerts réunissant le plus grand large public de l’histoire de la Turquie et des artistes de Turquie. Dans le stade Inönü à Istanbul, 55000 spectateurs ont chanté d’une seule voix des chants révolutionnaires. Et moi sur scène j’ai accompagné avec ma guitare cet extraordinaire choeur de 55000 personnes pour le dernier de nos concerts intitulé “Turquie indépendante”, organisé avec entrée libre, il y avait près de 1 million de personnes. Durant 4 années consécutives, nous avons invité sur notre scène les progressistes et les artistes de Turquie, et dans un nos de concert, Joan Baez est montée sur scène avec une des guitares cassées par la police dans notre centre culturel.

Le Grup Yorum a toujours été victime de la répression à l’arrivée de chacun des pouvoirs en Turquie. Mais après l’état d’urgence déclaré en 2016 par l’AKP, et l’augmentation de la pression sur toutes les catégories du peuple, des journalistes, des progressistes, des universitaires, nous avons compris qu’une répression pire encore nous attendait. Un matin à notre réveil, nous avons constaté que 6 d’entre nous avaient été mis sur la “liste des terroristes”. Mon nom figurait sur cette liste. Un guitariste qui avait participé 5 ans plus tôt à un concert qui avait regroupé plus d’un million de personnes était devenu un terroriste recherché avec récompense en prime. L’AKP au pouvoir, à chaque crise, intensifie ses agressions et s’attaque à des couches de plus en plus larges de la population.

Après la publication de cette liste, en deux ans, notre centre culturel a subi neuf assauts de la police. Pratiquement tous nos membres ont été emprisonnés au point qu’il n’y avait plus aucun membre du Grup Yorum en liberté. Nous étions donc dans l’obligation pour continuer à faire des concerts de surmonter cet interdit d’ engager de nouveaux musiciens. Nous avons ainsi organisé des concerts via internet avec des jeunes issus de nos choeurs populaires. Et parallèlement, contre ces attaques, nous avons dû faire des communiqués de presse et des pétitions. Cela n’a pas arrêté ces attaques. En février 2019, j’ai été arrêté lors d’une descente dans notre centre culturel et en mai 2019, nous avons entamé notre grève de la faim pour « la levée de l’interdiction de nos concerts, l’arrêt des assauts contre notre centre culturel, pour la libération de tous les membres emprisonnés de notre groupe et l’annulation des procès entamés contre eux, ainsi que pour que nos noms soient effacés de la liste des terroristes ». Par la suite, avec Helin Bölek, nous avons transformé notre action en grève illimitée de la faim. Cela signifiait que nous ne renoncerions pas à cette grève de la faim jusqu’à ce que nos revendications soient acceptées. Au prix même, si nécessaire, de la mort.

Pendant la durée de nos procès, Helin et moi avons été libérés mais malgré le soutien populaire et celui des progressistes, des artistes, des députés, le gouvernement a refusé d’entendre nos revendications. Aux députés qui lui rendaient visite, Helin avait répondu, “qu’ils nous promettent l’autorisation de faire un concert, et j’arrêterai la grève de la faim illimitée”. Cette promesse n’est pas venue. Et même plus, nous avons été empêchés par le gouvernement d’organiser ses funérailles conformément aux souhaits de Helin. Désormais Helin repose dans un cimetière à Istanbul, recouverte d’une robe blanche. La chambre à côté de la mienne est vide, quant à moi, qui depuis un certain temps, vit dans un lit, je ne sais pas où va aboutir mon voyage. La bataille qui se livre dans mon corps se soldera-t-elle par la mort? Ou alors par la victoire de la vie?

Ce que je sais avec le plus de force dans ce combat, c’est que, jusqu’à la satisfaction de nos revendications, je m’accrocherai à la vie dans cette marche vers la mort.

Ibrahim Gökçek

 
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25 avril 2020 6 25 /04 /avril /2020 11:55
Pauvreté. La faim va exploser en 2020- Marc de Miramon, Jeudi, 23 Avril, 2020
Jeudi, 23 Avril, 2020
Pauvreté. La faim va exploser en 2020

Selon l’ONU, la crise alimentaire pourrait toucher 250 millions de personnes d’ici à la fin de l’année.

Quelque 135 millions de personnes dans 55 pays étaient au bord de la famine en 2019, un nombre qui pourrait pratiquement doubler d’ici à la fin de l’année, indique un rapport de l’Organisation des Nations unies (ONU) présenté le 21 avril au Conseil de sécurité par la FAO et le Programme alimentaire mondial (PAM). S’il s’agit du chiffre le plus élevé depuis quatre ans et la création de ce rapport, sa rédaction date d’avant le début de la pandémie de coronavirus, qui pourrait se révéler être un facteur aggravant et faire exploser encore davantage l’insécurité alimentaire, prévient l’ONU. Le continent africain demeure le plus touché, avec en première ligne le Soudan du Sud (61 % de la population en état d’insécurité alimentaire), et une hausse de la faim au sein des zones de conflit « dans le bassin du lac Tchad et le centre du Sahel », en République démocratique du Congo, en Éthiopie, au Soudan et dans la partie nord du Nigeria.

