Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
22 janvier 2017 7 22 /01 /janvier /2017 09:11
Il y a dix ans mourrait Henri Grouès, l'abbé Pierre: une vie au service des pauvres depuis son appel du 1er février 1954  (hommage de Robert Clément)

Henri Gouès, dit l’Abbé Pierre, est mort il ya 10 ans, le 22 janvier 2007
Il y a eu, en France, 454 personnes sans domicile fixe qui sont mortes dans la rue en 2016. C'est un scandale...

À Paris, le 22 janvier 2007, il y a dix ans, Henri Grouès est mort à 94 ans.

Il était plus connu sous un autre nom, l’abbé Pierre. Personnalité préférée des Français pendant une vingtaine d’années à la fin du siècle dernier, il représentait toute la complexité française, à la fois anticléricale et portant aux nues un homme d’église, à la fois grincheuse et généreuse.

Ce n’est pas un hasard si l’abbé Pierre avait été rejoint par une personnalité très différente de lui mais qui avait compris que l’urgent était d’aider les plus pauvres, ceux qui n’avaient plus de domicile, plus assez de quoi vivre, de quoi se loger, de quoi se nourrir : Coluche, créateur des Restos du cœur, lui-même auteur d’un appel radiophonique, le 26 septembre 1985.

Avec le recul du temps, l’abbé Pierre, là où il est, peut franchement être heureux de ne pas avoir été inutile durant sa longue existence. Ses combats contre la pauvreté ont été repris par d’autres, moins connus, plus anonymes, mais tout aussi efficaces.

Certes, on pourra dire que ces combats de charité, issus d’initiatives collectives mais privées, sont nécessaires en raison d’une véritable carence des pouvoirs publics. La vague de froid qui s’est "abattue" sur la France la semaine qui vient de passer, pas si exceptionnelle si l’on songe qu’en hiver, c’est "normal" qu’il fasse froid, a montré l’extrême précarité de milliers de personnes qui passent les nuits glaciales hors d’une chambre, hors d’un endroit chauffé.

On peut encore mourir de froid en France en 2017 et ce fait est insupportable.

Certains ont même la mauvaise foi d’accuser l’arrivée des réfugiés (pas si massive que cela en France), pour lesquels on trouve miraculeusement des centres d’accueil, au détriment des "pauvres" bien français. La préférence nationale en matière de lutte contre la pauvreté est d’ailleurs une fumisterie totale : il faut sauver toute personne en danger, quelle qu’elle soit, et personne ne s’aviserait à demander la carte d’identité à une personne tombée à l’eau et qui risquerait de se noyer. En hiver 1954, quand l’abbé Pierre avait tant bousculé les consciences après son appel radiophonique, il n’y avait pas autant d’immigration, pas de réfugiés, et pourtant, il y avait la pauvreté dans les villes.

Résistant dans le Vercors, député MRP de Nancy à 33 ans, de 1945 à 1951, l’abbé Pierre était avant tout un engagé dans l’humanité et dans l’humilité, pour ne pas dire un enragé de la vie. Sa principale initiative fut la création en novembre 1949 à Neuilly-Plaisance du Mouvement Emmaüs, du nom d’un village palestinien proche de Jérusalem.

Aujourd’hui, une quarantaine de pays accueillent des communautés Emmaüs. Grâce à l’abbé Pierre, ces communautés lui survivent.

 

Refusant honneurs et responsabilités hiérarchiques au sein de l’Église catholique l’Abbé Pierre a toujours préservé sa liberté de parole.
L’ appel de l’Abbé Pierre du 1erfévrier 1954 n’a hélas toujours pas vieilli : « Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant l’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent ! (…) Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couverture, paille, soupe (…) [avec] ces simples mots : "Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici, on t’aime !" ».

Il y a dix ans mourrait Henri Grouès, l'abbé Pierre: une vie au service des pauvres depuis son appel du 1er février 1954  (hommage de Robert Clément)
Il y a dix ans mourrait Henri Grouès, l'abbé Pierre: une vie au service des pauvres depuis son appel du 1er février 1954  (hommage de Robert Clément)
Partager cet article
Repost0
22 janvier 2017 7 22 /01 /janvier /2017 08:53
Antonio Gramsci par le philosophe André Tosel: une caractérisation de l'intérêt de cette pensée marxiste chercheuse et ouverte pour notre temps

Antonio Gramsci, né le 22 janvier 1891

Un sarde qui fut sans doute le plus grand intellectuel marxiste et communiste du XXIe siècle, du moins dans le registre de la pensée politique. 


La pensée de Gramsci conserve une actualité considérable parce qu’elle est un laboratoire, qui n’est pas fermé. Elle est un potentiel dont il faut extraire de manière critique les trésors, sans en attendre le prêt-à-penser qui permettait de résoudre les problèmes de notre époque, ce temps de détresse pour les «subalternes» du monde.

 

Lu sur la page Facebook de notre camarade parisien Robert Clément

 

« Un laboratoire inépuisable en temps de détresse »

Par André Tosel, philosophe, Professeur émérite à l’université de Nice Sophia-Antipolis.

« La pensée de Gramsci conserve une actualité considérable parce qu’elle est un laboratoire,

qui n’est pas fermé. Elle est un potentiel dont il faut extraire de manière critique les trésors, sans en attendre le prêt-à-penser qui permettait de résoudre les problèmes de notre époque, ce temps de détresse pour les «subalternes» du monde.
Gramsci a consacré sa vie à définir les conditions et les perspectives d’une hégémonie des masses subalternes des cités et des campagnes des nations de l’Europe orientale et occidentale, dans une période marquée par le reflux révolutionnaire et la victoire des fascismes en Europe, mais aussi par une incertitude et un scepticisme relatifs à l’entreprise révolutionnaire dans l’URSS stalinienne. Une seule question le préoccupe, celle de la sortie des masses de la subalternité économique, sociale, politique, culturelle. La compréhension de la subalternité permet de préciser les conditions requises pour libérer la capacité de subalternes à être créateurs de civilisation. Des questions lourdes surgissent et sont encore les nôtres. Les multitudes actuelles divisées, fragmentées, humiliées seront-elles capables de faire la preuve de leur capacité à inventer une économie centrée sur la satisfaction des besoins et délivrée de la valorisation capitaliste ? Réussiront-elles à créer une politique permettant de traduire la spontanéité populaire et où la centralisation du pouvoir dans l’État et les partis dirigeants soit orientée sur la réduction de l’écart entre dirigeants et dirigés ? Parviendront-elles à une culture fondée sur une conception du monde traduisant en son langage les avancées de la pensée, et produisant une rectification critique du sens commun des masses subalternes ? Ne plus poser ces questions qui sont celles de l’hégémonie revient à avaliser la victoire actuelle du capitalisme néolibéral.

