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18 mai 2020 1 18 /05 /mai /2020 16:59
Disparition de Julio Anguita, ancien secrétaire général du PCE : déclaration de Fabien Roussel

Disparition de Julio Anguita : déclaration de Fabien Roussel

C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai appris la disparition de Julio Anguita, ancien secrétaire général du Parti Communiste d’Espagne, coordinateur fédéral de la Gauche Unie d’Espagne, Izquierda Unida, et premier maire de Cordoue élu démocratiquement.

Julio Anguita, professeur de métier et très pédagogue, fut au premier rang de tous les combats et de toutes les mobilisations des communistes et du peuple d’Espagne : résistance au franquisme, luttes pour le retour de la démocratie, poursuite du combat républicain, fondation de la Gauche Unie d’Espagne… Homme droit, refusant les privilèges, dur au combat politique, il était resté marqué par la disparition de son fils, journaliste mort en reportage en Irak pendant la guerre de 2003. Dirigeant très respecté au delà de sa famille politique, il marque de son empreinte et de sa détermination les luttes populaires et progressistes du peuple d’Espagne de ces dernières décennies. Retiré de la vie politique pour des raisons de santé, il restait très écouté, continuant de s’exprimer sur des thème qui lui étaient chers comme la République et la Constitution.

Tous les communistes français et moi-même nous inclinons avec respect devant sa mémoire. J’adresse à sa famille et à ses proches, au nom du PCF et en mon nom personnel, mes plus sincères et fraternelles condoléances, ainsi qu' à nos camarades du Parti Communiste d’Espagne et de la Gauche Unie, à tous ceux et toutes celles qui ont partagé ses combats pour la démocratie et la justice sociale, aux habitants de Cordoue et à tous les Espagnols qui perdent aujourd’hui une grande figure politique qui a tant fait pour le progrès social et démocratique.

Les combats de Julio Anguita restent toujours les nôtres.

Fabien Roussel, Secrétaire national du PCF,

Paris, le 17 mai 2020.

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18 mai 2020 1 18 /05 /mai /2020 12:31

 

Alors que les dirigeants de SANOFI ont avoué récemment, avec une certaine maladresse de communication, qu’ils comptaient maximiser leurs profits en cas de découverte d’un vaccin, en le réservant aux plus offrants, à savoir dans un premier temps les USA, une pétition, signée par des milliers de personnes dont des scientifiques de renommée mondiale ainsi que des personnalités de la société civile provenant du monde entier, réclame tout l’inverse !

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Appel pour mettre le futur vaccin contre le Covid 19 dans le domaine public 

 

Alors que la pandémie de Covid-19 continue de causer des ravages à travers le monde, la recherche d’un vaccin efficace se poursuit, tant dans l’industrie pharmaceutique que dans la recherche publique. En effet, tout le monde converge vers l’idée qu’en définitive, la seule façon d’éradiquer définitivement la pandémie est de disposer d’un vaccin qui puisse être administré à tous les habitants de la planète, que ce soit en milieu urbain ou rural, aux femmes comme aux hommes, vivant dans les pays riches ou des pays pauvres.
 
L’efficacité d’une campagne de vaccination repose sur son universalité. Les gouvernements doivent le rendre accessible gratuitement. Seules les personnes qui souhaitent bénéficier de services spéciaux peuvent payer pour ces services et pour le vaccin.
 
Pour être accessible à tous, les vaccins doivent être libres de tout brevet. Ils doivent être du domaine public. Ceci permettra aux gouvernements, aux fondations, aux organisations caritatives, aux philanthropes et aux entreprises sociales et solidaires (c’est-à-dire les entreprises créées pour résoudre les problèmes des gens sans en tirer profit) de le produire et/ou le distribuer partout dans le monde.
 
La découverte d’un nouveau vaccin est un processus long (estimé à 18 mois dans le cas de l’actuelle pandémie, ce qui est un record absolu de vitesse). Cette recherche est couteuse. De nombreux laboratoires de recherche commerciaux qui se consacrent à cette recherche s’attendent à un retour sur investissement élevé. Il faut trouver une façon qui permette un retour sur investissement juste en échange de sa mise dans le domaine public. La chose la plus importante est de mettre le résultat dans le domaine public, afin de le rendre disponible pour être produit par quiconque dans le respect des processus règlementaires internationaux.
 
Les gouvernements, ou un groupe de gouvernements ou de fondations, des philanthropes, des organisations internationales comme l’OMS, avec des soutiens privés et publics, peuvent en fournir le financement.
 
Mais la question éthique cruciale qu’il faut résoudre est celle de déterminer le montant des retombées qu’un laboratoire ou un inventeur peuvent s’octroyer pour un médicament sauvant des vies et nécessaire par tous les habitants de la planète.
 
En même temps, il faut aussi considérer l’honneur et la reconnaissance mondiale que l’on donne à l’inventeur ou aux inventeurs et aux laboratoires qui mettent cette découverte dans le domaine public de manière inconditionnelle, sans contrepartie financière ou à prix coûtant.
 
Dans ce contexte, des précédents peuvent nous inspirer. C’est l’histoire du vaccin contre la polio. Dans les années 1950, la polio était une maladie terrible, aussi causée par un virus, qui affectait les enfants (environ 20 000 cas par an), causant une paralysie à vie. Jonas Salk (1914-1995), un biologiste américain, a inventé le premier vaccin contre la polio. Pour développer ce vaccin, il a reçu un financement d’une Fondation fondée par le Président Roosevelt, avec des dons de millions d’américains. Sans compter la participation de 1,4 millions d’enfants sur lesquels le vaccin a été testé.
 
Les chercheurs développant des innovations thérapeutiques comme les vaccins ont besoin de la coopération de tous. Un vaccin ne peut fonctionner que si des inoculations sont réalisées à grande échelle.
 
Salk n’a jamais breveté son invention. Il n’a pas demandé de droits d’auteur. La seule chose qui l’intéressait était de diffuser le vaccin le plus largement possible, aussi vite que possible.
 
C’est le bon moment pour mettre en place une norme mondiale où nous ne serions pas aveuglés par l’argent, oubliant la vie de milliard de gens.
 
Catherine Belzung, Professeure de Neurosciences à l’Université de Tours
Antonine Nicoglou, Maîtresse de conférences à l’Université de Tours
Luigino Bruni, Professeur à l’Université LUMSA, Rome
Muhammad Yunus, Professeur, Prix Nobel de la Paix 2006, Bangladesh

 

Je signe pour que le futur Vaccin contre Covid 19 soit mis dans le domaine public : cliquez ici pour signer

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17 mai 2020 7 17 /05 /mai /2020 06:15
La Banque centrale européenne préfère aider les multinationales que les Etats. Notre enquête (L'Humanité, 14 mai 2020)
Jeudi, 14 Mai, 2020 - L'Humanité
La Banque centrale européenne préfère aider les multinationales que les Etats. Notre enquête

La crise économique n’affecte pas tout le monde : alors que la paralysie perdure sur fond de divisions entre les chefs d’État, les multinationales du continent, LVMH en tête, profitent à plein des cadeaux préparés à Francfort. Enquête.

 

La crise s’étend et la panne s’aggrave. Après avoir, au début de la pandémie, refusé de partager leurs moyens sanitaires, chapardé des livraisons de masques pour les uns ou les autres, ou encore échoué à coopérer pour les essais cliniques sur les traitements contre le Covid-19 (lire ici), les États membres de l’Union européenne (UE) n’arrivent toujours pas à s’accorder sur les centaines de milliards d’euros nécessaires à un plan « de reprise » visant à conjurer le spectre d’une récession plus importante que celle de 1929. La Commission, engluée dans son projet de budget pluriannuel retoqué avant la pandémie, promet qu’elle avance, mais renvoie ses annonces aux calendes grecques. Et même quand une décision est officialisée, derrière, ça traîne encore ! Hier matin, la Confédération européenne des syndicats (CES) s’alarmait d’un report de l’approbation des 100 milliards d’euros pour le chômage partiel – le programme « Sure » pourtant validé début avril au Conseil européen – par les ambassadeurs des États membres, réunis au sein du comité des représentants permanents (Coreper) à Bruxelles : selon les syndicats européens, cette course de lenteur pourrait provoquer un tsunami de licenciements supplémentaires.

Tout est bloqué. Rien ne marche ? En fait, non. Un petit village résiste au marasme et à la misère. Ici, crèchent les grandes multinationales européennes. C’est coquet, bien à l’abri des regards des citoyens et, surtout, irrigué par l’argent – gratuit, ou presque – distribué par la Banque centrale européenne (BCE). Rien ne perturbe la quiétude, même pas l’arrêt du tribunal suprême de Karlsruhe, la Cour constitutionnelle allemande. Comme le savent les lecteurs de ce journal, les argentiers de Francfort ont l’interdiction, gravée dans le marbre des traités, de prêter directement aux États afin de financer directement les besoins sociaux, mais ils ont, depuis quatre ans, la possibilité de recourir à des mesures dites « non conventionnelles », et parmi elles, l’achat de titres de dettes émis par les très grandes entreprises, les seules capables de recourir à ce type d’instruments financiers. En termes triviaux, pour les cadors du CAC 40 et leurs homologues dans toute l’Europe, la planche à billets tourne à plein régime.

