30 ans après la chute du mur de Berlin, Paris accueille la deuxième édition du Forum sur la Paix. Tout ce qui peut contribuer au dialogue, à la coopération, à la baisse des tensions, à la fin des conflits, à la paix, mérite d’être accueilli avec intérêt. Ce Forum se tient au lendemain des célébrations du 9 novembre 1989. Le modèle capitaliste, disait-on, l’emportait sur le modèle soviétique et allait s’ouvrir une ère de paix, de liberté, de prospérité.30 ans après, force est de constater qu’il y a loin de la coupe aux lèvres.
Les communistes français appelaient de leurs vœux la chute du Mur et ils l’ont notamment exprimé lors des élections européennes de mai 1989 sous le slogan « Une Europe sans mur de fer et sans guerre froide». Mais la déferlante libérale qu’ont subi les allemands de l’Est a provoqué des dégâts dont ils ne se relèvent toujours pas aujourd’hui. L’Europe des années 1990, malheureusement, a été déchirée par des conflits épouvantablement meurtriers. Personne ne peut oublier les dix années de guerre au lendemain de l’éclatement de la Yougoslavie avec plus de 150 000 morts et des blessures toujours pas cicatrisées. La dissolution du pacte de Varsovie en juillet 1991 a été suivie par une extension de la domination de l’OTANjusqu’aux portes de la Russie, semant le désordre au cœur de l’Europe.
Actuellement, 60 000 soldats nord-américains sont stationnés en Europe, 35 000 en Allemagne. Ils seront 80 000 en 2020 pour des manœuvres aux frontières de la Russie.150 à 200 ogives nucléaires américaines vont être installées en Europe par Donald Trump. Nous devons tout mettre en œuvre pour l’en empêcher. Trois ans après la chute du mur, les pays de l’Union européenne ont adopté le Traité de Maastricht. Un modèle économique ultra-libéral qui a généré des inégalités sociales considérables et n’a aucunement protégé les peuples de graves crises économiques.Un mur est certes tombé, il y a 30 ans. D’autres ont poussé depuis. En 1989, on en dénombrait 12. Aujourd’hui, 65 murs ont été construits, cumulant 40 000 km, à l’image de celui que Trump a construit à la frontière du Mexique. Ils sont source de conflits, de guerres latentes.Le mur construit à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, véritable enfer pour le peuple palestinien, s’étire sur 750 km. Il est le symbole de la honteuse et criminelle politique d’apartheid. Quand, enfin, va-t-on faire respecter les résolutions de l’ONU et contraindre les gouvernants d’Israël à respecter le droit international?D’autres murs, cette fois économiques, s’attaquent aux peuples et à leur vie quotidienne. Le scandaleux blocus imposé à Cuba depuis 60 ans par les États-Unis est un douloureux exemple. Aucune banque française ne peut s’installer dans la Grande île alors qu’elles ont pignon sur rue aux Iles Caïman, paradis fiscal apprécié des truands en col blanc. Ce blocus doit être levé.
Enfin, dans plusieurs pays des peuples se lèvent contre des hausses de tarifs, de taxes, contre la corruption, contre toutes formes de domination espérant enfin pouvoir être maitres de leur destin. Il faut les écouter et les entendre.Le forum sur la paix qui se tient actuellement à Paris prendra-t-il en compte ces réalités ?Si la Paix est un objectif alors il faut commencer par appeler les 9 puissances nucléaires, dont la France, à signer le traité d’interdiction des armes nucléaires. C’est une priorité.Et si l’OTAN est en état de mort cérébrale, comme le déclarait il y a peu le Président de la République, alors il faut appeler à sa dissolution et construire, sous l’égide de l’ONU et avec l’ensemble des États qui en sont membres, un nouveau cadre de sécurité collective garantissant la souveraineté de chaque peuple et restaurant le multilatéralisme.
Il est urgent de répondre aux aspirations des peuples à vivre dignement. Il est urgent de relever le défi climatique. Les moyens humains et technologiques existent. Les femmes et les hommes n’ont jamais produit autant de richesses. Mais à quel prix ? Au profit de qui ? Il faut aujourd’hui repenser totalement nos modes de productions pour qu’ils répondent aux besoins humains tout en préservant la planète.
Le capitalisme a fait son temps. L’heure est à bâtir un nouveau modèle économique, social, écologique garantissant, enfin, la paix, la liberté et la prospérité.
Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, député du Nord,Paris, le 12 novembre 2019
Lors de nos initiatives publiques, la question nous est souvent posée : " Et qu'en est-il des israélien.n.es qui s'opposent à la politique de Netanyahou et de son gouvernement ? Ne sont-ils.elles pas trop minoritaires pour pouvoir agir dans une société israélienne gangrénée par le racisme et l'apartheid ? Ont-ils.elles les moyens d'agir ? Quels sont leurs relations avec les Palestiniens ? Qu'ont-ils.elles pu voter lors des dernières échéances électorales ? Comment voient-ils.elles le futur de la Palestine occupée et d'Israël ?
Autant de questions que nous pourrons poser en direct à Éléonore, elle qui s'honore à juste titre de résister à une telle politique au nom de valeurs que nous partageons avec elle, avec Eitan Bronstein Aparicio son compagnon et tous les membres de l'ONG De-Colonizer dont elle fut l'une des fondatrices. Des valeurs de justice, du droit de tous les peuples, le refus du racisme, du colonialisme et le désir d'un monde plus juste basé sur la solidarité et l'égalité des droits pour tous et toutes...
Éléonore, nous l'avions rencontrée lors de notre dernier séjour à Tel Aviv pour une conférence qui présentait leurs actions en direction de la société israélienne. Des actions de rupture, militantes, antisionistes, antiracistes et féministes qui impliquent pour les membres de l'association de se retrouver totalement à contre-courant de l'immense majorité de la population israélienne.
Une démarche qu'Éléonore explicite dans le livre qu'elle a co-écrit avec Eitan "NAKBA, pour la reconnaissance de la tragédie palestinienne en Israël". (cf notre présentation du livre dans "le coin lecture" du blog) : https://morlaix-palestine-solidarite.jimdo.com
À suivre un article publié par Éléonore et Eitan sur le site Orient XXI en avril 2018 qui donne une idée précise de leurs motivations et de leur démarche et qui, devrait vous donner envie de venir les rencontrer...
MARDI 19 NOVEMBRE A PARTIR DE 18H SALLE DU CHEVAL BLANC A PLOURIN les MORLAIX
Soutien inconditionnel à l’opposition, financement de militants « pro-démocratie », validation d’un scénario de fraude électorale écrit à l’avance, service après-vente : les États-Unis ont accompagné toutes les étapes de la déstabilisation de la Bolivie afin d’obtenir un « changement de régime ».
«Être indien et être de gauche anti-impérialiste est notre péché », estimait Evo Morales lors de l’annonce de son retrait. Avec l’administration américaine la plus viscéralement anticommuniste depuis la chute de la maison néoconservatrice en 2006, symbolisée par le départ du ministre de la Défense Donald Rumsfeld, Evo Morales constituait en effet une cible prioritaire pour les faucons de Washington. Et le communiqué de la Maison-Blanche, une fois la sale besogne accomplie, prenait des allures de célébration victorieuse, Donald Trump qualifiant la démission d’Evo Morales de « moment significatif pour la démocratie dans l’hémisphère Ouest (le continent américain – NDLR) » et applaudissant l’armée bolivienne, « qui s’est conformée à protéger non pas un seul homme mais la Constitution de la Bolivie ». Même enthousiasme chez le secrétaire d’État, Mike Pompeo, exprimant son « plein soutien aux conclusions de l’étude de l’Organisation des États américains (OEA) » publiée le 10 novembre, « recommandant de nouvelles élections en Bolivie pour assurer un processus véritablement démocratique représentatif de la volonté du peuple ».
Qualifiée par le Forum de Sao Paulo (1) de « ministère des colonies » du gouvernement des États-Unis, l’OEA a joué un rôle central dans le putsch fomenté contre le gouvernement progressiste d’Evo Morales. Fidèle à sa mission proclamée dès sa création en 1948 d’endiguer la pénétration communiste, l’organisation, qui se targue de défendre la « démocratie » et les « droits de l’homme », a bien réclamé l’annulation de la présidentielle – tout en confirmant qu’Evo Morales avait remporté le premier tour – sur des bases hautement contestables.
Une fraude imaginaire
Le 8 novembre, une équipe de chercheurs et d’analystes du Center for Economic and Policy Research, think tank basé à Washington, publiait une étude au vitriol sur le « travail » bâclé de l’OEA. « L’analyse statistique des résultats des élections et des feuilles de dépouillement des élections du 20 octobre en Bolivie ne montre pas que des irrégularités ou des fraudes ont affecté le résultat officiel procurant au président Evo Morales une victoire au premier tour », affirment-ils, avant de mettre publiquement en accusation les méthodes comme les objectifs de l’OEA : « Le communiqué de presse de l’OEA du 21 octobre et son rapport préliminaire sur les élections en Bolivie soulèvent des questions troublantes quant à l’engagement de l’organisation en faveur d’une observation électorale impartiale et professionnelle. L’OEA devrait enquêter pour savoir comment de telles déclarations, qui (peuvent) contribuer au conflit politique en Bolivie, ont été faites sans aucune preuve. »
C’est pourtant ce rapport frauduleux que les États-Unis de Trump, le Brésil de Bolsonaro ou l’Argentine de Macri ont brandi pour discréditer la victoire de Morales et fournir des munitions idéologiques à son opposition. Et c’est ce même rapport que des « militants des droits de l’homme » formés grâce aux subsides du département d’État (2), à l’image de l’activiste bolivienne Jhanisse Vaca-Daza, ont exhibé sur les chaînes d’information étrangères pour convaincre l’opinion publique d’une triche pourtant largement imaginaire.
