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22 février 2021 1 22 /02 /février /2021 06:37

 

Le chef de l’Etat affirmait 23 août 2019 qu’il s’opposerait à la ratification  de l’accord de libre- échange signé  le 29 juin de la même année  entre la Commission européenne et les pays du Mercosur, suite à la multiplication des incendies en Amazonie. Désormais il manœuvre en coulisse pour faire ratifier cet accord. Ce faisant, il tourne le dos à la souveraineté alimentaire de la France et à la nécessité de lutter de manière cohérente contre le réchauffement climatique en cours.

Dans l’Humanité d’hier, 18 février, on apprenait que 48 députés, membres de  différents groupes, avaient,  à l’initiative  du communiste André Chassaigne, tenu de conférence de presse commune la veille  pour demander que les éleveurs  des zones de montagne « conservent au moins le niveau actuel des aides de la politique agricole commune (PAC) », dans le cadre de la réforme à venir dont débattent  actuellement les ministres de l’Agriculture  des 27 pays membre de l’Union européenne. Avec la diminution annoncée du budget de la PAC pour les années de 2023 à 2027, les Indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) pourraient être réduites, ce qui ferait reculer l’élevage à l’herbe dans les zones de prairies naturelles qui ont la double particularité de stocker du carbone  et de ne pas être assez fertiles pour produire de manière rentable des plantes annuelles comme les céréales.  Voilà qui donne une idée de l’absurdité qui peu régner au sein du collège des commissaires à Bruxelles.

On sait que cette commission a signé un accord de libre-échange le 29 juin 2019 avec les pays du Mercosur. Il doit permettre à ces pays d’exporter en Europe et sans droits de douanes quelques 99.000 tonnes annuelles supplémentaires de viande bovine et 100.000 tonnes de viandes volailles de plus, sans compter les exportations de tourteaux de soja pour nourrir le bétail européen. Réduire en même temps dans les pays membres de l’Union l’ICHN qui permet de maintenir vaille que vaille l’élevage à l’herbe  dans les zones difficiles  revient à tirer  une balle dans le pied  des paysans qui produisent de la viande et de lait dans ces régions , qui plus est , sous signes de qualité  dans bien des cas.

Bruxelles propose de produire moins pour importer plus

On sait aussi que la Commission européenne demeure mandatée par la France et les autres pays membres de l’Union européenne pour négocier des accords de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle Zélande. Or ces deux pays veulent aussi vendre plus de viande et de produits laitiers en Europe.  Pourtant la Nouvelle Zélande bénéficie déjà d’un contingent annuel d’exportation de viande ovine de quelques 230.000 tonnes en Europe. Ce contingent est maintenu depuis la sortie du Royaume Uni  de l’Union européenne alors que ce pays était le principal importateur de viande ovine néo-zélandaise.

On sait aussi que dans son « Pacte vert pour l’Europe » la Commission européenne propose de mettre 10 millions d’hectares de terres agricoles en jachère dans les pays membres pour, soit disant, favoriser la biodiversité. Mais comme cela se traduira par le recul de l’élevage à l’herbe dans les zones difficiles, cette politique favorisera la friche et le recul de la biodiversité en même temps. Pour ne prendre qu’un exemple, là où les vaches ne vont plus aux alpages en été, la vie du tétras lyre, un oiseau emblématique des Alpes, se trouve mise en danger car les poussins ne trouvent plus les protéines animales dont ils ont besoin durant leurs premières semaines de vie. Ces protéines sont des larves d’insectes qui ne se trouvent que dans les bouses de vache sur les parcours herbagers quand elles rejoignent les alpages vers la fin de la couvaison au printemps !