Une plus grande difficulté à distribuer l’aide

Selon l’ONG Oxfam, environ 50 millions de personnes seraient actuellement menacées par la faim pour la seule région de l’Afrique de l’Ouest, en raison de l’impact de l’épidémie de coronavirus, ajoutée à la sécheresse et à l’explosion de l’insécurité, notamment dans la bande sahélienne. Un chiffre qui pourrait être atteint dès le mois d’août, selon les estimations de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). L’impact concret du Covid-19 se mesure pour l’instant davantage dans les conséquences du confinement et du ralentissement économique, dans des pays où 60 à 80 % de la population vit de l’économie informelle. Les annonces de couvre-feu et la fermeture de certaines frontières ont un impact direct sur les prix des produits de première nécessité, moins par pénurie réelle que par la grâce des logiques spéculatives.

Oxfam constate une plus grande difficulté à distribuer l’aide alimentaire, en particulier au Niger ou au Burkina Faso. Les problèmes d’approvisionnement concernent également les producteurs et les agriculteurs, qui peinent à se procurer semences et engrais de qualité, sans oublier l’impact des entraves à la circulation pour les éleveurs de bétail. Les prévisions catastrophiques de l’ONU, d’Oxfam ou de la Cédéao constituent un échec cinglant pour les Objectifs du millénaire adoptés en 2000 par 193 pays membres des Nations unies. Après plusieurs années de décrue, le nombre de personnes frappées par l’insécurité alimentaire est reparti à la hausse en 2015, principalement à cause de la dynamique des conflits en Syrie, au Yémen, au Sahel ou dans la Corne de l’Afrique.

Marc de Miramon
Pauvreté. La faim va exploser en 2020- Marc de Miramon, Jeudi, 23 Avril, 2020
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24 avril 2020 5 24 /04 /avril /2020 15:27
Ne lâchons plus Macron sur la dette africaine ! - Francis Wurtz, ancien député européen communiste, L'Humanité Dimanche, 23 avril 2020
 

« Nous devons aussi savoir aider nos voisins d’Afrique sur le plan économique en annulant massivement leurs dettes » : cette « petite phrase » du Président de la République lors de son allocution télévisée du 13 avril dernier, près de 37 millions de personnes en France -et bien d’autres par ailleurs, notamment en Afrique…- l’ont entendue ! N’acceptons pas qu’on puisse faire d’un enjeu de cette importance un hyper-coup de com’ sans lendemain ! Certes, les 20 pays les plus riches du monde (G20) ont décidé, dans la foulée, de…suspendre pour un an le paiement des intérêts de cette dette. Mais cette mesure -une bouffée d’oxygène indispensable- est notablement insuffisante. Et surtout, bien que le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, ait présenté un peu vite l’acte du G20 comme « un succès important pour la France  et pour ses partenaires », il ne faudrait pas que le Chef de l’Etat s’estime quitte de son engagement ! Retour sur un enjeu vieux de plus de trente ans qui , dans le contexte de la crise actuelle, devient explosif.

Les prévisions très alarmantes concernant l’Afrique se multiplient depuis quelques temps sur tous les plans : sanitaire, économique, alimentaire, écologique…Les économistes s’attendent à la première récession sur ce continent depuis un quart de siècle du fait de l’effondrement de la croissance mondiale, de la chute des cours des matières premières et du tarissement des transferts d’argent des travailleurs émigrés . Dans ce contexte, le paiement du service de la dette des pays pauvres, qui ne cesse de s’alourdir, apparaissait à tous les observateurs avertis tout simplement impossible. Songeons qu’avant l’épidémie, 49 pays du Sud à faibles revenus -particulièrement en Afrique-  consacraient déjà plus d’argent au paiement de la dette qu’à la santé ! Dans certains pays, comme le Ghana, la charge de la dette était, selon OXFAM,…11 fois supérieure aux dépenses de santé ! Ignominieux hier, absolument intenable aujourd’hui ! Aussi, de nombreuses voix se sont-elles levées à travers le monde pour appeler à des actions significatives sur la dette du continent : depuis  l’Union africaine et le Secrétaire général des Nations-Unis, Antonio Gutterrez, le mois dernier, en passant par le Pape François dans son message de Pâques, jusqu’au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale, plus récemment. Ainsi, donc, que le Président français. Le grand mérite de l’annonce de ce dernier est finalement d’avoir catapulté une exigence de premier plan dans le débat public : ne le lâchons plus sur le sujet ! Annuler la dette -mieux : éradiquer le mécanisme diabolique de la dette à perpétuité pour les plus démunis- voilà l’objectif à atteindre ! C’est l’intérêt de millions d’Africains, mais c’est aussi le nôtre : la crise actuelle rappelle à qui l’ignorait encore qu’il n’y a qu’un monde et qu’une humanité.

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24 avril 2020 5 24 /04 /avril /2020 05:47
Gestion de l'épidémie : y a-t-il un secret Allemand? (Bruno Odent, L'Humanité, 21 avril)
Mardi, 21 Avril, 2020
Gestion de l'épidémie : y a-t-il un secret Allemand?

Le pays est en train de débuter son déconfinement. Et, même si le nombre de cas est reparti hier à la hausse, l'Allemagne affiche jusqu’ici, et de très loin, un bien meilleur bilan de la lutte contre la pandémie que ses grands voisins européens, en particulier la France. Explications. 

