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29 mars 2017 3 29 /03 /mars /2017 13:48
"La mémoire de l'insurrection malgache se chuchote" - entretien de Rosa Moussaoui avec l’écrivain Jean-Luc Raharimanana (L'Humanité, 28 mars 2017)
« La mémoire de l’insurrection malgache se chuchote »
Entretien réalisé par Rosa Moussaoui
Mardi, 28 Mars, 2017
L'Humanite

Le soulèvement anticolonialiste de 1947 à Madagasacar et sa sanglante répression tiennent une place singulière dans l’imaginaire de l’Île rouge. Retour sur cette mémoire avec l’écrivain Jean-Luc Raharimanana.

Quelle place l'insurrection de 1947 tient-elle dans l'imaginaire malgache en général et dans votre œuvre littéraire en particulier ?

Jean-Luc Raharimanana. 2017, nous sommes soixante-dix ans après l’insurrection, mais soixante-dix ans sans réel entretien de la mémoire aussi. Entre l’imaginaire et la mémoire, il y a bien sûr une très forte relation. Une mémoire mal entretenue peut disparaître de l’imaginaire mais avant cet oubli, elle peut s’y aménager un endroit trouble et inexplicable, et c’est cet endroit sans nom qu’occupe l’insurrection de 1947 dans l’imaginaire malgache. C’est un événement souvent manipulé par les politiques, et du coup mal appréhendé par l’enseignement, les témoignages sont inégalement transmis, la réalité historique largement méconnue, voire ignorée, mais la sensation mémorielle est forte car beaucoup de familles ont été touchée par elle. Mais les paroles sortent difficilement, ce qui nous ramène à cette région trouble de l’imaginaire, où d’une réalité de tabataba, grands bruits, émeutes, désordres, la mémoire de l’insurrection se chuchote, se fragilise, confrontée à la rumeur, tsao, presque mensonge. Mais elle est sauvée du mensonge par le sacré : masy, et avec la survie de la formule Rano, rano, une formule qui transformerait les balles des colonisateurs en eau… La terre est sacrée, cette lutte fut sacrée… Aujourd’hui, même si beaucoup d’enfants ne soupçonnent pas l’origine de cette formule, beaucoup la lancent encore dans leurs jeux de guerre, ou pour conjurer le malheur face à leurs bêtises… Cet imaginaire dépend aussi des régions, car bien sûr, l’insurrection, et surtout, la répression et les arrestations ont été fortes selon les régions. Il resurgit très fort pourtant lors des grandes insurrections politiques qu’a connues le pays, notamment en 1972, en 1991, et 2002, comme une sorte de désir d’achever une révolution avortée, une révolution où nous les Malgaches n’avions pas su réellement être ensemble. Quelques auteurs ont écrit sur 47, notamment Andry Andraina avec Mitaraina ny tany (1975), et E.D. Andriamalala avec Vohitry ny Nofy, il y a eu le grand chant-poème, Antsa, de Jacques Rabemananjara, l’un des compagnons de négritude de Senghor, de Césaire et d’Alioune Diop, beaucoup de chants traditionnels parlent de 47, je pense à l’incroyable Mama Sana. Personnellement, mon imaginaire d’enfant sur l’événement a été nourri des paysages traversés par la répression, les anciennes gares toujours criblées de balles, les récits des gens sur l’atrocité des colons et des tirailleurs « sénégalais », devenus de véritables figures de terreur, des ogres en puissance, les insurgés jetés des ponts, jetés des avions, mis dans des fosses communes que personne n’était capable de situer, comme si d’un coup, tout bombement de terrain sur les collines était une potentielle fosse commune ignorée de tous, la terre même avait mal pour l’enfant que j’étais.

Vos portraits d'insurgés sont ceux non pas de héros mais de femmes et d'hommes ordinaires arrimés à l'histoire. Pourquoi ce parti pris de raconter l'histoire de l'insurrection de 1947 à partir de cheminements singuliers ?

Jean-Luc Raharimanana. Car les figures connues de l’histoire, Rabemananjara, Ravoahangy, et dans une moindre mesure Raseta, ont toujours refusé d’endosser la responsabilité de cette insurrection, l’assimilant à un complot colonial destiné à mettre à bas le parti MDRM. Et surtout, mon intuition me parlait d’une insurrection hors de contrôle des politiques, hors de contrôle de l’Etat colonial car devenue une révolte profonde de l’être colonisé, c’est-à-dire ceux qu’on appelait indigènes, ceux qu’on considérait comme des moins que rien, juste bons à civiliser, et encore…

Car je voulais aussi donner un visage, des visages à ceux qui se sont battus dans l’anonymat, qui se sont levés, touchés profondément dans leur dignité d’êtres humains.

Car bien sûr, en 2009, lorsque j’ai entamé ces portraits avec Pierrot Men, il ne restait plus beaucoup de vivants de ces « héros ». Je voulais avec Pierrot dresser des portraits qui rendraient « immortels » leurs témoignages, sortir de l’oubli ces versions de l’histoire, poser l’humain derrière un fait historique, et dénoncer de cette manière l’indécent débat sur la positivité du colonialisme, sur l’absurdité de se demander si le colonialisme a été un crime contre l’humanité ou pas. Je ne prétends pas donner une vérité historique à travers ces portraits. Je veux juste poser hors de l’oubli ces versions recueillies dans la bouche de ceux qui ont vécu d’une manière ou d’une autre 1947. Pour qu’ils ne meurent pas une seconde fois, en enterrant leurs témoignages avec eux. 