209 milliards d’euros créés, puis prêtés aux grands groupes

D’après notre enquête, la crise du coronavirus continue de faire enfler ce fonds européen trop méconnu du grand public. En appuyant simplement sur un bouton, la BCE crée ainsi entre 5,5 et 6,5 milliards d’euros par mois qu’elle verse directement aux multinationales européennes – les stars des marchés boursiers – ou à des filiales de géants mondiaux domiciliées dans la zone euro, à l’exception des banques. Le tout contre des obligations de ces groupes, des titres de dettes privés à des taux d’intérêt proches de zéro, voire négatifs désormais…

Fin 2016, quelques mois après le lancement de son Corporate Sector Purchase Programme (CSPP) – son nom officiel –, la BCE détenait des obligations de multinationales pour un montant total de 46 milliards d’euros. Début mai 2020, selon les chiffres arrêtés la semaine dernière, elle possède des titres de cette nature pour une valeur de 209 milliards d’euros. Ce qui signifie qu’elle a créé, puis prêté cette somme globale gigantesque aux seuls grands groupes à des taux qui feraient évidemment pâlir d’envie bien des États européens, et ceci sans tenir compte des programmes d’obligations d’entreprises déjà arrivés à échéance depuis 2016, et donc effacés des stocks actuels… Comme le font ses homologues de la FED aux États-Unis, elle envisage désormais de laisser le robinet aux liquidités ouvert pour les géants qui, comme Renault, ArcelorMittal ou Lufthansa, pourraient, selon les critères d’éligibilité en vigueur jusqu’ici, en être exclus suite à la dégradation de leur note financière par les agences de notation.

La Banque centrale européenne refuse de détailler les montants

Depuis le lancement à la mi-mars de son plan d’urgence face à la pandémie, doté au total de 750 milliards d’euros et destiné, en théorie, à venir au secours des États, la BCE a déjà ajouté plus de 120 lots d’obligations émises par des multinationales dans son portefeuille qui en compte, à ce jour, près de 1 500, au total. Au nom de son obligation de « neutralité » sur les marchés financiers, l’institution financière refuse de détailler les montants de chacune de ses interventions, réalisées pour son compte par certaines banques centrales nationales de la zone euro (Allemagne, France, Italie, Espagne, Finlande et Belgique). Son interférence est pourtant incontestable puisqu’elle consiste avant toute chose à renforcer les grandes capitalisations boursières des « champions européens », mais la BCE maintient la fiction qui a présidé à l’instauration du CSPP : en substance, cette forme de prêts aux multinationales fait, selon elle, baisser les taux d’intérêt auxquels empruntent toutes les entreprises quelles que soient leurs tailles. Dans les faits, aucune contrepartie n’est exigée sur l’utilisation de cet argent, évidemment : alors que l’institution financière européenne a poliment demandé aux banques de se garder de verser des dividendes cette année, elle ne pose aucune condition de cet ordre aux multinationales qu’elle finance à prix d’ami, voire à ses frais. Dividendes, rachats d’actions, acquisitions… Tout reste permis !

LVMH, le grand gagnant parmi les multinationales

Cette activité frénétique sur le front des grands groupes qui contraste avec la paralysie de l’UE dans tous les autres domaines de l’économie éclate au visage quand on examine, comme l’a fait l’Humanité, les listings de l’institution. Sur les trois derniers mois, la BCE a répondu, avec diligence, à de très nombreuses sollicitations des entreprises, surtout allemandes, françaises et néerlandaises : elle détient désormais 16 lots d’obligations de Shell (contre 13 en février), 17 de Siemens (contre 13), 15 de Heineken (contre 11), 7 de CapGemini (contre 3), 21 de Sanofi (contre 19), 7 d’Airbus (contre 4), 17 de Total (contre 16), 8 de Pernod Ricard (contre 4), 7 de Vivendi (contre 5), 6 de Sodexo (contre 4), 3 de Wendel (contre 2), etc.

La liste est interminable, mais un grand gagnant se détache dans le palmarès : LVMH. Malgré ses 7 milliards de profits l’an dernier, le groupe de luxe français a réussi à lever de l’argent à la BCE pour six nouveaux programmes d’obligations lancés depuis la mi-février. Les cinq premiers sont à des taux d’intérêt oscillant entre zéro et 0,5 %. Le dernier lot d’obligations, début avril, a donné lieu, d’après le site de presse hollandais Follow The Money, au versement de 850 millions d’euros par la BCE à LVMH à un taux de 0,75 %. Alors que l’entreprise a annoncé un maintien des dividendes, avec une décote de 30 % du montant prévu avant l’explosion de la crise économique, ces milliards d’euros levés doivent surtout servir à payer le raid boursier contre le joaillier étatsunien Tiffany. Christine Lagarde ne trouve rien à y redire. « Les émetteurs des obligations achetées par le CSPP sont libres de prendre leurs décisions sur l’allocation de ces ressources », répliquait, fin janvier, la super-banquière européenne, interrogée par anticipation sur ce cas spécifique. En pleine pandémie, la BCE paie les diamants de LVMH. Tout roule, décidément, en Europe : une poignée sur l’or, la majorité dans le caniveau…

Thomas Lemahieu
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15 mai 2020 5 15 /05 /mai /2020 05:23

 

La politique étrangère de Trump produit le paradoxe de voir la puissance qui a pour l’essentiel façonné et conditionné le cadre et les règles des relations internationales depuis 1945 les contester aujourd’hui fondamentalement pour assouvir son rêve de « suprématie globale permanente ».

Première puissance mondiale économique et militaire, chantre du capitalisme, les États-Unis sous l’admi­ni­stration Trump entendent restaurer leur hégémonie sans partage sur les peuples et pays du monde. La domination US est toutefois contestée. Le « na­tio­n­alisme antimondialiste » du business milliardaire devenu président en 2016, Donald Trump, qui « mêle la revendication d’une Amérique forte (strong again ) et prioritaire (America first ) » distingue la puissance américaine mais l’isole également.
À l’occasion de son discours d’investiture de janvier 2017, Donald Trump exposait sa vision du monde qui se réduirait à deux catégories, « ceux qui auraient des comptes à rendre aux États-Unis, et ceux qui au contraire méritent leur soutien ». Le quarante-cinquième président des États-Unis rappela à qui voulait encore l’ignorer que « le fondement de [sa] politique sera une totale allégeance aux États-Unis d’Amérique et grâce à notre loyauté au pays, nous redécouvrirons la loyauté envers les uns les autres » mais pour préciser : « Nous conforterons certaines de nos alliances, et nous en nouerons de nouvelles. »

« Il ne s'est jamais agi pour les États-Unis d'en finir avec l'OTAN, il s'agit de passer à un stade supérieur de sous-traitance – matérielle et budgétaire – aux pays membres, des choix stratégiques, militaires et diplomatiques états-uniens sauvegardant les intérêts propres des États-Unis. »

Cela n’a pas manqué de jeter le trouble parmi nombre de dirigeants d’États pro-atlantistes en particulier en Europe, trouble confirmé par les difficultés créées par les choix américains de ces trois dernières années et la « méthode Trump », la menace et le chantage, le deal négocié en catimini et imposé à tous au mépris du droit international. Mais les dirigeants pro-atlantistes occidentaux n’ont guère contesté le fond de ces décisions – hormis celle de la rupture unilatérale des accords de Paris (COP21) et de l’accord sur le nucléaire iranien obtenus par l’action multilatérale. À l’exercice du pouvoir la nouvelle administration américaine est confrontée à ses contradictions internes dans la poursuite de son objectif de domination absolue.

 

Un gouvernement de guerre

Le prétendu « hérault de l’antisystème » élu à la Maison-Blanche en 2016 a mis en place à la tête de son pays un véritable « club de milliardaires » (dixit Le Figaro !), un « cabinet Goldman Sachs », bref, un « gouvernement de guerre », ainsi qu’il l’a lui-même qualifié, composé de grands financiers, lobbyistes et dirigeants de grands groupes (notamment pétroliers ou du BTP) multipliant les cas de conflits d’intérêts, ainsi que de militaires tantôt obsédés par la Chine, tantôt par l’Iran, tantôt par la Russie, qui se sont confirmés tous plus bellicistes les uns que les autres et qui ont commencé par obtenir la plus forte augmentation du budget américain de la Défense de son histoire récente. Appuyé par l’extrême droite et les églises évangéliques, Trump installe leurs idées (pourtant minoritaires) au plus haut du débat politique national et sera aussi le premier président de l’histoire de son pays à participer à une manifestation contre l’IVG (janvier 2020). Le choix des dirigeants des agences gouvernementales américaines comme la CIA ou des juges à la Cour suprême a complété ce dispositif « de guerre » et chaque initiative – unilatérale – prise a confirmé des prétentions hégémoniques qui se révèlent en inadéquation complète avec le contexte international.

« Il n’y a donc pas d’un côté, un « fou », Trump, et de l’autre une administration qui rattraperait les impairs mais bien une orientation générale, une ligne politique et idéologique, impérialiste, ce qui n’exclut pas des dissensions internes. »

Les déclarations de Trump sur l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) n’ont pas trompé grand monde, pas plus que la formule fracassante d’Emmanuel Macron la déclarant en « mort cérébrale ». Il ne s’est jamais agi pour les États-Unis d’en finir avec l’OTAN, il s’agit de passer à un stade supérieur de sous-traitance – matérielle et budgétaire – aux pays membres, des choix stratégiques, militaires et diplomatiques états-uniens sauvegardant les intérêts propres des États-Unis. Il n’en a jamais été réellement autrement mais cela redevient, sous l’impulsion de Donald Trump, l’alpha et l’oméga assumé de la politique américaine avec brutalité et cynisme qui se manifestent tant au Venezuela, en Bolivie, que contre Cuba mais aussi à l’égard de son voisin, le Mexique et ses ressortissants migrants, contre l’Iran ou la Chine ou encore, sans maquillage, contre ses propres alliés. L’Union européenne a beau avoir arrimé sa politique de sécurité et de défense à l’OTAN, conditionné ses nouvelles entrées à l’adhésion à l’OTAN, ses États-membres ont beau atteindre l’objectif de 2 % du PIB consacrés aux dépenses militaires, les États-Unis considèrent l’UE somme toute comme une rivale, et Trump la traite en concurrente sournoise.

