La crise sanitaire à laquelle le monde est confronté révèle une crise structurelle qui existait déjà et que le Parti de la Gauche Européenne (PGE) n’a cessé d’exposer. Le PGE s’est chargé de proposer un modèle alternatif pour cette Europe suite à la propagation du Covid-19. Pour cela, une plateforme a été créée et nous travaillons très activement pour la développer, le plus rapidement et le mieux possible, en nous concentrant non seulement sur les solutions à la crise actuelle, mais également, à plus long terme, pour une transformation publique, sociale et écologique de l’économie. Il est important de repenser le rôle des institutions européennes et mondiales, d’assurer des investissements allant dans le sens d’un Nouveau pacte vert et social (“Social Green New Deal), de protéger les travailleurs.euses et de promouvoir un avenir centré sur les besoins humains et pas seulement sur le profit.
La situation provoquée par la pandémie du COVID-19 bouleverse l’humanité tout entière. Presque tous les pays ont pris des mesures drastiques pour éviter la contraction et contenir la pandémie. Tous les efforts possibles doivent, en effet, être consentis pour protéger la population. De telles mesures requièrent une coordination. Mais une coordination européenne efficace par ses institutions est toujours absente de même qu’une réponse globale. De cette façon, les pays les plus touchés sont laissés à eux-mêmes. Le risque est donc que le Pacte de Stabilité limite la solidarité entre les pays face à la crise économique en menant à la dichotomie entre les pays privilégiés et les pays déjà touchés par l’austérité dans le passé.
La propagation du virus COVID-19 a également des conséquences significatives pour l’économie : Il donne un coup d’accélérateur à la crise de la mondialisation néolibérale en tant que modèle hégémonique de société et, de ce fait, au processus de restructuration du capitalisme.
La pandémie de coronavirus constitue la preuve manifeste de l’échec du modèle économique et social néolibéral dominant. En raison de la politique d’austérité néolibérale menée au travers de la privatisation des services publics, les systèmes de soins de santé ne sont pas en mesure de répondre aux besoins publics pendant une pandémie.
Le Parti de la gauche européenne (PGE) exige des mesures immédiates pour lutter contre les conséquences de la crise et un changement radical de politique, ouvrant une nouvelle voie pour le développement de la société, plaçant le peuple en son centre.
Des activités globales concernant cinq pôles sont nécessaires. Avant tout, tout doit être fait pour protéger la population. Une transformation publique, sociale et écologique de l’économie est urgente. Les institutions et les droits démocratiques ne doivent pas être remis en cause par les mesures prises pour lutter contre la crise: au contraire, en ces temps difficiles, la démocratie et les droits civils doivent être défendus et élargis. Il n’y a pas d’autre réponse que la solidarité internationale face à la dimension mondiale de la crise: c’est le moment pour une nouvelle initiative de désarmement et une politique de détente.
Protection de la population
Tous les efforts possibles doivent être consentis pour un meilleur fonctionnement des systèmes de santé. Nous avons besoin de ressources supplémentaires pour les systèmes de santé publique, ainsi que d’une convergence des normes dans tous les pays en termes de personnel, d’installations et d’équipements dans les hôpitaux publics et pour les systèmes de prévention, ainsi qu’une augmentation de la capacité de production des outils de protection de la santé. Il faut également impérativement se doter, à l’échelle du Continent, de services publics européens, efficaces et coordonnés avec le reste du Monde. Nous exigeons la création immédiate d’un fonds européen pour la santé financé via la BCE par des titres à 100 ans non négociables sur les marchés, et les possibilités d’obtenir davantage de services publics en supprimant le Pacte de stabilité et de croissance.
Tant sur le plan social qu’économique, la population a besoin de protection. Des milliers de travailleurs.euses et de salarié(e)s risquent de perdre leur emploi et leurs revenus et beaucoup les ont déjà perdus. Le virus frappe les plus faibles les plus durement: les personnes les plus touchées sont celles qui travaillent dans des conditions de précarité, mal payés en particulier le personnel de nettoyage et les soignants.
Les gouvernements de toute l’Europe demandent de pratiquer le télétravail, mais cette mesure ne s’applique pas à tout un chacun, et dans trop de cas, c’est un privilège. Les travailleurs.euses des services essentiels ou des chaînes de production essentielles dont la présence est requise sur le lieu de travail doivent avoir la garantie qu’ils seront protégés contre la propagation du virus.
Nous exigeons l’adoption d’un plan de sauvetage économique pour les travailleurs.euses et leurs familles, y compris tous les travailleurs précaires, les chômeurs et les sans-papiers, les migrants et les réfugiés ou similaires. En cas de perte de revenus, une compensation financière est nécessaire. Les loyers et les hypothèques doivent être suspendus pour ceux qui ne peuvent pas les payer en raison de leur perte de revenu. Nous nous opposons à toute tentative d’aggraver les conditions de travail, comme la suspension des conventions collectives et la réduction des droits des travailleurs. Les systèmes de protection sociale, de salaires et de retraites devraient être adaptés sur le plus haut niveau que nous ayons en Europe.
Les femmes sont principalement touchées par des conditions de travail précaires, en particulier les gardiennes, les caissières ou les femmes de ménage. La situation des femmes migrantes est spécialement dure, que ce soit dans les camps, ou dans les pays dans lesquels elles sont arrivées.
Les femmes ne devraient pas payer le prix le plus élevé de cette crise: nous avons besoin d’un plan concret axé sur la protection de toutes les femmes (travailleuses, chômeuses, migrantes), en particulier lorsqu’elles sont victimes de violences (en particulier la violence domestique).
Nous nous opposons fermement à la pression exercée par le monde économique et industriel sur les décideurs pour qu’ils mettent fin aux mesures de confinement et rouvrent des productions non essentielles sans garantir les conditions de base de la sécurité des travailleurs afin éviter l’augmentation des infections.
Nous avons besoin d’actions urgentes non seulement pour les grandes entreprises, mais en particulier pour les petites et moyennes entreprises et les travailleurs indépendants. Le soutien financier aux entreprises doit viser à maintenir les emplois, en respectant les salaires, les horaires et les devoirs. Afin de faire face aux problèmes de remodelage de la production, la réduction du temps de travail au même salaire est encouragée.
Relance économique et transformation écologique et sociale
Comme mesure immédiate, nous avons besoin de plus d’investissements dans les services publics.
D’emblée, il faut en finir avec les politiques d’austérité en abandonnant l’ensemble du pacte de stabilité et de croissance. L’Europe doit abandonner cet instrument, qui a été utilisé pour imposer l’austérité aux dépenses publiques, sapant en conséquence les soins de santé et les autres services publics au détriment de la population qui, de ce fait, souffre aujourd’hui de la crise du coronavirus.
La Banque centrale européenne (BCE) devrait être l’instrument pour garantir les énormes ressources nécessaires pour faire face à l’immense urgence sociale, économique et médicale actuelle.
L’argent de la BCE devrait être utilisé pour aider les populations à sortir de l’urgence médicale et pour lutter contre les conséquences de la crise, et non pour maintenir le taux de rendement du capital. La BCE doit assumer sa responsabilité de développement de l’économique et prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter la spéculation financière. Il s’agit d’une condition préalable pour garantir la coordination des actions nationales et la mise en place d’un solide système de solidarité pour faire face à la crise du coronavirus. La BCE et les banques nationales devraient être utilisées pour augmenter les dépenses de services sociaux et de protection de la population.
Par ailleurs, la BCE doit financer un plan d’investissement européen, capable de dynamiser l’emploi et de garantir une évolution du modèle environnemental et social de production et de l’économie. Nous avons besoin d’un programme de reconstruction des capacités productives comprenant la relocalisation des industries stratégiques. Nous exigeons un Fonds européen de relance, financé par des obligations émises par le Fonds lui-même ou par la Banque européenne d’investissement et acquises par la BCE. Dans le même temps, le mécanisme européen de stabilité (MES), qui représente une manière inutile et nuisible d’intervention dans les budgets publics des différents pays européens, devrait être aboli.
La Cour Constitutionnelle allemande a remis en question les compétences de la BCE et de la Cour de justice de l’Union européenne et ignore les exigences économiques dont nous avons besoin pour le développement européen. Sa décision ne représente pour nous que le revers de l’austérité et du projet néolibéral. Elle a pour fonction de décourager et d’éviter les actions de solidarité et de saper la voie vers tout projet d’Europe sociale.
Nous proposons un moratoire général sur les dettes publiques. Par ailleurs, nous proposons une conférence européenne sur les dettes publiques, et une discussion ouverte sur les critères de classification de la dette.
Cette crise du COVID-19 montre que le marché ne répond pas du tout aux besoins des citoyens. Il n’est même pas en mesure d’assurer le minimum nécessaire à la vie. Nous voulons une relance du rôle public, perdu pendant la période de privatisation, dans tous les secteurs: le système de crédit, les productions stratégiques, le système de recherche et les services. Nous avons besoin d’un modèle économique axé sur le bien-être public, et l’immense accumulation de capital par quelques-uns doit être stoppée. Pour le plus grand nombre, pas seulement pour quelques-uns! (« For the many, not just for the few!).
Le financement de l’augmentation des dépenses sociales et l’investissement dans la transformation de l’industrie nécessitent une politique de justice fiscale: nous exigeons un nouveau modèle de collecte des impôts qui taxe les grandes sources de capital et de richesse, sur la base des critères de progressivité fiscale, et qui met fin aux paradis fiscaux à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE. Une taxe sur les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et sur NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber) est nécessaire.
La crise fournit des raisons suffisantes pour remettre en question notre modèle socio-économique et changer radicalement la politique. Un profond changement est nécessaire, parce que nous sommes confrontés à d’énormes défis écologiques tels que le changement climatique, qui a de graves conséquences sociales. Pour la Gauche, le lien entre les exigences écologiques et les besoins sociaux est crucial. Il faut une transition verte de l’industrie. Cependant, nous sommes aussi dans l’obligation de protéger les travailleurs et les salariés affectés par ce processus.
Le concept de « transition juste » que promeut la Confédération Syndicale Internationale (CSI) combine la transition écologique et la protection sociale. Une nouvelle politique industrielle intégrant des concepts d’énergie et de mobilité innovants est nécessaire. Nous avons besoin d’un plan de reconversion environnementale et sociale de l’économie qui garantisse le plein et bon emploi et protège les droits de chacun, en commençant par l’égalité des sexes. Dans une perspective de gauche, une nouvelle politique industrielle doit inclure la participation directe des travailleurs et, de ce fait, aller de pair avec la démocratie économique.
Démocratie
Le PGE considère que la crise COVID-19 peut menacer les démocraties et le risque qu’une action irresponsable conduise à l’émergence de l’extrême droite et à sa rhétorique de non-solidarité totale. Contre les tentatives de profiter de la situation d’urgence pour limiter ou suspendre nos droits, le PGE défend la démocratie et ses institutions. Par exemple, les parlements devraient rester en fonction et non être suspendus, comme c’est le cas en Hongrie.
Nous savons que des mesures très strictes sont nécessaires pour contenir la pandémie. Mais nous devons être vigilants et faire en sorte que les restrictions de liberté jugées nécessaires pour arrêter la progression de la pandémie restent des mesures exceptionnelles.
Le PGE rejette également fermement toute tentative d’utilisation abusive de la pandémie du coronavirus pour faire de la démagogie xénophobe ou nationaliste.
Désarmement et paix
L’engagement inconditionnel en faveur de la paix et du désarmement est l’un des éléments essentiels de la politique de gauche. Sans paix, il n’y a pas d’avenir pour l’humanité.
L’urgence du coronavirus doit être considérée comme une occasion de remettre le désarmement et la paix au centre de l’élaboration des politiques. Les dépenses militaires doivent être considérablement réduites au profit des soins de santé et de la satisfaction des besoins sociaux. Il est temps de prendre l’initiative d’une nouvelle politique de détente.
La manœuvre de guerre «Defender» a été stoppée par l’épidémie de coronavirus, mais elle n’a pas été complètement annulée. Par conséquent, nous devons poursuivre et intensifier notre résistance contre ces dangereux exercices militaires. L’OTAN n’est pas une organisation défendant les intérêts des Européens. Avec ses activités agressives, c’est une organisation dangereuse. L’OTAN doit être dissoute au profit d’un nouveau système de sécurité collective, qui inclue également la Russie.
Solidarité européenne et internationale
Nous avons besoin d’une sortie sociale de la crise qui dépasse le modèle actuel d’intégration européenne. Notre objectif est une sortie sociale de la crise. Pour ce faire, toute proposition doit englober plusieurs volets :
– La nouvelle intégration internationale de l’Europe devra diversifier ses relations internationales avec des relations commerciales équitables fondées sur le bénéfice mutuel et non sur la concurrence pour le profit.
– Nous soutenons la promotion d’un processus de coopération paneuropéen incluant la Russie.
– Le développement d’un modèle d’États socialement avancés caractérisé par une solidarité et une coopération «horizontales», avec un programme de reconstruction productif et durable visant à atteindre la souveraineté alimentaire à travers un plus grand soutien et de l’innovation pour l’agriculture.
– Le soutien à l’OMS, notamment sur le plan financier, pour jouer un rôle plus efficace dans de telles crises.
– La défense de l’ONU menacée par l’administration des Etats-Unis dans l’intérêt du multilatéralisme.
– Ce n’est pas seulement une tâche pour l’Europe mais pour le monde entier. Les pays du Sud ont besoin d’un soutien financier pour protéger leurs populations et améliorer leurs systèmes de santé.
– Nous devons nous assurer que les réfugié(e)s et les migrant(e)s sont traités conformément au droit international et européen, que leurs droits humains et civiques sont définitivement respectés et que leurs vies ne sont pas non plus menacées par des détentions illégales, des refoulements, des expulsions cachées aux yeux du public, ou par des manques de soins de santé, d’hébergements inadéquats, de conditions de vie inacceptables, de réactions racistes et xénophobes, d’exploitations, de discours de haine ou d’actes de violence. Nous devons nous concentrer sur leurs bonnes éducations, sur des opportunités de travail décents et égaux, sur leurs épanouissements personnels et leurs intégrations sociales.