Plutôt mort que rouge
Mais le « golpe », le coup d’État, vient de beaucoup plus loin, même si les avancées sociales comme la popularité d’Evo Morales ont considérablement ralenti son exécution. « L’opposition de droite n’a aucune chance pour l’élection présidentielle de décembre 2009 », notait un câble du département d’État (daté du 29 octobre 2008) révélé par WikiLeaks. Rendant compte de ses intenses contacts avec Carlos Mesa, principal opposant d’Evo Morales, l’administration Obama donne la mesure du futur « putschiste » : « Mesa pense que la dégradation de l’économie et l’incapacité d’Evo à améliorer la vie des Boliviens vont l’affaiblir. (…) Il nous dit que son parti ressemblerait idéologiquement à un parti social-démocrate et qu’il espérait renforcer ses liens avec le Parti démocrate. » Puis le « centriste » précise qu’il « n’a rien contre le Parti républicain ». Il joindra le geste à la parole en se rendant à Washington en 2017, déclarant vouloir rétablir les relations diplomatiques au plus haut niveau avec les États-Unis de Donald Trump, que la Bolivie avait rompues en 2009, déjà à la suite d’une tentative de coup d’État.
Le 25 janvier 2019, le secrétaire d’État, Mike Pompeo, annonçait la nomination d’Elliott Abrams au poste d’envoyé spécial au Venezuela, avec pour objectif clairement affiché d’obtenir le renversement de Nicolas Maduro. Le retour de ce « spécialiste » de l’Amérique du Sud symbolisait également celui du slogan « better dead than red » (plutôt mort que rouge), et de dirigeants nord-américains prêts à financer des escadrons de la mort au Salvador ou une junte militaire massacrant les populations indigènes au Guatemala. « Être indien et être de gauche anti-impérialiste est notre péché », dixit Evo Morales.
(1) Créé en 1990, le Forum de Sao Paulo rassemble les partis politiques et organisations de gauche en Amérique latine.(2) Des militants boliviens formés par l’ONG Canvas et le département d’État américain accusaient déjà cet été Evo Morales d’être responsable des incendies en Amazonie, en lieu et place du président brésilien, Jair Bolsonaro.
Le récit et l’analyse des évènements en Bolivie provoquent la nausée chez tout citoyen non aliéné.
Les derniers restes du journalisme libre seraient-ils tombés en même temps que le Mur de Berlin ? Aucun media, excepté « L’Humanité », la France Insoumise, et quelques autres, peu de sites comme « le Grand soir », « Mémoire des luttes », ne prend le moindre recul, ne fait preuve de la moindre curiosité, pour se rapprocher des faits et s’éloigner du journalisme toujours à charge lorsqu’il s’agit de plomber les « révolutions » , de criminaliser tel ou tel, syndicaliste, intellectuel, qui ose contester le néolibéralisme, seule organisation possible des sociétés humaines, nous l’a-t-on assez seriné.
Jusqu’à quand allons-nous en rester à la seule critique du système médiatique et mettre enfin chacun en face de ses responsabilités ? Jusqu’à quand vont-ils, ces médias à charge, remuer la queue au lieu d’aboyer ? Il ne s’agit pas d’imiter tel ou tel « aboyeur » qui « maltraite les médias », impoli, rentre dedans, mais d’être poliment irrespectueux. Même morts, nous les ferions encore cracher la haine, l’acharnement, la lobotomisation, le vide sidéral.
Morales n’échappe pas à ce contexte guerrier. Morales ? trop marqué? Qui est-ce celui là ? Morales ? Il a une gueule « pas claire » et s’habille comme un père noël. Cela suffit pour que la meute soit lâchée. Il faut que chaque Français se le dise et le répète : le « dictateur » Evo Morales a été renversé par son peuple. A Santa Cruz, comme à Washington, on sait coopter les adeptes du libéralisme, les as de la guerre idéologique...
Ce Morales n’est après tout qu’un Indien. Dehors les Indiens du Palacio Quemado (Palais présidentiel) !, éructe Luis Fernando Camacho. Dehors la whipala ! Plus jamais la Pachamama n’entrera ici ! « C’est le retour de la Bible ! », lance-t-il. Le Palais présidentiel fourmille désormais de suprématistes, de racistes religieux... Camacho, en lien avec l’Eglise évangéliste, cacique en chef des forces conservatrices de Santa Cruz, blanches et riches, se comporte déjà en bon vieux dictateur tropical. La nouvelle présidente autoproclamée (ancienne Vice-présidente du Sénat), Jeanine Añez, est arrivée avec une Bible d’un mètre de haut. Cette dame, Présidente d’opérette, nous rejoue un air de Guaidó. Elle qui était vaguement sénatrice, s’avère la parfaite « dame de paille » qu’il faut pour un coup d’Etat fasciste.
Le gouvernement Morales, pour prouver sa bonne volonté, avait accepté un audit des résultats des élections générales par la CIA, en l’occurrence, par l’OEA. Dès son arrivée à La Paz, la commission de l’OEA a invalidé les résultats, avant même d’avoir procédé au recomptage des voix (opération longue). L’objectif n’était donc pas de permettre de nouvelles élections, mais bien de renverser Morales. Et l’on voudrait nous faire croire que la lutte des classes n’existerait plus ?
Avant l’arrivée d’Evo Morales, en 2006, la Bolivie collectionnait les changements de gouvernement par coup d’Etat comme d’autres les timbres-poste.
Aujourd’hui, les choses désormais sont claires : ce que traverse la Bolivie s’appelle un coup d’Etat, œuvre collective du corrompu Carlos Mesa, déjà repoussé par les Boliviens et qui fut même président de la République, celle des Blancs et des riches.
Deuxième acteur : un chef mafieux, raciste, fasciste, un cacique sans scrupules, Fernando Camacho, véritable patron des anti-moralistes à Santa Cruz, terre riche et raciste. Les Indiens ont-ils une âme ? A Santa Cruz, les Blancs les traitent de « perros » (chiens), de « indios de mierda »... Un coup d’Etat avec, comme toujours, des tireurs de ficelle : Trump, Bolsonaro, Macri...
Depuis la première élection, « historique », d’Evo Morales, un Indien à la Présidence, le MAS (Mouvement vers le socialisme), la COB (Centrale ouvrière bolivienne), les syndicats les plus combattifs, les réseaux, le mouvement social, ont porté sur les fonds baptismaux une nouvelle Bolivie. La réussite du projet « non capitaliste » fait pâlir d’envie beaucoup de pays latino-américains, et intéresse vivement Washington, qui vit déjà son Ambassadeur expulsé pour insupportable ingérence. Faut dire que la Bolivie possède des réserves de lithium parmi les plus importantes au monde...
C’est ce qui gêne Washington, c’est qu’un Indien soit à la tête de l’Etat, autant que la nationalisation des secteurs stratégiques, notamment des hydrocarbures. La Bolivie plurinationale était enfin devenue indépendante, souveraine.
Une insurrection avait déjà fait, dans les années 2000, plus de 70 morts. Le 20 octobre dernier, une majorité de Boliviens, essentiellement indiens, ont porté en tête des élections générales Evo Morales, qui briguait un quatrième mandat consécutif. (Les masistes ont gagné les dernières législatives). La Constitution prévoit que celui qui arrive premier avec plus de 50% des voix, ou obtient plus de 10 points d’écart avec le second est élu ; sinon, le président sera élu lors d’un deuxième tour. Le résultat, serré, s’est joué à peu de choses ; les voix des hauts plateaux, majoritairement favorables à Evo Morales, sont arrivées tard, comme d’habitude. Evo a dépassé les 10 points d’écart avec le candidat de la droite.
Immédiatement, les conservateurs de tout bord, tous les opposants, à l’unisson avec Washington, l’OEA (Organisation des Etats Américains) et l’Union européenne, ont hurlé à la fraude sans pouvoir le démontrer. Pour prouver sa bonne volonté et sa bonne foi, Evo Morales a accepté une deuxième élection, et a fait appel pour un audit aux pompiers pyromanes : l’OEA. Dès son arrivée à La Paz, la délégation de l’OEA déclara, sans même avoir commencé de travailler, qu’elle ne reconnaissait pas les résultats électoraux. La violence commença à s’emparer de la rue ; Evo Morales fit tout pour l’apaiser. Mais la revendication première de nouvelles élections ne satisfait plus les opposants...
Evo a donc estimé sage de démissionner, pour préserver tous les masistes... Les premières heures et journées furent terribles car de véritables milices attaquaient physiquement les masistes, pillaient et brûlaient leurs maisons...
Un début de solidarité internationale, timide, a permis à Evo Morales et au vice-président Garcia Linera, d’avoir la vie sauve. Le gouvernement mexicain leur a accordé l’asile politique, et envoyé un avion militaire pour les récupérer. Nous avons été surpris, depuis le début du coup de force, par la brutalité de la droite, qui rapproche ce coup d’Etat des pratiques de Bolsonaro et de Trump.
Le pays est plongé dans un dramatique vide de pouvoir, qui ne saurait durer trop longtemps afin d’éviter trop d’exactions. Aujourd’hui se réunit le Parlement. Masistes et antimasistes se retrouveront face à face pour tenter de trouver une issue parlementaire : avaliser la démission d’Evo Morales et trouver des candidats... Tâche difficile, même si les masistes sont majoritaires au Parlement. Voter, dans un sens ou dans l’autre, a un coût politique. Les députés seront-ils présents, malgré les dangers encourus (leur vie n’est pas garantie, certains syndicalistes ont été emprisonnés, ont même été « disparus »), voteront-ils ? Une solution constitutionnelle peut émerger...
