Le 29 mai, le gouvernement espagnol a adopté un revenu minimum vital. Un certain nombre d’autres mesures sont prévues dans un « bouclier social » qui doit répondre à la violente crise économique qui s’annonce. Ismael González, d’Izquierda Unida (gauche unie), nous explique ces projets.
Ismael González Membre du Parti communiste espagnol et responsable d’Izquierda Unida (IU)
En période de crise économique, l’adoption du revenu minimum vital est-elle déjà une victoire ?
Cette initiative fait partie d’un ensemble de mesures portées par le projet de « bouclier social » mis en place au début de la crise sanitaire pour protéger au maximum les Espagnols. Celles-ci s’appuient sur l’accord de coalition gouvernementale entre le Parti socialiste (PSOE) et Unidas Podemos qui avait été conclu avant la crise, les forces de gauche souhaitant des engagements forts sur un certain nombre de mesures comme le maintien des services publics, la remise en cause de la réforme du marché du travail adoptée par le Parti populaire (droite conservatrice)… Il s’agit de remettre les personnes au cœur du projet et non plus les profits économiques.
La pandémie nous a poussés à adopter en priorité des mesures pour garantir la protection de l’emploi et des travailleurs avec le chômage partiel, le contrôle des prix, notamment sanitaires, la lutte contre la spéculation, l’interdiction des licenciements et des expulsions…
L’exécutif semble déterminé à appliquer d’autres mesures comme la taxe sur le patrimoine. Peut-il y parvenir ?
L’ensemble de ces mesures n’a pas été facile à obtenir, y compris au sein du gouvernement. Mais cette crise a révélé beaucoup d’incohérences : la casse des services publics et les inégalités fiscales. En tant que membre de la coalition, Unidas Podemos a avancé des propositions sur la fiscalité afin d’assurer une meilleure répartition des richesses. La mesure de taxer davantage le patrimoine des plus riches va dans ce sens. Elle s’inscrit dans un processus de reconstruction du pays.
Nous ne pouvons pas sortir de cette crise avec davantage de privatisations. Au contraire, elle a révélé l’utilité d’un nombre important de métiers essentiels et mal rémunérés : les agents de la propreté, les personnels de santé et de l’éducation, la police. Il faut les renforcer. Pour qu’elle fonctionne correctement, nous devons revenir à une société plus solidaire, qui travaille en commun. Le processus d’individualisation dicté par le simple profit économique a démontré son incapacité à résoudre une telle crise.
La droite et l’extrême droite mènent une bataille médiatique contre vos projets. Cela vous inquiète-t-il ?
L’extrême droite en Espagne assume les mêmes positions qu’en Amérique latine, en remettant en cause la légitimité du gouvernement. Cette stratégie extrêmement dangereuse ne s’accompagne d’aucune proposition politique. Son discours est contradictoire : au début de la crise, elle a reproché au gouvernement de ne pas être assez dur sur les mesures de confinement. Aujourd’hui, elle nous reproche de les maintenir. Le plus grave, c’est que la droite tienne le même discours que l’extrême droite. Le risque est bien réel pour notre système démocratique face à l’exhortation de la haine. Heureusement, la majorité de l’opinion y est opposée. Les hommages qui ont lieu à 20 heures, quotidiennement, pour défendre les services publics sont la meilleure des réponses.
Les choix portés par la coalition espagnole se démarquent des autres gouvernements en Europe. Cela peut-il les amener à sortir de leur logique libérale ?
Nos propositions doivent permettre une autre réflexion. Car nous n’avons pas le choix. C’est une question de vie ou de mort. Il faut que l’Europe soit capable de sauver des vies, d’assurer des acquis sociaux pour que les populations puissent vivre dignement. Le choix de construire une société plus égalitaire est posé à l’ensemble des Européens. Et l’Espagne ne sera pas seule dans cette bataille. Au Portugal, en Italie, les mêmes revendications surgissent. La droite est divisée sur ce modèle néolibéral qui a été renforcé lors de la crise de 2008.
Etats-Unis/George Floyd : C'est toute la société américaine qui étouffe
Le meurtre de George Floyd par des policiers lundi dernier à Minneapolis soulève partout aux Etats-Unis l'indignation et la colère. Des dizaines de milliers de manifestants jour et nuit dans tout le pays crient justice. Ce que les Américains veulent c'est mettre à bas le racisme systémique étasunien.
L'exaspération et les frustrations de ces derniers jours conduisent à des scènes d'émeutes dont les principaux responsables sont la politique de Donald Trump et les forces de l'ordre.
« I can't breathe », « Je ne plus respirer » les derniers mots de George Floyd, mort étouffé par un policier, a mis le feu aux poudres dans une société profondément inégalitaire. Les Afro-Américains qui représentent environ 15% de la population restent les grands laissés pour compte comme l'a montré, encore récemment, le nombre de victimes du Covid19 et les cohortes de femmes et d'hommes précipités dans le chômage et la pauvreté par la crise. Près de 40 millions d'Américains ont fait une demande d'indemnité chômage depuis mars.
Depuis le puissant mouvement #BlackLivesMatter de 2016, rien n'a été fait par les dirigeants étasuniens et l'Administration Trump pour mettre fin au racisme structurel qui mine la société et qui, avec les préjugés de classe, structure les comportements policiers. Bien au contraire les meurtres, manifestations, actes racistes et violences de classe ont augmenté, encouragés par les déclarations et actions du président Trump. Et le nombre de jeunes Afro-Américains parmi les victimes de la violence policière reste plus 20 fois plus élevé que dans les autres catégories de la population. « I can't breathe » : c'est toute la société étasunienne qui étouffe.
Le Parti communiste français (PCF) tient à apporter son soutien à la famille de George Flyod et au mouvement pour les droits civiques, l'égalité et la justice aux Etats-Unis, aux forces démocratiques et de gauche qui combattent la politique de Donald Trump et veulent transformer la société américaine. Ce que les Américains veulent pour mettre fin à ce régime d'injustice insupportable c'est une politique de luttes contre les inégalités socio-économiques, une réforme démocratique de la justice, et une démilitarisation et redéfinition de la doctrine policière.
Dimanche, 31 Mai, 2020 -L'Humanité
Le dernier regard de George Floyd, cruel miroir tendu à l’Amérique raciste
Les nuits d’émeutes et les manifestations se succèdent, des voix s’élèvent pour appeler à s’organiser politiquement contre un système qui perpétue les discriminations et l’injustice sociale.
L’incendiaire de la Maison Blanche galvanise ses « MAGA » (1), promet le carnage en réponse au pillage, fait déployer soldats de la Garde nationale, incrimine « les antifas et la gauche radicale ». Sans parvenir à endiguer le débordement de colère suscité par l’assassinat le 25 mai dernier, de George Floyd, un Africain-Américain de 46 ans, au cours de son interpellation par des policiers de Minneapolis. Partout dans le pays, d’imposantes manifestations se sont encore formées samedi pour exiger justice et dénoncer le racisme et la violence sociale et policière structurelle dirigée contre les Noirs. Alors que se succèdent les nuits d’émeutes, certains de ces rassemblements ont donné lieu à des affrontements avec la police : plus de 200 personnes ont été arrêtées à New York, une centaine à Los Angeles. L’annonce, vendredi, de l’arrestation de Derek Chauvin, le policier filmée les mains dans les poches, son genou sur le cou de la victime, et de son inculpation pour « homicide involontaire » et « acte cruel et dangereux ayant causé la mort » de George Floyd n’a pas apaisé les esprits. Les manifestants demandent que cet agent maintes fois signalé pour « usage excessif de la force », impliqué dans de nombreux tirs mortels sur des « suspects », soit poursuivi, avec ses coéquipiers, pour « homicide volontaire ». Par delà l’émotion, la rage et l’exigence de justice pour George Floyd, la mobilisation prend un tour très politique, laissant entrevoir, à quelques mois du scrutin présidentiel, une lame de fond. « La taille et l’impact des manifestations, partout, montrent la vraie nature nationale et historique de ce qui se passe. Ce n’est plus seulement une protestation demandant justice pour George Floyd, cela devient une révolte sociale générale contre la violence d’un système raciste policier et carcéral », analyse Libero Della Piana, du People’s action institute, qui voit dans la mobilisation en cours la manifestation d’un processus politique en maturation depuis des décennies, « un débordement de rage contre une société qui a aliéné socialement et économiquement des millions d’individus ». Dans un contexte où les Africains-Américains ont payé un lourd tribut à la pandémie de coronavirus et à l’impéritie de l’administration Trump devant cette crise, Alexandria Ocasio Cortez, la plus jeune élue au Congrès, soutien de Bernie Sanders lors de la primaire démocrate, insiste elle aussi sur les tirs croisés des injustices sociales et des violences policières. « Si vous essayez d’appeler à la fin des troubles, mais que vous ne considérez pas la santé comme un droit humain, que vous craignez de dire que les vies des Noirs comptent, que vous avez trop peur d’évoquer les violences policières, alors vous n’appelez pas à la fin des troubles, s’insurge-t-elle. Vous appelez à ce que l’injustice continue, à ce que le peuple endure encore en se taisant la violence de la pauvreté, de l’accès entravé au logement, de la brutalité policière. »
« Il est temps de battre dans les urnes tous les procureurs que vous n’aimez pas... »
Indéniablement, l’agonie de George Floyd, capturée en direct dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, ébranle un système meurtrier pour les pauvres, pour les Noirs, et clément pour les suprémacistes blancs disposant de relais et de complaisances à tous les échelons de la justice et du pouvoir politique, jusqu’à la présidence. Pour démanteler cette toile, le feu n’est pas seulement inopérant : Donald Trump ne l’appelle-t-il pas de ses vœux, pour s’assurer la victoire cet automne ? Ces dernières heures, des voix nombreuses se sont élevées pour appeler à dépasser le stade de l’émeute, toujours profitable aux pouvoirs jouant de la carte du rappel à l’ordre. Parmi ces voix, celle du rappeur Killer Mike, qui s’est adressé au bord des larmes, samedi, aux manifestants d’Atlanta : « Il est de votre devoir de ne pas brûler vos maisons. Il est de votre devoir de renforcer vos propres maisons pour en faire des refuges en période d’organisation. C’est le moment de comploter, de planifier, d’établir des stratégies, de s’organiser et de se mobiliser. Il est temps de battre dans les urnes tous les procureurs que vous n’aimez pas. Il est temps de tenir pour responsables les maires, leurs bureaux, les chefs et leurs adjoints. (…) La prochaine étape, c’est d’user de votre pouvoir politique pour aller aux élections et battre les politiciens que vous n’aimez pas. » Décrit par ses proches comme un « doux géant », père aimant de deux enfants, George Floyd était une figure appréciée de la scène musicale à Minneapolis, l’un de ces millions de travailleurs ayant perdu leur emploi dans la crise économique provoquée par la pandémie. Son dernier regard, sous la botte des policiers qui l’ont étouffé à mort, tend un cruel miroir à cette Amérique qui n’a jamais rompu, en vérité, avec la loi de Lynch.