 

Quel est le secret de l’Allemagne ? Le pays affiche jusqu’ici et de très loin un bien meilleur bilan de la lutte contre la pandémie que ses grands voisins européens, en particulier France et Royaume-Uni. Berlin et les dirigeants des seize Länder (États-régions), associés étroitement dans la gestion de la crise, estiment que la pandémie serait désormais « sous contrôle » et ils ont lancé, depuis hier, des premières mesures d’un déconfinement qu’ils veulent « prudent et progressif » en autorisant la réouverture de tous les commerces de moins de 800 mètres carrés.

L’Allemagne déplorait, ce mardi 21 avril, 4.598 décès provoqués par le Covid-19, soit quatre fois moins que la France pour un nombre d’infections prouvées sensiblement identique (aux alentours de 150 000) dans les deux pays. Une meilleure anticipation de la gravité de la pandémie, un recours massif aux tests de dépistage et une densité hospitalière mieux préservée sont les éléments d’explication essentiels de cette capacité à réduire sensiblement le nombre de victimes du virus.

« Trois semaines d’avance sur ses voisins européens »

Alors que Paris se signalait par ses terribles atermoiements, l’alerte maximum allait être enclenchée par Berlin dès que les premiers cas de contamination sont apparus en Bavière, à la mi-janvier. Le grand centre de recherche de l’hôpital de la Charité dans la capitale allemande a transmis alors à tous les laboratoires du pays les procédures de test du Covid-19. L’Allemagne allait pouvoir monter en puissance très rapidement vers un recours massif au dépistage. Jusqu’à pratiquer aujourd’hui quelque 500 000 tests hebdomadaires. « L’Allemagne a pris, je crois, au moins trois semaines d’avance sur ses voisins européens parce que nous avons beaucoup diagnostiqué, beaucoup testé », expliquait, le 20 mars dernier, Christian Drosten, directeur de l’Institut de virologie de la Charité, dans les colonnes de l’hebdomadaire Die Zeit.

Mais encore fallait-il que le pays dispose des moyens de cette réactivité. Pour fabriquer les tests nécessaires, les autorités allemandes vont pouvoir s’adosser sur un tissu industriel fort, détenant une maîtrise de la haute technologie.

À l’inverse de Paris qui, confronté à la misère de la désindustrialisation hexagonale, est contraint de gérer la pénurie en termes de tests comme de masques et autres équipements clés. Une entreprise berlinoise, TIB Molbiol, va être sollicitée pour produire à grande échelle des tests dès février. Et les hôpitaux allemands vont très vite passer commande de quelque 10 000 respirateurs auprès d’entreprises locales en prévision d’un éventuel afflux de patients dans leurs centres de soins intensifs.

Maintien d’une densité hospitalière relativement forte

À côté de cet atout industriel, le maintien d’une densité hospitalière relativement forte constitue l’autre secret du bon comportement allemand face à la pandémie. Et cela en dépit de l’austérité qui a conduit nombre de collectivités régionales à saper dans leurs dépenses de santé. L’Allemagne dispose, selon les chiffres de l’OCDE, de 6,02 lits de soins aigus pour 1 000 habitants contre 3,09 pour la France. Un état de fait qui a d’ailleurs conduit à de remarquables gestes de solidarité de plusieurs établissements allemands qui ont accueilli des patients français dans leurs services intensifs quand les hôpitaux du Grand Est étaient submergés.

Il y a cependant quelques ombres au tableau de cette gestion plutôt exemplaire. L’un des principaux sujets d’inquiétude porte sur l’accès aux soins des milieux populaires. Un système de couverture maladie à deux vitesses fait en effet cohabiter, depuis des années, les souscripteurs d’assurances privées issus des milieux les plus aisés avec les assurés des caisses légales (l’équivalent de notre Sécurité sociale). Et les mieux et les plus rapidement servis sont naturellement les premiers. En cas de nouvelle flambée de l’épidémie, des arbitrages déjà insupportables pourraient prendre une dimension obscène. Et l’inquiétude d’une résurgence du fléau peut se nourrir de l’attitude d’un patronat allemand qui mène une campagne de tous les instants pour une réouverture la plus rapide possible de l’économie. Quoi qu’il arrive.

Bruno Odent
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22 avril 2020 3 22 /04 /avril /2020 10:42
SAUVEZ L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ

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Aux gouvernements du monde entier:

"Nous condamnons la décision du président Trump de suspendre le financement américain à l'OMS et nous vous demandons instamment de veiller à ce que l'OMS et toutes les autres organisations internationales menant la riposte face à cette pandémie soient correctement financées et que tout potentiel vaccin ou traitement soit développé et distribué de manière juste et équitable. Ce virus nous affecte tous et nous sommes engagés dans cette lutte ensemble. Nous devons affronter cette menace commune en coopérant, notre humanité commune doit transparaître dans notre réponse."

Appel pour sauver l'organisation mondiale de la santé après la décision irresponsable et agressive de Trump de suspendre le financement des Etats-Unis
Jeudi, 16 Avril, 2020 - L'Humanité
L'OMS, un outil de coopération globale indispensable

L’agence onusienne fait de la santé un droit fondamental de tout être humain. Elle offre un indispensable espace de coordination devant les périls sanitaires planétaires.