L’administration Trump a conscience de la contestation de l’hégémonie américaine et de la crise qu’elle traverse. Avec un budget annuel de 686 milliards de dollars (onze fois plus que celui de l’éducation), les forces armées US comptent 1,5 million de personnels répartis sur tous les continents du monde, dont au moins 20 % d’entre eux dans près de 800 bases, selon certaines sources, dans 164 pays d’après le département d’État lui-même… les États-Unis n’ont pourtant aucune victoire militaire à leur actif depuis le lancement de la « guerre internationale contre le terrorisme ».

Qui plus est, l’hégémonie US qui s’appuie sur sa force de frappe économique, politique et militaire, et qui a formaté pour l’essentiel les relations internationales et dominé ses institutions multilatérales ne survit plus aujourd’hui qu’en les piétinant. L’administration Trump impose ses choix, ses actions et… ses revirements. Cette posture participe elle aussi à la reconfiguration de l’espace mondial et des relations internationales.

« La politique protectionniste de Trump n’apporte aucune réelle réponse à l’état de crise profonde de la société américaine elle-même et aux mobilisations nouvelles de millions d’Américains sur des enjeux tant sociaux que de société. »

Les États-Unis continuent de jouer un rôle déterminant dans la mondialisation telle qu’elle existe. Si pour une part Trump déploie une diplomatie alternant « coups de poing » et « flatteries » à visée électoraliste (puis­que son électorat considère que l’interventionnisme coûte cher et qu’il est en échec), il s’est néanmoins fixé comme objectif de rasseoir la domination absolue états-­unien­ne directe ou indirecte sur l’ensemble du monde via l’OTAN et, à nouveau, par l’ingérence directe, plus ou moins affichée. Trump a certes adopté en politique étrangère ses méthodes de businessman vorace mais l’état-major ou le département d’État adaptent leurs stratégies et leurs objectifs politiques avec leur maturité légendaire, comme l’exemple bolivien vient de le démontrer. Et ce, malgré les coups portés par Trump lui-même à la parole états-unienne, par exemple lors de l’invasion turque de la Syrie. Il n’y a donc pas d’un côté, un « fou », Trump, et de l’autre une administration qui rattraperait les impairs, mais bien une orientation générale, une ligne politique et idéologique, impérialiste, ce qui n’exclut pas des dissensions internes.

Habiles, malgré là aussi les apparences, Donald Trump et le pouvoir qu’il incarne allient la peur de la « mondialisation », d’un monde qui « vous échappe », et l’aspiration mégalomane de le dominer et de le diriger. Portée par des conceptions ultraconservatrices et ethnocentristes, adepte du « choc des civilisations » de Samuel Huntington, l’administration Trump veut en finir définitivement avec le multilatéralisme issu de l’après Deuxième Guerre mondiale et multiplie les actions en ce sens contre les accords de Paris, contre l’accord sur le nucléaire iranien, contre les accords d’Oslo ou les résolutions internationales sur la Palestine, avec les accords sur les missiles de portée intermédiaire, avec la Corée du Nord où il ne vise pas la chute du régime mais qui entre dans la stratégie d’isolement de la Chine, avec la Chine qu’il provoque en duel commercial entraînant les dégâts collatéraux que l’on sait pour les pays de l’UE et l’économie américaine elle-même ; on peut encore citer son incursion dans la crise UE-Grande-Bretagne à l’heure du Brexit, ou les nouvelles relations établies avec la Russie de Vladimir Poutine.

Là où l’administration Trump veut un ordre régi par les États-Unis et ses sous-traitants, Emmanuel Macron milite pour un « minilatéralisme », un multilatéralisme de clubs (du G7 au G20 tel que la présidence française a conçu et dirigé la formule 2019) où les puissances se mettent d’accord, transigent éventuellement sur leurs désaccords et donnent le la au reste du monde. Ensemble cependant ils participent d’une surmilitarisation des relations internationales et d’une nouvelle course aux armements : la France était en 2018 le cinquième budget militaire (à hauteur de 63, 8 milliards de dollars) sur le plan mondial après les États-Unis la Chine, l’Arabie saoudite, l’Inde et juste avant la Russie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. Qu’il s’agisse d’opérations extérieures sous l’égide de l’OTAN, de l’UE ou de l’ONU, la France est présente dans trois régions hautement conflictuelles : le Sahel, le Proche-Orient et les États baltes. Les plus forts contingents se trouvent en Afrique avec bientôt 8 000 soldats dont plus de 5 000 dans la zone sahélo-saharienne. Emmanuel Macron a dans ce mouvement engagé la France dans le peloton de tête des pays membres de l’OTAN portant à 2 % du PIB leur budget de défense, et 40 milliards d’euros supplémentaires seront consacrés aux dépenses militaires jusqu’en 2022.

 

Des expériences politiques inédites pour des générations entières d’Américains

Les résultats à court terme de ses choix économiques sur l’emploi et la croissance états-uniens ont conforté Donald Trump dans son intention de briguer un nouveau mandat mais sa politique a dès le premier jour mobilisé largement contre lui, aux États-Unis mêmes.

La violence de la politique de classe, raciste, sexiste et xénophobe de Donald Trump a poussé des dizaines de millions de citoyens à se mobiliser ; qu’il s’agisse des mouvements pour l’égalité entre femmes et hommes, contre le sexisme, les violences sexuelles ou le harcèlement, pour le droit à l’IVG, ou qu’il s’agisse des votes référendaires dans une série d’États pour la création ou l’augmentation d’un salaire minimum, ou encore des manifestations massives contre le port des armes ou les violences policières, les résistances populaires sont nombreuses, larges, et constituent des expériences politiques inédites pour des générations entières d’Américains que leur modèle de société ne séduit plus et qui entrent en politique.

Elles trouvent pour une part leur traduction dans l’élection de représentantes et de représentants de l’aile gauche du Parti démocrate au Congrès ou à la tête de municipalités importantes comme, tout dernièrement, à Chicago. La course à l’investiture du Parti démocrate place Bernie Sanders en position favorable, et pourrait en constituer la bonne surprise ; hypothèse combattue ardemment par les candidatures de Joe Biden et de « l’autre milliardaire », Michael Bloomberg, mis en selle pour contrecarrer la percée des courants de gauche du Parti démocrate, incarnée par Sanders. D’autant que Bloomberg pourrait s’avérer une alternative bien plus satisfaisante, sur le plan du marketing, aux intérêts des classes dirigeantes US. Enfin, la politique protectionniste de Trump n’apporte aucune réelle réponse à l’état de crise profonde de la société américaine elle-même et aux mobilisations nouvelles de millions d’Américains sur des enjeux tant sociaux que de société – et cela demeurera, pour les Américains appelés aux urnes, le facteur déterminant de leur choix.

 

Le « déploiement mondial » de l’OTAN

Pour mener à bien son projet de restauration hégémonique, l’administration états-unienne vise notamment à concrétiser l’idée d’un « déploiement mondial » de l’OTAN – déjà fort avancé. De désaccords internes entre membres « historiques » de l’alliance (Allemagne, France) et nouveaux entrants (Pologne), à ceux qui ont opposé États-Unis et affidés sur leur part d’engagement dans les interventions et coalitions américaines (en Irak en 2003 ou en septembre 2013 s’agissant de la Syrie…), ainsi que sur leurs parts d’investissements dans l’industrie militaire américaine, est apparue au grand jour une crise interne d’un nouvel ordre. À l’occasion de l’invasion turque de la Syrie, il est devenu patent que ce n’est ni le secrétaire général de l’OTAN, ni ses États membres qui prennent les décisions, c’est l’administration US en fonction des intérêts qu’elle défend.

« À l’occasion de l’invasion turque de la Syrie, il est devenu patent que ce n’est ni le secrétaire général de l’OTAN, ni ses États membres qui prennent les décisions, c’est l’administration US en fonction des intérêts qu’elle défend. »

La crise au sein de l’OTAN n’a d’ailleurs pas opposé l’OTAN et Ankara sur l’invasion militaire turque du Rojava et de la Syrie, ni sa guerre contre les Kurdes. L’OTAN n’a jamais condamné l’opération turque de novembre et Jens Stoltenberg, son secrétaire général, a même insisté : « Les préoccupations sécuritaires de la Turquie sont fondées. […] Je suis convaincu que la Turquie agira avec modération et de manière proportionnée. » Le vrai différend entre l’OTAN et la Turquie est l’affirmation de celle-ci comme puissance impérialiste régionale autonome de l’alliance, avec le développement de son propre complexe militaro-industriel et l’achat de missiles antiaériens russes S400 qui permettraient une défense indépendante de l’OTAN de l’espace aérien turc et qui a entraîné un embargo de la vente de l’avion américain F35 à Ankara. D’autant que Donald Trump a ranimé le schéma d’une OTAN du Moyen-Orient fondée principalement sur un arc Israël-Arabie saoudite-États-Unis au sein de laquelle la Turquie, première armée de l’OTAN après les États-Unis, doit jouer sa partition.
2020 verra une campagne d’exercices militaires au cœur de l’Europe. Cette démonstration de force vise la Russie – alors que le conflit que l’UE et l’OTAN ont nourri en Ukraine pourrait enfin trouver une résolution politique – mais elle envoie aussi un message de mise en garde aux peuples du monde entier.
L’impératif d’une dissolution de l’OTAN est plus actuel que jamais et nous devons continuer de porter l’idée d’une suspension immédiate de la participation française au commandement intégré, et d’une perspective de sortie de l’alliance à l’appui d’une initiative multilatérale sous égide de l’ONU qui pose, en Europe pour ce qui nous concerne, les bases d’un cadre commun de coopération, de sécurité collective et de paix, inclusif, c’est-à-dire avec la Russie et les pays de l’Est européen.