– Initier une réponse humanitaire à la situation de millions d’êtres humains dans le monde qui doivent quitter leur foyer pour échapper à la misère, à la faim, aux maladies et à la guerre et qui verront désormais leur situation s’aggraver.
– Le monde doit rester uni et la clé pour surmonter la crise est la solidarité internationale. Il est particulièrement nécessaire de renforcer la solidarité avec les peuples du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, qui courent un plus grand risque d’être gravement touchés par la pandémie du COVID-19.
– Nous soulignons un nouvel accent mis sur les principes culturels et fondés sur des valeurs qui permettent le plein développement de l’être humain dans une société égalitaire et écologiquement protégée.
Dans cette perspective, le Parti de la Gauche Européenne appelle toutes les organisations des forces progressistes, écologiques et de gauche, et particulièrement celles qui participent au Forum Européen, à travailler ensemble pour développer une réponse progressiste commune à la crise actuelle dans l’intérêt des gens.
Toutes les options sont sur la table » … Phrase mille fois répétée à Washington. Et sur tous les tons. Au micro, devant les caméras : Donald Trump (président), Mike Pence (vice-président), John Bolton (ex-conseiller à la Sécurité nationale), Mike Pompeo (secrétaire d’Etat), Elliott Abrams (envoyé spécial au [sur le] Venezuela). Plus, bien sûr, leur domestique de luxe, Luis Almagro, secrétaire général de l’Organisation des Etat américains (OEA) [1]. Un mantra repris depuis septembre 2018, dès qu’est évoqué le nom du président vénézuélien Nicolás Maduro.
Levons d’emblée une équivoque : du temps de Richard Nixon (1969-1974), le secrétaire d’Etat Henry Kissinger ne s’exprimait pas autrement. Le 27 juin 1970, lors d’une réunion du Conseil national de sécurité, avec une arrogance qui tient presque du rite, c’est lui qui déjà déclarait : « Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester tranquilles quand un pays devient communiste à cause de l’irresponsabilité de son propre peuple. » Au Chili, le socialiste Salvador Allende venait d’être élu.
On remplacera ici « communiste » par « populiste » et, en un quart de seconde, on aura traversé cinquante années.
A partir du 3 mai au petit matin, plusieurs incursions maritimes de groupes lourdement armés – l’opération « Gedeón » – ont été neutralisées au Venezuela. Provenance des infiltrés : le département côtier de la Guajira, sur la Caraïbe, en Colombie.
Première tentative de débarquement à Macuto (Etat de La Guaira), proche (une quarantaine de kilomètres) de Caracas : deux prisonniers et huit morts chez les assaillants, dont l’un de leurs chefs, l’ex-capitaine de la Garde nationale vénézuélienne Robert Colina Ibarra, alias « Pantera ». Autres neutralisations et arrestations effectuées sur la côte de Chuao (Aragua, dans le nord du pays) et dans l’Etat de Vargas. En tout, plus de quatre-vingt-dix individus appréhendés, sous réserve de futures captures : intercepté le 11 mai dans l’Aragua, Jairo Betamy a révélé que cinquante-quatre hommes se trouvaient à bord de la vedette rapide qui l’a transporté de la côte proche de Maicao (Colombie), avec pour objectif le palais présidentiel de Miraflores.
Parmi les détenus, des capitaines déserteurs de la Force armée nationale bolivarienne (FANB) ; César Pérez Sequea, Jesús Ramos, Adolfo Baduel et Antonio Sequea. Ce dernier se trouvait en compagnie du président autoproclamé Juan Guaido et d’une poignée de soldats simulant la prise d’une base militaire, lors de la tentative de coup d’Etat avortée du 30 avril 2019. D’autres ex-officiers et sous-officiers, deux anciens policiers.
Deux têtes brûlées yankees, anciens des Forces spéciales, Luke Denman (de 2006 à 2011) et Airan Berry (de 1996 à 2013) ; des vétérans de l’Irak et de l’Afghanistan. Tous deux travaillent pour une société de sécurité privée, Silvercorp USA, basée à Melbourne, sur la côte est de la Floride, à 280 kilomètres de Miami.
Autre détenu : José Socorro, alias « Pepero ». Un narcotrafiquant vénézuélien, agent ou ex-agent de la Drug Enforcement Administration (DEA : les « stups » américains).
On se permettra de mentionner sans ajouter de commentaires (parfaitement inutiles) : depuis la Floride (ou la Colombie), le patron de Silvercorp USA, Jordan Goudreau, accompagné de l’ex-capitaine vénézuélien Javier Nieto Quintero, revendique immédiatement et par vidéo la direction de l’opération « Gedeón » [2]. Goudreau est un ancien des Forces spéciales US. Affecté au 10e Special Forces Group, unité spécialisée en guerre non conventionnelle et en contre-terrorisme, il a été décoré à trois reprises pour ses faits d’armes sur les champs de bataille d’Irak et d’Afghanistan. Le 23 février 2019, il a assuré la sécurité du concert « Venezuela Aid Live » – show organisé par le multimillionnaire britannique Richard Branson, patron de Virgin Group, pour le compte de Guaido, en Colombie, sur la frontière, à Cúcuta [3]. Il s’agissait de faire entrer en force une supposée « aide humanitaire » au Venezuela. Autre échec flamboyant. Sans appartenir au Secret Service – unité chargée officiellement de la protection du président américain –, Goudreau a contribué à la sécurisation de plusieurs rassemblements auxquels participait Donald Trump [4]. Genre de tâche qu’on assigne rarement un parfait inconnu.
Sur WhatsApp et les réseaux sociaux, quelques heures avant sa capture, Antonio Sequea appelait l’armée à se soulever et à rejoindre les rebelles pour « liquider la dictature ».
Abattu au cours de sa tentative de débarquement, Robert Colina Ibarra, dit « Pantera », était de son côté connu comme le loup blanc. Aussi bien au Venezuela qu’en Colombie. Son nom est apparu au grand jour après l’interception le 24 mars, lors d’une opération de routine de la police colombienne, d’un véhicule transportant un arsenal sur la route Barranquilla – Santa Marta. Depuis Barranquilla où il vivait en toute quiétude depuis deux ans, l’ex-général vénézuélien Cliver Alcala, virulent « anti-maduriste », révéla aux médias que ces armes appartenaient à 90 officiers déserteurs, que lui-même dirigeait. Qu’elles étaient destinées à passer clandestinement en Guajira vénézuélienne où, « pour libérer le pays et éliminer chirurgicalement les objectifs criminels » (lire le gouvernement), l’un de ses hommes de confiance devait les réceptionner. Un certain… « Pantera » ! Ce qu’on pourrait résumer en une formule : « Chronique d’une opération annoncée ». Et nommée « Gedeón ».
Accusé de « narcotrafic » par la justice américaine, Cliver Alcala s’est depuis tranquillement mis à disposition des autorités colombiennes, qui l’ont extradé dans des conditions très particulières, sans rudesse excessive, aux Etats-Unis [5].
Dans un premier temps, Guaido et son clan ont dénoncé un montage du pouvoir pour détourner l’attention de son incurie. L’essoreuse à information les a relayés. « Le Venezuela victime d’une tentative d’invasion, selon son président » (c’est nous qui soulignons) annonce la chaîne Arte (5 mai). « Au Venezuela, Maduro dénonce une tentative d’incursion armée », titrent les commissaires politiques du Monde, pour tirer dans un sens acceptable un article un peu trop décent de leur correspondante à Bogotá, Marie Delcas. Laquelle est rapidement éclipsée par le « papier » d’un confrère du même quotidien, Gilles Paris. Depuis Washington, celui-ci transforme le raid en une « rocambolesque équipée »conduite par un « pied nickelé ».Il relaie ainsi à distance l’ « opération suicide » – « Un Rambo et un narco-général » – de l’hebdomadaire colombien Semana. Deux reprises (parmi bien d’autres) de la thèse avancée, quelques jours auparavant, par l’agence Associated Press (AP).
Très documentée (d’éléments déjà connus et révélés par Caracas) sur le duo de cinéma « Alcala-Goudreau », cette enquête dissimulait difficilement son véritable objectif : « AP n’a pas rencontré d’indices de ce que des fonctionnaires étatsuniens aient appuyé les actions de Goudreau ni que Trump ait autorisé des opérations clandestines contre Maduro (…). » Pas même en promettant 15 millions de dollars à qui le capturera, ouvrant un champ « free play » – sans règles ni scénario ?
En marge des interprétations fumeuses, on découvrira rapidement la véritable ampleur et le rôle des protagonistes de l’incursion armée lancée le 3 mai [6]. Et planifiée depuis longtemps.
La tentation était grande. Sur le plan symbolique, cette agression caractérisée de la République bolivarienne a souvent amené, à gauche, à évoquer l’épisode de la Baie des Cochons. Comparaison n’est pas raison. Le 17 avril 1961, lorsque la Brigade 2506 débarqua à Cuba pour tenter de renverser Fidel Castro et la révolution, elle était composée de quelque mille cinq cents hommes. Tous avaient été recrutés par les Etats-Unis, armés et entraînés par la CIA en Floride, au Guatemala et au Nicaragua, transportés sur mer par des « Liberty ships » et protégés depuis le ciel par des bombardiers B26 et quelques chasseurs P51. Aucune similitude avec la centaine, ou peut-être les trois cents (l’avenir le dira) antichavistes alignés pour « Gedeón ». D’un côté une véritable armée, de l’autre un ou des commandos conséquents.
Pour autant, la référence à Cuba n’a rien d’absurde. Si, à l’époque, John Fitzgerald Kennedy (JFK) a « tenté le coup », c’est sur la base d’informations erronées : ses « services » lui avaient vendu que la population et une partie de l’armée cubaine se joindraient aux anticastristes, « Fidel » étant politiquement usé, impopulaire et majoritairement rejeté. Il n’en était rien (et beaucoup font la même erreur concernant l’appui dont jouit Maduro). Par ailleurs, l’agression américaine ne s’est pas arrêtée après l’échec humiliant de Playa Girón. Parmi les 2 900 documents « confidentiels » déclassifiés en octobre 2017 sur la mort de JFK (Dallas, 1963) figure un mémorandum qui, daté du 8 août 1962, lui était destiné. Son émetteur, le « Groupe spécial élargi » chargé de s’occuper du cas « Fidel Castro », estimait que, en cas d’intervention directe, « pour prendre le contrôle des zones stratégiques clés à Cuba avec un minimum de pertes des deux côtés, environ 261 000 militaires américains devraient participer à l‘opération [7] ». Le genre de petit détail qui retient l’attention. Et que, vraisemblablement, les stratèges du Pentagone les plus sensés (ainsi que leurs homologues colombiens et brésiliens) étudient attentivement, s’agissant de l’actuel Venezuela. Le même type d’alliance civico-militaire que celle régnant à l’époque dans l’Ile n’y a rien d’une fiction – en témoigne le rôle majeur des pêcheurs de Chuao dans la détection et la neutralisation des assaillants, le 3 mai dernier [8].
A l’époque, face à l’éventuel prix à payer, Washington recula. Sans renoncer à son projet. Priorité absolue du gouvernement, un programme de terrorisme international – l’Opération Mangouste (ou Projet cubain ») – est mis en place dès juin 1961, avec un budget excédant 50 millions de dollars par an. Pas moins de trente plans sont élaborés, qui vont du sabotage à l’espionnage, en passant par des projets d’assassinat de Fidel Castro. Le 13 mars 1962, le Pentagone propose même une Opération Northwood au Groupe spécial élargi. Il s’agit de simuler une intrusion cubaine sur la base de Guantánamo ou d’attaquer sous fausse bannière des navires américains, provoquant ainsi un casus belli (jugé trop contre-productif en cas d’échec, ce projet spécifique sera rejeté par Kennedy) [9]. Ce qui n’empêche nullement « Mangouste » de soumettre l’île et ses habitants à un nombre incalculable d’attaques maritimes et de raids aériens. Toutefois, fin 1962, l’opération doit être suspendue (officiellement) : lors des négociations qui accompagnent la Crise des fusées, l’administration étatsunienne s’est engagée devant l’Union soviétique à ne plus tenter d’envahir Cuba. A ce moment, une dizaine d’équipes de saboteurs sont déjà déployées sur son territoire…
Bien entendu, et une fois encore, Washington (et Miami) n’ont pas l’intention d’en rester là. L’Opération Mangouste disparaît formellement. Sauf pour les historiens et les Cubains, son nom sombrera bientôt dans l’oubli. Mais son objectif et ses méthodes demeurent inchangés. Simplement, les opérations seront désormais sous-traitées.
Il n’existe pas à l’époque de compagnies de sécurité (CSP) ou militaires (CMP) privées du type Blackwater (devenue Academy), DynCorp, Triple Canopy (grandes et sulfureuses bénéficiaires de la présidence de George W. Bush), ou… Silvercorp USA (plus récemment). Mais la CIA a de la ressource et de la main d’œuvre. Les Cubains « dissidents ». A la tête de leur structure clandestine, le Commando d’organisations révolutionnaires unies (CORU), Orlando Bosch et Luis Posada Carriles, deux terroristes cubains notoires, bénéficient des financements de l’ « Agence » ainsi que de ceux du trafic de drogue (bien qu’ayant fait exploser en vol un avion de ligne cubain [1976, 73 morts], tous deux finiront paisiblement leur vie à Miami).
