Le 27 janvier 1945, le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau est libéré par les troupes de l’Armée rouge. Jusqu’en avril et la libération des autres camps, ce sera une course contre la mort pour sauver les déportés rescapés.
La date du 27 janvier choisie pour la commémoration internationale du génocide des populations juives d’Europe n’est pas celle retenue de longue date pour évoquer la déportation en France, le dernier dimanche d’avril. Elles sont pourtant liées et ne méritent pas d’être mises en concurrence. Même si ces choix ont chacun une histoire sur laquelle il ne s’agit pas ici de revenir, rappelons que la première correspond à l’arrivée des troupes soviétiques devant le camp d’Auschwitz évacué précipitamment par les SS, qui ont entraîné des dizaines de milliers de déportés juifs dans des marches de la mort vers d’autres camps et n’ont laissé derrière eux que quelques milliers de malades qu’ils n’ont pas eu le temps d’éliminer. La deuxième date en avril correspond à l’effondrement général du système concentrationnaire nazi et à l’ouverture des camps par les différentes armées alliées, qui découvrent l’ampleur de l’hécatombe et l’état physique déplorable des survivants.
Deux objectifs : une déportation de répression et une déportation de persécution
En France, il est d’autant plus important d’envisager dans leur globalité la persécution et le génocide avec la répression et la déportation qu’ils ont bien souvent eu partie liée à travers l’action résistante d’un côté et la mise en place du système répressif associant l’Allemagne et l’État français de l’autre. Les travaux historiques qui ont permis aujourd’hui d’avancer dans la connaissance de la déportation depuis la France mettent en évidence l’importance de la déportation de répression – environ 90 000 – à côté de la déportation de persécution – environ 80 000 avec seulement 3 % de survivants.
La politique génocidaire menée par le régime nazi avec ses idéologues, ses tortionnaires mais aussi ses élites intellectuelles et économiques à l’égard des populations juives et tziganes a procédé d’une entreprise délibérée d’extermination associée à des projets de colonisation, mais aussi d’asservissement de populations entières (par exemple, le sort réservé aux prisonniers de guerre slaves, soviétiques notamment dont 60 %, soit 2 millions, meurent dans les camps). La discrimination antisémite est indissociable chez les nazis de l’idéologie raciste qui légitime l’inégalité au sein même de l’humanité. Le projet nazi, avec les moyens de l’économie la plus moderne d’Europe, s’est développé en exacerbant le racisme et l’antisémitisme existant dans les pays occupés et en suscitant des collaborations qui ont dramatiquement concouru à la politique génocidaire. Songeons à la rafle du Vél’d’Hiv en France ou aux massacres par balles perpétrés dans les territoires de l’URSS, dans les pays Baltes ou en Ukraine, avec l’aide des populations locales, et qui se sont soldés par plus d’un million de morts.
La brutalisation de l’armée allemande ne s’est pas exercée de la même manière selon les pays
Le génocide a partie liée avec le système concentrationnaire de répression et de déportation conçu d’abord en Allemagne puis étendu à l’ensemble des pays contrôlés ou alliés du Reich allemand. L’ingénierie scientifique et technique mise en œuvre par les grands offices du Reich placés sous l’autorité de Himmler avec le concours de l’armée allemande et de tout l’appareil d’État confère une efficacité redoutable à la répression des populations civiles récalcitrantes à l’ordre nouveau. La brutalisation opérée par l’armée allemande et tous ses supplétifs ne s’est pas exercée de la même manière selon les pays en fonction des différents projets stratégiques du Reich, mais aussi de la Résistance des populations (1).
Ce n’est pas parce que l’entreprise génocidaire n’a pu être arrêtée avant que tout le système nazi soit écrasé qu’il faut ignorer les actes de résistance au sein même des lieux d’extermination, que ce soit l’insurrection victorieuse des détenus du camp de Sobibor en 1943, le soulèvement désespéré du Sonderkommando d’Auschwitz en octobre 1944 ou la lutte armée héroïque des jeunes du ghetto de Varsovie.