La plupart des politiques boliviens ont refusé de faire acte de candidature. Seule, la Vice-présidente du Sénat accepte d’affronter Evo, qui se trouve pour l’heure au Paraguay, et qui doit rejoindre, par avion militaire mexicain, Mexico. Plus nous serons solidaires, plus son séjour mexicain sera court.
Washington digère mal de Chili, l’Argentine, et cherche à resserrer son étau.
Le président a été victime d’un coup d’État, sous la pression des militaires. Sa démission, dimanche, ne met pas un terme à la crise politique. Alors que la droite et l’extrême droite se disputent le pouvoir, la gauche est la cible de représailles.
«Civique », politique, policier ou militaire, un coup d’État est un coup d’État. Les événements en Bolivie concentrent d’ailleurs tous ces traits. La situation est d’une rare gravité : irruption des forces armées et policières, agissements brutaux et racistes, vacance d’un pouvoir désormais lorgné par plusieurs factions de la droite et de l’ultradroite, affrontements entre partisans et opposants à l’ex-président Evo Morales… Tout peut désormais arriver. Aux premières heures du 11 novembre, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a demandé aux « acteurs de premier plan (de) s’abstenir de recourir à la violence, (de) réduire la tension et (d’)observer une modération maximale ». Entendra qui voudra.
Quoi qu’il advienne, le 10 novembre marque une rupture historique. Le président Evo Morales, premier Indien à être élu à cette fonction en 2005, dans un pays où transpirait la ségrégation, a renoncé au pouvoir « pour éviter un bain de sang », vingt et un jours après l’élection présidentielle qu’il a remportée dès le premier tour. Une victoire contestée – avant même la tenue du scrutin, rappelons-le – par l’opposition de droite incarnée par Carlos Mesa, président intérimaire dégagé par la rue en 2005, et principal concurrent d’Evo Morales. Les groupes fascisants de l’Est riche de la Bolivie, dont le Comité civique de Santa Cruz, de Luis Fernando Camacho, n’ont pas été en reste. Comme il est désormais de coutume dès lors que la gauche est au pouvoir, l’Organisation des États américains (OEA), commanditaire des basses œuvres de Washington dans la région, a été la cheville ouvrière de la déstabilisation.
« Je renonce, nous renonçons, je ne veux plus voir de familles maltraitées sur ordre de Mesa et Camacho. (…) Nous renonçons pour qu’ils ne continuent pas à brûler des maisons, à intimider nos familles », a insisté, le 10 novembre, Evo Morales, dans une adresse à ses « frères et ses sœurs » qu’il a prononcée depuis Chimoré. Quelques heures plus tôt, le syndicaliste et paysan « cocalero » avait pourtant proposé de convoquer de nouvelles élections afin de mettre un terme à la grave crise politique, et stopper la spirale des brutalités à même d’embraser le pays. En ce sens, il se rangeait aux recommandations de l’OEA, qui, après un audit à charge, exigeait un nouveau scrutin, estimant que la journée électorale du 20 octobre était entachée de « fraudes ». « De nouvelles élections permettront, en votant, au peuple bolivien d’élire démocratiquement de nouvelles autorités. (…) Cette décision prise, j’appelle à faire baisser la tension », avait souhaité Evo Morales. Le message n’a jamais été entendu ; la machine conspiratrice était déjà à l’œuvre.
Une cascade de démissions de ministres
Sur le plan judiciaire, le parquet général s’était mis en chasse avec pour cible le Tribunal suprême électoral. Sa présidente, Maria Eugenia Choque Quispe, a depuis été arrêtée et exhibée menottes aux mains, tel un trophée de guerre. Le commandement militaire, après avoir autorisé des « opérations aériennes et terrestres contre des groupes armés agissant hors du cadre de loi », a lâché les autorités légales pour s’en aller rejoindre le camp des putschistes. Le général et commandant en chef des forces armées, Williams Kaliman, a ainsi « suggéré » à Evo Morales de démissionner. Il n’y a pas besoin d’être un expert pour comprendre la gravité de cette irruption des militaires dans le champ du politique. Encore moins en Amérique latine. Quelques minutes plus tard, c’était au tour du commandant général de la police, Vladimir Yuri Calderon, d’exiger de Morales qu’il renonce à son poste. Il s’est ensuivi une cascade de démissions des ministres des Mines, de l’Intérieur, de l’Environnement, sous la pression de graves menaces. Le président de la Chambre des députés, Victor Borda, a lui aussi jeté l’éponge, non sans préciser que sa maison avait été brûlée et que son frère, pris en otage par les groupes dits « civiques » de Potosi, avait été par la suite traîné nus pieds dans les rues par ces troupes de choc de l’extrême droite. Le logement de la sœur d’Evo Morales a lui aussi été saccagé. Des maires et d’autres autorités affiliés au Mouvement vers le socialisme (MAS) ont été victimes d’agressions similaires. Début novembre, Patricia Arce, la maire de Vinto, dans le département de Cochabamba, a été humiliée par une horde d’extrémistes qui, après avoir brûlé la mairie, l’ont offerte à la vindicte populaire, après lui avoir coupé les cheveux et l’avoir aspergée de peinture rouge. Parce que femme, indienne, « massiste ». Dans ce climat de revanche politique, les partisans de l’ancien président craignent désormais pour leur vie.
Depuis 2006, le dirigeant indien est l’homme à abattre
Acculé par les forces policières et militaires, pris en tenaille par les opposants et des groupes fascistes décidés à s’emparer de La Paz, la capitale politique, Evo Morales a préféré s’éloigner du pouvoir pour éviter une guerre civile. Son vice-président, Alvaro Garcia Linera, la jeune présidente du Sénat, Adriana Salvatierra, et le premier vice-président de celle-ci ont fait de même. « La lutte continue », a promis Evo Morales, en précisant qu’il n’avait pas l’intention de fuir car il « n’(a) commis aucun délit ». Le doute d’une éventuelle arrestation plane, à l’heure où nous écrivons ces lignes. Pis, son intégrité physique n’est plus assurée. « Vingt personnalités de l’exécutif et du législatif de Bolivie » ont trouvé refuge dans l’ambassade du Mexique à La Paz, a précisé le chef de la diplomatie mexicaine, Marcelo Ebrard. « S’il en décidait ainsi, nous offririons aussi l’asile à Evo Morales. » Mexico, à l’image du camp progressiste continental, a dénoncé le coup d’État dont a été victime le président.
Désormais, aucun scénario n’est à écarter. L’heure de la guerre interne a sans doute sonné au sein de l’extrême droite et de la droite néolibérale. S’il revient au Parlement, dominé par l’ancien camp présidentiel, de désigner un remplaçant, la deuxième vice-présidente du Sénat, Jeanine Anez, a déjà fait valoir son droit à devenir la cheffe de l’État par intérim. L’extrémiste Luis Fernando Camacho, avocat et riche entrepreneur, a pris la tête d’une grève de deux jours, dans l’espoir de s’imposer comme le leader d’une prétendue fronde citoyenne. Les comités et autres fronts dits civiques avaient déjà été à la manœuvre en 2008, en prônant à l’époque la sécession des riches régions de l’Est d’avec l’État plurinational issu de la Constituante de 2007. Ces groupes extrémistes ont maintes fois dit qu’ils ne reconnaîtront pas l’élection de Evo Morales, qu’ils qualifient de « dictateur ». Et ce ne sont pas les seuls.
Depuis 2006, date de la nationalisation des hydrocarbures, Evo Morales est l’homme à abattre. Carlos Mesa, arrivé à la tête du pays après la sanglante répression d’octobre 2003, durant la guerre du gaz et la destitution de Gonzalo Sanchez de Losada, a dû courber l’échine face à la popularité du syndicaliste. La droite continentale, l’OEA et les États-Unis en ont fait une cible de choix. En 2008, d’ailleurs, l’ambassadeur états-unien a été expulsé de Bolivie pour son implication dans le soulèvement sécessionniste. La bonne santé économique du pays n’a jamais empêché les intrigues et autres conspirations en sous-main. Le référendum de février 2016 permettant à Evo Morales de se présenter pour un nouveau mandat a été le prétexte pour enclencher la machine à déstabiliser, au terme d’une vaste opération d’enfumage (voir article ci-contre). « Être indien et être de gauche anti-impérialiste est notre péché », a résumé Evo Morales, lors de l’annonce de son retrait.
Le 10 avril 2019, le Sénat des États-Unis a adopté une résolution demandant au président Morales de ne pas se présenter à l’élection du 20 octobre. Douze parlementaires boliviens – tous opposants – avaient demandé à Donald Trump d’intervenir en ce sens et que « l’OEA fasse de même afin d’éviter la consolidation de la dictature totalitaire d’Evo Morales ». Alors que le Chili s’embrasait, l’OEA n’a eu d’yeux que pour la Bolivie, bombardant de communiqués comminatoires le pays andin. Pas un mot sur les morts et les tortures à Santiago.
Bolivie : La France doit condamner le coup d’État et ne pas abandonner le peuple bolivien (PCF)
Le coup d'Etat en Bolivie qui a chassé du pouvoir, le 10 novembre dernier, le président Evo Morales et les forces de gauche bolivienne a été orchestré par l'Administration Trump, qui s'est félicitée d'un « moment significatif pour la démocratie », et par « son ministère des colonies », l'Organisation des Etats américains (OEA).
Cet acte de la plus haute gravité doit être, sans plus attendre, reconnu comme tel et condamné par la France, les États membres de l'UE et le Conseil de sécurité de l'ONU.
La violence, les chasses à l'homme, ratonnades, humiliations, saccages, tabassages et meurtres organisés par les forces de droite et d'extrême droite, des forces policières et militaires boliviennes avec le soutien actif des Etats-Unis depuis le soir du scrutin présidentiel n'ont pas cessé. Les militant-e-s de gauche mais aussi l'ensemble de la population, et particulièrement les populations Indigènes, risquent leur vie chaque jour.