(1) « Make America great again », acronyme désignant les supporters de Donald Trump.
Non à la destitution du député communiste chilien Hugo Gutiérrez
Dans un contexte de puissante mobilisation populaire depuis plusieurs mois d'un mouvement social qui touche tout le Chili, la répression ne cesse de monter d'un cran chaque jour.
La coalition de droite "Chile Vamos", soutien du président Sebastián Piñera, vient de s'en prendre au député communiste Hugo Gutiérrez en l'accusant de troubler l'ordre public et d'inciter à la haine par la publication sur les réseaux sociaux de dessins qui seraient offensants pour le président de la République, Sébastian Piñera.
Sur ces accusations, elle demande au Tribunal Constitutionnel, la destitution du député communiste. Ce Tribunal bien connu pour être l'un des "pouvoirs de fait" au Chili et s'est distingué récemment en rendant des sentences pour la libération des anciens militaires responsables de graves violations des droits humains.
S'attaquer à Hugo Gutiérrez n'est pas neutre pour le pouvoir chilien. C'est s'attaquer à une longue histoire en matière de défense des droits humains, de la lutte contre la dictature de Pinochet jusqu'à aujourd'hui.
C'est aussi s'attaquer à l'un des principaux promoteurs de la bataille pour une nouvelle Constitution par voie d'assemblée constituante et fondée sur la souveraineté populaire, et infatigable initiateur législatif pour la défense des intérêts des classes populaires du peuple, de leur souveraineté et des habitants et travailleurs du district qu'il représente.
La véritable raison de cet acharnement est de frapper les figures de l'opposition, en particulier le Parti communiste chilien qui occupe une place particulière dans le mouvement populaire, et de chercher à étouffer la protestation sociale et la capacité d'action de celles et ceux qui contestent et combattent la politique de Pinera.
Le Parti communiste français, ses élu-e-s dénoncent cette action de la droite chilienne dont la stratégie autoritaire, répressive et réactionnaire vise à réduire ce qu'il reste d'espace démocratique dans la société chilienne.
Le PCF s'insurge contre la procédure de destitution du député Hugo Gutiérrez présentée par des députés de la coalition gouvernementale «Chile Vamos» et lui apporte tout son soutien, ainsi qu'au peuple chilien, au Parti communiste chilien, à toutes les forces progressistes et militants des droits humains.
Le vacarme produit par une certaine sphère médiatique pour vanter un prétendu plan de 500 milliards décidé par M. Macron et Mme Merkel est une dangereuse opération de communication et d’enfumage. Elle pourrait coûter fort cher aux familles populaires.
D’abord, il s’agit d’une proposition destinée à la Commission européenne qui doit obtenir le consensus des vingt-sept États membres de l’Union. Cette dernière s’est empressée de trouver l’idée géniale, à condition évidemment que cette somme soit destinée à « financer certaines réformes structurelles pour améliorer la compétitivité ». Un vice-président de la Commission a immédiatement expliqué que ceci s’inscrit dans ce qui est baptisé « semestre européen ». Langue de bois bruxelloise désignant un dispositif européen de coordination des politiques économiques visant à obliger chaque pays à réduire les crédits publics et à détruire un à un les outils de solidarité et les conquis sociaux pour « améliorer la compétitivité ». « C’est essentiellement selon ce concept que nous financerons les réformes et les investissements des États membres », a insisté le vice-président de la Commission. Autrement dit, les conditionnalités d’octroi des aides à un pays ne cherchent ni le progrès social ni le progrès écologique mais visent, au nom de la sacro-sainte compétitivité, à détruire les États sociaux. Exactement ce qui a conduit à désarmer les pays face à l’actuelle pandémie. Ces mandataires des puissances d’argent présentent les bas salaires, les destructions des systèmes de retraite et de la Sécurité sociale, ou la saignée de l’hôpital public comme des « avantages compétitifs ».
Ajoutons que l’argent ainsi promis serait emprunté sur les marchés financiers. Il viendra alimenter l’infernale spirale de la dette des États que les taux d’intérêt ne cessent de faire grossir alors que les banques privées reçoivent de la monnaie gratuite de la Banque centrale européenne. Ces mêmes banques privées prêtent ensuite cet argent, additionné de taux d’intérêt, aux États dont les gouvernements brandissent l’impérieuse nécessité de réduire « la dépense publique » et, pour cela, d’imposer l’austérité à leurs populations.
Voilà comment on continue d’enchaîner les peuples avec ce fameux boulet de « la dette », qui sert à alimenter de menaçantes bulles spéculatives. Ainsi, la prétendue relance du couple franco-allemand n’est pas liée à des projets nouveaux de coopération pour des investissements productifs visant la transition environnementale et le progrès social, mais elle a vocation à nourrir les ogres de la finance.
Les explications et les combats doivent reprendre sur la nature de « la dette » comme rouage du capitalisme mondialisé. Il est possible de la renégocier et de l’annuler à condition de ne pas considérer l’argent comme une marchandise valorisable mais bien comme un instrument d’échange. Dans l’immédiat, un fonds de solidarité européen destiné au progrès humain et écologique pourrait être créé. Un tel fonds, relié à la Banque centrale européenne, pourrait décharger les États de leur dette en la prenant à son compte. Il mettrait en place les conditions pour que les milliards créés par la Banque centrale ne soient pas dirigés vers les banques privées mais vers les banques publiques nationales comme la Caisse des dépôts et la Banque publique d’investissement. Celles-ci pourraient financer les services publics, les collectivités locales et des entreprises dès lors qu’elles s’engagent sur le maintien de l’emploi, le développement de la formation, la réduction du temps de travail et un processus d’application des normes pour préserver le climat et la biodiversité.
Une telle réorientation ne peut s’obtenir que par une mobilisation populaire qui peut intéresser de larges secteurs de la société. Ce moment de débats peut y être propice. En fait le choix est simple : soit celui des intérêts de la finance vorace, soit ceux du travail et de la nature.
Mahmoud Abbas déclare ne plus être lié par les accords avec Israël et les États-Unis. La décision du gouvernement Netanyahou viole le droit international et signe la mort d’une solution à deux États. Mais aucune sanction n’est envisagée.
Peut-être emportés par leur allégresse d’une annexion prochaine de la quasi-totalité des territoires occupés, les dirigeants israéliens et états-uniens en avaient visiblement oublié l’existence du peuple palestinien. Depuis la fin du mois de janvier et l’annonce officielle de « l’accord du siècle » concocté par les services de Donald Trump en lien avec les équipes de Benyamin Netanyahou sans la moindre information fournie aux Palestiniens, tout se passe comme si « un peuple sans terre » allait enfin mettre la main sur une « terre sans peuple », pour reprendre l’un des slogans sionistes les plus connus et les plus usités. L’histoire a déjà montré l’inanité d’une telle idée, mais, triste ironie, à terme, les Palestiniens pourraient devenir ce « peuple sans terre ».
Alors que se profile la date du 1er juillet, moment à partir duquel le nouveau gouvernement israélien doit se prononcer sur sa stratégie pour traduire dans les faits le plan du président américain, le président palestinien, Mahmoud Abbas, est venu se rappeler au bon souvenir de ceux qui voudraient le compter, lui et son peuple, pour quantité négligeable. Il avait déjà annoncé la rupture de « toutes les relations » avec Israël et les États-Unis après l’annonce du plan qui prévoit notamment l’annexion de la vallée du Jourdain et des colonies juives en Cisjordanie. Ce qui n’avait pas gêné le moins du monde Washington et Tel-Aviv. D’ailleurs, dimanche, lors du vote de confiance du Parlement israélien, qui lui donnait un nouveau mandat de 18 mois en tant que premier ministre, Benyamin Netanyahou ne le cachait pas : « Voici la vérité : ces territoires sont là où le peuple juif est né et s’est développé. Il est temps d’appliquer la loi israélienne et d’écrire un nouveau chapitre glorieux dans l’histoire du sionisme. » Et le même d’ajouter une « vérité, et tout le monde le sait, c’est que les centaines de milliers de résidents de Judée-Samarie (terme utilisé par les autorités israéliennes pour parler de la Cisjordanie – NDLR) resteront toujours chez eux, quel que soit l’accord de paix trouvé in fine ». Quant à Benny Gantz, qui a passé un accord gouvernemental avec lui, et que certains voudraient présenter comme un modérateur, il n’a pas eu un seul mot pour évoquer l’annexion.
La division continue entre les organisations palestiniennes
Autant dire que les accords d’Oslo de 1993, bien que politiquement morts parce que jamais appliqués par la force occupante, sont aujourd’hui caducs. C’est ce qu’a entériné, mardi, Mahmoud Abbas en déclarant que les Palestiniens ne se sentent plus liés « à tous ces accords et ententes avec les gouvernements américain et israélien, et toutes ces obligations basées sur ces ententes et ces accords, y compris celles relatives à la sécurité ». Certes, ce n’est pas la première fois que le président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), seule signataire des accords d’Oslo et non pas l’Autorité palestinienne (AP), brandit la menace de rupture de la coopération sécuritaire avec Israël, mais sans grande application. Dans les faits, cette coopération fait de la police palestinienne des supplétifs de l’armée israélienne, en empêchant et en réprimant les manifestations aux abords des colonies de Cisjordanie, en fermant les yeux sur les incursions militaires israéliennes, voire en laissant s’infiltrer des commandos déguisés, comme cela s’est passé, mercredi, avec la tentative d’enlèvement de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri (lire notre article). Une attitude des forces sécuritaires de l’AP de plus en plus dénoncée ces dernières années par la gauche palestinienne, les associations et les mouvements de jeunes.