Dans les pays capitalistes les plus développés, la défaite actuelle semble renvoyer l’hégémonie des subalternes à une utopie inconstructible, mais dans des pays émergents, notamment en Amérique du Sud, l’esquisse d’un procès de réalisation contraire se profile et Gramsci a été et demeure une référence.
Gramsci a su poser ces questions en sortant d’une perspective stratégique dominée par la logique binaire de la confrontation « pure » du travail et du capital. D’une part, il comprend que l’hégémonie capitaliste dans le cadre national-populaire repose sur la production d’un bloc historique intégrant une pluralité de classes sociales, politiques, culturelles auxquelles il faut réserver une place et dont il faut obtenir le consensus permanent à partir de la reproduction du mécanisme d’accumulation économique – l’hégémonie naît de l’entreprise. D’autre part, les luttes nationales-populaires doivent être nécessairement articulées dans un cadre international.
Gramsci donne une leçon de méthode majeure. Il montre qu’à chaque niveau spécifique se pose la question de la traductibilité des luttes économiques limitées en luttes politiques et idéologiques, et celle de la catharsis, de la purification et transmutation de l’élément économico-corporatif en élément éthico-politique. Le moyen de ces opérations est constitué par la production d’une « réforme intellectuelle et morale » qui transforme le sens commun des subalternes pour en faire des acteurs et qui sert de base à des institutions de liberté en ancrant l’État et la politique dans la vie de la société civile. Gramsci a su inclure dans cette réforme la question des intellectuels. Il a compris la division entre intellectuels de la classe dominante, fonctionnaires de ses activités spécifiques (économie, politique, droit), et ceux de la classe dominée candidate à l’hégémonie. Gramsci a su ainsi imiter et corriger l’utopie issue de Marx et reprise par le bolchevisme, celle de la thématique de la fin de l’État, des classes, de la religion, du marché en général, du droit.
Ce réalisme politique libérateur est aujourd’hui limité sous trois points de vue : tout d’abord fait problème la conception du parti un et englobant, « le prince moderne », supposé représenter et orienter les transformations de la société en sa totalité. Ensuite la thèse féconde selon laquelle l’hégémonie naît de l’usine est certes liée à la reconnaissance des transformations du travail mais elle défend un industrialisme fordiste disciplinaire remplacé par les contraintes subtiles du management qui capture les demandes d’autonomie individuelle et de subjectivation. Enfin, cet industrialisme n’est pas en mesure de faire face à la question écologique majeure. Il nous appartient de travailler à une théorie critique spécifique des formes, des modes de subjectivité sociale et des contradictions du capitalisme de l’époque de la mondialisation ».

 

lire aussi: 

 

Il faut sauver Antonio Gramsci de ses ennemis (Robert Maggiori, Libération, mercredi 3 août 2016)

Antonio Gramsci par le philosophe André Tosel: une caractérisation de l'intérêt de cette pensée marxiste chercheuse et ouverte pour notre temps
Partager cet article
Repost0
21 janvier 2017 6 21 /01 /janvier /2017 14:55
Alain Guérin

Alain Guérin

Alain Guérin, ancien journaliste de l’Humanité est mort
JOSÉ FORT
SAMEDI, 21 JANVIER, 2017
HUMANITE.FR

Alain Guérin est décédé dans la nuit de mercredi à jeudi à Paris à l’âge de 85 ans. Journaliste, historien, écrivain, poète, Alain était un personnage atypique

Alain Guérin avait été « repéré » par Louis Aragon et avait démarré sa carrière journalistique à « Ce Soir », à l’âge de 18 ans, parcourant un peu toutes les rubriques du sport à la rubrique des faits divers. A « l’Humanité », deux ans plus tard, il débutera au service judiciaire.

Très rapidement, à la demande de la direction  du journal, en pleine guerre colonialiste française en Algérie, il avait été chargé d’enquêtes délicates puis avait consacré reportages et analyses à l’OAS, l’organisation terroriste responsable de nombreux attentats des deux côtés de la Méditerranée.

Plus tard, il consacrera des articles et des livres au monde de l’espionnage comme «  Camarade Sorge » (avec Nicole Chatel), «  Qu’est-ce que la CIA », « Les commandos de la guerre froide » ou encore «  Le diable est-il bulgare ». Pendant des années, Alain a travaillé sur le thème de la Résistance avec pour résultat six volumes vendus à des milliers d’exemplaires. Une œuvre magistrale. Il a publié plusieurs recueils de poésie obtenant en 2003 le Prix Paul Verlaine de l’Académie française. Son premier poème a été publié dans « Les Lettres Françaises ». Il avait 16 ans.

J’ai bien connu Alain Guerin lorsque je dirigeais la rubrique internationale de « l’Humanité ». Il était rigoureux avec lui-même. Il demandait le même comportement à ceux avec qui il travaillait. Mais combien il était difficile de lui arracher une coupe dans un « papier ». Il fallait négocier dur avant de finir autour d’un verre. J’ai eu le plaisir aussi de partager sa table dans son appartement des Lilas où on rencontrait avocats, écrivains, poètes, journalistes et responsables politiques. Les débats étaient toujours vifs mais combien enrichissants. Une grande signature de « l’Humanité » vient de disparaître et toute notre affection va à Monique, sa femme.

Une cérémonie aura lieu mercredi 25 janvier à 14h au funérarium de Montreuil (Seine-Saint-Denis).

José Fort est un internationaliste passionné du monde, journaliste, ancien chef du service monde de l’Humanité.
Partager cet article
Repost0
15 janvier 2017 7 15 /01 /janvier /2017 08:00
15 janvier 1919, assassinat de Karl Liebnecht et Rosa Luxemburg (Yves Moreau- L'Humanité, 1995)
15 janvier 1919, assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg

(lu sur la page Facebook de Robert Clément) 


Ainsi que je le rappelais sur cette page, la semaine sanglante s’est déroulée à Berlin du 5 au 13 janvier 1919. Le 15 janvier Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht étaient arrêtés et assassinés.

Yves Moreau, alors responsable de la rubrique internationale à l’Humanité, écrivait un article, sous le titre « Ecrits révélateurs du meurtrier de Liebknecht et Rosa Luxemburg », que le journal publia le 17 janvier 1995.

Je vous propose de le relire !
 

« Le 15 janvier 1919, à Berlin, l'assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg portait un dernier coup mortel aux soulèvements révolutionnaires qui, depuis plusieurs semaines, embrasaient l'Allemagne. Des documents inconnus jusqu'ici, et qui viennent d'être publiés, précisent les conditions dans lesquelles le double crime a été perpétré.
L'HOMME qui prit les dernières dispositions en vue du meurtre de Karl et de Rosa, un certain commandant Waldemar Pabst, siégeait alors à l'hôtel Eden, à Berlin, où était installé l'état-major de la division de cavalerie de la garde. Des extraits des Mémoires qu'il avait entrepris d'écrire sont maintenant révélés. La rédaction de cette autobiographie resta inachevée, Pabst étant mort en 1970, à l'âge de quatre-vingt-neuf ans. Dans les fragments connus aujourd'hui (1), Waldemar Pabst rapporte qu'il avait agi sur l'injonction directe du personnage qui, en janvier 1919, commandait les troupes gouvernementales allemandes, le dirigeant social-démocrate Gustav Noske.
S'adressant à Pabst, Noske lui avait en effet clairement demandé d'intervenir contre Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. «Il faut que quelqu'un mette enfin ces fauteurs de troubles hors d'état de nuire», s'était-il écrié.