Ce serait trouver à la crise de l’hégémonie américaine une réponse nouvelle et propice à l’émergence d’un nouvel ordre mondial fondé sur la solidarité des peuples et la satisfaction des besoins humains et sociaux. 

Lydia Samarbakhsh est membre du comité exécutif national du PCF, elle est chargée du secteur International.

Cause commune n° 16 • mars/avril 2020

 

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13 mai 2020 3 13 /05 /mai /2020 12:03
L'URSS, la Russie et les peuples soviétiques oubliés des hommages aux combattants contre l'Allemagne Nazie - entre révisionnisme à la botte de Washington et ignorance crasse de l'histoire!
L'URSS, la Russie et les peuples soviétiques oubliés des hommages aux combattants contre l'Allemagne Nazie - entre révisionnisme à la botte de Washington et ignorance crasse de l'histoire!
L'URSS, la Russie et les peuples soviétiques oubliés des hommages aux combattants contre l'Allemagne Nazie - entre révisionnisme à la botte de Washington et ignorance crasse de l'histoire!

"Quelle est la nation qui a le plus contribue à la défaite de l'Allemagne ?": la question posée par l'IFOP aux français de 1945 à 2015, et l'évolution spectaculaire des réponses. https://www.ifop.com/…/la-nation-qui-a-le-plus-contribue-a…/
👉 En 1945, pour 57%, c'est l'URSS, ce qui est conforme à la réalité historique.
👉 En 2015, pour 54%, ce sont les USA.
🔴 A méditer : sur la "fabrication de l'opinion" par un matraquage idéologique peu soucieux d'une connaissance et d'un travail historique sérieux.

 

C'est une sinistre farce qui ne fait que s'aggraver d'année en année.

Modelés par leur conformisme atlantiste, des années de propagande de guerre froide, le cinéma hollywoodien, et une vision de nos intérêts comme étroitement liés à ceux de l'hégémonie du capitalisme américain, politiques et journalistes français accréditent la fable selon laquelle se seraient essentiellement l'effort de guerre américain (qu'il ne s'agit pas de nier ni de minimiser) et les sacrifices des soldats d'outre-Atlantique, qui auraient libéré la France et l'Europe de la domination nazie.

Rappelons simplement quelques évidences: pour un soldat américain tué en Europe face aux Nazis, 60 soldats soviétiques le furent!

C'est parce que l'Union Soviétique a résisté aux Nazis dès 1941 après que ses populations aient été saignées par l'offensive allemande et son cortège de barbarie, notamment l'extermination systématique des populations juives (la Shoah par balle auprès des gigantesques fosses communes) et déclenché sa contre-offensive, au prix de 22 millions de morts au moins, que des débarquements ont été possibles en Italie, en Provence, puis en Normandie.

De Gaulle, Churchill, et Roosevelt  le savaient bien. Comme les collaborateurs qui dirigeaient la France asservie et mobilisaient les pro-Nazis dans la LVF. 

Tous les Français de 1945 aussi, même ceux qui étaient peu suspects de sympathies pour les communistes, mais depuis, l'idéologie pro-atlantiste a imprégné les médias, les manuels, les discours des communicants politiques et des ministères, au départ comme un mensonge conscient aux grosses ficelles, ensuite comme un révisionnisme souvent involontaire lié à l'efficacité de cette "propaganda war".   

L'an passe Macron n'avait pas invité les autorités russes au 75e anniversaire du débarquement.

La focalisation sur le débarquement allié de Normandie comme cause première et quasi unique de la libération de la France et de la défaite de l'Allemagne nazie est une erreur historique.

Il n'aurait pas été possible, les contemporains les moins suspects de sympathies avec les soviétiques le disent, sans la résistance et la contre offensive de l'URSS. La résistance populaire intérieure est elle-même dans le même temps souvent mise au second plan dans les discours officiels par rapport à la France libre et à la résistance du général de Gaulle qui s'est pourtant largement appuyé dessus.

Pas un résistant communiste au panthéon alors que c'était largement la moitié des effectifs de la Résistance armée intérieure. D'où la nécessité d'un travail de mémoire permanent pour restituer la réalité des faits, empêcher l'oubli et les maquillages de l'histoire.

Je pense aussi à tout le discours qui vise à mettre au premier plan des bavures ou des exécutions expéditives de la Résistance dans les mois sanglants de la Libération, ou encore des exactions de l'armée d'occupation soviétique en Allemagne. Sans nier systématiquement les faits, certains sont avérés et indignes, ils sont souvent invoqués avec des arrière-pensées de relativisation de l'effort des uns et des autres, et des crimes des alliés des nazis, collaborateurs, qui ont été nombreux d'ailleurs à se refaire une virginité après la guerre.

Lors de l'hommage à Rol-Tanguy à Morlaix pour les 111 ans de sa naissance le 12 juin 2019 à Morlaix et les 75 ans de la Libération, je rappelais:

"Nous saluons bien sûr tous les Résistants dans la diversité de leurs sensibilités et de leurs actions, des circonstances de leur entrée dans l'action clandestine et patriotique. C'est à eux qui nous devons d'avoir gardé intact une flamme d'espoir et de dignité dans les années sombres de la libération et d'avoir rendu possible le retour de la liberté et de la démocratie en France, mais aussi le retour de la Paix qui était leur horizon.

Nous saluons aussi aujourd'hui particulièrement la résistance intérieure et populaire, et la résistance communiste, pas toujours mise au premier plan dans les discours mémoriels et l'approche de l’État. C'est un euphémisme...

Pas un seul résistant communiste au panthéon !...

Et Hollande et Macron sont loin de corriger l'oubli et l'injustice. Est-ce normal quand on connaît leur poids dans les effectifs de la résistance, dans la lutte armée intérieure, et le lourd tribut qu'ils ont payé, entre les dizaines de milliers de fusillés, de torturés et de déportés de l'OS et des FTP, des FTP-MOI que commanda Rol-Tanguy en région parisienne en 1942?

Martha Desrumaux, Marie-Claude Vaillant Couturier, Danielle Casanova, Charlotte Delbo, Missak Manouchian, Guy Moquêt, Rol-Tanguy, il n'y avait que l'embarras du choix... Et pourtant, on a préféré honoré la résistance gaulliste, socialiste, bourgeoise... Comme si les communistes ne devaient pas entrer dans la grande histoire de la nation française, comme s'il fallait minimiser leur apport à la libération... De la même manière, on ne parle que de l'appel du 18 juin à la Résistance alors que d'autres appels ont eu lieu au printemps et à l'été 40, notamment celui de Charles Tillon.

Et toujours ce discours lancinant, mensonger et révisionniste pour minimiser le sens et le caractère patriotique et national de la Résistance communiste en prétendant qu'elle n'a débuté qu'à l'été 41 après l'invasion de l'URSS, voir, comme dernièrement Riolo face à Ian Brossat dans une émission de RMC, en prétendant que les communistes étaient des collaborateurs au début de la guerre!

Ce qui est faux bien sûr. Le simple fait de dénoncer la politique collaborationniste, réactionnaire et anti-démocratique de Vichy et de garder une activité communiste était un acte de résistance en 40-41 à l'heure où le PCF était interdit et très fortement réprimé, sous le dernier gouvernement de la 3e République déjà dirigé par Daladier… De nombreux militants, syndicalistes, l'ont payé de leur vie, dont les fusillés de Châteaubriant, le jeune Guy Moquêt.

Même minimisation d'ailleurs, en bonne logique (anti-communiste), de l'apport des soviétiques à la libération de l'Europe, malgré leurs 22 millions de morts et les victoires décisives obtenus à un prix exorbitant pour stopper les Nazis. Est-il normal de n'attribuer qu'aux alliés américains et anglais de l'OTAN la libération de la France ? Un débarquement réussi en Europe de l'ouest et une progression pour libérer le territoire français étaient-ils envisageables sans la progression des soviétiques et leur contre-offensive en Europe de l'est ? Pourquoi ne pas avoir invité le chef d’État russe, quoiqu'on en pense par ailleurs, aux cérémonies du débarquement ?"

Ismaël Dupont

Hommage à Rol-Tanguy, compagnon de la Libération, en gare de Morlaix, place Rol-Tanguy, 12 juin 2019: photos de Pierre-Yvon Boisnard et discours d'Ismaël Dupont, articles du Télégramme et du Ouest-France

Littérature soviétique - Carnets de guerre de Vassili Grossman (Calmann-Lévy, présenté par Antony Beevor et Luba Vinogradova) - Suivi de Treblinka

Lundi, 11 Mai, 2020 - L'Humanité
Geneviève Darrieussecq ne connaît pas l'Histoire

La secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées oublie l’Union soviétique dans l’hommage aux pays qui ont vaincu les nazis. Et le sacrifice de millions de personnes.

 

Le 8 mai, date anniversaire de la victoire sur les nazis, la secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq, s’est fendue d’un tweet dans lequel elle tient « particulièrement à saluer nos alliés. Leur contribution à la victoire sur l’Allemagne nazie et à la fin de la #2GM en Europe a été à la hauteur de leurs sacrifices. Immense. » Elle poursuit : « La France n’oubliera jamais ce qu’elle leur doit. La paix et la liberté. » Elle accompagne son tweet de drapeaux. Celui des États-Unis, de la Grande-Bretagne, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.

