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7 février 2020 5 07 /02 /février /2020 20:27
Allemagne. Putsch droite-ultradroite contre Die Linke en Thuringe
Vendredi, 7 Février, 2020

Le cordon sanitaire contre les néonationalistes (AfD) a sauté à Erfurt. Soutenu par la CDU, un dirigeant libéral, Thomas Kemmerich, évince par la grâce de l’AfD le ministre-président de gauche avant d’être contraint à la démission.

 

Une bombe a explosé mercredi soir au beau milieu de l’arène politique allemande. Un certain Thomas Kemmerich, dirigeant local du parti libéral, venait de se faire élire ministre-président en Thuringe avec les voix rassemblées de la CDU (droite) et de l’AfD (extrême droite) contre le ministre-président sortant, Bodo Ramelow (Die Linke). Pour la première fois dans l’histoire politique du pays depuis la guerre, le chef d’un exécutif régional était élu par la grâce des néonationalistes. Une odeur exécrable émanant de la République de Weimar s’est aussitôt diffusée dans tous les interstices de la République fédérale.

Bodo Ramelow et Die Linke avaient été les grands vainqueurs de l’élection régionale d’octobre (voir notre édition du 28 octobre 2019), recueillant quelque 31 % des suffrages (+ 2,8 %). Cependant, l’AfD était arrivée en seconde position (23,4 %). La coalition de gauche sortante n’était plus majoritaire compte tenu des scores trop faibles des partenaires de Die Linke (seulement 8,2 % pour le SPD et 5,2 % pour les Verts). À droite, la CDU (21,75 %) et le FDP de Kemmerich, entré d’un souffle dans le Parlement avec tout juste 5 % des voix, ne pouvaient espérer constituer une majorité qu’avec le soutien tacite ou explicite des quelque 22 députés de l’AfD. Si la tentation de s’allier à l’extrême droite est ouvertement exprimée depuis longtemps dans certains milieux, le lancement d’une véritable coalition tenait toujours du tabou pour les directions nationales de la CDU comme du FDP.

En Thuringe la voie à un scrutin anticipé est ouvert

Cette situation avait donné la possibilité à Bodo Ramelow de continuer depuis l’automne à gérer le Land avec une coalition minoritaire. Cet état de fait aurait dû être prolongé officiellement mercredi avec sa réélection au poste de ministre-président. C’était sans compter sur la rupture du cordon sanitaire effiloché. Une digue, et non des moindres, vient d’être franchie. En Thuringe, le dirigeant de l’AfD, Björn Höcke, s’applique en effet à rétablir, avec la plus grande ostentation, le nationalisme allemand jusque dans sa version « IIIe Reich » quand il dénonce, par exemple, « la honte » qu’aurait constituée l’érection d’un monument à l’Holocauste juif au cœur de Berlin. Le personnage est si nauséeux qu’un tribunal allemand auprès duquel il avait imprudemment plaidé la diffamation a estimé qu’il pouvait être publiquement qualifié de « fasciste ».

Parodiant les libéraux, partenaires d’Emmanuel Macron au sein du Parlement européen, Die Linke a fait circuler jeudi avec beaucoup d’échos sur les réseaux sociaux une affiche-slogan aux couleurs jaunes du parti lançant : « Plutôt gouverner avec les fascistes que de ne pas gouverner. » Mais la capacité du nouveau ministre-président à gérer effectivement la Thuringe a tourné rapidement court. Les offres faites aux Verts et au SPD pour qu’ils se rallient à une très grande coalition gouvernementale avec les deux formations de droite n’ont pas pu aboutir. Compte tenu du tollé et des multiples manifestations provoquées par les conditions d’accès au pouvoir du dirigeant libéral. La seule issue, c’est l’organisation « le plus vite possible » de nouvelles élections, plaidait le coprésident de Die Linke, Bernd Riexinger, rejoint sur ce point par Angela Merkel. Sous pression, Kemmerich annonçait dans l’après-midi de jeudi qu’il jetait l’éponge, ouvrant effectivement la voie à un scrutin anticipé.

L’affaire promet de secouer pour longtemps le spectre politique. La grande coalition en sort ébranlée. La nouvelle direction du SPD évoque « un coup monté » et exige des explications. Au FDP, les pitoyables circonvolutions initiales de Christian Lindner, le chef du parti, ont alimenté le trouble. Il a dit rejeter une alliance avec l’AfD mais s’estimer impuissant face à « ceux qui se prononcent pour notre candidat dans un vote secret ».

Au sein de la CDU, la présidente, Annegret Kramp-Karrenbauer, toujours plus contestée dans la course à la succession de Merkel, se voit reprochée d’avoir « perdu le contrôle ». Les tiraillements avec les courants nationalistes menacent de redoubler. Et si la chancelière a souligné jeudi que la manœuvre droite-ultradroite était « impardonnable », des pointures du groupe CDU au Bundestag n’ont pas hésité à se féliciter bruyamment d’une « victoire de la raison » et des valeurs conservatrices.

Bruno Odent
Allemagne. Putsch droite-ultradroite contre Die Linke en Thuringe (Bruno Odent, L'Humanité, 7 février 2020)
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7 février 2020 5 07 /02 /février /2020 20:25
La Palestine a le droit à la vie !

Le mardi 28 janvier 2020, à la Maison-Blanche, Donald Trump, aux côtés du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, présentait son «plan du siècle». Comme le disait Leïla Shahid dans l’Humanité du 29 janvier 2020, le monde assistait «à une mascarade rarement vue dans la politique internationale».

Avec la plus grande arrogance, le président des États-Unis, au mépris du droit international, entérine la politique de faits accomplis poursuivie par Israël en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. À aucun moment n’a été évoqué un État palestinien. En proposant l’annexion des colonies illégales, d’une partie de la vallée du Jourdain, de Jérusalem-Est, il ne reste aux Palestiniens que des «bantoustans» sans aucune continuité territoriale et sans souveraineté.

Le gouvernement d'Emmanuel Macron a cru bon de «saluer les efforts du président américain Donald Trump et étudiera avec attention [ce] plan de paix». Une nouvelle fois, la France manifeste son allégeance à Washington. De leur côté, les pays du Golfe font preuve de leur abandon de la cause du peuple palestinien.

« L’accord Trump-Netanyahu est une menace pour l’avenir des deux nations. »

Depuis le 1er février, ce plan est condamné par les Nations unies, qui rappellent que seules les résolutions de l’ONU peuvent être la base d’une solution politique, et par les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe, qui ont indiqué qu’elle «rejetait l’accord du siècle américano-israélien étant donné qu’il ne respecte pas les droits fondamentaux et les aspirations du peuple palestinien». D’autres voix s’élèvent: celles des chrétiens des pays arabes ainsi que celle de la Confédération internationale de syndicats.

En Israël, le 1er février, les populations juives et arabes ont manifesté ensemble en dénonçant: «L’accord Trump-Netanyahu est une menace pour l’avenir des deux nations. Il s’agit d'un accord unilatéral qui n’apportera pas la paix, la justice ou le règlement des conflits, mais qui propagera davantage la violence. Le plan donne au gouvernement [israélien] le feu vert pour annexer la Cisjordanie, pour se rendre aux diktats des colons extrémistes et pour refuser la citoyenneté de centaines de milliers de citoyens arabes israéliens…»

Si cet accord devait se concrétiser, nous entrerions dans une période de tous les dangers, celui pour les Palestiniens d’être définitivement dépossédés de leur terre, celui d’un monde où la force prime sur le droit.
Pour les militant·e·s du Parti communiste français, devant de tels dangers, notre engagement ne doit pas faiblir et nous devons continuer à exiger de notre gouvernement la reconnaissance de l’État de Palestine – que le Parlement français a votée – dans des frontières sûres et reconnues, celles de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale et également la reconnaissance du droit au retour des réfugiés, droit inaliénable, conformément à la résolution 194.

Nathalie L’Hopitault
membre du Collectif pour une Paix juste et durable
entre Palestiniens et Israéliens du PCF

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3 février 2020 1 03 /02 /février /2020 16:19
Monde. un fossé abyssal, bombe à retardement à mèches multiples (L'Humanité, Nadjib Touaiba, 30 janvier 2020)
Monde. un fossé abyssal, bombe à retardement à mèches multiples.
Jeudi, 30 Janvier, 2020

En 2019, les plus riches ont capté plus de richesses que 4,6 milliards de personnes. Les inégalités explosent sur toute la planète. Ce creusement n’a rien de fatal, il est le résultat de politiques néolibérales dictées depuis le sommet des États.

 

La bourse, nous dit-on, a battu tous ses records en 2019. Du coup, millionnaires et milliardaires poussent comme des champignons. Et ces braves gens créent des emplois et payent des impôts, leur richesse ruisselle sur le reste du monde. Il faut s’en réjouir et saluer aussi la belle santé de l’industrie du luxe. N’est-ce pas là le signe que le pouvoir d’achat des classes moyennes se porte mieux à travers le monde, notamment en Asie, et que la pauvreté recule ?

Commentaires simplistes et pour le moins trompeurs que ces raccourcis dégainés par la presse de droite à la suite de la publication du rapport annuel de l’ONG Oxfam sur les inégalités dans le monde, à la veille du Forum de Davos (1). Les médias des hommes d’affaires et des riches regardent sans surprise la planète sous un prisme enchanteur. La réalité est autrement plus sombre pour des millions d’êtres humains.

Dans la grande et riche Amérique, ils habitent dans leur voiture en collectionnant les petits jobs, s’endettent pour se soigner ou se laissent mourir à petit feu. En Europe, les travailleurs pauvres ne sont pas mieux lotis, entre le mal-logement, la précarité et les bas salaires. Ailleurs, en Afrique, en Asie, des millions de personnes démunies sont exposées aux risques climatiques, et on y meurt de famine.

Les chiffres donnent le tournis

Puzzle de la misère et de l’opulence, ce monde n’est pas près de changer car les inégalités se creusent sans cesse souligne Oxfam. Et les chiffres donnent le tournis. « En 2019, les milliardaires du monde entier, c’est-à-dire seulement 2 153 personnes, se partageaient plus de richesses que 4,6 milliards de personnes », apprend-on. Les revenus de 1% des plus riches ont largement augmenté entre 1990 et 2015, relève pour sa part l’ONU dans le Rapport social 2020. Plus de 70 % de la population de la planète vivent une augmentation constante des inégalités, et celles-ci se sont encore creusées dans la plupart des pays développées et dans certains pays à revenus intermédiaires, dont la Chine, selon le même texte.