Waldemar Pabst fit alors appréhender Karl et Rosa. Ils lui furent livrés à l'hôtel Eden. Pabst écrit: «Je me retirai dans mon bureau pour réfléchir à la façon de les exécuter. Qu'il faille les tuer, ni M. Noske ni moi-même n'en avions le moindre doute».

Pabst appela Noske au téléphone pour le consulter. «S'il vous plaît, donnez-moi des ordres m'indiquant comment procéder.»
«Comment?» répondit Noske. «Ce n'est pas mon affaire. C'est au général (probablement von Lüttwitz) de le dire; ce sont ses prisonniers».
Selon un autre témoignage (2), Pabst aurait objecté qu'il n'obtiendrait rien de von Lüttwitz. Et Noske aurait conclu: «Alors, à vous de prendre la responsabilité de ce qu'il faut faire».
Un second document, inédit jusqu'ici, est une lettre que Waldemar Pabst avait écrite à l'éditeur Heinrich Seewald, qui était intéressé à l'éventuelle publication des Mémoires du commandant. On y lit: «Si j'ouvre la bouche après m'être tu pendant cinquante ans, ça va faire un raffut destructeur pour le parti social-démocrate.»
Dès leur arrivée à l'hôtel Eden, Karl et Rosa y avaient été accueillis par des hurlements injurieux et par des brutalités. Des coups de crosse de fusil avaient blessé Karl au visage et il saignait abondamment.
Deux commandos d'exécution
Après sa communication téléphonique avec Gustav Noske, Pabst rassembla parmi ses hommes deux commandos de tueurs. Liebknecht fut remis entre les mains du premier que commandait le lieutenant Pflugk-Hartung. Le second, qui était aux ordres du lieutenant Vogel, prit en charge Rosa. A quelques minutes d'intervalle, deux voitures enlevèrent les deux prisonniers et se dirigèrent vers le bois du Tiergarten.
La première s'arrêta bientôt. Karl fut sommé d'en descendre. Il fut abattu d'une balle dans la nuque. Son corps fut ensuite transporté à la morgue, où on le fit admettre sous la mention: «Cadavre d'un inconnu».
Quant à Rosa, dès le départ de l'hôtel Eden, un coup de feu lui perfora la tempe. Au pont de Lichtenstein, elle fut jetée dans le Landwehrkanal. Son corps ne fut repêché que plusieurs mois plus tard, et l'autopsie ne permit pas de dire si les brutalités, le coup de feu ou la noyade furent la cause du décès.
Les assassins ne furent pratiquement pas inquiétés. Six d'entre eux eurent seulement à comparaître devant un tribunal composé d'officiers prussiens qui acceptèrent sans difficulté la version selon laquelle Karl Liebknecht aurait été tué «au cours d'une tentative de fuite», et Rosa, victime d'un «septième homme» inconnu.
Gustav Noske qui, entre-temps avait été nommé ministre de la Reichswehr, n'avait plus rien à redouter d'une «enquête» ainsi bâclée.
Le chien sanguinaire
Qu'il ait fallu mettre au compte de Noske l'effroyable répression opposée à la révolution allemande de 1918, nul n'en pouvait douter. Il avait déclaré lui-même à l'époque: «Il faut que quelqu'un soit le chien sanguinaire, et je n'ai pas peur de cette responsabilité.»
Le dernier article de Karl Liebknecht, écrit quelques heures avant sa mort et intitulé «Malgré tout», accusait d'ailleurs explicitement Noske. Karl écrivait: «La bourgeoisie française a fourni les bourreaux de 1848 et de 1871. La bourgeoisie allemande n'a pas à se salir les mains; les sociaux-démocrates accomplissent sa sale besogne; son Cavaignac, son Gallifet s'appelle Noske.»
Les nouveaux documents rendus publics établissent sans aucun doute possible que Noske aura été l'instigateur direct du meurtre de Karl et de Rosa. Un crime déterminant pour l'orientation politique ultérieure de l'Allemagne et les effroyables tragédies qui devaient en résulter dans le monde ».
 

(1) Publiés par l'hebdomadaire allemand «Stern» du 12 janvier 1995.
(2) Rapporté dans un livre de Klaus Gietinger, «Eine Leiche im Landwehrkanal», paru en janvier 1993, aux éditions L. Dekaton, à Mayence.
 

YVES MOREAU

Partager cet article
Repost0
11 janvier 2017 3 11 /01 /janvier /2017 06:20
Une "histoire mondiale de la France" par Patrick Boucheron: contre toutes les assignations à résidence et les assignations identitaires (entretien de l'Humanité, 10 janvier 2017)
Patrick Boucheron : « Il faut réinventer une manière de mener la bataille d’idées »
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR STÉPHANE SAHUC ET LUCIE FOUGERON
MARDI, 10 JANVIER, 2017
HUMANITÉ DIMANCHE

 

L’«Histoire mondiale de la France » paraît le 12 janvier aux éditions du Seuil, sous la direction de Patrick Boucheron, médiéviste, dont la leçon inaugurale au Collège de France, « Ce que peut l’histoire », fin 2015, avait eu un écho inhabituel pour cette institution. Avec 122 autres auteurs, ils se sont donné pour programme d’« écrire une histoire de France accessible et ouverte », un livre enthousiasmant qui réconcilie l’art du récit et l’exigence critique. Entretien.

Qui a dit que nos ancêtres étaient les Gaulois ? Qu’il fallait retrouver les racines chrétiennes de la France ? Restaurer notre « récit national » ? Etc., etc. L’histoire et son enseignement sont encore et encore convoqués à la barre d’un débat public crispé sur l’identité nationale, comme ultime rempart contre les divers maux de la société française. Entretien avec Patrick Boucheron, historien, professeur au Collège de France

HD. Pourquoi une histoire « mondiale » de la France et pas une simple histoire de France ?
Patrick Boucheron. Le monde étant notre souci, notre travail, notre effort permanent, c’est notre histoire dans son ensemble qui devient mondiale. Ce livre ne propose rien d’autre qu’une histoire de France telle que la mondialisation de notre regard l’a transformée. Elle ne se réduit pas à l’histoire de la France mondiale, une histoire impériale, des conquêtes ou des influences. C’est juste une histoire transnationale : une histoire longue de la France qui ne peut se réduire au prisme national.