Dans un tel contexte, le silence du Quai d'Orsay est non seulement incompréhensible mais inadmissible. Monsieur Macron, monsieur Le Drian, n'êtes-vous plus capables de reconnaître un coup d'Etat qui plonge un pays entier dans les ténèbres et prolonge le bain de sang ? Ce silence déshonore notre pays, notre peuple.
Le Parti communiste français (PCF) appelle l'ensemble des forces démocratiques de notre pays à exprimer leur soutien et solidarité au peuple bolivien.
Le PCF demande instamment au président de la République de condamner explicitement le coup d'Etat du 10 novembre, de manifester son soutien au peuple bolivien en portant au Conseil de sécurité de l'Onu dans les délais les plus brefs un projet de résolution condamnant le coup d'Etat en Bolivie et les manœuvres d'ingérence, les soutiens internationaux qui ont créé cette situation de chaos.
Le PCF renouvelle son soutien à Evo Morales, au MAS, sa pleine solidarité avec le peuple bolivien et participera à toutes les manifestations pour la démocratie, les droits humains et la paix en Bolivie.
Sous pression en raison d'une vague de violences et du retournement de l'armée et de la police, le président Evo Morales a démissionné. Pour Maurice Lemoine, il s'agit d'un «coup d'Etat» dans le cadre d'une «vaste confrontation» sur le continent.
Ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique, Maurice Lemoine s'est exprimé sur RT France ce 11 novembre au sujet de la démission d'Evo Morales en Bolivie. Pour ce spécialiste de l'Amérique latine, cela ne fait aucun doute : «On est face à un coup d'Etat [...] à caractère fasciste.» Précisant qu'il n'utilise pas souvent ce terme, à «manier avec précaution», le journaliste explique que, parmi les «protagonistes du coup d'Etat [...] Luis Fernando Camacho [l'un des principaux leaders de l'opposition] appartient à l'extrême droite raciste».
Pour Maurice Lemoine, «on est dans un vaste rapport de force en Amérique latine entre les secteurs néolibéraux qui viennent de perdre des batailles importantes» en Argentine, où le péroniste de centre-gauche Alberto Fernandez a remporté la présidentielle dès le premier tour, avec l'élection du président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador, ou encore avec les crises en cours au Chili et en Equateur.
«Evo Morales est une pièce importante et si on le fait tomber, on fait tomber l'un des alliés de ce que [l'ancien Conseiller à la sécurité nationale américain] John Bolton appelait la "troïka de la tyrannie", c'est-à-dire le Venezuela, Cuba et le Nicaragua», poursuit Maurice Lemoine, qui estime qu'on face à «une vaste confrontation à l'échelle du continent».
Evoquant l'avenir de la Bolivie, confrontée à une vacance du pouvoir après les démissions en cascade à la tête du pays, sous pression de l'armée et des violences qui ont éclaté depuis l'élection présidentielle du 20 octobre, qui donnait Evo Morales gagnant mais dont les résultats sont contestés par l'opposition.
«Je crains des violences. Il y a quand même 47% de Boliviens qui ont voté pour Evo Morales. Je ne pense pas que le renversement de leur président va passer comme une lettre à la poste», conclut Maurice Lemoine.
L'éditorial de Sébastien Crépel. Il faut pourtant se crever volontairement les yeux pour ne pas voir que la démission du chef de l’État bolivien n’a rien d’une « victoire de la démocratie ».
Osons le mot que beaucoup refusent encore d’employer : le retrait d’Evo Morales de la présidence de la Bolivie est bel et bien le fruit d’un coup d’État. Coup d’État contre l’ordre constitutionnel légal, qui se trouve soudain comme suspendu, après la démission des seules autorités légitimes pour gouverner le pays dans l’attente du dénouement de la crise électorale. Coup d’État contre la démocratie elle-même, ensuite, puisqu’il met brutalement fin à la présidence Morales sans passer par un retour aux urnes, comme le chef de l’État andin le proposait en réponse à sa réélection contestée.
Certes, il s’agit d’un coup d’État déguisé, le mode opératoire ayant un peu évolué depuis l’ère des Banzer – fameux pour avoir recyclé l’ancien SS Klaus Barbie au sein de ses « services spéciaux » – et autre Barrientos – l’assassin de Che Guevara –, deux des plus récents dictateurs dans le pays aux 190 coups d’État depuis l’indépendance. Nul militaire n’a, pour l’heure, annoncé prendre le pouvoir. Les belles âmes qui, sous n’importe quels autres cieux, auraient appelé à la première heure au respect de l’État de droit y puiseront peut-être de quoi se trouver en paix avec elles-mêmes.
Il faut pourtant se crever volontairement les yeux pour ne pas voir que la démission du chef de l’État bolivien n’a rien d’une « victoire de la démocratie ». Ce n’est pas la protestation civique contre le résultat annoncé des élections qui a poussé au départ le président sortant, mais l’action conjuguée de la violence de miliciens cagoulés pourchassant, molestant les élus de gauche et incendiant leur maison, du basculement à droite du commandement de la police et de l’armée, et des pressions des États-Unis et des gouvernements conservateurs s’exprimant sous couvert de l’Organisation des États américains (OEA). En bon autocrate en herbe, le nouvel homme fort de La Paz au pedigree d’extrême droite, Luis Fernando Camacho, a appelé à l’ « arrestation d’Evo Morales ». La libération de Lula, dans le Brésil voisin, montre heureusement que le pire n’est jamais sûr.
Maurice Lemoine, né en 1944, est un journaliste et écrivain, rédacteur en chef de La Chronique d'Amnesty International de 1993 à 1996, avant de rejoindre le Monde diplomatique dont il a également été le rédacteur en chef. Il est « spécialiste du monde Caraïbe et latino-américain ».
Il sera l'invité des "Mardis de l’Education Populaire", organisée par la section PCF Morlaix, le mardi 14 janvier 2020.
Président aymara, paysan et syndicaliste, symbole d’une Bolivie nouvelle, appuyé depuis janvier 2006 sur une base « indigène et plébéienne » (pour reprendre les termes de son vice-président Álvaro García Linera), Evo Morales se représentait le 20 octobre pour un troisième mandat consécutif. Pour être élu au premier tour, tout candidat devait obtenir au moins 50 % des suffrages ou recueillir 40 % des voix avec une avance de 10 points sur le deuxième (article 167 de la Constitution), un second tour étant prévu le 15 décembre en cas de nécessité.
Dans une Amérique latine bousculée par une série de crises politiques et économiques parfois aiguës, le pays, de l’avis des observateurs de tous bords, se porte exceptionnellement bien. La nationalisation des ressources stratégiques [1] et la redistribution des recettes de l’Etat ont permis une stabilité politique inédite (si l’on excepte quelques épisodes de tensions et de contestations) grâce à la mise en place de programmes d’accès au travail, à l’éducation et à la santé. Dans un contexte de croissance soutenue, le PIB a bondi de 9 milliards de dollars à plus de 40 milliards, les réserves de change se maintiennent à la hausse, l’inflation est maintenue sous contrôle, le salaire réel a augmenté et, de 59,9 % en 2005, le taux de pauvreté était descendu à 36,4 % fin 2017 (l’extrême pauvreté passant de 38 % à 15 %, soit une baisse de 23 points). On évitera le mot « miracle », beaucoup restant à faire, mais l’appréciation positive de tels résultats dans le pays considéré depuis des lustres comme « le plus pauvre d’Amérique latine » n’a rien d’une vue de l’esprit.
Malgré un tel bilan, cette dernière élection se présente sous un jour moins favorable que les précédentes, remportées haut la main par Morales au premier tour, avec une confortable majorité. Après treize années de pouvoir, la très classique « usure » a fait son apparition. Des pans de population sortis de la pauvreté ne s’identifient plus au Mouvement vers le socialisme (MAS) qui leur a permis une telle ascension ; pour des raisons inverses, tout en bas de l’échelle, ceux qui ont le moins progressé expriment leur déception ; d’une façon plus générale, à l’élan initial d’une « refondation plurinationale » mettant le pays cul par dessus tête se sont substitués des progrès désormais plus lents et, avec leurs inévitables scories, de moins enthousiasmantes « bureaucraties », « gouvernance » et « normalité ».
En soi, et s’il doit être pris en compte, ce nouveau panorama n’a rien de catastrophique pour la mouvance progressiste à la veille du scrutin, Evo Morales demeurant largement en tête de toutes les projections. Néanmoins, il apparaît tout aussi clairement qu’une victoire au premier tour est hautement souhaitable pour lui. Très divisée, la droite part perdante, mais serait susceptible, dans un éventuel second tour, malgré ses divergences et ses rivalités, de se regrouper autour d’un vote dur « Tout sauf Evo ».
Dans ce contexte, Morales affronte au tout premier chef le postulant conservateur le mieux placé dans son camp, à la tête de l’alliance Communauté citoyenne (CC), Carlos Mesa. Journaliste aisé, historien, ce candidat (centriste d’après L’Obs, de « centre droit », selon Courrier International !) a été vice-président de… l’ultralibéral Gonzalo Sánchez de Lozada – dit « Goni » – élu en 2002 après avoir battu « el Indio » Morales avec une différence minime, mais acceptée par ce dernier, de 1,41 % des voix [2]. Chiens de garde de George W. Bush, Otto Reich (secrétaire d’Etat assistant pour l’hémisphère occidental) et Roger Noriega (ambassadeur devant l’Organisation des Etats américains [OEA]), avaient menacé d’imposer des sanctions à la Bolivie si « Evo » était élu.