Depuis cette même Miami, toujours appuyés par la CIA et bénéficiant de la mansuétude du FBI, les réseaux de l’extrême droite cubano-américaine vont poursuivre les infiltrations, attaques et sabotages pendant les trois décennies suivantes. Sans lien apparent avec l’administration américaine, une multitude d’organisations criminelles mènent ces actions, depuis le territoire des Etats-Unis : Comandos L ; Comandos Martianos MRD ; Comando uni pour la libération (CLU) ; Conseil militaire cubano-américain (Camco) ; Omega 7 ultérieurement rebaptisé Commission nationale cubaine (CNC) ; Alpha 66 ; Comandos F4 ; Parti unité nationale démocratique (PUND)...
Des actions multiformes, un but commun. En 1975, la Commission Church (du Sénat américain) recensait déjà au moins huit projets d’assassinats de Fidel Castro, avec parfois la participation de membres de la pègre. Cette obsession ne s’éteindra jamais. Les dernières tentatives d’élimination physique de « Fidel » auront lieu en novembre 1997 à l’occasion du Sommet ibéro-américain de l’île de Margarita (Venezuela) et en novembre 2000 lors d’une visite de Castro au Panamá !
Le groupe Omega 7 a reconnu avoir introduit dans l’île la dengue hémorragique. Entre 1975 et 1980, cette maladie a coûté la vie à 158 personnes, dont 101 enfants.Entraînant sans se cacher leurs troupes dans les marais des Everglades, à vingt-cinq milles au sud de Miami,Cuba indépendant et démocratique ainsi qu’Alpha 66 avaient pour spécialité la piraterie maritime. En 1981, Alpha 66 effectua plusieurs opérations pour empoisonner le bétail, mettre le feu à des champs de canne à sucre, détruire des plantations d’agrumes.Créée en mai 1994, Comandos F4 s’évertua à pénétrer les côtes cubaines. Le PUND (1989-1997) menait des opérations terroristes en étroite relation avec le narcotrafic, sans grande réaction, sauf en de rares exceptions, de la DEA.
Comme le cercle rapproché de Guaido aujourd’hui, tous ces gens vivaient comme des pachas en dilapidant des fortunes. L’argent dont la CIA – remplacée actuellement aux finances par la plus discrète mais tout aussi intrusive New Endowment for Democracy (NED) –, et les administrations successives les arrosaient généreusement.
Fusils d’assaut AK-47, fusils M-3 avec silencieux, pistolets semi-automatiques Makarov, explosifs Semtex et C-4 : deux cents actions contre Cuba pendant la décennie 1990 ! Venant de Floride, des éléments criminels posent des bombes dans des hôtels et des lieux touristiques connus. Une façade politique « respectable » de cette nébuleuse ultra-violente, la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA), a été créée en septembre 1981 par Ronald Reagan. Tout en finançant le terrorisme, elle tient publiquement le rôle de l’actuel « gouvernement en exil » de Guaido : celui d’une organisation citoyenne se battant pacifiquement pour la « démocratie. Pour mémoire, l’ « administration » de Guaido n’est rien d’autre qu’une fiction regroupant un Tribunal suprême de justice (TSJ) installé à Bogotá, des semblants de ministres, des ambassadeurs fantoches, des réseaux de personnages officiels et officieux, de pseudo gestionnaires d’entreprises appartenant à l’Etat vénézuélien et indûment confisquées aux Etats-Unis et en Colombie…
Lors de ses congrès de 1992 et 1993, la FNCA s’est dotée d’une structure clandestine. Avec son Groupe de direction, situé aux Etats-Unis, et son Groupe opérationnel en Amérique centrale, cette formation paramilitaire dispose bientôt d’un hélicoptère, de sept embarcations, d’explosifs et, destinés à être utilisés contre des objectifs économiques ou dans un attentat contre Fidel Castro, de dix avions légers télécommandés. Les ancêtres de nos drones !
Même business, mêmes méthodes : c’est à l’aide de deux drones chargés d’explosifs qu’a eu lieu la tentative d’assassinat de Nicolás Maduro et de tout son état-major, le 4 août 2018.
D’aucuns objecteront que toutes ces actions n’ont pas eu raison de Cuba. C’est un fait. Mais, elles ont provoqué la mort de quelque trois mille quatre cents personnes et plus de deux mille handicapés. Sans compter, s’ajoutant aux mesures coercitives unilatérales imposées depuis plus d’un demi-siècle, les dommages incalculables infligés à l’économie de l’île. Des pratiques aussi obscènes et moralement condamnables que celle consistant aujourd’hui à agresser de mille manières et à étrangler économiquement le Venezuela, en pleine pandémie de Covid-19.
« Mangouste » donc, au sens large, plus que Baie des Cochons. Et pas en mode mineur ! Arrêtés, interrogés par les forces de sécurité, les comparses des 3 et 4 mai dernier parlent. Et racontent. Et révèlent. Ce que d’autres confirment. Parfois de manière inattendue. C’est une antichaviste forcenée qui, depuis Miami, fait exploser la bombe la plus puissante : la journaliste vénézuélienne en exil, Patricia Poleo. Elle a férocement combattu Chávez. Elle abhorre Maduro. Mais, considère Guaido comme un clown de la politique. Qu’on n’oublie pas cette donnée : chacune des chapelles de l’opposition a son histoire propre, sa vision et aussi ses ambitions. Elles couchent dans le même lit, mais ne font pas les mêmes rêves. Certaines ont été écartées de la répartition du butin volé à la République bolivarienne par Washington et le clan Guaido. Or, en politique comme en physique, toute action produit une réaction. Sur sa chaîne Youtube « Factores de poder » (Facteurs de pouvoir), Poleo interview le patron de Silvercorp USA, Jordan Goudreau. Lequel confirme son rôle, la nature de l’opération et lui révèle l’existence du « contrat ».
Le contrat signé le 16 octobre 2019 entre Juan Guaido et Silvercorp
Ce « Contrat », même « Mangouste » n’aurait pas osé. Il a été signé le 16 octobre 2019 entre Goudreau, Juan Guaido (« président du Venezuela »), Sergio Vergara (député d’opposition, bras droit du chef d’Etat fantoche), Juan José (dit « JJ ») Rendon (vénézuélien d’opposition vivant aux Etats-Unis, proche de nombreux chefs d’Etat, dont les colombiens Álvaro Uribe et Iván Duque, cul et chemise avec Luis Almagro [OEA] et pour l’heure responsable du « Comité de stratégie » de Guaido).
Comme on dit en Amérique latine, « es muy feo » (très sale, très laid). Mais assez lucratif (sur le papier) pour Goudreau. Pour la phase initiale (45 jours) le projet prévoit le décaissement de 50 millions de dollars. Avec un coût total de 212,9 millions de dollars pour les 495 jours de collaboration prévue.
En échange ? Trois fois rien. « Les prestataires de service conseilleront et assisteront le Groupe associé [l’équipe du président imaginaire] dans la planification et l’exécution d’une opération pour capturer / arrêter / éliminer Nicolás Maduro (…). » Attention : il ne s’agit pas ici d’une exégèse, d’une paraphrase, d’une interprétation. C’est écrit noir sur blanc. Il s’agit d’un « contrat », au sens mafieux du terme. Il envisage, parmi ses hypothèses, d’assassiner (« éliminer ») Maduro. Il est signé « Juan Guaido ». L’homme reconnu « chef d’Etat intérimaire » du Venezuela par une Union européenne alignée de façon répugnante sur le pire de ce qui peut exister aux Etats-Unis. L’individu qui, le 24 janvier 2020, à l’Elysée, a eu un « échange constructif » avec le président français Emmanuel Macron. Celui qui, ce même jour, a été accueilli au son de l’hymne national vénézuélien, par la très respectable Maison de l’Amérique latine, à Paris.
Le document n’a rien d’un texte signé sur un coin de table. Long de 41 pages (pour ce qu’on en connaît), il détaille les objectifs des conspirateurs de façon extrêmement précise : après la « neutralisation » « séquestration » ou « assassinat » de Maduro (et d’autres dirigeants civils et militaires de son cerce rapproché) il s’agit d’ « éliminer l’actuel régime et d’installer le président vénézuélien reconnu Juan Guaido ». Puis, pour mettre le pays en coupe réglée, d’y rétablir la stabilité. Même les méthodes de répression des inévitables protestations, manifestations et résistances sont soigneusement codifiées. « Létales » en cas de nécessité, est-il précisé.
Comme il se doit, chaque individu a sa propre version de la vérité. Avec l’entêtement d’une mule, Guaido nie tout en bloc. Va savoir ce que Maduro et les siens sont capables d’imaginer pour tenter de le discréditer… Mauvaise pioche. A Caracas, capturé, le chef des opérations de « Gedeón », Antonio Sequea, révèle qu’entre février et mars, alors qu’il se trouvait à Riohacha (dans la Guajira colombienne), Iván Simonovich, Commissaire à la Sécurité et au renseignement de Guaido, l’a appelé à plusieurs reprises pour lui demander de le tenir au courant de ce qui se passait sur le terrain. Pour ne rien arranger, Patricia Poleo, encore elle, diffuse l’enregistrement sonore de la conversation téléphonique qu’a eue Guaido avec Goudreau au moment de la signature du contrat. Puis les déclarations s’enchaînent. Impossible désormais d’évoquer des rumeurs, des ragots, des pseudo révélations. Il s’agit de faits réels, d’informations confirmées.
Lors de leurs interrogatoires, les mercenaires étatsuniens Denman et Berry révèlent la nature de leur mission principale : prendre le contrôle de l’Aéroport Simón Bolívar de Maiquetía (Caracas) et le sécuriser pour permettre l’atterrissage d’un (ou de plusieurs) avion(s) destiné(s) à embarquer Nicolás Maduro après son éventuelle séquestration (pour une destination non précisée mais pas très difficile à deviner). Autres objectifs spécifiques : l’attaque et la prise de la Direction générale du renseignement militaire (DGCIM), du Service bolivarien du renseignement (Sebin), du palais présidentiel de Miraflores…
A la différence de Guaido, JJ Rendon est parfaitement capable de reconnaître sa signature au bas d’un document que même certains titres de la presse conservatrice – en l’occurrence The Washington Post – publient en intégralité. Rendon renonce à nier l’évidence. Au Diario Las Américas (Miami, 8 mai) et à CNN, il confirme : oui, ce texte existe ; oui, il l’a paraphé ; oui il a lui-même fait une avance de 50 000 dollars au patron de Silvercorp USA. Puis, désormais en chute libre, il tente d’ouvrir le parachute de secours : en fait, le projet dont il était question a été abandonné. Donc, « ce contrat n’existe pas. Une chose qui a été signée et laissée sans effet n’a pas de validité au-delà du papier qui la contient et – les gens pouvant se montrer extrêmement pervers ! – de la référence qu’elle constitue pour déclencher un scandale. » Quant aux assaillants pris les armes à la main les 3 et 4 mai : « Ces jeunes qui étaient là font partie d’un tas de groupes autonomes qui n’appartiennent pas au gouvernement de Juan Guaido. »
« Gedeón » : un coup de chaud suivi de sueurs froides. Même au sein de l’opposition antichaviste la plus déterminée, le désastre (et surtout sa révélation !) laissent un goût de cendres. Un début de rébellion se manifeste au sein du parti Primero Justicia. Les mises en demeure fusent. Le 12 mai, deux des signataires du texte scélérat démissionnent du Comité de stratégie : Rendon et Sergio Vergara. Guaido les remercie « pour leur travail et leur engagement envers le Venezuela ». Néanmoins, le Département d’Etat américain répondra par une fin de non recevoir à la demande de Henrique Capriles (adversaire de Chávez et de Maduro lors des présidentielles de 2012 et 2013) et de son cercle rapproché de mettre définitivement un terme au désastreux épisode « Guaido ».
C’est depuis la Floride, mais aussi le Guatemala et le Nicaragua que sont parties les vagues d’assaut vers la Baie des Cochons en avril 1961. Sept années auparavant, en 1954, pour évincer le président guatémaltèque Jacobo Arbenz, l’opération PBSUCCESS organisée par la CIA avait bénéficié de l’aide du dictateur nicaraguayen Anastasio Somoza et du gouvernement du Honduras, pays d’où s’élancèrent les troupes mercenaires qui mirent un terme à la démocratie. Au cours des années 1980, pour agresser le Nicaragua sandiniste, les « contras » armés et financés par les Etats-Unis purent également compter sur le Honduras, qui, sur la frontière, hébergeait leurs campements. Dans les années 1990, c’est depuis l’Amérique centrale – particulièrement le Salvador et le Guatemala – que le terroriste Luis Posada Carriles organisa les incursions et poses de bombes à Cuba.
En ce début de XXIe siècle, le principal pays « collabo » des desseins de l’Impérialisme s’appelle Colombie. Ce « cimetière à opposants » [10] a pour président un « fils spirituel » d’Álvaro Uribe, Iván Duque (et indépendamment de sa politique, des millions de citoyens qui, eux, méritent le respect).
Comme Guaido, comme Trump, comme beaucoup d’autres, Duque n’a rien vu, rien entendu, et n’a strictement/absolument/et définitivement rien à voir avec les récents événements qui ont secoué le Venezuela. Sur ce thème, Duque débite une multitude de poncifs aux chaînes télévisées qui informent le globe entier. Duque, c’est un robinet d’eau tiède (sauf lorsqu’il parle de Maduro). Et pourtant…
Lorsque, le 25 mars, après la découverte d’un arsenal, l’ex-général vénézuélien Cliver Alcalárévèle que celui-ci appartient à un groupe de déserteurs vénézuéliens que lui-même dirige, il vit à Barranquilla depuis deux ans. Son épouse, Marta González, est la sœur d’Hermágoras González Polanco, alias « El Gordito González », narcotrafiquant et ancien membre de l’organisation paramilitaire des Autodéfenses unies de Colombie (AUC). Alcala ne cache ni que trois de ses groupes de militaires vénézuéliens déserteurs s’entraînent « dans le pays » ni qu’il a des contacts fréquents avec les services de renseignements colombiens (et Juan Guaido). Puis Alcala disparaît des radars, extradé (ou exfiltré) aux Etats-Unis [11].