Le président palestinien ira-t-il jusqu’au bout de ses menaces ? Incontestablement, la majorité des Palestiniens le souhaitent, même si cela va signifier des difficultés supplémentaires. Les Israéliens, eux, ne veulent pas prendre en charge tout un déploiement sécuritaire dans les territoires qu’ils occupent car cela signifierait une mobilisation humaine et des dépenses financières qu’ils ne veulent pas assumer. Pour Mahmoud Abbas, 85 ans, dont l’entourage politique semble plus préoccupé par sa succession que par des initiatives politiques capables de donner un nouveau souffle à la lutte de libération, c’est sa dernière chance, alors que la division continue à régner entre les organisations palestiniennes, ouvrant la voie à des situations terribles. L’annonce, hier, de l’arrivée d’un charter affrété par les Émirats arabes unis (EAU) et rempli de matériel pour lutter contre le coronavirus, en est l’exemple type. Abu Dhabi a pris cette initiative en concertation avec les seules autorités israéliennes, pas avec l’Autorité palestinienne, qui a annoncé, la mort dans l’âme, son refus d’en prendre livraison.
Pour faire front face à Israël, la question de l’unité se pose avec encore plus d’acuité. Car, à l’instar des Émirats, les pétromonarchies du Golfe sont en pleine phase de normalisation avec Israël sur fond d’animosité envers l’Iran, et elles ne feront rien – hormis en paroles – pour empêcher l’annexion des territoires palestiniens. La Jordanie, seul pays arabe avec l’Égypte à avoir signé une paix avec Israël, montre les dents. Mais le souverain hachémite n’en a peut-être pas les moyens et semble donner des gages à son opposition islamiste qui commence à ébranler son trône.
Une politique coloniale pleinement assumée
Depuis Ben Gourion, fondateur de l’État d’Israël en 1948, la politique coloniale de ce pays s’est surtout caractérisée par le fait accompli. C’est encore ce qui se passe avec le plan Trump. L’annexion ne serait donc pas à remettre en cause, juste à l’aménager aux marges. On en oublierait presque que cette annexion remet en réalité en cause la solution à deux États, si l’on entend par État une entité viable économiquement et politiquement sur un territoire continu. Tout juste les Palestiniens pourraient-ils disposer de quelques arpents de terre… Quant à Jérusalem, il leur faudrait l’oublier puisqu’elle serait la capitale d’Israël.
L’Union européenne (UE) pourrait jouer un rôle historique. Mais ses divisions, alimentées par l’extrême droite qui dirige la Hongrie ou les conservateurs en Autriche, deux fervents soutiens d’Israël, empêchent de mettre en garde Tel-Aviv sur de possibles mesures de rétorsion, voire de sanction, en cas d’annexion. Or c’est le seul langage à tenir. Dire qu’il faut respecter le droit international est insuffisant. Après tout, l’UE s’y est résolue contre la Russie lors de l’annexion de la Crimée, mesure dont elle est incapable s’agissant d’Israël. Les 27 ne se mettant pas d’accord, de timides initiatives se font jour. Le 20 mai, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le représentant de la France, Nicolas de Rivière, a déclaré qu’une annexion « y compris des seules colonies » constituerait une violation du droit international et « ne serait pas sans conséquences sur les relations de l’Union européenne avec Israël ». L’idée d’une initiative afin de permettre la reprise de négociations est sur la table. Mais pour l’heure, le plat est à disposition des Israéliens. Les Palestiniens, eux, n’ont même pas d’assiette.
Turquie : Inacceptables destitutions et arrestations des maires kurdes
Recep Tayyep Erdogan n'en finit pas de régler ses comptes avec le nombre croissant de démocrates qui s'opposent à sa politique. Les forces armées spéciales ont ces jours-ci conduit de nouvelles opérations contre les municipalités reconquises de haute lutte, en avril dernier, par le Parti démocratique des peuples (HDP).
Les co-maires de nombreuses villes, dont ceux de Siirt, Kurtulan, Idgir et Baykan, ont été destitués par le ministre de l'Intérieur et remplacés par des administrateurs issus de l'AKP, le parti présidentiel. Au total, 45 maires sur 65 sont aujourd'hui destitués dont 21 incarcérés. A cela, il faut ajouter les parlementaires emprisonnés dont le député Selahattin Demirtas.
Fragilisé par sa défaite retentissante aux municipales dans les grandes villes et une crise économique sans précédent accentuée par la pandémie de Covid-19, R.T. Erdogan n'en poursuit pas moins ses purges et le démantèlement du système municipal kurde. Celui-ci constitue le laboratoire du projet politique kurde au service des habitants. Il impulse des politiques publiques en faveur de la jeunesse, de la culture, de l'environnement, de l'égalité femmes/hommes... véritable alternative à la corruption généralisée, au népotisme et à la prédation capitaliste conduite depuis Ankara par les islamo-conservateurs.
Avec cette violence, R.T. Erdogan tente d'anéantir l'espace politique kurde où la signification des élections est d'emblée entachée de nullité. Un régime qui s'affranchit de la légitimité des urnes bascule inéluctablement dans la dictature.
Le Parti communiste français (PCF) exprime sa totale solidarité avec les maires et les militants du HDP incarcérés. Il est aux côtés des peuples de Turquie qui se tiennent debout face à la dictature. Il appelle le gouvernement de la France et les pays de l'Union européenne, prompts à dénoncer sélectivement des atteintes à la démocratie, à condamner ce nouveau coup de force et à mettre un terme aux complicités avec cette tyrannie.
Palestine/Israël: Non à l'annexion ! La paix passe par la reconnaissance de l’État palestinien (PCF)
De toute évidence, le Covid-19 n'entrave pas le projet colonial israélien. L’agressivité israélienne et la répression contre les Palestiniens ne faiblissent pas. L'armée et les colons profitent de la situation: assassinats en Cisjordanie, intervention violente à Jérusalem-Est, destruction de maisons tandis que les incursions militaires dans la bande de Gaza n'ont jamais cessé.
Depuis l'annonce du plan Trump, l'annexion de la vallée du Jourdain et d'une partie des territoires de la Cisjordanie se profile. Après l'accord de gouvernement entre B. Netanyhou et B. Gantz, le processus devrait débuter le 1er juillet contribuant à un regain d'instabilité et de tensions avec les pays voisins et notamment la Jordanie. Un nouvel embrasement régional s'annonce.
Le Parti communiste français dénonce avec force cette politique d'annexion et d'apartheid rendue possible par le non respect des résolutions internationales, le soutien inconditionnel des États-Unis et la complaisance des États de l'Union Européenne.
Le PCF exige la fin de tous les accords de coopération économique avec Israël. La paix dans la région ne reviendra pas sans la reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien à disposer d'un État dans le cadre des frontières de 1967.
Les périls sont chaque jour grandissants pour les Palestiniens. Partout la mobilisation doit grandir pour que la France et l'Union européenne condamnent le plan Trump et toutes perspectives de nouvelles annexions.
Stop aux persécutions contre Salah Hamouri (Fabien Roussel - PCF)
Je viens d’apprendre que, ce mercredi matin, notre compatriote Salah Hamouri, avocat, a échappé à une tentative d’enlèvement menée par une unité spéciale de l’armée israélienne à Ramallah.
Cet acte inadmissible mérite une réaction immédiate des autorités françaises, à l’instar de celle exprimée concernant une chercheuse française condamnée à une peine de prison en Iran.
Je saisie le Ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour qu’il exige, au nom de la France, la fin des persécutions contre notre compatriote Salah Hamouri par les autorités israéliennes.
Trois hommes physiquement entrainés et au fort accent hébreu ont essayé de kidnapper l’avocat Franco-Palestinien en plein centre de Ramallah. Tout porte à penser qu’il s’agit d’agents israéliens déguisés, des moustarabim.
Ce mercredi 20 mai, vers 9h du matin, l’avocat franco-israélien Salah Hamouri se rendait à son travail au centre de Ramallah (Cisjordanie). Employé par l’association Addameer de défense des droits de l’homme et des prisonniers, Salah Hamouri allait pénétrer dans l’immeuble de l’association, à deux pas du parlement Palestinien lorsqu’il a salué par politesse un homme, physiquement très musclé, qui le croisait. L’individu a alors répondu en arabe mais avec un accent hébreu si prononcé que Salah Hamouri a immédiatement compris de quoi il s’agissait. Deux autres hommes ont alors surgi et ont tenté de l’immobiliser. Sans succès. Salah Hamouri a réussi à s’enfuir et à se fondre dans les rues marchandes de Ramallah, particulièrement bondées en cette fin de Ramadan et de préparation de la fête de l’Aid al Fitr. Ces trois hommes sont très vraisemblablement des agents israéliens, des Moustarabim, ainsi que les Palestiniens désignent les Juifs israéliens déguisés en Arabes. Cette tentative d’enlèvement a été signalée au Consulat général de France à Jérusalem et le ministère français des Affaires étrangères est tenu informé. Une fois de plus, Israël bafoue le droit. La France va-t-elle rester muette face aux risques que court l’un de ses ressortissants? Salah Hamouri est en danger. Une fois de plus serait-on tenté de dire. Il a été emprisonné à plusieurs reprises notamment sous le statut de la détention administrative qui ne reconnaît aucun droit au prévenu, même pas celui de connaître les raisons de son arrestation. La tentative d’enlèvement de Salah Hamouri doit être publiquement dénoncée, même si l’on peut s’attendre au déni d’Israel voire à des accusations de « règlement de compte entre groupes palestiniens ».
Pierre Barbancey
Tentative d’enlèvement de Salah Hamouri : alerte et demande de protection
Ce 20 mai au matin, les forces spéciales israéliennes ont tenté d’enlever Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, en plein centre de Ramallah, devant les locaux de l’ONG Addameer où il exerce sa profession.
Depuis des mois, les forces israéliennes interviennent en toute impunité en « zone A » censée être sous contrôle palestinien, et s’en prennent tout particulièrement aux défenseurs des droits de l’Homme comme Salah Hamouri.
L’Association France Palestine Solidarité renouvelle son soutien total à Salah Hamouri et à tous les défenseurs palestiniens des droits de l’Homme, harcelés ou arrêtés par les forces israéliennes d’occupation.
S’agissant de Salah Hamouri, citoyen français, l’AFPS en appelle tout particulièrement au gouvernement français et au président de la République pour qu’ils interviennent de manière énergique auprès du gouvernement israélien et protègent notre concitoyen contre ces nouvelles menaces.