Trop de grain et pas assez d’herbe dans l’auge du bétail européen

Si nous voulons que le bilan carbone de la production de viande diminue en Europe, il faut une politique agricole qui favorise l’élevage à l’herbe et réduise la part des céréales et des graines protéagineuses dans l’alimentation des herbivores ruminants comme les bovins, les ovins et les caprins. Or, les derniers chiffres connus avant la sortie du Royaume Uni de l‘Union nous indiquaient que l’Europe utilisait chaque année 220 millions de tonnes de céréales et d’oléo-protéagineux pour nourrir le bétail. Détail supplémentaire, 70% des oléo-protéagineux étaient importés de pays tiers, essentiellement des pays du Mercosur. Dans cette Union européenne, il y avait 74 millions d’hectares de prairies temporaires dont 17 millions d’hectares de parcours et landes. Ce sont toutes ces superficies qui seraient moins aidées par une baisse de l’ICHN. Parallèlement, 30% du cheptel européen se trouve concentré sur 11% de la surface agricole utile (SAU) dans les pays membres de l’Union européenne. C’est notamment le cas des Pays Bas qui importent beaucoup de nourriture du bétail et exportent beaucoup de viande et de produits laitiers   avec un bilan carbone désastreux.

C’est au regard de ce type de bilan qu’il faut analyser les accords de libre-échange que la Commission Européenne ne cesse de négocier avec l’accord d’Emmanuel Macron. En prenant connaissance du contenu de l’accord de libre-échange signé le 29juin 2019 entre la Commission européenne  et les pays du Mercosur dont fait partie le Brésil, il avait déclaré : «Cet accord est bon à ce stade ». Ce n’était pas l’avis de paysans français qui craignaient une chute des prix au départ des fermes en raison d’importations supplémentaires de viandes bovines et de volailles à tarifs douaniers réduits en provenance du Brésil présidé par Jair Bolsonaro.

Les prises de positions manœuvrières du présent français

Dans les semaines qui suivirent la signature de cet accord, on constata une multiplication des incendies en Amazonie. Ils étaient initiés par les firmes brésiliennes de l’agrobusiness afin de défricher de nouvelles terres pour accroître les exportations vers l’Europe. Du coup, le président Macron déclara le 23 août 2019 vouloir s’opposer à cet accord « en l’état ». Depuis, il n’en parle plus.  Mais Franck Riester, le très discret ministre-délégué en charge du Commerce extérieur, affirme désormais qu’il refuse d’admettre que dix années de négociations commerciales entre l’Europe et le Mercosur « n’aient servi à rien ». Cela revient à plaider en faveur de la ratification par la France de l’accord UE-Mercosur. Sans doute dit-il cela à la demande du président Macron pour tester l’opinion des Français sur le sujet.

Un récent communiqué de la Fédération nationale  bovine (FNB) de la FNSEA- dont nous avons déjà fait état dans un précédent article - indique que les éleveurs de cette fédération «n’ont pas été rassurés par Franck Riester, lors de la réunion  du Comité de suivi  de la politique commerciale du jeudi 4 février (…) Interrogé par de nombreux participants  sur la manière dont la France comptait concrétiser  la prise en compte de ses exigences  et leur application par le pays du Mercosur», le ministre  délégué au Commerce extérieur « n’a fourni aucun début de réponse».

La même FNB a fait une révélation encore plus surprenante : « de l’aveu même de Franck Riester, la France pourrait perdre son « droit de veto » lors du vote de l’accord Mercosur au Conseil européen, sans réaction de la part du Gouvernement ».  Alors que la Commission européenne avait confirmé la nature juridique « mixte » de l’accord d’association avec le Mercosur, cette procédure serait abandonnée. Du coup, la France serait privée de son droit de veto comme du droit de faire ratifier l’accord par le Parlement !

 Ainsi donc, tout indique que le président de la République manœuvre en en coulisse, mais en totale concertation avec la Commission européenne, pour revenir sur sa promesse de ne pas ratifier un accord commercial dangereux pour notre souveraineté alimentaire comme pour le climat de ce XXIème siècle. Dans ce cas précis, le «et en même temps » du président Macron consisterait donc à pousser l’Europe à modifier la procédure de ratification pour priver la France et son droit de veto et permettre au chef de l’Etat de sauver la face par ce biais !