 

Vous dites du projet colonial qu'il a enterré un monde, une culture, des mythes, une poétique. Exhumer la mémoire de ces insurgés permet-il de reconstituer le souvenir de ce monde précolonial en éclats ?

Jean-Luc Raharimanana. Non. Cela n’a rien à voir. Parler de 1947 ne signifie pas avoir la nostalgie d’un monde précolonial, ou ramener le souvenir d’un monde précolonial. On parle de dignité humaine ici, on parle de justice. On parle de la reconnaissance d’un crime contre l’humanité. Des hommes et des femmes ont été massacrés effroyablement alors même que la France coloniale se proposait d’amener les Lumières dans ces pays. Je « n’exhume » pas non plus la mémoire, car cette mémoire n’est pas morte et enterrée. Elle est juste hors du champ du connu, du débattu, du transmis ou de l’enseigné. Le projet colonial a ceci de monstrueux, de minorer et d’infantiliser la culture de l’autre, je n’ose pas dire d’éradiquer, mais il y a cette tentation de l’Etat colonial de détruire tout ou partie de la culture du colonisé. La colonisation malgache a duré près de 70 ans, d’autres grands crimes ont été commis avant 1947, et je considère que ce fut aussi criminel de broyer la culture de l’autre pour mettre à la place la culture française. Pour moi, il ne sert à rien de rendre un culte à la culture précoloniale, une société avance et se transforme toujours, mais il faut avoir la connaissance de cette culture, pour savoir d’où l’on vient, comment on peut avancer, que prendre, que laisser, que développer. Oublier fait partie du choix de la mémoire, mais on ne peut pas oublier tant qu’on ne le sait pas, tant qu’on n’a pas compris et pardonné. Parler de 47 amène forcément à cette question du pardon. Nous enfants de colonisés, nous voulons que la France reconnaisse les crimes qu’elle a commis sur nos parents, nos grands-parents, car nous enfants de colonisés, nous voulons continuer à vivre sans ressentiments, avec la dignité retrouvée de nos parents, dans la pleine possession de notre histoire et de notre mémoire, pour mieux vivre avec cette France et ses propres enfants. C’est la raison profonde de ce travail que j’ai mené avec Pierrot Men, qu’on laisse derrière nous ce passé et qu’on aille de l’avant. Mais cela ne peut être possible sans partage de la mémoire. 

 

Quel rôle la littérature, la poésie peuvent-elles jouer pour perpétuer cette mémoire de l'insurrection, des luttes anticoloniales, loin des instrumentalisations politiques ?

Jean-Luc Raharimanana. Pour moi, la mémoire n’a aucun intérêt si elle ne sert pas le présent. Et ça c’est politique. D’ailleurs, je ne connais aucune mémoire qui n’a d’intérêt au présent. Car l’homme est perpétuel recommencement et la mémoire une sorte de guide, d’indice pour avancer. Pourquoi associer tout de suite le mot politique à instrumentalisation ? Êtes-vous si désespérée de la politique ? La politique n’est pas qu’instrumentalisation. L’association des deux mots dessert la politique, la vraie. L’artiste est politique. Et je l’assume. L’artiste est politique car il est l’exemple même de la singularité, de la particularité, or la politique est le fait de bien harmoniser l’ensemble des particularités, l’ensemble de la communauté. La politique doit être la porte d’entrée de la liberté car elle est la somme de chaque point de vue. Enseigner l’histoire, c’est politique, car l’histoire nous montre ce que les hommes ont fait ou ont été capables de faire, en bien comme en mal. La transmission de la mémoire, c’est politique, car on choisit ce qu’on transmet, et ce choix est une lutte permanente des uns et des autres, ou un consensus, ou une acceptation du point de vue de l’autre. Alors oui, la poésie et la littérature peuvent être des vecteurs de la mémoire. Certains diront que la poésie et la littérature doivent s’en affranchir, c’est certes liberté de s’en affranchir, mais il ne faudrait pas prêcher le contraire, sinon il faudrait jeter tout Hugo, jeter Le dormeur du val, jeter Boris Vian, jeter Tony Morrison, jeter les Lumières, et tiens, pourquoi pas jeter la sidérée et sidérante Christine Angot…

 

Bibliographie:

  • Pierrot Men & Jean-Luc Raharimanana, 1947, Portraits d’insurgés, Vent d’ailleurs, 2011.
  • Des Ruines, Vents d’ailleurs, 2012.
  • Les cauchemars du Gecko, Vents d’ailleurs 2011.
  • Le prophète et le président, NCDE, 2008.
  • Madagascar, 1947. Illustrations du Fonds Charles Ravoajanahary. Vents d’Ailleurs, 2007.
  • L’Arbre anthropophage. Gallimard/Joëlle Losfeld, 2004.
  • Le Bateau ivre: Histoires en Terre Malgache. Avec des photographies de Pascal Grimaud. Images en Manœuvres, 2003.
  • Nour, 1947. Le Serpent à Plumes, 2001.
  • Rêves sous le linceul, Le serpent à plumes, 1998.
  • Lucarne. Le Serpent à plumes, 1996.
  • Le lépreux et dix-neuf autres nouvelles. Hatier, 1992.
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19 mars 2017 7 19 /03 /mars /2017 11:36
Quand la Commune inventait droit du travail et droit au travail
JEAN-LOUIS ROBERT HISTORIEN, PRÉSIDENT D’HONNEUR DES AMIES ET AMIS DE LA COMMUNE DE PARIS-1871
VENDREDI, 18 MARS, 2016
L'HUMANITÉ
Gravure du "Monde Illustré" n° 730 du 8 avril 1871, qui représente la manifestation des parisiennes du 3 avril 1871. Elles obtiendront finalement entre autres l'égalité salariale.
Gravure du "Monde Illustré" n° 730 du 8 avril 1871, qui représente la manifestation des parisiennes du 3 avril 1871. Elles obtiendront finalement entre autres l'égalité salariale.
Photo : Gusman /Leemage

Au printemps 1871, la Commune de Paris, et plus particulièrement sa commission du Travail dirigée par Léo Frankel, a produit plusieurs décrets posant les bases d’une législation du travail en lien avec le droit au travail. L’Union des femmes a joué un rôle moteur dans ce combat.