Cette régression qui profite toujours et encore aux nantis fait un triste au sort aux femmes en particulier. « La richesse des 22 hommes les plus fortunés est ainsi équivalente à celle de l’ensemble de la population féminine africaine ! » pointe Oxfam.

Dividendes : un boom de 31%

Les riches peuvent dormir tranquilles. Les États veillent sur leur fortune. Les politiques fiscales de la grande majorité des gouvernements à travers le monde leur font la part belle. Le président des États-Unis, Donald Trump, avait d’ailleurs fait sensation lors de sa première apparition à Davos en 2018. Sa générosité fiscale à l’égard des entreprises réjouissait les hommes d’affaires. Les 1500 milliards de dollars (1 314 milliards d’euros) de réductions d’impôts sur dix ans accordées aux entreprises américaines font rêver les patronats dans le reste du monde, même si ces réductions n’ont pas tout à fait produit les effets attendus. De plus, tandis que les salaires stagnent ou augmentent faiblement dans les pays du G7 (+ 3 % entre 2001 et 2017), les dividendes font un bond de 31 % pour la même période.

Chute des dépenses publiques

Dans le même temps, les ménages sont confrontés à des baisses drastiques des dépenses publiques dans des secteurs clé : la santé, notamment, l’éducation, les transports... « L’une des conséquences des inégalités au sein des sociétés est le ralentissement de la croissance économique, note le rapport de l’ONU. Dans des sociétés inégales, avec de grandes disparités dans des domaines tels que les soins de santé et l’éducation, les gens sont plus susceptibles de rester pris au piège de la pauvreté, sur plusieurs générations. »

Les Nations Unies identifient quatre facteurs d’influence sur les inégalités dans le monde, des « mégatendances » : l’innovation technologique, l’urbanisation, le changement climatique et des migrations internationales. Selon l’institution, ce dernier facteur agit à la fois comme « un puissant symbole de l’inégalité mondiale » et comme « une force d’égalité dans les bonnes conditions ». Les migrations bénéficient aux migrants, à leur pays d’origine, ainsi qu’à leur pays d’accueil. Les bouleversements climatiques et les catastrophes naturelles rendent en revanche « les pays les plus pauvres encore plus pauvres et pourraient inverser les progrès accomplis dans la réduction des inégalités entre les pays ».

Partout dans le monde, quant on est pauvre, ou même seulement doté d’un revenu modeste, on est, tout compte fait, sûr de le rester. Quand on est riche, très riche, on a de fortes chances de l’être davantage. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, évoque d’ailleurs « un cercle vicieux d’inégalités, de frustrations et de mécontentements entre les générations » rappelant « les manifestations de grande ampleur, à la fois dans des pays développés et dans des pays en développement ».

Question à peine effleurée au Forum de Davos, le creusement des inégalités est une bombe à retardement à mèches multiples. Celles-ci peuvent prendre feu simultanément à tout moment dans de nombreux pays. La voix des laissés-pour-compte n’a pas fini de résonner d’un continent à l’autre, en Amérique Latine, en Asie, au Maghreb, au Proche-Orient, en Afrique et même dans les pays développés d’Europe dont les sociétés sont minées par la baisse constante du pouvoir d’achat, la pauvreté croissante et l’enrichissement indécent d’actionnaires gavés de dividendes. Les choix d’inspiration libérale, à contre-courant du progrès social, se heurtent aux attentes de millions d’hommes et de femmes à la faveur de toutes les évolutions technologiques. La généralisation de ces modèles-là participe d’une régression à l’échelle planétaire dont tirent profit une minorité de nababs.

Avec les conséquences du désordre climatique, la répartition des richesses est, à n’en point douter, un enjeu essentiel. Les riches dorment peut-être tranquilles, mais pour combien de temps ?

(1) Le sommet annuel s’est tenu du 21 au 24 janvier.
Nadjib Touaibia
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1 février 2020 6 01 /02 /février /2020 07:36
Leïla Shahid à Brest, au côté de Claude Léostic, ancienne présidente de la plateforme française des ONG pour la Palestine, le 31 octobre 2019 (photo Ismaël Dupont)

Leïla Shahid à Brest, au côté de Claude Léostic, ancienne présidente de la plateforme française des ONG pour la Palestine, le 31 octobre 2019 (photo Ismaël Dupont)

Leïla Shahid : « Trump et Netanyahou ont pris en otage la question israélo-palestinienne »
Mercredi, 29 Janvier, 2020 - L'Humanité

Ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union européenne, Leïla Shahid dénonce la collusion entre Trump et Netanyahou, et regrette le peu de poids des Européens.
 

Leïla Shahid

Ancienne ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union européenne

Quel est le but ultime recherché par Donald Trump avec ce plan?

Leïla Shahid Nous assistons à une mascarade rarement vue dans la politique internationale, entre deux hommes qui sont en train de couler. Trump fait face à une enquête qui pourrait lui coûter très cher pour entreprendre un deuxième mandat. Netanyahou est à quelques semaines d’une élection et espère, en annonçant un soi-disant plan de paix, prendre le pas sur son adversaire, Benny Gantz. Il est assez effrayant de voir comment la paix et la stabilité dans le monde dépendent de deux hommes qui sont comme des chiens enragés pour rester au pouvoir. Ils ont pris en otage la question israélo-palestinienne. Il est tragique de voir comment les puissances dans le monde, à commencer par l’Union européenne, n’arrivent pas à compter face à cette immense manipulation. Ce « plan de paix », dont on parle depuis trois ans, est soudainement révélé le jour même où le Sénat américain doit statuer sur Trump et la Knesset sur Netan- yahou. Il ne faut pas être naïf.

Ce qu’ils proposent, d’ailleurs, ne correspond qu’à ce qui peut leur rapporter des voix afin de rester au pouvoir. Ce faisant, nous assistons à la décomposition des relations internationales. Nous payons également la facture de la division de l’Union européenne. Comment peut-on proposer un accord en l’absence d’une des parties principales, la partie palestinienne ? Il n’y a même pas une partie arabe. Ceux qui ont assisté en juin, au Bahreïn, à la première phase du plan, la phase économique, ne représentent que leur pays et ils n’ont parlé que d’argent. Le conflit israélo-palestinien a toujours été au cœur de ce qui se passe en Méditerranée. Jamais ça n’a été aussi clair qu’aujourd’hui. Mais ils ont fabriqué un ennemi fictif qui s’appelle l’Iran et sont prêts à susciter un nouveau conflit.

Depuis que ce plan est évoqué, Trump n’a jamais parlé d’un État palestinien. Qu’est-ce qu’il faut comprendre ?

Leïla Shahid S’il devait y avoir un État palestinien, Donald Trump n’aurait pas déclaré que Jérusalem est la capitale de l’État d’Israël, il n’aurait pas annulé les résolutions concernant les réfugiés, il n’aurait pas arrêté l’aide aux Palestiniens, il n’aurait pas fermé l’ambassade de Palestine à Washington, il n’aurait pas soutenu Israël uniquement comme l’État du peuple juif. C’est pour cela que le président Abbas ne parle pas à Trump et à Netanyahou depuis plus d’un an et demi.

Ils auront beaucoup de mal à faire adopter ce plan. Ils seront surpris. Pas seulement par les Palestiniens, pour qui il est hors de question d’accepter un tel plan et qui retrouveront peut-être leur unité. Et ça va redonner du tonus à ceux qui, dans le monde arabe, défendent leur dignité, comme les Libanais, les Algériens ou les Irakiens qui se lèvent pour réclamer leurs droits.

Ce plan est une tentative pour revenir à l’annexion totale des territoires palestiniens, exclure la question des réfugiés et celle de Jérusalem. Mais cela va plus loin. Ils cherchent à dire ainsi que l’État des Palestiniens est en Jordanie. C’est pour cela qu’Abdallah II, le roi jordanien, est en tournée actuellement. Il met en garde sur les conséquences pour le royaume hachémite dont on voudrait faire l’alternative à un État palestinien. Il est évident que cela ne marchera pas. Mais cela va aggraver la déstabilisation de la région. Ils prennent en otage la partie la plus faible, qui est sous occupation militaire.

Quelle est la marge de manœuvre des Palestiniens ?

Leïla Shahid Elle n’est plus d’ordre diplomatique pour une bonne et simple raison qu’il n’y a plus de diplomatie au Proche-Orient. Ni chez les Palestiniens, ni chez les Égyptiens, ni chez les Jordaniens. Depuis que Donald Trump est arrivé au pouvoir, il a détruit tout ce qu’on appelle les termes de référence des négociations de paix qui ont commencé en 1993. Cela fait vingt-sept ans que nous essayons de discuter. Mais il est évident qu’il n’y a aucune négociation de paix. Ce qui est nouveau est que le premier ministre israélien a avec lui un président américain qui se fiche du droit international, de l’équilibre international, de la paix. Nous sommes dans un monde de brutes, un monde qui a perdu ses repères.

Les Palestiniens se battent depuis un siècle. Ils ne se font pas d’illusions. Le monde arabe a été scindé en deux avec la défection de l’Arabie saoudite, des émirats arabes unis et du Bahreïn, à cause du conflit avec l’Iran, qui se retrouvent alliés aux Israéliens. Il y a une situation de guerre civile provoquée par les Américains avec l’occupation de l’Irak en 2003 qui a abouti à la décomposition de ce pays. C’est également le cas de la Syrie. Je redoute ce qui peut se passer au Liban. Sans parler de la Libye et du Yémen. Les pays arabes ont été collectivement en faveur des Palestiniens et de leurs droits. Ce monde arabe est décomposé.