 

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22 février 2021 1 22 /02 /février /2021 06:32

 

À peine terminées, les inondations qui ont causé de nombreux dégâts dans plusieurs régions du pays semblent oubliées par les grands médias audiovisuels. De son côté, le gouvernement s’est contenté de faire jouer « l’état de catastrophe naturelle » pour les départements les plus touchés, sans chercher à tirer les leçons de ce qui vient de se passer. Pourtant, le réchauffement climatique nous montre déjà que stocker de l’eau en hiver, afin d’en disposer en été, sera vital dans les prochaines décennies.

Par Gérard le Puill

 

La première semaine du mois de février 2021 a été marquée par des inondations qui ont provoqué d’importants dégâts dans plusieurs régions de notre pays. La seconde semaine nous a fait subir une vague de froid et des chutes de neige que beaucoup d’enfants, nés au début de ce XXIe siècle, découvraient pour la première fois de leur vie. La troisième semaine nous offre déjà un temps ensoleillé et parfois très chaud pour la saison. Il doit s’amplifier au cours de la quatrième semaine. Du coup, la végétation prend de l’avance et les fleurs jaunes des jonquilles s’ouvrent déjà dans les parcs en Ile-de-France et ailleurs. Mais gare aux conséquences économiques si des gelées tardives viennent perturber la formation des grappes dans les vignes et la floraison des arbres fruitiers dans plusieurs régions du pays.

En attendant, le niveau de la Charente ne baisse que très lentement et des sinistrés ont encore les pieds dans l’eau. Mais l’actualité liée à la pandémie du coronavirus, avec la multiplication de ses « variants », a vite fait oublier les dégâts des eaux, sauf pour ceux et celles qui en furent les victimes. Il y a pourtant des leçons à tirer de ces crues hivernales de plus en plus fréquentes, tout comme des sécheresses estivales de plus en plus nombreuses en ce début de XXIe siècle. En mars 2015, quelques mois avant la conférence de Paris sur le climat, la revue « Pour La Science » et l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) publiaient une dizaine de textes sur la nécessité d’améliorer la résilience du pays face au réchauffement climatique.

Quand le Doubs cesse de couler en été

L’une de ces études était centrée sur la préservation de la richesse des milieux aquatiques face au réchauffement climatique. On pouvait y lire que dans notre pays « la baisse des débits des cours d’eau sera de l’ordre de 20 à 25 % d’ici la fin du siècle, ce qui devrait s’accompagner d’un allongement des périodes d’étiage. Les évènements de pluviométrie extrême devraient multiplier les crues ou les périodes de hautes eaux. En réduisant les quantités d’eau circulant dans les hydrosystèmes, le changement climatique conduirait aussi à diminuer la connexion hydrologique entre les différentes parties d’un fleuve (amont, aval, estuaire et affluents). L’habitat aquatique en serait d’autant plus fracturé ».

Dis autrement, il y aura dans les prochaines décennies, de plus en plus de portions de ruisseaux et de rivières à sec durant la belle saison en France. C’est déjà le cas pour une rivière comme le Doubs. Sachant cela, on peut aussi considérer que construire des barrages de taille modeste, très en amont sur les affluents des fleuves qui débordent de plus en plus souvent en cas de fortes pluies, pourrait permettre de limiter les crues et contribuerait aussi à maintenir un débit suffisant dans une multitude de cours d’eau durant à la belle saison afin de préserver la faune aquatique. Mais, en France, chaque projet de barrage voit se lever des oppositions provenant souvent d’organisations de réclamant de l’écologie, sans jamais prendre à compte les avantages d’une retenue d’eau à mettre en balance avec ses inconvénients.