La connaissance de ce qui s’est passé est une préoccupation non seulement des survivants, comme en témoignent les serments prêtés envers les morts au moment de l’ouverture des camps comme à Buchenwald ou à Mauthausen, mais de ceux qui savaient leur mort proche comme Gradowski, de Grodno, qui, appartenant au Sonderkommando d’Auschwitz, enterre son témoignage exhumé quarante ans plus tard : « Cher découvreur de ce récit ! J’ai une prière à te faire, c’est en vérité mon essentielle raison d’écrire, que ma vie condamnée à mort trouve au moins un sens. Que mes jours infernaux, que mon lendemain sans issue atteignent leur but dans l’avenir. »
Aujourd’hui le témoignage – alors que les derniers survivants disparaissent – emprunte nécessairement des voies nouvelles, mais cela ne saurait faire oublier la diversité de la déportation et l’histoire de l’occupation nazie, comme celle de ses collaborateurs dans les pays occupés.
La Fondation pour la mémoire de la déportation, créée en 1990 à l’initiative de déportés regroupés en fédération, a la mission de défendre, pérenniser et transmettre la mémoire des déportations en s’appuyant sur l’activité des Amis de la fondation dans plus de 70 départements. Elle met au premier plan le travail de recherche et d’historiographie en lien avec les universités, avec les archives publiques, mais aussi les institutions représentatives de la République. C’est dans ce cadre qu’a été noué avec le Conseil économique, social et environnemental (Cese) un partenariat autour de la thématique « Mémoire et vigilance ». C’est dans ce contexte qu’est préparée une exposition sur le retour des déportés qui se tiendra à la fin du mois d’avril. En somme, la mémoire de la déportation, dans sa globalité et sa diversité, reste, en France notamment, d’une grande actualité.
Elle gifla un chancelier ancien nazi. Il dressa le mémorial des 76 000 juifs déportés de France, dont 11 000 enfants. Depuis plus d’un demi-siècle, ce couple franco-allemand n’a jamais laissé vieillir en paix les criminels nazis impunis.
Il y a soixante-quinze ans, Auschwitz-Birkenau était libéré par l’Armée rouge. Le monde découvrait la réalité de la Shoah et l’extermination de 6 millions de juifs. Toutes les leçons ont-elles été tirées, ou bien la bête immonde peut-elle encore renaître de ses cendres ?
Serge Klarsfeld
Aujourd’hui, il y a une extraordinaire connaissance de la Shoah, des dizaines de milliers de livres, de thèses, des centres de documentation puissants et des mémoriaux dans de nombreux pays. De ce point de vue, je ne suis pas inquiet. Le problème est plutôt l’environnement politique, qui fait que dans certains pays la transmission de la Shoah peut être gommée ou sabotée si l’extrême droite vient au pouvoir. Elle était à 2 % il y a cinquante ans et est aujourd’hui entre 30 % et 40 % dans certains pays, ce qui constitue une menace. Il y a ce risque en France, avec celui de voir la réhabilitation de Pétain et la négation de ce qu’il s’est passé. C’est un danger immense : il ne faut surtout pas oublier qu’il y a eu faillite de l’homme avec la Shoah.
La transmission de la mémoire du crime le plus effroyable du XXe siècle se pose donc en termes nouveaux. Comment faire vivre ce devoir de mémoire une fois que les derniers survivants auront disparu ?
Serge Klarsfeld Bien que 3 millions de personnes viennent chaque année à Auschwitz, nous avons une inquiétude quant à l’état d’esprit des nouvelles générations, puisqu’elles n’ont pas connu la guerre et considèrent comme acquis ce que nous considérons comme un miracle : les libertés, la justice, la protection sociale, les droits de l’homme. Les Européens sont face à un choix : soit conserver les valeurs de l’Union européenne, soit devenir une sorte de forteresse d’extrême droite, avec chaque pays qui se replie et une situation qui nous rappelle les années 1930. La transmission de la mémoire de la Shoah doit ici aller au-delà des dates et des faits. Il faut tirer les conséquences et s’engager. Si l’on reste passif, cela ne sert à rien d’emmagasiner des connaissances. C’est une question d’éducation. Les enfants vont au Mémorial de la Shoah, les policiers y vont, les juges y vont, mais qu’en retirent-ils ? Est-ce que cela retient le bras du policier lors d’une manifestation ? Dans des pays comme la France et l’Allemagne, beaucoup a été fait : des films, des livres, des documentaires, des manuels scolaires… Mais dans ces deux pays beaucoup votent pour le RN et l’AfD.