Après un siècle de luttes, je ne pense pas qu’un an ou deux de plus ou de moins vont changer quelque chose. Nous sommes arrivés au bout d’une approche de négociations directes. Les accords d’Oslo sont morts depuis longtemps, malheureusement. L’Union européenne était une alternative à la super-puissance américaine. Aujourd’hui, il n’y a même plus ce minimum d’accord qui existait auparavant entre Washington et Bruxelles. Il faut donc que les Palestiniens retrouvent leur capacité à rester sur leur territoire, d’être résilients et de continuer à être ouverts, c’est-à-dire proposer une coexistence avec Israël mais sur des bases claires : un État qu’Israël respectera. Ce qui est loin d’être l’idéologie de ceux qui gouvernent Israël aujourd’hui.

Entretien réalisé par Pierre Barbancey
Leïla Shahid, entretien avec Pierre Barbancey :  Trump et Netanyahou ont pris en otage la question israélo-palestinienne (L'Humanité, 29 janvier 2020)
Proche-orient. Washington et Tel-Aviv rayent les Palestiniens de la carte
Mercredi, 29 Janvier, 2020 - L'Humanité

Donald Trump et Benyamin Netanyahou se sont mis d’accord pour dépecer la Cisjordanie. Toutes les colonies doivent être annexées à Israël, de même qu’une grande partie de la vallée du Jourdain.

 

En présentant son « plan du siècle » pour le Proche-Orient depuis la Maison-Blanche, Donald Trump arborait, hier, sa tête des grands jours, fier de lui, dominateur et méprisant. À ses côtés, le premier ministre israélien, son « ami » Benyamin Netanyahou, qui, lui aussi, ne cachait pas sa joie. Et pour cause. La carte est sans ambiguïté. Pas un dirigeant israélien n’avait osé en rêver. Trump l’a fait. Sous les yeux admiratifs des leaders du Parti républicain et des représentants les plus à droite de la communauté juive des États-Unis, il a, d’un trait de plume, cassé la Cisjordanie, en glissant toutes les colonies d’implantation dans les nouvelles frontières d’Israël. C’est ce qu’on appelle une annexion totale. Pareil pour la majeure partie de la vallée du Jourdain. C’est ce qu’il qualifie d’« un grand pas vers la paix», parlant d’une «solution à deux états réaliste» et saluant «le courage» de Netanyahou! Mais Jerusalem est«une capitale indivisible», a -t-il affirmé sous les applaudissements d’une salle qui lui était toute acquise. «Mais je l’ai déja fait pour vous», a-t-il lancé, en référence au transfert de l’ambassasde américaine dans cette ville, ce qui ne l’a pas empêché d’évoquer une hypothétique capitale palestinienne dans une partie de Jérusalem-Est (sic).

Trump parle surtout des nouvelles frontières d’Israël

En l’espace de quelques mois, les États-Unis ont reconnu l’annexion par Israël du plateau du Golan syrien, occupé depuis 1967, reconnu également Jérusalem comme capitale d’Israël, allant même jusqu’à y transférer l’ambassade américaine, jusque-là à Tel-Aviv. Récemment, les autorités américaines ont fait savoir qu’elles ne considéraient pas les colonies d’implantation juives en Cisjordanie comme contraires au droit international. C’est le côté « récompenses » pour Israël. S’agissant des Palestiniens, il en va tout autrement. Les États-Unis ont suspendu, depuis septembre 2018, leur aide à l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) et entendent maintenant ne plus considérer comme réfugiés les descendants des victimes de la Nakba (la catastrophe, en arabe, référence au départ forcé des Palestiniens en 1948), dont le but est d’en finir avec le droit au retour de ces réfugiés comme reconnu par la résolution 194 de l’ONU. Quant à la conférence qui s’est tenue au Bahreïn en juin 2019, portant sur le volet économique de ce plan et à laquelle les représentants palestiniens ont refusé de participer, elle s’est soldée par un échec, tant la démarche était grossière.

Netanyahou peut bien qualifier Donald Trump de « plus grand ami qu’Israël ait jamais eu ». Les Israéliens sont les grands gagnants de ce qui s’apparente de plus en plus à une grande escroquerie. À la veille de cette présentation, le président américain avait reçu, séparément, le premier ministre israélien et son adversaire électoral Benny Gantz. Il leur aurait demandé de mettre en œuvre ce plan immédiatement. « Vous avez six semaines pour cela, si vous le voulez », leur a-t-il dit, selon un officiel états-unien. Netanyahou, qui espère encore gagner le scrutin législatif prévu le 2 mars en Israël – le troisième en moins d’un an –, compte d’abord annexer la colonie de Ma’aleh Adumim, la troisième plus grande de Cisjordanie, où vivent 38 000 personnes, situé à cinq kilomètres de Jérusalem-Est et sur la route menant à la ville palestinienne de Jéricho. De longue date, les Palestiniens ont fait remarquer qu’une telle éventualité signifierait la non-continuité de leur futur État. Après Ma’aleh Adumim, la vallée du Jourdain serait dans le collimateur israélien mais son annexion demande plus de doigté car cela pourrait déstabiliser la Jordanie voisine, l’un des deux pays arabes, avec l’Égypte, à avoir signé un traité de paix avec Israël.

Mais cet État est-il vraiment envisagé par Trump ? Il parle surtout des nouvelles frontières d’Israël. Les territoires palestiniens seraient totalement morcelés. Et qui dit territoire dit habitants. Quid des Palestiniens vivant actuellement dans les zones où se trouvent les colonies qui pourraient être annexées ? Il est évoqué un statut de résident, à l’instar de ce qui est pratiqué à Jérusalem-Est. Mais on parle aussi beaucoup de déplacement de population. Fervent soutien du plan, le leader chrétien évangéliste Mike Evans, par ailleurs « conseiller pour la foi » de Donald Trump, mis dans le secret la veille, a précisé que cet « État » palestinien doit être démilitarisé et « n’aura pas le contrôle de l’espace aérien aux Palestiniens, pas plus que l’habilitation à signer des traités ».

Depuis plusieurs mois, le président Mahmoud Abbas refuse toute discussion avec Trump. L’Organisation de libération de la Palestine (OLP) pas plus que le Hamas ne peuvent accepter un tel plan. Les États-Unis le savent. Peu leur importe en réalité. Fin 2018, Jared Kushner, gendre de Trump, évoquait une possible publication de ce plan, même sans les Palestiniens, allant jusqu’à dire: « Nous n’avons pas besoin d’eux. » Ces Palestiniens méprisés pourraient pourtant très vite se rappeler au bon souvenir de Washington et de Tel-Aviv. Aujourd’hui ils devraient descendre par milliers dans les rues des villes de Cisjordanie et de Gaza pour crier leur refus. C’est la « Journée de la colère ». L’armée israélienne a été mise en état d’alerte. Sans doute le début d’une révolte de grande ampleur. En satisfaisant son ami Netanyahou, Trump vient tout simplement de mettre le feu au Proche-Orient.

Pierre Barbancey
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1 février 2020 6 01 /02 /février /2020 07:35
Proche-orient. Le lâche abandon du peuple palestinien (Pierre Barbancey, L'Humanité, 30 janvier 2020)
Proche-orient. Le lâche abandon du peuple palestinien
Jeudi, 30 Janvier, 2020

Le plan présenté par Donald Trump donne le feu vert à Israël pour l’annexion d’une grande partie de la Cisjordanie et de la vallée du Jourdain. Le monde entier se tait.

 

C’est ce qui est appelé une répartition des rôles. Main dans la main, tels des marionnettistes, Donald Trump et Benyamin Netanyahou se sont partagé les effets d’annonce pour un « deal » qui se veut historique. De quoi contenter d’abord l’actuel locataire de la Maison-Blanche, marchand de biens de son état, pour qui le troc est une façon de faire de la politique. Devant un parterre choisi d’aficionados – des élus républicains, des représentants de l’aile droite de la communauté juive mais également des ambassadeurs de certains pays arabes –, Trump a dressé le cadre de ce qu’il a appelé son « plan de paix ». Il a pris bien soin de ne pas entrer dans les détails, mais les références bibliques à la Terre sainte laissaient peu de place à d’improbables interprétations.

À nouvelle politique, nouveau langage diplomatique

Rien d’étonnant en réalité puisque les États-Unis, depuis plusieurs mois, ont dit leur accord avec l’ensemble de la politique israélienne menée ces derniers temps sous la houlette de Benyamin Netanyahou. Le gendre de Trump, Jared Kushner, poussé dans ses retranchements par la journaliste de CNN, Christiane Amanpour, a lâché le morceau. Jusqu’à ce mardi qui restera très certainement dans les annales de l’histoire, la commaunauté internationale reconnaissait la ligne d’armistice de 1949 (brisée en juin 1967 par la guerre des Six-Jours), dite ligne verte, comme la frontière d’Israël. Peu importe pour celui qui a été chargé par son beau-père de dresser le fameux plan. Il l’a dit tout de go. « Peu importe 1967, ce qui compte c’est ce qui existe en 2020 », a-t-il expliqué en substance. Il est allé même plus loin, accusant les Palestiniens d’avoir « baisé » (screw up) toutes les chances qui leur avaient été offertes. À nouvelle politique, nouveau langage diplomatique.

Ce qui existe, c’est la politique du fait accompli poursuivie sans relâche par Israël depuis plus de cinquante ans maintenant. Une colonisation continue, en Cisjordanie comme à Jérusalem-Est, visant à marginaliser toujours plus les Palestiniens sur leur propre territoire. Dans un livre (1), l’avocat israélien Michael Sfard, au combat exemplaire contre l’occupation dans les territoires palestiniens, décrit, arguments juridiques à l’appui, de quelle manière cette politique s’est forgée avec des arguties juridiques visant à aider les États soutenant Israël à accepter la politique du char, celle de la force, du dominant contre le dominé, du colonisateur contre le colonisé.

« Ma vision présente (…) une solution réaliste à deux États », a expliqué Donald Trump, évoquant un projet « gagnant-gagnant » pour Israéliens et Palestiniens. Gagnant-gagnant ? Israël a obtenu le feu vert des États-Unis pour annexer toutes les colonies de Cisjordanie et une bonne partie de la vallée du Jourdain. Il suffit de regarder la carte (page précédente) pour voir que cela ne laisse aux Palestiniens qu’un archipel dont on voit mal comment ces îlots pourraient constituer un État. Grande concession – mais absolument pas nouvelle –, un tunnel reliant la bande de Gaza aux territoires qui resteraient sous l’autorité palestinienne. Quelques arpents de sable du désert du Néguev seraient octroyés aux Palestiniens. Mais ce prétendu État n’aurait en réalité aucune prérogative. Il n’aurait même pas le contrôle des marchandises lui étant destinées et transitant par les ports d’Ashdod et d’Haïfa.