Entre deux maux, il faut choisir le moindre

La revue déjà citée publiait en mars 2015 un autre texte intitulé : « Anticiper une diminution de la ressource en eau », accompagné du sous-titre suivant : « La ressource en eau subira de plein fouet le changement climatique. Il sera indispensable de réduire les consommations et de mettre en place une gestion raisonnée de cette ressource fragile et limitée ». En conclusion de cet article on pouvait lire ceci :

« Le bassin-versant une région où toutes les eaux convergent vers e même exutoire est l’unité territoriale la mieux adaptée à cette réflexion collective (pour la gestion de l’eau, N.D.L.R.). Dans ce cadre, il s’agit de privilégier l’usage des sols qui présentent les meilleures capacités d’adaptation et de résilience. Cette approche conduira au développement d’outils de gestion capables d’intégrer les considérations agronomiques et hydrologiques à différentes échelles. La ressource en eau étant source de conflits, ces adaptations devront intégrer la notion d’équité entre les acteurs concernés. La gestion par bassin-versant devra s’attacher à une gestion solidaire entre bassins voisins, sans oublier que les aménagements ont d’impacts locaux, mais aussi à grande échelle sur les écosystèmes fluviaux, côtiers et marins ».

Si le langage est un peu technocratique, il dit néanmoins qu’on ne peut pas avoir tous les avantages en même temps. Mais entre deux maux, il faut choisir le moindre, surtout quand on a besoin d’eau pour produire de la nourriture, tout comme au robinet dans sa maison et son appartement. En 2019 et 2020 les Français ont connu des restrictions d’eau en été dans presque toutes les régions de France métropolitaine. Ce ne fut pas le cas en Ile-de-France qui concentre pourtant la plus grande densité de population.

Le rôle des grands lacs en amont de Paris

Car durant ces deux étés, les débits de la Seine et de la Marne ont été soutenus à plus de 60 % par l’eau stockée en hiver dans les lacs d’Orient et du Der Chantecop en Champagne, dans le lac de Pannecière dans le Morvan. Du coup, l’eau de la Seine pouvait être captée par les unités de traitement pour nous fournir une eau potable au robinet. Ce sont aussi ces lacs qui permettent de limiter les crues hivernales en Ile-de-France. Sans eux, les inondations dans l’agglomération parisienne seraient bien plus importantes que celles qui ont frappé de nombreux départements de la Région Nouvelle Aquitaine au début de mois de février.

En France presque tous les cours d’eau prennent leur source à l’intérieur du pays. De même, presque tous les bassins-versants font cheminer l’eau vers la mer dans un pays qui compte près de 3 500 kilomètres de côtes. La France peut donc réguler les cours d’eau et réduire les risques d’inondation sans porter préjudice aux pays frontaliers. Elle peut aussi produire davantage d’électricité sans émettre ce CO2 dans l’hydraulique en alternance avec l’éolien et le solaire.

Quand on aspire à devenir un écologiste conséquent, on doit aussi être en capacité de comprendre cela. Mais c’est encore loin d’être le cas en ce début de XXIe siècle à en juger par les nombreuses prises de position contre la régulation du débit des grands fleuves.

 

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21 février 2021 7 21 /02 /février /2021 06:35

Plusieurs organisations non gouvernementales demandent l’arrêt des livraisons d’armes de Paris à Riyad. Elles se heurtent à une fin de non-recevoir malgré les crimes de guerre documentés. ENTRETIEN.

BENOÎT MURACCIOLE

Président de l’ONG Action sécurité éthique républicaines

 

 

Au mois de décembre, vous avez publié un rapport dans lequel vous parlez de crimes contre l’humanité au Yémen. Qu’en est-il ?

BENOÎT MURACCIOLE Nous avons fait un travail de recoupement avec les rapports des experts des Nations unies (c’est-à-dire adoubés par l’ONU et les membres permanents du Conseil de sécurité, dont la France). Ces rapports évoquaient de possibles crimes de guerre au Yémen. Et lorsque nous avons étudié les descriptions de ces crimes de guerre, nous nous sommes aperçus qu’elles avaient un caractère systématique et répété et qu’on rentrait, de ce point de vue, dans la qualification de crimes contre l’humanité. Cela n’arrivait pas de façon fortuite mais après deux, trois ans de guerre et malgré toutes les demandes et interventions des experts des Nations unies aussi bien que du Conseil de sécurité auprès des parties pour respecter le droit international.

 

En quoi la France serait-elle complice ?