Comment expliquer qu’après la Shoah l’antisémitisme et le racisme n’aient pas disparu ? Des réécritures de l’Histoire se font également : après la Pologne, la Lituanie a adopté une loi exonérant les dirigeants de ce pays d’une quelconque responsabilité dans la Shoah, et Horthy est réhabilité en Hongrie…
Serge Klarsfeld Quand vous avez une vie bouleversée, sans ressources, sans éducation, vous êtes une proie facile pour les démagogues. Certains, en difficulté, se laissent aller à la haine antijuive et à la haine de l’autre. Et à des votes nationalistes. Près de 95 % des juifs de Lituanie ont été assassinés et 90 % des juifs de Pologne, parce que l’antisémitisme y était très vivace : il y avait des pogroms, des populations hostiles qui considéraient les juifs comme des éléments tout à fait étrangers. Il ne faut pas masquer cette histoire et les responsabilités des gouvernements. En France, la loi Gayssot protège heureusement les juifs contre la contestation des crimes contre l’humanité. Mais les réseaux sociaux font que cela est contourné : auparavant les négationnistes et les révisionnistes pouvaient envoyer dix ou vingt lettres anonymes. Sur les réseaux sociaux, il leur est aujourd’hui possible d’en envoyer des milliers d’un seul coup. Ils y trouvent un espace immense où s’exprimer.
Vous avez œuvré à la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la déportation des juifs, ce qui a mené au discours du 16 juillet 1995 par le président de la République Jacques Chirac. Est-il primordial à vos yeux ?
Serge Klarsfeld Oui. Chirac était un enfant pendant la guerre. Il a vu deux France s’affronter durant le conflit : celle du maréchal Pétain et celle du général de Gaulle et de la Résistance intérieure. Il était pour lui normal de le reconnaître. De Gaulle considérait qu’il n’y avait qu’une seule France, la France résistante qui s’incarnait en lui. Mais ce n’était pas vrai : il y a eu la bataille de Bir-Hakeim au mois de juin, c’était la France libre, et il y a eu la rafle du Vél’d’Hiv un mois plus tard, c’était la France de Pétain. Deux France s’opposaient. C’est la France chevaleresque qui a gagné mais les actes commis par le Pétain et par Pierre Laval l’étaient aussi au nom de la France. C’est ce qu’a reconnu Chirac, qui, enfant, voyait accroché en classe le portrait de Pétain. Mais demain Le Pen serait élue qu’elle dirait le contraire. Elle reprendrait les mensonges éhontés de Zemmour, selon lequel, devant la menace d’arrêter les Français juifs, Pétain aurait eu le « courage » d’assumer l’arrestation par la police française des familles juives étrangères et de leurs enfants français.
Serge Klarsfeld, l’immense travail que vous avez accompli en établissant la liste des 76 000 juifs déportés depuis la France a contribué à l’établissement de la vérité sur la Shoah. Un combat opiniâtre auquel vous avez consacré votre vie…
Serge Klarsfeld J’ai commencé cette liste quand nous menions campagne pour faire juger les criminels nazis qui avaient organisé la déportation en France. Je me suis dit qu’il fallait que tout le monde soit au procès, et tout le monde y était à travers le livre le Mémorial de la déportation des juifs de France. On avait des centaines de parties civiles vivantes, et avec ce livre, tous les assassinés, avec le nom, la date et le lieu de naissance de chaque déporté, convoi par convoi, ce qui n’avait pas été fait jusque-là. J’ai également réalisé le Mémorial des enfants. Nous avons retrouvé plus de 5 000 photos des 11 400 enfants qui ont été déportés, avec un dossier pour chacun, pour expliquer où il a été arrêté, dans quelle commune, à quelle rue, son état civil, son acte de naissance pour 8 000 d’entre eux. C’était indispensable. Ce sont trente à quarante années de recherches pour établir cette liste et rétablir les arbres généalogiques et l’unité des familles, souvent séparées dans différents convois. Dans Vichy-Auschwitz, j’ai enfin mis en lumière d’un côté le rôle essentiel de Vichy dans la déportation et de l’autre le rôle celui de la population française, qui a dans sa majorité réagi tout à fait positivement et aidé les trois quarts des juifs français à survivre.