Plus le mensonge est gros, plus il passe

Le futur État palestinien ne verrait le jour que sous plusieurs conditions, dont « le rejet clair du terrorisme », a martelé Donald Trump. Il a annoncé avoir envoyé une lettre à Mahmoud Abbas l’exhortant à saisir « une chance historique », et peut-être « la dernière », d’obtenir un État indépendant. « Je lui ai expliqué que le territoire prévu pour son nouvel État resterait ouvert et sans développement » de colonies israéliennes « pendant une période de quatre ans », a-t-il précisé. Plus le mensonge est gros, plus il passe. Quelques minutes plus tard, l’ambassadeur des États-Unis David Friedman vendait la mèche, affirmant qu’Israël pouvait annexer ses colonies « sans attendre ». Dont acte. Le gouvernement intérimaire de Benyamin Netanyahou va très certainement agir dans les tout prochains jours. Et il n’y a rien à attendre des prochaines élections israéliennes prévues le 2 mars prochain.

Pour Robert Malley, ancien conseiller de Barack Obama et président de l’International Crisis Group, le message adressé aux Palestiniens est clair et sans nuance : « Vous avez perdu, il va falloir vous y habituer. » Le peuple palestinien se retrouve bien seul. Les pays arabes le soutiennent comme la corde le pendu. Si auparavant les capitales du Moyen-Orient entretenaient encore l’illusion, elles se sentent maintenant totalement affranchies de toute retenue. Le rapprochement des pays du Golfe avec Israël est maintenant une réalité. L’Arabie saoudite a dit « apprécier » les efforts de Donald Trump, tandis que l’Égypte a appelé Israéliens et Palestiniens à un examen « attentif » et « approfondi » du plan. Et les Émirats arabes unis ont même qualifié le plan de « point de départ important » pour les négociations de paix. Le Qatar a salué le plan tout en estimant que la paix ne serait durable qu’avec la naissance d’un État palestinien ayant « Jérusalem-Est pour capitale ». Mais ce n’est pas ce qui est envisagé. Serait octroyé aux Palestiniens le faubourg de Jérusalem Abou Dis. Pour le reste, il est évident que, contrairement au droit international, des populations seront déplacées, transférées. On parle même avec insistance d’« échanges » de populations de Galilée (au nord d’Israël) qui seraient envoyées en Cisjordanie !

Le droit de la force et la loi de la jungle

Seuls et abandonnés. Les Palestiniens ne peuvent même pas compter aujourd’hui sur l’Union européenne. À l’image de la France qui, via le ministère des Affaires étrangères, « salue les efforts du président Trump et étudiera avec attention le plan de paix qu’il a présenté ». Le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erekat, appelle l’Union européenne à reconnaître l’État de Palestine. Mais celle-ci fait la sourde oreille, prise dans ses propres contradictions politiques, économiques et de subordination à l’Otan sous contrôle des États-Unis.

Le peuple palestinien est la première victime de ce plan. Si celui-ci est mis en œuvre, les dégâts seront considérables dans l’ensemble du Moyen-Orient. D’autant que Trump et Netanyahou lient en réalité cette nouvelle étape de « normalisation » du Moyen-Orient à une confrontation tous azimuts avec l’Iran, présentée comme le grand Satan. Les répercussions risquent d’être terribles. En balayant d’un revers de main le droit international, le président américain et le premier ministre israélien affirment que les relations entre les pays et entre les peuples relèvent du droit de la force. De la loi de la jungle. La boîte de Pandore est ouverte. Dans les jours qui viennent, les manifestations vont se multiplier en Palestine. Et les soldats israéliens ont le doigt prêt à appuyer sur la détente avec la bénédiction de Donald Trump.

(1) Le Mur et la porte, Michael Sfard. Zulma « Essais ​​​​​​​», 672 pages, 25 euros. À paraître le 6 février.
Pierre Barbancey
Proche-orient. Le lâche abandon du peuple palestinien (Pierre Barbancey, L'Humanité, 30 janvier 2020)
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29 janvier 2020 3 29 /01 /janvier /2020 19:48
Béthléem 2015

Béthléem 2015

« Deal » / Trump : l'expression d'un mépris du peuple palestinien et du droit international (PCF)
 
Trump vient d’annoncer son « deal du siècle ». Comment Trump et son gouvernement peuvent-ils être aussi irresponsables en qualifiant de plan de « paix » un projet dont la seule issue présentée aux Palestiniens est
la création de « bantoustans » sans aucune continuité territoriale et sans souveraineté – une reproduction sinistre de l’apartheid aboli par le peuple sud-africain il y a près de trois décennies.
Le gouvernement de M. Macron ose affirmer qu’il « salue les efforts du président américain Donald Trump et étudiera avec attention ce plan de paix ». Ces propos, outre leur allégeance à l’hégémonie de la Maison
Blanche, sont une négation de la Charte des Nations unies. Ils sont indignes de la France et de sa vision de la paix au Moyen-Orient Devant cette proposition d’annexion de la vallée du Jourdain, d’annexion
des colonies qui deviennent des terres d'Israël, d’annexion des routes y conduisant depuis l'Ouest, c’est-à-dire une coupure de fait en au moins trois parties de la Cisjordanie, et, bien sûr, de maintien du "statut"
carcéral actuel de la Bande de Gaza, sans liaison avec l'autre partie de la Palestine, la France s’honorerait de proclamer fermement qu’aucune paix ne peut se faire si le droit international et les résolutions de
l’ONU ne sont pas respectés. Seule la reconnaissance de l’État de Palestine – que le Parlement français a exigée  - dans ses frontières de 1967 et avec Jérusalem Est comme capitale, peut permettre la construction d’un avenir pour les deux peuples, israélien et palestinien.
Le PCF apporte tout son soutien et sa solidarité au peuple palestinien méprisé (dans son intégrité) et aux progressistes israéliens qui luttent pour la paix, la démocratie et la justice en véritables 7h acteurs de
l’avenir de leur pays.
 
Parti communiste français,
 
Paris le 29 janvier 2020
 
 
Deal / Trump : l'expression d'un mépris du peuple palestinien et du droit international (PCF)
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29 janvier 2020 3 29 /01 /janvier /2020 08:47
L'Humanité - 27 janvier : dossier sur les 75 ans de la libération d'Auschwitz avec une interview de Beate et Serge Klarsfeld
Histoire. Il y a 75 ans, la libération des camps révèle le système génocidaire nazi
Lundi, 27 Janvier, 2020

Le 27 janvier 1945, le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau est libéré par les troupes de l’Armée rouge. Jusqu’en avril et la libération des autres camps, ce sera une course contre la mort pour sauver les déportés rescapés.

 

La date du 27 janvier choisie pour la commémoration internationale du génocide des populations juives d’Europe n’est pas celle retenue de longue date pour évoquer la déportation en France, le dernier dimanche d’avril. Elles sont pourtant liées et ne méritent pas d’être mises en concurrence. Même si ces choix ont chacun une histoire sur laquelle il ne s’agit pas ici de revenir, rappelons que la première correspond à l’arrivée des troupes soviétiques devant le camp d’Auschwitz évacué précipitamment par les SS, qui ont entraîné des dizaines de milliers de déportés juifs dans des marches de la mort vers d’autres camps et n’ont laissé derrière eux que quelques milliers de malades qu’ils n’ont pas eu le temps d’éliminer. La deuxième date en avril correspond à l’effondrement général du système concentrationnaire nazi et à l’ouverture des camps par les différentes armées alliées, qui découvrent l’ampleur de l’hécatombe et l’état physique déplorable des survivants.

Deux objectifs : une déportation de répression et une déportation de persécution

En France, il est d’autant plus important d’envisager dans leur globalité la persécution et le génocide avec la répression et la déportation qu’ils ont bien souvent eu partie liée à travers l’action résistante d’un côté et la mise en place du système répressif associant l’Allemagne et l’État français de l’autre. Les travaux historiques qui ont permis aujourd’hui d’avancer dans la connaissance de la déportation depuis la France mettent en évidence l’importance de la déportation de répression  – environ 90 000  – à côté de la déportation de persécution – environ 80 000 avec seulement 3 % de survivants.

La politique génocidaire menée par le régime nazi avec ses idéologues, ses tortionnaires mais aussi ses élites intellectuelles et économiques à l’égard des populations juives et tziganes a procédé d’une entreprise délibérée d’extermination associée à des projets de colonisation, mais aussi d’asservissement de populations entières (par exemple, le sort réservé aux prisonniers de guerre slaves, soviétiques notamment dont 60 %, soit 2 millions, meurent dans les camps). La discrimination antisémite est indissociable chez les nazis de l’idéologie raciste qui légitime l’inégalité au sein même de l’humanité. Le projet nazi, avec les moyens de l’économie la plus moderne d’Europe, s’est développé en exacerbant le racisme et l’antisémitisme existant dans les pays occupés et en suscitant des collaborations qui ont dramatiquement concouru à la politique génocidaire. Songeons à la rafle du Vél’d’Hiv en France ou aux massacres par balles perpétrés dans les territoires de l’URSS, dans les pays Baltes ou en Ukraine, avec l’aide des populations locales, et qui se sont soldés par plus d’un million de morts.

La brutalisation de l’armée allemande ne s’est pas exercée de la même manière selon les pays

Le génocide a partie liée avec le système concentrationnaire de répression et de déportation conçu d’abord en Allemagne puis étendu à l’ensemble des pays contrôlés ou alliés du Reich allemand. L’ingénierie scientifique et technique mise en œuvre par les grands offices du Reich placés sous l’autorité de Himmler avec le concours de l’armée allemande et de tout l’appareil d’État confère une efficacité redoutable à la répression des populations civiles récalcitrantes à l’ordre nouveau. La brutalisation opérée par l’armée allemande et tous ses supplétifs ne s’est pas exercée de la même manière selon les pays en fonction des différents projets stratégiques du Reich, mais aussi de la Résistance des populations (1).