HD. Les chapitres sont ouverts par des dates : pourquoi ce choix également surprenant d’une présentation chronologique de cette histoire ?
P. B. Nous savons ce que la chronologie fait manquer, en particulier en surévaluant l’histoire politique par rapport à l’histoire économique et sociale. Notre geste éditorial consiste à raconter l’histoire par dates précisément pour l’arracher à la nostalgie et à la facilité du légendaire patriotique. On peut parler de l’an 800 et du couronnement de Charlemagne sans en faire une histoire étriquée et réactionnaire. Entre ceux qui s’abandonnent au récit entraînant du roman national et ceux qui font profession de déconstruire cette entreprise idéologique, les premiers seront les plus facilement entendus. Voilà pourquoi il est nécessaire de réinvestir la forteresse de l’histoire exemplaire. On ne peut plus se contenter aujourd’hui d’opposer à ces récits simplificateurs et mensongers le démenti de la déconstruction des discours, sur l’air lassant du « c’était plus compliqué que cela ». Mais à partir de cette pensée critique qui est notre seule méthode, il convient de relancer un récit qui soit également entraînant tout en étant scientifiquement rigoureux. Abandonner la narration serait inconséquent car on connaît son efficacité.
 
HD. Comment avez-vous retenu les 146 dates qui composent le livre ? Certaines sont des classiques, comme 987 ou 1515, quand d’autres sont plus déroutantes, voire inconnues…
P. B. C’est une chronologie qui propose des moments et des séquences mais n’a pas l’ambition de repériodiser l’histoire. Nous ne prétendons nullement proposer un contre-récit, encore moins un anti-manuel. La date est un moyen puissant de donner à voir l’histoire mais qui n’en saisit pas tout. C’est cette faiblesse de la chronologie qui nous permet d’intercaler des dates plus surprenantes ou des dates factices comme « 1105, mort de Rachi », ou « 2008, mort d’Aimé Césaire » : elles ne sont pas des événements en soi, mais permettent de raconter une histoire. Rachi, rabbin de Troyes, est peut-être le premier écrivain français. Aimé Césaire met en jeu le rapport de la France avec la diversité, la francophonie… Autour d’une date, les auteurs nouent une intrigue théorique. C’est pour cela que le trait est souvent très large : pour raconter l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) et l’histoire de l’empire du français, on commence au XIIIe siècle et on termine au référendum de Maastricht…
 
HD. Cet ouvrage est-il aussi une réponse au traitement de l’histoire dans les mass media, de la réédition du Lavisse « augmenté et complété » par Dimitri Casali en passant par les émissions de Stéphane Bern ?
P. B. La réédition « complétée » d’Ernest Lavisse est une escroquerie intellectuelle et éditoriale. Il faut donc organiser la résistance face à ce type d’offensive idéologique, car ce sont aussi des impostures. Je suis moins inquiet du succès de Stéphane Bern ou de Lorànt Deutsch. L’histoire éditoriale récente montre que l’écart a toujours été important entre une histoire savante popularisée et une histoire populaire de très grand public. Au moment où Georges Duby et Emmanuel Le Roy Ladurie vendaient beaucoup de livres, André Castelot et Alain Decaux en vendaient bien davantage. Ce qui ne doit pas décourager les historiens de sortir de leur zone de confort pour aller chercher d’autres lectorats.
 
HD. La première date est 34 000 avant notre ère : pourquoi ?
P. B. Elle correspond à notre volonté de neutraliser la question des origines. C’est un tic journalistique que de prétendre traiter tous les problèmes « De l’Antiquité à nos jours » ou pire « Des origines à nos jours ». Ce n’est pas parce que je suis médiéviste qu’il me faut être un militant des généalogies reculées. Prenons un exemple : si l’on travaille sur la vague actuelle de terrorisme islamiste, on peut légitimement se poser la question de savoir s’il trouve son point de départ dans les années 1990 avec le GIA et les conséquences de la guerre civile algérienne. Mais si l’on croit pouvoir le faire remonter au temps des croisades et de la secte des « assassins » dans la Syrie du XIIIe siècle, on tombe dans le piège idéologique commun à tous les fondamentalismes identitaires qui exaltent l’origine pour nier l’histoire. Les origines de la France, ce n’est pas Clovis, ni saint Louis. Une des manières de déjouer le piège est de dire : dans les frontières de la France, quelle est la plus ancienne attestation archéologique de présence humaine ? Il semble que ce soit la grotte Chauvet. On commence donc avec la préhistoire.
 
HD. Est-ce que ce besoin de défendre l’histoire montre que la bataille idéologique autour de cette discipline s’est renforcée et va encore s’intensifier avec la campagne présidentielle ?
P. B. L’histoire n’est pas un art d’acclamation ou de détestation mais un savoir critique sur le monde. Or, cette évidence que l’on croyait acquise rencontre tant d’adversaires aujourd’hui qu’il est bon de la défendre à nouveau. Il a été surprenant de voir resurgir intactes des questions qui nous semblaient réglées depuis longtemps. Le sentiment d’être sur le reculoir peut être décourageant. Mais il faut trouver les moyens de se remettre dans le sens du jeu, comme disent les rugbymen – et pas seulement dans le domaine de l’histoire…
 
HD. Cela ne va-t-il pas de pair avec un discours très « âge d’or de la IIIe République » : retour de l’uniforme à l’école, présentation par certains candidats, particulièrement à droite, de la colonisation comme une œuvre de civilisation ?
P. B. On constate effectivement une tendance générale à ce que l’on appelle aujourd’hui la « post-vérité » : plus que le mensonge, c’est l’indifférence au déni du réel. Mais c’est la même chose sur les chiffres de l’immigration, sur la question climatique… Et malheureusement cela ne vient pas que de la droite. Une partie de la gauche et même de la gauche radicale se perd dans cette pratique d’une histoire qui exalte et simplifie, au mépris de la complexité du réel : ce n’est pas le même tri que celui fait par la droite, mais c’est tout de même un tri.
 
HD. Cette cristallisation du débat politique sur l’histoire est-elle quelque chose de nouveau ?
P. B. Dans « les Origines de la France », Sylvain Venayre (1) montre que la question des origines et de l’identité enfle au XIXe siècle puis perd de son intensité dans les années 1920, avant de connaître un regain dans les années 1930 puis de s’effacer à nouveau… avant de resurgir aujourd’hui. Pourtant cette question des origines de la France est réglée sur le plan scientifique dès le début des années 1960. Ce retour de flamme ne repose donc sur rien de scientifique. Peut-être avons-nous été inconséquents de nous cantonner dans un procès en récusation. À partir du moment où on nous pose cette question, et de manière obsessionnelle, il faut lui apporter une réponse. Ne pas le faire devient trop dangereux. Nous sommes dans un moment paradoxal où l’histoire est convoquée comme science auxiliaire d’un discours idéologique, ce qui la transforme en fausse science.
 