Corruption, ouverture économique, privatisations, projet d’impôt nouveau sur les salaires, éradication forcée et brutale de la coca… Débordé après des semaines de manifestations et malgré une répression féroce se soldant par plus de 70 morts et des centaines de blessés, Sánchez de Lozada s’enfuit à Miami le 17 octobre 2003. Doté d’un certain sens de l’opportunité politique, le premier de ses collaborateurs, Mesa, lui succède, comme le lui permet la Constitution, plutôt que de démissionner. Il gouvernera jusqu’en mai 2005, chahuté par une contestation sociale permanente menée, entre autres, par Evo Morales, son principal opposant. Lequel, le 28 août suivant, mettant en échec et la droite et Washington, appuyé sur une base majoritairement indigène, mais aussi sur des secteurs urbains, les corporations, les coopératives, les retraités et des cohortes de métis professant un discours à l’accent « national », sera élu une première fois avec 53,74 % des voix.
Sans surprise, au soir du scrutin du 20 octobre dernier, les premiers résultats du comptage préliminaire du Tribunal suprême électoral (TSE) donnent le binôme Morales-García Linera (vice-président) en tête. Toutefois alors que 83 % des votes ont été comptabilisés, ce duo ne dispose toujours pas des 10 points de différence nécessaires à un succès immédiat (45,28 % - 38,16 %). Si Mesa et ses soutiens crient immédiatement victoire, dans la perspective d’un second tour inédit qu’ils annoncent absolument certain, le camp du chef de l’Etat sortant ne s’émeut pas pour autant. Les 17 % de votes encore non pris en compte correspondent aux zones paysannes et indigènes les plus lointaines, éparpillées et isolées, dépourvues d’Internet (pour l’envoi des PDF des procès verbaux) et de modernes voies de communication. Des espaces très majoritairement favorables à « Evo », dont ils constituent la base sociale et une importante réserve de voix.
Cet élément incontestable (car constaté lors des élections précédentes) aura été soit oublié soit gommé lorsque, le 21, après une nuit de silence de la page Web du TSE jugée « suspecte » voire « scélérate » par l’opposition, tombe le bilan quasiment définitif, mais déjà contesté : « Evo Morales l’emporte au premier tour ». Une information confirmée le 24 vers 18 heures, après dépouillement de 99,81 % des bulletins, lorsque le TSE indiquera que le chef de l’Etat socialiste bénéficie de 47,06 % des suffrages contre 36,52 % à Mesa [3]. Un écart supérieur aux fameux 10 points de pourcentage et qui, portant sur plus de 600 000 voix, se révèle irrattrapable pour l’opposant.
Dès le lundi 21, Mesa a dénoncé « une fraude scandaleuse » et accusé le TSE d’être « une honte pour le pays ». L’appuyant implicitement, le chef de la délégation de l’OEA, l’ex-ministre des Affaires étrangères du Costa Rica, Manuel González Sanz, a de son côté critiqué l’interruption du comptage rapide intervenue dans la nuit du 20 au 21 et manifesté sa « profonde préoccupation et surprise pour le changement de tendance » constaté le lundi matin. Alors que, à l’appel de Mesa, se produisent les premières mobilisations et violences à Potosí, Oruro, Tarija et Chuquisaca, l’OEA va plus que vite en besogne : dès le mercredi 23, alors que le TSJ n’a pas encore rendu public le résultat définitif, la mission d’observation électorale de l’organisation interaméricaine estime que la « meilleure solution » serait de déclarer un ballottage entre les deux candidats. L’Union européenne fait encore plus fort en appelant le 24 à « mettre un terme au processus de dépouillement en cours » et à organiser directement un second tour « pour rétablir la confiance et s’assurer du respect du choix démocratique du peuple bolivien ». Les Etats-Unis et leurs comparses du Brésil, de l’Argentine et de la Colombie ne disent pas autre chose. L’Eglise catholique bolivienne abonde dans leur sens.
Il n’en faut pas plus pour que les professionnels de la plume, de la caméra et du micro se mettent de la partie. Dans le registre absurde, s’agissant de Radio France Internationale (RFI) qui titre le 22 avril, évoquant les injonctions de Fernando Camacho, président fascisant du Comité Pro-Santa-Cruz (la plus grande et plus riche ville du pays) : « Présidentielle en Bolivie : la société civile appelle à une grève de 24 heures [4] ». Est-ce à dire que les 2 889 359 électeurs qui ont porté Evo Morales en tête du scrutin (contre 2 240 920 à Mesa) n’appartiennent pas à la dite « société civile » ? Peut-être s’agit-il d’extraterrestres ! A moins, bien entendu, qu’il ne s’agisse d’« Indios de mierda » – expression fréquemment employée par l’ « élite » raciste blanche de Sucre (la capitale) et Santa Cruz, et que nous traduirons pudiquement par « misérables Indiens »…
Chacun dans son style, de la presse conservatrice à la gauche « pensée conforme » (et en particulier Attac, pour ne citer avec accablement que cette organisation [5]), une tendance se dégage – émergée en réalité depuis déjà de longs mois : Evo Morales se présente alors que les Boliviens lui ont dit « non » en 2016 à l’occasion d’un référendum portant sur la possibilité d’un troisième mandat consécutif, alors que la Constitution (article 168) n’en autorisait que deux ; il est donc, en s’ « accrochant au pouvoir », à la manière d’un « caudillo », pour ne pas dire d’un « dictateur en puissance », le responsable de la situation [6].
Sauf bien sûr à rappeler dans quelles conditions a eu lieu, en 2016, le référendum en question.
Deux ans auparavant (le 12 octobre 2014), Morales avait été réélu avec 61,36 % des voix, son parti, le MAS, obtenant les deux tiers des sièges de l’Assemblée législative. Depuis, les forces conservatrices continentales étaient repassées à l’offensive. En témoignait la violente tentative de déstabilisation de Nicolás Maduro au Venezuela. En Bolivie, d’aucuns au sein du parti au pouvoir – « el oficialismo » – envisageaient l’avenir avec circonspection. De par sa personnalité, Evo Morales constitue le pivot central de l’archipel des mouvements sociaux. Sans lui, les forces du changement peineraient à demeurer unies. Il n’y a qu’un fou pour changer de cheval au milieu du gué ! Les « masistas » (militants du MAS) firent très tôt pression pour l’organisation d’un référendum permettant une réélection de leur leader,alors non autorisée. Loin des débats abstraits sur la démocratie, les militants et citoyens font ceci ou cela en fonction du contexte : ni bien ni mal, c’est pragmatique et opportun. L’alternance « obligatoire » ne garantit en tant que telle ni la volonté générale ni la stabilité politique, encore moins le maintien des programmes sociaux. Or, à l’exception de quelques points noirs, dont l’affaire de corruption ayant permis à une vingtaine de mandataires et élus du MAS de piller le Fonds indigène (une institution de développement rural), y laissant un trou évalué à 14,6 millions de dollars, le bilan économique et social du chef de l‘Etat était largement positif. Même si, dans le cadre d’un référendum, le choix entre de simples « oui » et « non » devait unir tous ses adversaires, « Evo » avait toutes les chances de l’emporter. Les « masistas » le savaient. L’opposition aussi.
Depuis 2014, le chargé d’affaires Peter Brennan est le diplomate de plus haut rang présent dans l’ambassade des Etats-Unis en Bolivie. En 2008, l’ambassadeur Phillip Goldberg a été expulsé pour son implication dans la tentative de renversement d’Evo Morales à laquelle a participé en tout premier lieu le Comité civique pro-Santa Cruz, dirigé alors par l’homme d’affaires extrémiste bolivo-croate Branko Marinkovic (en cavale depuis 2010 au Brésil, après un passage par les Etats-Unis). En poste au Nicaragua entre 2005 et 2007, Brennan s’y est fait remarquer par ses liens étroits avec les groupes et partis antisandinistes. Après un passage par le Costa Rica, il prend en charge la coordination des Affaires cubaines du Département d’Etat. Arrive en Bolivie en 2014. S’y lie ouvertement avec l’alpha et l’oméga de l’opposition. Y rencontre, le 11 décembre 2015, dans le luxueux hôtel « cinq étoiles » Los Tabijos, de Santa Cruz, un certain Carlos Valverde. Journaliste de son état. Mais aussi ex-chef des services de renseignements boliviens entre 1989 et 1993, en pleine ère néolibérale, sous la présidence de Jaime Paz Zamora.
Par le plus grand des hasards, l’ « affaire » éclate peu de temps après, en pleine campagne pour le référendum du 21 février. Et alors que, créant un sentiment d’échec et de reflux général, les gauches continentales « amies » du MAS se trouvent en difficulté. Au Venezuela, en s’appuyant sur une féroce « guerre économique », la droite a remporté les élections législatives. L’Argentine a pour nouveau chef de l’Etat le néolibéral Mauricio Macri. Au Brésil, vient d’être lancée une procédure d’« impeachment » contre la présidente Dilma Rousseff.
Les vents médiatiques ne demandent qu’à accompagner le mouvement en l’étendant à la Bolivie : pour n’évoquer que lui, car il exerce une influence certaine, le quotidien espagnol El País a déjà titré (4 janvier) : « Evo Morales transgresse les normes à la recherche d’une réélection ».
Le 5 février, dans son émission « Todo por Hoy » (« Tout pour aujourd’hui ») diffusée depuis Santa Cruz par Activa TV, Carlos Valverde lance l’ « opération » en dévoilant l’acte de naissance du fils qu’aurait eu en 2007 Evo Morales avec une petite amie secrète, une militante du MAS de 28 ans sa cadette, Gabriela Zapata. Jusque-là, rien de véritablement scandaleux (sauf pour les grenouilles de bénitier). Toutefois, sans compétences particulières, Zapata est devenue en 2013 gérante d’une firme de BTP chinoise, CAMC Engineering Co (CAMCE), qui a conclu, grâce à la proximité de cette cadre supérieure avec le président, des contrats de l’ordre de 566 millions de dollars avec l’Etat. Un trafic d’influence aussi scandaleux qu’évident !