 

Le monde n’a pas attendu les embardées de Donald Trump pour voir les États-Unis dynamiter les initiatives multilatérales consacrées aux enjeux de santé publique. À la fin de la Grande Guerre, Washington s’opposait déjà au rattachement de l’Office international d’hygiène publique, créé une décennie plus tôt à Paris, par la jeune Société des nations. Les ravages de la grippe espagnole, puis la dévastation de la Seconde Guerre mondiale imposent pourtant la création d’un organisme international dédié au redressement sanitaire, à la prévention des épidémies, à la lutte contre les maladies infectieuses qui semaient partout la mort.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) prend corps en 1948, sous la tutelle de l’Organisation des Nations unies. Sa constitution fixe pour horizon le niveau de santé le plus élevé possible pour tous les êtres humains, la santé étant ici comprise comme un « état de ­complet bien-être physique, mental et social et ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Dès le début des années 1950, l’agence supervise de vastes campagnes de vaccination contre la tuberculose et la poliomyélite ; la décennie suivante est marquée par la mise en place d’un dispositif de surveillance des maladies infectieuses graves (choléra, peste, fièvre jaune, variole, typhus) et, dans les années 1970, l’OMS promeut une approche de la santé reliée aux enjeux de lutte contre la pauvreté, d’accès à l’éducation, à l’eau, à une alimentation saine. Elle dresse alors une liste de médicaments essentiels à tout système de santé de base. Première confrontation avec les géants de l’industrie pharmaceutique, qui contestent le principe même d’une telle liste.

L’organisme est critiqué pour ses positions antilibérales

Les orientations de l’agence suscitent l’hostilité des États-Unis, qui finissent par suspendre leur cotisation, au milieu des années 1980. Les efforts se concentrent, à la même époque, sur un fléau nouveau : le Sida. La pandémie prend un tour tragique en Afrique, où les plans d’ajustement structurel ont démoli les systèmes publics de santé et laissé les populations exsangues. Sa critique de ces thérapies de choc libérales vaut à l’agence d’être marginalisée, au profit de la Banque mondiale, qui se pique alors de santé publique en finançant des programmes ouverts aux « parte­naires » privés.

Au tournant des années 2000, avec l’émergence de nouvelles maladies infectieuses potentiellement pandémiques, l’OMS revient au-devant de la scène. En s’ouvrant à son tour à des « coopérations » avec des acteurs non étatiques, ONG, lobbies de l’industrie pharmaceutique, opérateurs privés comme la Fondation Bill et Melinda Gates. Avec la pandémie de grippe H1N1, en 2009, on la suspecte d’avoir cédé aux pressions des laboratoires pharmaceutiques en exagérant la menace, encourageant ainsi la production et la vente massive, aux États, de médicaments et de vaccins. Trois ans plus tard, un comité d’experts de l’ONU blanchit l’agence, tout en relevant « l’absence de procédures suffisamment solides, systématiques et transparentes pour révéler, reconnaître et gérer les conflits d’intérêts ».

En 2013, lors de l’épidémie d’Ebola qui frappe 26 000 personnes et fait 10 900 morts en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone, l’agence est au contraire accusée d’avoir tardé à réagir. Une nouvelle expertise onusienne relève des défaillances, l’organisation se réforme pour être capable d’apporter des réponses « adéquates et sérieuses » aux flambées épidémiques. En quittant son poste, au printemps 2017, sa directrice générale, Margaret Chan, admet des retards et des erreurs dans la lutte contre Ebola.

Son successeur, l’Éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, promet « des ripostes solides dans les situations d’urgence ». Le 30 janvier 2020, il décrète « l’urgence de santé publique de portée internationale » devant l’épidémie de coronavirus née deux mois plus tôt à Wuhan, en Chine. Une procédure rare, qui signale une situation « grave, inhabituelle ou inattendue » appelant une réponse globale coordonnée. Dans les capitales occidentales, ses alarmes sont reçues avec circonspection ou dédain ; on néglige ses recommandations tout en critiquant ses complaisances supposées pour la gestion de cette crise sanitaire par Pékin. Le 11 mars, l’OMS qualifie le Covid-19 de « pandémie mondiale ». « Cela va disparaître, restez calme, ­répétait ce jour-là Donald Trump. Tout se déroule bien. Beaucoup de bonnes choses vont avoir lieu. »

Rosa Moussaoui
Jeudi, 16 Avril, 2020 - L'Humanité
Pourquoi Donald Trump torpille l’Organisation mondiale de la santé en pleine pandémie

En pleine pandémie, le président des États-Unis a décidé de couper les vivres à l’Organisation mondiale de la santé. Détournant l’attention de sa gestion calamiteuse de la crise, il accentue en même temps son forcing pour un ordre mondial nouveau dominé par Washington et Wall Street.

 

Donald Trump assène un nouveau coup de poignard à toute la communauté internationale. Après le climat, le commerce ou les réfugiés, le voilà qui, dans sa course à un nouvel ordre mondial rétablissant ou confortant la domination de l’empire états-unien, adresse une fois encore un bras d’honneur à l’ONU. En pleine pandémie de coronavirus, son plus gros contributeur ne décide rien de moins que de couper les vivres à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle serait, à ses yeux, coupable de « mauvaise gestion » du Covid-19 et de « dissimulation de la propagation du virus ». L’offensive, qui masque mal la propre impéritie du président, est aussi criminelle et anachronique que l’est, au XXIe siècle, la suprématie des multinationales américaines et de la finance de Wall Street sur le monde.