Parallèlement, vous avez tous deux sans cesse dénoncé que d’anciens nazis et d’anciens collaborateurs soient protégés et continuent dans certains cas à exercer les plus hautes fonctions. Que Maurice Papon soit préfet de police, que Kurt Waldheim soit secrétaire général des Nations unies, cela apparaît impensable aujourd’hui…
Serge Klarsfeld Pendant les années 1950 et 1960, nombre d’anciens nazis sont restés ou revenus dans les sphères du pouvoir. En France, une grande partie de l’administration préfectorale a été relancée par de Gaulle. On a fermé les yeux sur l’action antijuive. Beaucoup moins sur l’action antirésistante, parce que les résistants qui revenaient étaient en mesure de protester. Les familles juives étaient décimées, abattues, et elles n’ont pas pu obtenir le jugement de tous les préfets en poste en 1942, qui ont tous arrêté les juifs sauf celui de Corse. C’est pourquoi le procès Papon était important, parce que c’est le procès de l’obéissance aux instructions reçues du gouvernement de Vichy.
Beate Klarsfeld, la gifle que vous avez administrée au chancelier Konrad Kiesinger en 1968 en lui lançant « Nazi ! Démissionne ! » a été retentissante. Ce fut une gifle à tous les nazis qui campaient dans l’appareil d’État de la République fédérale. Aviez-vous alors conscience de la portée historique de ce geste ? Vous êtes restée une conscience pour les antifascistes, au point qu’en 2012 le parti de la gauche allemande Die Linke vous a soutenue comme candidate pour la présidence fédérale…
Beate Klarsfeld
Cette gifle, c’était un acte symbolique, c’était la jeunesse allemande qui giflait la génération des parents qui étaient des nazis. On m’a reproché la violence du geste mais imposer aux jeunes un propagandiste nazi comme chancelier, c’était cela la vraie violence. J’ai eu comme condamnation un an de prison ferme, sans sursis. Étant donné que j’étais française, cela a été révisé. Mais le retentissement a été international. L’écrivain allemand Heinrich Böll m’a envoyé cinquante roses pour me remercier. On a compris immédiatement que c’était un acte historique. D’ailleurs Serge m’a dit : « Jamais plus tu ne feras quelque chose d’aussi historique ! »
Vous avez milité sans relâche pour l’extradition de tous les criminels nazis protégés par des dictateurs dans le monde entier…
Beate Klarsfeld Alois Brunner était protégé en Syrie par Assad, Klaus Barbie en Bolivie par le dictateur Hugo Banzer, au Chili Pinochet faisait de même, tout comme Peron en Argentine. J’ai manifesté partout, et j’ai recherché Joseph Mengele au Paraguay. Les dictatures protégeaient les criminels nazis. Mais, en Allemagne aussi, des cadres qui prenaient les décisions ont été protégés. Aujourd’hui, l’Allemagne juge encore des subalternes qui étaient tout jeunes à l’époque alors qu’elle n’a pas jugé dans les années 1960-1970 des grands criminels qui auraient dû l’être… Mais nous avons œuvré aux condamnations d’Herbert Hagen et de Kurt Lischka. Nous n’avons jamais accusé personne sans preuve. Et nous nous sommes mobilisés, sans nous résigner, pour obliger la société politique allemande à faire ce qu’elle devait faire, c’est-à-dire mettre un terme aux conventions qui pouvaient protéger des criminels et mener à bien des procès.