BENOÎT MURACCIOLE La France est engagée dans plus d’une centaine de traités liés aux droits de l’homme, à commencer par la charte des Nations unies. Et parce que la France est partie du traité sur le commerce des armes (TCA). L’article 6 du TCA précise que lorsque des États ont connaissance de graves violations du droit international, de la convention de Genève de 1949, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, ils doivent stopper les exportations d’armes. On n’est pas dans une évaluation du risque mais dans une potentialité du risque. Le paragraphe 2 de ce même article précise que si le transfert lui-même représente une violation des engagements internationaux du pays, ce transfert doit cesser.

Votre association, Aser, ainsi que d’autres organisations non gouvernementales (ONG) ont interpellé le gouvernement français. Quelles ont été les réponses ?

BENOÎT MURACCIOLE Je travaille sur ces questions depuis plus de vingt ans avec les différents ministères. Nous les avons interpellés sur ce dossier précis des armes utilisées au Yémen. Nous n’avions pas de réponses mais des discussions. À partir du moment où nous avons saisi le tribunal administratif, en 2018, les ministères et l’Élysée ont cessé tout dialogue avec nous. C’est une immense preuve de faiblesse. Aujourd’hui, nous sommes devant le Conseil d’État. Nous avons gagné en première instance devant le tribunal administratif puis un renvoi en appel. Mais l’essentiel est que nous soyons devant le Conseil d’État avec Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, Action contre la faim, Médecins du monde, Salam for Yemen, Stop Fuelling War et Sherpa.

 

L’attitude de la France répond-elle à des préoccupations politiques ? Économiques ? Les deux à la fois ?

BENOÎT MURACCIOLE Les sommes engagées sont à la fois importantes et dérisoires. Depuis le début de l’intervention militaire de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, les exportations et les transferts d’armes de la France vers l’Arabie saoudite ont augmenté et se montent à un peu plus de 6 milliards d’euros. Mais en termes de nuisance dans un pays c’est épouvantable. 400 000 enfants yéménites vont mourir si la situation ne change pas. Les programmes humanitaires sont sous-­financés. On est dans une situation terrifiante pour le peuple yéménite mais, malgré cela, la France continue et a même augmenté ses exportations. Il faut d’ailleurs dire un mot sur l’Égypte, partie prenante de la coalition militaire. Elle est aussi à un peu plus de 6 milliards d’euros de commandes de matériel militaire. Mais l’Égypte ne paie pas. Il n’y a aucune preuve que la commande de missiles Mistral a été payée, pas plus que celle des avions Rafale, malgré nos demandes. Et pourtant, ça continue. On voit donc bien que ce n’est pas uniquement une question financière. En tout cas en apparence.

 

On a l’impression que les Français n’ont aucun moyen de contrôle et de décision. Est-ce une réalité ?

BENOÎT MURACCIOLE Un rapport d’information avait été présenté par deux députés, en 2018, sur le contrôle des exportations d’armement. Si ce rapport parle de la nécessité d’un contrôle parlementaire, ce n’est pas pour un rendu public mais pour préserver le secret. On balade les parlementaires et les citoyens français. Au nom du peuple français, se font des choses qui sont à l’inverse des valeurs de la France… Les États-Unis, l’Italie et l’Australie ont annoncé leur intention de suspendre l’acheminement d’armes au Yémen. Si Biden agit ainsi, c’est parce que Bernie Sanders et la gauche américaine se sont battus, sous Trump, et ont obtenu à trois reprises qu’un vote soit organisé sur la suspension de ces exportations d’armes à cause des crimes de guerre perpétrés au Yémen. Aujourd’hui, le gouvernement français ne peut pas dire qu’il ne sait pas. De fait, la question de sa complicité se pose.

 

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20 février 2021 6 20 /02 /février /2021 06:49

 

La crise économique et éducative touche de plein fouet les jeunes. Les médias nous appellent la “génération sacrifiée du Covid”, pourtant ce n’est pas la pandémie qui nous a amenés à cette situation, mais bien l’inaction et les choix politiques du gouvernement et des précédents.