Comment cette offensive s’inscrit dans la politique internationale des États-Unis

Lors de son discours prononcé devant l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre de l’année dernière, Donald Trump résumait sans fard sa philosophie politique : « L’avenir n’appartient pas aux mondialistes. L’avenir appartient aux patriotes. » De fait, depuis son accession à la présidence des États-Unis, il n’a cessé de décliner son slogan « America First », en dénigrant les organisations et les structures internationales (allant même jusqu’à traiter l’Otan d’ « obsolète » avant de se rétracter) et s’affranchissant autant que possible de toutes les participations, les engagements et les accords passés, prenant pour cela tous les prétextes.

Le locataire de la Maison-Blanche a ainsi annoncé que son pays sortait des accords de Paris sur le climat, a suspendu sa participation financière à l’Unesco et l’Unrwa (agence onusienne de protection des réfugiés palestiniens) pour mieux soutenir Israël. Il s’est également retiré de l’accord sur le nucléaire iranien, pourtant garanti par le Conseil de sécurité de l’ONU. C’est dire si la suspension de la contribution américaine à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), bien que grave, n’est pas si étonnante. Cette décision s’inscrit totalement dans la politique de Trump. En cette période, elle est à mettre en lien avec l’offensive en cours menée contre la Chine.

Le Covid-19 et une supposée inféodation de l’OMS à Pékin ne sont qu’un prétexte pour tenter d’endiguer la Chine. Sa puissance économique inquiète et son soft power tend à supplanter celui des États-Unis. S’agissant du virus proprement dit, cette guerre larvée entre les États-Unis et la Chine s’est traduite par une paralysie des Nations unies. Alors qu’en 2014, une résolution avait été votée concernant le virus Ebola, cette fois, malgré la pandémie, aucun mécanisme pour la coordination de la lutte et pour l’assistance aux victimes n’a été élaboré.

Forcing pour un ordre mondial nouveau, fondé sur le national-libéralisme

Alors qu’émerge comme jamais, à l’heure de la pandémie, un immense besoin de coopération, de partage et de solidarité pour vaincre le fléau, Donald Trump continue son offensive nationaliste. Il ne sépare pas le traitement de la crise de cette ligne stratégique visant coûte que coûte à rétablir ou à approfondir la suprématie états-unienne. Comme lorsqu’il n’hésite pas à tremper, à la mi-mars, dans une tentative d’OPA sur le laboratoire biopharmaceutique allemand CureVac que l’on dit proche de l’élaboration d’un vaccin.

La stratégie est totalement dévouée aux champions de Wall Street. Même ceux de l’Internet et du numérique dans la Silicon valley qui ont, un temps, en début du mandat du magnat de l’immobilier, contesté ce changement de pied, s’y sont totalement ralliés. Ravis de la puissance nouvelle que leur a conférée la réforme fiscale adoptée à la fin 2017, un extraordinaire dumping en faveur des firmes américaines qui a consisté notamment à réduire l’impôt sur les sociétés de 35 % à 20 %.

Le trumpisme a mis tous les moyens de la puissance dont disposent les États-Unis pour restaurer ou accentuer l’hégémonie de Wall Street. Cette offensive tous azimuts est passée par un retour en force de la dérégulation financière, au mépris des enseignements du krach de 2008. Elle s’est appuyée sur le Penta­gone, qui a bénéficié de hausses historiques d’environ 10 % de son budget, chaque année entre 2017 et 2019.

Forte de cette méthode économico-­militaro-diplomatique, baptisée souvent « diplomatie du deal », l’administration Trump a déclenché une guerre commerciale ciblant beaucoup, on le sait, la Chine. Mais d’autres pays réputés proches n’y ont pas échappé ; comme le Mexique et le Canada, contraints d’accepter un reformatage de l’accord de libre-échange nord-américain, Alena. Même l’Europe a été mise sous pression. Et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été priée de revoir ses arbitrages en faveur du maître, sinon de disparaître, elle aussi, comme l’OMS aujourd’hui.

L’OMS « bouc émissaire » de l’impéritie du président étatsunien

Même si elle s’inscrit dans le droit-fil de sa stratégie internationale, la décision de Donald Trump de couper les vivres de l’OMS repose également sur des considérations de politique intérieure : l’OMS lui sert de « bouc émissaire » au moment où sa responsabilité dans l’immense crise sanitaire et sociale que traverse le pays apparaît au grand jour. Deux enquêtes publiées durant le week-end pascal par le New York Times et le Washington Post ont montré à quel point il avait décidé d’ignorer tous les conseils et avertissements, non seulement des autorités compétentes mais également de son propre staff, notamment un mémo de Peter Navarro, son conseiller au commerce, qui annonçait clairement l’étendue du désastre à venir.

Fidèle à son mode opératoire habituel – déni, anti-intellectualisme (position ­anti-science, en l’occurrence), rejet des normes et règles –, le président milliardaire assurait pourtant, dans les jours suivants, que le virus n’allait pas tarder à disparaître. Avec 600 000 cas confirmés et 25 000 morts, il lui est désormais difficile de minimiser l’épidémie. Les signes de « coût politique » se multiplient : le décrochage de sa cote de popularité et la défaite d’un juge républicain sortant à la Cour suprême du Wisconsin (État clé qu’il avait remporté en 2016) constituent deux sérieux signaux d’alerte quant à sa capacité à être réélu en novembre prochain.

