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13 avril 2020 1 13 /04 /avril /2020 05:04
Vendredi, 10 Avril, 2020 - L'Humanité
Pandémie : l'Union européenne fait déjà payer l'addition aux peuples

Après deux semaines d’échanges houleux, les ministres des Finances de la zone euro trouvent un accord, mais sur la ligne imposée par l’Allemagne et les Pays-Bas. La mutualisation des dettes est renvoyée aux calendes grecques et les prêts aux Etats, hors dépenses de santé, serviront à surveiller strictement les politiques des Etats membres. 

 

L’Eurogroupe se joue à 19 et, à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne. Ou alors, parfois aussi, ces derniers temps, les Pays-Bas, mais c’est tout comme... C’est sous leurs propres applaudissements, nous font-ils savoir, que les ministres des Finances de la zone euro ont, jeudi, dans la nuit, achevé une visioconférence concluante. Au bout de quinze jours de déchirures au sein de l’Union européenne - et seize heures de discussions infructueuses dans la nuit de mardi à mercredi ( vous pouvez en lire ici le récit ) -, ils ont réussi à adopter un plan «de sauvetage» pour soutenir les Etats membres face à la pandémie du nouveau coronavirus et ses conséquences économiques, financières ou sociales.

Dans le détail, les aides se répartissent sur trois piliers: un mécanisme de co-financement du chômage partiel, baptisé SURE («Soutien d’urgence pour contrer les risques en matière d’emploi»), pour un montant de 100 milliards d’euros, un programme de distribution de 200 milliards d’euros de liquidités aux entreprises par la Banque européenne d’investissement (BEI) et le recours au Mécanisme européen de stabilité (MES) qui pourra établir, pour les Etats membres en difficulté, des lignes de crédit jusqu’à un total de 240 milliards d’euros.

Selon Olaf Scholz, le ministre allemand des Finances, «c’est un grand jour pour la solidarité européenne». «Il est important que nous tous apportions une réponse commune qui permette à nos États de surmonter les défis sanitaires mais aussi les défis économiques suscités par la pandémie de Covid-19», communique-t-il. Bruno Le Maire, son homologue français, en fait également des tonnes. «Chacun a été très marqué par les 16 heures de négociations de la nuit derrière, décrit-il. Passées l’émotion et la fatigue, chacun a vu qu’il n’était pas possible de continuer comme ça. C’était soit un accord, soit un risque de dislocation européenne. L’Europe décide et se montre à la hauteur de la gravité de la crise.»

En réalité, derrière ces narrations grandiloquentes destinées à convaincre de la centralité du «couple franco-allemand», les conceptions toujours marquées, malgré la pandémie, par l’obsession austéritaire l’ont emporté, sans contestation possible. Pour une solidarité substantielle - sans même parler de l’indispensable bouleversement d’un système qui contraint les Etats à se vendre sur les marchés financiers -, il faudra repasser, et pas avant un bon moment ! Dans l’accord conclu, aucune trace de «corona bonds» ou «euro bonds», ces obligations émises à l’échelle de l’Union européenne qui permettraient une forme de mutualisation des dettes publiques entre les Etats membres et qui étaient réclamées par l’Italie, l’Espagne et sept autres pays. Pas plus de signe tangible d’un fonds commun «de relance», contrairement à ce qu’affirme Bruno Le Maire. Le sujet est renvoyé au niveau du Conseil européen, et donc des chefs d’Etat et de gouvernement. Ce qui correspond à la demande d’Angela Merkel qui ne compte pas s’engager sur cette voie avant l’automne. Par ailleurs, et plus essentiellement encore, loin des récits dans les médias dominants, ce vendredi matin, les aides potentielles du Mécanisme européen de stabilité (MES) seront accordées avec des conditions de contrôle sur les politiques économiques ou sociales et de surveillance budgétaire, à l’exception stricte des fonds utilisés pour financer les systèmes de santé. Ce qui était exactement, là aussi, la position du gouvernement des Pays-Bas et de ses soutiens autrichiens, suédois ou danois.

Après avoir annoncé sur tous les tons que l’Italie refuserait de solliciter le MES - par défiance à l’égard d’un système intrinsèquement lié aux programmes austéritaires qui, depuis une décennie, ont dévasté les Etats lors de la crise dite «des dettes publiques» -, Roberto Gualtieri, le ministre des Finances italien, tente de sauver la face, en promettant que le combat n’est pas fini. «On a mis sur la table les obligations européennes et retiré de la table les conditionnalités du MES, estime-t-il. Nous confions une proposition ambitieuse au Conseil européen, nous nous battrons pour la réaliser.» En miroir, Wopke Hoekstra, son collègue des Pays-Bas qui, rappelons-le, doivent leur bonne santé budgétaire à un système fiscal pillant les ressources des autres Etats membres ( lire aussi), rentre dans le détail avec une délectation non feinte: «Nous mettons en place un paquet conséquent qui va aider les pays à financer les coûts de santé, aider les entreprises et les salariés. Avec des conditions légitimes, il aidera également à reconstruire nos économies nationales à long terme. Le MES peut accorder une aide financière pour les dépenses médicales. Il sera également disponible pour du soutien à l’économie, mais avec des conditions. C’est juste et raisonnable.»

Ex ministre au sein du gouvernement d’Alexis Tsipras au premier semestre 2015 et bon connaisseur, par la force des choses, des arcanes de la machine de guerre austéritaire que reste l’Eurogroupe, Yanis Varoufakis réagit avec colère, loin des auto-congratulations et du storytelling béni-oui-oui. «L’Italie et les autres sont ligotés, écrit-il sur les réseaux sociaux. Ils ont accepté les prêts du MES, ce qui va les mener à une stricte austérité dans les prochaines années, de pitoyables prêts pour les entreprises de la BEI, un programme pseudo-fédéral contre le chômage et quelques miettes de charité... En contrepartie, ils seront condamnés à la récession permanente.» Le tacle est sévère, mais il n’y a pas faute. 

Thomas Lemahieu
Pandémie : l'Union européenne fait déjà payer l'addition aux peuples - L'Humanité, 10 avril 2020
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12 avril 2020 7 12 /04 /avril /2020 07:00
Tartous, 2010

Tartous, 2010

Damas, 2010

Damas, 2010

Damas, 2010

Damas, 2010

Damas, 2010

Damas, 2010

Alep, 2010

Alep, 2010

Retour en Syrie... 2010-2020...

Témoignage

(Épisode 1)

Dix ans, une révolution avortée et une guerre atroce sont passées sur ce pays dont la liberté et l'espoir ont été durablement confisqués, dont l'identité a été profondément chamboulée et altérée dans cette décennie de barbarie, de détresse et de deuil.

A l'été 2010, il y a bientôt dix ans, j'ai eu la chance de visiter pendant cinq semaines une partie de la Syrie avec ma famille. Damas, Bosra, Qanawat et le djebel druze, Tartous, Lattaquié, Hama, Apamée, le Krak des Chevaliers, les châteaux croisés de Marqab et de Saône, Alep, St Siméon, Serguilla, Maarat-al-Nouman, la frontière turque au nord, le monastère de Mar Moussa, la ville des Mille et une nuits de Raqqa, Palmyre, le village chrétien de Maaloula où l'on parle encore l'araméen, la langue de Jésus, Résafé, Ougarit, la ville du premier alphabet connu...

Un voyage touristique dans une dictature... C'est vrai … Mais faut-il s'interdire de rencontrer les peuples et les cultures d'une bonne moitié de la planète ?

Nous savions que le régime était dictatorial, policier, qu'il avait commis de nombreux crimes, notamment lors de l'occupation du Liban et contre les Frères Musulmans (en 82 à Hama, Alep, etc), les Kurdes et les opposants de gauche, notamment au début des années 1980 lors du règne de Hafez-al-Assad, mais nous voulions aussi découvrir un peuple, une histoire et une vieille culture métissée extrêmement riche du Proche-Orient, et il se disait à l'époque que Bachar-al-Assad avait à cette époque au moins partiellement « libéralisé » le régime, ce qui était évidemment une stratégie de communication éphémère, un leurre, la parenthèse d'ouverture n'ayant duré en réalité que quelques mois.

Nous avons trouvé là-bas des paysages et des villes antiques extraordinaires, une cuisine succulente, une histoire et une culture d'une extrême richesse et ancienneté, ouvertes à une grande diversité d'influences et d'héritages, et surtout des gens très accueillants, ouverts et chaleureux, dans un pays très jeune.

Nous avons été invités dans de nombreuses familles, à Tartous, Hama, Raqqa, Maraat al-Nouman, et eu des échanges amicaux avec plusieurs Syriens, sans doute plus que dans la plupart des autres pays que nous avons eu la chance de découvrir.

Bien sûr nous essayions de ne pas trop parler politique pour ne pas embarrasser nos interlocuteurs s'ils n'évoquaient pas eux-mêmes la question, conscients que c'était un sujet risqué pour eux, et où la liberté d'expression pouvait se payer cher. Nous avons sympathisé avec des gens qui ont certainement dû ensuite se retrouver, par contrainte, déterminisme ou choix, rattachés ou affiliés à des camps opposés dans la guerre civile. Pendant les premières années de la guerre, et toujours maintenant, même si on s'habitue au pire, nous avons eu honte de notre impuissance, et de l'inaction de la France et des démocraties, laissant Bachar-al-Assad commettre les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité les mieux renseignés, les fameuses "lignes rouges" étant franchies à de nombreuses reprises en toute impunité ...

En 2010, nous étions loin de nous imaginer que la révolte populaire et citoyenne, puis la révolution allait éclater 6 mois plus tard, ni qu'une guerre parmi les plus atroces de l'époque contemporaine, à rebondissements et renversements de fronts, une guerre qui dure déjà depuis 9 ans et qui n'est pas terminé, allait s'ensuivre, faisant, sur une population de départ de 24 millions, au moins 400 000 morts, 80 000 disparus, des dizaines de milliers de torturés dans les prisons de Bachar-al-Assad (un rapport d'Amnesty International en août 2016 établissait à 17 000 le nombre de prisonniers morts sous la torture dans les geôles inhumaines du régime entre mars 2011 et décembre 2015, plus 13 000 détenus victimes d'exécutions extra-judiciaires sur la même période), au moins 5,5 millions de réfugiés à l'étranger et 7 à 8 millions de personnes déplacées de l'intérieur en Syrie. Des centaines de milliers de personnes plongés dans l'extrême misère, dont les habitations et le cadre de vie ont été détruits, qui ont vu mourir de nombreux membres de leurs familles et des proches, et s'exiler de nombreux autres. Les millions de réfugiés syriens de l'intérieur et de l'extérieur, et ceux des villes aux habitations et infrastructures sanitaires en grande partie détruites, risquent encore de payer un prix exhorbitant avec l'épidémie du COVID-19. Quelques dizaines de médecins et de respirateurs artificiels pour les camps de réfugiés du nord de la Syrie, comment faire ?

Le pays que nous avons pu visiter en 2010 est aujourd'hui largement détruit, et pas simplement matériellement, on peut dire qu'il n'existe plus, et même si les bases de la société et de la culture sont toujours présentes sans doute, une partie des femmes et des hommes aussi, tous sont quelque part enfants de la guerre, modifiés par celle-ci, avec en plus pour ceux qui ont cru à la révolution et à une démocratisation la désillusion de l'espoir brisé, et du maintien au pouvoir d'un régime qui a fait la guerre à son peuple. Le pays, comme jadis le Liban, est aussi durablement clivé entre communautés, mémoires antagoniques, des procédés de déplacements forcés employés comme procédés de purification ethnique, confessionnel et politique, se sont multipliés et préparent de nouvelles tensions et drames à venir.

Ce n'est que trois semaines après notre voyage en Syrie, à l'occasion de la fête de l'Humanité, que nous avons rencontré et discuté avec un militant communiste syrien réfugié en France hostile au régime de Bachar-al-Assad (il y avait deux partis communistes au moins, l'un acceptant le simulacre de représentation légale dans une opposition compatible avec le régime, l'autre ayant complètement rompu avec le régime et étant persécuté, et les deux partis étaient présents à la fête de l'Humanité à quelques dizaines de mètres de distance), celui-ci nous ayant fait découvrir l'excellent essai de Caroline Donati « L'exception syrienne » sur la situation du régime syrien et de la société en 2009, et leur histoire proche et plus lointaine, que nous avons ouvert les yeux sur les violences et rapines de ce régime du temps de Bachar-al-Assad et sa fragilité due notamment à la fragilisation économique des classes moyennes avec la politique de libéralisation et de privatisation de secteurs clefs de l'économie, autrefois contrôlées démocratiquement, la politique de « modernisation », de « réformes structurelles », et de privatisation au profit d'un clan au pouvoir ayant marginalisé davantage le parti Ba’th et creusé les écarts entre une élite enrichie et « mondialisée » et une majorité appauvrie.

Bien sûr, si l'étincelle n'avait pas déclenché un soulèvement dans la Tunisie de Ben Ali, avec à peu près les mêmes causes et les mêmes revendications, ou sur la place Tahrir au Caire face au régime ploutocratique et policier de Hosni Moubarak, peut-être que le soulèvement de la société syrienne aurait été différé, ou pris d'autres formes. L'extrême violence de la répression des manifestations populaires laïques et multiconfessionnelles pour la dignité, le pain et la liberté, les snipers, l'emprisonnement, la torture et la mort pour mater des manifestants désarmés, a contribué à enclencher la militarisation du conflit en Syrie, les déserteurs de l'armée refusant de massacrer leur peuple n'ayant d'autre choix que celui de l'autodéfense et de prendre les armes contre le régime, les États du Golfe franchisant ensuite des groupes qu'ils armaient en fonction de leur propre agenda politique et de leurs intérêts idéologiques ou stratégiques.