Ce n’est pas parce que l’entreprise génocidaire n’a pu être arrêtée avant que tout le système nazi soit écrasé qu’il faut ignorer les actes de résistance au sein même des lieux d’extermination, que ce soit l’insurrection victorieuse des détenus du camp de Sobibor en 1943, le soulèvement désespéré du Sonderkommando d’Auschwitz en octobre 1944 ou la lutte armée héroïque des jeunes du ghetto de Varsovie.

La connaissance de ce qui s’est passé est une préoccupation non seulement des survivants, comme en témoignent les serments prêtés envers les morts au moment de l’ouverture des camps comme à Buchenwald ou à Mauthausen, mais de ceux qui savaient leur mort proche comme Gradowski, de Grodno, qui, appartenant au Sonderkommando d’Auschwitz, enterre son témoignage exhumé quarante ans plus tard : « Cher découvreur de ce récit ! J’ai une prière à te faire, c’est en vérité mon essentielle raison d’écrire, que ma vie condamnée à mort trouve au moins un sens. Que mes jours infernaux, que mon lendemain sans issue atteignent leur but dans l’avenir. »

Aujourd’hui le témoignage – alors que les derniers survivants disparaissent – emprunte nécessairement des voies nouvelles, mais cela ne saurait faire oublier la diversité de la déportation et l’histoire de l’occupation nazie, comme celle de ses collaborateurs dans les pays occupés.

La Fondation pour la mémoire de la déportation, créée en 1990 à l’initiative de déportés regroupés en fédération, a la mission de défendre, pérenniser et transmettre la mémoire des déportations en s’appuyant sur l’activité des Amis de la fondation dans plus de 70 départements. Elle met au premier plan le travail de recherche et d’historiographie en lien avec les universités, avec les archives publiques, mais aussi les institutions représentatives de la République. C’est dans ce cadre qu’a été noué avec le Conseil économique, social et environnemental (Cese) un partenariat autour de la thématique « Mémoire et vigilance ». C’est dans ce contexte qu’est préparée une exposition sur le retour des déportés qui se tiendra à la fin du mois d’avril. En somme, la mémoire de la déportation, dans sa globalité et sa diversité, reste, en France notamment, d’une grande actualité.

(1) Voir la revue En jeu, histoire et mémoires vivantes, Transmettre la criminalité de masse du nazisme, des mémoires à inscrire dans l’histoire. Juin 2018, Presses universitaires du septentrion.
Serge Wolikow Historien
L'Humanité - 27 janvier : dossier sur les 75 ans de la libération d'Auschwitz avec une interview de Beate et Serge Klarsfeld
Beate et Serge Klarsfeld, lanceurs d’alerte contre l’oubli

Elle gifla un chancelier ancien nazi. Il dressa le mémorial des 76 000 juifs déportés de France, dont 11 000 enfants. Depuis plus d’un demi-siècle, ce couple franco-allemand n’a jamais laissé vieillir en paix les criminels nazis impunis.

 

Il y a soixante-quinze ans, Auschwitz-Birkenau était libéré par l’Armée rouge. Le monde découvrait la réalité de la Shoah et l’extermination de 6 millions de juifs. Toutes les leçons ont-elles été tirées, ou bien la bête immonde peut-elle encore renaître de ses cendres ?

 

Serge Klarsfeld

Aujourd’hui, il y a une extraordinaire connaissance de la Shoah, des dizaines de milliers de livres, de thèses, des centres de documentation puissants et des mémoriaux dans de nombreux pays. De ce point de vue, je ne suis pas inquiet. Le problème est plutôt l’environnement politique, qui fait que dans certains pays la transmission de la Shoah peut être gommée ou sabotée si l’extrême droite vient au pouvoir. Elle était à 2 % il y a cinquante ans et est aujourd’hui entre 30 % et 40 % dans certains pays, ce qui constitue une menace. Il y a ce risque en France, avec celui de voir la réhabilitation de Pétain et la négation de ce qu’il s’est passé. C’est un danger immense : il ne faut surtout pas oublier qu’il y a eu faillite de l’homme avec la Shoah.

 

La transmission de la mémoire du crime le plus effroyable du XXe siècle se pose donc en termes nouveaux. Comment faire vivre ce devoir de mémoire une fois que les derniers survivants auront disparu ?

Serge Klarsfeld Bien que 3 millions de personnes viennent chaque année à Auschwitz, nous avons une inquiétude quant à l’état d’esprit des nouvelles générations, puisqu’elles n’ont pas connu la guerre et considèrent comme acquis ce que nous considérons comme un miracle : les libertés, la justice, la protection sociale, les droits de l’homme. Les Européens sont face à un choix : soit conserver les valeurs de l’Union européenne, soit devenir une sorte de forteresse d’extrême droite, avec chaque pays qui se replie et une situation qui nous rappelle les années 1930. La transmission de la mémoire de la Shoah doit ici aller au-delà des dates et des faits. Il faut tirer les conséquences et s’engager. Si l’on reste passif, cela ne sert à rien d’emmagasiner des connaissances. C’est une question d’éducation. Les enfants vont au Mémorial de la Shoah, les policiers y vont, les juges y vont, mais qu’en retirent-ils ? Est-ce que cela retient le bras du policier lors d’une manifestation ? Dans des pays comme la France et l’Allemagne, beaucoup a été fait : des films, des livres, des documentaires, des manuels scolaires… Mais dans ces deux pays beaucoup votent pour le RN et l’AfD.

Comment expliquer qu’après la Shoah l’antisémitisme et le racisme n’aient pas disparu ? Des réécritures de l’Histoire se font également : après la Pologne, la Lituanie a adopté une loi exonérant les dirigeants de ce pays d’une quelconque responsabilité dans la Shoah, et Horthy est réhabilité en Hongrie…

Serge Klarsfeld Quand vous avez une vie bouleversée, sans ressources, sans éducation, vous êtes une proie facile pour les démagogues. Certains, en difficulté, se laissent aller à la haine antijuive et à la haine de l’autre. Et à des votes nationalistes. Près de 95 % des juifs de Lituanie ont été assassinés et 90 % des juifs de Pologne, parce que l’antisémitisme y était très vivace : il y avait des pogroms, des populations hostiles qui considéraient les juifs comme des éléments tout à fait étrangers. Il ne faut pas masquer cette histoire et les responsabilités des gouvernements. En France, la loi Gayssot protège heureusement les juifs contre la contestation des crimes contre l’humanité. Mais les réseaux sociaux font que cela est contourné : auparavant les négationnistes et les révisionnistes pouvaient envoyer dix ou vingt lettres anonymes. Sur les réseaux sociaux, il leur est aujourd’hui possible d’en envoyer des milliers d’un seul coup. Ils y trouvent un espace immense où s’exprimer.

Vous avez œuvré à la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la déportation des juifs, ce qui a mené au discours du 16 juillet 1995 par le président de la République Jacques Chirac. Est-il primordial à vos yeux ?

Serge Klarsfeld Oui. Chirac était un enfant pendant la guerre. Il a vu deux France s’affronter durant le conflit : celle du maréchal Pétain et celle du général de Gaulle et de la Résistance intérieure. Il était pour lui normal de le reconnaître. De Gaulle considérait qu’il n’y avait qu’une seule France, la France résistante qui s’incarnait en lui. Mais ce n’était pas vrai : il y a eu la bataille de Bir-Hakeim au mois de juin, c’était la France libre, et il y a eu la rafle du Vél’d’Hiv un mois plus tard, c’était la France de Pétain. Deux France s’opposaient. C’est la France chevaleresque qui a gagné mais les actes commis par le Pétain et par Pierre Laval l’étaient aussi au nom de la France. C’est ce qu’a reconnu Chirac, qui, enfant, voyait accroché en classe le portrait de Pétain. Mais demain Le Pen serait élue qu’elle dirait le contraire. Elle reprendrait les mensonges éhontés de Zemmour, selon lequel, devant la menace d’arrêter les Français juifs, Pétain aurait eu le « courage » d’assumer l’arrestation par la police française des familles juives étrangères et de leurs enfants français.

Serge Klarsfeld, l’immense travail que vous avez accompli en établissant la liste des 76 000 juifs déportés depuis la France a contribué à l’établissement de la vérité sur la Shoah. Un combat opiniâtre auquel vous avez consacré votre vie…

Serge Klarsfeld J’ai commencé cette liste quand nous menions campagne pour faire juger les criminels nazis qui avaient organisé la déportation en France. Je me suis dit qu’il fallait que tout le monde soit au procès, et tout le monde y était à travers le livre le Mémorial de la déportation des juifs de France. On avait des centaines de parties civiles vivantes, et avec ce livre, tous les assassinés, avec le nom, la date et le lieu de naissance de chaque déporté, convoi par convoi, ce qui n’avait pas été fait jusque-là. J’ai également réalisé le Mémorial des enfants. Nous avons retrouvé plus de 5 000 photos des 11 400 enfants qui ont été déportés, avec un dossier pour chacun, pour expliquer où il a été arrêté, dans quelle commune, à quelle rue, son état civil, son acte de naissance pour 8 000 d’entre eux. C’était indispensable. Ce sont trente à quarante années de recherches pour établir cette liste et rétablir les arbres généalogiques et l’unité des familles, souvent séparées dans différents convois. Dans Vichy-Auschwitz, j’ai enfin mis en lumière d’un côté le rôle essentiel de Vichy dans la déportation et de l’autre le rôle celui de la population française, qui a dans sa majorité réagi tout à fait positivement et aidé les trois quarts des juifs français à survivre.

Parallèlement, vous avez tous deux sans cesse dénoncé que d’anciens nazis et d’anciens collaborateurs soient protégés et continuent dans certains cas à exercer les plus hautes fonctions. Que Maurice Papon soit préfet de police, que Kurt Waldheim soit secrétaire général des Nations unies, cela apparaît impensable aujourd’hui…

Serge Klarsfeld Pendant les années 1950 et 1960, nombre d’anciens nazis sont restés ou revenus dans les sphères du pouvoir. En France, une grande partie de l’administration préfectorale a été relancée par de Gaulle. On a fermé les yeux sur l’action antijuive. Beaucoup moins sur l’action antirésistante, parce que les résistants qui revenaient étaient en mesure de protester. Les familles juives étaient décimées, abattues, et elles n’ont pas pu obtenir le jugement de tous les préfets en poste en 1942, qui ont tous arrêté les juifs sauf celui de Corse. C’est pourquoi le procès Papon était important, parce que c’est le procès de l’obéissance aux instructions reçues du gouvernement de Vichy.