Tous les jours, dans les médias, des « économistes » viennent nous sommer de choisir : baisser le coût du travail, réduire le droit du travail ou alors ce sera plus de chômage. Fondamentalement, cette campagne vise à opposer le droit du travail (et les droits sociaux) au droit au travail. Si les temps ont changé, il convient de rappeler certains points de l’action de la Commune qui peuvent enrichir notre débat. D’abord, la Commune n’ignorait nullement les questions du développement économique. On oublie trop souvent que la commission du Travail s’était fixée comme objectif premier de « favoriser les industries nationales et parisiennes » et de « développer le commerce international d’échange, tout en attirant à Paris les industries étrangères de façon à faire de Paris un grand centre de production ». La Commune ne se désintéressera pas des entreprises, en particulier en réglant la question des échéances et des loyers, question alors cruciale : pendant le siège, les loyers ne sont pas payés et les dettes ne sont pas réglées. La Commune dispense les locataires de payer le retard de loyers et étale largement le règlement des dettes (sans les annuler). Ces mesures vaudront un soutien durable d’une partie notable de la petite bourgeoisie parisienne à la Commune.Mais c’est fondamentalement en tenant les deux bouts, droit du travail ET droit au travail que la Commune va tenter de remettre en route l’économie de la capitale. Le chômage était en effet considérable avec la situation créée par la guerre, le siège, ou l’abandon par certains patrons « francs-fileurs » de leur atelier. Le grand décret du 16 avril réquisitionna les ateliers abandonnés pour leur « prompte mise en exploitation par l’association coopérative des travailleurs qui y sont employés ». Mais l’objectif n’était pas de répéter les Ateliers nationaux de 1848. Il s’agissait, dans une vue à long terme, de « faciliter la naissance de groupements sérieux et homogènes », socialisés et autogérés, qui confectionneront « des objets marchands ». Une enquête sera conduite pour examiner la situation des ateliers fermés ; les chambres syndicales ouvrières, légalisées par la Commune treize ans avant la loi de 1884, seront pleinement associées à la mise en œuvre du décret.

On doit mentionner ici le travail considérable conduit par l’Union des femmes : « Le travail de la femme, proclame l’Union le 11 avril, étant le plus exploité, sa réorganisation immédiate est donc de toute urgence. » L’Union des femmes fut le principal partenaire de la commission du Travail. Elle fut un des principaux moteurs de la réflexion et de l’action de la Commune dans le domaine. Ainsi l’Union élabora le projet d’association ouvrière le plus avancé.

Dans un même mouvement, la Commune instaure un vrai droit du travail. Rappelons qu’en 1871, le droit du travail est quasiment inexistant : la seule vraie loi de 1841 interdisant le travail dans les ateliers aux enfants de moins de huit ans… est à peine appliquée du fait de la faiblesse des inspections. Nous n’évoquerons ici que trois décrets qui concernaient la durée du travail, le contrôle du travail et les salaires. Celui du 20 avril est un des plus connus et des plus symboliques, qui interdisait le travail de nuit dans les boulangeries. Il souleva l’enthousiasme des ouvriers boulangers qui manifestèrent leur soutien au décret et le mécontentement de nombre de patrons boulangers qui tentèrent d’empêcher son application.

Mettre fin au tout-libéral dans le marché du travail

Le décret du 27 avril interdit les amendes et les retenues opérées par prélèvements sur les salaires. Ces prélèvements étaient une des principales armes dans les mains des patrons pour affaiblir la résistance ouvrière et constituaient une atteinte permanente à la dignité ouvrière. La Commune l’appliqua en particulier aux rétives compagnies de chemins de fer.

Dans le décret du 13 mai concernant les marchés de la Commune, les cahiers des charges des entreprises devaient indiquer « le prix minimum du travail à la journée ou à la façon à accorder aux ouvriers et ouvrières chargés de ce travail ». C’était instaurer le salaire minimum ! Mais la réflexion de Léo Frankel, le « ministre » du Travail de la Commune, va plus loin. Il constate que « si le prix de la main-d’œuvre reste comme aléa dans les marchés, c’est lui seul qui apporte le rabais ». L’État doit intervenir pour introduire « le prix minimum » à la journée et mettre fin au tout-libéral dans le marché du travail. C’est le progrès des techniques qui devient alors le seul authentique facteur de la baisse des prix des produits, permettant vente et consommation.

La crise économique actuelle est moins conjoncturelle qu’en 1871, mais l’idée que droit au travail et droit du travail vont ensemble garde toute sa modernité.

REPERES

  • 16 avril 1871 Réquisition des ateliers abandonnés par leurs propriétaires, mise en place de coopératives ouvrières.
  • 20 avril Suppression des bureaux de placement de la main-d’œuvre, monopoles florissants agissant comme des « négriers ». Remplacement par des bureaux municipaux.
  • 27 avril Interdiction des amendes et retenues opérées par prélèvements sur les salaires.