HD. Dans votre « Ouverture », vous revendiquez l’héritage de Michelet…
P. B. Le Michelet qui nous intéresse, celui qui écrit : « Ce ne serait pas trop de l’histoire du monde pour expliquer la France », se dit fils de la Révolution française, écrit une histoire en totale rupture avec ce qui se faisait avant lui, et aboutit à une fusion lyrique entre son moi et la France. Il l’a fait une fois, pourquoi le recommencer ? Relire Michelet, c’est se vacciner contre ses vils imitateurs. Il y a au fond deux manières de comprendre le lyrisme micheletien. La France est un pays qui, comme tout autre, ne peut s’expliquer uniquement par lui-même : on fera donc une histoire mondiale de la France. Mais en même temps, à certains moments de son histoire, on peut avoir le sentiment que la France n’est pas tout à fait un pays comme les autres et a une capacité à mobiliser émotionnellement quelque chose comme l’universel. Dans la plupart des pays du monde, l’enseignement de l’histoire est strictement national, et ne cesse de l’être qu’au moment d’aborder la Révolution française. Et là aussi c’est micheletien : cette histoire mondiale de la France relève le pari de l’universel que portent les Lumières et la Révolution. Remarquons que l’on est aujourd’hui dans un moment très intéressant : la Révolution française semble historiquement un thème pour demain, moins peut-être du point de vue de l’écriture de l’histoire, comme c’était le cas lors du grand débat Soboul-Vovelle-Furet, que parce qu’elle est énergiquement réinvestie par la littérature (le « 14 Juillet » d’Éric Vuillard), le théâtre (Joël Pommerat et sa pièce « Ça ira, fin de Louis »)… 
 
HD. à ce sujet, une entrée est consacrée à « 1989 : la Révolution est terminée »… Est-ce à dire que la tentative de « tuer » la Révolution française aurait échoué ?
P. B. Dans notre ouvrage, la dernière séquence, qui va de 1989 à 2015, est intitulée « Aujourd’hui en France » : cela ne veut rien dire de précis, sinon que nous touchons à la limite de notre capacité historienne à la lucidité politique. Il ne s’agit pas de dire que l’histoire du temps présent n’existe pas, il s’agit juste de remarquer que nous entrons dans une période incertaine où ce que nous vivons ne peut pas encore être qualifié. Cet événement en cours a commencé en 1989 et nul ne sait sur quoi il débouchera. Voilà pourquoi l’image que nous avons choisie pour l’illustrer est celle de Jessye Norman chantant « la Marseillaise » lors de la cérémonie du bicentenaire de 1789. Cette parade du publicitaire Jean-Paul Goude, qui a été tellement insultée, était peut-être une réponse à la question de l’identité française, avec la mise en scène des « tribus planétaires »… Il s’est passé là quelque chose de déterminant dans notre rapport à l’identité nationale. Et celle-ci était à l’époque un thème de gauche ! Dans son ouvrage « Dire la France », Vincent Martigny (2) montre que le thème de l’identité française naît à la fin des années 1970, plutôt à gauche, intègre les cultures minoritaires, est fondé sur l’anti-américanisme, et est repris par Jack Lang comme grand thème de sa politique pour inspirer « l’exception culturelle » : l’identité française est alors culturellement définie par sa diversité. Puis, en 1985, cela bascule : le thème est repris par la droite, la gauche s’en dessaisit. Et l’ouvrage de Braudel, « l’Identité de la France », est pris dans ce basculement : au moment où il paraît, il est mort, et le thème est passé à droite et devient une critique de la diversité… On pourrait faire cette histoire en racontant les commémorations : 1987, le millénaire capétien, « la création de la France » ; 1996, le 1 500e anniversaire du baptême de Clovis, avec Jean-Paul II… Ce que peut l’histoire, c’est organiser, contre la falsification par les discours politiques, un rappel à l’ordre du réel, qui est celui de la complexité historique.
 
HD. Vous allez rencontrer des écoliers pour parler avec eux de « Comment se révolter »… Ce n’est pas courant pour un professeur du Collège de France…
P. B. J’essaie de parler à tous les publics ! Ce sujet – les révoltes médiévales – m’est venu du contraste entre la manière dont on parle du Moyen Âge à l’école – la seigneurie, la féodalité, une sorte d’enfance de l’obéissance, une vision incroyablement normative – et les rayons jeunesse des bibliothèques municipales où l’on trouve « Robin des Bois », « Ivanhoé », des histoires d’enfants qui se révoltent, de gens en rupture de ban. Le Moyen Âge est plutôt une période énergique, créative, encourageante. Or, l’histoire ne vaut que si elle devient un art de l’émancipation. La première de ces conférences a eu lieu en janvier 2016, dans une ambiance très lourde, et j’ai essayé de raconter aux enfants qu’on se sort toujours de n’importe quelle situation, qu’il y a toujours une fin, pas forcément celle qu’on attend, et que ceux qui disent que l’on est condamné à toujours reproduire les mêmes haines ont tort.
 
HD. Dans votre leçon inaugurale au Collège de France, le 17 décembre 2015, vous disiez d’ailleurs : « Pourquoi se donner la peine d’enseigner sinon, précisément, pour convaincre les plus jeunes qu’ils n’arrivent jamais trop tard… »
P. B. Oui, parce que c’est un sentiment que ma génération – je suis né en 1965 – a pu avoir, de vivre à l’ombre de « la » Génération, celle qui a vécu les grandes choses… C’est après que j’ai compris qu’eux-mêmes étaient dans la répétition, la reprise, peut-être même la parodie : ils refaisaient la geste de la Résistance… Il ne faut pas s’étonner d’une forme de désenchantement, à ce moment-là, et du sentiment que les choses importantes étaient derrière nous. Ce qui est absurde car nous avons vécu des événements considérables depuis 1989. La seule chose dont mon fils de 19 ans est persuadé, comme tant d’autres de son âge, est qu’il vivra plus mal que son père, une croyance aussi solidement ancrée que l’était celle de mon propre père, persuadé de vivre mieux que le sien. Le monde va à sa perte : voilà ce qui apparaît à mon fils comme une évidence, presque une fatalité. Le défi qui est devant la gauche est celui de réarmer l’idée de progrès. On voit comment il a été compromis, par ceux qui le contrarient, par ceux qui le critiquent, et de quel prix et de quelles compromissions on l’a payé. Il faut réinventer une manière d’y croire à nouveau et de mener la bataille d’idées.
 