Dramatique ! Membre du gouvernement de la France, elle occulte le sacrifice de l’Union soviétique, qui a perdu 20 millions de personnes dans sa lutte contre le IIIe Reich, dont l’Armée rouge a planté son drapeau sur le toit du Reichstag, à Berlin. Elle oublie également la lutte essentielle de la Résistance française, alors qu’Henri Rol-Tanguy, chef communiste des FFI de Paris, avait reçu, en compagnie du général Leclerc, la reddition allemande. La secrétaire d’État nie aussi, en l’omettant, l’apport de tous ces combattants venus de ce qui était encore les colonies françaises.

De deux choses l’une. Soit Geneviève Darrieussecq ne connaît pas l’Histoire, ce qui serait profondément dramatique de la part d’une personne détenant un poste ministériel. Soit elle a sciemment biffé l’apport déterminant de l’Armée rouge dans la victoire contre l’horreur nazie, ce qui serait proprement scandaleux. Dans tous les cas, il y a quelque chose d’inquiétant à cette (re)lecture, voulue ou non, de l’Histoire qui fait des Américains les grands libérateurs de l’Europe. On ne s’étonnera pas de savoir que, sur sa page Facebook, la Maison-Blanche ne mentionne que les États-Unis et la Grande-Bretagne comme vainqueur des nazis, ce qui lui vaut une protestation de la Russie. Geneviève Darrieussecq a, depuis et sans explication, retiré son tweet mensonger.

Pierre Barbancey
Le Télégramme - 11 mai 2020 - Sans avoir la moindre sympathie pour Vladimir Poutine et son régime, comment ne pas être indigné par le révisionnisme de l'administration Trump qui nie la contribution décisive de l'URSS et des citoyens soviétiques, avec leurs 22 a 27 millions de morts, dans la victoire contre l'Allemagne nazie? Une telle négation de l'histoire est juste scandaleuse, une guerre a la vérité!

Le Télégramme - 11 mai 2020 - Sans avoir la moindre sympathie pour Vladimir Poutine et son régime, comment ne pas être indigné par le révisionnisme de l'administration Trump qui nie la contribution décisive de l'URSS et des citoyens soviétiques, avec leurs 22 a 27 millions de morts, dans la victoire contre l'Allemagne nazie? Une telle négation de l'histoire est juste scandaleuse, une guerre a la vérité!

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13 mai 2020 3 13 /05 /mai /2020 09:11

 

La domination monétaire des États-Unis, basée sur la centralité du dollar, s’est imposée après 1944 face aux projets alternatifs de structuration du système monétaire international, notamment face au plan Keynes de 1943, pourtant toujours d’actualité.

L’unilatéralisme du système monétaire « international » octroie à la puissance émettrice de la monnaie dominant les échanges internationaux, les États-Unis, un avantage lui permettant d’influencer les politiques économiques des pays faisant usage du dollar. En l’absence d’une monnaie proprement internationale, les participants aux échanges utilisent des monnaies nationales (en fait, seulement un petit nombre de monnaies nationales) pour procéder aux paiements internationaux. Ils sont aujourd’hui largement incités à faire usage de la monnaie américaine.

 

Le poids de l’acquisition de liquidité internationale

En raison de cette situation, les participants aux échanges s’exposent à un certain nombre de problèmes, particulièrement dans les pays sous-développés : problèmes liés à l’accès à la liquidité, avec des pénuries qui se manifestent durant les périodes de crise ; problèmes d’accès aux infrastructures de paiement en cas de sanctions dont la puissance émettrice de la monnaie peut faire usage. L’un comme l’autre sont utilisés par les États-Unis pour aligner les pays dépendants du dollar sur sa politique économique ou sur sa politique étrangère.
Le problème de l’acquisition de liquidité internationale n’est pas nouveau. Un effort s’impose de fait à l’ensemble des pays contraints d’utiliser une monnaie étrangère pour accéder aux échanges internationaux. Cette contrainte peut être expliquée selon la logique suivante : imaginons une entreprise située en Malaisie et ayant besoin de dollars américains nécessaires à ses importations de biens d’équipement et à sa trésorerie. L’entreprise va emprunter un montant P de dollars. Elle devra rembourser, à échéance, le principal plus les intérêts du prêt. Grâce aux dépenses d’investissement de biens d’équipement et à la mise en route de la production, l’entreprise va exporter et générer des revenus, avec lesquels elle pourra rembourser le prêt. Il faut donc que ces revenus soient supérieurs aux dépenses liées au remboursement du prêt (intérêts et principal). Cette contrainte de survie induit une pression compétitive qui pèse sur les marges de manœuvre du pays. Elle est d’autant plus pesante que les pays sont en concurrence sur les marchés d’exportations.
Le problème de l’accès à la liquidité apparaît clairement dans les épisodes de crise économique, qui donnent lieu à des rapatriements brutaux de capitaux et à un gel des crédits interbancaires. La crise de 2008 en a donné un fameux exemple. Elle était avant tout une crise dont l’épicentre était l’économie américaine, mais la crise de confiance du système bancaire américain a généré de graves dysfonctionnements dans le financement du commerce international. Certains pays, comme la Corée du Sud, qui n’auraient pas dû subir les effets – ou très peu – de la crise des subprimes ont été victimes d’une pénurie de dollars.

L’hégémonie monétaire des États-Unis contre le plan Keynes de 1943 (Revue PCF « Cause Commune » -  Adrien Faudot)

Ayant eu très tôt conscience du problème de la rareté de la monnaie internationale, dès Bretton Woods, les gouvernements ont créé des institutions pour essayer de réallouer la liquidité. La tentative de l’économie mondiale de se doter d’institutions telles que le Fonds monétaire international, créé en 1944 par les accords de Bretton Woods ou d’instruments tels que les droits de tirages spéciaux (DTS), créés en 1969, pour redistribuer la liquidité internationale, se heurte à l’impossibilité de connaître à l’avance les besoins en liquidité générés par les échanges internationaux. Ce problème avait déjà été démontré par Keynes, lorsque celui-ci cherchait à défendre son plan.

Dans le cadre du système hérité de Bretton Woods, ces manquements résultent des préférences américaines en la matière. Alors que le plan Keynes prévoyait un système de découverts automatiques autant que de besoin pour les échanges internationaux, les États-Unis souhaitaient conserver à des fins de domination la main sur les leviers d’allocation de la monnaie « internationale ».

Pour se prémunir des épisodes de pénurie de liquidités, les autres pays doivent développer des stratégies complexes. Beaucoup tentent d’éviter toute pénurie en développant des stratégies d’accumulation de réserves de change, à travers des politiques mercantilistes. Cette stratégie est pénible à mettre en œuvre car elle demande des efforts considérables aux populations, et la concurrence internationale rend ses résultats incertains.

« Alors que le plan Keynes prévoyait un système de découverts automatiques autant que de besoin pour les échanges internationaux, les États-Unis souhaitaient conserver à des fins de domination la main sur les leviers d’allocation de la monnaie “internationale”. »

Une autre solution, réservée à un nombre réduit de pays, est de signer des accords de swaps (technique financière consistant en un échange de crédits) avec la Réserve fédérale, afin de se prémunir de tout risque de pénurie. Ces accords se sont développés à la suite de la crise des subprimes. Ils sont représentés dans le schéma de la page précédente. Les États-Unis se trouvent ainsi au centre d’un réseau de coopération entre banques centrales ayant pour but de maintenir constant l’approvisionnement en dollars. L’octroi des lignes de crédit par la banque centrale américaine dépend de critères politiques (exemple de l’Inde ou du Chili non retenus, contrairement au Mexique, ou au Brésil), la Réserve fédérale ne jouant le rôle de prêteur en dernier ressort international que pour une liste restreinte de pays alliés.

 

Les difficultés d’accès aux infrastructures de paiement

Venons-en au second problème, l’accès aux infrastructures de paiement. Les systèmes monétaires actuels reposent sur un système de paiement hiérarchisé. Les établissements bancaires créent la monnaie à l’occasion des opérations de crédit, et passent par leur compte à la banque centrale pour les règlements interbancaires. Les banques centrales fournissent les moyens de paiement interbancaires et assurent le bon déroulement des opérations. Points de passage obligés pour l’accès au système de paiement, elles imposent également des normes et des conventions, conditionnant l’accès au système. Les banques commerciales sont tenues de les respecter, faute de quoi elles pourraient se voir privées des opérations interbancaires, ce qui reviendrait à les exclure du système et conduirait à leur liquidation immédiate.

« La crise de 2008 était avant tout une crise dont l’épicentre était l’économie américaine, mais la crise de confiance du système bancaire américain a généré de graves dysfonctionnements dans le financement du commerce international. »

Or les institutions du dollar américain, qui centralisent les comptes et exécutent les paiements, appliquent les lois américaines. Dans ce cadre, lorsque l’OFAC (Office of Foreign Assets Control) place sur liste noire une série d’établissements, voire les entités d’un pays entier, il devient impossible pour tout acteur relié aux systèmes de paiement américains de maintenir des relations commerciales avec ces entités. La banque BNP-Paribas en a fait les frais en 2014 en payant une amende record de 8,9 milliards d’euros, après avoir été traduite en justice pour avoir réalisé des transactions avec des entités figurant sur la liste noire de l’OFAC (Iran, Soudan, Cuba).