Aux abois, Trump mobilise sa tactique habituelle : faire diversion sur des thématiques susceptibles de contenter sa base électorale. Il accuse ainsi les gouverneurs démocrates de mener une « mutinerie » contre lui. À cet ennemi intérieur, Trump a adjoint un ennemi extérieur avec l’OMS, symbole d’un multilatéralisme honni par les adeptes de l’« America First ».

Pierre Barbancey, Christophe Deroubaix et Bruno Odent
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20 avril 2020 1 20 /04 /avril /2020 06:03
En Inde, la peur de la faim surpasse celle du virus (Médiapart, 19 avril 2020)
En Inde, la peur de la faim surpasse celle du virus
Par Côme Bastin

La deuxième population mondiale est confinée depuis le 25 mars. Cette décision sanitaire prise par le premier ministre Narendra Modi sans préavis jette des centaines de millions d’Indiens dans le dénuement le plus total.

Bangalore (Inde), correspondance.– Le 23 mars, Aklhakh Makandar pose ses valises dans un minuscule dortoir de Bangalore, la capitale économique du Sud. Venu du Nord, ce migrant s’est vu promettre un travail de livreur, près de l’immense marché central. De quoi envoyer de l’argent à sa femme et ses deux filles restées au village.

Mais le lendemain, comme 1,3 milliard de ses compatriotes, il écoute le premier ministre Narendra Modi décréter le plus grand confinement du monde face au coronavirus. « Tout s’est arrêté alors que je venais à peine de commencer mon job, témoigne Aklhakh Makandar. L’hôtel a fermé et je me suis retrouvé à la rue sans revenu. » Dans sa malchance, il tombe cependant sur un bon Samaritain. À 26 ans, Navneet Fullinwans l’accueille dans le lycée de son père, transformé en refuge pour travailleurs. Dans les salles de cours, les lits ont remplacé les tables et les chaises. Sommaire, mais salutaire. 

Le cas d’Aklhakh Makandar est malheureusement loin d’être isolé. En Inde, 80 à 90 % des emplois relèvent du secteur « informel » : de petites tâches payées à la journée, au noir, qui se pratiquent souvent à même la rue. Autant de travailleurs sans économies, plongés dans la misère du jour au lendemain, incapables de payer un loyer ou même de s’acheter à manger. En l’absence de tout transport, il ne leur reste que leurs pieds pour regagner les campagnes qu’ils avaient quittées en bus dans l’espoir d’une vie meilleure.

On assiste sans doute au plus grand exode depuis la partition avec le Pakistan en 1947. Sauf que, pour compliquer l’affaire, les frontières entre les 27 différents États de l’Inde ont été bouclées. « En voyant les images de ces déshérités jetés sur les routes, mon père et moi avons décidé d’agir à partir du 5 avril, raconte Navneet Fullinfaws. Grâce aux dons de nombreux habitants, nous parcourons Bangalore pour livrer des rations de nourriture dans les quartiers les plus pauvres. »

Mourir de faim ou du virus ? La formule revient pour décrire le dilemme auquel le sous-continent fait face. Le confinement semblait être inévitable. Bientôt plus peuplée que la Chine sur un territoire trois fois plus réduit, championne du monde de la pollution et des maladies pulmonaires, déficiente en infrastructures hospitalières : l’Inde rassemble tous les ingrédients pour que le Covid-19 fasse un carnage. « Sans confinement, 300 à 500 millions d’Indiens auraient été infectés d’ici juillet, avec deux millions de morts », projette Ramanan Laxminarayan, vice-président de la Public Health Foundation of India.

Le prix que cette décision fait payer aux plus pauvres est néanmoins glaçant. Dans les bidonvilles surpeuplés, où le concept de « distanciation sociale » tient de la farce, on guette le bout du tunnel. À l’annonce de la reconduction du confinement jusqu’au 3 mai, des émeutes ont explosé mardi 14 avril à Bombay. Depuis trois semaines, les migrants pris au piège des frontières attendaient une reprise, mais ils ont vu leurs espoirs douchés au bâton par la police. Quelques jours plus tôt, des travailleurs désespérés avaient mis le feu à un refuge de Delhi, surchargé, incapable de nourrir ses occupants. L’un d’eux est mort dans les eaux de la rivière Yamuna lors de la répression. 

Parmi les élites, le confinement fait consensus, mais pas son organisation. « C’était nécessaire pour réduire la progression de l’épidémie mais les dégâts sur les travailleurs de ce pays sont immenses », juge Dushyant Dave, président de l’association des avocats à la Cour suprême indienne. Pour ce juriste, la mise en place du confinement viole les droits constitutionnels fondamentaux. « Prévenir 1,3 milliard d’habitants seulement quatre heures à l’avance et fermer subitement les frontières internes d’un pays aussi complexe, c’est courir au désastre. Des millions d’Indiens n’ont pas les documents nécessaires pour bénéficier des aides. Et, malheureusement, le gouvernement n’a pas corrigé la trajectoire lors de la reconduction du confinement. » Une réalité que Navneet Fullinfaws constate chaque jour sur le terrain, à Bangalore : « L’État du Karnataka distribue de la nourriture à ses citoyens. Mais ici, beaucoup des pauvres viennent d’un autre État et n’y sont donc pas éligibles ! »

Il est difficile d’obtenir des chiffres précis sur la situation, alors que les travailleurs de l’économie informelle échappent par définition aux statistiques et que le pays est cloîtré. Par téléphone, l’ONG Jan Sahas a néanmoins réussi à sonder l’anxiété de plus de 3 000 travailleurs migrants dans le cadre d’une étude baptisée « Voix des citoyens invisibles ». Elle conclut que la moitié n’ont pas pu regagner leurs villages. Les deux tiers répondent ne plus pouvoir tenir financièrement plus d’une semaine et ne pas savoir comment accéder aux subventions qui leur sont destinées.