Eugène Pottier (1816-1887). Nous fêtons cette année le bicentenaire de la naissance d’Eugène Pottier, né le 4 octobre 1816. Des initiatives seront annoncées ultérieurement. Mais citons aujourd’hui ces vers extraits de l’Internationale, écrits en 1871, qui nous donnent vraiment à réfléchir sur le droit que rêvaient les communards. « L’État comprime et la loi triche/L’impôt saigne le malheureux/Nul devoir ne s’impose au riche,/Le droit du pauvre est un mot creux./C’est assez languir en tutelle,/L’égalité veut d’autres lois :/ Pas de droits sans devoirs, dit-elle,/Égaux, pas de devoirs sans droits ! »

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19 mars 2017 7 19 /03 /mars /2017 06:44
18 mars 1962: signature des accords d'Evian (Robert Clément)

Le 18 mars 1962 : signature des accords d'Evian


Après la signature des accords d’Évian, l'annonce du cessez-le-feu le 19 mars à 12 heures en Algérie fut d'abord, ici, en France, celle d'un immense soulagement. Enfin, cette guerre allait prendre fin. Depuis plusieurs années déjà, le retour de cercueils, l'arrivée de blessés avait mis fin au mythe gouvernemental de simples «opérations de maintien de l'ordre» dans «nos départements français d'Afrique du Nord».
Il n'en avait pas toujours été ainsi. Quand éclata la rébellion algérienne du 1er novembre 1954, combien dans notre pays en étaient encore aux trois départements français enseignés à l'école?
Le premier ministre de l'époque, Pierre Mendès France, son ministre de l'Intérieur, François Mitterrand, affirmaient que l'Algérie était la France et que ces mouvements ne relevaient que de simples opérations de police. Seuls, alors, en tant que parti, les communistes revendiquaient le droit du peuple algérien à disposer de lui-même.
La guerre devait durer près de huit ans. Guerre sans nom mais chaque jour des hommes mouraient: combattants de l'Armée de libération nationale (ALN), soldats français tombés dans une embuscade. La guerre d'Indochine était terminée depuis juillet 1954. L'armée française ne pouvant accepter sa défaite de Diên Biên Phu criait à la trahison sans comprendre que l'ère du colonialisme avait pris fin. Mais la situation en Afrique du Nord était différente. Nous n'étions plus cette fois à des milliers de kilomètres de la métropole mais à une heure d'avion, avec un million de pieds noirs, originaires de France, d'Espagne ou d'Italie. Combien de familles françaises comptaient des leurs de cet autre côté de la Méditerranée?
Il fallut des années pour remonter ce courant colonialiste. Des hommes de progrès, dans la France de 1956, n'avançaient-ils pas l'idée que la France de 1789 était meilleure que l'Islam?
Des batailles ont eu lieu comme en témoigne un film comme celui de Bertrand Tavernier «la Guerre sans nom», rappelés se rassemblant dans une église parisienne pour marquer leur refus, soldats tirant les sonnettes d'alarme des trains pour freiner leur départ, se barricadant dans une caserne de Rouen avec le soutien des communistes de la ville, alors dirigés par Roland Leroy.
Et combien de manifestations, toujours réprimées par la police, se soldant par des heures d'emprisonnement dans les commissariats de Paris et de sa banlieue, notamment.
Manœuvres sans résultats
Une partie du peuple français crut alors que la venue du général de Gaulle au pouvoir allait achever cette guerre. «Je vous ai compris», avait-il dit aux mutins d'Alger. Mais bientôt, c'est aux combattants algériens qu'il s'adressait en en leur proposant la «paix des braves». Manœuvres de part et d'autres sans résultats. Le temps des capitulations était passé et le peuple algérien, martyrisé, exigeait l'indépendance.
Il fallut pourtant encore quatre années de guerre, quatre années de luttes. En Algérie d'abord où le peuple, enfermé dans des camps, quadrillé dans les villes, continuait d'affirmer sa confiance dans le FLN. En France où les manifestations se multipliaient.
En 1961, la manifestation pacifique des Algériens de la région parisiennne, violemment réprimée par la police du préfet Papon, marqua le soutien total de ces immigrés envers le FLN de la même façon que les manifestants et manifestantes algérois brandissant le drapeau algérien avaient montré l'échec de la politique colonialiste. Le 17 octobre, des centaines de manifestants pacifiques ont été tués, blessés, jetés dans la Seine, enfermés dans les camps avant d'être envoyés en Algérie d'où beaucoup ont disparu.
Le 8 février 1962, après une nuit terroriste des partisans du colonialisme à Paris où une petite fille fut défigurée par une charge de plastic visant le ministre gaulliste André Malraux, des milliers de Parisiens vinrent manifester à la Bastille, contre les tueurs de l'OAS et pour la paix en Algérie par la reconnaissance du droit à l'indépendance.
La police du ministre Frey et du préfet Papon chargea au métro Charonne un cortège paisible. Sur les neuf morts, huit étaient communistes et tous membres de la CGT.
Les pourparlers de paix, engagés alors à Evian, entre représentants du gouvernement français et des combattants algériens s'accélèrent. Le 18 mars, un accord était signé, le cessez-le-feu proclamé pour le 19 mars à midi. Ce jour est désormais celui de la fin de cette guerre, celui de la fin d'un cauchemar de près de huit années.