HD. Ne vous semble-t-il pas que l’histoire « vue d’en bas », celle des vaincus, des opprimés ou des oubliés, ou encore des imprévus, parvient à dépasser les cercles militants de l’histoire critique ?
P. B. En effet, et ma génération s’est peut-être enfermée dans une sorte de « chic intellectuel », une conception un peu « artiste » de l’histoire, de son écriture, inévitablement élitiste dans son allure et dans ses sujets. Quand j’étais étudiant en histoire à la Sorbonne, lieu légitime par excellence, les sujets les plus courus en histoire médiévale portaient sur les révoltés, les marginaux, les prostituées… Aujourd’hui, il n’y en a plus que pour l’histoire de l’Église, des intellectuels, des dominants. Ma génération a sans doute une responsabilité : elle n’a pas vu que cette histoire se poursuivait dans un cadre « militant », par exemple sur la Première Guerre mondiale, poursuivant quelque chose que nous avions délaissé. Maintenant il faut s’en ressaisir. On voit bien que l’histoire des mémoires coloniales, par exemple, s’est développée dans les bas-côtés de l’histoire universitaire légitime – elle n’avait pas vraiment droit de cité dans « les Lieux de mémoire » de Pierre Nora. Aujourd’hui, quelle est l’histoire militante qui se développe de manière véhémente sans doute, approximative peut-être, mais énergique, et qui pour cela mérite d’être considérée ? Où est notre angle mort ? Si on n’y prend pas garde, les hiérarchies symboliques des positions académiques calquent les hiérarchies des sujets et de leur dignité supposée.
 
HD. Vous avez été nommé il y a un an professeur au Collège de France, et, en particulier depuis votre leçon inaugurale, « Ce que peut l’histoire », vous êtes sorti d’une certaine ombre médiatique. Comment vivez-vous cela ?
P. B. Je mentirais si je disais que je n’ai pas souhaité l’écho donné à cette leçon. Cette notoriété nouvelle m’a par exemple permis de participer activement à l’organisation au Collège de France du colloque de rentrée sur « Migrations, réfugiés, exils », un thème en plein dans l’actualité, ce qui était une réponse. La question est de savoir quel projet d’influence on a…
(1) « Les Origines de la France. Quand les historiens racontaient la nation », de S. Venayre. Éd. du Seuil, 2013.
(2) « Dire la France », de V. Martigny. Presses de Sciences-Po, 2016.
Partager cet article
Repost0
9 janvier 2017 1 09 /01 /janvier /2017 06:34
Hommage à Danièle Casanova par Robert Clément

Danielle Casanova, née le 9 janvier 1909, elle meurt à Auschwitz le 9 mai 1943.
 

« Dernière lettre de Danielle Casanova depuis le fort de Romainville avant le départ pour Auschwitz »


Demain, 5 heures lever, 6 heures fouille, puis départ en Allemagne.
Nous sommes 231 femmes, des jeunes, des vieilles, des malades et même des infirmes. La tenue de toutes est magnifique, et notre belle Marseillaise a retenti plus d’une fois.
Nous ne baisserons jamais la tête ; nous ne vivons que pour la lutte. Les temps que nous vivons sont grandioses.
Je vous dis au revoir ; j’embrasse tous ceux que j’aime. N’ayez jamais le cœur serré en pensant à moi.
Je suis heureuse de cette joie que donne la haute conscience de n’avoir jamais failli et de sentir dans mes veines un sang impétueux et jeune.
Notre belle France sera libre et notre idéal triomphera »
Lors de la dissolution du Parti communiste, Danielle passe dans la clandestinité pour mener le combat dès 1939 contre l’occupant nazi. Elle fut, avec Albert Ouzoulias à l’origine des « Bataillons de la jeunesse ». Consciente des risques encourus, elle adapte son organisation aux conditions de la vie illégale. Elle s’occupe de l’édition clandestine de l’Avant-Garde et d’autres publications, assure la liaison entre la direction illégale du PC et les intellectuels influents. Quelques jours avant l’arrivée des Allemands à Paris Danielle quitte la capitale avec Georgette Cadras-Laffitte. sauvant ainsi les archives du parti et rentre dès juillet à Paris . En octobre 41 avec l’aide de Josette Cothias, elle édite une « Humanité des femmes » Fin janvier 41 Danielle lance le n° 1 du bulletin « le trait d’union des familles de P.G » qui paraîtra jusqu’en 1944. Danielle est au cœur du mouvement de protestation contre l’occupant et la politique de Vichy. La direction du PC l’avait également chargée de rassembler les intellectuels patriotes, nouvelles activités qui la conduiront directement à l’arrestation. Danielle a été arrêtée le lendemain de sa rencontre avec Josette Cothias près du Pont Mirabeau le 15 février 1942, victime d’un « coup de filet » préparé de longue date. Elle reste au Dépôt de la Préfecture de Police jusqu’au 23 mars. Elle y a retrouvé des amies : Maï Politzer, M.C Vaillant-Couturier. Le 23 mars elles quittent le Dépôt pour la prison de la Santé. Elles y resteront 5 mois ½ souffrant de la faim et de la présence de la mort. Le 9 juin 1942 les femmes sont emmenées rue des Saussaies pour interrogatoire par la « Gestapo Incarcérée à Romainville elle devient la rédactrice en chef du « Patriote de Romainville rédigé par des patriotes de toutes opinions écrit et recopié à la main. Le 21 janvier 1943, presqu’un an après son arrestation, Danielle est déportée. Le convoi arrive à Auschwitz-Birkenau , elles sont 230. C’est le convoi des otages, des veuves, convoi-symbole des femmes de la résistance, elles avaient entre 17 et 69ans. 119 communistes ou proches du parti 12 appartenaient à des réseaux gaullistes, 51 arrêtées pour actes de résistance. A leur arrivée au camp le jour se lève à peine, sous l’œil médusé des SS les Françaises passent la porte du camp en chantant à tue-tête. La dentiste en fonction venait de mourir du typhus Danielle la remplace. Elle se trouve ainsi dans une situation exceptionnelle, elle distribue à ses camarades les plus démunies nourriture et lainages, et des médicaments volés. Elle a presque immédiatement établi le contact avec l’organisation clandestine. Et grâce à la complicité de Malhova (interprète slovaque) et la communiste Gerda Schneider elle trouve la filière internationale de la résistance.. Début mai 1943 des tracts dénonçant l’horreur d’Auschwitz circulent en France. Danielle connaît le block 26 où sont parquées ses camarades. Elle y va le soir soigner les malades console encourage. Les camarades meurent les unes après les autres .vaincues par le typhus.( Sur les 49 rescapées du convoi seules 3 réussirent à échapper au typhus Le 1er mai 1943 prise d’une violente fièvre, elle ne reconnaissait personne. Puis la fièvre est retombée, signe fatal. Le 9 mai 1943 Danielle n’est plus, elle est tombée sans avoir jamais cessé de croire dans la vie nouvelle.