Ainsi en est-il des 4 milliards d’euros débloqués par le gouvernement central dès le 24 mars pour soutenir les 55 millions d’ouvriers du bâtiment subitement au chômage. « Notre base de données montre qu’environ 94 % n’ont pas de contrat ni de carte de travail, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas prétendre à ces prestations, précise Ashif Shaik, directeur de l’étude. 17 % n’ont de toute façon même pas de compte en banque ! »

« Le gouvernement a bien essayé de prendre des mesures, comme verser de l’argent sur les comptes des femmes pauvres via un programme d’inclusion bancaire. Mais, dans l’ensemble, sa gestion a été assez médiocre », estime Vivek Kaul, économiste. Avec trois semaines de confinement supplémentaires, l’homme craint que la demande, déjà trop faible en Inde avant le virus, ne s’effondre totalement. « Chaque jour supplémentaire de verrouillage est terrible pour l’économie informelle. Mais étant donné l’état des infrastructures de santé en Inde, la question est de savoir s’il existe une autre option. »

L’Inde, où l’on compte 0,7 lit d’hôpital pour 1000 habitants contre 7 en France, est engagée dans une course pour se préparer au pic de coronavirus prévu fin juin sans affamer sa population. À partir du 20 avril, des ouvertures sont prévues dans certains secteurs économiques, notamment l’agriculture, alors que les récoltes sont prêtes dans les campagnes et que les prix des légumes explosent en ville.

Entre le début du confinement et ce dimanche 19 avril, le nombre de cas en Inde est passé de 500 à 15 000. Il a donc été multiplié par 30 en 25 jours. Au regard du faible nombre de tests réalisés, les vrais chiffres sont, hélas, sûrement plus élevés. Un bilan mitigé, même si la courbe aurait probablement été plus exponentielle en l’absence de mesures.

Au milieu de ce sombre tableau, le formidable élan de solidarité qui parcourt le pays suscite l’optimisme. Après presque un mois de calvaire, personne n’est mort de faim en Inde. Mais la société civile ne nourrira pas les plus pauvres ad vitam æternam. « Le confinement ne peut pas être prolongé beaucoup plus longtemps. La seule solution pour l’Inde est de cheminer vers l’immunité collective, juge Jayaprakash Muliyil, épidémiologiste au Christian Medical College. Pour cela, les jeunes doivent progressivement ressortir, le travail et les activités agricoles doivent reprendre» Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), plus de 400 millions de travailleurs indiens plongeront sous le seuil de pauvreté si le confinement s’éternise. Encore quinze jours, dans le meilleur des scénarios.

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20 avril 2020 1 20 /04 /avril /2020 05:28
Pékin pris pour cible par l’occident. L’ objectif ? Réduire l’influence chinoise (L'Humanité, 19 avril 2020)
Dimanche, 19 Avril, 2020 - L'Humanité
Pékin pris pour cible par l’occident. L’ objectif ? Réduire l’influence chinoise

Alors qu’elle tend à s’affirmer sur la scène internationale, la seconde puissance mondiale fait l’objet d’une offensive coordonnée. L’accumulation de défis et d’incertitudes économiques la pousse à la riposte.

 

La Chine se tient sur une ligne de crête. Au centre des recompositions géopolitiques, sa position l’expose. À ce titre, le coronavirus agit comme un accélérateur de tendances. Les autorités chinoises aimeraient voir dans les événements actuels un révélateur des faiblesses structurelles occidentales et l’avènement d’une nouvelle ère dans laquelle elle donnerait le tempo face à une Amérique tentée par l’isolationnisme. Après des décennies de discrétion érigée en dogme, la seconde puissance mondiale tend désormais à s’affirmer. C’est le cas depuis la prise de pouvoir de Xi Jinping en 2012 et l’émergence des nouvelles Routes de la soie qui ont permis au pays de proposer un autre récit du monde lié au développement, mais aussi de se projeter hors de ses frontières, de mettre un pied dans l’environnement proche de ses rivaux et d’occuper la place laissée vacante par les politiques d’austérité.

l’Organisation mondiale de la santé est accusée d’être aux mains de Pékin

Ainsi s’est-elle taillé la part du lion dans les ports pakistanais, sri-lankais, grecs ou italiens, mais également en Afrique et en Amérique latine, quitte à créer de nouvelles dépendances économiques. Sujette aux critiques, la Chine a annoncé, la semaine dernière, un gel temporaire des dettes africaines. Selon la Conférence des nations unies sur le commerce et le développement, la dette du continent envers la Chine est passée de 28 % en 2005 à environ 46 % du total en moyenne, du fait des prêts à 0 % contre 2 à 3 % du côté occidental. La Chine réfute régulièrement les accusations liées à un piège des obligations en arguant qu’elle s’expose aussi en tant que créancière et surtout que cette dette sert le développement local. Elle commence également à faire preuve d’une certaine prudence dans les accords passés en les conditionnant – fait nouveau – à des engagements contre la corruption ou à une limite de mandats dans le respect des Constitutions locales, comme ce fut le cas au Kenya.