Cette arme est punitive, mais aussi dissuasive. Si la France décidait de reprendre son commerce avec l’Iran, les entités françaises se verraient rapidement interdire l’accès non seulement au marché américain mais aussi aux systèmes de paiement en dollars, c’est-à-dire au marché mondial. La France a donc choisi de suivre la diplomatie américaine et de se retirer de fait de l’accord de Vienne. Bien sûr, au-delà de la dimension monétaire et du système de paiement, la puissance militaire et économique américaine a certainement joué un rôle important. Ainsi, en dépit du lancement du mécanisme de compensation INSTEX, qui devrait permettre de poursuivre des transactions avec des firmes iraniennes en contournant le dollar, les entreprises françaises se sont tout de même retirées d’Iran, ce qui montre que l’impérialisme états-unien a d’autres cordes à son arc.

 

Refonder le système monétaire sur des bases réellement internationales

Dans le contexte actuel, le plan Keynes avance des propositions intéressantes pour refonder le système monétaire sur des bases réellement internationales et émancipées de la domination unilatérale du dollar, au-delà même des objectifs politiques poursuivis par Keynes (défenseur des intérêts britanniques).
Le plan prévoit la création d’une chambre de compensation en monnaie internationale (bancors) pour les paiements interbancaires internationaux, avec des découverts automatiques pour les pays débiteurs. Les problèmes de liquidité seraient résolus puisque la création de bancors ne serait pas conditionnée à des dépôts préalables de la part des pays membres. La chambre de compensation agirait comme une agence centrale assurant le financement du commerce international, le temps que s’opèrent les rééquilibrages entre débiteurs (importateurs nets) et créditeurs (exportateurs nets).

« Si la France décidait de reprendre son commerce avec l’Iran, les entités françaises se verraient rapidement interdire l’accès non seulement au marché américain mais aussi aux systèmes de paiement en dollars, c’est-à-dire au marché mondial. »

Concernant le pouvoir de contrôle de l’infrastructure de paiement, l’instauration du plan Keynes pourrait être aussi l’opportunité de séparer le système des paiements internationaux de la portée directe des appareils gouvernementaux nationaux. Il s’agirait de créer un organe dont la direction serait élue par ses nations membres et partagée par celles-ci. De cette manière il serait impossible, pour un membre, de décider de manière unilatérale qu’un autre membre soit exclu des paiements internationaux.
Puisque l’International Clearing Bank serait en quelque sorte « la banque centrale des banques centrales », il s’agirait ici d’appliquer le principe de distanciation qui caractérise déjà les systèmes bancaires domestiques, en vertu duquel les banques commerciales se plient, par une sorte de soumission volontaire, à la banque centrale au-dessus d’elles.

Il est tout à fait concevable d’imaginer un système de prise de décision interne à la chambre de compensation suivant les principes du multilatéralisme, à l’image des organismes onusiens aujourd’hui. L’établissement de la chambre de compensation et son succès devraient reposer sur des règles internationales s’imposant à tous.
Au demeurant, la mise en œuvre du plan Keynes devrait très largement freiner les aspects les plus négatifs de la dynamique de la globalisation financière. Le plan Keynes devra s’accompagner de contrôles pour assurer que les flux internationaux soient comptabilisés et intégrés dans la matrice de la chambre de compensation, ce qui faciliterait la lutte contre l’évasion fiscale ou le blanchiment.

On voit ainsi que, dans l’optique de proposer un système monétaire véritablement international et multilatéral, le plan Keynes est toujours d’actualité, et peut même aider à résoudre des problèmes pour lesquels il n’a pas été conçu. 

 

Adrien Faudot est économiste. Il est maître de conférences à l’université Grenoble Alpes.

Accords bilatéraux de swaps entre banques centrales, en octobre 2015. Les États-Unis ont contracté des accords importants permettant d’assurer avec les banques centrales des pays signataires l’approvisionnement en dollar américain. D’autres pays, à l’image de la Chine, ont signé des accords similaires pour favoriser l’accès à leur monnaie respective.

Source : S. Bahaj et R. Reis, « Central bank swap lines », Credit, Banking and Monetary Policy, BCE, Francfort, 23 octobre 2017.

Cause commune n° 16 • mars/avril 2020

 

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13 mai 2020 3 13 /05 /mai /2020 06:07
Pourquoi Trump a besoin de faire de la Chine son bouc émissaire - Par Bruno Odent, L'Humanité - 12 mai 2020
Mardi, 12 Mai, 2020
Pourquoi Trump a besoin de faire de la Chine son bouc émissaire

Critiqué pour sa gestion des crises sanitaire et économique qui ravagent son pays, le président en campagne pour sa réélection multiplie les invectives et les accusations contre la Chine pour détourner l’attention, au risque de l’escalade.

 

Donald Trump ne cesse de hausser le ton à l’égard de la Chine, au risque d’alimenter de dangereuses tensions internationales. Il est allé jusqu’à accuser Pékin d’avoir sciemment laissé échapper le Covid-19 d’un laboratoire de Wuhan pour affaiblir les États-Unis et le monde occidental. De multiples études scientifiques invalident désormais formellement cette thèse. Mais qu’importe, le locataire de la Maison-Blanche et son secrétaire d’État, Mike Pompeo, insistent. Quoi qu’il en soit de l’origine du virus, « l’épidémie, martèle désormais Trump, aurait dû être arrêtée à la source qui était la Chine, mais ça n’a pas été le cas ». Le recours à l’agitation du « complot contre l’Amérique », un standard de l’extrême droite populiste états-unienne qui inspira le fameux écrivain Philip Roth, est actionné pour trouver un bouc émissaire aux menaces que fait peser la gestion de la crise par l’administration Trump sur la vie et l’emploi des citoyens des États-Unis.

Trump revoit sa ligne de campagne pour sa réélection en novembre

Pékin est montré du doigt dans un pays qui déplore dans la pandémie aujourd’hui au moins 80 000 victimes, quelque 1,3 million d’infections avérées et qui compte plus de 30 millions de chômeurs, soit un niveau qui renvoie à celui atteint lors de la Grande Dépression dans les années 1930. L’accusation doit détourner l’attention des responsabilités écrasantes du président dans la gestion de la crise sanitaire et dissuader d’interroger l’incurie d’un système de santé odieusement inégalitaire comme celle d’un contre-modèle social qui fait le plus souvent des salariés une simple variable jetable pour le patronat et les stratèges de Wall Street, obnubilés par leur priorité absolue au principe de retour de rentabilité pour l’actionnaire (shareholder value).

Donald Trump avait fait des performances de l’économie son principal argument pour sa réélection à la présidence en novembre prochain. Les crises sanitaire et économique ont totalement réduit à néant cette ligne de campagne. D’où le forcing auquel il se livre avec la complicité des gouverneurs républicains pour une réouverture rapide de l’économie, au mépris du risque d’une nouvelle flambée de la pandémie et de dizaines de milliers de victimes supplémentaires.

Fébrile, Trump tente de jouer de toute la panoplie de son répertoire, fort étendu au demeurant, de démagogue pour garder la main. Avant la Chine, il s’en est pris ainsi récemment à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à qui il a annoncé, en pleine pandémie, qu’il couperait les vivres en l’accusant d’avoir trop tardé à sonner l’alerte parce qu’inféodée à des intérêts chinois… déjà.

La Maison-Blanche a misé sur le Pentagone pour négocier

Les migrants venus du Mexique sont abonnés de longue date à cette fonction de boucs émissaires, indispensables à la narration politique (story telling) du magnat de l’immobilier. Il use de ce registre au parfum xénophobe à chaque occasion. Mais, surtout, quand il affronte un passage délicat, comme à la veille des élections de mi-mandat en 2018 où le Parti républicain était donné en perte de vitesse. Cette fois, au nom de l’état d’urgence sanitaire, il n’a plus seulement décidé d’étendre et de fortifier son mur de la honte à la frontière sud du pays, mais de carrément interdire toute immigration « pour, dit-il, préserver l’emploi des Américains ».

Loin de se réduire aux dérapages peu contrôlés d’un personnage versatile, ces attaques sont en parfaite cohérence avec une ligne stratégique nationale-libérale aussi précise qu’élaborée. Ce qui rehausse encore les dangers des dissensions croissantes avec la Chine. Donald Trump a beaucoup misé sur le Pentagone pour négocier, dans le cadre de la « diplomatie du deal » qu’il appelle de ses vœux, un retour ou une consolidation de l’hégémonie contestée de l’hyperpuissance. Il a augmenté coup sur coup, depuis son accession au pouvoir, les budgets militaires de 10 %. Ce qui fait des États-Unis le pays dont les dépenses d’armements équivalent à celles des dix puissances qui les suivent, Russie, France, Grande-Bretagne et Chine comprises. Il a consolidé sa force de frappe nucléaire qu’il prétend maintenant banaliser pour un éventuel usage hors dissuasion. Et il a pu achever le « pivot », entamé par Barack Obama, du déplacement du centre de gravité des forces armées états-uniennes sur la planète, du Moyen-Orient vers les pourtours de la Chine.

Un soutien inconditionnel de Washington à Taïwan

Trump met également de l’huile sur le feu d’une relance de la guerre commerciale en menaçant d’instaurer de nouvelles « taxes punitives » sur les importations chinoises. Les stratèges du national-libéralisme au sein de l’administration, comme l’économiste Peter Navarro, ont théorisé depuis des années un rééquilibrage, coûte que coûte, des échanges commerciaux entre les deux pays au profit des États-Unis. Trump a interdit ou fait interdire, par certains des plus dociles de ses alliés occidentaux, toute livraison de matériel par le géant chinois des télécommunications Huawei. Et il a manifesté une intransigeance encore plus autoritaire le 1er Mai dernier en bannissant, au nom de la sécurité nationale des États-Unis, tout achat d’équipements « conçus, développés, fabriqués ou fournis » par des entités agissant sous le contrôle « d’adversaires étrangers ». Ambiance.