 

Danielle Casanova et Maria de Perreti, deux figures de la résistance honorées à Ajaccio le 9 mai 2015

Danielle Casanova: l'hommage de Maurice Ulrich, L'Humanité - 19 juillet 2010

 

Partager cet article
Repost0
8 janvier 2017 7 08 /01 /janvier /2017 08:30
Bertolt Brecht, né le 10 février 1898 à Augsbourg, en Bavière et mort le 14 août 1956 à Berlin-Est, est un dramaturge, metteur en scène, critique théâtral, écrivain auteur de romans et récits en prose et poète allemand du XXᵉ siècle. Communiste, il s'exila et fut déchu de sa nationalité pendant la période nazie.

Bertolt Brecht, né le 10 février 1898 à Augsbourg, en Bavière et mort le 14 août 1956 à Berlin-Est, est un dramaturge, metteur en scène, critique théâtral, écrivain auteur de romans et récits en prose et poète allemand du XXᵉ siècle. Communiste, il s'exila et fut déchu de sa nationalité pendant la période nazie.

ELOGE DE LA DIALECTIQUE

L’injustice aujourd’hui s’avance d’un pas sûr.
Les oppresseurs dressent leurs plans pour dix mille ans.
La force affirme: les choses resteront ce qu’elles sont.
Pas une voix, hormis la voix de ceux qui règnent,
Et sur tous les marchés l’exploitation proclame: c’est maintenant que je commence.
Mais chez les opprimés beaucoup disent maintenant :
Ce que nous voulons ne viendra jamais.

Celui qui vit encore ne doit pas dire : jamais!
Ce qui est assuré n’est pas sûr.
Les choses ne restent pas ce qu’elles sont.
Quand ceux qui règnent auront parlé,
Ceux sur qui ils régnaient parleront.
Qui donc ose dire: jamais ?
De qui dépend que l’oppression demeure? De nous.
De qui dépend qu’elle soit brisée? De nous.
Celui qui s’écroule abattu, qu’il se dresse!
Celui qui est perdu, qu’il lutte !
Celui qui a compris pourquoi il en est là, comment le retenir?
Les vaincus d’aujourd’hui sont demain les vainqueurs
Et jamais devient: aujourd’hui.

(Bertolt Brecht - traduction Maurice Regnaut) 

Partager cet article
Repost0
8 janvier 2017 7 08 /01 /janvier /2017 06:15
Charlotte Delbo en 1950

Charlotte Delbo en 1950

Charlotte Delbo : l’écriture comme ultime moyen de résistance
VIOLAINE GELLY
VENDREDI, 20 DÉCEMBRE, 2013
L'HUMANITÉ

Résistante communiste, Charlotte Delbo est arrêtée en 1942. Déportée en 1943, elle fait partie du seul convoi de femmes politiques à avoir été envoyé à Auschwitz. Par l’écriture, Charlotte Delbo témoignera sa vie durant de la solidarité qui a permis aux déportées de tenir et pour certaines de survivre.

À l’occasion du centième anniversaire de sa naissance, la France redécouvre la figure et les œuvres de Charlotte Delbo, grande voix féminine sur la déportation. Une biographie, des colloques, partout des lectures et des mises en scène de ses pièces de théâtre, redonnent vie à cette écrivaine oubliée.

« Ô vous qui savez

Saviez-vous que les pierres du chemin

[ne pleurent pas

qu’il n’y a qu’un mot pour l’épouvante

qu’un mot pour l’angoisse ?

Saviez-vous que la souffrance

[n’a pas de limite

l’horreur de frontière ?

Le saviez-vous ?

Vous qui savez. »

Elle a trente-trois ans, la jeune femme qui écrit ces vers, au printemps de 1946. Elle est hospitalisée en Suisse, dans une clinique, pour soigner un corps meurtri par vingt-sept mois de déportation, un cœur abîmé et une âme mal en point. Après la lutte contre l’occupant nazi dans la résistance française, l’emprisonnement, la déportation à Auschwitz-Birkenau, la libération, elle s’est écroulée. Vaincue par toutes ces morts dont elle n’a pas pu faire le deuil, cette mort qu’elle a frôlée de tellement près et dont elle ne comprend pas qu’elle ne l’ait pas emportée, comme elle a pris l’homme qu’elle aimait, ses compagnes de combat, ses amies de camp. Alors pour repousser les ombres, elle écrit. Elle écrit comme on pleure, elle écrit comme on vomit. Et puis, elle enferme ce manuscrit dans un tiroir, puis dans un carton. Aucun de nous ne reviendra, ainsi qu’elle l’a nommé en empruntant des vers de Guillaume Apollinaire, l’un des textes les plus forts, les plus puissants de la littérature concentrationnaire, disparaît pour vingt ans.

Charlotte Delbo est née en 1913, d’une famille d’immigrés italiens, fille d’ouvrier. Elle arrête l’école à l’âge de seize ans et devient sténodactylo. Nous sommes au début des années 1930 en France. Membre des Jeunesses communistes, elle assiste aux cours de l’Université ouvrière, ouverte par le PCF pour ses jeunes cadres. Là, la jeune femme tombe amoureuse. Georges Dudach a dirigé, avec Paul Nizan, le journal des JC, les Cahiers de la Jeunesse. Delbo y fait des critiques de littérature et de théâtre. À cette occasion, en 1937, elle est amenée à interviewer Louis Jouvet, la grande star du cinéma et du théâtre français d’avant-guerre. Entre le monstre sacré et la jeune femme, une surprenante amitié va se nouer qui se conclut par une embauche de Charlotte au Théâtre de l’Athénée.

Au début de la guerre, Delbo suit la troupe de l’Athénée et Jouvet en tournée en Amérique latine. Puis, seule, en désaccord avec son « patron », retraverse l’océan Atlantique pour retrouver son mari et la clandestinité. Ils rejoignent tous les deux le réseau Politzer. Et, en mars 1942, tombent avec lui, en compagnie de Georges et Maï Politzer, Danielle Casanova, Marie-Claude Vaillant-Couturier. Georges Dudach est fusillé le 23 avril 1942. Après le fort de Romainville, Charlotte Delbo et ses compagnes sont déportées, le 23 janvier 1943, à Auschwitz. Elles sont 230. Cinq mois plus tard, la faim, le typhus, le froid et les travaux forcés en auront tué 180. Puis elles sont transférées à Ravensbrück. En avril 1945, elles seront 49 à revenir.

Au retour, à Paris, l’état de santé de Delbo nécessite une longue convalescence en Suisse. C’est là qu’elle écrit Aucun de nous ne reviendra, avant de l’enfermer dans un tiroir pour juger de l’épreuve du temps sur son manuscrit. Elle travaillera à l’ONU, puis au CNRS. Mais le combat et l’écriture la rattrapent. Aux Éditions de Minuit, elle publie les Belles Lettres, une anthologie de missives écrites par des opposants à la guerre d’Algérie. Puis, elle publie enfin Aucun de nous ne reviendra, suivi des deux autres tomes de sa trilogie Auschwitz et après. Avec le récit des biographies des 230 femmes du Convoi du 24 janvier, elle rend hommage à ses sœurs de souffrance et assume le rôle qu’elles lui avaient fixé : témoigner. Ses mots, son ton sans pathos, sa précision dans les descriptions, son implacable talent. Avec la parution de ces livres, un verrou saute chez Delbo. Elle ne cessera plus d’écrire, textes, chroniques, poèmes, pièces de théâtre. L’écriture comme ultime moyen de résistance, l’écriture comme acte politique.