Robert Clément 

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18 mars 2017 6 18 /03 /mars /2017 08:09
Appel de Stockholm contre l'arme atomique: manifestation avec Gérard Philippe, sympathisant communiste, dans le cortège (1950)

Appel de Stockholm contre l'arme atomique: manifestation avec Gérard Philippe, sympathisant communiste, dans le cortège (1950)

18 mars 1950 : 3 millions de signatures pour l'appel de Stockholm


Lancé par le communiste Frédéric Joliot-Curie et le Mouvement mondial pour la paix, l'appel de Stockholm contre la bombe atomique recueille 3 millions de signatures en France. Le texte stipule: "Nous exigeons l'interdiction immédiate de l'arme atomique, arme d'épouvante et d'extermination des populations.[...] Nous considérons que le gouvernement qui, le premier, utiliserait contre n'importe quel pays l'arme atomique, commettrait un crime contre l'humanité et serait à traiter comme un criminel de guerre. Nous appelons tous les hommes de bonne volonté dans le monde à signer cet appel." L'appel de Stockholm sera signé par plus de 150 millions de personnes dans le mode entier.
Principaux signataires :
• Frédéric Joliot-Curie (premier signataire)
• Jorge Amado, Louis Aragon, Pierre Benoit, Marcel Carné, Marc Chagall, Dimitri Chostakovitch, Duke Ellington, Ilya Ehrenbourg,Robert Lamoureux, Thomas Mann, Yves Montand, Pablo Néruda, Noël-Noël, Pablo Picasso, Simone Signoret, Michel Simon1
• Gérard Philipe, Maurice Chevalier, Pierre Renoir, Jacques Prévert, Armand Salacrou, Henri Wallon

18 mars 1950: 3 millions de signatures pour l'appel de Stokholm contre l'armement nucléaire lancé par Joliot-Curie (Robert Clément)
Fréderic Joliot-Curie

Fréderic Joliot-Curie

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15 mars 2017 3 15 /03 /mars /2017 21:02
16 mars 1978: Naufrage de l'Amoco Cadiz - par Robert Clément

16 mars 1978 : Naufrage de l'Amoco Cadiz


Le jeudi 16 mars 1978, l'Amoco Cadiz, un pétrolier construit en 1974 et immatriculé au Libéria (234.000 tonneaux, de 330 m de long), affrété par la compagnie américaine Amoco Transport, filiale de la Standard Oil, s'échouait au large des côtes bretonnes.
Ce naufrage, provoqua une marée noire considérée, aujourd'hui encore, comme l'une des pires catastrophes écologiques de l'histoire.
Venant du Golfe Persique, le supertanker "Amoco Cadiz" fait route vers Rotterdam.
Alors qu’il double l’île d’Ouessant, avec près de 227.000 tonnes de pétrole dans ses citernes et une météo très mauvaise, il subit une avarie de barre.
Avec des rafales d’ouest atteignant 130km/h, le pétrolier incapable de se diriger subit les déferlantes et commence à dériver.
Les 42 hommes d'équipage sont sauvés avant que le bateau ne sombre.
Le navire s'échoue peu de temps après sur les rochers de Portsall dans le Nord-Finistère.
360 km de côtes seront souillés par les nappes de pétrole et 200.000 hectares de surface marine pollués.
A l'aube du 17, c'est un spectacle de désolation que découvrent les habitants.
Une épaisse nappe marron écrase les vagues et se répand lourdement sur les plages et les rochers. L'odeur écœurante du brut est transportée par les rafales loin à l'intérieur des terres.
En quelques jours, l'intégralité de la cargaison va se répandre au grès des vents et des courants sur près de 360 km de côtes entre Brest et la partie ouest de la Baie de St Brieuc.
Tous les moyens déployés, l'armée y compris, furent insuffisants pour contenir le désastre, les moyens techniques se révélant insuffisants et le matériel inadapté.
Pour toute une région, c'est une catastrophe économique qui vient s'ajouter au désastre écologique. La pêche, l'ostréiculture, la récolte des algues, le tourisme en sont les premières victimes
Un naufrage qui n'a pas servi de leçon...

16 mars 1978: Naufrage de l'Amoco Cadiz - par Robert Clément
16 mars 1978: Naufrage de l'Amoco Cadiz - par Robert Clément
16 mars 1978: Naufrage de l'Amoco Cadiz - par Robert Clément
16 mars 1978: Naufrage de l'Amoco Cadiz - par Robert Clément
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15 mars 2017 3 15 /03 /mars /2017 20:03
Colloque international "L'exil espagnol en Bretagne" organisé à la fac de Brest les 3, 4, 5 avril en accès libre

Un Colloque international "L'exil espagnol en Bretagne", colloque organisé par l'Université de Bretagne Occidentale à la Faculté des Lettres et  Sciences humaines de Brest, les 3, 4 et 5 avril. L'accès est totalement libre et j'invite tous ceux qui le peuvent à y participer. 
 

Voir aussi cet entretien du Ouest-France du 29 juillet 2016 avec Isabelle Le Boulanger: 

Propos recueillis par Fabienne RICHARD.

Ce pan de l'histoire n'avait jamais fait l'objet de recherches approfondies. Ils furent 26 000 à fuir la guerre civile puis Franco, de 1937 à 1940. Une historienne leur consacre un livre.

Entretien

Combien de réfugiés sont arrivés en Bretagne pendant la guerre civile espagnole ?

En 1937, 2 500 réfugiés sont arrivés en Bretagne. Ils fuyaient les combats de la guerre civile. En 1938, ils sont 2 000 de plus. En 1939, c'est un raz-de-marée de 22 000 réfugiés. Ils fuient les Franquistes qui pénètrent en Catalogne, dernière région aux mains des Républicains. C'est laretirada.

Qui sont les réfugiés en 1937 ?