Cette surexposition de Pékin donne lieu à une offensive musclée. Entre la guerre commerciale initiée par Donald Trump et les manifestations à Hong Kong, 2019 a marqué un tournant dans la campagne antichinoise. Aujourd’hui, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est accusée d’être aux mains de Pékin, d’avoir sciemment sous-estimé l’importance du coronavirus et, en instance, d’avoir contribué à l’impréparation des autres pays ! « On a vu renaître les préjugés néoconservateurs. La compréhension du monde passerait par une division entre pays démocratiques ou non. Cette analyse est resservie à l’aune du coronavirus avec l’idée selon laquelle si la Chine avait été démocratique, le monde n’en serait pas là. Il me semble que son retard à l’allumage soit moins dû à des questions de transparence qu’à une volonté de maintenir la croissance à tout prix, et donc la stabilité sociale », souligne Jean-Louis Rocca, professeur à Sciences-Po. À l’absence totale de transparence, le chercheur oppose la pratique d’une « transparence contrôlée ». Tout en renforçant son emprise sur les médias, Pékin a laissé libre cours aux critiques sur les réseaux sociaux afin de comprendre les dysfonctionnements à la base dans la gestion de l’épidémie.

Affirmation de puissance ne vaut pas impérialisme

La montée en puissance chinoise passe également par les instances internationales. Depuis l’élection de Donald Trump, la seconde puissance mondiale a vu dans le retrait des États-Unis de plusieurs organisations l’occasion de profiter de cette vacance de leadership. Toutefois, note Barthélemy Courmont, directeur de recherches à l’Iris, « la Chine ne veut pas devenir une hyperpuissance et hériter du fardeau que ce statut impose. Pékin a suivi de près les déboires de Washington depuis deux décennies et ne veut pas connaître le même destin ». Affirmation de puissance ne vaut donc pas impérialisme. En parallèle d’une volonté marquée de s’affranchir du consensus de Washington, avec la création d’une banque de développement des pays émergents destinée à se poser en alternative au FMI, la Chine occupe désormais une place stratégique au sein du système international d’après guerre et des agences onusiennes. « La Chine a longtemps observé une diplomatie discrète. On observe une volonté de jouer un rôle plus important, mais les diplomaties occidentales doivent faire preuve de cohérence. Ces dernières ont très longtemps accusé Pékin de ne pas jouer le jeu. Aujourd’hui, les autorités chinoises surinvestissent ce rôle à leur manière. Charge aux Européens de rééquilibrer cette influence », explique encore Jean-Louis Rocca. La Chine entend profiter du répit dans la crise sanitaire pour faire valoir sa position sur l’échiquier mondial. Le pays a ainsi versé 20 milliards de dollars à l’Organisation mondiale de la santé et proposé son aide à quatre instances afin d’aider les pays en développement à améliorer leur système de santé. Pour discréditer cette démarche, les critiques se sont tournées vers l’envoi de médecins chinois à l’étranger. Mais quel pays agit sans arrière-pensées ?

Pékin entend faire émerger une nouvelle multipolarité

Cette bataille est engagée depuis le pivot stratégique de Barack Obama vers l’Asie qui a mené Pékin à multiplier les initiatives en mer de Chine, à créer la Banque asiatique pour les investissements dans les infrastructures et le projet des nouvelles Routes de la soie. Cette nouvelle architecture, dans laquelle la Chine offre son aide en échange de débouchés commerciaux, a poussé les États-Unis, la France, l’Inde et le Japon à développer une réponse économique et militaire par le biais de la stratégie dite indo-pacifique.

Aujourd’hui, la riposte de Pékin se fait plus véhémente, comme l’illustrent des textes de l’ambassade de Chine en France qui critiquent ouvertement la défaillance des autres puissances dans leur gestion du coronavirus. Le ministère français des Affaires étrangères n’a pas tardé à exprimer sa « désapprobation » à l’ambassadeur Lu Shaye. Jean-Louis Rocca précise : « Personne ne sait ce qu’il se passe vraiment au niveau de l’appareil central chinois, mais il est probable que leur montée au créneau soit un aveu de faiblesse. Ils se sentent menacés par l’accumulation de crises et l’incertitude économique. Dans ce contexte, le nationalisme est ravivé, la Chine entend se défendre contre les attaques de l’étranger, mais fait preuve d’une méconnaissance des opinions publiques européennes. En conséquence, ses communiqués sont contre-productifs. » La Chine, comme ses rivaux, a intégré l’idée que la crise actuelle laissera des vainqueurs et des vaincus. Plutôt que de s’enfermer dans un duel mortifère avec Washington, Pékin entend faire émerger une nouvelle multipolarité. Et raviver le concept millénaire de Tianxia, où « tout ce qui existe sous le ciel » trouve sa place dans la gouvernance mondiale. Pas sûr que les conflictualités actuelles y contribuent.

Wuhan révise ses chiffres

Accusée de minimiser le nombre de morts du coronavirus, Wuhan a révisé, vendredi, ses chiffres à la hausse avec 1 290 décès supplémentaires, expliquant que les patients décédés à domicile n’avaient pu être initialement pris en compte comme c’est le cas en France. Ces statistiques font grimper de 50 % le bilan de la ville. Ce nouveau décompte porte à 4 632 le nombre de décès en Chine.

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