Dès le lendemain, en conférence de presse, Morales donne sa version des faits. En résumé : oui, il a bien eu une liaison avec la jeune femme entre 2005 et 2007, année au cours de laquelle ils ont eu un enfant, qu’il n’a jamais vu, le bébé étant malheureusement décédé très rapidement ; le couple s’est séparé immédiatement après et a rompu tout contact ; Morales ignorait que son « ex » travaillait pour CAMCE.
Un bon scandale doit comporter une image en laquelle l’imagination du public puisse s’investir. Les médias boliviens dégoulinent de photos et de commentaires sur la vie luxueuse (bien réelle) de « la maîtresse d’Evo ». Les réseaux sociaux débagoulent, dégoulinent, racontent n’importe quoi, passés maîtres dans l’art de blesser et de faire suppurer la plaie. L’intégrité du chef de l’Etat – jusque-là sa force principale – est plus qu’écornée. La presse internationale s’en donne à cœur joie avec ce qui devient une passionnante « telenovela ».
Une telle « indignité » provoque un fort sentiment de réprobation au sein des classes moyennes et dans les secteurs urbains. La campagne de presse atteint son paroxysme. « Les intentions de vote pour le non augmentent en raison du scandale qui affecte Gabriela Zapata et Evo » : d’après les quotidiens Página Siete, Los Tiempos et Correo del Sur, qui ont commandité une enquête, le « non » s’impose désormais très largement sur le « oui » – 47 % contre 28 % [7].
Deux jours avant l’échéance, des groupes d’étudiants de l’Université publique d’El Alto, immense urbanisation qui surplombe La Paz, paralyseront le centre de cette dernière aux cris de « Evo, Zapata, rendez l’argent ! »… Tous les opposants ne forment alors qu’une seule et belle famille, depuis l’ex-président Carlos Mesa (droite), les gouverneurs de Santa Cruz, Rubén Costas (droite extrême), et de La Paz, Félix Patzi (autoproclamé « indigène lettré »), en passant par l’ancienne ministre de la Défense Cecilia Chacón (démissionnaire en 2011 après une répression de manifestants), l’indigénisme radical et communautariste (hostile depuis toujours à « Evo ») et l’ultragauchiste Parti ouvrier révolutionnaire (POR). Rebaptisée « mobilisation citoyenne », cette sainte alliance dénonce fort classiquement, et à l’avance, une « fraude » à venir lors du référendum – le Tribunal électoral étant composé de « sympathisants du MAS », on l’aura compris.
Malgré cette fraude annoncée (au cas où !), le chef de l’Etat perd une bataille électorale pour la première fois en dix ans. Avec une participation de 84,47 %, 51,3 % des Boliviens se prononcent contre la réforme de la Constitution lui permettant de briguer un nouveau mandat. Détail dont on pourrait dire qu’il a son importance : ponctuée de dénonciations de tricheries et d’irrégularités, la tension fut énorme durant les deux jours qui suivirent le scrutin. C’est en effet le laps de temps qui fut nécessaire pour l’annonce d’une tendance irréversible par le TSE. Comme cette année…
Soixante mille voix de différence sur un corps électoral de 6,2 millions de personnes. La « fake news » a atteint son objectif de très peu. Mais elle l’a atteint. Lorsque la vérité va se faire jour, révélant l’ampleur de la manipulation, il sera malheureusement trop tard… La défaite d’Evo est consommée.
Dès le 21 février, accusée d’ « enrichissement illicite et trafic d’influence », Zapata est arrêtée et placée en détention préventive. Une semaine plus tard, en conférence de presse, le vice-président García Linera produit des photos de ses frère et sœur (Paola et Gabriel) en compagnie de politiciens d’opposition – les députés Norma Piérola et Shirley Franco, l’ex-président Jorge « Tuto » Quiroga et Samuel Doria Medina (riche homme d’affaires, candidat à la présidence en 2005, 2009 et 2014). La connivence tombe fort heureusement dans les oubliettes quand, le lendemain, Pilar Guzmán, la tante de Gabriela Zapata, provoque un tsunami. L’enfant du président, Ernesto Fidel, a 8 ou 9 ans et il est bien vivant. « Il est le fils de M. Evo Morales. Je ne sais pas pourquoi ils ont dit ça. Je ne sais pas ce qui les a poussés à mentir », déclare-t-elle sur la chaîne PAT TV.
Tombant manifestement des nues, le président demande à voir l’enfant, dont les avocats de Zapata ont confirmé l’existence : « J’ai le droit de connaître mon fils, c’est mon devoir de le soigner, de le protéger », déclare-t-il le 29 février. Les proches de l’intrigante font durer le suspens tandis que surgissent des photos sur lesquelles cette dernière apparaît en compagnie d’un gamin. Il faudra que le président ait recours à la justice pour qu’un garçon de 11 ans soit présenté le 12 avril à l’autorité compétente. Prenant l’initiative de se soumettre à un test ADN de paternité, Evo Morales se voit opposer le refus de Zapata quand il réclame une démarche similaire sur elle-même et leur enfant supposé.
Après de nouvelles péripéties, il s’avèrera que Zapata a menti lorsqu’elle a fait croire à Morales en 2007 qu’ « ils » avaient eu un bébé (puis qu’il était décédé) ; que l’acte de naissance présenté au début de l’affaire par le « journaliste » Valverde était un faux (le nom du bébé ne figurant dans aucun registre de l’hôpital où il était censé avoir vu le jour) ; et que l’enfant présenté en cette année 2016 à la juge de la famille par Pilar Guzmán, la tante de Zapata, n’était en aucun cas le fils de cette dernière (et donc encore moins d’ « Evo »).
L’ensemble des révélations mènera à l’arrestation de Pilar Guzmán ainsi qu’à la détention des avocats Eduardo León, William Sánchez et Walter Zuleta, accusés d’avoir monté cette supercherie en sa compagnie. « Il a été offert de payer la pension au collège de l’enfant jusqu’à son baccalauréat et d’offrir un terrain et une somme, entre 5 000 et 15 000 dollars, aux parents de ce mineur », révélera le procureur général Ramiro Guerrero en juin. Sa propre mère était chargée d’apprendre ses « éléments de langage » au supposé fils du président. Ces révélations feront, entre parenthèses, une autre victime de poids : la chaîne d’information en continu étatsunienne CNN qui venait d’expédier en urgence un « envoyé spécial » à La Paz pour obtenir un « scoop » spectaculaire et politiquement intéressant grâce à l’autorisation d’interviewer l’enfant.
Sentant le vent du boulet se rapprocher à grande vitesse, l’initiateur de tout ce roman, le « journaliste » Valverde, avait lui, dès le 18 avril, pris les devants : « J’ai eu accès à une information sérieuse (sic !) qui confirme que le fils supposé de GZapata et du président Morales n’existe pas. »
A ce volet « people » du « Zapatagate » qui combla les médias, s’ajoutera le démontage, plus modestement couvert, du supposé « scandale de corruption ». Celui-ci eut pour cadre un bureau du Ministère de la Présidence destiné par le passé à la « Première Dame » (figure éliminée avec l’arrivée du célibataire Evo Morales au pouvoir). Avec la complicité de deux fonctionnaires du ministère et de comparses extérieurs pour établir les contacts, dont l’avocat d’affaires Walter Zuleta, Gabriela Zapata y recevait des entrepreneurs. Arguant de son « intimité » avec le président et de d’une supposée proximité avec un certain nombre de ministres, elle signait au nom de l’Etat des « accords » et des « autorisations » (permettant, par exemple, d’ouvrir des maisons de jeux), moyennant d’importants pots de vin (ses transactions bancaires se montèrent à 700 000 dollars l’année précédant son arrestation).
S’agissant des contrats signés avec CAMCE, l’enquête démontra qu’ils étaient antérieurs au recrutement de Zapata par la firme. Ils avaient pour raison majeure le fait qu’ils conditionnaient l’octroi d’un prêt par la Chine (pour la réalisation des travaux dont CAMCE obtenait la responsabilité). On apprit même que l’entreprise avait été soumise à une amende de 21 millions de dollars et à une interdiction de participation à des licitations pendant trois années pour ne pas avoir respecté certaines de ses obligations. En d’autres termes, le pseudo scandale retomba comme un soufflé [8].
Le pouvoir et ses partisans ont depuis fait du 21 février (date du référendum de 2016) le « Jour du mensonge ». Une enquête effectuée par Market Opinion Research International (Mori) le confirma à sa manière en révélant ultérieurement qu’à la question « le cas Zapata vous a-t-il influencé au moment de voter ? », 53 % des personnes interrogées ont répondu « oui ». C’est donc à juste titre que Juan Ramón Quintana, ex (2006-2010 puis 2012-2017) et actuel ministre de la Présidence, pouvait annoncer en décembre 2016 : « Oui, de fait, nous discutons avec les mouvements sociaux de la possibilité de remettre en question les résultats du 21 février. (…) Cela a été un coup [au sens de coup d’Etat] politico-médiatique. L’une des preuves les plus fortes est la relation entre l’auteur de la dénonciation sur le supposé fils d’Evo et l’ambassade nord-américaine. Et ce qu’a signifié la triangulation politique de l’ambassade des Etats-Unis (…) avec le comportement des médias, des analystes et des laboratoires d’opinion publique qui fonctionnent à travers les réseaux sociaux. Il y a des preuves tangibles, irréfutables, qu’il s’est agi d’une conspiration [9]. »
Etait-il donc dès lors illégitime de remettre en cause cet attentat à la démocratie ? Envolés les grands principes : il semblerait que, pour les acteurs du formatage de l’opinion, la réponse est « oui ».