La crise sanitaire à laquelle le monde est confronté révèle une crise structurelle qui existait déjà et que le Parti de la Gauche Européenne (PGE) n’a cessé d’exposer. Le PGE s’est chargé de proposer un modèle alternatif pour cette Europe suite à la propagation du Covid-19. Pour cela, une plateforme a été créée et nous travaillons très activement pour la développer, le plus rapidement et le mieux possible, en nous concentrant non seulement sur les solutions à la crise actuelle, mais également, à plus long terme, pour une transformation publique, sociale et écologique de l’économie. Il est important de repenser le rôle des institutions européennes et mondiales, d’assurer des investissements allant dans le sens d’un Nouveau pacte vert et social (“Social Green New Deal), de protéger les travailleurs.euses et de promouvoir un avenir centré sur les besoins humains et pas seulement sur le profit.
La situation provoquée par la pandémie du COVID-19 bouleverse l’humanité tout entière. Presque tous les pays ont pris des mesures drastiques pour éviter la contraction et contenir la pandémie. Tous les efforts possibles doivent, en effet, être consentis pour protéger la population. De telles mesures requièrent une coordination. Mais une coordination européenne efficace par ses institutions est toujours absente de même qu’une réponse globale. De cette façon, les pays les plus touchés sont laissés à eux-mêmes. Le risque est donc que le Pacte de Stabilité limite la solidarité entre les pays face à la crise économique en menant à la dichotomie entre les pays privilégiés et les pays déjà touchés par l’austérité dans le passé.
La propagation du virus COVID-19 a également des conséquences significatives pour l’économie : Il donne un coup d’accélérateur à la crise de la mondialisation néolibérale en tant que modèle hégémonique de société et, de ce fait, au processus de restructuration du capitalisme.
La pandémie de coronavirus constitue la preuve manifeste de l’échec du modèle économique et social néolibéral dominant. En raison de la politique d’austérité néolibérale menée au travers de la privatisation des services publics, les systèmes de soins de santé ne sont pas en mesure de répondre aux besoins publics pendant une pandémie.
Le Parti de la gauche européenne (PGE) exige des mesures immédiates pour lutter contre les conséquences de la crise et un changement radical de politique, ouvrant une nouvelle voie pour le développement de la société, plaçant le peuple en son centre.
Des activités globales concernant cinq pôles sont nécessaires. Avant tout, tout doit être fait pour protéger la population. Une transformation publique, sociale et écologique de l’économie est urgente. Les institutions et les droits démocratiques ne doivent pas être remis en cause par les mesures prises pour lutter contre la crise: au contraire, en ces temps difficiles, la démocratie et les droits civils doivent être défendus et élargis. Il n’y a pas d’autre réponse que la solidarité internationale face à la dimension mondiale de la crise: c’est le moment pour une nouvelle initiative de désarmement et une politique de détente.
Protection de la population
Tous les efforts possibles doivent être consentis pour un meilleur fonctionnement des systèmes de santé. Nous avons besoin de ressources supplémentaires pour les systèmes de santé publique, ainsi que d’une convergence des normes dans tous les pays en termes de personnel, d’installations et d’équipements dans les hôpitaux publics et pour les systèmes de prévention, ainsi qu’une augmentation de la capacité de production des outils de protection de la santé. Il faut également impérativement se doter, à l’échelle du Continent, de services publics européens, efficaces et coordonnés avec le reste du Monde. Nous exigeons la création immédiate d’un fonds européen pour la santé financé via la BCE par des titres à 100 ans non négociables sur les marchés, et les possibilités d’obtenir davantage de services publics en supprimant le Pacte de stabilité et de croissance.
Tant sur le plan social qu’économique, la population a besoin de protection. Des milliers de travailleurs.euses et de salarié(e)s risquent de perdre leur emploi et leurs revenus et beaucoup les ont déjà perdus. Le virus frappe les plus faibles les plus durement: les personnes les plus touchées sont celles qui travaillent dans des conditions de précarité, mal payés en particulier le personnel de nettoyage et les soignants.
Les gouvernements de toute l’Europe demandent de pratiquer le télétravail, mais cette mesure ne s’applique pas à tout un chacun, et dans trop de cas, c’est un privilège. Les travailleurs.euses des services essentiels ou des chaînes de production essentielles dont la présence est requise sur le lieu de travail doivent avoir la garantie qu’ils seront protégés contre la propagation du virus.
Nous exigeons l’adoption d’un plan de sauvetage économique pour les travailleurs.euses et leurs familles, y compris tous les travailleurs précaires, les chômeurs et les sans-papiers, les migrants et les réfugiés ou similaires. En cas de perte de revenus, une compensation financière est nécessaire. Les loyers et les hypothèques doivent être suspendus pour ceux qui ne peuvent pas les payer en raison de leur perte de revenu. Nous nous opposons à toute tentative d’aggraver les conditions de travail, comme la suspension des conventions collectives et la réduction des droits des travailleurs. Les systèmes de protection sociale, de salaires et de retraites devraient être adaptés sur le plus haut niveau que nous ayons en Europe.
Les femmes sont principalement touchées par des conditions de travail précaires, en particulier les gardiennes, les caissières ou les femmes de ménage. La situation des femmes migrantes est spécialement dure, que ce soit dans les camps, ou dans les pays dans lesquels elles sont arrivées.
Les femmes ne devraient pas payer le prix le plus élevé de cette crise: nous avons besoin d’un plan concret axé sur la protection de toutes les femmes (travailleuses, chômeuses, migrantes), en particulier lorsqu’elles sont victimes de violences (en particulier la violence domestique).
Nous nous opposons fermement à la pression exercée par le monde économique et industriel sur les décideurs pour qu’ils mettent fin aux mesures de confinement et rouvrent des productions non essentielles sans garantir les conditions de base de la sécurité des travailleurs afin éviter l’augmentation des infections.
Nous avons besoin d’actions urgentes non seulement pour les grandes entreprises, mais en particulier pour les petites et moyennes entreprises et les travailleurs indépendants. Le soutien financier aux entreprises doit viser à maintenir les emplois, en respectant les salaires, les horaires et les devoirs. Afin de faire face aux problèmes de remodelage de la production, la réduction du temps de travail au même salaire est encouragée.
Relance économique et transformation écologique et sociale
Comme mesure immédiate, nous avons besoin de plus d’investissements dans les services publics.
D’emblée, il faut en finir avec les politiques d’austérité en abandonnant l’ensemble du pacte de stabilité et de croissance. L’Europe doit abandonner cet instrument, qui a été utilisé pour imposer l’austérité aux dépenses publiques, sapant en conséquence les soins de santé et les autres services publics au détriment de la population qui, de ce fait, souffre aujourd’hui de la crise du coronavirus.
La Banque centrale européenne (BCE) devrait être l’instrument pour garantir les énormes ressources nécessaires pour faire face à l’immense urgence sociale, économique et médicale actuelle.
L’argent de la BCE devrait être utilisé pour aider les populations à sortir de l’urgence médicale et pour lutter contre les conséquences de la crise, et non pour maintenir le taux de rendement du capital. La BCE doit assumer sa responsabilité de développement de l’économique et prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter la spéculation financière. Il s’agit d’une condition préalable pour garantir la coordination des actions nationales et la mise en place d’un solide système de solidarité pour faire face à la crise du coronavirus. La BCE et les banques nationales devraient être utilisées pour augmenter les dépenses de services sociaux et de protection de la population.
Par ailleurs, la BCE doit financer un plan d’investissement européen, capable de dynamiser l’emploi et de garantir une évolution du modèle environnemental et social de production et de l’économie. Nous avons besoin d’un programme de reconstruction des capacités productives comprenant la relocalisation des industries stratégiques. Nous exigeons un Fonds européen de relance, financé par des obligations émises par le Fonds lui-même ou par la Banque européenne d’investissement et acquises par la BCE. Dans le même temps, le mécanisme européen de stabilité (MES), qui représente une manière inutile et nuisible d’intervention dans les budgets publics des différents pays européens, devrait être aboli.
La Cour Constitutionnelle allemande a remis en question les compétences de la BCE et de la Cour de justice de l’Union européenne et ignore les exigences économiques dont nous avons besoin pour le développement européen. Sa décision ne représente pour nous que le revers de l’austérité et du projet néolibéral. Elle a pour fonction de décourager et d’éviter les actions de solidarité et de saper la voie vers tout projet d’Europe sociale.
Nous proposons un moratoire général sur les dettes publiques. Par ailleurs, nous proposons une conférence européenne sur les dettes publiques, et une discussion ouverte sur les critères de classification de la dette.
Cette crise du COVID-19 montre que le marché ne répond pas du tout aux besoins des citoyens. Il n’est même pas en mesure d’assurer le minimum nécessaire à la vie. Nous voulons une relance du rôle public, perdu pendant la période de privatisation, dans tous les secteurs: le système de crédit, les productions stratégiques, le système de recherche et les services. Nous avons besoin d’un modèle économique axé sur le bien-être public, et l’immense accumulation de capital par quelques-uns doit être stoppée. Pour le plus grand nombre, pas seulement pour quelques-uns! (« For the many, not just for the few!).
Le financement de l’augmentation des dépenses sociales et l’investissement dans la transformation de l’industrie nécessitent une politique de justice fiscale: nous exigeons un nouveau modèle de collecte des impôts qui taxe les grandes sources de capital et de richesse, sur la base des critères de progressivité fiscale, et qui met fin aux paradis fiscaux à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE. Une taxe sur les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et sur NATU (Netflix, Airbnb, Tesla, Uber) est nécessaire.
La crise fournit des raisons suffisantes pour remettre en question notre modèle socio-économique et changer radicalement la politique. Un profond changement est nécessaire, parce que nous sommes confrontés à d’énormes défis écologiques tels que le changement climatique, qui a de graves conséquences sociales. Pour la Gauche, le lien entre les exigences écologiques et les besoins sociaux est crucial. Il faut une transition verte de l’industrie. Cependant, nous sommes aussi dans l’obligation de protéger les travailleurs et les salariés affectés par ce processus.
Le concept de « transition juste » que promeut la Confédération Syndicale Internationale (CSI) combine la transition écologique et la protection sociale. Une nouvelle politique industrielle intégrant des concepts d’énergie et de mobilité innovants est nécessaire. Nous avons besoin d’un plan de reconversion environnementale et sociale de l’économie qui garantisse le plein et bon emploi et protège les droits de chacun, en commençant par l’égalité des sexes. Dans une perspective de gauche, une nouvelle politique industrielle doit inclure la participation directe des travailleurs et, de ce fait, aller de pair avec la démocratie économique.