Beate Klarsfeld, la gifle que vous avez administrée au chancelier Konrad Kiesinger en 1968 en lui lançant « Nazi ! Démissionne ! » a été retentissante. Ce fut une gifle à tous les nazis qui campaient dans l’appareil d’État de la République fédérale. Aviez-vous alors conscience de la portée historique de ce geste ? Vous êtes restée une conscience pour les antifascistes, au point qu’en 2012 le parti de la gauche allemande Die Linke vous a soutenue comme candidate pour la présidence fédérale…

 

Beate Klarsfeld

Cette gifle, c’était un acte symbolique, c’était la jeunesse allemande qui giflait la génération des parents qui étaient des nazis. On m’a reproché la violence du geste mais imposer aux jeunes un propagandiste nazi comme chancelier, c’était cela la vraie violence. J’ai eu comme condamnation un an de prison ferme, sans sursis. Étant donné que j’étais française, cela a été révisé. Mais le retentissement a été international. L’écrivain allemand Heinrich Böll m’a envoyé cinquante roses pour me remercier. On a compris immédiatement que c’était un acte historique. D’ailleurs Serge m’a dit : « Jamais plus tu ne feras quelque chose d’aussi historique ! »

 

Vous avez milité sans relâche pour l’extradition de tous les criminels nazis protégés par des dictateurs dans le monde entier…

Beate Klarsfeld Alois Brunner était protégé en Syrie par Assad, Klaus Barbie en Bolivie par le dictateur Hugo Banzer, au Chili Pinochet faisait de même, tout comme Peron en Argentine. J’ai manifesté partout, et j’ai recherché Joseph Mengele au Paraguay. Les dictatures protégeaient les criminels nazis. Mais, en Allemagne aussi, des cadres qui prenaient les décisions ont été protégés. Aujourd’hui, l’Allemagne juge encore des subalternes qui étaient tout jeunes à l’époque alors qu’elle n’a pas jugé dans les années 1960-1970 des grands criminels qui auraient dû l’être… Mais nous avons œuvré aux condamnations d’Herbert Hagen et de Kurt Lischka. Nous n’avons jamais accusé personne sans preuve. Et nous nous sommes mobilisés, sans nous résigner, pour obliger la société politique allemande à faire ce qu’elle devait faire, c’est-à-dire mettre un terme aux conventions qui pouvaient protéger des criminels et mener à bien des procès.

Entretien réalisé par Jean-Paul Piérot et Aurélien Soucheyre

Une gifle à tous les nazis

Exposée au-dessus de la vaste table de travail de Beate et Serge Klarsfeld, la première page du Berliner Morgenpost du 8 novembre 1968 annonçant la gifle la plus célèbre de l’histoire allemande. Une jeune femme de 30 ans a souffleté en public le chancelier fédéral Konrad Kiesinger, ancien nazi, lors du congrès de son parti, la CDU. La jeune militante est née à Berlin en 1939, dans une famille ordinaire, son père a fait la guerre dans la Wehrmacht comme comptable de son régiment. Depuis 1960 elle vit en France, a épousé en 1963 un Français juif, Serge Klarsfeld. Jeune avocat, né à Bucarest en 1935, il a échappé, enfant, à la déportation en 1943, lors de l’arrestation de son père qui mourra à Auschwitz. Après Kiesinger, ils s’attaquent à Ernst Aschenbach, qui fut l’adjoint d’Otto Abetz pendant l’occupation en France et qui pose sa candidature en 1970, au nom du FDP, à un poste de commissaire européen. Le couple milite contre l’impunité des criminels nazis, Lischka, Hagen, Heinrichson, Barbie. Ils font campagne contre Kurt Waldheim, qui sévit contre la Résistance yougoslave pendant la guerre, ce qui ne l’empêcha pas d’être nommé secrétaire général de l’ONU, puis président de l’Autriche. Beate et Serge Klarsfeld sont à l’origine des poursuites contre René Bousquet, Maurice Papon, Jean Leguay et Paul Touvier. En 1979, Serge Klarsfeld fonde l’association Fils et filles de déportés juifs de France. Il a réalisé le Mémorial de la déportation des juifs de France à partir de la liste des 76 000 déportés. Il rédige le Mémorial des enfants et tente de retrouver photo et identité des quelque 11 000 enfants envoyés à la mort.

En Pologne, parler de collaboration est passible de poursuites
Lundi, 27 Janvier, 2020

L’État polonais entend garder son récit national. Aucune collaboration n’a été commise, les crimes de la Shoah ne sont l’œuvre que des forces nazies. Celui qui dit le contraire peut faire l’objet de poursuites.

 

Des survivants de l’Holocauste et une soixantaine de chefs d’État et de gouvernement seront ce lundi à Auschwitz pour célébrer le 75e anniversaire de la libération du camp de concentration et d’extermination nazi. À la veille de ces célébrations, le président polonais s’est fendu d’une pleine page dans le Figaro du 23 janvier au nom d’« une mémoire qui ne doit pas mourir ». Il ose affirmer qu’il est « défendu de dénaturer » et « d’instrumentaliser » la mémoire de la Shoah pour quelque motif que ce soit. Des déclarations surprenantes de la part d’Andrzej Duda, candidat à un second mandat pour le parti Droit et Justice (PiS, extrême droite), et fervent défenseur d’une loi négationniste adoptée en 2018. Ce texte condamne l’usage du terme « camps de la mort polonais » et tout propos accusant « publiquement et contrairement aux faits, la nation ou l’État polonais de responsabilité ou de complicité dans les crimes nazis commis par le IIIe Reich, ou de tout autre crime de guerre, crime contre l’humanité ou crime contre la paix ».

Cette loi mémorielle prévoit des poursuites civiles qui visent aujourd’hui principalement des enseignants, chercheurs ou journalistes qui porteraient atteinte à la réputation de leur pays.

La Pologne a le plus grand nombre de justes parmi les nations

Pourquoi ce révisionnisme ? Depuis les victoires du PiS en 2005 et 2015, la droite et l’extrême droite insistent sur le roman national polonais, qui met essentiellement en avant le rôle de son mouvement de résistance et les souffrances immenses vécues par la population entre 1939 et 1945. Une réalité avec 6 millions de citoyens tués lors de la Seconde Guerre mondiale, dont 3 millions étaient juifs. La Pologne a également le plus grand nombre de justes parmi les nations : 6 863 Polonais, selon Yad Vashem, qui ont pu sauver 1 % des juifs polonais (30 000).

Mais ce récit est largement contesté par les travaux de nombreux historiens, notamment polonais, dans le sillage de Jan Tomasz Gross (les Voisins, la Peur, la Moisson) qui a travaillé sur l’assassinat des habitants juifs de la bourgade de Jedwabne, en juillet 1941, par leurs voisins polonais. Ces chercheurs ont démontré que les crimes allemands se sont déroulés dans la relative indifférence d’une partie des Polonais, gangrenés par un antisémitisme virulent, et grâce à des formes de participation, directe ou indirecte, des Polonais non juifs. 200 000 à 300 000 juifs ont été tués, non par la Wehrmacht et les Einsatzgruppen, mais par des collaborateurs, avancent-ils.

Cette historiographie suscite l’ire de la droite polonaise qui va jusqu’à menacer directement ces chercheurs. « Leurs visages apparaissent en une des hebdomadaires les plus radicaux comme des visages de criminels ; on réclame du gouvernement qu’il revoie la politique de financement de leurs instituts de recherche », explique Judith Lyon-Caen en avril 2019 dans « la Vie des idées ».

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27 janvier 2020 1 27 /01 /janvier /2020 15:00

Juan Guaido à l’Élysée: la diplomatie Française 100% alignée sur l’administration américaine ! (PCF)

Dans le sillage des États-Unis, de Bruxelles et du sommet de Davos, Emmanuel Macron vient de recevoir comme un chef d’État, Juan Guaido, alors qu’il a été désavoué par les siens, le 5 Janvier dernier à l’assemblée nationale de son pays. L’opposition de droite lui a préféré Luis Parra, un député rival après un vote de l’Hémicycle à l’occasion du changement de présidence.

C’est au moment où Juan Guaido est de plus en plus fragilisé sur la scène internationale, tout comme dans son pays, que le président Macron met en avant celui qui représente aujourd’hui l’arrière-ban de l’extrême-droite latino-américaine, autoproclamé président au mépris du suffrage universel.

En soutenant Guaido, au mépris des questions de souveraineté nationale, Emmanuel Macron marque un pas de plus sur sa réelle idée de la démocratie et sa vision du rôle de la France à l’échelle internationale.

Par cet acte, il donne une image bien pitoyable et inquiétante de la fonction présidentielle. Il rabaisse la politique diplomatique de la France a un niveau rarement atteint.

Au lieu de mettre de l’huile sur le feu, notre diplomatie devrait favoriser le dialogue avec le pouvoir vénézuélien et respecter la souveraineté du peuple vénézuélien comme celle de tous les peuples d’Amérique Latine qui subissent l’impérialisme américain.

Parti Communiste Français,

Paris, le 27 Janvier 2020.

Juan Guaido à l’Élysée: la diplomatie Française 100% alignée sur l’administration américaine ! (PCF)
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26 janvier 2020 7 26 /01 /janvier /2020 08:37
Résumé du livre Babélio: Et si notre esprit fonctionnait encore quelques instants après notre mort biologique ? 10 minutes et 38 secondes exactement. C’est ce qui arrive à Leila, jeune prostituée brutalement assassinée dans une rue d’Istanbul. En attendant que l’on retrouve son corps, jeté par ses meurtriers dans une poubelle, ces quelques précieuses minutes sont pour elle l’occasion de se remémorer tous les événements qui l’ont conduite d’Anatolie jusqu’aux quartiers les plus mal famés de la ville. C’est ainsi que la romancière Elif Shafak retrace le parcours de cette jeune fille de bonne famille dont le destin a basculé et qu’elle nous raconte, à travers elle, l’histoire de tant d’autres femmes dans la Turquie d’aujourd’hui.