Lorsqu’elle défend une cause qui lui paraît juste, la gauche latino-américaine, elle, n’a pas l’habitude de la reddition. Dans le cadre d’intenses cogitations sur des solutions alternatives légales, le MAS met dès lors quatre options sur la table, toutes compatibles avec la Constitution politique de l’Etat (CPE) : la réalisation d’un nouveau référendum, cette fois d’initiative citoyenne [10] ; une réforme de la Constitution en utilisant la majorité des deux tiers au sein de l’Assemblée législative ; une démission du président, lui permettant de se représenter de façon « non consécutive » (le vice-président terminant le mandat) ; un recours au Tribunal constitutionnel plurinational (TCP) basé sur l’article 256 de la Constitution, lequel considère que les traités internationaux signés ou ratifiés par la Bolivie et comportant des droits « supérieurs » prévalent sur la dite Constitution.
Il se trouve que l’article 23 de la Convention américaine relative aux droits de l’Homme (CADH), adoptée à San José (Costa Rica), le 22 novembre 1969, mentionne explicitement, s’agissant des droits politiques des citoyens, que ces derniers doivent pouvoir : « participer à la direction des affaires publiques, directement ou par l’intermédiaire de représentants librement élus ; d’élire ou d’être élus (…). » Seules exceptions à cette possibilité « d’élire ou d’être élus » : « (…) des motifs d’âge, de nationalité, de résidence, de langue, de capacité de lire et d’écrire, de capacité civile ou mentale, ou dans le cas d’une condamnation au criminel prononcée par un juge compétent. » Aucune mention d’une éventuelle limitation du droit des citoyens à choisir un candidat et, pour ceux-ci, à se présenter pour plusieurs mandats populaires, consécutifs ou non.
En se basant sur cet argument, la Cour constitutionnelle du Costa Rica a permis en 2006 la réélection, interdite jusque-là, du social-démocrate Óscar Arias (sans un haussement de sourcils de la « communauté internationale »), son équivalente colombienne a fait de même pour le maintien au pouvoir, la même année, du plus que droitier Álvaro Uribe (avec juste quelques signes de désapprobation) et la décision de la Cour de justice nicaraguayenne a autorisé la candidature et la réélection du sandiniste Daniel Ortega en 2016 (soulevant cette fois, comme pour « Evo », un hourvari d’indignation).
Le 28 novembre 2017, répondant à un recours déposé par plusieurs parlementaires du MAS, le Tribunal constitutionnel invalide le résultat du référendum, au motif que la campagne des partisans du « non » a été diffamatoire et donc illégale. Le lendemain, la reconnaissance de la primauté de l’article 23 de la CADH supprime la limite d’un seul renouvellement consécutif visant la fonction de chef de l’Etat (mais aussi celles de vice-président, de gouverneur et de maire). A ceux qui acceptent sans barguigner que Jean-Claude Junker ou Angela Merkel puissent respectivement gouverner le Luxembourg et l’Allemagne pendant vingt années, mais paniquent en voyant le « maintien perpétuel » au pouvoir d’un président latino (surtout quand il est de gauche), le président du Tribunal rappelle que, en tout état de cause, c’est l’électorat bolivien qui conservera « le dernier mot » Par son vote à l’occasion des prochains scrutins.
Ce genre d’argument raisonnablement acceptable ne convainc pas tout le monde (ça se sent ces choses-là !). Vingt-quatre heures ne se sont pas écoulées que l’administration de Donald Trump demande au président bolivien de respecter et la Constitution et le référendum de 2016, et de renoncer à se présenter. Le Sénat américain en fait autant. Leur petit soldat Luis Almagro, secrétaire général de l’OEA, renchérit. Après avoir noué sa plus belle cravate, Carlos Mesa s’envole pour Washington. Lorsqu’il revient, après une série de réunions avec hauts fonctionnaires et sénateurs américains, il annonce qu’il va rétablir les relations diplomatiques au plus haut niveau. Certes, il n’est pas encore président, mais la campagne « La Bolivie a dit non » vient de prendre son élan.
Ici, l’inventaire sera bref des multiples modalités de son développement. On se contentera de quelques épisodes significatifs. Fin juillet 2018, Jorge « Tuto » Quiroga et Carlos Mesa déclarent que le thème de la réélection va générer une tension qui mènera l’opposition « à une situation que nous ne désirons pas : la violence [11] ». Plus concrètement, Mesa propose de déterminer un « Jour D », à partir duquel sera mis en place un agenda concret pour empêcher Evo Morales de se présenter. Le 10 octobre, dans tous le pays, de multiples manifestations se déploient pour exiger le respect du « référendum ». Celle de La Paz, très « classes moyenne et supérieure métisses et blanches », à laquelle participent Carlos Mesa et Samuel Doria Medina, a été convoquée par une coalition baptisée Comité national de défense de la démocratie (Conade) et par (cela devient un grand classique dans les crises internes latino-américaines)… l’Assemblée permanente des droits humains de Bolivie (APDHB). Correspondante des grandes multinationales du secteur – Amnesty International (AI), Human Right Watch (HRW), Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) –, l’APDHB a connu de fortes divisions et des ruptures internes du fait de son appui implicite et explicite à l’opposition. Sa directrice Amparo Carvajal, une religieuse espagnole, n’hésite pas à déclarer qu’elle était mieux écoutée par le pouvoir « du temps de la dictature [1964-1982] » [12].
Conséquence directe… Quand, immédiatement après le scrutin du 20 octobre, l’opposition lancera ses premières actions, délibérément violentes, sans qu’on ne détecte une quelconque apocalypse de violence policière, Amnesty sera déjà dans les « starting blocks » (24 octobre), impatiente de mettre la Bolivie à son tableau de chasse, après le Venezuela et le Nicaragua : « Jusque-là, la réponse des autorités boliviennes face aux manifestations a été très alarmante et démontre un mépris pour les droits humains. Nous surveillons leurs actions et les engageons à ne pas avoir recours à une force excessive [13]. »De son côté, et alors qu’au Chili les militaires de Sebastian Piñera répriment sauvagement, gazent, éborgnent et tuent, José Miguel Vivanco, au nom de Human Right Washington (également connu sous le nom de Human Right Watch) établit une claire hiérarchie dans ses priorités : il demande à son compère Luis Almagro et à l’OEA l’application de la Charte démocratique à… la Bolivie, en raison de la « fraude » constatée lors de l’élection.
Tout aura été essayé. Pour empêcher Morales de se présenter, l’opposition en a appelé à la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), à l’OEA, au Brésil, à la Colombie et même directement à Donald Trump. En interne, les tristement célèbres Comités civiques, à la tête du combat lors de la tentative de déstabilisation de 2008, ont fait leur réapparition. Il s’agit d’instances « citoyennes » et de plateformes représentant certains secteurs économiques et/ou d’extrême droite, agissant en dehors des partis politiques (mais souvent en phases avec ceux-ci). Ils annoncent sans fioritures qu’ils ne reconnaîtront pas le résultat électoral si Morales l’emporte, traitent le gouvernement de « dictature » et proposent le « fédéralisme » comme moyen d’en finir avec l’Etat central (comme en 2008, précisément).
Aucune manœuvre, la plus agressive soit-elle, n’y a pu rien changer : jusqu’à preuve du contraire, Evo Morales a été élu (et, dans le cadre des législatives, le MAS a obtenu la majorité). L’opposition conteste le résultat de la présidentielle. Sur quelle base ? Vice-président du Tribunal électoral, Antonio Costas a certes démissionné en invoquant lui aussi l’arrêt du flux des résultats le 20 au soir. « Il y a eu une alerte à l’attaque informatique, a-t-il ultérieurement déclaré, gérée avec maladresse, mais la pagaïe technique [d’où la raison de sa colère] n’a pas changé la véracité des résultats [14]. »
Insuffisant apparemment pour que l’OEA et l’Union européenne, par leurs déclarations précipitées, n’encouragent et ne renforcent ouvertement les velléités d’insurrection de l’opposition. Des prises de positions très contestables pour le Mexique, dont la représentante à l’OEA, Luz Elena Baños, affirmait dès le 23 octobre que la mission d’observateurs s’était éloignée « des principes d’objectivité et de non intervention dans les affaires internes du pays » et mettait en garde sur « le risque d’instrumentalisation politique des missions d’observation électorale [MOE], un outil technique devant être utilisé pour améliorer la qualité des processus démocratique. »
Pas de second tour ! Mais, a précisé la présidente du Tribunal électoral, l’institution n’a rien à cacher : « Nous sommes disposés à l’organisation d’un audit électoral, et nous allons le faire. Tout comme nous avons accueilli des observateurs électoraux. » Les affrontements ont commencé entre la « mobilisation démocratique », emmenée par Mesa et les dirigeants des Comités civiques, et les électeurs du président mobilisés pour défendre la… démocratie. Le Conade et les comités civiques de La Paz, Potosí, Chuquisaca, Cochabamba, Oruro, Tarija, Beni et Santa Cruz décrètent une grève générale pour obtenir « un second tour ». « Où je vais en prison, où je vais à la présidence », a déclaré Mesa. Mais, alors qu’il soutient cette grève, il refuse de participer à l’audit des résultats électoraux, qui démarrera le 28. Pourtant conforme à ce qu’il prétend réclamer puisque, après accord entre le gouvernement et l‘organisation, des experts de l‘OEA le mèneront (de même que des « pays amis », le Mexique, le Paraguay, le Pérou et l’Espagne).
A partir de ce moment débutent l’escalade. Les manifestations des « contre » et des « pour » se multiplient. Avec leur lot de chocs entre les deux camps. La police doit intervenir pour séparer les manifestants pro et anti Morales à Santa Cruz (le 28). Les anti-« Evo » paralysent le centre des villes ; les « pro » menacent d’utiliser les méthodes de « blocus » déjà envisagées en 2008.