Malgré ces révélations pour le moins explosives, le gouvernement colombien ne semble guère intéressé. Aucune enquête, aucune réaction. Pourtant, en mars, depuis Caracas, le gouvernement bolivarien lui a communiqué – et l’a fait savoir – les coordonnées GPS des fameux camps d’entraînement, situés à Riohacha, dans la Guajira. Ils sont si peu secrets, ces camps encadrés par Goudreau et ses deux mercenaires, Denman et Berry, que le député d’opposition vénézuélien Hernán Claret Alemán les a visités pendant plusieurs jours début décembre 2019, comme il l’a révélé le 13 mai au site argentin Infobae. « Ultérieurement, affirme-t-il, j’ai discuté avec le général Alcalá et avec Jordan [Goudreau, qu’il appelle par son prénom, on est manifestement entre amis] [12]. »
Présente en force sur le territoire colombien (enfin, on le suppose !), la DEA n’a manifestement jamais détecté, dans la Guajira, la « hacienda » d’Elkin Javier López Torres, alias « Doble Rueda », l’un des principaux « capos » du narcotrafic de la région. Officiellement, elle le recherche pour l’extrader ! C’est dans cette « finca » qu’ont été regroupés les hommes de l’opération « Gedeón » dans les jours précédant leur embarquement pour le Venezuela. C’est « Doble Rueda » en personne qui leur expliqua comment allait fonctionner leur transfert vers les embarcations.
On jugera que, comme la DEA, les services de renseignements colombiens sont bien peu efficaces. Ou un peu distraits. A leur décharge, on mentionnera qu’ils sont très occupés. Un énième épisode d’interceptions illégales les impliquant a été découvert il y a quelques semaines et provoque un énorme scandale. Plus d’une centaine de citoyens, dont des politiciens, des syndicalistes et des journalistes ont été écoutés. Des citoyens autrement plus préoccupants et dangereux que les sbires armés vénézuéliens ou les « narcos » des deux pays.
Nul n’en doute : comme lors de la coopération de Guaido avec les narco-paramilitaires des Rastrojos, pour faire le chemin inverse – c’est-à-dire passer clandestinement du Venezuela en Colombie en février 2019 – cette cohabitation malsaine avec « Doble Rueda » relève du plus grand des hasards. Dans la vie, les coïncidences ne manquent pas. Qu’on en juge : sur la dernière page du contrat paraphé par Guaido, Vergara, Rendon et Goudreau, figure une cinquième signature. Celle d’un avocat, agissant en tant que « témoin » : Manuel J. Retureta. Américain d’origine cubaine, pénaliste, partenaire de Retureta & Wassem, celui-ci, d’après les autorités vénézuéliennes, a défendu en Colombie le narco-paramilitaire Salvatore Mancuso ; aux Etats-Unis, il a eu comme clients Juan Antonio « Tony » Hernandez (frère de l’actuel président du Honduras) et Fabio Lobo (fils du chef d’Etat précédent, Porfirio Lobo), tous deux accusés de narcotrafic (et tous deux condamnés). Actuellement, il plaide en faveur de Damaso López Nuñez – « El Licenciado » –, l’un des proches du « Chapo » Guzmán, l’ex-grand du narcotrafic mexicain.
On dira qu’on a affaire là à un familier du monde interlope et de la pègre plutôt qu’à l’univers de la veuve et de l’orphelin. Et que, dans le fond, si l’on réaligne toutes les planètes précédemment citées, le financement de la « contra » nicaraguayenne par le Cartel de Medellin, via la CIA, dans les années 1980, n’est pas si lointain qu’il y paraît ! Sans parler des révélations faites à visage découvert en 2010 par Rafael García, ex-chef du service informatique de la police politique colombienne, le Département administratif de sécurité (DAS), affirmant que l’ancien chef du DAS, Jorge Noguera, avait rencontré en 2004 des leaders paramilitaires et des opposants vénézuéliens afin de concocter un « plan de déstabilisation » et l’assassinat de Hugo Chávez.
1er mai 2020 : nul n’a encore entendu parler de l’opération « Gedeón ». Le quartier Felix Ribas de Petare fait la « une » des médias d’opposition. Petare, dans l’est de Caracas : l’un des plus grands quartiers populaires d’Amérique latine. Pendant cinq jours consécutifs, il va être « à feu et à sang ». D’incessantes fusillades entre deux bandes rivales terrorisent la population. Explication alors la plus communément lue et entendue (en résumé) : « la méga-bande criminelle – 200 délinquants de 18 à 23 ans – de Wilexis Alexánder Acevedo, alias “Wilexis”, défend son territoire contre le groupe El Gusano ; “Wilexis” est très populaire au sein de la population car il la protège des exactions de la police, et en particulier de sa Force d’actions spéciales (FAES), contre laquelle il fait campagne et, en 2019, a organisé (en sous-main) trois manifestations ; en revanche, “des gens” du gouvernement soutiennent les voyous d’El Gusano pour reprendre le contrôle du quartier [13] ».
Raid sur les côtes vénézuéliennes. Interceptions, arrestations. Emargeant ou ayant émargé à la DEA, un peu « narco » sur les bords, José Socorro, alias « Pepero », parle. Un autre agent de la DEA, Orlando Laufer, lui a demandé d’organiser des actions violentes simulées dans Petare pour détourner l’attention des forces de sécurité, tandis que les factieux de « Gedeón » avanceront vers les côtes. Bruit et fureur : contact pris avec les délinquants, l’enfer s’est déchainé, à l’arme de guerre, sans faire aucune victime. Mais créant la distraction attendue (à défaut du résultat).
Tous les ingrédients classiques se sont donc ainsi retrouvés réunis. Secteur criminel de l’opposition, monde du narcotrafic, univers de la pègre et… ombre des Etats-Unis. Lors de leurs interrogatoires, les deux mercenaires de Silvercorp USA, Luke Denman et Airan Berry, ont expliqué assez candidement que, s’ils se sont lancés dans cette aventure, c’est qu’ils se sentaient en totale confiance : la Justice de leur pays n’offre-t-elle pas une récompense pour la capture du « narcotrafiquant » Maduro ? Dans le cadre d’une opération navale destinée à réduire la circulation des drogues illégales, des navires de l’US Navy ne rodent-ils pas dans la Caraïbe, à quelques encablures des côtes du Venezuela ?
De son côté, le ministre de la Défense vénézuélien Vladimir Padrino López a résumé de façon plus précise l’opération « Gedeón ». Il ne s’agissait pas d’une « invasion ». Il la considère comme « une opération militaire très bien planifiée, préparée en territoire étranger, avec un financement étranger, de l’équipement fourni par des puissances comme les Etats-Unis et le gouvernement colombien. Elle avait des objectifs très détaillés, très bien marqués, avec des renseignements sur les objectifs physiques des infrastructures à attaquer très bien préparées et relevés au millimètre, couche par couche, et évidemment, sur le temps nécessaire, le trajet, le pouvoir de feu qu’ils allaient employer pour chaque objectif. »
Moins spectaculaire qu’une « Baie des Cochons », la tentative d’incursion renvoie dans l’esprit à l’« opération Mangouste » (et à ses suites) –ce poison lent, qui infuse, et qui use, et qui oblige à une vigilance de chaque instant, à la dépense de ressources financières et humains considérables quand tant d’autres tâches économiques et sociales devraient monopoliser les énergies.
On suivra avec attention le sort réservé à Goudreau par la justice des Etats-Unis – son activité mercenaire et le trafic d’armes qui en découle y tombant (théoriquement) sous le coup de la loi. On s’intéressera également à ses démêlés avec ses commanditaires – Guaido, Rendon, etc. –, qu’il accuse de ne pas lui avoir payé ce qu’ils lui devaient, raison pour laquelle il a beaucoup « balancé » [14]. Toutefois, on prendra très au sérieux les déclarations qu’il a faites immédiatement après l’échec de « Gedeón » : « La principale mission était de libérer le Venezuela, de capturer Maduro, mais la mission à Caracas a échoué. » Néanmoins, a-t-il ajouté, la mission secondaire était d’établir, en territoire vénézuélien, des campements d’insurgés. « Ils sont déjà dans les campements, ils recrutent et nous allons commencer à attaquer des objectifs tactiques. » Sur ce point, aucun doute. Sur les côtes vénézuéliennes, sur les 2 200 kilomètres de frontière avec la Colombie, de nouvelles actions paramilitaires auront lieu. Tandis que les dites « sanctions économiques » continueront à étrangler le pays – c’est-à-dire la population.
Comme il faut toujours une touche d’humour (même noir, même dans les situations les plus préoccupantes), on mentionnera que, le 15 mai, à la question « quelles sont vos priorités ? », la ministre des Affaires étrangères colombienne, Claudia Blum, a déclaré : « Positionner la Colombie comme un pays leader dans l’agenda mondial de la légalité, tant pour la défense de la démocratie et des droits humains qu’en matière d’initiatives globales contre la corruption, le terrorisme et le crime organisé [15]. » Deux jours auparavant, l’administration de Donald Trump avait placé Cuba et le Venezuela (avec l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord) sur la liste des pays qui ne coopèrent pas suffisamment en matière de lutte contre le terrorisme [16].
[1] Lire Guillaume Long, « Le ministère des colonies américaines », Le Monde diplomatique, Paris, mai 2020.
[3] A la tête de 400 entreprises et d’une fortune de 4,4 milliards de dollars, Branson pleurniche désormais pour recevoir une « aide publique » (humanitaire ?) afin de sauver ses deux compagnies aériennes Virgin Atlantic et Virgin Australie mises en faillite par les effets de la pandémie de Covid-19.
[10] Depuis janvier 2016, plus de 700 personnes politiquement engagées y ont été assassinées, essentiellement des dirigeants communautaires et sociaux, mais aussi 200 ex-guérilleros des FARC ayant déposé les armes dans le cadre des Accords de paix.
[11] Certains membres de l’opposition vénézuélienne avancent la thèse suivante : Cliver Alcala serait en réalité un agent double, qui les aurait infiltrés pour communiquer de précieuses informations sur les opérations en préparation aux services de renseignements bolivariens.
[14] En représentation de Jordan Goudreau et de Silvercorp USA, Volk Law, cabinet d’avocats situé en Floride, a envoyé une mise en demeure à Juan Guaidó pour le paiement de 1 500 000 dollars : ce paiement initial devait être effectué dans les quinze jours suivant la signature du Contrat du 16 octobre 2019.
Disparition de Julio Anguita : déclaration de Fabien Roussel
C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai appris la disparition de Julio Anguita, ancien secrétaire général du Parti Communiste d’Espagne, coordinateur fédéral de la Gauche Unie d’Espagne, Izquierda Unida, et premier maire de Cordoue élu démocratiquement.
Julio Anguita, professeur de métier et très pédagogue, fut au premier rang de tous les combats et de toutes les mobilisations des communistes et du peuple d’Espagne : résistance au franquisme, luttes pour le retour de la démocratie, poursuite du combat républicain, fondation de la Gauche Unie d’Espagne… Homme droit, refusant les privilèges, dur au combat politique, il était resté marqué par la disparition de son fils, journaliste mort en reportage en Irak pendant la guerre de 2003. Dirigeant très respecté au delà de sa famille politique, il marque de son empreinte et de sa détermination les luttes populaires et progressistes du peuple d’Espagne de ces dernières décennies. Retiré de la vie politique pour des raisons de santé, il restait très écouté, continuant de s’exprimer sur des thème qui lui étaient chers comme la République et la Constitution.
Tous les communistes français et moi-même nous inclinons avec respect devant sa mémoire. J’adresse à sa famille et à ses proches, au nom du PCF et en mon nom personnel, mes plus sincères et fraternelles condoléances, ainsi qu' à nos camarades du Parti Communiste d’Espagne et de la Gauche Unie, à tous ceux et toutes celles qui ont partagé ses combats pour la démocratie et la justice sociale, aux habitants de Cordoue et à tous les Espagnols qui perdent aujourd’hui une grande figure politique qui a tant fait pour le progrès social et démocratique.
Les combats de Julio Anguita restent toujours les nôtres.
Alors que les dirigeants de SANOFI ont avoué récemment, avec une certaine maladresse de communication, qu’ils comptaient maximiser leurs profits en cas de découverte d’un vaccin, en le réservant aux plus offrants, à savoir dans un premier temps les USA, une pétition, signée par des milliers de personnes dont des scientifiques de renommée mondiale ainsi que des personnalités de la société civile provenant du monde entier, réclame tout l’inverse !
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Appel pour mettre le futur vaccin contre le Covid 19 dans le domaine public
Alors que la pandémie de Covid-19 continue de causer des ravages à travers le monde, la recherche d’un vaccin efficace se poursuit, tant dans l’industrie pharmaceutique que dans la recherche publique. En effet, tout le monde converge vers l’idée qu’en définitive, la seule façon d’éradiquer définitivement la pandémie est de disposer d’un vaccin qui puisse être administré à tous les habitants de la planète, que ce soit en milieu urbain ou rural, aux femmes comme aux hommes, vivant dans les pays riches ou des pays pauvres.
L’efficacité d’une campagne de vaccination repose sur son universalité. Les gouvernements doivent le rendre accessible gratuitement. Seules les personnes qui souhaitent bénéficier de services spéciaux peuvent payer pour ces services et pour le vaccin.
Pour être accessible à tous, les vaccins doivent être libres de tout brevet. Ils doivent être du domaine public. Ceci permettra aux gouvernements, aux fondations, aux organisations caritatives, aux philanthropes et aux entreprises sociales et solidaires (c’est-à-dire les entreprises créées pour résoudre les problèmes des gens sans en tirer profit) de le produire et/ou le distribuer partout dans le monde.