C'est à l'été 2011 que commencent à se multiplier les désertions au sein de l'armée, sachant que le régime avait recours massivement à la conscription pour pouvoir contrôler les jeunes, les embrigader, et les enrôler dans son travail de police et de « pacification ». Les références et affiliations à différents groupes islamiques sunnites sont liées ensuite, pas forcément que à des projets idéologiques, mais à des besoins d'argent et d'armement pour pouvoir se battre, et donc à une logique de « franchise» et de communication à l'endroit des donateurs du monde arabe. La radicalisation sectaire et idéologique indéniable des groupes armés d'opposition, le développement du djihadisme islamiste, de la violence de chefs de guerre mafieux, l'arrivée de volontaires étrangers fanatisés, n'ont fait que croître au cours d'un conflit devenant de plus en plus brutal même si une grande partie des enrôlés dans la résistance armée se sont d'abord engagés pour défendre leur ville et leur quartier, se protéger ou se venger, eux et leurs proches, parvenir à destituer le tyran sanguinaire, l'enrôlement islamiste, plus ou moins superficiel, venant dans un second temps. Le devenir islamiste fondamentaliste d'une bonne partie de la résistance militaire à Bachar Al-Assad et ses alliés est également lié au manque de soutien effectif des « démocraties occidentales » vis-à-vis de la rébellion. Certes l'ASL a été armée en partie par les Français et les alliés des américains, et les milices kurdes par les Américains et les Français, mais il n'y a eu aucune protection militaire ou diplomatique efficace contre les bombardements, y compris aux armes chimiques, des villes et quartiers passés à la rébellion, aucune zone d'exclusion aérienne, aucune initiative probante pour stopper la puissance machine répressive et criminelle du régime et de ses Alliés. Du coup, la résistance a trouvé les alliés qu'elle a pu.

En France et en Europe, l'opinion a été relativement frileuse sur une intervention énergique (pas forcément une « invasion ») en Syrie pour protéger une population luttant à armes inégales contre une autocratie sanguinaire. Plusieurs facteurs : une tendance isolationniste et une indifférence teintée de fatalisme sur les conflits du reste du monde, la mise en doute des affirmations sur les crimes de guerre de Bachar al-Assad (tortures massives, attaques chimiques, populations civiles et hôpitaux ciblées spécifiquement), l'efficacité dans certains milieux de la thèse d'un régime particulièrement gênant pour l'impérialisme américain, voire pour les Israéliens, et aussi, une certaine acceptation culturaliste, « voire raciste », d'une violence qui ne concerne que les Arabes entre eux, voire de l'idée que la démocratie ne peut convenir aux Arabes et qu'une dictature laïque n'est qu'un moindre mal. Le fiasco des guerres d'ingérence en Libye, en Irak, en Afghanistan était aussi un argument sérieux.

La tactique de Bachar-al-Assad et de la garde rapprochée du régime, officiers de l'armée et des services de renseignement, élites économiques liées au clan alaouite au pouvoir, face à une révolte démocratique soutenue de par la majorité de la population, a été :

- La terreur militaire, policière, la fanatisation des chabbihas (délinquants souvent d'origine alaouite agissant comme milices au-dessus de toute loi civile et morale pour terroriser les populations supposées hostiles au régime), le viol comme arme de guerre, la torture systématique et la terreur carcérale pour éloigner les moins téméraires des manifestations et provoquer une radicalisation et une militarisation de l'opposition.
- Un discours se posant comme le garant du maintien d'une Syrie laïque et multiconfessionnelle face à la « menace » d'une prise de pouvoir des sunnites et des islamistes. Une politique visant à « communautariser » et « confessionnaliser » le conflit, et à maintenir pour le régime un bloc de soutien populaire chez les alaouites, les chrétiens, les druzes, au nom de la peur de l'Autre. La Syrie était composée en 2011 d'environ 75% à 80 % de Sunnites, de 10 % à 12 % d'Alaouites (entre 2 et 2,5 millions de personnes), moins de 8 % de Chrétiens rattachés à différentes églises (grecque orthodoxe, grecque catholique, syriaque, arménienne, etc), 5 à 10% de Druzes, 10 % de Kurdes (qui sont sunnites en majorité). L'image de propagande d'un régime protégeant les minorités, et tout particulièrement les Chrétiens, a un usage interne comme externe et aura une certaine efficacité persuasive sur les Occidentaux, notamment dans certains milieux chrétiens européens et à droite. Là encore, les horreurs de Daech en Syrie et en Irak vont servir à accréditer cette idée d'une dictature garante de la stabilité du pays et de la survie des minorités.
- Une politique pragmatique vis-à-vis des Kurdes acceptant provisoirement le fait accompli de leur autonomisation au nord du pays (Afrin, Rojava) en échange d'un accord de non-agression avec le régime et d'une lutte pour empêcher la progression de l'Armée Syrienne Libre. « Dès l'été 2011, le PYD est ainsi parvenir à négocier avec Damas son retour progressif dans les trois poches de peuplement kurde, du contrôle de la frontière et de l 'éloignement de l'Armée Libre Syrienne de ces régions, marquant ainsi le retour implicite d'une logique communautaire en zone kurde... En échange, les forces de sécurité (du régime) ne sont plus intervenues dans les trois régions kurdes au nord de la Syrie, ce qui leur a permis de se redéployer dans les villes de la Syrie centrale au printemps 2012 » (Arthur Quesnay et Cyril Roussel, dans Pas de printemps pour la Syrie).
- Une diabolisation des opposants, des terroristes « instrumentalisés » par les islamistes, des infiltrés de l'étranger, l'impérialisme occidental (d'abord américain, avec ses alliés européens, israéliens, du Golfe) quand le pouvoir, fort de son soutien à l'Iran et au Hezbollah, se voulait officiellement un adversaire résolu du sionisme et de l'hégémonie américaine dans la région (même s'il collaborait depuis des années avec les Etats-Unis, notamment en externalisant la torture contre les Islamistes et en en livrant certains aux Américains après 2001 pour être envoyés à Guantanamo).
- Une consolidation d'alliances internationales : avec la Russie, dont Bachar garantissait l'accès à la Méditerranée par le port de Tartous et le maintien de sa base militaire, et qui voulait contrer le développement de l'influence de l'OTAN, turque et américaine, dans la région, mais surtout engager un bras de fer gagnant avec les États-Unis et leurs alliés, les États oligarchiques, réactionnaires et atlantistes du Golfe. La bataille de Syrie a été pour la Russie une revanche sur les engagements trahis par l'invasion en Libye, et une manière de renforcer son image de puissance internationale sur le retour, avec une force de frappe militaire et stratégique sur laquelle il faut compter.
- La libération et l'instrumentalisation des militants islamistes les plus radicaux pour qu'ils constituent un front d'opposition violente susceptible de venir combattre et éradiquer l'opposition démocratique et laïque et de servir de « repoussoir » pour la société syrienne et la communauté internationale. Le régime syrien avait déjà utiliser au Liban cette instrumentalisation d'éléments islamistes radicaux.
- Une guerre de propagande et de désinformation à l'échelle nationale et internationale pour servir cette tactique.

Contre toute morale de l'histoire, cette tactique a fonctionné, même si le régime n'aurait pas tenu sans le soutien militaire au sol de l'Iran et du Hezbollah et par les bombardements aériens de la Russie de Poutine. Elle a eu des effets différés avec l'émergence de Daech, que le régime a laissé se développer à l'est du pays, qu'il n'a quasiment jamais affronté, mais qui lui a permis ensuite, auprès des occidentaux, de se poser en « mal nécessaire » et seul rempart contre un « foyer de terrorisme » dans un pays livré au chaos. Aujourd'hui, Bachar al-Assad, avec le plus parfait cynisme, la plus grande impudence, peut cracher sur ses victimes avec des formules du type : « le tissu social syrien se porte mieux qu'avant la guerre », « nous avons gagné une société plus saine et plus homogène » (propos tenus le 1er novembre 2016, cités par les auteurs de Dans la tête de Bachar al-Assad).

Le régime de Bachar-al-Assad a aussi bénéficié des divisions et du manque de légitimité populaire et de leadership de l'opposition en exil, divisions et défaut de légitimité qui sont allés croissants au cours du conflit, cette opposition étant un patchwork de personnalités politiques et de notables parrainés par les puissances étrangères hostiles à Bachar-al-Assad aux plans divergents, sans toujours de lien véritable avec la résistance s'organisant sur le terrain, dont les leaders sont rapidement devenus des chefs de guerre et des groupes armés en concurrence, pour le pouvoir, l'argent, la reconnaissance internationale, voire l'idéologie, avec la militarisation du conflit.

Mais revenons à 2011... Les quartiers qui se sont soulevés les premiers sont à la fois ceux où il y avait une visibilité de l'accaparement des richesses par une élite prédatrice, et ceux où la répression du régime a été immédiate et disproportionnée. Les quartiers mobilisés ont rapidement mis en place des coordinations locales organisant les manifestations, les rendez-vous et mots d'ordre, ce fut un espace d'invention et de première implication démocratique extraordinaire.

L'intellectuel de gauche, formé dans la culture communiste, Yassin al-Haj Saleh, esquissait une interprétation de classe de la révolution syrienne, valable aussi pour la Tunisie et l’Égypte, en y associant le poids de la mouvance islamiste, principale force d'opposition organisée à ces dictatures, même si ce n'était pas la force motrice et initiatrice du mouvement populaire en 2011, dans un article écrit à Damas en juin 2011 - « La révolution des gens ordinaires : questions morales, culturelles et politiques » : « Au final, on peut dire que la révolution syrienne a éclaté contre une modernisation économique libérale privilégiant les riches, contre une modernité sans contenu émancipateur, se limitant au secteur bancaire, aux universités privées et aux voitures de luxe. C'est une révolution contre un régime qui a fait de « modernisation et développement » une doctrine masquant la relation privilégiée et illégitime entre le pouvoir et l'argent. C'est une révolution contre les riches qui ont pillé le pays du temps du socialisme baathiste avant de devenir les seigneurs de l'économie libérale. Et contre les idéologues qui ont fait de la « modernité » une nouvelle religion... »

L'ensemble de l'article publié en France dans le recueil d'articles La Question Syrienne (Sindbad, Actes Sud, 2016, Yassin al-Haj Saleh), passionnant, mérite d'être cité plus largement:

« La révolution syrienne constitue une expérience hors du commun pour des centaines de milliers de Syriens, une épreuve aussi bien morale que politique, un renouvellement psychique autant qu'un changement social. C'est une insurrection contre soi et une révolution contre ce qui est.
Défiant les dangers de détention, de torture et de mort, des jeunes et des moins jeunes, des femmes et des hommes, bouleversent leurs vies et se renouvellent à travers la participation au mouvement de protestation. Ils sortent plus forts de cette expérience, plus courageux et plus entreprenants. Ainsi ils se respectent eux-mêmes davantage ».

« Aujourd'hui, il existe deux forces en Syrie : le régime et le soulèvement populaire, que j'appelle « intifada ».
La première possède les armes, l'argent et la peur mais est dépourvue de tout sens. La deuxième possède le défi et le goût de la liberté. L'intifada est l'incarnation de l'altruisme extrême : le sacrifice. Le régime est l'incarnation de l'égoïsme extrême qui pourrait mener à la destruction du pays pour faire survivre une clique médiocre aux plans intellectuel, politique et éthique. L'intifada est une révolte morale et politique, elle produit la plus grande rupture dans l'histoire contemporaine de la Syrie depuis l'indépendance. Le régime, lui, est en guerre contre la société syrienne ; pour qu'il survive, il faut que la société soit malade, divisée et dépourvue de confiance en elle-même ».

« Désormais, la Syrie n'est plus la Syrie d'Al-Assad ou du Baath. En nommant et ressuscitant les noms, l'intifada se fait créatrice de subjectivités, d'initiatives et d'actions libres, alors que le régime a tout fait pour réduire la Syrie et les Syriens à des objets soumis à une seule et unique subjectivité libre : Al-Assad. L'intifada dévoile la richesse longtemps occultée de la Syrie, sa richesse sociale, culturelle et politique, la richesse de ses enfants dont les traits ont été effacés. Elle leur donne la parole : ils crient, ils protestent, se moquent, chantent et reprennent l'espace public ou plutôt le libèrent d'une occupation quasi totalitaire ».

« La politique de Bachar-al-Assad, celle de la « modernisation et du développement » se base essentiellement sur le renouvellement des outils et appareils (nouvelles voitures, centres commerciaux, hôtels et restaurants luxueux, banques, écoles et universités privées pour l'élite du pays), mais sans contenu humain ou politique d'intérêt général. Rien en matière de droits politiques, de libertés publiques, de solidarité sociale, de culture. Bien au contraire, la solidarité sociale et nationale entre les Syriens s'est gravement délitée... Cette combinaison entre un régime politique suranné et inhumain d'un côté et une vitrine matérielle brillante de l'autre est la marque de fabrique du système en place. Cela fait de lui plus qu'un régime autoritaire : il s'agit d'un système social, politique et intellectuel basé sur la discrimination presque raciale par le monopole du pouvoir et de la richesse nationale. Ce monopole est une des raisons majeures de la protestation populaire et explique pourquoi celle-ci a débuté dans les régions périphériques et rurales du pays et les banlieues. La libéralisation économique qui a eu lieu il y a quelques années a engendré un modèle de développement favorable aux grandes villes au détriment de la province, aux centres au détriment des quartiers « périphériques » et à de nouvelles banlieues riches au détriment des anciennes banlieues populaires, vers lesquelles on a expulsé la population déclassée, qui a subi les conséquences désastreuse de ce « développement » libérale autoritaire.
Marginalisés, ces zones ont vu grimper le taux de chômage en raison du changement de la nature de l'offre (utilisation des nouvelles technologies, langues étrangères). Cela s'ajoute au recul du rôle social de l’État et à la transformation de ses représentants locaux en notables fortunés et arrogants, gouvernant la population tels des émissaires étrangers n'ayant ni respect ni sympathie à son égard. Le cousin germain du président, Atef Najib, qui avait arrêté puis torturé des enfants de Deraa juste avant le déclenchement de l'intifada, puis suggéré à leurs pères que ses hommes en fassent de nouveaux à leurs épouses s'ils étaient impuissants, est l'exemple type de l'homme de pouvoir brutal, inhumain et bénéficiant d'une impunité absolue.
Certains intellectuels ont contribué à entretenir cette situation en défendant une approche autoritaire de la laïcité qui se contente de réduire le rôle de la religion dans la vie publique sans se prononcer sur le système politique et les élites qui en tirent profit. Cette approche aristocratique et mensongère de la laïcité a justifié la conduite brutale et méprisante du pouvoir à l'égard des classes populaires et la suppression des garde-fous éthiques et intellectuels censés protéger la vie de la majorité. (…)
Au final, on peut dire que la révolution syrienne a éclaté contre une modernisation économique libérale privilégiant les riches, contre une modernité sans contenu émancipateur, se limitant au secteur bancaire, aux universités privées et aux voitures de luxe. C'est une révolution contre un régime qui a fait de « modernisation et développement » une doctrine masquant la relation privilégiée et illégitime entre le pouvoir et l'argent. C'est une révolution contre les riches qui ont pillé le pays du temps du socialisme baathiste avant de devenir les seigneurs de l'économie libérale. Et contre les idéologues qui ont fait de la « modernité » une nouvelle religion... »
« (...) La révolution syrienne rassemble divers milieux locaux qui se révoltent contre les privations et l'intrusion brutale des services de sécurité dans leurs vies et réseaux de solidarité. Elle mobilise aussi des individus modernes, éduqués et cultivés, des hommes et des femmes aspirant à la liberté et à l'autonomie individuelle. Ce qui relie ces deux catégories est leur attachement au travail comme moyen de subsistance, mais aussi comme boussole morale dans leur vision du monde. Elles constituent ensemble la société syrienne « publique » par opposition à celle, « privée », qui se définit par le pouvoir, l'argent ou par une prétendue distinction culturelle et intellectuelle.
La liberté que défendent et pour laquelle se sacrifient des jeunes, croyants et non croyants, de la classe moyenne éduquée et de ses franges les plus défavorisées, signifie pour eux la reconstruction politique et éthique autour de la valeur travail. Une valeur radicalement opposée à celle du pouvoir et de ses alliés... La primauté du mot d'ordre de « liberté » indique tout simplement que l'on est convaincu que la justice dépend de l'élimination de la tyrannie ».