Entretien réalisé par Jean-Paul Piérot et Aurélien Soucheyre
Une gifle à tous les nazis
Exposée au-dessus de la vaste table de travail de Beate et Serge Klarsfeld, la première page du Berliner Morgenpost du 8 novembre 1968 annonçant la gifle la plus célèbre de l’histoire allemande. Une jeune femme de 30 ans a souffleté en public le chancelier fédéral Konrad Kiesinger, ancien nazi, lors du congrès de son parti, la CDU. La jeune militante est née à Berlin en 1939, dans une famille ordinaire, son père a fait la guerre dans la Wehrmacht comme comptable de son régiment. Depuis 1960 elle vit en France, a épousé en 1963 un Français juif, Serge Klarsfeld. Jeune avocat, né à Bucarest en 1935, il a échappé, enfant, à la déportation en 1943, lors de l’arrestation de son père qui mourra à Auschwitz. Après Kiesinger, ils s’attaquent à Ernst Aschenbach, qui fut l’adjoint d’Otto Abetz pendant l’occupation en France et qui pose sa candidature en 1970, au nom du FDP, à un poste de commissaire européen. Le couple milite contre l’impunité des criminels nazis, Lischka, Hagen, Heinrichson, Barbie. Ils font campagne contre Kurt Waldheim, qui sévit contre la Résistance yougoslave pendant la guerre, ce qui ne l’empêcha pas d’être nommé secrétaire général de l’ONU, puis président de l’Autriche. Beate et Serge Klarsfeld sont à l’origine des poursuites contre René Bousquet, Maurice Papon, Jean Leguay et Paul Touvier. En 1979, Serge Klarsfeld fonde l’association Fils et filles de déportés juifs de France. Il a réalisé le Mémorial de la déportation des juifs de France à partir de la liste des 76 000 déportés. Il rédige le Mémorial des enfants et tente de retrouver photo et identité des quelque 11 000 enfants envoyés à la mort.
L’État polonais entend garder son récit national. Aucune collaboration n’a été commise, les crimes de la Shoah ne sont l’œuvre que des forces nazies. Celui qui dit le contraire peut faire l’objet de poursuites.
Des survivants de l’Holocauste et une soixantaine de chefs d’État et de gouvernement seront ce lundi à Auschwitz pour célébrer le 75e anniversaire de la libération du camp de concentration et d’extermination nazi. À la veille de ces célébrations, le président polonais s’est fendu d’une pleine page dans le Figaro du 23 janvier au nom d’« une mémoire qui ne doit pas mourir ». Il ose affirmer qu’il est « défendu de dénaturer » et « d’instrumentaliser » la mémoire de la Shoah pour quelque motif que ce soit. Des déclarations surprenantes de la part d’Andrzej Duda, candidat à un second mandat pour le parti Droit et Justice (PiS, extrême droite), et fervent défenseur d’une loi négationniste adoptée en 2018. Ce texte condamne l’usage du terme « camps de la mort polonais » et tout propos accusant « publiquement et contrairement aux faits, la nation ou l’État polonais de responsabilité ou de complicité dans les crimes nazis commis par le IIIe Reich, ou de tout autre crime de guerre, crime contre l’humanité ou crime contre la paix ».
Cette loi mémorielle prévoit des poursuites civiles qui visent aujourd’hui principalement des enseignants, chercheurs ou journalistes qui porteraient atteinte à la réputation de leur pays.
La Pologne a le plus grand nombre de justes parmi les nations
Pourquoi ce révisionnisme ? Depuis les victoires du PiS en 2005 et 2015, la droite et l’extrême droite insistent sur le roman national polonais, qui met essentiellement en avant le rôle de son mouvement de résistance et les souffrances immenses vécues par la population entre 1939 et 1945. Une réalité avec 6 millions de citoyens tués lors de la Seconde Guerre mondiale, dont 3 millions étaient juifs. La Pologne a également le plus grand nombre de justes parmi les nations : 6 863 Polonais, selon Yad Vashem, qui ont pu sauver 1 % des juifs polonais (30 000).
Mais ce récit est largement contesté par les travaux de nombreux historiens, notamment polonais, dans le sillage de Jan Tomasz Gross (les Voisins, la Peur, la Moisson) qui a travaillé sur l’assassinat des habitants juifs de la bourgade de Jedwabne, en juillet 1941, par leurs voisins polonais. Ces chercheurs ont démontré que les crimes allemands se sont déroulés dans la relative indifférence d’une partie des Polonais, gangrenés par un antisémitisme virulent, et grâce à des formes de participation, directe ou indirecte, des Polonais non juifs. 200 000 à 300 000 juifs ont été tués, non par la Wehrmacht et les Einsatzgruppen, mais par des collaborateurs, avancent-ils.
Cette historiographie suscite l’ire de la droite polonaise qui va jusqu’à menacer directement ces chercheurs. « Leurs visages apparaissent en une des hebdomadaires les plus radicaux comme des visages de criminels ; on réclame du gouvernement qu’il revoie la politique de financement de leurs instituts de recherche », explique Judith Lyon-Caen en avril 2019 dans « la Vie des idées ».
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