Résumé du livre Babélio: Et si notre esprit fonctionnait encore quelques instants après notre mort biologique ? 10 minutes et 38 secondes exactement. C’est ce qui arrive à Leila, jeune prostituée brutalement assassinée dans une rue d’Istanbul. En attendant que l’on retrouve son corps, jeté par ses meurtriers dans une poubelle, ces quelques précieuses minutes sont pour elle l’occasion de se remémorer tous les événements qui l’ont conduite d’Anatolie jusqu’aux quartiers les plus mal famés de la ville. C’est ainsi que la romancière Elif Shafak retrace le parcours de cette jeune fille de bonne famille dont le destin a basculé et qu’elle nous raconte, à travers elle, l’histoire de tant d’autres femmes dans la Turquie d’aujourd’hui.

Elif Shafak : « En Turquie, les droits des femmes n’ont cessé de régresser »
Jeudi, 23 Janvier, 2020

À l’occasion de la parution de 10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange, la romancière turque Elif Shafak, qui vit à Londres, parle du combat des femmes et de la difficulté d’écrire dans un pays qui bafoue la démocratie.

 

Il faut beaucoup de talent et une grande confiance en la fiction pour commencer un roman par sa fin et la mort de son personnage principal. Portrait d’une femme libre dans une société patriarcale et autoritaire, 10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange retrace la vie de Tequila Leila, une prostituée assassinée en 1990. Au plus près des sensations, Elif Shafak rend hommage à Istanbul à travers une galerie de personnages à la marge, unis par l’amitié et la solidarité.

Le roman est construit autour des 10 minutes et 38 secondes qui suivent la mort de Tequila Leila. Comment avez-vous eu cette idée ?

Elif Shafak J’ai lu avec intérêt des études scientifiques et médicales qui montrent une activité persistante du cerveau humain, dix minutes après que le cœur a cessé de battre. C’est très intrigant pour une romancière. Que se passe-t-il dans le cerveau ? Les morts se souviennent-ils ? Cela m’a donné la structure du livre. On sait dès le début que le personnage principal est mort. Son corps a été jeté dans une décharge, mais son cerveau fonctionne toujours et se souvient. Son histoire est reconstituée minute par minute.

Le livre s’appuie sur l’histoire vraie d’une vague de meurtres de prostituées à Istanbul en 1990…

Elif Shafak 1990 a été un tournant. À l’époque, il existait une loi qui réduisait la peine des violeurs s’ils arrivaient à prouver que leurs victimes étaient des prostituées. Dans la tête des législateurs, une prostituée ne pouvait pas être affectée par un viol, ni physiquement ni psychologiquement. Une forte mobilisation des femmes s’est élevée contre cette loi. Je crois que ça a été l’une des dernières victoires du mouvement des femmes en Turquie. Je voulais terminer là-dessus, car, depuis, les droits des femmes n’ont cessé de régresser à cause de l’accroissement du populisme, de l’autoritarisme, du nationalisme, de l’islamisme. Le sexisme, l’homophobie et le patriarcat n’ont fait qu’empirer. Les cas de violences faites aux femmes et le nombre de petites filles mariées de force ont augmenté. Il est urgent de changer les lois en Turquie.

Vos personnages sont des marginaux (prostituée, transgenre, immigré, révolutionnaire…), qui forment une famille de cœur. En avez-vous rencontré certains ?

Elif Shafak Ils sont inspirés par certaines personnes que j’ai rencontrées à Istanbul, où je me suis installée quand j’avais une vingtaine d’années. À la fin des années 1990, j’habitais rue Kazanci, près de la place Taksim. Historiquement, c’était un endroit peuplé par des minorités : des familles juives, des Arméniens, des Grecs, des chrétiens, mais beaucoup ont dû partir. Dans les années 1970, les minorités sexuelles s’y sont installées, puis en ont été chassées. Dans les années 1990, des artistes, des féministes y sont venus. J’avais pour voisins une vieille personne transgenre, un juif, un Grec, des gens issus de tous ces groupes qui avaient dû partir. Quand on vit dans une telle rue, on a le sentiment de tous être dans le même bateau. À Istanbul, rien n’est solide, tout est liquide. J’étais là-bas la nuit du tremblement de terre et je n’oublierai jamais cet épicier ultraconservateur qui ne parlait jamais aux gays, aux travestis. Quand nous sommes tous sortis dans la rue, ses mains tremblaient : il a ouvert un paquet de cigarettes et en a offert une à ma voisine transgenre, qui pleurait. Ils ont fumé l’un à côté de l’autre. Le lendemain, il a de nouveau refusé de lui parler, mais pendant quelques heures, il a mis de côté ses préjugés. Istanbul regorge d’histoires comme celle-là.

Vous abordez la question arménienne à travers la figure du grand-père de votre héroïne qui a collaboré avec le gouvernement contre les Arméniens…

Elif Shafak Beaucoup d’histoires que je raconte sont vraies. C’est toujours très difficile de parler du passé en Turquie, mais nous devons le faire. Quand j’ai écrit la Bâtarde d’Istanbul, en 2006, on m’a fait un procès. Ce roman, qui met en scène une famille turque et une famille arméno-américaine, parle de la mémoire, de l’amnésie et du génocide arménien. Quand il est sorti, des groupes nationalistes sont descendus dans la rue en crachant sur ma photo, en brûlant des drapeaux européens. Le procès s’est poursuivi pendant un an, j’étais enceinte à ce moment-là. C’était surréaliste car, pour la première fois, une œuvre de fiction était poursuivie en justice au motif qu’elle portait atteinte à l’identité turque. Mon avocat turc a dû défendre mon personnage de fiction arménien devant le tribunal. Au bout d’un an, mon personnage et moi avons été acquittés. J’aimerais vous dire que la situation s’est améliorée depuis, mais c’est loin d’être le cas. Cette année, mon travail a fait l’objet d’une enquête, menée par des procureurs, cette fois pour un soi-disant crime d’obscénité, parce que j’avais écrit sur des violences sexuelles, des discriminations de genre, des enfants maltraités. Ils ne veulent pas que les romanciers écrivent sur ces sujets.

Est-ce pour ces raisons que vous êtes partie vivre en Angleterre ?

Elif Shafak Je suis partie au Royaume-Uni il y a onze ans. Bien sûr, je suis très attachée à la Turquie, mais c’est devenu très compliqué pour les écrivains, les journalistes, les universitaires. Il est difficile d’écrire non seulement sur les tabous politiques, mais aussi sur la sexualité, sur les questions de genre. Dans un pays où la démocratie n’existe pas, l’espace de l’art et de la littérature se rétrécit.

Quand et comment avez-vous commencé à écrire ?

Elif Shafak J’ai commencé vers 8 ans. Je ne pensais pas devenir écrivain, mais je trouvais la vie très ennuyeuse. Je suis née à Strasbourg, et la première maison où j’ai vécu était pleine d’immigrés, d’étudiants de gauche qui fumaient des Gauloises, qui parlaient d’Althusser, de Sartre (plus que de Simone de Beauvoir), de la révolution… C’était un environnement très à gauche. Et puis, mes parents se sont séparés, mon père est resté en France et ma mère m’a emmenée en Turquie. Nous sommes allés vivre chez ma grand-mère, à Ankara, dans un environnement très patriarcal et conservateur. Nous n’avons pas pu nous y adapter parce que ma mère était une jeune divorcée, une mère célibataire. Ma grand-mère m’a élevée jusqu’à mes 10 ans. Pendant ce temps, ma mère est revenue à l’université, elle a appris les langues, est devenue professeure, puis diplomate, et ensemble nous avons beaucoup voyagé. J’étais suffisamment turque pour comprendre la culture, mais j’étais aussi à l’extérieur, au bord de la société. Les livres sont devenus mes meilleurs amis et l’écriture était presque un besoin vital.

Pourquoi écrivez-vous aujourd’hui en anglais ?

Elif Shafak J’ai écrit mes premiers romans en turc, puis je suis passée à l’anglais, il y a quinze ans. L’anglais m’a donné un autre espace, une autre zone de créativité. Je n’étais pas bilingue et il y a toujours un fossé entre le cerveau et la langue. Mais il ne faut pas se laisser intimider. Chaque nouvelle langue nous donne une couche supplémentaire de liberté. Quand j’écrivais en turc, j’essayais toujours de repousser les frontières de la langue car elle a été « turquifiée » et a rétréci. Certains mots ont été enlevés parce qu’ils n’étaient pas assez turcs. Nous avons perdu beaucoup de mots de vocabulaire. Si je veux parler du chagrin, de la mélancolie, c’est plus simple pour moi de l’exprimer en turc, mais si je veux exprimer l’humour, l’ironie, la satire, l’anglais est plus adapté. Je ne crois pas que nous, les Turcs, soyons très doués pour l’ironie.

L'Humanité - entretien de Sophie Joubert avec la grande romancière turque Elif Shafak: En Turquie, les droits des femmes n'ont cessé de régresser
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26 janvier 2020 7 26 /01 /janvier /2020 05:45
Vues sur des colonies juives israéliennes dans la vieille ville d'Hébron

Vues sur des colonies juives israéliennes dans la vieille ville d'Hébron

Proche-orient. La Palestine a besoin de remettre les choses en l’État
Jeudi, 23 Janvier, 2020

Emmanuel Macron a rencontré Benyamin Netanyahou et Mahmoud Abbas. Il parle d’antisémitisme pour qui nierait l’existence d’Israël comme État mais refuse toujours d’en reconnaître un pour les Palestiniens.