Cette exacerbation des frictions fait craindre que l’escalade ne finisse par déboucher sur une véritable conflagration militaire. « La Chine ne sera pas l’Irak », a prévenu, durant le week-end dernier, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Pékin, en allusion directe aux capacités de ripostes martiales de l’empire du Milieu.

La virulence des attaques du président des États-Unis est d’autant plus préoccupante qu’elle bénéficie d’une approche quasi consensuelle des élus de l’opposition démocrate sur la question chinoise. Le Congrès a ainsi adopté à l’unanimité au Sénat comme à la Chambre des représentants, où les membres du parti de Joe Biden sont majoritaires, une loi approuvée par le président qui réaffirme un soutien inconditionnel de Washington à Taïwan. Soit une véritable provocation à l’égard de Pékin, qui ne cesse de réaffirmer que l’île est partie intégrante de la Chine.

Bruno Odent
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13 mai 2020 3 13 /05 /mai /2020 06:02
Inde : pour les travailleurs, le monde d’après est un brutal recul (Lina Sankari, mercredi 13 mai 2020)
Mercredi, 13 Mai, 2020
Inde : pour les travailleurs, le monde d’après est un brutal recul

Dans une volonté d’attirer les investisseurs européens et américains, plusieurs États sabordent le droit du travail. A coups de «mesures barbares» dénoncées par la Centrale des syndicats, la course au moins-disant social est lancée.

 

Laboratoire de la haine confessionnelle, l’Uttar Pradesh est désormais la petite officine de la casse sociale en Inde. L’État septentrional, dirigé par le moine extrémiste hindou Yogi Adityanath, a décidé de suspendre, le 6 mai dernier et pour trois ans, trente-cinq lois de protection des travailleurs au prétexte de relancer l’économie et de ne pas laisser au bord de la route les migrants qui ont quitté New Delhi à l’annonce du confinement. Selon le ministre du Travail de l’État, Swami Prasad Maurya, seules quatre dispositions législatives devraient survivre au capitalisme autoritaire qui se dessine dans un pays où les ouvriers des petites usines n’ont déjà pas de contrat de travail et où les inspections sont rares : l’une sur le BTP, deux autres sur les accidents du travail et le paiement régulier des salaires et la dernière sur le travail forcé. Les lois relatives au paiement des primes et au versement des prévoyances deviennent toutefois caduques. Il en va de même pour les lois relatives aux syndicats et au règlement des conflits dans l’entreprise, les contrats de travail, la santé et la sécurité.

Des «conditions esclavagistes»

L’opposition n’a pas tardé à réagir : « Détruire la main-d’œuvre revient à détruire la croissance économique. L’agenda diabolique du BJP (Parti du peuple indien au pouvoir - NDLR) doit être combattu et vaincu pour sauver l’Inde », s’est indigné le secrétaire général du Parti communiste d’Inde-marxiste (CPI-M), Sitaram Yechury. Dans un même mouvement, la Centrale des syndicats indiens (Citu) a dénoncé « des mesures barbares qui visent à imposer des conditions esclavagistes aux travailleurs qui créent réellement la richesse du pays brutalement pillée par les capitalistes et les grandes entreprises ».

4 heures de travail en plus par jour sans augmentation

Le Madhya Pradesh et le Gujarat, également dirigés par le BJP, et le Rajasthan, où le Congrès a la majorité, ont pris des dispositions similaires, dont certaines devront passer par le niveau fédéral avant validation. Les syndicats s’inquiètent déjà de voir une majorité d’États s’engager dans cette course au moins-disant social afin de ne pas faire fuir les investisseurs. Le Madhya Pradesh a ainsi fait passer le temps travail journalier de huit à douze heures sans augmentation de salaire. Grâce à un assouplissement de la loi sur le travail contractuel, les entreprises locales auront la possibilité d’embaucher et de licencier « à leur convenance » mille jours durant. Enfin, les entreprises ne sont plus tenues de respecter les normes de sécurité industrielle et les nouveaux ateliers seront exemptés des règles basiques d’accès aux toilettes ou de congés payés. Mieux, ils n’auront plus besoin d’informer le ministère du Travail en cas d’accident.

Profiter de la défiance à l’égard de la Chine

Cette vague antisociale précède les desiderata du patronat. Vendredi dernier, lors d’une réunion au ministère du Travail, la Confédération de l’industrie indienne a demandé que les salariés qui ne regagneraient pas leur poste faute de mesure de sécurité ou de la poursuite du confinement soient sanctionnés. Le ministre de tutelle a simplement indiqué travailler à de nouvelles dispositions législatives. Derrière cette attaque contre le droit du travail, une bataille du capital indien contre les capitaux européens et américains qui ont suspendu leurs commandes du jour au lendemain du fait de la crise du Covid-19. Le patronat indien se veut à l’initiative afin de faire revenir les investisseurs, voire d’en attirer de nouveaux à la faveur de la défiance qui touche désormais la Chine.

Lina Sankari
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13 mai 2020 3 13 /05 /mai /2020 05:56
Risque d’extinction de communautés indigènes en Amérique latine - Rosa Moussaoui - L'Humanité, 7 mai 2020

Jeudi, 7 Mai, 2020

 « Risque d’extinction » de communautés indigènes en Amérique latine

Rosa Moussaoui - L'Humanité

Les peuples autochtones, déjà affectés par une grande vulnérabilité sociale, économique et sanitaire, sont les plus exposés à la pandémie. Elle se conjugue, pour le pire, à des crimes environnementaux en plein essor.

Il est apparu plusieurs fois en larmes à la télévision, décrivant des « scènes de film d’horreur ». Ce mercredi, Arthur Virgilio, maire de Manaus, la capitale de l’Amazonie brésilienne, submergée par la pandémie de Covid-19, a encore lancé un déchirant appel au monde : « Pendant des décennies, nous avons joué un rôle important pour la santé de la planète, en conservant 96 % de notre forêt d’origine. Maintenant, en retour, nous avons besoin de personnel médical, de ventilateurs, d’équipements de protection, de tout ce qui peut sauver les vies de ceux qui protègent la grande forêt. » Jusqu’ici, l’État d’Amazonas, le plus touché du Brésil, a enregistré, selon les chiffres officiels, 649 décès dus au coronavirus. Le système de santé public est au bord de l’effondrement : plus de 95 % des lits en réanimation sont occupés et la région présente le taux de létalité le plus haut du pays.

Comme redouté, les populations indigènes, déjà affectées par une grande vulnérabilité sociale, économique et sanitaire, sont les plus exposées à la pandémie et à ses conséquences. Certaines communautés en danger interdisent désormais l’entrée de leur territoire aux étrangers, mais le sort des indigènes vivant en zone urbaine, dans la pauvreté, est tout aussi préoccupant. C’est en fait une véritable crise humanitaire qui s’installe.
Pauvre et isolée, l’Amazonie colombienne, touchée à son tour

Depuis l’épicentre brésilien, le coronavirus s’est frayé un chemin dans la forêt, propagé par les intrus : orpailleurs clandestins, pilleurs de bois et grileiros qui profitent de la suspension des patrouilles pour défricher des terres qu’ils accaparent. Pauvre et isolée, l’Amazonie colombienne, touchée à son tour, détient déjà, aux confins sud du pays, le funeste record du taux de Covid-19 le plus élevé, avec 30 cas pour 10 000 habitants. Un bilan probablement sous-évalué, faute de moyens de dépistage. « Ici, il n’y a pas d’eau potable, le système de santé est très précaire. Si le virus se propage, les morts seront inimaginables », se désespère Arley Canas, un Inga vivant dans la réserve d’Uitiboc. L’Organisation nationale indigène de Colombie va jusqu’à redouter un « risque d’extinction » des populations autochtones. L’inquiétude est particulièrement vive pour les communautés isolées. « L es indigènes qui vivent en isolement volontaire sont spécialement vulnérables aux maladies infectieuses, du fait qu’ils n’ont aucune immunité face à la majorité de ces maux », résume Claudette Labonte, une porte-parole de la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien.

    Voir aussi : Brésil. À Manaus, "on se croirait dans un film d'horreur"

La crise sanitaire présente ravive, de ce point de vue, une mémoire douloureuse : celle de la colonisation bien sûr, avec des peuples décimés par les maladies apportées par les conquérants, mais aussi celle des années 1960 et 1970, quand la varicelle, la rougeole et la ­coqueluche, propagées par l’expansion des plantations d’hévéa, semaient la mort, tuant, dans certains villages, jusqu’à la moitié de la population.
Une gigantesque fuite de pétrole brut prive d’eau et de pêche 27 000 indigènes

Pour ces communautés fragilisées, la crise sanitaire se conjugue aujourd’hui pour le pire avec la destruction de leur habitat et des crimes environnementaux en plein essor. Encouragée par Bolsonaro avec son projet de loi qui « propose la libération des territoires autochtones pour l’exploitation des minéraux et des ressources en eau », la déforestation, au Brésil, bat son plein. D’après les données relevées par satellite, elle est en hausse de 71,2 % par rapport à la même période en 2019. Dans un autre registre, en Équateur, plusieurs dizaines de communautés indigènes viennent de saisir la justice contre les entreprises pétrolières et l’État, après une gigantesque fuite de pétrole brut qui a pollué la rivière Napo, un affluent de l’Amazone, privant d’eau et de pêche 27 000 indigènes des ethnies kichwa et shuar, en pleine crise sanitaire.