Subhi Hadidi, Ziad Majed, Farouk Mardam-Bey, trois intellectuels de gauche syriens et libanais vivant aujourd'hui en Europe, dressent aussi une analyse de classe des facteurs socio-économiques qui ont favorisé l'insurrection syrienne en 2011 dans leur essai paru en 2018, Dans la tête de Bachar Al-Assad (Actes Sud) :

« La « marche du développement et de la modernisation » entamée par (Bachar Al-Assad) aboutit en 2005 à l'adoption officielle d'une politique économique néo-libérale dissimulée sous le label « économie sociale de marché »... La Syrie adhéra en 2005 à la grande zone arabe de libre-échange ; un accord de libre-échange signé avec la Turquie entra en application début 2007 ; une bourse des valeurs ouvrit à Damas en 2009 ; les capitaux affluaient de partout en provenance surtout des pays du Golfe. Le résultat fut catastrophique malgré un taux de croissance flatteur de 5 %: le nouveau cours renforça en effet le caractère monopolistique du capitalisme syrien désormais mondialisé au détriment des petites et moyennes entreprises soumises à une forte concurrence étrangère, et les classes populaires pâtirent de l'inflation galopante et de la suppression ou de la réduction de la subvention aux produits de première nécessité. Les plus affectés furent les paysans dont était naguère issue la majeure partie des cadres du Baath et que Hafez-al-Hassad considérait comme la principale base sociale de son régime. En plus de la disparition des aides multiformes qui leur étaient accordées par l’État, une loi promulguée en 2004 portant sur les relations agraires laissant les plus démunis d'entre eux à la merci des investisseurs privés. Conjuguée avec une sécheresse de quatre ans, la crise sociale dans les campagnes eut pour conséquence un exode d'une ampleur sans précédent vers les grandes villes. Entre 2004 et 2008, la population rurale active se réduisit de moitié, et la part de l'agriculture dans le PIB passa de 40 % à 17,6 %.
En revanche, la bourgeoisie affairiste accumulait les fortunes en milliards de dollars, placées en grande partie dans les paradis fiscaux, et creusait davantage le fossé entre elle et les 33 % de la population qui vivaient en-dessous du seuil de pauvreté, dont près d'un tiers dans un état d'extrême pauvreté. Le nom qui a longtemps illustré la fulgurante ascension de cette classe est celui de Rami Makhlouf, le cousin maternel de Bachar, dont on disait qu'il contrôlait 60 % de l'économie syrienne, aucun secteur n'échappant à sa rapine, de la téléphonie mobile aux boutiques hors taxes en passant par la banque, le pétrole, le BTP, le transport et le tourisme. Il fonda en 2006 avec 70 hommes d'affaires un holding tentaculaire, le premier en Syrie, en se réservant 51 % des actions. Comme lui, d'autres cousins et proches de Cachar, et avec eux les enfants et les neveux des hommes de confiance de son père, ont été, dans ces années 2000, les agents les plus actifs de la transition du « socialisme » au néo-libéralisme. Si la bourgeoisie d’État du temps de Hafez offrait sa protection à la bourgeoisie d'affaires et lui soutirait en échange un généreux pourcentage de ses bénéfices, il s'agissait désormais d'une fusion des deux dans une même classe sociale dominante, soudée par les mêmes intérêts, les mêmes convictions et le même mode de vie. Cette classe étant née et ayant grandi et prospéré à l'ombre du pouvoir absolu des Assad, il était illusoire d'imaginer que la libéralisation économique puisse la conduire à revendiquer des réformes démocratiques, même mineures... Ceux qui se demandent pourquoi les Syriens se sont révoltés en 2011 devraient ne pas oublier, entre beaucoup d'autres raisons, l'insupportable insolence de la nouvelle classe dominante ».

Publié en 2013 aux éditions La Découverte, l'essai collectif Pas de printemps pour la Syrie, sous la direction de François Burgat et Bruno Paoli, donne aussi des clefs pour comprendre l'enchaînement qui a conduit d'une révolte populaire demandant une inflexion démocratique du régime, la justice sociale, la fin de la corruption et du clientélisme, à une guerre civile à tendance communautaire et attisée, exploitée, instrumentalisée par des forces extérieures livrant une concurrence pour l'hégémonie politique et économique dans la région.

Dans ce livre, la militante communiste Nahed Badawie, membre du parti de l'action communiste syrien, emprisonnée de 1987 à 1991, puis une deuxième fois lors du premier « printemps de Damas » de 2000, consécutif à la mort d'Hafez-al-Assad, témoignait devant François Burgat depuis son exil à Beyrouth :

« Le plus important, c'est de bien comprendre que le régime savait que sa seule chance de l'emporter face à une protestation démocratique dépassant toutes les divisions confessionnelles était de restaurer ces divisions et de faire prendre à la révolte la tournure d'un affrontement interconfessionnel. La grande différence entre cette révolte de 2011 et celles des années 1980, c'est en effet que, lorsque les Frères musulmans s'étaient révoltés à Hama (et dans de nombreuses autres villes du pays), seuls les sunnites les avaient soutenus. Alors qu'en 2011, dès le début, la mobilisation, au moins chez les intellectuels, avait une assise dans absolument tous les compartiments de la société. Cela dit, il n'est pas faux pour autant de reconnaître que les sunnites étaient majoritaires. Il y a à cela deux explications.
D'abord le fait que le mouvement a pris plus largement dans les quartiers défavorisés. Or, si les défavorisés n'étaient pas tous sunnites, les sunnites défavorisés l'étaient en quelque sorte doublement : au même titre que tous les autres, mais aussi en tant que sunnites ; les chrétiens ou les Druzes défavorisés, et plus encore, les alaouites entrevoyaient, pour améliorer leur condition, des possibilités de passe-droits, des chances d'accéder à l'appareil d’État ou à des emplois. Rien de tel pour les sunnites. Ensuite, si la mobilisation a mobilisé à parts égales les intellectuels de toutes les confessions, il n'en a pas été vraiment de même dans les couches populaires : au sein des minorités chrétienne, druze ou alaouite, à la différence des intellectuels, ces composantes dévalorisées de la société se sont malheureusement montrées bien plus réceptives à la propagande destinée à les couper de la majorité sunnite.
S'agissant des groupes islamistes radicaux comme Jabhat al-Nosra, … leur légitimité est forte car ils luttent contre – et donc protègent de – la terrible violence de l’État (…).

Nahed Badawie toujours :

« Parmi les procédés employés par le régime dès le début pour instiller la peur et la haine sectaire, je me souviens de cette petite vidéo terrifiante que nombre de mes amis avaient reçue sur leur téléphone et qui leur avait été communiquée très officiellement sur leur lieu de travail – alors qu'il était très dangereux d'avoir sur son portable des vidéos de la révolution. On y voyait un supposé révolutionnaire, clairement identifié comme un « salafi », brandir plusieurs secondes une tête qu'il tenait par les cheveux et dont s'écoulait encore du sang. Cette propagande, si grossière soit-elle, avait malheureusement un réel impact sur les gens de condition modeste. Cela ne prenait pas sur les intellectuels et tous ceux qui avaient une réelle capacité d'analyse. Mais je me souviens que même un ami ingénieur, malgré son bagage scientifique, ne mettait pas en doute les plus grossières de ces « preuves ».
Un des moments forts de mon expérience militante, c'est peut-être la première fois où j'ai crié moi-même : « Le peuple veut la chute du régime ! ». Il faut rappeler que les autorités ont tué des manifestants dès les premières semaines. Chaque vendredi était donc inévitablement suivi d'une cérémonie d'enterrement qui regroupait dix fois plus de gens que ceux qui avaient participé à la manifestation. Alors le régime s'est mis à ouvrir le feu sur ces cortèges qui prenaient des allures de manifestations... Ce qui était émouvant dans ce genre de circonstances, c'est cette sensation que les Syriens de confession et de quartiers divers se découvraient les uns les autres pour la première fois. Des gens qui ne se seraient jamais parlé apprenaient à se connaître ».

Ismaël Dupont - 10 avril 2020

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12 avril 2020 7 12 /04 /avril /2020 06:42
Covid_19 : Il n'y aura pas de victoire sur la pandémie en sacrifiant les migrants (PCF, 11 avril 2020)
Publié le 11/04/2020 par PCF
Covid_19 : Il n'y aura pas de victoire sur la pandémie en sacrifiant les migrants

Tout le monde s’accorde à dire que la pandémie du Covid-19 amplifie les inégalités. De nombreux gouvernements en Europe appellent à la solidarité, appellent la population à faire « bloc » pour lutter contre cette pandémie. Mais derrière ces mots, des populations sont oubliées et, entre autres, les personnes migrantes.

Une fois de plus, l’UE est incapable de s’accorder sur ce sujet, incapable de faire preuve de solidarité, d’humanité et peut-être même incapable d’aborder le sujet.

Et pourtant, les conditions sanitaires des demandeurs d’asile en Grèce sont sordides, indignes depuis des mois. Le gouvernement conservateur grec a suspendu le droit d’asile et a remplacé les « camps » existants sur les îles en centres de détention fermés. Des lieux où il sera totalement impossible de contenir l’épidémie du coronavirus. L’accès à l’eau est très insuffisante pour permettre les règles d’hygiène nécessaire et la surpopulation rend totalement impossible la distanciation sociale imposée pour réduire les risques de transmission. Ce sont des dizaines de milliers de personnes abandonnées sans défense contre le virus. Plusieurs détenus du centre de rétention administrative de Moria sur l’île de Lesbos viennent d'entamer une grève de la faim pour alerter sur leur situation que le gouvernement grec qualifie lui-même de "bombe sanitaire".

Au même moment, l’Italie ferme de nouveau ses ports à un bateau de l’ONG allemande Sea Eye qui a, à son bord, 150 migrants en utilisant l’argument de l’épidémie.

La France refuse de libérer les personnes détenues en centre de rétention administrative alors que toute demande d’asile, tout recours sont impossibles durant l’état d’urgence sanitaire mais elle accepte volontiers le renfort de personnes en attente de régularisation pour aider les producteurs de fruits et légumes à ramasser leur récolte.

Ce n’est pas le virus qui aggrave les inégalités mais plutôt les politiques de discrimination, et le mépris.

Le Portugal a annoncé il y a quelques jours une régularisation temporaire de tous les immigrés présents dans le pays en raison de la pandémie. Cela leur permet d’accéder à des droits sociaux et au système de santé pendant la période d’impossibilité d’examens des dossiers administratifs. C’est un premier pas, certainement insuffisant mais intéressant tout de même qui devrait inspirer l’Union européenne.

Le Parti communiste français demande au gouvernement d’examiner au plus vite la possibilité de régularisation des sans-papiers présents sur le territoire national et leur permettre d’accéder aux droits sociaux et droit à la santé.
Le PCF demande la libération de toutes les personnes détenues en centre de rétention administratif pour leur permettre de se protéger au mieux du virus.

L’heure est à la solidarité avec toutes et tous sans laisser personne de côté.

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12 avril 2020 7 12 /04 /avril /2020 06:14
Appel urgent pour une aide d’urgence à Gaza – levée immédiate du siège ! (Agence média Palestine, 8 avril 2020)

Par Coordination Européenne des comités et associations pour la Palestine, 6 avril 2020

À l’attention de :

Mr Josep Borrell, Haut Commissaire Européen aux Affaires Étrangères

Ministres des Affaires Étrangères des pays européens,

Paris, le 6 avril 2020,

Appel urgent pour une aide d’urgence à Gaza – levée immédiate du siège !

Cher Mr Borrell,

Chers Ministres des Affaires Étrangères des pays membres de l’UE

Face à la pandémie de coronavirus, les gouvernements du monde entier prennent des mesures d’urgence de façon à protéger la santé de leurs citoyens et de stabiliser leurs économies.

Pour près de 2 millions de personnes de la bande de Gaza occupée et assiégée, avec les 129  cas de COVID-19 confirmés au 1er avril et deux mille personnes en quarantaine pour soupçon de contamination, le situation est au bord de la catastrophe. Les instruments, les lits de soins intensifs et les moyens de prévention pour faire face à l’éventualité d’une propagation de la contagion, sont manquants ou tout à fait inadéquats. Dans cette situation, aucune réponse efficace face à la crise actuelle n’est possible à Gaza.

Plus d’une décennie de blocus illégal et de fréquentes attaques brutales de l’armée israélienne font que 2 millions de gens vivent dans une situation de surpeuplement désespérant, dans un environnement marqué par l’exiguïté et des conditions de logement désastreuses, avec notamment un manque de 60% d’équipements médicaux, une fourniture d’énergie électrique gravement limitée, une malnutrition massive et l’eau courante dans seulement 10% des logements.

La prévision de l’ONU selon laquelle Gaza serait inhabitable en 2020 est pleinement devenue réelle, comme l’a plusieurs fois rappelé le rapporteur spécial de l’ONU pour les territoires palestiniens occupés, Michaël Lynk. Le panel d’experts de l’ONU sur la crise sanitaire a demandé qu’il n’y ait pas d’exception concernant le COVID-19, puisque “tout un chacun a droit à ce qu’on intervienne pour sa survie”.