 

 

La nécessité de sécuriser la formation

Les étudiants et les étudiantes paient le prix de décennies de politiques austéritaires dans l’enseignement supérieur et la recherche. Depuis le début de la crise sanitaire qui a renforcé une crise éducative, déjà existante, un sixième des étudiant·e·s ont abandonné leurs études. La difficulté à suivre une formation à distance ainsi que la précarité des revenus a suscité une détresse psychologique pour des milliers d’étudiants et d’étudiantes renforçant ce phénomène de “décrochage”.

Face à ce contexte inédit pour les étudiant·e·s, l’UEC a impulsé une mobilisation le 20 janvier dernier qui a rassemblé des milliers d’étudiants partout sur le territoire. Dès le lendemain de cette mobilisation, Emmanuel Macron a annoncé des mesures concernant la précarité étudiante et la reprise des cours en présentiel.

Si ces avancées constituent des premières victoires, ces mesures restent insuffisantes. La mobilisation, poursuivie le 26 janvier et le 4 février, a montré une réelle volonté politique d’une partie des étudiant·e·s de lutter pour de bonnes conditions de vie et d’étude. Pour répondre à cette exigence, l’UEC constitue un moyen d’organiser ces jeunes et d’offrir des débouchés politiques au-delà de la seule réouverture des universités.

Pour les lycéens et les lycéennes la situation n’est pas plus enviable. S’ils ont certes repris les cours, leur avenir n’en est pas moins compromis que leurs homologues étudiants. Depuis le mois de novembre dernier, les lycées fonctionnent bien souvent à mi-régimes. Le retard sur les programmes s’accumule malgré l’investissement des enseignants.

Pire, en dépit des conditions catastrophiques dans lesquelles se sont déroulées les épreuves du bac l’année dernière, Jean-Michel Blanquer a annoncé l’annulation des épreuves de spécialités prévues en mars. Sur ces matières, les lycéens seront une nouvelle fois notés sur les notes obtenues en contrôle continu.

Bien que la situation exceptionnelle puisse justifier des aménagements profonds des examens, la formule adoptée par le ministre est une nouvelle remise en cause du caractère national du baccalauréat.

Sans cadrage national, le baccalauréat sera nécessairement vecteur d’inégalités entre les élèves et les établissements. Cette annonce se tient en plein lancement de la saison 2021 de Parcoursup, dont le calendrier, lui, n’a pas été modifié. La fin du cadrage national du baccalauréat joint à Parcoursup va avoir des effets désastreux pour les élèves. La sélection sociale à l’entrée de l’université, déjà flagrante, va nécessairement augmenter.

Alors que l’heure devrait être à une réflexion sur les manières de rattraper le retard et raccrocher les lycéens, le gouvernement fait une fois de plus le choix de la sélection.

Les lycéens et les étudiants ont aujourd’hui plus que jamais besoin d’avoir une visibilité sur leur avenir et qu’on sécurise leurs parcours. Ils ont aussi besoin d’avoir confiance dans leur capacité à acquérir un diplôme qualifiant et un emploi stable. Pourtant, la situation de l’emploi n’est pas meilleure pour les jeunes, ne contribuant pas à leur donner plus de perspective au-delà des études et de la formation.

Garantir le droit à un emploi stable et à un salaire

Pour les jeunes en recherche d’emploi la situation se dégrade. En sortie de formation ou en décrochage, le constat que nous réalisons depuis plus d’un an reste inchangé. Le chômage des jeunes s’accroît et les mesures prises par le gouvernement sont insuffisantes et n’offrent comme unique perspective un avenir de précarité et d’instabilité.