Démocratie
Le PGE considère que la crise COVID-19 peut menacer les démocraties et le risque qu’une action irresponsable conduise à l’émergence de l’extrême droite et à sa rhétorique de non-solidarité totale. Contre les tentatives de profiter de la situation d’urgence pour limiter ou suspendre nos droits, le PGE défend la démocratie et ses institutions. Par exemple, les parlements devraient rester en fonction et non être suspendus, comme c’est le cas en Hongrie.
Nous savons que des mesures très strictes sont nécessaires pour contenir la pandémie. Mais nous devons être vigilants et faire en sorte que les restrictions de liberté jugées nécessaires pour arrêter la progression de la pandémie restent des mesures exceptionnelles.
Le PGE rejette également fermement toute tentative d’utilisation abusive de la pandémie du coronavirus pour faire de la démagogie xénophobe ou nationaliste.
Désarmement et paix
L’engagement inconditionnel en faveur de la paix et du désarmement est l’un des éléments essentiels de la politique de gauche. Sans paix, il n’y a pas d’avenir pour l’humanité.
L’urgence du coronavirus doit être considérée comme une occasion de remettre le désarmement et la paix au centre de l’élaboration des politiques. Les dépenses militaires doivent être considérablement réduites au profit des soins de santé et de la satisfaction des besoins sociaux. Il est temps de prendre l’initiative d’une nouvelle politique de détente.
La manœuvre de guerre «Defender» a été stoppée par l’épidémie de coronavirus, mais elle n’a pas été complètement annulée. Par conséquent, nous devons poursuivre et intensifier notre résistance contre ces dangereux exercices militaires. L’OTAN n’est pas une organisation défendant les intérêts des Européens. Avec ses activités agressives, c’est une organisation dangereuse. L’OTAN doit être dissoute au profit d’un nouveau système de sécurité collective, qui inclue également la Russie.
Solidarité européenne et internationale
Nous avons besoin d’une sortie sociale de la crise qui dépasse le modèle actuel d’intégration européenne. Notre objectif est une sortie sociale de la crise. Pour ce faire, toute proposition doit englober plusieurs volets :
– La nouvelle intégration internationale de l’Europe devra diversifier ses relations internationales avec des relations commerciales équitables fondées sur le bénéfice mutuel et non sur la concurrence pour le profit.
– Nous soutenons la promotion d’un processus de coopération paneuropéen incluant la Russie.
– Le développement d’un modèle d’États socialement avancés caractérisé par une solidarité et une coopération «horizontales», avec un programme de reconstruction productif et durable visant à atteindre la souveraineté alimentaire à travers un plus grand soutien et de l’innovation pour l’agriculture.
– Le soutien à l’OMS, notamment sur le plan financier, pour jouer un rôle plus efficace dans de telles crises.
– La défense de l’ONU menacée par l’administration des Etats-Unis dans l’intérêt du multilatéralisme.
– Ce n’est pas seulement une tâche pour l’Europe mais pour le monde entier. Les pays du Sud ont besoin d’un soutien financier pour protéger leurs populations et améliorer leurs systèmes de santé.
– Nous devons nous assurer que les réfugié(e)s et les migrant(e)s sont traités conformément au droit international et européen, que leurs droits humains et civiques sont définitivement respectés et que leurs vies ne sont pas non plus menacées par des détentions illégales, des refoulements, des expulsions cachées aux yeux du public, ou par des manques de soins de santé, d’hébergements inadéquats, de conditions de vie inacceptables, de réactions racistes et xénophobes, d’exploitations, de discours de haine ou d’actes de violence. Nous devons nous concentrer sur leurs bonnes éducations, sur des opportunités de travail décents et égaux, sur leurs épanouissements personnels et leurs intégrations sociales.
– Initier une réponse humanitaire à la situation de millions d’êtres humains dans le monde qui doivent quitter leur foyer pour échapper à la misère, à la faim, aux maladies et à la guerre et qui verront désormais leur situation s’aggraver.
– Le monde doit rester uni et la clé pour surmonter la crise est la solidarité internationale. Il est particulièrement nécessaire de renforcer la solidarité avec les peuples du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, qui courent un plus grand risque d’être gravement touchés par la pandémie du COVID-19.
– Nous soulignons un nouvel accent mis sur les principes culturels et fondés sur des valeurs qui permettent le plein développement de l’être humain dans une société égalitaire et écologiquement protégée.
Dans cette perspective, le Parti de la Gauche Européenne appelle toutes les organisations des forces progressistes, écologiques et de gauche, et particulièrement celles qui participent au Forum Européen, à travailler ensemble pour développer une réponse progressiste commune à la crise actuelle dans l’intérêt des gens.
Toutes les options sont sur la table » … Phrase mille fois répétée à Washington. Et sur tous les tons. Au micro, devant les caméras : Donald Trump (président), Mike Pence (vice-président), John Bolton (ex-conseiller à la Sécurité nationale), Mike Pompeo (secrétaire d’Etat), Elliott Abrams (envoyé spécial au [sur le] Venezuela). Plus, bien sûr, leur domestique de luxe, Luis Almagro, secrétaire général de l’Organisation des Etat américains (OEA) [1]. Un mantra repris depuis septembre 2018, dès qu’est évoqué le nom du président vénézuélien Nicolás Maduro.
Levons d’emblée une équivoque : du temps de Richard Nixon (1969-1974), le secrétaire d’Etat Henry Kissinger ne s’exprimait pas autrement. Le 27 juin 1970, lors d’une réunion du Conseil national de sécurité, avec une arrogance qui tient presque du rite, c’est lui qui déjà déclarait : « Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester tranquilles quand un pays devient communiste à cause de l’irresponsabilité de son propre peuple. » Au Chili, le socialiste Salvador Allende venait d’être élu.
On remplacera ici « communiste » par « populiste » et, en un quart de seconde, on aura traversé cinquante années.
A partir du 3 mai au petit matin, plusieurs incursions maritimes de groupes lourdement armés – l’opération « Gedeón » – ont été neutralisées au Venezuela. Provenance des infiltrés : le département côtier de la Guajira, sur la Caraïbe, en Colombie.
Première tentative de débarquement à Macuto (Etat de La Guaira), proche (une quarantaine de kilomètres) de Caracas : deux prisonniers et huit morts chez les assaillants, dont l’un de leurs chefs, l’ex-capitaine de la Garde nationale vénézuélienne Robert Colina Ibarra, alias « Pantera ». Autres neutralisations et arrestations effectuées sur la côte de Chuao (Aragua, dans le nord du pays) et dans l’Etat de Vargas. En tout, plus de quatre-vingt-dix individus appréhendés, sous réserve de futures captures : intercepté le 11 mai dans l’Aragua, Jairo Betamy a révélé que cinquante-quatre hommes se trouvaient à bord de la vedette rapide qui l’a transporté de la côte proche de Maicao (Colombie), avec pour objectif le palais présidentiel de Miraflores.
Parmi les détenus, des capitaines déserteurs de la Force armée nationale bolivarienne (FANB) ; César Pérez Sequea, Jesús Ramos, Adolfo Baduel et Antonio Sequea. Ce dernier se trouvait en compagnie du président autoproclamé Juan Guaido et d’une poignée de soldats simulant la prise d’une base militaire, lors de la tentative de coup d’Etat avortée du 30 avril 2019. D’autres ex-officiers et sous-officiers, deux anciens policiers.
Deux têtes brûlées yankees, anciens des Forces spéciales, Luke Denman (de 2006 à 2011) et Airan Berry (de 1996 à 2013) ; des vétérans de l’Irak et de l’Afghanistan. Tous deux travaillent pour une société de sécurité privée, Silvercorp USA, basée à Melbourne, sur la côte est de la Floride, à 280 kilomètres de Miami.
Autre détenu : José Socorro, alias « Pepero ». Un narcotrafiquant vénézuélien, agent ou ex-agent de la Drug Enforcement Administration (DEA : les « stups » américains).
On se permettra de mentionner sans ajouter de commentaires (parfaitement inutiles) : depuis la Floride (ou la Colombie), le patron de Silvercorp USA, Jordan Goudreau, accompagné de l’ex-capitaine vénézuélien Javier Nieto Quintero, revendique immédiatement et par vidéo la direction de l’opération « Gedeón » [2]. Goudreau est un ancien des Forces spéciales US. Affecté au 10e Special Forces Group, unité spécialisée en guerre non conventionnelle et en contre-terrorisme, il a été décoré à trois reprises pour ses faits d’armes sur les champs de bataille d’Irak et d’Afghanistan. Le 23 février 2019, il a assuré la sécurité du concert « Venezuela Aid Live » – show organisé par le multimillionnaire britannique Richard Branson, patron de Virgin Group, pour le compte de Guaido, en Colombie, sur la frontière, à Cúcuta [3]. Il s’agissait de faire entrer en force une supposée « aide humanitaire » au Venezuela. Autre échec flamboyant. Sans appartenir au Secret Service – unité chargée officiellement de la protection du président américain –, Goudreau a contribué à la sécurisation de plusieurs rassemblements auxquels participait Donald Trump [4]. Genre de tâche qu’on assigne rarement un parfait inconnu.
Sur WhatsApp et les réseaux sociaux, quelques heures avant sa capture, Antonio Sequea appelait l’armée à se soulever et à rejoindre les rebelles pour « liquider la dictature ».
Abattu au cours de sa tentative de débarquement, Robert Colina Ibarra, dit « Pantera », était de son côté connu comme le loup blanc. Aussi bien au Venezuela qu’en Colombie. Son nom est apparu au grand jour après l’interception le 24 mars, lors d’une opération de routine de la police colombienne, d’un véhicule transportant un arsenal sur la route Barranquilla – Santa Marta. Depuis Barranquilla où il vivait en toute quiétude depuis deux ans, l’ex-général vénézuélien Cliver Alcala, virulent « anti-maduriste », révéla aux médias que ces armes appartenaient à 90 officiers déserteurs, que lui-même dirigeait. Qu’elles étaient destinées à passer clandestinement en Guajira vénézuélienne où, « pour libérer le pays et éliminer chirurgicalement les objectifs criminels » (lire le gouvernement), l’un de ses hommes de confiance devait les réceptionner. Un certain… « Pantera » ! Ce qu’on pourrait résumer en une formule : « Chronique d’une opération annoncée ». Et nommée « Gedeón ».
Accusé de « narcotrafic » par la justice américaine, Cliver Alcala s’est depuis tranquillement mis à disposition des autorités colombiennes, qui l’ont extradé dans des conditions très particulières, sans rudesse excessive, aux Etats-Unis [5].