En 1937, des Républicains mais aussi des Franquistes qui fuient les bombardements italiens et allemands. Les hommes repartent au combat en Espagne. Les femmes et les enfants sont répartis dans des trains à destination des départements bretons. La cohabitation entre Franquistes et Républicains crée des tensions. Des réfugiés sont arrivés par la mer, en paquebot à la Rochelle Palice, en vapeur à Saint-Nazaire. Sur un chalutier, 120 personnes tentent d'accoster à Saint-Pierre-Penmarc'h et évitent le naufrage grâce aux sauveteurs bigoudens. En octobre 1937, une embarcation à rame et à voile est repérée près d'Ouessant avec 30 personnes à bord, sans carte ni vivres depuis 24 heures !

Les réfugiés espagnols ne sont pas les mêmes lors de la vague de 1939...

En 1939, ce sont uniquement des Républicains vaincus, démoralisés. Ils ont traversé la frontière des Pyrénées à pied. Femmes et enfants arrivent en train en Bretagne. Les hommes en état de combattre sont gardés dans les camps du Sud de la France.

Comment est organisée la répartition des réfugiés dans les départements ?

C'est très compliqué pour les autorités préfectorales car elles apprennent la veille au soir que des centaines de réfugiés vont arriver en gare. Le Finistère en reçoit plus que les autres : 4 000 réfugiés en 1939. Seuls les maires de gauche acceptent de mettre des lieux à disposition, dans une Bretagne catholique où la majorité des mairies sont à droite.

Comment les réfugiés sont-ils accueillis en Bretagne ?

A Saint-Brieuc, les réfugiés sont placés dans une usine désaffectée rue de Gouédic, avec les machines au milieu. Il n'y a ni salle de bain, ni WC pour 300 personnes ! Ça a été le camp le plus minable, avec le camp de Verdun, à Rennes, et celui de Belle-Île-en-Mer qui a accueilli jusqu'à 800 réfugiés, refusés ailleurs. Certaines petites villes comme Plélo mettent au contraire des maisons d'ouvriers vides à disposition. En 1939, les français vont affronter la guerre et c'est chacun sa misère. Une minorité de gens de gauche et de catholiques aident les réfugiés, une autre minorité les hait. La majorité est silencieuse. Un peu comme aujourd'hui finalement...

 

L'exil espagnol en Bretagne, 1937-1940, d'Isabelle le Boulanger aux éditions Coop Breizh. 24,90 €.

Colloque international "L'exil espagnol en Bretagne" organisé à la fac de Brest les 3, 4, 5 avril en accès libre
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14 mars 2017 2 14 /03 /mars /2017 18:04
15 mars 1944, le CNR proclamait son programme (par Michel Etiévent)

15 mars 1944, le CNR proclamait son programme.


Le 15 mars 1944, les représentants de toutes les organisations de la Résistance signent un programme pour hâter la Libération et définir le visage de la démocratie à venir. Un texte puissant et audacieux, qui reste d’une brûlante actualité. Depuis soixante douze ans, le patronat rêve de s’en débarrasser.
 

Dans l’Humanité du 14 mars 2014, Michel ÉTIÉVENT, historien, y consacrait un article sous ce titre :
« Dans la nuit noire, la lumière des Jours heureux 
«Outre sa formidable modernité, le plus bel enseignement que l’on peut tirer du programme du CNR, c’est l’extraordinaire message d’espoir qu’il laisse aux militants du futur. Une utopie devenue réalité. En effet, comment ces 16 jeunes, issus de tous les courants de résistance, réunis au péril de leur vie, pouvaient-ils imaginer que le programme d’invention sociale qu’ils allaient forger deviendrait réalité deux ans seulement plus tard dans une France qu’ils allaient libérer ? » Ces mots de Stéphane Hessel soulignent la portée révolutionnaire du programme du Conseil national de la Résistance, né il y a exactement soixante-dix ans, le 15 mars 1944.
Une plate-forme conçue comme une éclaircie de dignité qui marquera profondément de son empreinte l’identité sociale française. Le texte sera le fruit de neuf mois d’âpres négociations entre les différentes parties, débattues à Alger et au sein du CNR, dirigé par Georges Bidault à la suite de l’arrestation de Jean Moulin, le 21 juin 1943, puis par Louis Saillant (CGT), qui poussera la réflexion vers l’innovation sociale. C’est Pierre Villon, représentant le Front national (communiste), qui mettra un point final à sa rédaction après cinq moutures successives.
On imagine les oppositions violentes de la droite à un ensemble de mesures qui va conjuguer invention sociale et couleur révolutionnaire. C’est le rapport de forces qui fera pencher la balance vers un programme fortement ancré à gauche. Il convient de rappeler l’implantation profonde du Parti communiste dans les maquis, son poids au cœur de la Résistance et le rôle héroïque joué par la classe ouvrière. « La seule, dira François Mauriac, à être restée fidèle à la France profanée. » Ainsi que le soulignent Daniel Cordier et l’historien Laurent Douzou dans le film de Gilles Perret les Jours heureux : « La droite, très faible au sein du CNR, a été contrainte d’accepter le programme. Elle ne pouvait pas faire autrement… » Adopté à l’unanimité, le 15 mars 1944, et paru ensuite sous le titre « les Jours heureux », le programme développe « un plan d’action immédiate » qui croise appel à l’insurrection (fortement impulsée par Pierre Villon) et développement de la lutte pour hâter la Libération. Une seconde partie, plus politique, décline liberté, démocratie économique et sociale, et solidarité.
S’affine ainsi au fil des articles le visage d’une démocratie nouvelle où l’humain est la pierre angulaire de l’avenir, où tout développement économique de qualité à la mesure des besoins d’une nation ne peut qu’être lié à un statut social fort à la hauteur des besoins des hommes. « Tout au long de son parcours de vie, nous mettrons définitivement l’homme en “sécurité sociale”. Les mots esquissent les réformes à entreprendre, socle d’une république citoyenne où l’homme est à la fois acteur et gestionnaire de son pays, de son entreprise et de sa propre vie. »
Comment résister à la relecture d’un programme où s’affiche la volonté de placer le futur sous le signe de l’innovation sociale : « Instaurer une véritable démocratie sociale impliquant l’éviction des féodalités économiques et financières de la direction de l’économie… Droit d’accès aux fonctions de direction et d’administration pour les ouvriers et leur participation à la direction de l’économie… Association des travailleurs à la gestion des entreprises… Retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des Cies d’assurances et des grandes banques… Droit au travail… Presse indépendante… »
L’audace au service d’un peuple qui entend prendre son avenir en main loin des trusts ou des féodalités bancaires. La France de 1793 revisitée. Le programme, dont la force fut de substituer l’intérêt général à l’intérêt particulier, va féconder l’ambition des réformes de la Libération, de 1945 à 1947 : reprise en main de la finance par la nationalisation du crédit, fonction publique, Sécurité sociale, comités d’entreprise, généralisation des retraites, statut des mineurs, des électriciens, médecine du travail, éducation populaire…
Un visage de dignité rendu possible par le rapport de forces de l’époque : 5 millions d’adhérents à la CGT, 28,6 % des voix au PCF, et des ministres ouvriers tels Ambroise Croizat ou Marcel Paul, une classe ouvrière grandie par sa résistance, un patronat sali par sa collaboration. Soixante-dix ans après, ce programme est toujours d’une fabuleuse modernité à l’heure de tous les reculs sociaux et d’une finance triomphante.
Un résistant du plateau des Glières nous confiait récemment : « La force de ce programme tient surtout au fait qu’il a été réalisé. Et cela dans une France pourtant ruinée. Bel exemple de courage politique adressé à ceux qui ne cessent de nous gaver de promesses non tenues. » Un candidat à la présidence de la République ne déclarait-il pas : « Mon ennemi c’est la finance ! »