La découverte d’un nouveau vaccin est un processus long (estimé à 18 mois dans le cas de l’actuelle pandémie, ce qui est un record absolu de vitesse). Cette recherche est couteuse. De nombreux laboratoires de recherche commerciaux qui se consacrent à cette recherche s’attendent à un retour sur investissement élevé. Il faut trouver une façon qui permette un retour sur investissement juste en échange de sa mise dans le domaine public. La chose la plus importante est de mettre le résultat dans le domaine public, afin de le rendre disponible pour être produit par quiconque dans le respect des processus règlementaires internationaux.
Les gouvernements, ou un groupe de gouvernements ou de fondations, des philanthropes, des organisations internationales comme l’OMS, avec des soutiens privés et publics, peuvent en fournir le financement.
Mais la question éthique cruciale qu’il faut résoudre est celle de déterminer le montant des retombées qu’un laboratoire ou un inventeur peuvent s’octroyer pour un médicament sauvant des vies et nécessaire par tous les habitants de la planète.
En même temps, il faut aussi considérer l’honneur et la reconnaissance mondiale que l’on donne à l’inventeur ou aux inventeurs et aux laboratoires qui mettent cette découverte dans le domaine public de manière inconditionnelle, sans contrepartie financière ou à prix coûtant.
Dans ce contexte, des précédents peuvent nous inspirer. C’est l’histoire du vaccin contre la polio. Dans les années 1950, la polio était une maladie terrible, aussi causée par un virus, qui affectait les enfants (environ 20 000 cas par an), causant une paralysie à vie. Jonas Salk (1914-1995), un biologiste américain, a inventé le premier vaccin contre la polio. Pour développer ce vaccin, il a reçu un financement d’une Fondation fondée par le Président Roosevelt, avec des dons de millions d’américains. Sans compter la participation de 1,4 millions d’enfants sur lesquels le vaccin a été testé.
Les chercheurs développant des innovations thérapeutiques comme les vaccins ont besoin de la coopération de tous. Un vaccin ne peut fonctionner que si des inoculations sont réalisées à grande échelle.
Salk n’a jamais breveté son invention. Il n’a pas demandé de droits d’auteur. La seule chose qui l’intéressait était de diffuser le vaccin le plus largement possible, aussi vite que possible.
C’est le bon moment pour mettre en place une norme mondiale où nous ne serions pas aveuglés par l’argent, oubliant la vie de milliard de gens.
Catherine Belzung, Professeure de Neurosciences à l’Université de Tours
Antonine Nicoglou, Maîtresse de conférences à l’Université de Tours
Luigino Bruni, Professeur à l’Université LUMSA, Rome
Muhammad Yunus, Professeur, Prix Nobel de la Paix 2006, Bangladesh
Je signe pour que le futur Vaccin contre Covid 19 soit mis dans le domaine public : cliquez ici pour signer
La crise économique n’affecte pas tout le monde : alors que la paralysie perdure sur fond de divisions entre les chefs d’État, les multinationales du continent, LVMH en tête, profitent à plein des cadeaux préparés à Francfort. Enquête.
La crise s’étend et la panne s’aggrave. Après avoir, au début de la pandémie, refusé de partager leurs moyens sanitaires, chapardé des livraisons de masques pour les uns ou les autres, ou encore échoué à coopérer pour les essais cliniques sur les traitements contre le Covid-19 (lire ici), les États membres de l’Union européenne (UE) n’arrivent toujours pas à s’accorder sur les centaines de milliards d’euros nécessaires à un plan « de reprise » visant à conjurer le spectre d’une récession plus importante que celle de 1929. La Commission, engluée dans son projet de budget pluriannuel retoqué avant la pandémie, promet qu’elle avance, mais renvoie ses annonces aux calendes grecques. Et même quand une décision est officialisée, derrière, ça traîne encore ! Hier matin, la Confédération européenne des syndicats (CES) s’alarmait d’un report de l’approbation des 100 milliards d’euros pour le chômage partiel – le programme « Sure » pourtant validé début avril au Conseil européen – par les ambassadeurs des États membres, réunis au sein du comité des représentants permanents (Coreper) à Bruxelles : selon les syndicats européens, cette course de lenteur pourrait provoquer un tsunami de licenciements supplémentaires.
Tout est bloqué. Rien ne marche ? En fait, non. Un petit village résiste au marasme et à la misère. Ici, crèchent les grandes multinationales européennes. C’est coquet, bien à l’abri des regards des citoyens et, surtout, irrigué par l’argent – gratuit, ou presque – distribué par la Banque centrale européenne (BCE). Rien ne perturbe la quiétude, même pas l’arrêt du tribunal suprême de Karlsruhe, la Cour constitutionnelle allemande. Comme le savent les lecteurs de ce journal, les argentiers de Francfort ont l’interdiction, gravée dans le marbre des traités, de prêter directement aux États afin de financer directement les besoins sociaux, mais ils ont, depuis quatre ans, la possibilité de recourir à des mesures dites « non conventionnelles », et parmi elles, l’achat de titres de dettes émis par les très grandes entreprises, les seules capables de recourir à ce type d’instruments financiers. En termes triviaux, pour les cadors du CAC 40 et leurs homologues dans toute l’Europe, la planche à billets tourne à plein régime.
209 milliards d’euros créés, puis prêtés aux grands groupes
D’après notre enquête, la crise du coronavirus continue de faire enfler ce fonds européen trop méconnu du grand public. En appuyant simplement sur un bouton, la BCE crée ainsi entre 5,5 et 6,5 milliards d’euros par mois qu’elle verse directement aux multinationales européennes – les stars des marchés boursiers – ou à des filiales de géants mondiaux domiciliées dans la zone euro, à l’exception des banques. Le tout contre des obligations de ces groupes, des titres de dettes privés à des taux d’intérêt proches de zéro, voire négatifs désormais…
Fin 2016, quelques mois après le lancement de son Corporate Sector Purchase Programme (CSPP) – son nom officiel –, la BCE détenait des obligations de multinationales pour un montant total de 46 milliards d’euros. Début mai 2020, selon les chiffres arrêtés la semaine dernière, elle possède des titres de cette nature pour une valeur de 209 milliards d’euros. Ce qui signifie qu’elle a créé, puis prêté cette somme globale gigantesque aux seuls grands groupes à des taux qui feraient évidemment pâlir d’envie bien des États européens, et ceci sans tenir compte des programmes d’obligations d’entreprises déjà arrivés à échéance depuis 2016, et donc effacés des stocks actuels… Comme le font ses homologues de la FED aux États-Unis, elle envisage désormais de laisser le robinet aux liquidités ouvert pour les géants qui, comme Renault, ArcelorMittal ou Lufthansa, pourraient, selon les critères d’éligibilité en vigueur jusqu’ici, en être exclus suite à la dégradation de leur note financière par les agences de notation.
La Banque centrale européenne refuse de détailler les montants
Depuis le lancement à la mi-mars de son plan d’urgence face à la pandémie, doté au total de 750 milliards d’euros et destiné, en théorie, à venir au secours des États, la BCE a déjà ajouté plus de 120 lots d’obligations émises par des multinationales dans son portefeuille qui en compte, à ce jour, près de 1 500, au total. Au nom de son obligation de « neutralité » sur les marchés financiers, l’institution financière refuse de détailler les montants de chacune de ses interventions, réalisées pour son compte par certaines banques centrales nationales de la zone euro (Allemagne, France, Italie, Espagne, Finlande et Belgique). Son interférence est pourtant incontestable puisqu’elle consiste avant toute chose à renforcer les grandes capitalisations boursières des « champions européens », mais la BCE maintient la fiction qui a présidé à l’instauration du CSPP : en substance, cette forme de prêts aux multinationales fait, selon elle, baisser les taux d’intérêt auxquels empruntent toutes les entreprises quelles que soient leurs tailles. Dans les faits, aucune contrepartie n’est exigée sur l’utilisation de cet argent, évidemment : alors que l’institution financière européenne a poliment demandé aux banques de se garder de verser des dividendes cette année, elle ne pose aucune condition de cet ordre aux multinationales qu’elle finance à prix d’ami, voire à ses frais. Dividendes, rachats d’actions, acquisitions… Tout reste permis !
LVMH, le grand gagnant parmi les multinationales
Cette activité frénétique sur le front des grands groupes qui contraste avec la paralysie de l’UE dans tous les autres domaines de l’économie éclate au visage quand on examine, comme l’a fait l’Humanité, les listings de l’institution. Sur les trois derniers mois, la BCE a répondu, avec diligence, à de très nombreuses sollicitations des entreprises, surtout allemandes, françaises et néerlandaises : elle détient désormais 16 lots d’obligations de Shell (contre 13 en février), 17 de Siemens (contre 13), 15 de Heineken (contre 11), 7 de CapGemini (contre 3), 21 de Sanofi (contre 19), 7 d’Airbus (contre 4), 17 de Total (contre 16), 8 de Pernod Ricard (contre 4), 7 de Vivendi (contre 5), 6 de Sodexo (contre 4), 3 de Wendel (contre 2), etc.
La liste est interminable, mais un grand gagnant se détache dans le palmarès : LVMH. Malgré ses 7 milliards de profits l’an dernier, le groupe de luxe français a réussi à lever de l’argent à la BCE pour six nouveaux programmes d’obligations lancés depuis la mi-février. Les cinq premiers sont à des taux d’intérêt oscillant entre zéro et 0,5 %. Le dernier lot d’obligations, début avril, a donné lieu, d’après le site de presse hollandais Follow The Money, au versement de 850 millions d’euros par la BCE à LVMH à un taux de 0,75 %. Alors que l’entreprise a annoncé un maintien des dividendes, avec une décote de 30 % du montant prévu avant l’explosion de la crise économique, ces milliards d’euros levés doivent surtout servir à payer le raid boursier contre le joaillier étatsunien Tiffany. Christine Lagarde ne trouve rien à y redire. « Les émetteurs des obligations achetées par le CSPP sont libres de prendre leurs décisions sur l’allocation de ces ressources », répliquait, fin janvier, la super-banquière européenne, interrogée par anticipation sur ce cas spécifique. En pleine pandémie, la BCE paie les diamants de LVMH. Tout roule, décidément, en Europe : une poignée sur l’or, la majorité dans le caniveau…
La politique étrangère de Trump produit le paradoxe de voir la puissance qui a pour l’essentiel façonné et conditionné le cadre et les règles des relations internationales depuis 1945 les contester aujourd’hui fondamentalement pour assouvir son rêve de « suprématie globale permanente ».
Première puissance mondiale économique et militaire, chantre du capitalisme, les États-Unis sous l’administration Trump entendent restaurer leur hégémonie sans partage sur les peuples et pays du monde. La domination US est toutefois contestée. Le « nationalisme antimondialiste » du business milliardaire devenu président en 2016, Donald Trump, qui « mêle la revendication d’une Amérique forte (strong again ) et prioritaire (America first ) » distingue la puissance américaine mais l’isole également.
À l’occasion de son discours d’investiture de janvier 2017, Donald Trump exposait sa vision du monde qui se réduirait à deux catégories, « ceux qui auraient des comptes à rendre aux États-Unis, et ceux qui au contraire méritent leur soutien ». Le quarante-cinquième président des États-Unis rappela à qui voulait encore l’ignorer que « le fondement de [sa] politique sera une totale allégeance aux États-Unis d’Amérique et grâce à notre loyauté au pays, nous redécouvrirons la loyauté envers les uns les autres » mais pour préciser : « Nous conforterons certaines de nos alliances, et nous en nouerons de nouvelles. »
« Il ne s'est jamais agi pour les États-Unis d'en finir avec l'OTAN, il s'agit de passer à un stade supérieur de sous-traitance – matérielle et budgétaire – aux pays membres, des choix stratégiques, militaires et diplomatiques états-uniens sauvegardant les intérêts propres des États-Unis. »
Cela n’a pas manqué de jeter le trouble parmi nombre de dirigeants d’États pro-atlantistes en particulier en Europe, trouble confirmé par les difficultés créées par les choix américains de ces trois dernières années et la « méthode Trump », la menace et le chantage, le deal négocié en catimini et imposé à tous au mépris du droit international. Mais les dirigeants pro-atlantistes occidentaux n’ont guère contesté le fond de ces décisions – hormis celle de la rupture unilatérale des accords de Paris (COP21) et de l’accord sur le nucléaire iranien obtenus par l’action multilatérale. À l’exercice du pouvoir la nouvelle administration américaine est confrontée à ses contradictions internes dans la poursuite de son objectif de domination absolue.
Un gouvernement de guerre
Le prétendu « hérault de l’antisystème » élu à la Maison-Blanche en 2016 a mis en place à la tête de son pays un véritable « club de milliardaires » (dixit Le Figaro !), un « cabinet Goldman Sachs », bref, un « gouvernement de guerre », ainsi qu’il l’a lui-même qualifié, composé de grands financiers, lobbyistes et dirigeants de grands groupes (notamment pétroliers ou du BTP) multipliant les cas de conflits d’intérêts, ainsi que de militaires tantôt obsédés par la Chine, tantôt par l’Iran, tantôt par la Russie, qui se sont confirmés tous plus bellicistes les uns que les autres et qui ont commencé par obtenir la plus forte augmentation du budget américain de la Défense de son histoire récente. Appuyé par l’extrême droite et les églises évangéliques, Trump installe leurs idées (pourtant minoritaires) au plus haut du débat politique national et sera aussi le premier président de l’histoire de son pays à participer à une manifestation contre l’IVG (janvier 2020). Le choix des dirigeants des agences gouvernementales américaines comme la CIA ou des juges à la Cour suprême a complété ce dispositif « de guerre » et chaque initiative – unilatérale – prise a confirmé des prétentions hégémoniques qui se révèlent en inadéquation complète avec le contexte international.