Dans un premier temps, Guaido et son clan ont dénoncé un montage du pouvoir pour détourner l’attention de son incurie. L’essoreuse à information les a relayés. « Le Venezuela victime d’une tentative d’invasion, selon son président » (c’est nous qui soulignons) annonce la chaîne Arte (5 mai). « Au Venezuela, Maduro dénonce une tentative d’incursion armée », titrent les commissaires politiques du Monde, pour tirer dans un sens acceptable un article un peu trop décent de leur correspondante à Bogotá, Marie Delcas. Laquelle est rapidement éclipsée par le « papier » d’un confrère du même quotidien, Gilles Paris. Depuis Washington, celui-ci transforme le raid en une « rocambolesque équipée »conduite par un « pied nickelé ».Il relaie ainsi à distance l’ « opération suicide » – « Un Rambo et un narco-général » – de l’hebdomadaire colombien Semana. Deux reprises (parmi bien d’autres) de la thèse avancée, quelques jours auparavant, par l’agence Associated Press (AP).
Très documentée (d’éléments déjà connus et révélés par Caracas) sur le duo de cinéma « Alcala-Goudreau », cette enquête dissimulait difficilement son véritable objectif : « AP n’a pas rencontré d’indices de ce que des fonctionnaires étatsuniens aient appuyé les actions de Goudreau ni que Trump ait autorisé des opérations clandestines contre Maduro (…). » Pas même en promettant 15 millions de dollars à qui le capturera, ouvrant un champ « free play » – sans règles ni scénario ?
En marge des interprétations fumeuses, on découvrira rapidement la véritable ampleur et le rôle des protagonistes de l’incursion armée lancée le 3 mai [6]. Et planifiée depuis longtemps.
La tentation était grande. Sur le plan symbolique, cette agression caractérisée de la République bolivarienne a souvent amené, à gauche, à évoquer l’épisode de la Baie des Cochons. Comparaison n’est pas raison. Le 17 avril 1961, lorsque la Brigade 2506 débarqua à Cuba pour tenter de renverser Fidel Castro et la révolution, elle était composée de quelque mille cinq cents hommes. Tous avaient été recrutés par les Etats-Unis, armés et entraînés par la CIA en Floride, au Guatemala et au Nicaragua, transportés sur mer par des « Liberty ships » et protégés depuis le ciel par des bombardiers B26 et quelques chasseurs P51. Aucune similitude avec la centaine, ou peut-être les trois cents (l’avenir le dira) antichavistes alignés pour « Gedeón ». D’un côté une véritable armée, de l’autre un ou des commandos conséquents.
Pour autant, la référence à Cuba n’a rien d’absurde. Si, à l’époque, John Fitzgerald Kennedy (JFK) a « tenté le coup », c’est sur la base d’informations erronées : ses « services » lui avaient vendu que la population et une partie de l’armée cubaine se joindraient aux anticastristes, « Fidel » étant politiquement usé, impopulaire et majoritairement rejeté. Il n’en était rien (et beaucoup font la même erreur concernant l’appui dont jouit Maduro). Par ailleurs, l’agression américaine ne s’est pas arrêtée après l’échec humiliant de Playa Girón. Parmi les 2 900 documents « confidentiels » déclassifiés en octobre 2017 sur la mort de JFK (Dallas, 1963) figure un mémorandum qui, daté du 8 août 1962, lui était destiné. Son émetteur, le « Groupe spécial élargi » chargé de s’occuper du cas « Fidel Castro », estimait que, en cas d’intervention directe, « pour prendre le contrôle des zones stratégiques clés à Cuba avec un minimum de pertes des deux côtés, environ 261 000 militaires américains devraient participer à l‘opération [7] ». Le genre de petit détail qui retient l’attention. Et que, vraisemblablement, les stratèges du Pentagone les plus sensés (ainsi que leurs homologues colombiens et brésiliens) étudient attentivement, s’agissant de l’actuel Venezuela. Le même type d’alliance civico-militaire que celle régnant à l’époque dans l’Ile n’y a rien d’une fiction – en témoigne le rôle majeur des pêcheurs de Chuao dans la détection et la neutralisation des assaillants, le 3 mai dernier [8].
A l’époque, face à l’éventuel prix à payer, Washington recula. Sans renoncer à son projet. Priorité absolue du gouvernement, un programme de terrorisme international – l’Opération Mangouste (ou Projet cubain ») – est mis en place dès juin 1961, avec un budget excédant 50 millions de dollars par an. Pas moins de trente plans sont élaborés, qui vont du sabotage à l’espionnage, en passant par des projets d’assassinat de Fidel Castro. Le 13 mars 1962, le Pentagone propose même une Opération Northwood au Groupe spécial élargi. Il s’agit de simuler une intrusion cubaine sur la base de Guantánamo ou d’attaquer sous fausse bannière des navires américains, provoquant ainsi un casus belli (jugé trop contre-productif en cas d’échec, ce projet spécifique sera rejeté par Kennedy) [9]. Ce qui n’empêche nullement « Mangouste » de soumettre l’île et ses habitants à un nombre incalculable d’attaques maritimes et de raids aériens. Toutefois, fin 1962, l’opération doit être suspendue (officiellement) : lors des négociations qui accompagnent la Crise des fusées, l’administration étatsunienne s’est engagée devant l’Union soviétique à ne plus tenter d’envahir Cuba. A ce moment, une dizaine d’équipes de saboteurs sont déjà déployées sur son territoire…
Bien entendu, et une fois encore, Washington (et Miami) n’ont pas l’intention d’en rester là. L’Opération Mangouste disparaît formellement. Sauf pour les historiens et les Cubains, son nom sombrera bientôt dans l’oubli. Mais son objectif et ses méthodes demeurent inchangés. Simplement, les opérations seront désormais sous-traitées.
Il n’existe pas à l’époque de compagnies de sécurité (CSP) ou militaires (CMP) privées du type Blackwater (devenue Academy), DynCorp, Triple Canopy (grandes et sulfureuses bénéficiaires de la présidence de George W. Bush), ou… Silvercorp USA (plus récemment). Mais la CIA a de la ressource et de la main d’œuvre. Les Cubains « dissidents ». A la tête de leur structure clandestine, le Commando d’organisations révolutionnaires unies (CORU), Orlando Bosch et Luis Posada Carriles, deux terroristes cubains notoires, bénéficient des financements de l’ « Agence » ainsi que de ceux du trafic de drogue (bien qu’ayant fait exploser en vol un avion de ligne cubain [1976, 73 morts], tous deux finiront paisiblement leur vie à Miami).
Depuis cette même Miami, toujours appuyés par la CIA et bénéficiant de la mansuétude du FBI, les réseaux de l’extrême droite cubano-américaine vont poursuivre les infiltrations, attaques et sabotages pendant les trois décennies suivantes. Sans lien apparent avec l’administration américaine, une multitude d’organisations criminelles mènent ces actions, depuis le territoire des Etats-Unis : Comandos L ; Comandos Martianos MRD ; Comando uni pour la libération (CLU) ; Conseil militaire cubano-américain (Camco) ; Omega 7 ultérieurement rebaptisé Commission nationale cubaine (CNC) ; Alpha 66 ; Comandos F4 ; Parti unité nationale démocratique (PUND)...
Des actions multiformes, un but commun. En 1975, la Commission Church (du Sénat américain) recensait déjà au moins huit projets d’assassinats de Fidel Castro, avec parfois la participation de membres de la pègre. Cette obsession ne s’éteindra jamais. Les dernières tentatives d’élimination physique de « Fidel » auront lieu en novembre 1997 à l’occasion du Sommet ibéro-américain de l’île de Margarita (Venezuela) et en novembre 2000 lors d’une visite de Castro au Panamá !
Le groupe Omega 7 a reconnu avoir introduit dans l’île la dengue hémorragique. Entre 1975 et 1980, cette maladie a coûté la vie à 158 personnes, dont 101 enfants.Entraînant sans se cacher leurs troupes dans les marais des Everglades, à vingt-cinq milles au sud de Miami,Cuba indépendant et démocratique ainsi qu’Alpha 66 avaient pour spécialité la piraterie maritime. En 1981, Alpha 66 effectua plusieurs opérations pour empoisonner le bétail, mettre le feu à des champs de canne à sucre, détruire des plantations d’agrumes.Créée en mai 1994, Comandos F4 s’évertua à pénétrer les côtes cubaines. Le PUND (1989-1997) menait des opérations terroristes en étroite relation avec le narcotrafic, sans grande réaction, sauf en de rares exceptions, de la DEA.
Comme le cercle rapproché de Guaido aujourd’hui, tous ces gens vivaient comme des pachas en dilapidant des fortunes. L’argent dont la CIA – remplacée actuellement aux finances par la plus discrète mais tout aussi intrusive New Endowment for Democracy (NED) –, et les administrations successives les arrosaient généreusement.
Fusils d’assaut AK-47, fusils M-3 avec silencieux, pistolets semi-automatiques Makarov, explosifs Semtex et C-4 : deux cents actions contre Cuba pendant la décennie 1990 ! Venant de Floride, des éléments criminels posent des bombes dans des hôtels et des lieux touristiques connus. Une façade politique « respectable » de cette nébuleuse ultra-violente, la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA), a été créée en septembre 1981 par Ronald Reagan. Tout en finançant le terrorisme, elle tient publiquement le rôle de l’actuel « gouvernement en exil » de Guaido : celui d’une organisation citoyenne se battant pacifiquement pour la « démocratie. Pour mémoire, l’ « administration » de Guaido n’est rien d’autre qu’une fiction regroupant un Tribunal suprême de justice (TSJ) installé à Bogotá, des semblants de ministres, des ambassadeurs fantoches, des réseaux de personnages officiels et officieux, de pseudo gestionnaires d’entreprises appartenant à l’Etat vénézuélien et indûment confisquées aux Etats-Unis et en Colombie…
Lors de ses congrès de 1992 et 1993, la FNCA s’est dotée d’une structure clandestine. Avec son Groupe de direction, situé aux Etats-Unis, et son Groupe opérationnel en Amérique centrale, cette formation paramilitaire dispose bientôt d’un hélicoptère, de sept embarcations, d’explosifs et, destinés à être utilisés contre des objectifs économiques ou dans un attentat contre Fidel Castro, de dix avions légers télécommandés. Les ancêtres de nos drones !