Avant la pandémie, déjà, les peuples autoch­tones étaient engagés dans une lutte historique pour leur survie . « Il y a longtemps, notre maison a été envahie par des gens qui ne pensaient qu’à la richesse. Ils sont entrés et nous ont tués avec des maladies que nous ne connaissions pas, écrit Francineia Fontes, du peuple Baniwa, dans un texte publié par Amazonia Real. Nous sommes originaires de cette terre et nous sommes fiers d’appartenir à des peuples qui luttent pour délimiter leurs territoires, ­résistent et continuent d’exister. Avec ou sans pandémie, nous continuerons. »

 

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12 mai 2020 2 12 /05 /mai /2020 09:08

 

 

En 2007, cinq grandes banques de marché incarnaient la puissance de Wall Street : Merrill Lynch, Goldman Sachs, Morgan Stanley, JP Morgan Chase et Lehman Brothers. Aucune n’est sortie indemne de la crise financière de 2007-2008. Et pourtant, treize ans plus tard, Wall Street règne à nouveau, plus que jamais, sur le système financier occidental.

Lehman Brothers a disparu du jour au lendemain, le 15 septembre 2008. Merrill Lynch a été absorbée par une grande banque de dépôt, Bank of America. JP Morgan Chase résulte aujourd’hui d’une série de fusions et de prises de contrôle, dont celles, en 2008, de Bear Stearns et Washington Mutual, deux protagonistes de la crise des subprimes en faillite. Morgan Stanley n’a survécu qu’en recevant la plus grosse part des fonds publics avancés d’urgence, au plus fort de la crise, par l’État américain. Et pourtant, treize ans plus tard, Wall Street règne à nouveau, plus que jamais, sur le système financier occidental.

 

L’institution la plus emblématique de cette domination : BlackRock

Aujourd’hui, l’institution la plus emblématique de cette domination aux yeux du public n’est pas exactement une banque. C’est un organisme spécialisé dans les placements en Bourse, qui a son siège à Manhattan (et des implantations dans une dizaine de paradis fiscaux) : BlackRock, le premier gestionnaire d’actifs du monde, à la tête de 6 000 milliards de dollars (trois fois le total des placements de toutes les compagnies d’assurances en France). La mobilisation pour les retraites a mis en évidence son influence sur le gouvernement Macron. On a pu noter qu’en France il possède des participations dans dix-huit sociétés du CAC40 ; par exemple, plus de 5 % dans ATOS dont le P.-D.G., Thierry Breton, vient d’être nommé commissaire européen. On ne sera pas étonné d’apprendre que le président du conseil de surveillance de BlackRock Allemagne, Friedrich Merz, est l’une des personnalités susceptibles de succéder à Angela Merkel comme chancelier fédéral…

BlackRock fait partie de ce qu’on appelle le shadow banking, cet ensemble d’institutions qui participent à la circulation de l’argent sans avoir le statut de banque et sans être soumises aux réglementations et à la surveillance qui encadrent l’action de la profession bancaire.

Ce poids des marchés financiers – concrètement, aujourd’hui, ces réseaux de salles de marchés où s’échangent des titres tels que les actions, les obligations, les titres du marché monétaire et tous les « produits dérivés » conçus pour faciliter toutes les formes de spéculation – est un trait caractéristique des économies nord-américaines. Aux États-Unis, les banques ne gèrent que 23 % des actifs circulant dans le système financier (58 % en France, 52 % en Allemagne, 48 % au Japon). En revanche, la part des fonds de pension et des autres intermédiaires financiers tels que les gestionnaires d’actifs comme BlackRock et les fonds de placement spéculatifs (hedge funds) atteint 53 % aux États-Unis contre 16 % en France, 22 % en Allemagne, 17 % au Japon. En d’autres termes, le financement de l’économie qui, en Europe, est pour l’essentiel une affaire négociée entre des banques et leurs clients, passe aux États-Unis par l’émission de titres qui s’échangent ensuite entre des organismes dont le métier est de spéculer sur la hausse ou la baisse de leurs cours. C’est cette titrisation, appliquée au financement par les ménages américains de leurs acquisitions de logements, qui a transformé en 2007 le krach dit « des subprimes » et la plus grave crise économique depuis la Deuxième Guerre mondiale.

 

En permanence les banques font crédit aux spéculateurs

Cela ne veut pas dire que les banques joueraient un rôle secondaire dans le système financier américain. Au contraire, les marchés de titres ne fonctionnent que parce qu’en permanence les banques font crédit aux spéculateurs. La monnaie créée par le crédit est le fluide vital qui alimente le cancer financier, alors que le métier des banques devrait être d’alimenter la création de richesses par le travail des femmes et des hommes.

« BlackRock fait partie de ce qu’on appelle le shadow banking, cet ensemble d’institutions qui participent à la circulation de l’argent sans avoir le statut de banque et sans être soumises aux réglementations et à la surveillance qui encadrent l’action de la profession bancaire. »

Le système bancaire américain est assez fragmenté. Il comprend près de six mille banques dont la plupart n’exercent leur activité qu’au niveau local. Il a cependant connu un processus de concentration, d’abord avec la libéralisation financière des années 1980, qui a permis à des holdings bancaires de posséder des filiales dans plusieurs États, et qui a abouti à l’abolition, en 1999, du Glass-Steagall Act qui, depuis 1933, interdisait aux banques commerciales d’émettre, de placer ou de négocier des titres sur le marché financier. Ensuite, les restructurations qui ont suivi la crise de 2007-2008 ont renforcé la taille et la puissance des quelques grandes banques qui ont pignon sur rue à Wall Street, en particulier les plus grandes : JP Morgan Chase, Bank of America, Goldman Sachs, Wells Fargo dominent le marché monétaire du dollar, l’émission des titres de la dette publique américaine, les fusions, acquisitions, restructurations du capital des multinationales, la circulation des capitaux et l’optimisation fiscale, la fourniture de liquidités aux fonds de placement, hedge funds et autres acteurs du shadow banking

 

Le cœur financier du monde

Au total, Wall Street, à la pointe de Manhattan où se situent les sièges des grandes banques et celui de la Réserve fédérale de New York, est bien le cœur financier de l’Amérique ; c’est du même coup le cœur financier du monde.

Le dollar est la première monnaie mondiale de facturation du commerce international. Quiconque veut commercer en dollars doit donc avoir accès au système bancaire des États-Unis qui, seul, peut bénéficier d’un refinancement par la Réserve fédérale américaine, l’équivalent, outre-Atlantique, de la Banque centrale européenne. De fait, toute l’économie mondiale dé­pend des autorités américaines. Un épisode très significatif l’a montré. Au début de la crise de 2007-2008, la Réserve fédérale des États-Unis a passé des accords de swaps avec la BCE et d’autres banques centrales du monde, pour pouvoir leur fournir en urgence des dollars. Sans cette action, les banques européennes en manque de liquidités auraient risqué de connaître le sort de Lehman Brothers.

L’hégémonie du dollar va en effet bien au-delà de son seul rôle dans la facturation des transactions commerciales. La monnaie des États-Unis est la première monnaie de réserve internationale, et 50 % des crédits bancaires internationaux sont libellés en dollars.

« La monnaie créée par le crédit est le fluide vital qui alimente le cancer financier, alors que le métier des banques devrait être d’alimenter la création de richesses par le travail des femmes et des hommes. »

Ainsi, un seul État, celui des États-Unis, a le privilège d’émettre librement et à un coût nul cette véritable monnaie mondiale. Comme les entreprises et les États du monde entier souhaitent que leurs réserves internationales soient libellées en dollars, cette émission peut prendre d’énormes proportions sans mettre en péril la crédibilité de la monnaie américaine, ni affecter de façon incontrôlable son cours sur le marché des changes. Cela fait de la monnaie américaine le vecteur majeur d’une mondialisation financière structurée par les multinationales et polarisée autour de Wall Street.


Périls financiers et écologiques

« La fragmentation des chaînes de valeur mondiale des multinationales, l’ouverture générale à la globalisation financière, sa domination sur le crédit bancaire pour des surendettements et les opérations spéculatives, sans parler de la prolifération des services bancaires parallèles (shadow banking) appuyant la fraude, la corruption et le banditisme, ont fait exploser l’usage et le besoin du dollar.< « Drogué au dollar comme jamais, le monde devient fou à l’idée d’en manquer. » (Yves Dimicoli, rencontres internationales « Que faire face à la mondialisation capitaliste ? » organisées par le PCF et la revue Économie et politique, les 7 et 8 février derniers.)

Mais c’est aussi pourquoi l’hégémonie du dollar et de Wall Street n’a jamais été aussi fragile. Elle est mise en cause par la montée des périls qui accompagnent la crise actuelle de la mondialisation capitaliste. Périls financiers : l’inflation des prix des actifs financiers, en particulier ceux de la dette publique américaine prépare un krach plus retentissant encore que celui de 2007. Périls écologiques : l’ère du dollar s’identifie à celle du pétrole. Périls politiques avec la guerre économique de Trump contre la Chine, qui est en même temps l’un des principaux créanciers du Trésor américain, et qui a pris différentes initiatives, avec les autres pays émergents, pour mettre en place des institutions financières internationales émancipées de la tutelle des États-Unis, jusqu’à proposer le remplacement du dollar par un nouvel instrument de réserve international développé à partir des droits de tirage spéciaux du FMI, une idée déjà exprimée par Paul Boccara en 1983.
L’avenir de la civilisation dépendra ainsi des possibilités de convergence entre les multiples contestations de l’hégémonie financière et monétaire du néo-impérialisme américain : celle des pays émergents, celle qui s’exprime aux États-Unis même avec la montée d’une gauche hostile à Wall Street, celle des luttes pour un modèle social européen émancipé de la dictature des marchés financiers. 

Denis Durand est économiste. Il est directeur de la revue Economie & Politique.

Cause commune n° 16 • mars/avril 2020

 

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