« Il n’y a donc pas d’un côté, un « fou », Trump, et de l’autre une administration qui rattraperait les impairs mais bien une orientation générale, une ligne politique et idéologique, impérialiste, ce qui n’exclut pas des dissensions internes. »
Les déclarations de Trump sur l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) n’ont pas trompé grand monde, pas plus que la formule fracassante d’Emmanuel Macron la déclarant en « mort cérébrale ». Il ne s’est jamais agi pour les États-Unis d’en finir avec l’OTAN, il s’agit de passer à un stade supérieur de sous-traitance – matérielle et budgétaire – aux pays membres, des choix stratégiques, militaires et diplomatiques états-uniens sauvegardant les intérêts propres des États-Unis. Il n’en a jamais été réellement autrement mais cela redevient, sous l’impulsion de Donald Trump, l’alpha et l’oméga assumé de la politique américaine avec brutalité et cynisme qui se manifestent tant au Venezuela, en Bolivie, que contre Cuba mais aussi à l’égard de son voisin, le Mexique et ses ressortissants migrants, contre l’Iran ou la Chine ou encore, sans maquillage, contre ses propres alliés. L’Union européenne a beau avoir arrimé sa politique de sécurité et de défense à l’OTAN, conditionné ses nouvelles entrées à l’adhésion à l’OTAN, ses États-membres ont beau atteindre l’objectif de 2 % du PIB consacrés aux dépenses militaires, les États-Unis considèrent l’UE somme toute comme une rivale, et Trump la traite en concurrente sournoise.
L’administration Trump a conscience de la contestation de l’hégémonie américaine et de la crise qu’elle traverse. Avec un budget annuel de 686 milliards de dollars (onze fois plus que celui de l’éducation), les forces armées US comptent 1,5 million de personnels répartis sur tous les continents du monde, dont au moins 20 % d’entre eux dans près de 800 bases, selon certaines sources, dans 164 pays d’après le département d’État lui-même… les États-Unis n’ont pourtant aucune victoire militaire à leur actif depuis le lancement de la « guerre internationale contre le terrorisme ».
Qui plus est, l’hégémonie US qui s’appuie sur sa force de frappe économique, politique et militaire, et qui a formaté pour l’essentiel les relations internationales et dominé ses institutions multilatérales ne survit plus aujourd’hui qu’en les piétinant. L’administration Trump impose ses choix, ses actions et… ses revirements. Cette posture participe elle aussi à la reconfiguration de l’espace mondial et des relations internationales.
« La politique protectionniste de Trump n’apporte aucune réelle réponse à l’état de crise profonde de la société américaine elle-même et aux mobilisations nouvelles de millions d’Américains sur des enjeux tant sociaux que de société. »
Les États-Unis continuent de jouer un rôle déterminant dans la mondialisation telle qu’elle existe. Si pour une part Trump déploie une diplomatie alternant « coups de poing » et « flatteries » à visée électoraliste (puisque son électorat considère que l’interventionnisme coûte cher et qu’il est en échec), il s’est néanmoins fixé comme objectif de rasseoir la domination absolue états-unienne directe ou indirecte sur l’ensemble du monde via l’OTAN et, à nouveau, par l’ingérence directe, plus ou moins affichée. Trump a certes adopté en politique étrangère ses méthodes de businessman vorace mais l’état-major ou le département d’État adaptent leurs stratégies et leurs objectifs politiques avec leur maturité légendaire, comme l’exemple bolivien vient de le démontrer. Et ce, malgré les coups portés par Trump lui-même à la parole états-unienne, par exemple lors de l’invasion turque de la Syrie. Il n’y a donc pas d’un côté, un « fou », Trump, et de l’autre une administration qui rattraperait les impairs, mais bien une orientation générale, une ligne politique et idéologique, impérialiste, ce qui n’exclut pas des dissensions internes.
Habiles, malgré là aussi les apparences, Donald Trump et le pouvoir qu’il incarne allient la peur de la « mondialisation », d’un monde qui « vous échappe », et l’aspiration mégalomane de le dominer et de le diriger. Portée par des conceptions ultraconservatrices et ethnocentristes, adepte du « choc des civilisations » de Samuel Huntington, l’administration Trump veut en finir définitivement avec le multilatéralisme issu de l’après Deuxième Guerre mondiale et multiplie les actions en ce sens contre les accords de Paris, contre l’accord sur le nucléaire iranien, contre les accords d’Oslo ou les résolutions internationales sur la Palestine, avec les accords sur les missiles de portée intermédiaire, avec la Corée du Nord où il ne vise pas la chute du régime mais qui entre dans la stratégie d’isolement de la Chine, avec la Chine qu’il provoque en duel commercial entraînant les dégâts collatéraux que l’on sait pour les pays de l’UE et l’économie américaine elle-même ; on peut encore citer son incursion dans la crise UE-Grande-Bretagne à l’heure du Brexit, ou les nouvelles relations établies avec la Russie de Vladimir Poutine.
Là où l’administration Trump veut un ordre régi par les États-Unis et ses sous-traitants, Emmanuel Macron milite pour un « minilatéralisme », un multilatéralisme de clubs (du G7 au G20 tel que la présidence française a conçu et dirigé la formule 2019) où les puissances se mettent d’accord, transigent éventuellement sur leurs désaccords et donnent le la au reste du monde. Ensemble cependant ils participent d’une surmilitarisation des relations internationales et d’une nouvelle course aux armements : la France était en 2018 le cinquième budget militaire (à hauteur de 63, 8 milliards de dollars) sur le plan mondial après les États-Unis la Chine, l’Arabie saoudite, l’Inde et juste avant la Russie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. Qu’il s’agisse d’opérations extérieures sous l’égide de l’OTAN, de l’UE ou de l’ONU, la France est présente dans trois régions hautement conflictuelles : le Sahel, le Proche-Orient et les États baltes. Les plus forts contingents se trouvent en Afrique avec bientôt 8 000 soldats dont plus de 5 000 dans la zone sahélo-saharienne. Emmanuel Macron a dans ce mouvement engagé la France dans le peloton de tête des pays membres de l’OTAN portant à 2 % du PIB leur budget de défense, et 40 milliards d’euros supplémentaires seront consacrés aux dépenses militaires jusqu’en 2022.
Des expériences politiques inédites pour des générations entières d’Américains
Les résultats à court terme de ses choix économiques sur l’emploi et la croissance états-uniens ont conforté Donald Trump dans son intention de briguer un nouveau mandat mais sa politique a dès le premier jour mobilisé largement contre lui, aux États-Unis mêmes.
La violence de la politique de classe, raciste, sexiste et xénophobe de Donald Trump a poussé des dizaines de millions de citoyens à se mobiliser ; qu’il s’agisse des mouvements pour l’égalité entre femmes et hommes, contre le sexisme, les violences sexuelles ou le harcèlement, pour le droit à l’IVG, ou qu’il s’agisse des votes référendaires dans une série d’États pour la création ou l’augmentation d’un salaire minimum, ou encore des manifestations massives contre le port des armes ou les violences policières, les résistances populaires sont nombreuses, larges, et constituent des expériences politiques inédites pour des générations entières d’Américains que leur modèle de société ne séduit plus et qui entrent en politique.
Elles trouvent pour une part leur traduction dans l’élection de représentantes et de représentants de l’aile gauche du Parti démocrate au Congrès ou à la tête de municipalités importantes comme, tout dernièrement, à Chicago. La course à l’investiture du Parti démocrate place Bernie Sanders en position favorable, et pourrait en constituer la bonne surprise ; hypothèse combattue ardemment par les candidatures de Joe Biden et de « l’autre milliardaire », Michael Bloomberg, mis en selle pour contrecarrer la percée des courants de gauche du Parti démocrate, incarnée par Sanders. D’autant que Bloomberg pourrait s’avérer une alternative bien plus satisfaisante, sur le plan du marketing, aux intérêts des classes dirigeantes US. Enfin, la politique protectionniste de Trump n’apporte aucune réelle réponse à l’état de crise profonde de la société américaine elle-même et aux mobilisations nouvelles de millions d’Américains sur des enjeux tant sociaux que de société – et cela demeurera, pour les Américains appelés aux urnes, le facteur déterminant de leur choix.
Le « déploiement mondial » de l’OTAN
Pour mener à bien son projet de restauration hégémonique, l’administration états-unienne vise notamment à concrétiser l’idée d’un « déploiement mondial » de l’OTAN – déjà fort avancé. De désaccords internes entre membres « historiques » de l’alliance (Allemagne, France) et nouveaux entrants (Pologne), à ceux qui ont opposé États-Unis et affidés sur leur part d’engagement dans les interventions et coalitions américaines (en Irak en 2003 ou en septembre 2013 s’agissant de la Syrie…), ainsi que sur leurs parts d’investissements dans l’industrie militaire américaine, est apparue au grand jour une crise interne d’un nouvel ordre. À l’occasion de l’invasion turque de la Syrie, il est devenu patent que ce n’est ni le secrétaire général de l’OTAN, ni ses États membres qui prennent les décisions, c’est l’administration US en fonction des intérêts qu’elle défend.
« À l’occasion de l’invasion turque de la Syrie, il est devenu patent que ce n’est ni le secrétaire général de l’OTAN, ni ses États membres qui prennent les décisions, c’est l’administration US en fonction des intérêts qu’elle défend. »
La crise au sein de l’OTAN n’a d’ailleurs pas opposé l’OTAN et Ankara sur l’invasion militaire turque du Rojava et de la Syrie, ni sa guerre contre les Kurdes. L’OTAN n’a jamais condamné l’opération turque de novembre et Jens Stoltenberg, son secrétaire général, a même insisté : « Les préoccupations sécuritaires de la Turquie sont fondées. […] Je suis convaincu que la Turquie agira avec modération et de manière proportionnée. » Le vrai différend entre l’OTAN et la Turquie est l’affirmation de celle-ci comme puissance impérialiste régionale autonome de l’alliance, avec le développement de son propre complexe militaro-industriel et l’achat de missiles antiaériens russes S400 qui permettraient une défense indépendante de l’OTAN de l’espace aérien turc et qui a entraîné un embargo de la vente de l’avion américain F35 à Ankara. D’autant que Donald Trump a ranimé le schéma d’une OTAN du Moyen-Orient fondée principalement sur un arc Israël-Arabie saoudite-États-Unis au sein de laquelle la Turquie, première armée de l’OTAN après les États-Unis, doit jouer sa partition.
2020 verra une campagne d’exercices militaires au cœur de l’Europe. Cette démonstration de force vise la Russie – alors que le conflit que l’UE et l’OTAN ont nourri en Ukraine pourrait enfin trouver une résolution politique – mais elle envoie aussi un message de mise en garde aux peuples du monde entier.
L’impératif d’une dissolution de l’OTAN est plus actuel que jamais et nous devons continuer de porter l’idée d’une suspension immédiate de la participation française au commandement intégré, et d’une perspective de sortie de l’alliance à l’appui d’une initiative multilatérale sous égide de l’ONU qui pose, en Europe pour ce qui nous concerne, les bases d’un cadre commun de coopération, de sécurité collective et de paix, inclusif, c’est-à-dire avec la Russie et les pays de l’Est européen.
Ce serait trouver à la crise de l’hégémonie américaine une réponse nouvelle et propice à l’émergence d’un nouvel ordre mondial fondé sur la solidarité des peuples et la satisfaction des besoins humains et sociaux.
Lydia Samarbakhsh est membre du comité exécutif national du PCF, elle est chargée du secteur International.
"Quelle est la nation qui a le plus contribue à la défaite de l'Allemagne ?": la question posée par l'IFOP aux français de 1945 à 2015, et l'évolution spectaculaire des réponses. https://www.ifop.com/…/la-nation-qui-a-le-plus-contribue-a…/ 👉 En 1945, pour 57%, c'est l'URSS, ce qui est conforme à la réalité historique. 👉 En 2015, pour 54%, ce sont les USA. 🔴 A méditer : sur la "fabrication de l'opinion" par un matraquage idéologique peu soucieux d'une connaissance et d'un travail historique sérieux.
C'est une sinistre farce qui ne fait que s'aggraver d'année en année.
Modelés par leur conformisme atlantiste, des années de propagande de guerre froide, le cinéma hollywoodien, et une vision de nos intérêts comme étroitement liés à ceux de l'hégémonie du capitalisme américain, politiques et journalistes français accréditent la fable selon laquelle se seraient essentiellement l'effort de guerre américain (qu'il ne s'agit pas de nier ni de minimiser) et les sacrifices des soldats d'outre-Atlantique, qui auraient libéré la France et l'Europe de la domination nazie.
Rappelons simplement quelques évidences: pour un soldat américain tué en Europe face aux Nazis, 60 soldats soviétiques le furent!
C'est parce que l'Union Soviétique a résisté aux Nazis dès 1941 après que ses populations aient été saignées par l'offensive allemande et son cortège de barbarie, notamment l'extermination systématique des populations juives (la Shoah par balle auprès des gigantesques fosses communes) et déclenché sa contre-offensive, au prix de 22 millions de morts au moins, que des débarquements ont été possibles en Italie, en Provence, puis en Normandie.
De Gaulle, Churchill, et Roosevelt le savaient bien. Comme les collaborateurs qui dirigeaient la France asservie et mobilisaient les pro-Nazis dans la LVF.
Tous les Français de 1945 aussi, même ceux qui étaient peu suspects de sympathies pour les communistes, mais depuis, l'idéologie pro-atlantiste a imprégné les médias, les manuels, les discours des communicants politiques et des ministères, au départ comme un mensonge conscient aux grosses ficelles, ensuite comme un révisionnisme souvent involontaire lié à l'efficacité de cette "propaganda war".
L'an passe Macron n'avait pas invité les autorités russes au 75e anniversaire du débarquement.
La focalisation sur le débarquement allié de Normandie comme cause première et quasi unique de la libération de la France et de la défaite de l'Allemagne nazie est une erreur historique.