Alors que le cancer du poumon qui rattrape cette grande fumeuse la prive lentement de ses forces, Delbo écrit et témoigne jusqu’au bout. Elle enchaîne les conférences, notamment aux États-Unis où son œuvre ne cesse de susciter des thèses et ses pièces d’être montées. Alors qu’elle est ignorée en France. Au Pavillon français d’Auschwitz, des cinq portraits symboles de la déportation française, elle est la seule non juive. Un hommage posthume. Ses derniers mots, sur son lit d’hôpital, sont pour sa meilleure amie : « Tu leur diras, toi, que j’ai eu une belle vie. »

la singularité d’un témoignage  Née en 1913 et décédée en 1985, Charlotte Delbo a mêlé sa vie à celle d’un siècle. Son œuvre 
se décline sur deux versants. Le premier est celui de ses récits. Contre la guerre d’Algérie : 
les Belles Lettres (Minuit, 1961). Sur les camps : le Convoi du 24 janvier (Minuit, 1965), Mesure de nos jours. Auschwitz et après (Minuit, 1970-1971), la Mémoire et les Jours (Berg International, 1985), Spectres, mes compagnons (Berg International, 1995). Le deuxième versant est celui de son théâtre : la Théorie et la Pratique (Anthropos, 1969), la Sentence (P.-J. Oswald, 1969), Qui rapportera ces paroles ? (P.-J. Oswald, 1974), Maria Lusitania & le Coup d’État (P.-J. Oswald, 1975), la Ligne de démarcation & la Capitulation (P.-J. Oswald, 1977), Ceux qui avaient choisi (les Provinciales, 2011).

 

Pour en savoir plus sur la vie et l’œuvre de Charlotte Delbo : Charlotte Delbo, par Violaine Gelly et Paul Gradvohl, 
Éditions Fayard, 2013, 324 pages, 19 euros.

Un site : www.charlottedelbo.org. En partenariat avec Citéphilo :http://www.citephilo.org/manif/charlotte-delbo-fayard.

Partager cet article
Repost0
7 janvier 2017 6 07 /01 /janvier /2017 08:26
Il y a deux ans, rassemblements solidaires à Morlaix pour les valeurs de Liberté, Egalité, Fraternité après les massacres de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher (photos du rassemblement de Pierre-Yvon Boisnard)


Nous sommes  le 07 janvier 2017
https://www.flickr.com/photos/pyb29/sets/72157650231648742

 

« Charlie ». Il y deux ans, Morlaix se rassemblait

Quelques heures après les terribles attentats de Charlie Hebdo, les rassemblements spontanés avaient réuni plusieurs milliers de personnes, un peu partout, en France. À Morlaix, en ce mercredi 7 janvier 2015 de sinistre mémoire, 400 personnes s'étaient retrouvées devant la mairie en fin de journée, avec gravité. Tous ensemble, afin de faire front face à la barbarie et pour plaider en faveur de la liberté d'information. Quatre jours plus tard, à l'appel de plusieurs associations et organisations, ce sont plus de 10.000 personnes qui avaient défilé dans le centre-ville de la Cité du viaduc avec pour leitmotiv : « liberté, égalité, fraternité ».
http://www.letelegramme.fr/finistere/morlaix/charlie-il-y-a-un-an-morlaix-se-rassemblait-07-01-2016-10911172.php

Charlie Hebdo rassemblement Mairie de Morlaix 07.01.15
https://www.flickr.com/photos/pyb29/sets/72157649766892858

Morlaix Charlie Hebdo 11 janvier 2015
https://www.flickr.com/photos/pyb29/albums/72157650231648742

Charlie Hebdo : Riposte cuturelle à Morlaix dimanche 18 janvier 2015
https://www.flickr.com/photos/pyb29/albums/72157649959278438

Partager cet article
Repost0
5 janvier 2017 4 05 /01 /janvier /2017 12:00
Hommage de l'ADECR Alpes-Maritimes à Louis Fiori, à l'homme, au résistant, à l'élu communiste

Une autre image de Nice que les Medecin, Estrosi et consorts!

Hommage de l’ADECR des Alpes-Maritimes à Louis Fiori, à l’Homme, au Résistant, à l’élu communiste

mercredi 4 janvier 2017

Louis Fiori ancien Président de l’ADECR 06 nous a quitté.

Pour des générations de militants, d’écoliers, il a représenté un idéal à suivre. Car Loulou, au delà de son engagement de toute une vie était avant tout un Homme respecté de tous.

Comme instituteur tout d’abord à Saorge, Fontan, au Broc, à Nice St. Philippe, puis
comme directeur d’école à St. Pierre d’Arène et à la Bornala.

En janvier 1943 âgé de 17 ans il entre en Réssitance dans un groupe de FTPF du Lycée de Nice. Il participe avec un groupe Combat-ORA au combat de La Clapière dans le secteur de Carros pour lequel il recevra la Croix de Guerre avec citation. En septembre 1944 il s’engage pour la durée de la guerre au Bataillon 22/15 puis au sein du 3e RIA avec lesquls il combat dans le mentonnais et à Saint-Martin de Vésubie.

En novembre 1946 il adhère au Parti Communiste Français, dont il restera membre jusqu’à ce jour, après avoir de longues années été membre de sa direction départementale.

Dès 1948 il milite syndicalement. En 1960 il devient secrétaire du Comité départemental d’Action Laïque et anime les luttes contre les Lois Debré et Barangé.

Il est conseiller municipal du Broc de 1953 à 1965, puis de Carros de 1965 à 1977.

Mais c’est par son activité à Nice où il mènera de 1978 à 1995, avec Charles Caressa, un combat sans concession en Conseil Municipal contre Jacques Médecin qu’il restera dans l’histoire du Comté.

Il sera Conseiller Général du 9e Canton de Nice de 1973 à 1982, puis Conseiller Régional de 1986 à 1998.

Il était depuis 2006 vice-président de l’Association azuréenne des amis du Musée de la Résistance Nationale.

L’ADECR rend hommage à sa mémoire et s’associe au deuil de sa famille.

L’ADECR demande qu’une rue de Nice porte désormais son nom.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le chiffon rouge - PCF Morlaix/Montroulez
  • : Favoriser l'expression des idées de transformation sociale du parti communiste. Entretenir la mémoire des débats et des luttes de la gauche sociale. Communiquer avec les habitants de la région de Morlaix.
  • Contact

Visites

Compteur Global

En réalité depuis Janvier 2011