En organisant un référendum illégal, Santa Cruz s’était alors déclarée « autonome » (comme les autres Départements d’opposition, tous sur les basses terres : Beni, Pando et Tarija). Mais les putschistes avaient oublié un détail : « S’ils tiennent la ville, les banlieues et les zones rurales environnant Santa Cruz sont majoritairement habités par des paysans colonisateurs, Indigènes immigrés des hauts plateaux, nous avait confié à l’époque, sur place, un partisan du président. Ils peuvent crier “autonomie, autonomie”, c’est nous qui contrôlons les accès à la ville. S’il se passe quelque chose, il y aura une réponse immédiate, ils sont encerclés ! »
De fait, ces derniers jours, mineurs, syndicalistes et paysans, les secteurs qui historiquement ont appuyé le président, marchent sur La Paz, Cochabamba, s’organisent à Santa Cruz, et ont commencé à établir des barrages sur les routes qui relient Potosi à Sucre (la « ville blanche ») et Cochabamba à Santa Cruz (la cité au racisme à fleur de peau).
Aucun euphémisme n’y changera rien : il s’agit désormais d’une tentative de renversement d’Evo Morales. Alors que les experts de l’OEA sont à l’œuvre, Mesa a changé son fusil d’épaule. Il réclamait un second tour, il invoque maintenant la nécessité d’une nouvelle élection et, le traitant de « manœuvre destinée à maintenir Morales au pouvoir »… rejette l’audit de son très récent allié, l’OEA. Exprimerait-il ainsi un doute sur la possibilité de découvrir les « fraudes massives » qu’il a dénoncées ? Il est vrai que Mesa se trouve sous pression, car maintenant débordé sur son extrême droite. Le 2 novembre, après réunion avec certains dirigeants du Conade, le président du Comité civique pro-Santa Cruz, Luis Camacho, a donné 48 heures à Evo Morales pour démissionner. Outre les appels pressants et réitérés aux militaires (comme au Venezuela et au Nicaragua) le mot d’ordre devient « nouvelles élections générales sans Evo Morales » – réplique exacte du scrutin réclamé dans la République bolivarienne, « sans Nicolás Maduro ». Et, pour marquer leur territoire, les plus factieux parmi les factieux ont fait monter les enchères en précisant : « Ni Morales ni Mesa ». Ce qui a au moins l’avantage de diviser la droite… Mais laisse une question en suspens : à l’allure où vont les choses, qui sera le « Juan Guaido » des Andes, Mesa ou Camacho ?
La Paz, Cochabamba, Santa Cruz… Occupation des institutions publiques [15], menaces et agressions contre les « masistas »« Nous sommes à un pas de commencer à compter les morts par dizaine », a déclaré le 5 novembre le ministre de la Défense Javier Zavaleta, en invitant Camacho à contrôler ses « groupe de choc ». Sans résultat probant. Le conflit prend une très vilaine tournure. A Quillacollo, Feliciano Vegamonte, ex-dirigeant de la Confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB) est séquestré. Des scènes obscènes vécues en 2008 se répètent. Le 6 novembre, dans le « municipio » de Vinto (département de Cochabamba) où il a brûlé la mairie, un groupe de nervis a séquestré la mairesse Patricia Arce, membre du MAS, l’a traînée dans la rue, pieds nus, sur plusieurs kilomètres, avant de l’installer sur une tribune, devant une foule haineuse, pour la peindre en rouge et de lui couper les cheveux.
« L’agression sélective contre les citoyens et les forces de sécurité, l’appel au soulèvement des Forces armées et de la Police nationale, et finalement l’injonction faite au président Evo Morales, sous la menace, de quitter le gouvernement sous 48 heures sont de claires évidences qu’il y a en cours un coup d’Etat qui prétend briser la vie démocratique de la Bolivie », a dénoncé le 4 novembre, devant le Conseil permanent de l’OEA, le ministres des Affaires étrangères Diego Pary. A-t-il été entendu ? Et quand bien même il le serait…
On sera ici extrêmement prudent sur les possibles développements de la crise à très court terme. Le 2 novembre, en affirmant qu’il respectera le rapport élaboré par l’OEA au terme de l’audit de l’élection, Evo Morales a ajouté espérer qu’il s’agira d’un « travail technique et juridique, et pas politique ». Une préoccupation des plus compréhensibles. Dans son évidente certitude que les résultats du scrutin sont fiables, et pour prouver sa bonne foi, le pouvoir bolivien a accepté que les conclusions de l’audit et les conséquences qui en découleront soient « contraignants ». C’est le secrétaire général de l’OEA Luis Almagro qui recevra l’audit envoyé par ses trente experts dans un premier temps, puis qui, par les canaux diplomatiques, les transmettra au gouvernement du pays andin. En d’autres termes : Almagro et l’OEA sont les maîtres d’un jeu dans lequel Evo Morales et les siens se sont liés les mains.
Sans écarter l’hypothèse que des anomalies réelles soient détectées – ce qui est après tout du domaine du possible, même pour un pouvoir ne les ayant pas volontairement provoquées –, l’OEA, par définition, obéit en priorité à Washington. Ses premières réactions, le lendemain du scrutin, indiquent clairement dans quel sens souffle le vent.
Il se trouve qu’un fantastique bras de fer est engagé en Amérique latine où d’aucuns avaient un peu hâtivement annoncé une « fin de cycle ». Les tenants du conservatisme sont sur les dents. Ils ont « perdu » en quelques mois le Mexique et l’Argentine. Le Venezuela, Cuba et le Nicaragua résistent. Une grave crise institutionnelle secoue le Pérou. Haïti brûle, l’Equateur s’est embrasé (et il n’y règne qu’une relative accalmie), même les heureux bénéficiaires de l’ « oasis » chilienne sont en cours de soulèvement.
Le 24 octobre, Almagro, la bave aux lèvres, dénonçait le rôle de Cuba et du Venezuela dans la vague de « déstabilisations » affectant l’Equateur, la Colombie et le Chili : « Les brises du régime bolivarien impulsées par le madurisme et le régime cubain portent de la violence, des saccages, de la destruction, et l’intention politique d’attaquer directement le système démocratique et de forcer l’interruption des mandats constitutionnels. » Cinq jours plus tard, lors de l’inauguration de la 7e Réunion des ministres de l’Intérieur des Amériques, le même Almagro félicitait le président équatorien Lenín Moreno pour la façon dont il a jugulé le mouvement social. Washington, suivi par ses principaux satellites Bogotá et Brasilia veut plus que jamais en finir avec « l’axe du mal », rebaptisé « troïka de la tyrannie » (Cuba, Nicaragua, Venezuela). Et il faudrait laisser la Bolivie entre « les mains » d’Evo Morales ?
Un examen rationnel de la situation laisse peu d’espace pour l’hypothèse d’une évolution positive sur le très court terme. En témoigne un premier épisode révélateur. Le 1er novembre, au lendemain du début de sa mission, le chef des experts de l’OEA Arturo Espinosa a annoncé sa démission. « J’ai décidé de me retirer de l’audit pour ne pas compromettre son impartialité », a-t-il dû twitter. Mexicain, avocat, Espinosa avait publié une semaine auparavant un article d’opinion très critique accusant le président Morales « de vouloir se maintenir au pouvoir à tout prix ». Un article malheureusement déniché par quelques médias boliviens…
Restent deux éléments à prendre en compte… L’existence, parmi les experts, de ceux envoyés par les « pays amis » – Mexique, Paraguay, Espagne et Pérou. Difficile en leur présence de se livrer à une trop voyante manipulation. D’un autre côté, peut-être plus futile, mais existant, Almagro a un « ego » surdimensionné. Comme l’OEA en général, il n’apprécie guère qu’on lui tienne tête. Et si l’opposition bolivienne s’était tirée une balle dans le pied en refusant l’audit de l’organisation interaméricaine et en la traitant avec autant de mépris ? On n’en fera pas le pari. Mais la possibilité existe. La pression va être énorme sur tous les protagonistes, ces jours-ci.
[1] Le pays détient les 2e réserves de gaz du sous-continent (derrière le Venezuela), les premières réserves de lithium du monde (35 %) et d’importantes ressources minières (fer, cuivre, étain, etc.).
[2] Multimillionnaire, parlant mieux l’anglais que l’espagnol, Gonzalo Sánchez de Lozada avait effectué un premier mandat entre 1993 et 1997.
[3] Une fois les bulletins totalement dépouillés, le résultat définitif s’établira à 47,08 % pour Evo Morales et 35,51% pour Mesa.
[5] Pablo Solon, « Lettre ouverte au mouvement altermondialiste sur la situation en Bolivie », Paris, 24 octobre 2019.
[6] Avant les trois mandats dont il est question, Evo Morales en a effectué un quatrième, non pris en compte car effectué dans le cadre de l’ancienne Constitution (réformée en 2009).
[8] En février 2017, peu avant le procès au cours duquel elle fut condamnée à 10 ans de prison, Zapata a accusé le dirigeant d’opposition Samuel Doria Medina de l’avoir « utilisée » et « manipulée » par l’intermédiaire d’un de ses avocats, Eduardo León, pour monter toute cette affaire et mettre Evo Morales en difficulté. Tout en la jugeant potentiellement crédible, on prendra cette affirmation avec la plus extrême prudence, tant la jeune femme a menti et changé de versions tout au long des événements. « Persécutés politiques », le « journaliste » Valverde s’est exilé en Argentine, deux des avocats de Zapata au Pérou.
[15] A Sucre (la capitale), le Tribunal départemental de justice, le Tribunal constitutionnel plurinational, la Direction départementale de l’éducation, le Tribunal agro-environnemental, le Parquet général, le Tribunal de justice, le Service des Impôts national, etc…
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