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12 mars 2017 7 12 /03 /mars /2017 07:53
Angel Parra à la fête de l'Humanité 2003

Angel Parra à la fête de l'Humanité 2003

Le chanteur et guitariste chilien Angel Parra, figure de la diaspora de ce pays, est mort samedi 11 mars à Paris à l’âge de 73 ans des suites d’un cancer, a annoncé l’ambassadrice du Chili en France. « C’est une grande perte pour le Chili et pour l’art, a déploré Marcia Covarrubias. Angel Parra a vécu quarante ans en France, qui était devenue aussi sa patrie. »

 

Né en 1943, à Valparaiso, le musicien était le fils de Violeta Parra (1917-1967), chanteuse chilienne qui a remis à l’honneur la musique traditionnelle et populaire et a vécu longtemps à Paris.

Opposant à Pinochet

 

Angel Parra avait très vite partagé la scène avec sa mère, comme musicien et compositeur, et formait aussi un duo avec sa sœur Isabel. Engagé au Parti communiste et soutien du président Salvador Allende, il a été interné en 1973 puis expulsé du Chili après le coup d’Etat du général Pinochet. Des événements qu’il évoque dans le roman Mains sur la nuque, publié en 2007 et dans un disque Venceremos, en 2013.

Le chanteur engagé a aussi rendu hommage à sa mère en interprétant ses chansons et en lui consacrant une biographie, Violeta se fue a los cielos, adaptée au cinéma par Andres Wood en 2012.


 

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11 mars 2017 6 11 /03 /mars /2017 06:53
Adam Rayski

Adam Rayski

Adam Rayski, décédé le 11 mars 2008


Mort à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans, le responsable de la section juive des communistes de la MOI fut un des combattants les plus lucides de la Résistance. Son parcours témoigne d'un humanisme éclairé. Lucien DEGOY, l’a retracé dans un article que l’Humanité publia le 14 mars 2008, quelques jours après sa disparition

« Adam Rayski, modeste héros »
Avec Adam Rayski qu'on enterrait hier après-midi au Père-Lachaise, une grande figure de l'histoire de la Résistance en France vient de disparaître. Une grande figure aussi du communisme et du judaïsme révolutionnaire, dont il épousa très jeune, dans sa Pologne natale, les idéaux respectifs, sachant les réunir d'une manière féconde dès la fin des années 1920. Malgré les soubresauts d'un parcours biographique tourmenté, les déceptions et les coups tragiques portés par l'histoire aux espoirs de sa jeunesse qu'il racontera en particulier dans Nos illusions perdues (1985), l'un de ses livres, Adam Rayski ne renia jamais ni cette riche culture nourrie d'humanisme européen internationaliste ni ses choix politiques fondamentaux qui le conduisirent très tôt à percevoir l'horreur de la barbarie nazie et à l'affronter avec ses camarades juifs communistes dans un combat collectif qu'il savait sans merci.
Exclu du lycée pour activités subversives, il émigre en France
Né le 14 août 1914 à Bialystok, ville industrielle située aux confins de la Biélorussie, dans une famille de commerçants dont certains ont participé à la révolution de 1905, Adam grandit dans l'atmosphère des débats qui traversent la gauche juive, du Bund au communisme, en passant par les sionistes de gauche du Poalei Sion. Il raconte qu'il fut fasciné par la lecture des oeuvres de Boukharine qui lui révéla la « lumière du marxisme ». Il devint rapidement responsable de la « gauche scolaire » puis secrétaire du Komsomol de la ville. Engagements qui lui valent son exclusion du lycée pour activités subversives et de devoir immigrer en France fin 1932 afin de poursuivre des études universitaires.