En dépit de la préoccupation exprimée par le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres face au manque de ressources dans les camps de réfugiés, dans les villages déplacés et malgré l’appel à ne pas faire de la crise sanitaire une guerre, Israël ne fournit pas le soutien nécessaire et adapté aux structures de soins de Gaza auquel il est tenu en tant que puissance occupante, en contrevenant et en faisant constamment exception à ses obligations.

La communauté internationale ignore la situation critique des Palestiniens de Gaza depuis trop longtemps. Jusqu’à maintenant l’Europe s’est montrée incapable de se tenir à ses principes et déclarations et de mettre fin à sa complicité avec le système israélien d’occupation, d’apartheid et de colonialisme de peuplement.

Les Palestiniens doivent pouvoir accéder à des traitements médicaux et nous avons la responsabilité de les soutenir en mettant fin aux restrictions imposées par Israël. En vertu de la Quatrième Convention de Genève, Israël, en tant que puissance occupante, a le devoir d’assurer la sécurité et le bien-être des populations civiles dans les zones sous son contrôle. Le blocus maintenu par Israël sur la bande de Gaza est une mesure qui prive sa population de nourriture, de carburant et d’autres biens de premières nécessité ; il constitue une forme de punition collective, en violation de l’article 33 de la Quatrième Convention de Genève.

C’est dans cet esprit que nous en appelons à l’UE et aux gouvernements européens pour:

  • Mettre en oeuvre immédiatement toutes mesures économiques et politiques y compris des sanctions et des mesures de rétorsion sous l’égide du droit international, pour faire pression sur Israël pour qu’il mette fin au siège de Gaza.
  • En contact direct avec les Ministres de la santé de Gaza et de Cisjordanie, assurer la livraison directe aux autorités publiques locales de cargaisons adéquates de fournitures médicales et sanitaires nécessaires à la détection du coronavirus et pour la prise en charge des personnes affectées ainsi que des éléments nécessaires à la prévention de la diffusion du virus dans la communauté et dans les hôpitaux locaux.
  • Permettre à ceux qui ne peuvent être traités à Gaza d’accéder effectivement à d’autres hôpitaux.
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12 avril 2020 7 12 /04 /avril /2020 06:00
Nûdem Durak

Nûdem Durak

 

TURQUIE / BAKUR – Alors que la pandémie du coronavirus fait des ravages en Turquie et au Kurdistan du Nord, plus de 50 000 prisonniers politiques, dont une bonne partie sont des journalistes, politiciens ou artistes kurdes, sont interdits de quitter la prison tandis que les autres condamnés du droit commun ou des terroristes de DAECH sont libérés petit à petit…
 
Parmi ses prisonniers politiques kurdes, il y Selahattin Demirtas, avocat, écrivain et politicien d’HDP, des dizaines de maires comme Gultan Kisanak et des artistes dont le seul crime est d’affirmer leur identité kurde. On veut vous parler de la chanteuse kurde Nûdem Durak à titre d’exemple pour montrer l’enfer que les Kurdes vivent en Turquie…
 
Cela fait 5 ans que la chanteuse kurde Nûdem Durak est en prison pour avoir osé chanter dans sa langue maternelle. Elle doit retrouver sa liberté en 2034. Un châtiment de 19 ans pour lui enlever le goût de chanter les chansons de son peuple… ou montrant la fausseté du discours officiel turc parlant de leurs « frères kurdes ».
 
La justice turque a condamné la chanteuse kurde Nudem Durak à 19 ans de prison pour avoir enseigné la musique kurde.
 
Originaire de Cizre, Nûdem est bien connue dans toute sa communauté pour enseigner des chansons folkloriques locales en langue kurde aux enfants. Les Kurdes sont persécutés depuis des décennies par les gouvernements de Turquie, d’Iran et de Syrie dans tout le Kurdistan. (Vous pouvez entendre Nûdem chanter en kurde ici)
 
Pour le gouvernement turc, qui a même interdit le mot «Kurdes» jusqu’aux années 1990 (les appelant plutôt «Turcs des montagnes»), chanter était tout simplement inacceptable. Nûdem a été arrêtée en 2015 et inculpée sous la vague notion de propagande parce que les chansons qu’elle chantait étaient dans sa langue maternelle.
 
En avril 2015, Nûdem Durak a été condamnée à dix ans et demi de prison pour «promotion de la propagande kurde» en se produisant dans sa langue maternelle. En juillet 2016, sans accusation ni condamnation supplémentaires, sa peine a été portée à 19 ans. Des amis rapportent qu’elle était recherchée par la police depuis au moins 2014. La chanteuse a été arrêtée avec trois autres femmes, mais elles ont été libérées.
 
Nûdem Durak est actuellement détenue dans la prison fermée de Mardin où elle devrait rester jusqu’en septembre 2034.
 
Pour soutenir Nûdem Durak

Signez la pétition Free Nûdem Durak 
Chantez pour elle, écoutez ceux et celles qui l’ont déjà fait…

Ecrire à Nûdem

Nudem Durak
M Tipi Kapalı Cezaevi
Bayburt
TURQUIE

Pour plus d’info cliquez : songfornudemdurak.org
Suivez la campagne de solidarité sur les réseaux sociaux.

Facebook “Song for Nudem Durak” @songfordurak

 

Source:

https://kurdistan-au-feminin.fr/2020/04/10/turquie-une-chanteuse-kurde-condamnee-a-19-ans-de-prison-a-cause-la-musique-kurde/?fbclid=IwAR2KpElBXV5c8hMGv9efJU2iGNWSF3DfvTMYyiWztKLqMEi9JfWjChYBlmc

 
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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 09:52
Publié le 10/04/2020 par PCF
Covid19 : Pour un cessez-le feu mondial

Depuis plusieurs semaines maintenant, les États-Unis sont durement frappés par la pandémie mondiale du Covid-19. En début de semaine, on recensait plus de 10 000 Etats-uniens morts et 350 000 autres infectés.

Non content de délaisser son peuple, en déclarant que si « les Etats-Unis finissent avec 100.000 à  150.000 morts, nous aurons fait un bon job », Donald Trump  préfère poursuivre ses projets guerriers. Il menace le Venezuela d’intervention armée et lui fait du chantage. Et il durcit les sanctions économiques extraterritoriales contre d’autres pays qui ont pourtant un urgent besoin de mobiliser tous leurs moyens pour protéger leurs populations.

Le cynisme de Donald Trump contraste avec les appels à la « solidarité mondiale » et à un « cessez-le-feu mondial » lancés par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Il appelle à une «  réponse coordonnée et multilatérale » et chiffre le montant des moyens nécessaires pour se relever de la crise sanitaire, sociale et économique à 10 % du PIB mondial. Il invite pour cela à mobiliser tous les moyens des banques centrales et du FMI dans le but de promouvoir « une économie différente ».

Le PCF soutient ces appels, invite à signer massivement la pétition mondiale de l’ONU « pour un cessez-le-feu mondial », exhorte les gouvernements, dont celui de la France, à cesser de vendre des armes aux belligérants là où les conflits se poursuivent. Il appelle également à lever le blocus contre Cuba, à cesser la guerre larvée contre le Venezuela, et à mettre fin à tous les régimes de sanction économique qui privent les peuples des moyens de lutte contre la maladie et tuent chaque jour des vies supplémentaires. 
Le monde ne doit avoir qu’une seule priorité : la fin de la pandémie, la construction de systèmes de santé publique à la hauteur partout sur la planète, l’invention d’un nouveau modèle de développement économique, social et écologique, solidaire et protecteur pour tous les peuples du monde.

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11 avril 2020 6 11 /04 /avril /2020 08:08
Inde: un grand bond en arrière - Article de Jean-Claude Breton, président de l'AADI (Le Télégramme, 10 avril)

UN GRAND BOND EN ARRIERE POUR L’INDE ?

C’est passé presque inaperçu: le 24 mars, un cinquième de la population mondiale a rejoint les pays qui étaient déjà confinés dans la lutte contre le COVID-19: Narendra Modi, Premier Ministre de l’Inde, impose un “lockdown” de 21 jours pour le 2ème pays le plus peuplé du monde et sa densité 3 fois supérieure à celle de la Chine. Certes l’Inde avait déjà , avant de nombreux pays occidentaux, restreint les entrées dans le pays, mais la décision a été brutale , avec un sens de la communication émotionnelle associant le non respect de ces 21 jours de confinement à un retour en arrière du pays de 21 ans. Dans ce laboratoire gigantesque qu’est l’Inde, où tout côtoie perpétuellement son contraire, des drones montrent alors Bombay désertée , des vues magnifiques et surprenantes d’une discipline inimaginable , un Taj Mahal revenu à son origine – un tombeau royal - , en même temps qu’on assiste à des exodes de malheureux subitement privés d’emploi et de ressources, tentant de revenir à pied dans leurs lointains villages , tous les transports étant suspendus.

Dans un pays qui reste encore démocratique, et bien qu’en danger avec le gouvernement actuel, la liberté d’expression n’hésite pas à stigmatiser la scandaleuse faiblesse des budgets de l’Inde dédiés à la santé et les inégalités sociales . Les caricaturistes illustrent ces thèmes avec un humour grinçant et autodérision , et aussi l’origine de la contagion : les classes aisées qui voyagent, l’image de celui qui arbore un passeport et amène le virus, face à celui qui n’a que sa carte de rationnement et qui va souffrir.

Beaucoup d’indiens craignent de mourir de faim plutôt que du virus, l’accès aux légumes frais étant rendu difficile par les contraintes logistiques et le manque de ressources des acheteurs, tandis que celui du riz et des légumineuses est plus facile grâce aux marchés contrôlés par l’État. Pire qu’en d’autres lieux la xénophobie est à l’affut et les conflits intercommunautaires peuvent se réouvrir: un grand rassemblement récent à Delhi d’une organisation musulmane est à l’origine de 700 cas de contamination et déclenche une dangereuse exploitation de la part des extrémistes hindous. Que le gouvernement actuel pourrait exploiter en attisant les haines déjà sous-jacentes . D’un autre côté , un éminent épidémiologiste du pays explique à la télévision que le Premier Ministre savait que les chiffres officiels mentionnés étaient très sous-estimés, et que l’on peut craindre d’ici juillet de 1 à 2 millions de morts. La mousson pouvant ensuite aggraver la situation.

Ce chiffre peut effrayer, il n’est pourtant pas incompatible avec ceux des pays occidentaux “en proportion” des populations et vu la faiblesse des structures médicales en Inde. A rapprocher des 4 millions de morts de la famine au Bengale en 1943 dont les Britanniques et Churchill ont été tenus pour responsables. L’Inde qui produit la moitié de la chloroquine mondiale et voulait en interdire l’exportation a dû se plier aux injonctions de Donald Trump et faire une exception pour les États-Unis .

Pour Modi et ses ambitions de devenir la 3ème puissance économique mondiale, l’enjeu est crucial, et les résultats du confinement susceptibles en effet de renvoyer l’Inde très en arrière , ruinant sa remarquable évolution économique depuis 1993. Au contraire si ces prévisions s’avèrent exagérées, ils seront exploités comme un miracle ou une preuve d’efficacité . Mais cela pourrait aussi conforter le pouvoir actuel dans sa politique fascisante . Faut-il souhaiter plutôt une déstabilisation complète ?Le risque est grand d’un chaos interne incontrôlable et la fin d’un équilibre géopolitique de la zone , voire d’un nouveau Moyen Orient ? Comme on le dit parfois, l’Inde estime n’avoir de comptes à rendre qu’à l’éternité.

Jean Claude Breton

10 avril 2020

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10 avril 2020 5 10 /04 /avril /2020 07:04
Oxfam alerte sur une aggravation sans précédent de la pauvreté dans le monde avec le Coronavirus s'il n'y a pas un bond qualitatif dans la solidarité (Dossier de L'Humanité, jeudi 9 avril 2020)
Jeudi, 9 Avril, 2020 - L'Humanité
Éditorial. Table rase

L'éditorial de Cathy Dos Santos. Le rapport d’Oxfam que nous présentons dans nos colonnes est un cri d’alarme qui place les puissances face à leurs responsabilités. L’impact économique de la crise sanitaire pourrait précipiter un demi-milliard de personnes supplémentaires dans la pauvreté,

 

Il ne suffit plus de se payer de mots, il faut des actes. La pandémie, qui « hors de tout contrôle pourrait coûter la vie à plus de 40 millions de personnes », selon Oxfam, presse les dirigeants politiques d’agir. Mais pas n’importe comment, et surtout pas en recyclant les recettes ultralibérales d’hier qui ont aggravé les crises structurelles qui défigurent le quotidien de milliards d’êtres humains. On ne le répétera jamais assez, l’épidémie agit comme un miroir grossissant des injustices. Si le virus peut frapper tout un chacun, il n’est pas égalitaire. Il exacerbe les situations d’extrême fragilité des plus démunis. Le confinement de la moitié de l’humanité n’occulte pas les misères, il les décuple.

La déflagration économique et financière, qui s’amorçait avant même l’explosion de Sars-CoV-2, s’annonce encore plus violente que la crise de 2008. Couplée aux conséquences désastreuses de la pandémie, l’onde de choc sera d’une brutalité dramatique. En fait, elle l’est déjà. La presse espagnole fait état de 900 000 emplois démolis. Le cortège de chômeurs a brutalement grossi aux États-Unis, où plus de 10 millions de personnes viennent de perdre leur travail. L’Organisation internationale du travail évoque la destruction de 25 millions d’emplois dans le monde, d’après une fourchette basse.

Le rapport d’Oxfam que nous présentons dans nos colonnes est un cri d’alarme qui place les puissances face à leurs responsabilités. L’impact économique de la crise sanitaire pourrait précipiter un demi-milliard de personnes supplémentaires dans la pauvreté, selon l’ONG, qui plaide pour un sauvetage économique mondial ambitieux à même de ne laisser personne de côté. Les prochaines réunions de la Banque mondiale et du FMI, des ministres des Finances du G20 doivent accoucher de réponses radicalement transformatrices afin de protéger les citoyens et soutenir les pays les plus pauvres, acculés contre le mur honteux d’une dette illégitime. La pandémie jette une lumière crue sur les orientations capitalistes qui se sont soldées en 2008 par des chèques en blanc signés aux banques et une austérité mortifère pour les peuples. De ce passé-là aussi, il faut faire table rase.