Il n'aurait pas été possible, les contemporains les moins suspects de sympathies avec les soviétiques le disent, sans la résistance et la contre offensive de l'URSS. La résistance populaire intérieure est elle-même dans le même temps souvent mise au second plan dans les discours officiels par rapport à la France libre et à la résistance du général de Gaulle qui s'est pourtant largement appuyé dessus.
Pas un résistant communiste au panthéon alors que c'était largement la moitié des effectifs de la Résistance armée intérieure. D'où la nécessité d'un travail de mémoire permanent pour restituer la réalité des faits, empêcher l'oubli et les maquillages de l'histoire.
Je pense aussi à tout le discours qui vise à mettre au premier plan des bavures ou des exécutions expéditives de la Résistance dans les mois sanglants de la Libération, ou encore des exactions de l'armée d'occupation soviétique en Allemagne. Sans nier systématiquement les faits, certains sont avérés et indignes, ils sont souvent invoqués avec des arrière-pensées de relativisation de l'effort des uns et des autres, et des crimes des alliés des nazis, collaborateurs, qui ont été nombreux d'ailleurs à se refaire une virginité après la guerre.
Lors de l'hommage à Rol-Tanguy à Morlaix pour les 111 ans de sa naissance le 12 juin 2019 à Morlaix et les 75 ans de la Libération, je rappelais:
"Nous saluons bien sûr tous les Résistants dans la diversité de leurs sensibilités et de leurs actions, des circonstances de leur entrée dans l'action clandestine et patriotique. C'est à eux qui nous devons d'avoir gardé intact une flamme d'espoir et de dignité dans les années sombres de la libération et d'avoir rendu possible le retour de la liberté et de la démocratie en France, mais aussi le retour de la Paix qui était leur horizon.
Nous saluons aussi aujourd'hui particulièrement la résistance intérieure et populaire, et la résistance communiste, pas toujours mise au premier plan dans les discours mémoriels et l'approche de l’État. C'est un euphémisme...
Pas un seul résistant communiste au panthéon !...
Et Hollande et Macron sont loin de corriger l'oubli et l'injustice. Est-ce normal quand on connaît leur poids dans les effectifs de la résistance, dans la lutte armée intérieure, et le lourd tribut qu'ils ont payé, entre les dizaines de milliers de fusillés, de torturés et de déportés de l'OS et des FTP, des FTP-MOI que commanda Rol-Tanguy en région parisienne en 1942?
Martha Desrumaux, Marie-Claude Vaillant Couturier, Danielle Casanova, Charlotte Delbo, Missak Manouchian, Guy Moquêt, Rol-Tanguy, il n'y avait que l'embarras du choix... Et pourtant, on a préféré honoré la résistance gaulliste, socialiste, bourgeoise... Comme si les communistes ne devaient pas entrer dans la grande histoire de la nation française, comme s'il fallait minimiser leur apport à la libération... De la même manière, on ne parle que de l'appel du 18 juin à la Résistance alors que d'autres appels ont eu lieu au printemps et à l'été 40, notamment celui de Charles Tillon.
Et toujours ce discours lancinant, mensonger et révisionniste pour minimiser le sens et le caractère patriotique et national de la Résistance communiste en prétendant qu'elle n'a débuté qu'à l'été 41 après l'invasion de l'URSS, voir, comme dernièrement Riolo face à Ian Brossat dans une émission de RMC, en prétendant que les communistes étaient des collaborateurs au début de la guerre!
Ce qui est faux bien sûr. Le simple fait de dénoncer la politique collaborationniste, réactionnaire et anti-démocratique de Vichy et de garder une activité communiste était un acte de résistance en 40-41 à l'heure où le PCF était interdit et très fortement réprimé, sous le dernier gouvernement de la 3e République déjà dirigé par Daladier… De nombreux militants, syndicalistes, l'ont payé de leur vie, dont les fusillés de Châteaubriant, le jeune Guy Moquêt.
Même minimisation d'ailleurs, en bonne logique (anti-communiste), de l'apport des soviétiques à la libération de l'Europe, malgré leurs 22 millions de morts et les victoires décisives obtenus à un prix exorbitant pour stopper les Nazis. Est-il normal de n'attribuer qu'aux alliés américains et anglais de l'OTAN la libération de la France ? Un débarquement réussi en Europe de l'ouest et une progression pour libérer le territoire français étaient-ils envisageables sans la progression des soviétiques et leur contre-offensive en Europe de l'est ? Pourquoi ne pas avoir invité le chef d’État russe, quoiqu'on en pense par ailleurs, aux cérémonies du débarquement ?"
La secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées oublie l’Union soviétique dans l’hommage aux pays qui ont vaincu les nazis. Et le sacrifice de millions de personnes.
Le 8 mai, date anniversaire de la victoire sur les nazis, la secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq, s’est fendue d’un tweet dans lequel elle tient « particulièrement à saluer nos alliés. Leur contribution à la victoire sur l’Allemagne nazie et à la fin de la #2GM en Europe a été à la hauteur de leurs sacrifices. Immense. » Elle poursuit : « La France n’oubliera jamais ce qu’elle leur doit. La paix et la liberté. » Elle accompagne son tweet de drapeaux. Celui des États-Unis, de la Grande-Bretagne, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.
Dramatique ! Membre du gouvernement de la France, elle occulte le sacrifice de l’Union soviétique, qui a perdu 20 millions de personnes dans sa lutte contre le IIIe Reich, dont l’Armée rouge a planté son drapeau sur le toit du Reichstag, à Berlin. Elle oublie également la lutte essentielle de la Résistance française, alors qu’Henri Rol-Tanguy, chef communiste des FFI de Paris, avait reçu, en compagnie du général Leclerc, la reddition allemande. La secrétaire d’État nie aussi, en l’omettant, l’apport de tous ces combattants venus de ce qui était encore les colonies françaises.
De deux choses l’une. Soit Geneviève Darrieussecq ne connaît pas l’Histoire, ce qui serait profondément dramatique de la part d’une personne détenant un poste ministériel. Soit elle a sciemment biffé l’apport déterminant de l’Armée rouge dans la victoire contre l’horreur nazie, ce qui serait proprement scandaleux. Dans tous les cas, il y a quelque chose d’inquiétant à cette (re)lecture, voulue ou non, de l’Histoire qui fait des Américains les grands libérateurs de l’Europe. On ne s’étonnera pas de savoir que, sur sa page Facebook, la Maison-Blanche ne mentionne que les États-Unis et la Grande-Bretagne comme vainqueur des nazis, ce qui lui vaut une protestation de la Russie. Geneviève Darrieussecq a, depuis et sans explication, retiré son tweet mensonger.
Pierre Barbancey
Le Télégramme - 11 mai 2020 - Sans avoir la moindre sympathie pour Vladimir Poutine et son régime, comment ne pas être indigné par le révisionnisme de l'administration Trump qui nie la contribution décisive de l'URSS et des citoyens soviétiques, avec leurs 22 a 27 millions de morts, dans la victoire contre l'Allemagne nazie? Une telle négation de l'histoire est juste scandaleuse, une guerre a la vérité!
La domination monétaire des États-Unis, basée sur la centralité du dollar, s’est imposée après 1944 face aux projets alternatifs de structuration du système monétaire international, notamment face au plan Keynes de 1943, pourtant toujours d’actualité.
L’unilatéralisme du système monétaire « international » octroie à la puissance émettrice de la monnaie dominant les échanges internationaux, les États-Unis, un avantage lui permettant d’influencer les politiques économiques des pays faisant usage du dollar. En l’absence d’une monnaie proprement internationale, les participants aux échanges utilisent des monnaies nationales (en fait, seulement un petit nombre de monnaies nationales) pour procéder aux paiements internationaux. Ils sont aujourd’hui largement incités à faire usage de la monnaie américaine.
Le poids de l’acquisition de liquidité internationale
En raison de cette situation, les participants aux échanges s’exposent à un certain nombre de problèmes, particulièrement dans les pays sous-développés : problèmes liés à l’accès à la liquidité, avec des pénuries qui se manifestent durant les périodes de crise ; problèmes d’accès aux infrastructures de paiement en cas de sanctions dont la puissance émettrice de la monnaie peut faire usage. L’un comme l’autre sont utilisés par les États-Unis pour aligner les pays dépendants du dollar sur sa politique économique ou sur sa politique étrangère.
Le problème de l’acquisition de liquidité internationale n’est pas nouveau. Un effort s’impose de fait à l’ensemble des pays contraints d’utiliser une monnaie étrangère pour accéder aux échanges internationaux. Cette contrainte peut être expliquée selon la logique suivante : imaginons une entreprise située en Malaisie et ayant besoin de dollars américains nécessaires à ses importations de biens d’équipement et à sa trésorerie. L’entreprise va emprunter un montant P de dollars. Elle devra rembourser, à échéance, le principal plus les intérêts du prêt. Grâce aux dépenses d’investissement de biens d’équipement et à la mise en route de la production, l’entreprise va exporter et générer des revenus, avec lesquels elle pourra rembourser le prêt. Il faut donc que ces revenus soient supérieurs aux dépenses liées au remboursement du prêt (intérêts et principal). Cette contrainte de survie induit une pression compétitive qui pèse sur les marges de manœuvre du pays. Elle est d’autant plus pesante que les pays sont en concurrence sur les marchés d’exportations.
Le problème de l’accès à la liquidité apparaît clairement dans les épisodes de crise économique, qui donnent lieu à des rapatriements brutaux de capitaux et à un gel des crédits interbancaires. La crise de 2008 en a donné un fameux exemple. Elle était avant tout une crise dont l’épicentre était l’économie américaine, mais la crise de confiance du système bancaire américain a généré de graves dysfonctionnements dans le financement du commerce international. Certains pays, comme la Corée du Sud, qui n’auraient pas dû subir les effets – ou très peu – de la crise des subprimes ont été victimes d’une pénurie de dollars.
Ayant eu très tôt conscience du problème de la rareté de la monnaie internationale, dès Bretton Woods, les gouvernements ont créé des institutions pour essayer de réallouer la liquidité. La tentative de l’économie mondiale de se doter d’institutions telles que le Fonds monétaire international, créé en 1944 par les accords de Bretton Woods ou d’instruments tels que les droits de tirages spéciaux (DTS), créés en 1969, pour redistribuer la liquidité internationale, se heurte à l’impossibilité de connaître à l’avance les besoins en liquidité générés par les échanges internationaux. Ce problème avait déjà été démontré par Keynes, lorsque celui-ci cherchait à défendre son plan.
Dans le cadre du système hérité de Bretton Woods, ces manquements résultent des préférences américaines en la matière. Alors que le plan Keynes prévoyait un système de découverts automatiques autant que de besoin pour les échanges internationaux, les États-Unis souhaitaient conserver à des fins de domination la main sur les leviers d’allocation de la monnaie « internationale ».
Pour se prémunir des épisodes de pénurie de liquidités, les autres pays doivent développer des stratégies complexes. Beaucoup tentent d’éviter toute pénurie en développant des stratégies d’accumulation de réserves de change, à travers des politiques mercantilistes. Cette stratégie est pénible à mettre en œuvre car elle demande des efforts considérables aux populations, et la concurrence internationale rend ses résultats incertains.
« Alors que le plan Keynes prévoyait un système de découverts automatiques autant que de besoin pour les échanges internationaux, les États-Unis souhaitaient conserver à des fins de domination la main sur les leviers d’allocation de la monnaie “internationale”. »
Une autre solution, réservée à un nombre réduit de pays, est de signer des accords de swaps (technique financière consistant en un échange de crédits) avec la Réserve fédérale, afin de se prémunir de tout risque de pénurie. Ces accords se sont développés à la suite de la crise des subprimes. Ils sont représentés dans le schéma de la page précédente. Les États-Unis se trouvent ainsi au centre d’un réseau de coopération entre banques centrales ayant pour but de maintenir constant l’approvisionnement en dollars. L’octroi des lignes de crédit par la banque centrale américaine dépend de critères politiques (exemple de l’Inde ou du Chili non retenus, contrairement au Mexique, ou au Brésil), la Réserve fédérale ne jouant le rôle de prêteur en dernier ressort international que pour une liste restreinte de pays alliés.
Les difficultés d’accès aux infrastructures de paiement
Venons-en au second problème, l’accès aux infrastructures de paiement. Les systèmes monétaires actuels reposent sur un système de paiement hiérarchisé. Les établissements bancaires créent la monnaie à l’occasion des opérations de crédit, et passent par leur compte à la banque centrale pour les règlements interbancaires. Les banques centrales fournissent les moyens de paiement interbancaires et assurent le bon déroulement des opérations. Points de passage obligés pour l’accès au système de paiement, elles imposent également des normes et des conventions, conditionnant l’accès au système. Les banques commerciales sont tenues de les respecter, faute de quoi elles pourraient se voir privées des opérations interbancaires, ce qui reviendrait à les exclure du système et conduirait à leur liquidation immédiate.
« La crise de 2008 était avant tout une crise dont l’épicentre était l’économie américaine, mais la crise de confiance du système bancaire américain a généré de graves dysfonctionnements dans le financement du commerce international. »
Or les institutions du dollar américain, qui centralisent les comptes et exécutent les paiements, appliquent les lois américaines. Dans ce cadre, lorsque l’OFAC (Office of Foreign Assets Control) place sur liste noire une série d’établissements, voire les entités d’un pays entier, il devient impossible pour tout acteur relié aux systèmes de paiement américains de maintenir des relations commerciales avec ces entités. La banque BNP-Paribas en a fait les frais en 2014 en payant une amende record de 8,9 milliards d’euros, après avoir été traduite en justice pour avoir réalisé des transactions avec des entités figurant sur la liste noire de l’OFAC (Iran, Soudan, Cuba).