Parallèlement aux cours de journalisme à la Sorbonne et à l'École libre des sciences politiques, Rayski intègre les organisations de jeunesses juives communistes de la MOI (Main-d'oeuvre immigrée, groupes de langues étrangères qui rassemblent depuis la fin des années 1920 les immigrés au sein d'une commission centrale du Parti communiste).

En janvier 1934, sa « section juive » lance un quotidien en langue yiddish, Naïe presse (Presse nouvelle).

Rayski y est engagé comme journaliste et permanent du Parti. Il travaille en même temps à l'Humanité où il approfondit son métier sous la direction d'André Marty, puis de Paul Vaillant-Couturier, croisant dans les services Aragon, Daniel - Renoult, Gabriel Péri ou Marcel Cachin...

Rayski, qui a vu venir la guerre derrière la montée de l'antisémitisme, accompagne l'entrée dans la clandestinité d'Unzer Wort (Notre parole). En 1940, il rejoint un régiment de l'armée polonaise (alliée de la France) basé à Coëtquidan (Morbihan), il est fait prisonnier au moment de la débâcle, mais s'évade et rentre à Paris le 14 juillet.

Sans illusions sur le régime vichyste, il s'attache à constituer dans la clandestinité des réseaux de solidarité et de soutien aux familles frappées par le statut antijuif et autres mesures de persécution. Il organise déjà la résistance passive.

On le retrouve en 1941 délégué du Parti en zone sud où de nombreux juifs s'étaient repliés depuis l'exode. Il met en place un réseau d'évasion pour les internés des camps de rétention et organise le retour de certains immigrés vers leurs pays d'origine pour y rejoindre la résistance, organise à Marseille, puis à Lyon des réseaux d'information et d'imprimerie clandestins. Après l'invasion de l'URSS par Hitler, il est rappelé à Paris pour prendre la responsabilité nationale de la section juive alors que s'accentuent les persécutions et les exécutions d'otages. Il développe une stratégie de rassemblement et d'information fondée sur le refus de l'isolement de la population juive de l'ensemble de la nation, que poursuivent l'occupant et Vichy. Après les grandes rafles de juillet 1942, auxquelles plusieurs milliers de personnes échappent grâce à l'alerte lancée par la section juive, il contribue à créer le 2e détachement juif qui constituera le fer de lance armé des FTP-MOI. Sous la conduite de Missak Manouchian- , le réseau, ses combattants et ses martyrs seront décimés sur dénonciation à la fin 1943. C'est eux que l'Affiche rouge d'Aragon et Ferré immortalisent.

Rayski, qui recevait les directives d'orientation de Jacques Duclos, supervise les structures de résistance juive adaptées à la diversité de la population : union des femmes, mouvement des jeunes, groupes de résistance par arrondissement, services d'écoute de radio, diffusion de l'information, groupes de sauvetage d'enfants.
Identifié par les services de police, il réussit à passer à travers les mailles du filet.
Dès octobre 1943, les organisations juives de la MOI qui sont passées en zone sud connaissent une montée en puissance exceptionnelle et sont reconnues par tous les autres courants de la vie juive comme partie intégrante de la résistance juive. Cette dernière unifie ses forces en créant le Comité général de défense juif qui servira d'embryon à la fondation, dès janvier 1944, du Conseil représentatif des israélites de France (CRIF) incarnant la communauté d'après-guerre.
Il supervise toutes les structures de résistance juive en france
En 1945, alors que le Parti communiste français décide l'intégration au Parti des organisations des immigrés (excepté l'UJRE qui échappe à la dissolution), Rayski participe à la conférence internationale de New York sur la situation du judaïsme européen.

Il est mandaté pour établir des contacts avec les communistes américains. Il joue un rôle international établissant des relations constantes entre le mouvement communiste français et la gauche israélienne. Ces pourparlers engagent le PCF dans une attitude favorable à la reconnaissance de l'État d'Israël.

En septembre 1949, Rayski repart en Pologne où il occupe un poste de sous-secrétaire d'État à la presse. Ses états de service au sein de la MOI et ses relations avec les organisations sionistes mondiales lui valent la méfiance des services de sécurité proches des Soviétiques. Lors du « printemps polonais » de 1956, il favorise la libéralisation des structures étatiques de la presse, mais il se détache de la politique de Gomulka qui parvient à éviter l'intervention armée soviétique au prix d'un alignement politique sur l'URSS qu'il réprouve. La rupture est consommée et Rayski revient en France en 1957.

En pleine guerre froide, il sera accusé d'espionnage au profit de la Pologne (une vengeance de - Varsovie ?) et condamné en 1962 à sept ans de prison, mais il est libéré en mars 1963 puis amnistié. À sa sortie de prison, Rayski se retire de la vie politique, se consacrant à écrire l'histoire de la Shoah et de la résistance juive, témoignant en toute simplicité auprès des écoliers et des lycéens. Le 21 février 2004, le membre d'honneur du CRIF qu'il était participait encore à la soirée d'hommage aux 23 fusillés communistes du groupe Manouchian au siège de PCF. Un héros modeste ».

Lucien Degoy

 

 

(lu sur la page Facebook de Robert Clément)  

 

Souvenons-nous d'Adam Rayski, résistant communiste juif d'origine polonaise, dirigeant et organisateur des FTP- MOI, décédé le 11 mars 2008 (Lucien Degoy, L'Humanité)
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9 mars 2017 4 09 /03 /mars /2017 13:14
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