Par Cathy Dos Santos
Jeudi, 9 Avril, 2020 - l'Humanité
Les pays riches laisseront-ils le combat contre la pauvreté reculer de 30 ans ?

« Le Prix de la dignité », c'est le nom du rapport choc qu'Oxfam vient de sortir. L'ONG y anticipe un basculement massif dans la misère à travers le monde, suite à l’épidémie du coronavirus. Ce prix de la dignité, c'est celui à payer d'urgence au niveau de la communauté internationale pour faire face à une spirale vertigineuse, de nature à enraciner les pays pauvres dans le sous-développement... Un demi-milliard de personnes supplémentaires pourraient basculer dans le dénuement. À l’approche de réunions décisives qui auront lieu la semaine prochaine entre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international et entre ministres des Finances du G20, les pays riches sont au pied du mur.

 

C’est l’autre conséquence épouvantable de la pandémie : l’extension de la pauvreté, le creusement des inégalités dans un monde déjà miné par ces fléaux… Un demi-milliard de personnes supplémentaires, entre 6 et 8 % de la population mondiale, pourraient basculer dans le dénuement, alerte Oxfam dans un rapport intitulé « Le prix de la dignité ». Une sombre perspective décrite « à l’approche de réunions décisives qui auront lieu la semaine prochaine entre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) – virtuellement du 17 au 19 avril – et de la réunion des ministres des Finances du G20 le 15 avril ». L’ONG appelle les pays riches à l’adoption d’un « plan de sauvetage économique pour tou-te-s afin de maintenir les pays et les communautés pauvres à flot ». Ces derniers entrent d’ailleurs d’ores et déjà dans une crise économique avant même la crise sanitaire, qui s’annonce désastreuse vu les très faibles capacités de riposte.

Les effets du confinement sur l'économie informelle

Dans les seuls pays du Maghreb, des millions de travailleurs de l’ombre, sur les marchés informels, se trouvent subitement confrontés à l’absence de revenus. La contrainte du confinement barre la route à des centaines de jobs au noir, vendeurs à la sauvette, gardiens de parking, femmes de ménage, manœuvres et autres emplois mille fois précaires. « Ils sont des millions à ne plus pouvoir aller dans la rue en quête de quelques sous pour les besoins de leurs familles, mais pas seulement, relève Robin Guittard, porte-parole d’Oxfam. Les économies de ces pays-là sont dès à présent ébranlées au plan macroéconomique. Quelque 83 milliards de dollars d’investissements étrangers ont déjà été retirés. Les cours des matières premières sont sensiblement en baisse, - 21 % pour le cuivre, - 61 % pour le pétrole et - 15 % pour le café il y a juste quelques jours, sans compter l’effondrement de l’activité touristique et… les hausses des taux d’intérêt à plus de 3,5 %. » La spirale est vertigineuse, de nature à enraciner les pays pauvres dans le sous-développement.

Vite, l’annulation des paiements de la dette

Dès lors, la réponse se doit d’être « rapide et massive », insiste le porte-parole. L’ONG recommande l’annulation des paiements de la dette redevable à brève échéance à hauteur de 400 milliards de dollars pour les pays à faibles revenus, « de l’argent qu’ils pourront investir dans les politiques d’urgence face à la pandémie ». L’acquisition des moyens de protection représente en effet des dépenses colossales, qui plus est sur des marchés tendus. Les stratégies sanitaires à mettre en place sont autrement plus coûteuses que celles des pays nantis. Nul doute que les manœuvres budgétaires pour y parvenir vont laisser sur le carreau des millions de personnes.

De façon globale, si rien n’est fait, la régression pourrait être d’une dimension catastrophique, estime Oxfam, dont les récentes analyses éclairent le chemin escarpé qu’emprunte désormais l’humanité tout entière. « Cela pourrait constituer à l’échelle mondiale un recul de dix ans dans la lutte contre la pauvreté, et un recul de trente ans dans certaines régions comme en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord. Plus de la moitié de la population mondiale pourrait désormais vivre sous le seuil de pauvreté à la suite de la pandémie », souligne le rapport.

Dans les circuits des économies libérales, l’argent coule à flot

Inévitablement, c’est aussi l’inégalité qui va se creuser davantage partout dans le monde. « Les travailleurs et travailleuses les plus pauvres dans les pays riches et pauvres seront les premiers impactés économiquement car ils sont moins susceptibles d’occuper un emploi formel, de bénéficier de protection sociale, de percevoir une indemnité chômage ou maladie ou d’avoir la possibilité de télétravailler. Et les femmes, en première ligne de la mobilisation face au virus, sont susceptibles d’être les plus durement touchées financièrement », selon l’ONG. « Le prix de la dignité » est ainsi évalué à l’aune des responsabilités des pays riches envers le reste du monde. Oxfam énumère une série de mesures (à lire ici), dont l’institution d’impôts « de solidarité d’urgence en taxant les bénéfices extraordinaires, les plus grandes fortunes, les produits financiers spéculatifs et les activités ayant un impact négatif sur l’environnement ».

Une chose est sûre, l’argent coule à flots dans d’innombrables circuits des économies libérales. Son usage à des seules fins d’enrichissement exponentiel de nababs est un manque à gagner pour le progrès social. Si l’on suivait l’ONG sur l’annulation des échéances de dette immédiate afin de fournir de la trésorerie aux pays pris à la gorge dans le contexte de la pandémie, « le Ghana pourrait fournir 20 dollars par mois à chacun des 16 millions d’enfants, de personnes handicapées et de personnes âgées du pays pendant six mois », précise-t-on. Le pays s’en sortira ainsi provisoirement si ses créanciers s’acquittent de ce « prix de la dignité ». Mais il verra peut-être un jour le bout du tunnel, à la seule condition d’une rupture radicale avec le schéma actuel des relations Nord-Sud, hors du pillage des ressources, de l’échange inégal et de la pression de l’endettement. Même vaincu, le coronavirus laissera cette exigence intacte.

Nadjib Touaibia
 
Jeudi, 9 Avril, 2020
Le plan d'Oxfam : une « monnaie hélicoptère » distribuée avec discernement

Dans son « plan de sauvetage universel », Oxfam pointe l’urgence du moment et met l’accent sur le recours à une création monétaire pour le plus grand nombre. L’ONG s’inquiète, à juste titre, de voir les mesures prises jusqu’alors s’aligner sur les recettes mises en œuvre au lendemain du krach financier de 2008. Elle avaient conduit à transférer une énorme dette privée sur le public...

 

Le grand mérite des propositions d’Oxfam est de souligner le besoin d’agir vite et de mettre en œuvre des réponses aussi urgentes que radicales dans les crises sanitaire et économique qui s’amplifient autour du Covid-19. L’ONG s’inquiète, à juste titre, de voir les mesures prises jusqu’alors s’aligner sur les recettes mises en œuvre au lendemain du krach financier de 2008. Son « plan de sauvetage universel » insiste sur le besoin de ne plus privilégier « le renflouement » des plus gros acteurs du marché, mais au contraire de voler au secours « des salariés et des particuliers, des petites entreprises », qui vont subir l’essentiel du choc de la très forte récession entamée.

Oxfam dénonce les choix qui ont conduit à transférer jadis une énorme dette privée sur le public pour pratiquer par la suite « autant de politiques d’austérité ». La même méthode inspire, de fait, déjà les grands plans dits de relance tant aux États-Unis qu’en Europe. L’ONG souligne que sa mise en œuvre aurait, cette fois, pour conséquence de « nous ramener en arrière de plusieurs décennies » dans le traitement de la pauvreté et de la faim dans le monde. Pour faire face, il faudrait au contraire, plaide Oxfam, « utiliser la création monétaire » et exiger du FMI qu’il émette quelque « 1 000 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux » (DTS), soit une monnaie internationale constituée à partir d’un panier de plusieurs grandes devises.

« Respecter les objectifs des accords de Paris sur le climat »

Le chercheur marxiste Paul Boccara avait relevé de longue date l’intérêt de ces DTS pour commencer de mettre en place une vraie monnaie commune mondiale, alternative au dollar tout-puissant, et derrière lui à la funeste domination de Wall Street. Oxfam, qui relève à sa manière tout l’intérêt d’une telle option, y voit un relais pour financer un soutien de survie aux petites entreprises et à des centaines de millions de salariés.

Pour l’Europe, l’ONG développe également le bien-fondé d’une création monétaire qui ne soit plus « au strict bénéfice des grandes entreprises » mais de la masse des citoyens touchés par la crise, « sans oublier les plus démunis ». Elle avance l’idée de « monnaie hélicoptère ». Autrement dit : une distribution massive d’argent sur le compte des particuliers.

Ce type de mesure, d’évidence dévouée à stimuler la demande, risque cependant d’avoir un effet provisoire et donc surtout palliatif. Les poids lourds de l’économie mondiale n’y sont pas hostiles. Eux qui ne voient forcément pas d’un bon œil la perspective d’un effondrement généralisé du pouvoir d’achat de leur clientèle populaire. Au point que Donald Trump a décidé d’envoyer des chèques de crédits d’impôt d’environ 1 200 dollars aux contribuables des États-Unis. Mesure qui ne compensera que très imparfaitement les pertes d’emplois, et donc de salaires et d’assurances sociales, annoncées par dizaines de millions.

La contradiction est de taille. Elle ne semble pas avoir échappé aux rédacteurs du « plan universel » d’Oxfam, qui insistent sur « le besoin de conditionner les aides », les subventions et donc l’affectation de la monnaie nouvellement créée aux grands choix de gestion des entreprises. Pour qu’elles mettent enfin la barre « sur le social et l’environnement » afin « de respecter les objectifs des accords de Paris sur le climat ». Création monétaire pour échapper au diktat des marchés financiers et sélectivité du crédit sont bien au menu de l’alternative à la crise vertigineuse qui menace le genre humain.

Bruno Odent
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10 avril 2020 5 10 /04 /avril /2020 05:10
Nouvelle cabale contre le socialisme en Amérique du Sud : Raphael Correa condamné à huit ans de prison (Vadim Kamenka, l'Humanité, 9 avril 2020)
Jeudi, 9 Avril, 2020
Nouvelle cabale contre le socialisme en Amérique du Sud : Raphael Correa condamné à huit ans de prison

L’ex-président, défenseur du projet de « révolution citoyenne », a été inculpé pour corruption. Une cabale de plus en Amérique du Sud.

 

La sentence est tombée le 7 avril : huit ans de prison pour Rafael Correa. L’ancien président de l’Équateur (2007-2017) a donc été condamné en première instance par la Cour nationale de justice (CNJ), pour corruption, qui a assorti la peine « d’une privation du droit de participer en politique pendant vingt-cinq ans ». Il est inculpé avec dix-neuf autres personnes, dont un ancien vice-président, un ancien ministre et d’anciens députés pour un système de pots-de-vin versés par des entreprises.

Exilé depuis 2017 en Belgique, où il a demandé l’asile politique, ­Rafael Correa a réagi en dénonçant un « show », « une mascarade » et entend bien porter l’affaire « devant la justice internationale ». « Je connais le processus et ce que disent les juges, c’est du MENSONGE. Ils n’ont absolument RIEN prouvé », affirme-t-il sur Twitter.

Faire taire les opposants au libéralisme

Cette décision s’inscrit dans un processus général où les coups pleuvent contre la gauche sud-américaine. Rafael Correa, comme d’autres, incarne un projet alternatif au libéralisme avec la « révolution citoyenne » mise en en place à partir de 2007. L’Équateur connaît alors l’abandon de la dette, d’importants programmes sociaux, le développement de ses infrastructures et une stabilité politique. Ces symboles doivent disparaître et la liste s’allonge chaque jour : Dilma Rousseff en 2016, la condamnation sans preuves en 2018 de l’ex-président brésilien, Lula, le coup d’État en Bolivie en 2019 contre Evo Morales et l’inculpation, aux États-Unis, du président vénézuélien, Nicolas Maduro, pour « narcotrafic » et « blanchiment d’argent » …

 

Pourquoi une telle décision de justice intervient en pleine crise sociale et sanitaire ? Le pays est désormais dirigé par son ancien vice-président, Lenin Moreno, qui a trahi « la révolution citoyenne » de son prédécesseur. Il applique désormais une politique libérale avec l’appui du Fonds monétaire international (FMI) et des États-Unis qui en ont fait leur allié privilégié. Une succession de mesures d’ajustement structurel (coupes budgétaires, libéralisations, privatisations, etc.) a conduit la population à se soulever l’automne dernier. Cette explosion sociale sans précédent avait été déclenchée par l’augmentation subite du prix des carburants. Cette politique économique a un impact dans la crise sanitaire qui gagne l’Équateur, pays le plus touché en Amérique latine par la pandémie du Covid-19 avec plus de 300 morts. À Guayaquil, qui regroupe 70 % des cas recensés, une surmortalité a été constatée, liée à la surpopulation et à l’absence de services publics.

Le priver de tout droit politique

Face à ces tensions, le président apparaît prêt à tout pour reprendre la main. Le 11 mars, Lenin Moreno a annoncé un nouveau train d’austérité et obtenu une nouvelle aide du FMI de 2,4 milliards d’euros. Son gouvernement a également décidé un confinement strict avec un couvre-feu et le déploiement de l’armée et de la police. Le président avait déjà eu recours à l’état d’urgence pour faire taire les mobilisations sociales (une dizaine de morts et plus de 1 000 blessés).

Les nombreuses critiques émises par l’ex-président Correa, qui reste une voix importante en Équateur, ont favorisé cette décision de la CNJ. Le but est de le priver de tout droit politique. En octobre, Lenin ­Moreno avait accusé, à la télévision, l’ex-chef de l’État d’orchestrer les manifestations afin de le renverser. « C’est ce qu’ils cherchaient : obtenir en manipulant la justice ce qu’ils n’ont jamais atteint par les urnes. Moi, je vais bien. Ce sont mes camarades qui me préoccupent », s’est inquiété, depuis la Belgique, l’ancien président.