Cette arme est punitive, mais aussi dissuasive. Si la France décidait de reprendre son commerce avec l’Iran, les entités françaises se verraient rapidement interdire l’accès non seulement au marché américain mais aussi aux systèmes de paiement en dollars, c’est-à-dire au marché mondial. La France a donc choisi de suivre la diplomatie américaine et de se retirer de fait de l’accord de Vienne. Bien sûr, au-delà de la dimension monétaire et du système de paiement, la puissance militaire et économique américaine a certainement joué un rôle important. Ainsi, en dépit du lancement du mécanisme de compensation INSTEX, qui devrait permettre de poursuivre des transactions avec des firmes iraniennes en contournant le dollar, les entreprises françaises se sont tout de même retirées d’Iran, ce qui montre que l’impérialisme états-unien a d’autres cordes à son arc.
Refonder le système monétaire sur des bases réellement internationales
Dans le contexte actuel, le plan Keynes avance des propositions intéressantes pour refonder le système monétaire sur des bases réellement internationales et émancipées de la domination unilatérale du dollar, au-delà même des objectifs politiques poursuivis par Keynes (défenseur des intérêts britanniques).
Le plan prévoit la création d’une chambre de compensation en monnaie internationale (bancors) pour les paiements interbancaires internationaux, avec des découverts automatiques pour les pays débiteurs. Les problèmes de liquidité seraient résolus puisque la création de bancors ne serait pas conditionnée à des dépôts préalables de la part des pays membres. La chambre de compensation agirait comme une agence centrale assurant le financement du commerce international, le temps que s’opèrent les rééquilibrages entre débiteurs (importateurs nets) et créditeurs (exportateurs nets).
« Si la France décidait de reprendre son commerce avec l’Iran, les entités françaises se verraient rapidement interdire l’accès non seulement au marché américain mais aussi aux systèmes de paiement en dollars, c’est-à-dire au marché mondial. »
Concernant le pouvoir de contrôle de l’infrastructure de paiement, l’instauration du plan Keynes pourrait être aussi l’opportunité de séparer le système des paiements internationaux de la portée directe des appareils gouvernementaux nationaux. Il s’agirait de créer un organe dont la direction serait élue par ses nations membres et partagée par celles-ci. De cette manière il serait impossible, pour un membre, de décider de manière unilatérale qu’un autre membre soit exclu des paiements internationaux.
Puisque l’International Clearing Bank serait en quelque sorte « la banque centrale des banques centrales », il s’agirait ici d’appliquer le principe de distanciation qui caractérise déjà les systèmes bancaires domestiques, en vertu duquel les banques commerciales se plient, par une sorte de soumission volontaire, à la banque centrale au-dessus d’elles.
Il est tout à fait concevable d’imaginer un système de prise de décision interne à la chambre de compensation suivant les principes du multilatéralisme, à l’image des organismes onusiens aujourd’hui. L’établissement de la chambre de compensation et son succès devraient reposer sur des règles internationales s’imposant à tous.
Au demeurant, la mise en œuvre du plan Keynes devrait très largement freiner les aspects les plus négatifs de la dynamique de la globalisation financière. Le plan Keynes devra s’accompagner de contrôles pour assurer que les flux internationaux soient comptabilisés et intégrés dans la matrice de la chambre de compensation, ce qui faciliterait la lutte contre l’évasion fiscale ou le blanchiment.
On voit ainsi que, dans l’optique de proposer un système monétaire véritablement international et multilatéral, le plan Keynes est toujours d’actualité, et peut même aider à résoudre des problèmes pour lesquels il n’a pas été conçu.
Adrien Faudot est économiste. Il est maître de conférences à l’université Grenoble Alpes.
Accords bilatéraux de swaps entre banques centrales, en octobre 2015. Les États-Unis ont contracté des accords importants permettant d’assurer avec les banques centrales des pays signataires l’approvisionnement en dollar américain. D’autres pays, à l’image de la Chine, ont signé des accords similaires pour favoriser l’accès à leur monnaie respective.
Source : S. Bahaj et R. Reis, « Central bank swap lines », Credit, Banking and Monetary Policy, BCE, Francfort, 23 octobre 2017.
Critiqué pour sa gestion des crises sanitaire et économique qui ravagent son pays, le président en campagne pour sa réélection multiplie les invectives et les accusations contre la Chine pour détourner l’attention, au risque de l’escalade.
Donald Trump ne cesse de hausser le ton à l’égard de la Chine, au risque d’alimenter de dangereuses tensions internationales. Il est allé jusqu’à accuser Pékin d’avoir sciemment laissé échapper le Covid-19 d’un laboratoire de Wuhan pour affaiblir les États-Unis et le monde occidental. De multiples études scientifiques invalident désormais formellement cette thèse. Mais qu’importe, le locataire de la Maison-Blanche et son secrétaire d’État, Mike Pompeo, insistent. Quoi qu’il en soit de l’origine du virus, « l’épidémie, martèle désormais Trump, aurait dû être arrêtée à la source qui était la Chine, mais ça n’a pas été le cas ». Le recours à l’agitation du « complot contre l’Amérique », un standard de l’extrême droite populiste états-unienne qui inspira le fameux écrivain Philip Roth, est actionné pour trouver un bouc émissaire aux menaces que fait peser la gestion de la crise par l’administration Trump sur la vie et l’emploi des citoyens des États-Unis.
Trump revoit sa ligne de campagne pour sa réélection en novembre
Pékin est montré du doigt dans un pays qui déplore dans la pandémie aujourd’hui au moins 80 000 victimes, quelque 1,3 million d’infections avérées et qui compte plus de 30 millions de chômeurs, soit un niveau qui renvoie à celui atteint lors de la Grande Dépression dans les années 1930. L’accusation doit détourner l’attention des responsabilités écrasantes du président dans la gestion de la crise sanitaire et dissuader d’interroger l’incurie d’un système de santé odieusement inégalitaire comme celle d’un contre-modèle social qui fait le plus souvent des salariés une simple variable jetable pour le patronat et les stratèges de Wall Street, obnubilés par leur priorité absolue au principe de retour de rentabilité pour l’actionnaire (shareholder value).
Donald Trump avait fait des performances de l’économie son principal argument pour sa réélection à la présidence en novembre prochain. Les crises sanitaire et économique ont totalement réduit à néant cette ligne de campagne. D’où le forcing auquel il se livre avec la complicité des gouverneurs républicains pour une réouverture rapide de l’économie, au mépris du risque d’une nouvelle flambée de la pandémie et de dizaines de milliers de victimes supplémentaires.
Fébrile, Trump tente de jouer de toute la panoplie de son répertoire, fort étendu au demeurant, de démagogue pour garder la main. Avant la Chine, il s’en est pris ainsi récemment à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à qui il a annoncé, en pleine pandémie, qu’il couperait les vivres en l’accusant d’avoir trop tardé à sonner l’alerte parce qu’inféodée à des intérêts chinois… déjà.
La Maison-Blanche a misé sur le Pentagone pour négocier
Les migrants venus du Mexique sont abonnés de longue date à cette fonction de boucs émissaires, indispensables à la narration politique (story telling) du magnat de l’immobilier. Il use de ce registre au parfum xénophobe à chaque occasion. Mais, surtout, quand il affronte un passage délicat, comme à la veille des élections de mi-mandat en 2018 où le Parti républicain était donné en perte de vitesse. Cette fois, au nom de l’état d’urgence sanitaire, il n’a plus seulement décidé d’étendre et de fortifier son mur de la honte à la frontière sud du pays, mais de carrément interdire toute immigration « pour, dit-il, préserver l’emploi des Américains ».
Loin de se réduire aux dérapages peu contrôlés d’un personnage versatile, ces attaques sont en parfaite cohérence avec une ligne stratégique nationale-libérale aussi précise qu’élaborée. Ce qui rehausse encore les dangers des dissensions croissantes avec la Chine. Donald Trump a beaucoup misé sur le Pentagone pour négocier, dans le cadre de la « diplomatie du deal » qu’il appelle de ses vœux, un retour ou une consolidation de l’hégémonie contestée de l’hyperpuissance. Il a augmenté coup sur coup, depuis son accession au pouvoir, les budgets militaires de 10 %. Ce qui fait des États-Unis le pays dont les dépenses d’armements équivalent à celles des dix puissances qui les suivent, Russie, France, Grande-Bretagne et Chine comprises. Il a consolidé sa force de frappe nucléaire qu’il prétend maintenant banaliser pour un éventuel usage hors dissuasion. Et il a pu achever le « pivot », entamé par Barack Obama, du déplacement du centre de gravité des forces armées états-uniennes sur la planète, du Moyen-Orient vers les pourtours de la Chine.
Un soutien inconditionnel de Washington à Taïwan
Trump met également de l’huile sur le feu d’une relance de la guerre commerciale en menaçant d’instaurer de nouvelles « taxes punitives » sur les importations chinoises. Les stratèges du national-libéralisme au sein de l’administration, comme l’économiste Peter Navarro, ont théorisé depuis des années un rééquilibrage, coûte que coûte, des échanges commerciaux entre les deux pays au profit des États-Unis. Trump a interdit ou fait interdire, par certains des plus dociles de ses alliés occidentaux, toute livraison de matériel par le géant chinois des télécommunications Huawei. Et il a manifesté une intransigeance encore plus autoritaire le 1er Mai dernier en bannissant, au nom de la sécurité nationale des États-Unis, tout achat d’équipements « conçus, développés, fabriqués ou fournis » par des entités agissant sous le contrôle « d’adversaires étrangers ». Ambiance.
Cette exacerbation des frictions fait craindre que l’escalade ne finisse par déboucher sur une véritable conflagration militaire. « La Chine ne sera pas l’Irak », a prévenu, durant le week-end dernier, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Pékin, en allusion directe aux capacités de ripostes martiales de l’empire du Milieu.
La virulence des attaques du président des États-Unis est d’autant plus préoccupante qu’elle bénéficie d’une approche quasi consensuelle des élus de l’opposition démocrate sur la question chinoise. Le Congrès a ainsi adopté à l’unanimité au Sénat comme à la Chambre des représentants, où les membres du parti de Joe Biden sont majoritaires, une loi approuvée par le président qui réaffirme un soutien inconditionnel de Washington à Taïwan. Soit une véritable provocation à l’égard de Pékin, qui ne cesse de réaffirmer que l’île est partie intégrante de la Chine.
Dans une volonté d’attirer les investisseurs européens et américains, plusieurs États sabordent le droit du travail. A coups de «mesures barbares» dénoncées par la Centrale des syndicats, la course au moins-disant social est lancée.
Laboratoire de la haine confessionnelle, l’Uttar Pradesh est désormais la petite officine de la casse sociale en Inde. L’État septentrional, dirigé par le moine extrémiste hindou Yogi Adityanath, a décidé de suspendre, le 6 mai dernier et pour trois ans, trente-cinq lois de protection des travailleurs au prétexte de relancer l’économie et de ne pas laisser au bord de la route les migrants qui ont quitté New Delhi à l’annonce du confinement. Selon le ministre du Travail de l’État, Swami Prasad Maurya, seules quatre dispositions législatives devraient survivre au capitalisme autoritaire qui se dessine dans un pays où les ouvriers des petites usines n’ont déjà pas de contrat de travail et où les inspections sont rares : l’une sur le BTP, deux autres sur les accidents du travail et le paiement régulier des salaires et la dernière sur le travail forcé. Les lois relatives au paiement des primes et au versement des prévoyances deviennent toutefois caduques. Il en va de même pour les lois relatives aux syndicats et au règlement des conflits dans l’entreprise, les contrats de travail, la santé et la sécurité.
Des «conditions esclavagistes»
L’opposition n’a pas tardé à réagir : « Détruire la main-d’œuvre revient à détruire la croissance économique. L’agenda diabolique du BJP (Parti du peuple indien au pouvoir - NDLR) doit être combattu et vaincu pour sauver l’Inde », s’est indigné le secrétaire général du Parti communiste d’Inde-marxiste (CPI-M), Sitaram Yechury. Dans un même mouvement, la Centrale des syndicats indiens (Citu) a dénoncé « des mesures barbares qui visent à imposer des conditions esclavagistes aux travailleurs qui créent réellement la richesse du pays brutalement pillée par les capitalistes et les grandes entreprises ».
4 heures de travail en plus par jour sans augmentation
Le Madhya Pradesh et le Gujarat, également dirigés par le BJP, et le Rajasthan, où le Congrès a la majorité, ont pris des dispositions similaires, dont certaines devront passer par le niveau fédéral avant validation. Les syndicats s’inquiètent déjà de voir une majorité d’États s’engager dans cette course au moins-disant social afin de ne pas faire fuir les investisseurs. Le Madhya Pradesh a ainsi fait passer le temps travail journalier de huit à douze heures sans augmentation de salaire. Grâce à un assouplissement de la loi sur le travail contractuel, les entreprises locales auront la possibilité d’embaucher et de licencier « à leur convenance » mille jours durant. Enfin, les entreprises ne sont plus tenues de respecter les normes de sécurité industrielle et les nouveaux ateliers seront exemptés des règles basiques d’accès aux toilettes ou de congés payés. Mieux, ils n’auront plus besoin d’informer le ministère du Travail en cas d’accident.
Profiter de la défiance à l’égard de la Chine
Cette vague antisociale précède les desiderata du patronat. Vendredi dernier, lors d’une réunion au ministère du Travail, la Confédération de l’industrie indienne a demandé que les salariés qui ne regagneraient pas leur poste faute de mesure de sécurité ou de la poursuite du confinement soient sanctionnés. Le ministre de tutelle a simplement indiqué travailler à de nouvelles dispositions législatives. Derrière cette attaque contre le droit du travail, une bataille du capital indien contre les capitaux européens et américains qui ont suspendu leurs commandes du jour au lendemain du fait de la crise du Covid-19. Le patronat indien se veut à l’initiative afin de faire revenir les investisseurs, voire d’en attirer de nouveaux à la faveur de la défiance qui touche désormais la Chine.
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Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste.
Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale.
Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.