Même business, mêmes méthodes : c’est à l’aide de deux drones chargés d’explosifs qu’a eu lieu la tentative d’assassinat de Nicolás Maduro et de tout son état-major, le 4 août 2018.
D’aucuns objecteront que toutes ces actions n’ont pas eu raison de Cuba. C’est un fait. Mais, elles ont provoqué la mort de quelque trois mille quatre cents personnes et plus de deux mille handicapés. Sans compter, s’ajoutant aux mesures coercitives unilatérales imposées depuis plus d’un demi-siècle, les dommages incalculables infligés à l’économie de l’île. Des pratiques aussi obscènes et moralement condamnables que celle consistant aujourd’hui à agresser de mille manières et à étrangler économiquement le Venezuela, en pleine pandémie de Covid-19.
« Mangouste » donc, au sens large, plus que Baie des Cochons. Et pas en mode mineur ! Arrêtés, interrogés par les forces de sécurité, les comparses des 3 et 4 mai dernier parlent. Et racontent. Et révèlent. Ce que d’autres confirment. Parfois de manière inattendue. C’est une antichaviste forcenée qui, depuis Miami, fait exploser la bombe la plus puissante : la journaliste vénézuélienne en exil, Patricia Poleo. Elle a férocement combattu Chávez. Elle abhorre Maduro. Mais, considère Guaido comme un clown de la politique. Qu’on n’oublie pas cette donnée : chacune des chapelles de l’opposition a son histoire propre, sa vision et aussi ses ambitions. Elles couchent dans le même lit, mais ne font pas les mêmes rêves. Certaines ont été écartées de la répartition du butin volé à la République bolivarienne par Washington et le clan Guaido. Or, en politique comme en physique, toute action produit une réaction. Sur sa chaîne Youtube « Factores de poder » (Facteurs de pouvoir), Poleo interview le patron de Silvercorp USA, Jordan Goudreau. Lequel confirme son rôle, la nature de l’opération et lui révèle l’existence du « contrat ».
Le contrat signé le 16 octobre 2019 entre Juan Guaido et Silvercorp
Ce « Contrat », même « Mangouste » n’aurait pas osé. Il a été signé le 16 octobre 2019 entre Goudreau, Juan Guaido (« président du Venezuela »), Sergio Vergara (député d’opposition, bras droit du chef d’Etat fantoche), Juan José (dit « JJ ») Rendon (vénézuélien d’opposition vivant aux Etats-Unis, proche de nombreux chefs d’Etat, dont les colombiens Álvaro Uribe et Iván Duque, cul et chemise avec Luis Almagro [OEA] et pour l’heure responsable du « Comité de stratégie » de Guaido).
Comme on dit en Amérique latine, « es muy feo » (très sale, très laid). Mais assez lucratif (sur le papier) pour Goudreau. Pour la phase initiale (45 jours) le projet prévoit le décaissement de 50 millions de dollars. Avec un coût total de 212,9 millions de dollars pour les 495 jours de collaboration prévue.
En échange ? Trois fois rien. « Les prestataires de service conseilleront et assisteront le Groupe associé [l’équipe du président imaginaire] dans la planification et l’exécution d’une opération pour capturer / arrêter / éliminer Nicolás Maduro (…). » Attention : il ne s’agit pas ici d’une exégèse, d’une paraphrase, d’une interprétation. C’est écrit noir sur blanc. Il s’agit d’un « contrat », au sens mafieux du terme. Il envisage, parmi ses hypothèses, d’assassiner (« éliminer ») Maduro. Il est signé « Juan Guaido ». L’homme reconnu « chef d’Etat intérimaire » du Venezuela par une Union européenne alignée de façon répugnante sur le pire de ce qui peut exister aux Etats-Unis. L’individu qui, le 24 janvier 2020, à l’Elysée, a eu un « échange constructif » avec le président français Emmanuel Macron. Celui qui, ce même jour, a été accueilli au son de l’hymne national vénézuélien, par la très respectable Maison de l’Amérique latine, à Paris.
Le document n’a rien d’un texte signé sur un coin de table. Long de 41 pages (pour ce qu’on en connaît), il détaille les objectifs des conspirateurs de façon extrêmement précise : après la « neutralisation » « séquestration » ou « assassinat » de Maduro (et d’autres dirigeants civils et militaires de son cerce rapproché) il s’agit d’ « éliminer l’actuel régime et d’installer le président vénézuélien reconnu Juan Guaido ». Puis, pour mettre le pays en coupe réglée, d’y rétablir la stabilité. Même les méthodes de répression des inévitables protestations, manifestations et résistances sont soigneusement codifiées. « Létales » en cas de nécessité, est-il précisé.
Comme il se doit, chaque individu a sa propre version de la vérité. Avec l’entêtement d’une mule, Guaido nie tout en bloc. Va savoir ce que Maduro et les siens sont capables d’imaginer pour tenter de le discréditer… Mauvaise pioche. A Caracas, capturé, le chef des opérations de « Gedeón », Antonio Sequea, révèle qu’entre février et mars, alors qu’il se trouvait à Riohacha (dans la Guajira colombienne), Iván Simonovich, Commissaire à la Sécurité et au renseignement de Guaido, l’a appelé à plusieurs reprises pour lui demander de le tenir au courant de ce qui se passait sur le terrain. Pour ne rien arranger, Patricia Poleo, encore elle, diffuse l’enregistrement sonore de la conversation téléphonique qu’a eue Guaido avec Goudreau au moment de la signature du contrat. Puis les déclarations s’enchaînent. Impossible désormais d’évoquer des rumeurs, des ragots, des pseudo révélations. Il s’agit de faits réels, d’informations confirmées.
Lors de leurs interrogatoires, les mercenaires étatsuniens Denman et Berry révèlent la nature de leur mission principale : prendre le contrôle de l’Aéroport Simón Bolívar de Maiquetía (Caracas) et le sécuriser pour permettre l’atterrissage d’un (ou de plusieurs) avion(s) destiné(s) à embarquer Nicolás Maduro après son éventuelle séquestration (pour une destination non précisée mais pas très difficile à deviner). Autres objectifs spécifiques : l’attaque et la prise de la Direction générale du renseignement militaire (DGCIM), du Service bolivarien du renseignement (Sebin), du palais présidentiel de Miraflores…
A la différence de Guaido, JJ Rendon est parfaitement capable de reconnaître sa signature au bas d’un document que même certains titres de la presse conservatrice – en l’occurrence The Washington Post – publient en intégralité. Rendon renonce à nier l’évidence. Au Diario Las Américas (Miami, 8 mai) et à CNN, il confirme : oui, ce texte existe ; oui, il l’a paraphé ; oui il a lui-même fait une avance de 50 000 dollars au patron de Silvercorp USA. Puis, désormais en chute libre, il tente d’ouvrir le parachute de secours : en fait, le projet dont il était question a été abandonné. Donc, « ce contrat n’existe pas. Une chose qui a été signée et laissée sans effet n’a pas de validité au-delà du papier qui la contient et – les gens pouvant se montrer extrêmement pervers ! – de la référence qu’elle constitue pour déclencher un scandale. » Quant aux assaillants pris les armes à la main les 3 et 4 mai : « Ces jeunes qui étaient là font partie d’un tas de groupes autonomes qui n’appartiennent pas au gouvernement de Juan Guaido. »
« Gedeón » : un coup de chaud suivi de sueurs froides. Même au sein de l’opposition antichaviste la plus déterminée, le désastre (et surtout sa révélation !) laissent un goût de cendres. Un début de rébellion se manifeste au sein du parti Primero Justicia. Les mises en demeure fusent. Le 12 mai, deux des signataires du texte scélérat démissionnent du Comité de stratégie : Rendon et Sergio Vergara. Guaido les remercie « pour leur travail et leur engagement envers le Venezuela ». Néanmoins, le Département d’Etat américain répondra par une fin de non recevoir à la demande de Henrique Capriles (adversaire de Chávez et de Maduro lors des présidentielles de 2012 et 2013) et de son cercle rapproché de mettre définitivement un terme au désastreux épisode « Guaido ».
C’est depuis la Floride, mais aussi le Guatemala et le Nicaragua que sont parties les vagues d’assaut vers la Baie des Cochons en avril 1961. Sept années auparavant, en 1954, pour évincer le président guatémaltèque Jacobo Arbenz, l’opération PBSUCCESS organisée par la CIA avait bénéficié de l’aide du dictateur nicaraguayen Anastasio Somoza et du gouvernement du Honduras, pays d’où s’élancèrent les troupes mercenaires qui mirent un terme à la démocratie. Au cours des années 1980, pour agresser le Nicaragua sandiniste, les « contras » armés et financés par les Etats-Unis purent également compter sur le Honduras, qui, sur la frontière, hébergeait leurs campements. Dans les années 1990, c’est depuis l’Amérique centrale – particulièrement le Salvador et le Guatemala – que le terroriste Luis Posada Carriles organisa les incursions et poses de bombes à Cuba.
En ce début de XXIe siècle, le principal pays « collabo » des desseins de l’Impérialisme s’appelle Colombie. Ce « cimetière à opposants » [10] a pour président un « fils spirituel » d’Álvaro Uribe, Iván Duque (et indépendamment de sa politique, des millions de citoyens qui, eux, méritent le respect).
Comme Guaido, comme Trump, comme beaucoup d’autres, Duque n’a rien vu, rien entendu, et n’a strictement/absolument/et définitivement rien à voir avec les récents événements qui ont secoué le Venezuela. Sur ce thème, Duque débite une multitude de poncifs aux chaînes télévisées qui informent le globe entier. Duque, c’est un robinet d’eau tiède (sauf lorsqu’il parle de Maduro). Et pourtant…
Lorsque, le 25 mars, après la découverte d’un arsenal, l’ex-général vénézuélien Cliver Alcalárévèle que celui-ci appartient à un groupe de déserteurs vénézuéliens que lui-même dirige, il vit à Barranquilla depuis deux ans. Son épouse, Marta González, est la sœur d’Hermágoras González Polanco, alias « El Gordito González », narcotrafiquant et ancien membre de l’organisation paramilitaire des Autodéfenses unies de Colombie (AUC). Alcala ne cache ni que trois de ses groupes de militaires vénézuéliens déserteurs s’entraînent « dans le pays » ni qu’il a des contacts fréquents avec les services de renseignements colombiens (et Juan Guaido). Puis Alcala disparaît des radars, extradé (ou exfiltré) aux Etats-Unis [11].