Vadim Kamenka
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9 avril 2020 4 09 /04 /avril /2020 05:51

 

Dans sa croisade destinée à reconquérir et soumettre les colonies dont l’indépendance devient intolérable, Washington vient d’atteindre des sommets. En pleine explosion du Covid-19 – une épidémie si catastrophiquement gérée par Donald Trump que, d’après lui, un bilan final limité à quelque 100 000 morts démontrerait « l’excellence de ses décisions [1]  » –, le procureur général William Barr a annoncé le 26 mars, en conférence de presse, l’inculpation du président vénézuélien Nicolás Maduro pour « narcotrafic » et « blanchiment d’argent » [2]. Selon le Département de la Justice, a précisé le procureur Geoffrey S. Berman, le chef de l’Etat bolivarien a établi un « partenariat de narco-terrorisme avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie [FARC] au cours des vingt dernières années » et, après avoir été l’une des « têtes » du Cartel des Soleils (un supposé cartel vénézuélien de narcotrafiquants), en est désormais le seul « leader » avec pour objectif, aujourd’hui comme hier, d’« inonder les Etats-Unis de cocaïne ».
Faisant preuve d’une imagination illimitée dans l’invention de méthodes destinées à déstabiliser, renverser, emprisonner (et même assassiner) les dirigeants qui dérangent, cette accusation extravagante s’accompagne d’une mise à prix de la tête de Maduro – 15 millions de dollars (13,5 millions d’euros) étant promis à qui permettra de le localiser ou de le capturer.


Des poursuites ont également été lancées contre treize autres hauts fonctionnaires du gouvernement vénézuélien, parmi lesquels le ministre de la Défense Vladimir Padrino López, le président du Tribunal suprême de justice (TSJ) Maikel Moreno et, surtout, avec une offre de 10 millions de dollars pour qui les livrera, le président de l’Assemblée nationale constituante (ANC), Diosdado Cabello, et le vice-ministre de l’économie, Tareck El Aissami.

« Offrir des récompenses comme le faisaient les cowboys racistes du Far West montre le désespoir de l’élite suprématiste de Washington et son obsession envers le Venezuela », a réagi le ministre des Affaires étrangères Jorge Arreaza. Ajoutant au caractère grotesque de l’accusation, le montant proposé pour la capture de Maduro n’a été dépassé dans l’Histoire que par les 25 millions de dollars offerts pour la tête d’Oussama Ben Laden, après les attentats du 11 septembre 2001, et celle d’Ayman al-Zawahiri, actuel chef du réseau terroriste Al-Quaïda. Plus grand « capo » latino-américain du narcotrafic, le colombien Pablo Escobar ne valait « que » 10 millions de dollars et, son successeur mexicain, Joaquín « El Chapo » Guzmán [3], 8,5 millions.

Comme il se doit, cette violente offensive du régime de Donald Trump contre le gouvernement bolivarien a décuplé les débordements, passions et appétits du ban et de l’arrière-ban de la droite extrémiste vénézuélienne (et de ses alliés). A commencer par la principale tête de gondole, le « président » (élu par Trump) Juan Guaido. « Je suis persuadé que les accusations présentées contre les membres du régime sont bien fondées et vont aider à libérer le pays du système criminel qui a séquestré notre peuple depuis tant d’années », a-t-il immédiatement réagi par communiqué. Comme il l’a fait pendant des décennies en annonçant la « chute imminente de Fidel Castro », le cubano-américain (et espagnol) Carlos Alberto Montaner prévoit déjà « la fin du chavisme » dans la presse de Miami : « Après l’accusation formulée contre Maduro et ses acolytes par le Département d’Etat et celui de la Justice, les prédictions changent totalement, jusqu’à ce que quelqu’un de leur entourage décide de les éliminer [4]. » En Bolivie, le secrétaire à la Présidence Erick Foronda, bras droit de Janine Añez, portée au pouvoir par un coup d’Etat, s’est fendu d’un Tweet menaçant pour « le suivant » : « Ils viennent pour toi, Maduro. Tu n’auras pas d’échappatoire. El le suivant est Evo Morales. Tes jours de conspiration sont terminés, délinquant ! »

Confortablement confinée dans l’Hexagone d’où elle appuie les secteurs fascisants qui s’acharnent sur les habitants de son pays d’origine, l’anthropologue et écrivaine franco-vénézuélienneElizabeth Burgos s’enthousiasme dans un message à la journaliste Jurate Rosales : « C’est un coup de maître contre les partisans du dialogue et l’Union européenne, etc. On ne peut pas dialoguer avec un “Wanted” [5]. » Le dialogue, voilà l’ennemi…

Tant les agissements ubuesques de la Maison-Blanche que ce type de commentaires devraient ne provoquer qu’un simple haussement d’épaules accablé. Toutefois, si une chose est de constater leur ineptie, autre chose est d’en mesurer l’ampleur et les possibles prolongements. Raison pour laquelle, des années de propagande politico-médiatique ayant passablement troublé les esprits, on tentera d’analyser ici en profondeur les mensonges et incohérences de cette agression majeure des pitbulls de Washington contre le Venezuela.

Premier rappel indispensable : de tous temps, les Etats-Unis ont instrumentalisé le « narcotrafic », tantôt le combattant, tantôt l’ignorant, tantôt l’utilisant pour leurs sombres desseins. Dans les années 1980, sous l’administration de Ronald Reagan et avec la pleine collaboration de la Central Intelligence Agency (CIA), les « contras » (contre révolutionnaires) nicaraguayens se sont livrés au trafic de cocaïne pour financer leur guerre contre les sandinistes. Dans son rapport du 13 avril 1989, le Comité du Sénat des affaires étrangères mentionna : « Les activités des Contra incluent des paiements aux trafiquants de drogue par le Département d’Etat des Etats-Unis, autorisés par le Congrès en tant qu’aide humanitaire [déjà !], dans certains cas après l’inculpation de trafiquants par des agences fédérales, dans d’autres pendant que les trafiquants étaient sous enquête par ces mêmes agences. » L’un des artisans de ces manœuvres scélérates s’appelait Elliott Abrams. Avant d’être gracié par George H. W. Bush, il fut condamné pour cela à deux ans de prison. Trump en a fait l’actuel responsable (« envoyé spécial ») de sa politique sur le Venezuela, avec pour tâche de contribuer au renversement de Maduro.

Au Panamá, le général Manuel Antonio Noriega a de même pactisé avec les barons du Cartel de Medellín. Depuis la fin des années 1950, il émargeait également à la CIA, qui, à partir de 1967, le rémunéra grassement. Des liens étroits l’unissaient à George H. W. Bush, promu directeur de l’« Agence » en 1976.
Entre 1983 et 1989, Noriega confisque les élections et gouverne de façon autoritaire (mais beaucoup moins que son homologue chilien Augusto Pinochet). Seulement, Noriega se montre soudain moins docile aux injonctions de la Maison-Blanche, qui lui demande une participation accrue à l’agression contre le Nicaragua sandiniste. De gangster ami Noriega se transforme en ennemi scélérat. Déclenchée le 20 décembre 1989, l’« Opération Juste Cause » lance 28 000 « marines », commandos et parachutistes sur Panama City. L’arrestation du trafiquant fait 4 000 morts – essentiellement des civils. Le 29 décembre 1989, par 75 voix contre 20 et 40 abstentions, l’Assemblée générale de l’ONU adoptera une résolution condamnant cette pseudo intervention « anti-narco ».

Peu avant le procès de l’ex-général, embarqué manu militari et incarcéré aux Etats-Unis, le Département de la Justice conclue un accord secret avec le Cartel de Cali (le second, en importance, en Colombie). Si les « narcos » apportent des témoignages contre Noriega, une remise de peine sera accordée à Luis Santacruz Echeverri, frère d’un des chefs du cartel, qui purge alors une peine de vingt-trois ans d’emprisonnement.
Pendant son procès, Noriega prétendit que sa collaboration avec la CIA lui avait rapporté 10 millions de dollars. Il demanda à pouvoir révéler les tâches qu’il avait effectuées pour les Etats-Unis. Le tribunal statua : « L’information sur le contenu des opérations secrètes dans lesquelles Noriega a été engagé en échange de versements présumés est sans rapport avec sa défense » et pourrait « confondre le jury ». En conséquence de quoi, sur cette séquence embarrassante, le silence lui fut imposé. On le condamna à 40 ans de prison [6].

Lors de sa conférence de presse du 26 mars dernier, le procureur général Barr n’a pas hésité à établir un parallèle douteux, mais surtout alarmant : « Nous ne reconnaissons pas Maduro comme président du Venezuela ; c’est déjà arrivé avec Noriega, que nous ne reconnaissions pas non plus. »

En ce qui le concerne, le colombien Álvaro Uribe n’a rencontré aucun problème pour être reconnu. Pourtant, l’Agence du Renseignement du Département de la Défense (DIA) américain lui a attribué, en 1991, le numéro 82 d’une liste de personnalités entretenant des liens étroits avec Pablo Escobar et le Cartel de Medellín [7] ! Uribe n’en a pas moins poursuivi sans encombres sa carrière politique. Accédant à la tête de l’Etat en 2002, il est devenu le principal allié des Etats-Unis dans la région. Ses liens avérés avec les « narco-paramilitaires » ne lui ont pas attiré plus d’ennuis.

Bien que toujours en mouvement, la vie n’opère pas forcément de constants changements : en février 2019, c’est avec l’aide de l’organisation narco-paramilitaire colombienne des Rastrojos que le président fantoche vénézuélien Juan Guaido a traversé clandestinement la frontière pour rejoindre le président Iván Duque (le fils spirituel d’Uribe) à Cúcuta, en Colombie [8]. Pas de problème. Il s’agissait de « bons narcos ».

Les concepteurs de l’acte d’accusation contre le chef de l’Etat vénézuélien comptent manifestement sur le fait que, d’une manière générale, les journalistes n’ont ni mémoire ni archives. Si l’on en croit les « révélations » de Barr au nom de la Justice US, lorsque Chávez a fait de Maduro son ministre des Affaires étrangères, le 7 août 2006, les FARC ont remis à ce dernier 5 millions de dollars, produit du narcotrafic. On est là un paquet de mois avant le 1er mars 2008, jour où un commando de l’armée colombienne bombarde et tue le numéro deux de cette guérilla, Raúl Reyes. Près de son corps, sont, dit-on, récupérés trois ordinateurs, deux disques durs et trois clés USB. Lesquels « révèlent » leurs secrets. Des milliers de courriers électroniques « prouvent » les liens entre l’« organisation terroriste » et Chávez (ainsi que le chef de l’Etat équatorien Rafael Correa). Les gouvernements colombien et américain font feu de tout bois. Un certain nombre de médias influents – The Wall Street Journal, The New York TimesEl País (Madrid), etc. – relaient avec délice l’information. Le monde entier apprend ainsi que Chávez, « sans un haussement de sourcils », a donné 300 millions de dollars à la guérilla.
Comprenne qui pourra… Les FARC sont tellement misérables qu’elles quémandent (affirme-t-on à l’époque) 300 millions de dollars à Chávez, mais tellement prospères qu’elles ont auparavant ou en même temps (prétend-on aujourd’hui) arrosé Maduro de 5 millions !

Pour qui ne connaîtrait pas le fin mot de l’histoire des « ordinateurs magiques » de Reyes, on rappellera que le 18 mai 2008, la Cour suprême de justice (CSJ) colombienne a déclaré les informations obtenues à partir d’eux « nulles et illégales ». La Cour contesta en particulier l’existence des fameux e-mails, les documents présentés comme tels se trouvant dans les fichiers d’un traitement de texte (Word) et non dans un navigateur permettant de démontrer qu’ils avaient été envoyés et/ou reçus. En d’autres termes : n’importe qui avait pu les rédiger et les introduire dans les ordinateurs a posteriori [9].
Cette information n’intéressa guère. Dans l’un de ses multiples éditoriaux consacrés au Venezuela, le Washington Post avait déjà résumé à lui seul l’objectif de la formidable campagne d’intoxication : « Si le scandale des ordinateurs est utilisé de manière adéquate [c’est nous qui soulignons], il approfondira le trou dans lequel cette supposée “révolution bolivarienne” est en train de se noyer. »
Douze ans plus tard, les méthodes et la thématique n’ont pas changé.

« Durant plus de vingt ans, affirme le procureur général Barr, Maduro et un grand nombre d’alliés ont conspiré avec les FARC, provoquant que des tonnes de cocaïne entrent et dévastent les communautés étatsuniennes. » Si le postulat du jeu est que la conduite de chaque individu ou groupe est rationnelle, nul n’envisagerait de renoncer à une si lucrative poule aux œufs d’or. Pourtant, avant même d’être président, Chávez estimait qu’il fallait en terminer avec le conflit colombien. « Un mouvement de guérilla n’est plus à l’ordre du jour dans les montagnes d’Amérique latine », lança-t-il même en 2008, créant le trouble chez les radicaux, tant colombiens que vénézuéliens.

Lui et Maduro, son ministre des Affaires étrangères, ne ménagèrent pas leurs efforts pour favoriser des négociations de paix entre la guérilla et le gouvernement de Juan Manuel Santos. Tous deux réussirent à convaincre les rebelles, ce qui n’avait rien d’évident (et raison pour laquelle des contacts existaient effectivement entre émissaires vénézuéliens et état-major des insurgés). Lors des obsèques de Chávez, le 8 mars 2013, c’est bel et bien Santos qui déclara, parlant de son homologue bolivarien : « L’obsession qui nous unissait, et qui a été la base de notre relation, était la paix de la Colombie et de la région. Si nous avons avancé dans un processus solide de paix, avec des progrès clairs et concrets, des avancées comme jamais il n’y en avait eu avec la guérilla des FARC, c’est aussi grâce au dévouement et à l’engagement sans limites du président Chávez et du gouvernement vénézuélien. »

Il en faudrait davantage pour que le Département de la Justice américain renonce à ses calembredaines. D’après lui, en 2008, Chávez, « qui était alors président du Venezuela et l’un des leaders du “Cartel des Soleils”, s’est mis d’accord avec Luciano Marín Arango, alias Iván Márquez [futur négociateur des Accords de paix, côté guérilla], pour utiliser les fonds de l’entreprise [pétrolière] d’Etat vénézuélienne PDVSA, pour appuyer les actions terroristes et de narcotrafic des FARC ». C’est l’époque où, toujours d’après les mêmes représentants de la loi et de l’ordre yankees, « Maduro a abusé de son pouvoir comme ministre des Affaires étrangères pour s’assurer que la frontière entre le Venezuela et la Colombie demeure ouverte et, ainsi, faciliter le trafic de drogue ».