 

Présent en Israël pour la commémoration organisée à l’occasion du 75e anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz, Emmanuel Macron a rencontré, hier, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, puis, à Ramallah, en Cisjordanie, le président palestinien, Mahmoud Abbas. Une façon pour le président français de respecter l’habituel équilibre voulu par Paris, qui veut qu’à une rencontre avec l’un s’ajoute une discussion avec l’autre. Il a pourtant semblé qu’un vent d’instrumentalisation soufflait au moment de ses entrevues israéliennes, d’abord avec son homologue Reuven Rivlin, puis avec Netanyahou. Ainsi, Rivlin a salué les efforts français pour juguler l’antisémitisme, dont la loi récemment votée par le Parlement assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme. Netanyahou y est allé encore plus franchement, affirmant que la menace nazie d’antan porte aujourd’hui un autre nom : celui de l’Iran, car la République islamique menace, par son programme nucléaire et balistique dit-il, l’existence même d’Israël. C’est là le fond de la nouvelle construction politique et diplomatique israélienne que Tel-Aviv impose, et sur son propre territoire avec la loi de l’État-nation du peuple juif votée en 2018, et à l’extérieur, les représentants israéliens se voulant ceux des juifs partout dans le monde. C’est ce qu’avait avalisé Emmanuel Macron lorsqu’en 2017 il avait invité Netanyahou aux commémorations de la rafle du Vél’d’Hiv.

La « négation » de l’existence d’Israël comme État est une nouvelle forme d’antisémitisme, a redit Emmanuel Macron. Et qu’est-ce que la négation de l’existence de la Palestine comme État ? La question n’a pas été posée, elle reste pourtant centrale alors que le processus de paix – si on peut encore parler de processus, voire de paix – est au point mort. Pour preuve, le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne n’a plus abordé ce problème depuis janvier 2018. Deux ans pendant lesquels il s’est pourtant passé beaucoup de choses qui ne relèvent plus seulement de la « politique du fait accompli », comme l’affirme l’Élysée à propos de la colonisation, tout en promettant pour les commémorations de ce jour, au mémorial de Yad Vashem un discours musclé contre l’antisémitisme.

En deux ans, les États-Unis ont accepté l’annexion du plateau du Golan syrien par Israël, reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et pensent que le processus de colonisation n’est pas contraire au droit international. Pour parachever le tout, le « plan du siècle » est présenté comme la panacée. Même s’il tarde à être présenté, on peut présumer qu’il s’agit surtout d’en finir avec la revendication palestinienne d’un État, le tout avec la complicité de la plupart des pays arabes.

Si l’on en croit le quotidien israélien Haaretz, Benyamin Netanyahou et Emmanuel Macron ont abordé, lors de leur entretien, les questions de l’Iran, du Liban, du Hezbollah ainsi que des développements en Libye à la lueur de l’intervention turque. Et la Palestine ? Sans doute l’ont-ils évoquée – comment faire autrement ? – mais on ne saura pas en quels termes. Le premier ministre israélien ne cache pourtant pas son intention d’annexer toute la vallée du Jourdain et quasiment 80 % de la Cisjordanie. Le président français aurait pourtant gagné, quelques heures avant son déplacement à Ramallah, à reprendre publiquement et à son compte les déclarations du représentant permanent de la France auprès des Nations unies.

« Les paramètres d’un règlement du conflit sont connus »

Nicolas de Rivière s’exprimait ainsi mardi devant le Conseil de sécurité : « La France appelle à relancer d’urgence un processus de paix crédible, alors que la détérioration de la situation sur le terrain constitue une source d’instabilité majeure. Nous le voyons notamment à Gaza, où la situation humanitaire est désastreuse (…), ainsi qu’à Jérusalem, où les démolitions, les expropriations et les atteintes au statu quo des Lieux saints se multiplient. » Le diplomate français poursuit en ces termes : « Les paramètres d’un règlement du conflit sont connus, des frontières basées sur les lignes du 4 juin 1967, avec des échanges agréés de territoires équivalents, négociés par les parties ; une solution juste, équitable et agréée au problème des réfugiés ; Jérusalem comme capitale des deux États ; des arrangements de sécurité qui permettent aux deux États de vivre côte à côte dans la paix et la sécurité. C’est sur cette base agréée par la communauté internationale que doivent reprendre sans plus attendre les négociations entre les deux parties afin d’en fixer la mise en œuvre. Il serait illusoire et dangereux de croire qu’une solution qui s’affranchirait de ces paramètres serait susceptible d’apporter une stabilité durable à la région, en premier lieu pour Israël. »

Les Palestiniens ont saisi la Cour pénale internationale

On voudrait penser que Nicolas de Rivière exprime là la position officielle de la France. La ligne de conduite qui vaut autant pour le président de la République que pour son ministre des Affaires étrangères. Pourtant, Emmanuel Macron semble s’en affranchir en expliquant : « Il ne s’agit pas pour la France aujourd’hui d’arriver avec une proposition sur la table, j’ai compris que d’autres en avaient, parfois attendues depuis longtemps. Quelque processus de paix que ce soit n’est possible que si les parties en présence veulent bâtir la paix, alors la France aidera et dans le rôle qui doit être le sien et sera le sien. »

À Ramallah, il est allé redire à Mahmoud Abbas son penchant pour la solution à deux États. Mais il ne fait aucun geste dans ce sens. Il a pourtant à sa disposition une mesure que redoute le gouvernement israélien : la reconnaissance officielle de l’État de Palestine. Alors que les Palestiniens ont saisi la Cour pénale internationale (CPI) pour enquêter sur d’éventuels crimes de guerre commis par Israël, Tel-Aviv argue que, la Palestine n’étant pas un État, elle ne peut pas se tourner vers la CPI !

Au sein de l’Union européenne, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, demande en vain que la question de la reconnaissance de l’État de Palestine soit discutée. Un diplomate européen affirme d’ailleurs que si la France accédait à cette reconnaissance « au moins six ou sept pays européens suivraient immédiatement ». Ce serait également un changement total pour l’examen de la question palestinienne. Il s’agirait alors de discussions entre deux États souverains, dont une partie du territoire de l’un est occupée par l’autre. Ce qui ne manquerait pas d’alimenter les débats en comparaison avec l’annexion de la Crimée par la Russie et la batterie de sanctions économiques prises par l’Union européenne à l’égard de Moscou. Outre la notion de justice – 72 ans après, les Palestiniens attendent leur État alors que celui d’Israël existe –, on voit bien qu’aujourd’hui seule une reconnaissance officielle pourrait mettre en échec la stratégie israélo-américaine de la force comme argument décisif en lieu et place du droit international. Encore faut-il le vouloir.

Pierre Barbancey
Proche-orient. La Palestine a besoin de remettre les choses en l’État - L'Humanité, Pierre Barbancey - et lettre ouverte du poète gazaoui Ziad Medoukh à Emmanuel Macron
N’est-il pas temps, pour la France, de reconnaître l’État de Palestine ?
Jeudi, 23 Janvier, 2020 - L'Humanité

Lettre ouverte au président Emmanuel Macron par Ziad Medoukh Universitaire, poète et citoyen de Gaza (Palestine)

Monsieur le Président,

Je vous adresse cette lettre, non pas en tant que professeur de français au département de français à l’université de Gaza (…) ni en tant que chercheur universitaire ou bien encore comme écrivain poète d’expression française, je vous écris en tant que simple citoyen palestinien qui vit le blocus, la souffrance et l’horreur dans cette prison à ciel ouvert de Gaza (…).

Mais un Palestinien souvent bloqué dans sa ville et empêché de sortir de sa cage pour participer à des conférences et colloques universitaires dans des pays francophones à cause du blocus impitoyable et ses fermetures des frontières qui relient la bande de Gaza à l’extérieur.

Un Palestinien qui garde espoir d’un lendemain meilleur, un lendemain de paix et de justice, et qui a décidé de rester très attaché à son pays et à sa ville natale, aux côtés de ces jeunes et ces enfants afin de les soutenir (…).

Un Palestinien qui a décidé de résister contre les mesures atroces de l’occupation par l’éducation et par l’enseignement de cette si belle langue : le français. Un Palestinien très attaché aux principes de démocratie, de liberté et des droits de l’homme, (…) inspirés de la Révolution française (…).

Les Palestiniens comptent beaucoup sur la France et sur l’Europe pour relancer le processus de paix en plein échec, à l’agonie plus exactement. Un processus de paix commencé à Oslo en 1993, alors que vingt-sept ans après les Palestiniens n’ont rien obtenu, bien au contraire, et ils voient leurs terres volées et colonisées jour après jour.

Je vous écris cette lettre au nom des enfants de Gaza qui sont privés de leurs loisirs et de la simple joie, des enfants qui apprennent dans des écoles et des classes détruites par les différentes agressions israéliennes. Même leurs rares centres culturels sont quasiment tous détruits suite à des bombardements israéliens.

Je vous adresse cette lettre au nom des jeunes Palestiniens qui ont entre 20 et 25 ans et qui n’ont jamais quitté leur ville ; des jeunes désespérés et qui souffrent du chômage, du blocus, et de l’absence de perspectives pour l’avenir.

Je vous envoie cette lettre au nom de ces familles palestiniennes en Cisjordanie qui souffrent de la colonisation, du mur de l’apartheid, des check-points de l’armée de l’occupation, et qui malgré tout cela envoient leurs enfants à l’école.

Je vous adresse cette lettre au nom des mères des enfants et jeunes palestiniens tués tous les jours soit en Cisjordanie, soit dans la bande de Gaza par les tirs de l’armée israélienne ; au nom des mères qui ne trouvent personne pour effacer leurs larmes ou clamer leur colère.

Soixante-douze ans après la décision de l’ONU, nous sommes encore et toujours occupés, humiliés et privés de nos droits. Le temps n’est-il pas venu, Monsieur le président, d’instaurer la justice dans notre région ?

(…) Le temps n’est-il pas venu pour que la France prenne une décision courageuse pour dire non à l’injustice, à l’oppression, et pour mettre fin à l’occupation ?

Aidez-nous, Monsieur le Président, par une décision courageuse, qui va sans doute encourager d’autres pays européens qui bougent sur ce sujet, à reconnaître notre État afin d’aider à mettre fin à la souffrance de toute une population civile et à réaliser les espérances et les revendications de tout un peuple.

Nous demandons un geste politique fort et utile à la France : nous lui demandons la reconnaissance de l’État de Palestine. Nous demandons de la France une décision pour la justice, car nous croyons qu’elle a une voie singulière à exprimer dans notre région.

Nous sommes pour une paix juste et durable, une paix qui passera avant tout par l’application des décisions internationales et par la création d’un État palestinien libre et indépendant.

Béthléeem

Béthléeem

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