Malgré ces révélations pour le moins explosives, le gouvernement colombien ne semble guère intéressé. Aucune enquête, aucune réaction. Pourtant, en mars, depuis Caracas, le gouvernement bolivarien lui a communiqué – et l’a fait savoir – les coordonnées GPS des fameux camps d’entraînement, situés à Riohacha, dans la Guajira. Ils sont si peu secrets, ces camps encadrés par Goudreau et ses deux mercenaires, Denman et Berry, que le député d’opposition vénézuélien Hernán Claret Alemán les a visités pendant plusieurs jours début décembre 2019, comme il l’a révélé le 13 mai au site argentin Infobae. « Ultérieurement, affirme-t-il, j’ai discuté avec le général Alcalá et avec Jordan [Goudreau, qu’il appelle par son prénom, on est manifestement entre amis] [12]. »
Présente en force sur le territoire colombien (enfin, on le suppose !), la DEA n’a manifestement jamais détecté, dans la Guajira, la « hacienda » d’Elkin Javier López Torres, alias « Doble Rueda », l’un des principaux « capos » du narcotrafic de la région. Officiellement, elle le recherche pour l’extrader ! C’est dans cette « finca » qu’ont été regroupés les hommes de l’opération « Gedeón » dans les jours précédant leur embarquement pour le Venezuela. C’est « Doble Rueda » en personne qui leur expliqua comment allait fonctionner leur transfert vers les embarcations.
On jugera que, comme la DEA, les services de renseignements colombiens sont bien peu efficaces. Ou un peu distraits. A leur décharge, on mentionnera qu’ils sont très occupés. Un énième épisode d’interceptions illégales les impliquant a été découvert il y a quelques semaines et provoque un énorme scandale. Plus d’une centaine de citoyens, dont des politiciens, des syndicalistes et des journalistes ont été écoutés. Des citoyens autrement plus préoccupants et dangereux que les sbires armés vénézuéliens ou les « narcos » des deux pays.
Nul n’en doute : comme lors de la coopération de Guaido avec les narco-paramilitaires des Rastrojos, pour faire le chemin inverse – c’est-à-dire passer clandestinement du Venezuela en Colombie en février 2019 – cette cohabitation malsaine avec « Doble Rueda » relève du plus grand des hasards. Dans la vie, les coïncidences ne manquent pas. Qu’on en juge : sur la dernière page du contrat paraphé par Guaido, Vergara, Rendon et Goudreau, figure une cinquième signature. Celle d’un avocat, agissant en tant que « témoin » : Manuel J. Retureta. Américain d’origine cubaine, pénaliste, partenaire de Retureta & Wassem, celui-ci, d’après les autorités vénézuéliennes, a défendu en Colombie le narco-paramilitaire Salvatore Mancuso ; aux Etats-Unis, il a eu comme clients Juan Antonio « Tony » Hernandez (frère de l’actuel président du Honduras) et Fabio Lobo (fils du chef d’Etat précédent, Porfirio Lobo), tous deux accusés de narcotrafic (et tous deux condamnés). Actuellement, il plaide en faveur de Damaso López Nuñez – « El Licenciado » –, l’un des proches du « Chapo » Guzmán, l’ex-grand du narcotrafic mexicain.
On dira qu’on a affaire là à un familier du monde interlope et de la pègre plutôt qu’à l’univers de la veuve et de l’orphelin. Et que, dans le fond, si l’on réaligne toutes les planètes précédemment citées, le financement de la « contra » nicaraguayenne par le Cartel de Medellin, via la CIA, dans les années 1980, n’est pas si lointain qu’il y paraît ! Sans parler des révélations faites à visage découvert en 2010 par Rafael García, ex-chef du service informatique de la police politique colombienne, le Département administratif de sécurité (DAS), affirmant que l’ancien chef du DAS, Jorge Noguera, avait rencontré en 2004 des leaders paramilitaires et des opposants vénézuéliens afin de concocter un « plan de déstabilisation » et l’assassinat de Hugo Chávez.
1er mai 2020 : nul n’a encore entendu parler de l’opération « Gedeón ». Le quartier Felix Ribas de Petare fait la « une » des médias d’opposition. Petare, dans l’est de Caracas : l’un des plus grands quartiers populaires d’Amérique latine. Pendant cinq jours consécutifs, il va être « à feu et à sang ». D’incessantes fusillades entre deux bandes rivales terrorisent la population. Explication alors la plus communément lue et entendue (en résumé) : « la méga-bande criminelle – 200 délinquants de 18 à 23 ans – de Wilexis Alexánder Acevedo, alias “Wilexis”, défend son territoire contre le groupe El Gusano ; “Wilexis” est très populaire au sein de la population car il la protège des exactions de la police, et en particulier de sa Force d’actions spéciales (FAES), contre laquelle il fait campagne et, en 2019, a organisé (en sous-main) trois manifestations ; en revanche, “des gens” du gouvernement soutiennent les voyous d’El Gusano pour reprendre le contrôle du quartier [13] ».
Raid sur les côtes vénézuéliennes. Interceptions, arrestations. Emargeant ou ayant émargé à la DEA, un peu « narco » sur les bords, José Socorro, alias « Pepero », parle. Un autre agent de la DEA, Orlando Laufer, lui a demandé d’organiser des actions violentes simulées dans Petare pour détourner l’attention des forces de sécurité, tandis que les factieux de « Gedeón » avanceront vers les côtes. Bruit et fureur : contact pris avec les délinquants, l’enfer s’est déchainé, à l’arme de guerre, sans faire aucune victime. Mais créant la distraction attendue (à défaut du résultat).
Tous les ingrédients classiques se sont donc ainsi retrouvés réunis. Secteur criminel de l’opposition, monde du narcotrafic, univers de la pègre et… ombre des Etats-Unis. Lors de leurs interrogatoires, les deux mercenaires de Silvercorp USA, Luke Denman et Airan Berry, ont expliqué assez candidement que, s’ils se sont lancés dans cette aventure, c’est qu’ils se sentaient en totale confiance : la Justice de leur pays n’offre-t-elle pas une récompense pour la capture du « narcotrafiquant » Maduro ? Dans le cadre d’une opération navale destinée à réduire la circulation des drogues illégales, des navires de l’US Navy ne rodent-ils pas dans la Caraïbe, à quelques encablures des côtes du Venezuela ?
De son côté, le ministre de la Défense vénézuélien Vladimir Padrino López a résumé de façon plus précise l’opération « Gedeón ». Il ne s’agissait pas d’une « invasion ». Il la considère comme « une opération militaire très bien planifiée, préparée en territoire étranger, avec un financement étranger, de l’équipement fourni par des puissances comme les Etats-Unis et le gouvernement colombien. Elle avait des objectifs très détaillés, très bien marqués, avec des renseignements sur les objectifs physiques des infrastructures à attaquer très bien préparées et relevés au millimètre, couche par couche, et évidemment, sur le temps nécessaire, le trajet, le pouvoir de feu qu’ils allaient employer pour chaque objectif. »
Moins spectaculaire qu’une « Baie des Cochons », la tentative d’incursion renvoie dans l’esprit à l’« opération Mangouste » (et à ses suites) –ce poison lent, qui infuse, et qui use, et qui oblige à une vigilance de chaque instant, à la dépense de ressources financières et humains considérables quand tant d’autres tâches économiques et sociales devraient monopoliser les énergies.
On suivra avec attention le sort réservé à Goudreau par la justice des Etats-Unis – son activité mercenaire et le trafic d’armes qui en découle y tombant (théoriquement) sous le coup de la loi. On s’intéressera également à ses démêlés avec ses commanditaires – Guaido, Rendon, etc. –, qu’il accuse de ne pas lui avoir payé ce qu’ils lui devaient, raison pour laquelle il a beaucoup « balancé » [14]. Toutefois, on prendra très au sérieux les déclarations qu’il a faites immédiatement après l’échec de « Gedeón » : « La principale mission était de libérer le Venezuela, de capturer Maduro, mais la mission à Caracas a échoué. » Néanmoins, a-t-il ajouté, la mission secondaire était d’établir, en territoire vénézuélien, des campements d’insurgés. « Ils sont déjà dans les campements, ils recrutent et nous allons commencer à attaquer des objectifs tactiques. » Sur ce point, aucun doute. Sur les côtes vénézuéliennes, sur les 2 200 kilomètres de frontière avec la Colombie, de nouvelles actions paramilitaires auront lieu. Tandis que les dites « sanctions économiques » continueront à étrangler le pays – c’est-à-dire la population.
Comme il faut toujours une touche d’humour (même noir, même dans les situations les plus préoccupantes), on mentionnera que, le 15 mai, à la question « quelles sont vos priorités ? », la ministre des Affaires étrangères colombienne, Claudia Blum, a déclaré : « Positionner la Colombie comme un pays leader dans l’agenda mondial de la légalité, tant pour la défense de la démocratie et des droits humains qu’en matière d’initiatives globales contre la corruption, le terrorisme et le crime organisé [15]. » Deux jours auparavant, l’administration de Donald Trump avait placé Cuba et le Venezuela (avec l’Iran, la Syrie et la Corée du Nord) sur la liste des pays qui ne coopèrent pas suffisamment en matière de lutte contre le terrorisme [16].
[1] Lire Guillaume Long, « Le ministère des colonies américaines », Le Monde diplomatique, Paris, mai 2020.
[3] A la tête de 400 entreprises et d’une fortune de 4,4 milliards de dollars, Branson pleurniche désormais pour recevoir une « aide publique » (humanitaire ?) afin de sauver ses deux compagnies aériennes Virgin Atlantic et Virgin Australie mises en faillite par les effets de la pandémie de Covid-19.
[10] Depuis janvier 2016, plus de 700 personnes politiquement engagées y ont été assassinées, essentiellement des dirigeants communautaires et sociaux, mais aussi 200 ex-guérilleros des FARC ayant déposé les armes dans le cadre des Accords de paix.
[11] Certains membres de l’opposition vénézuélienne avancent la thèse suivante : Cliver Alcala serait en réalité un agent double, qui les aurait infiltrés pour communiquer de précieuses informations sur les opérations en préparation aux services de renseignements bolivariens.
[14] En représentation de Jordan Goudreau et de Silvercorp USA, Volk Law, cabinet d’avocats situé en Floride, a envoyé une mise en demeure à Juan Guaidó pour le paiement de 1 500 000 dollars : ce paiement initial devait être effectué dans les quinze jours suivant la signature du Contrat du 16 octobre 2019.
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