Fichtre ! Maintenir les frontières de son pays ouvertes... Nul n’en disconviendra, il s’agit là d’un crime absolu. Sauf, bien sûr, si les Etats-Unis avaient commis un écart analogue... Car, n’ayant pas fermé les leurs, ne demeurent-ils pas, avec 6,8 millions de « clients » (d’après l’ONU), les premiers consommateurs mondiaux de cocaïne ? Faute de questions posées lors de la conférence de presse sur cette complicité de Washington avec les « narcos » colombiens, les procureurs vedettes de la chasse au Maduro ne se sont malheureusement pas prononcés sur la question.

De fait, le Venezuela se trouve coincé entre le premier pays producteur de cocaïne, la Colombie, avec laquelle il partage 2 300 kilomètres de frontière, et la principale destination de la « blanche », les Etats-Unis. Il se trouve donc particulièrement vulnérable – et le constat ne date pas d’aujourd’hui. En octobre 1997, lors d’une visite du président William « Bill » Clinton à Caracas, un accord de coopération pour la lutte contre le narcotrafic (11 millions de dollars) fut signé avec le prédécesseur de Chávez, Rafael Caldera. Raison invoquée à l’époque : « Le Venezuela est la plus importante route de contrebande du narcotrafic [drug-smuggling] depuis la Colombie jusqu’aux marchés illicites. Le pays sert de zone de transit pour environ 100 tonnes de cocaïne et 10 tonnes d’héroïne par an [10] » Vraiment trop « coooooool », Clinton n’a pas mis la tête de Caldera à prix.

Une telle situation géographique fait par définition naître des « vocations ». Lesquelles, défraient régulièrement la chronique, de multiples façons. Très court florilège. En 1997 (avant Chávez), le « dernier grand capo » après la mort de Pablo Escobar, l’ex-militaire colombien Justo Pastor Perafán, est capturé en plein centre de San Cristóbal (Venezuela). Deux ans plus tard, un Boeing 727 appartenant au prince saoudien Nayef Bin Fawwaz al-Shaalan quitte Caracas au terme d’une réunion de l’OPEP ; lors d’une escale à Paris, la police française y découvre 2 tonnes de cocaïne de la plus grande pureté [11]. Le 10 septembre 2013, c’est également à Paris qu’a lieu une « saisie record » (1,3 tonnes) à bord d’un vol d’Air France en provenance de l’aéroport Maiquetía de Caracas. Parmi les vingt-huit arrestations effectuées au Venezuela, figurent le lieutenant-colonel Ernesto Mora Carvajal (directeur de la sécurité de l’aéroport) et huit membres de la Garde nationale. En août 2011 déjà, lors de la capture d’une « narcoavioneta » transportant 1,4 tonnes de « coke » dans l’Etat de Falcón, on avait découvert que le petit appareil avait décollé de la base militaire de La Carlota (Caracas). En 2016, c’est l’officier de police représentant Interpol, Eliecer García Torrealba, qui tombera. Très remarqués, et pour cause, deux civils – Efrain Antonio Campo Flores et Franqui Francisco Flores de Freitas –, neveux de l’épouse de Maduro, Cilia Flores, finiront, pour le même motif supposé, condamnés en décembre 2017 à 18 ans de réclusion, dans une prison des Etats-Unis [12].
Financée par les barons de la drogue, la corruption à très large échelle s’infiltre à tous les niveaux et contamine, nul n’en disconvient, jusqu’à certains éléments de la police et de l’armée.

Mais quid du « Cartel des Soleils » ?

Il s’agit, peut-on lire ou entendre dans les rubriques « Le Venezuela par les Nuls », d’un gang de généraux né sous la présidence de Chávez et jouissant de sa complicité. Ridicule ! L’expression « Cartel des Soleils » a été utilisée pour la première fois en… 1993, lorsque deux généraux de la Garde nationale furent inculpés pour trafic de stupéfiants. Les « soleils » en question sont les insignes d’épaules que portent les généraux des Forces armées vénézuéliennes (quatre « soleils » pour le général en chef).

La formule revient sporadiquement lorsque des militaires sont impliqués ou arrêtés, mais refait surtout surface en 2015 sous la plume du « journaliste » Emili Blasco, correspondant à Washington du (monarchique, catholique et ultra-conservateur) quotidien espagnol ABC. Chávez est mort, l’« offensive finale » contre la révolution bolivarienne vient de commencer. Sur la base de supposées révélations de la Drug Enforcement Administration (DEA), Blasco fait de Diosdado Cabello, alors président de l’Assemblée nationale, le leader du Cartel des Soleils et l’un des narcotrafiquants les plus puissants du continent (ne connaissant pas encore le procureur général américain William Barr, il oublie de mentionner Chávez et Maduro).
Avec un ensemble touchant, extrapolant à partir du strict minimum de données, la docile corporation des faiseurs d’opinion – à commencer par The Wall Street Journal (Etats-Unis) et El Mundo (Espagne) [13] – se charge de colporter l’accusation. Que les plus prudents de leurs confrères reprennent à demi-mots, à coups de « conditionnels » hypocrites – ce qui suffit à imprimer une « vérité » dans l’opinion. Plus direct, le sénateur républicain cubano-américain Marco Rubio fait de Cabello « le Pablo Escobar vénézuélien ».
Preuves, faits irréfutables ou même moyennement étayés, vérifiables et vérifiés ? Aucun. Jamais.

Dans ce registre, le « think tank » Insight Crime se distingue particulièrement. Organisation supposément indépendante possédant son siège à Medellín (Colombie), Insight Crime a été fondé par Steven Dudley, ex-chef du bureau pour la région andine du quotidien le Miami Herald (« anticastriste », « antichaviste », « anti-tout-ce-qui-bouge-à-gauche ») et par Jeremy McDermott, ancien officier des Forces armées britanniques. Une bonne odeur de souffre, un parfum de barbouzerie. Les différents rapports d’Insight Crime s’appuient essentiellement sur les informations distillées par la DEA ou le Bureau du contrôle des actifs étrangers (OFAC) du Département du Trésor américain, les « révélations » de transfuges ex-chavistes cherchant à s’obtenir les bonnes grâces de leurs nouveaux amis américains, et des articles de presse. Laquelle presse, reprend à son tour la production d’Insight Crime, dans un classique dispositif de serpent qui se mord la queue. Oubliant au passage quelques particularités évoquées par le « think tank » lorsquemalgré son parti pris, il estime qu’il s’agit (le « Cartel des Soleils ») d’ « un réseau disparate de trafiquants, comprenant des acteurs étatiques et non étatiques », et précise que « s’il y a bien des cellules dans les principales branches des Forces armées, et à tous leurs niveaux (…), on ne peut pas les décrire comme un cartel, car la manière dont fonctionnent les relations entre ces cellules n’est pas claire [14]  ». En matière de de certitudes, on a déjà fait mieux.

Chacun voit midi à sa porte. Difficile pour le non belligérant de discerner où se trouve la vérité. Régulièrement mis en accusation par le rapport que publie chaque année le Département d’Etat américain, le Bureau national anti-drogue (ONA) vénézuélien ne reconnaît en la matière que les données de l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC). Dans son rapport 2019, cet organisme peu suspect de partialité décrit ainsi en quelques lignes lapidaires la situation(§ 578) [15] : « Il y a des indices que, dans la République bolivarienne du Venezuela, les groupes délictueux ont réussi à s’infiltrer au sein des forces de sécurité gouvernementales et ont créé un réseau informel connu comme le “Cartel des Soleils” pour faciliter l’entrée et la sortie de drogues illégales ». Indices, réseau informel… Même un média vénézuélien férocement d’opposition comme Costa del Sol admet : « Les experts en matière de sécurité reconnaissent que ce n’est pas un groupe organisé verticalement comme les cartels du narcotrafic colombien ou mexicain. Ils agissent plutôt comme un groupe d’individus aux connexions bureaucratiques, qui peuvent avoir peu ou aucune coordination les uns avec les autres [16] »
Qu’on examine le problème par n’importe quelle entrée, la thèse de Chávez, puis Cabello, et maintenant Maduro épluchant d’énormes liasses de billets en dirigeant d’une main de fer un gang criminel structuré ne repose sur aucun élément sérieux. Comme l’a noté l’avocat vénézuélien Juan Martorano, l’existence du Cartel des Soleils relève plus que tout du « mythe urbain » [17].

Le 9 août 2019, l’administration Trump a « certifié » la Colombie d’Iván Duque – preuve de sa bonne conduite et de sa pleine coopération avec Washington en matière de lutte contre la drogue. Dans le même temps, elle « dé-certifiait » la Bolivie (encore dirigée par Evo Morales) et le Venezuela gouverné « par le régime illégitime de Nicolás Maduro ». La pertinence de ces traitements différenciés apparaît avec évidence lorsqu’on sait que, en Colombie, la surface dédiée aux cultures de coca, la matière première de la cocaïne, a atteint des niveaux sans précédents : d’après l’UNODC (Nations unies) elle est passée de 48 000 hectares en 2013 à… 169 000 hectares en 2018 (et même 208 000 hectares d’après le Bureau de la politique nationale pour le contrôle des drogues [ONDCP] de la Maison-Blanche). Et ce, alors que les FARC, longtemps accusées d’être les principales responsables de ce fléau, ont déposé les armes en 2016.

D’après le procureur général « yankee » Barr, plus de 250 tonnes de cocaïne sortent du Venezuela chaque année à destination de l’Amérique centrale et de la Caraïbe « avec le consentement de Maduro ». Ce qui fait de la République bolivarienne LE « narco-Etat » de la région. D’après la très officielle Base de données antidrogues consolidée inter-agences (CCDB), un organisme gouvernemental américain, c’est pourtant en Colombie, pas au Venezuela, que la production de cocaïne a atteint 2 478 tonnes en 2017 (+ 269 % par rapport aux 918 tonnes de 2012).

Peu importe. Les « enquêteurs » étatsuniens persistent et signent : le Venezuela constitue le principal tremplin d’expéditions de drogue vers les Etats-Unis. Nouvelle supercherie.En 2012, d’après l’Organisation des Etats américains (OEA), dirigée alors par le chilien José Miguel Insulza, près de 70 % de la « coke » sortait de Colombie à travers le Pacifique, 20 % à travers l’Atlantique et 10 % via le Venezuela [18]. Vingt ans plus tard (11 mars 2020), s’appuyant sur les chiffres de la CCDB « yankee », le Bureau de Washington pour les affaires latino-américaines (WOLA) parvient au même constat : 84 % de la drogue produite chez Uribe, Santos et maintenant Duque passent par l’Océan Pacifique (que bordent la Colombie et, à un degré moindre, concernant les expéditions, l’Equateur et le Pérou), 9 % empruntent la voie de la Caraïbe occidentale (l’Amérique centrale) et seulement 7 % la Caraïbe orientale (le Venezuela) [19]. En d’autres termes : même ses propres services – le CCDB, le Département de la Défense – mettent en évidence la supercherie de Trump (et de ses « employés »).
 
Pour illustrer la manipulation du thème des pays de transit, on précisera que, toujours d’après la CCDB, 210 tonnes de cocaïne ont circulé par le Venezuela en 2018 (ce qui est plausible) et… 1 400 tonnes par le Guatemala. De son côté, l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC) mentionne dans son dernier rapport (§ 579) que le trafic par la voie maritime depuis les ports du Chili est en constante augmentation, ce qui le convertit, « avec le Brésil et la Colombie, en l’un des principaux pays de sortie de la cocaïne saisie à Valencia et Algésiras, en Espagne, importantes voies d’entrée de ces stupéfiants en Europe ».
Pendant que le régime de Trump amuse la communauté internationale avec ses fantaisies, « des gens », à Miami, Los Angeles, ou ailleurs dans des paradis fiscaux, déposent des centaines de milliers de dollars, sans trop attirer l’attention.

Le 1er novembre 2019, le ministre de l‘Intérieur vénézuélien, Néstor Reverol, informait que, cette même année, les forces de sécurité avaient intercepté et confisqué 29,779 tonnes de drogues de toutes natures, arrêtant 5837 personnes et ouvrant 1 556 procédures judiciaires (d’après la même source, entre 2015 et mars 2020, ce sont 212 tonnes qui ont été saisies). Insuffisant pour bloquer la très peu Sainte Inquisition : 15 millions de dollars, on l’a vu, pour la tête de Maduro, 10 millions pour celles de Cabello et d’El Assaimi, mais aussi pour deux autres piliers du « régime corrompu » et de son « cartel », Hugo Carvajal, ancien chef du Renseignement, ex-député chaviste (et en cavale en Espagne, soit dit en passant) et Cliver Alcalá. Quiconque fournira une information permettant de localiser tous ces gens-là touchera (théoriquement) le gros lot. S’agissant de Maduro, on se permettra ici de donner un indice relevant du très à la mode « journalisme d’investigation » : Palais présidentiel de Miraflores, Final Avenida Urdaneta 1010, Esquina de Bolero, Caracas Distrito Capital (Venezuela). Pour Cliver Alcalá, membre du même gang, pas de difficulté majeure non plus : depuis deux ans, au vu et au su de tous, ce « dangereux narcotrafiquant », vit tranquillement à Barranquilla, en Colombie. Sans que les forces conjointes de la CIA et de la DEA ne l’y aient repéré. Sans que les autorités colombiennes ne l’aient détecté. Et pour cause…

Général au sein des Forces armées nationales bolivariennes (FANB), Alcalá s’est démarqué du pouvoir et, après avoir pris sa retraite en 2013, s’est publiquement opposé à Maduro. Il a été un excellent « client » pour un certain nombre de chercheurs, universitaires et journalistes dits « de gauche », avides des déclarations de « chavistes critiques » leur permettant de rejoindre l’offensive anti-Maduro sans paraître renier Chávez et sa révolution pour lesquels, lorsqu’on pouvait le faire sans s’exposer outre mesure aux condamnations de la majorité conformiste, ils avaient manifesté une certaine sympathie.
Accusé depuis 2014 de liens avec le narcotrafic, Alcalá est entré tout à fait légalement en Colombie par Cúcuta (d’après Migración Colombia). Bien qu’ayant (ou parce qu’il a) épousé en mai 2012 Marta González, une sœur d’Hermágoras González Polanco, alias « El Gordito González », narcotrafiquant et ancien membre de l’organisation paramilitaire des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), Alcalá vivrait encore paisiblement dans son pays d’accueil si [20]...

Le 24 mars, l’épidémie de Coronavirus restreignant la circulation, la police de la route colombienne, dans une opération de routine, contrôle un véhicule qui circule sur la route Barranquilla – Santa Marta. Elle y découvre un arsenal : 26 fusils d’assaut AR-15, des silencieux, des viseurs nocturnes, des casques, des gilets pare-balles, des émetteurs-récepteurs radio, etc. Arrêté, le conducteur confesse qu’il se dirigeait vers la Guajira (département frontalier avec le Venezuela). Deux jours plus tard, une radio colombienne à forte audience, Web Radio, diffuse une déclaration explosive de… Cliver Alcalá, l’un des « narcos » vénézuéliens complices de Maduro recherchés par la Justice des Etats-Unis : « Je me trouve à Barranquilla, dans mon logis, où le gouvernement colombien, depuis longtemps, sait que je suis. » Ce détail précisé, Alcalá dévoile que les armes saisies le 24 appartiennent à un groupe de 90 officiers vénézuéliens (déserteurs) qu’il dirige. Objectif : « Obtenir la liberté du Venezuela ». Comment ? En faisant passer ces armes dans la Guajira vénézuélienne où elles devaient être réceptionnées par un officier – alias « Pantera ». Continuant ses révélations, Alcalá dit ceci : toute cette opération a eu lieu dans le cadre d’un accord passé avec « le président » Guaido, son conseiller politique Juan José « J.J. » Rendon (consultant de multiples candidats présidentiels latinos de droite) et des conseillers américains. Il implique dans le complot Leopoldo López (leader de Volonté populaire, le parti de Guaido), Sergio Vergara (député de VP, bras droit de Guaido) et Iván Simonovis, nommé Coordinateur spécial de la sécurité et du renseignement aux Etats-Unis par le président autoproclamé [21].

Alcalá multiplie ensuite ses interventions sur Twitter et, finalement, livre ses dernières révélations en exclusivité sur Infobae : « Depuis plusieurs mois, nous travaillons à la formation d’une unité pour libérer le pays et éliminer chirurgicalement les objectifs criminels du narcotrafic et du désastre qu’“ils” ont généré dans notre pays [22]  ». Assurant une dernière fois qu’il ne fuit pas, comme le laisse entendre la Justice des Etats-Unis – laquelle vient « à sa grande surprise » de le placer sur la liste des « narcoterroristes » de la bande à Maduro ! –, Alcalá précise, évoquant le procureur général Barr : « Je présume qu’il ne connaît pas l’accord confidentiel que nous avons. » Raison pour laquelle il annonce son intention de se mettre à disposition des autorités colombiennes et son entière disposition « à collaborer avec la justice nord-américaine ».
Sur un personnage et un épisode aussi « tordus », les spéculations vont bon train. On ne s’engagera pas ici dans un fatras d’hypothèses oiseuses et de théories. On s’en tiendra aux faits. Alcalá s’est affectivement « rendu » sans perte de temps aux forces de l’ordre colombiennes. Durant son transfert jusqu’à l’aéroport de Bogotá, en vue d’une extradition immédiate aux Etats-Unis, il a eu tout le loisir de donner des interviews téléphoniques et par vidéo sur les réseaux sociaux (ce qui est très fréquent chez les narcotrafiquants détenus !). Evoquant les agents de la Direction nationale du renseignement (DNI) qui l’escortaient, il déclara : « Je les connais, je les ai vus et je traite avec eux depuis plus d’un an. J’ai été constamment en communication avec eux. Par le passé, en Colombie, je me suis réuni avec eux, ici, à Barranquilla [23] » Les heures qui vont suivre n’apporteront guère de démenti à ces allégations. Lorsque le 27, Alcalá s’apprête à monter dans l’avion dépêché en toute hâte par la DEA pour le ramener à New York (malgré la fermeture des frontières), où l’attend théoriquement une prison de haute sécurité, il le fait sans menottes, de manière détendue, après avoir salué très cordialement et échangé quelques « abrazos » avec ceux qui le surveillaient. Nul doute que les « révélations » les plus explosives sur Maduro vont maintenant se multiplier dans le cadre de négociations dont raffole la Justice étatsunienne pour, en échange d’une réduction de peine, compromettre, diffamer et si possible jeter dans un cul de basse fosse le ou les individus qu’elle poursuit de sa vindicte.

A l’origine de cette séquence, l’arsenal confisqué aux opérateurs d’Alcalá n’était à l’évidence pas de nature à déclencher une opération d’envergure de type invasion ou coup d’Etat. En revanche, il était parfaitement adapté à l’organisation d’opérations de type « élimination chirurgicale » (pour reprendre l’expression de l’ex-général) ou « assassinat sélectif ». L’avenir dira peut-être quels objectifs étaient visés. Mais en tout état de cause, le lot d’armes s’inscrit dans la stratégie de déstabilisation du Venezuela – de la tentative d’assassinat de Maduro le 4 août 2018 à la présence notoire de camps d’entraînements pour mercenaires (liés à Alcalá, en particulier à Riohacha, dans la Guajira). Cette politique de caractère terroriste, dont le régime de Trump donne le « la », atteint son point d’orgue avec la récente mise à prix de Maduro. Une semaine après cette dernière, et le lendemain du jour où le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a présenté un plan de « Gouvernement de transition, sans Maduro ni Guaido », le gouvernement américain a en effet annoncé le déploiement d’une importante opération navale destinée à réduire l’entrée de drogues illégales aux Etats-Unis. « Alors que les gouvernements et les nations se concentrent sur le coronavirus, a expliqué sans rire le maître de la Maison-Blanche, il existe une menace croissante que les cartels, les criminels, les terroristes et d’autres acteurs malveillants tentent d’exploiter la situation pour leur propre profit. » Pour qui n’aurait pas tout à fait saisi la nature de l’opération, le conseiller à la Sécurité nationale Robert O’Brien a ajouté qu’il s’agit de réduire les ressources financières du narcotrafic, lequel «  fournit au régime corrompu de Maduro (…) et à d’autres acteurs pernicieux les fonds nécessaires à la réalisation de leurs activités malignes ».
Au moins dix garde-côtes, des destroyers, des navires de guerre de dernière génération, des porte-hélicoptères, une brigade d’infanterie, des membres des forces spéciales et une importante couverture aérienne – P-8 (version militaire du Boeing 737), E-3 Awacs, E-8 JStars – vont prendre progressivement position, théoriquement dans le Pacifique et l’Atlantique, en réalité massivement face aux côtes du Venezuela. Un marteau pilon ! Pour combattre… des mouches. Les cargaisons maritimes de « coke » quittent les côtes latino-américaines à bord de « go fast » (vedettes rapides), de bateaux de pêche, de mini-sous-marins, de navires commerciaux et de porte-conteneurs ; les expéditions aériennes utilisent des avions de tourisme. Des cibles et objectifs sans commune mesure avec le déploiement spectaculaire de cette armada.

Au moment où les Nations Unies demandent une suspension des mesures coercitives unilatérales (dites « sanctions ») contre le Venezuela et Cuba (ainsi que l’Iran) pendant la crise du Coronavirus, Trump a donc opté pour une authentique déclaration de guerre. Brandie à la face du monde, la « cocaïne » de Maduro est l’équivalent de la petite fiole de poudre de perlinpimpin de Colin Powell accusant Saddam Hussein, devant l’Assemblée générale des Nations unies, de disposer d’armes de destruction massive. Cette dangereuse surenchère a au moins une cause aisément détectable : l’échec de la stratégie du « président fantoche » censé faire tomber Maduro. Pauvre Guaido ! Il fait pourtant tout ce qu’il faut : il approuve les sanctions qui martyrisent ses compatriotes, il célèbre la mise au ban de Maduro, il appuie le déploiement de la force navale. Il n’en a pas moins été congédié sans ménagements. En proposant un plan de transition « sans Maduro ni Guaido », Washington a signé la fin de cette comédie. Et le Guaido en question s’est montré pour ce qu’il est et n’a jamais cessé d’être : une marionnette. Depuis janvier 2019, il joue au chef de l’Etat légitime, inébranlable, ferme, crâne, intrépide, viril, courageux, « reconnu par la communauté internationale », et ne cédant sur rien. Que Trump lui intime de se retirer, et il obtempère sans résistance, sans une once de dignité : « Oui chef ! bien chef ! » Comme on dit au Mexique, « qui paye le mariachi choisit la chanson ».

Quinze millions de dollars pour la tête de Maduro ! En tant qu’objectif prioritaire des « faucons » étatsuniens, le chef de l’Etat vénézuélien, à travers ce procédé original, succède à l’irakien Saddam Hussein et au libyen Mouammar Kadhafi – avec, en ce qui concerne ces derniers, les dénouements que l’on connaît. Certes, le pouvoir vénézuélien tient bon. Malgré les énormes difficultés quotidiennes (qu’aggravent le Coronavirus), une très large fraction des secteurs populaires l’appuient. Les discussions se poursuivent avec l’opposition modérée. Les Forces armées demeurent loyales. Evoquant « la furia bolivariana », l’alliance « civico-militaire » (très mal comprise à l’étranger) prépare, au cas où, la défense du pays.

Mais c’est précisément cette résistance aux desseins de la puissance impérialiste qui incite cette dernière à utiliser les méthodes les plus extrêmes (quand bien même elles seraient cousues de gros fil blanc). « Des millions pour la tête de… » Maduro, Cabello, El Aissami ! Une telle promesse de récompense attire les avides comme la lumière attire les papillons. On trouve toujours des hommes qui aiment les sales besognes. Quelque militaire félon, acheté, opportuniste ou intimidé par la puissance de l’ennemi. Des paramilitaires (colombiens ou venézolano-colombiens). Des barbouzes, des aventuriers. Des mercenaires de compagnies de sécurité privée. Des « spécialistes » américains – surgis, par exemple, du sein de l’armada en cours de déploiement.
Pour ce type de coup tordu, les méthodes ne manquent pas. L’opération commando permettant de séquestrer la cible. Le drone, chargé de l’assassiner. Le bombardement « chirurgical ». La balle d’un « sniper ». Le coup d’Etat mené par un secteur minoritaire de l’armée…

Le pire n’est bien entendu jamais sûr. On ne négligera pas la capacité de la révolution bolivarienne à déjouer les plans ennemis. Ni même un changement de pouvoir lors de la prochaine élection américaine, Trump semblant moins doué pour gérer une pandémie que pour semer la terreur et la mort dans ce qu’il croit être son pré-carré. Néanmoins, en l’état, au mépris du droit international, la préparation d’un crime potentiel se déroule sous nos yeux. Une conspiration. La séquestration ou l’assassinat d’un chef de l’Etat reconnu par l’Organisation des Nations unies et qui n’a commis aucun crime, sauf ceux de défendre la Constitution et la souveraineté de son pays.

Nul n’est obligé d’aimer le président vénézuélien. Nul n’est contraint d’appuyer la révolution bolivarienne. Mais, tout de même… A l’époque où il existait en France une gauche digne de ce nom, elle aurait crié, à l’unisson, toutes tendances confondues : « Nous sommes tous Maduro ! Trump, pas touche au Venezuela ! »

 


[1https://www.theguardian.com/world/2020/mar/30/trump-says-keeping-us-covid-19-deaths-to-100000-would-be-a-very-good-job

[2https://www.justice.gov/opa/video/attorney-general-barr-and-doj-officials-announce-significant-law-enforcement-actions

[3Chef du Cartel de Sinaloa, considéré comme le « trafiquant le plus dangereux du monde » par les Etats-Unis, Joaquin Guzmán a été capturé en février 2014 par les autorités mexicaines (après une première évasion), extradé aux Etats-Unis et condamné à perpétuité par le tribunal de New York, le 17 juillet 2019.

[4https://elnuevopais.net/2020/03/29/carlos-alberto-montaner-es-este-el-fin-del-chavismo/

[5https://elnuevopais.net/2020/03/27/jurate-rosales-descartaron-a-los-tibios/

[6Sa peine fut ultérieurement ramenée à trente ans, puis, pour bonne conduite, réduite à dix-sept ans.

[7Rapport du 23 septembre 1991.

[8http://www.medelu.org/Venezuela-aux-sources-de-la-desinformation

[9Sur cette affaire, lire Maurice Lemoine, « La Colombie, Interpol et le cyberguérillero », Le Monde diplomatique, juillet 2008.

[10 The International Herald Tribune, 14 octobre 1997.

[11Condamné en France à dix années par contumace, le prince est depuis protégé par son pays.

[12Les deux jeunes hommes sont tombés dans un piège tendu par des agents de la DEA : des informateurs payés par cette agence leur ayant promis 20 millions de dollars en échange de cocaïne, ils auraient prévu d’obtenir la marchandise auprès d’un intermédiaire se fournissant auprès des FARC. Du fait de leur arrestation, le crime n’a pas été commis. Ils ont été condamnés pour « conspiration en vue de… ».

[13http://www.elmundo.es/internacional/2015/05/19/555b88ce268e3edc418b45aa.html

[14Pour les différents articles consacrés par IC au Cartel des Soleils : https://www.insightcrime.org/venezuela-organized-crime-news/cartel-de-los-soles/

[15http://www.unis.unvienna.org/pdf/2020/INCB/Annual_Report_S.pdf

[16https://www.costadelsolfm.org/2020/02/19/un-informe-de-la-onu-revela-que-el-cartel-de-los-soles-infiltro-las-fan-en-venezuela/

[17https://www.alainet.org/es/articulo/205032

[18http://www.cicad.oas.org/drogas/elinforme/informeDrogas2013/laEconomicaNarcotrafico_ESP.pdf

[19https://www.wola.org/2020/03/report-u-s-drug-monitoring-data-on-venezuela-gets-beyond-the-narcostate-narrative/

[20D’après Caracol Radio, Marta González, l’épouse d’Alcalá, a une sœur, Lucy, qui a été en couple avec le truand José Guillermo « Ñeñe » Hernández, assassiné en 2019 et au cœur d’un scandale d’« achats de votes » au profit de l’actuel président Iván Duque. Sur cette affaire, lire : http://www.medelu.org/La-Colombie-aux-temps-du-cholera

[21https://www.youtube.com/watch?v=V-pOs4qfxaQ

[22https://www.infobae.com/america/venezuela/2020/03/26/el-general-cliver-alcala-cordones-uno-de-los-funcionarios-venezolanos-buscados-por-la-justicia-de-los-estados-unidos-anuncio-que-se-entregara-a-las-autoridades-colombianas/

[23https://www.elheraldo.co/judicial/cliver-alcala-conocia-los-agentes-de-inteligencia-ante-quienes-se-entrego-712979

 

 

Maurice LEMOINE - Journaliste

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