D’après Pôle emploi, 698 600 jeunes de moins de 25 ans sont au chômage au quatrième trimestre 2020. Les réponses du gouvernement se retrouvent inefficaces et insuffisantes. Pire, elles visent à précariser davantage encore la situation des jeunes en multipliant les contrats précaires (Services civiques…)

Face à cela, nous portons le droit pour chaque jeune d’accéder à une formation et à un emploi. La crise actuelle rend plus aigu le besoin de sécuriser les parcours de vie de l’éducation jusqu’à l’emploi. C’est pourquoi nous demandons le dédoublement des classes avec une jauge à 50 % et l’embauche massive de personnels dans l’Éducation nationale ; la création d’un revenu étudiant et la garantie de conditions d’études décentes dans l’enseignement supérieur ; la réduction du temps de travail à 32 heures sans perte de salaire et la suppression de contrats précaires pour garantir à tous et toutes un emploi stable, des pré recrutements dans le transport, l’éducation, la santé et l’énergie, tout en ouvrant d’urgence le droit au RSA aux moins de 25 ans afin de garantir un filet de sécurité.

Le MJCF en action

Ces revendications seront portées auprès des jeunes par le déploiement de notre campagne pour la satisfaction des besoins et aspirations des jeunes face au capitalisme et au patriarcat. Ce déploiement passera par :

  • Une mobilisation des lycéennes et lycéens des fédérations pour organiser des actions et des mobilisations.
  • Des initiatives de solidarité concrètes.
  • L’organisation de conférences et d’actions autour des enjeux d’éducation et de travail.
  • La présence, lorsque cela est possible, devant les établissements d’enseignement et les missions locales qui accueillent les jeunes en recherche d’emploi.

Ces actions auront toutes pour objectif de converger vers une date de mobilisation nationale le 16 mars prochain.

Il appartient au Mouvement jeunes communistes de France de créer les conditions de la mobilisation des jeunes en leur offrant des perspectives politiques. Nous ne nous résignons pas à la précarité, à l’isolement et à la peur du lendemain. Nous refusons d’être une génération sacrifiée. Cela exige une prise de conscience et un engagement massif de la jeunesse pour conquérir la sécurisation des parcours de formation et d’emploi. Le capitalisme n’a plus d’avenir, nous si !

Extrait de la résolution du Conseil national du MJCF

 

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20 février 2021 6 20 /02 /février /2021 06:38

 

 

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la pratique des fichiers et du fichage est ancienne, mais sa massification et sa banalisation suscitent des interrogations. C’est pourquoi nous avons demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour du Sénat.

Alors que la France a longtemps été un pays où la protection du droit à la vie privée était très forte, on glisse vers une acceptation de la multiplication des fichiers, voire la certitude que celle-ci est nécessaire.

Ainsi, en octobre 2018, le rapport de l’Assemblée nationale sur les fichiers de police dénombre près de 106 fichiers « mis à la disposition des services de sécurité », contre 58 en 2009.

Face à ce mouvement effréné de création de fichiers et de récolte de données personnelles, dont la finalité et l’usage réels interrogent, nous avons souhaité l’organisation de ce débat.

En effet, nous assistons à une banalisation de l’usage gestionnaire des fichiers par l’ensemble des administrations pour rationaliser les politiques publiques, renforcer la « maîtrise des coûts », évaluer les activités des agents avec la généralisation du travail par objectifs chiffrés et radicaliser le contrôle social.

La création en 1978 du fichier Safari a entraîné la naissance de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), censée être un garde-fou. Les créations des fichiers Edvige, pour « exploitation documentaire et valorisation de l’information générale », et Base élèves, en 2008, ont fait l’objet d’une véritable levée de boucliers. Mais, aujourd’hui, la multiplication des fichiers, dans l’objectif de surveiller, contrôler et réprimer des populations sans réel contrôle parlementaire, se fait dans l’apathie générale.

Pire, on accumule ces données dans une logique prédictive, et non préventive. Pourtant, les fichiers sont une maltraitance, un outil de déshumanisation et d’objectivation. Les fichiers ne peuvent pas prendre en compte les singularités, les spécificités de certaines situations. En ce sens, le fichage tend à nier la complexité humaine.

Le fichier devient un outil de gestion administrative : on confie à des machines des tâches qui devraient être exécutées par des personnes avec leur conscience, leur savoir-faire, leur capacité d’appréhender des situations particulières.

Songeons par exemple au fichier Pôle emploi. Créé d’abord pour les demandeurs d’emploi, cet outil sert en réalité à traquer les chômeurs et à accélérer leur radiation. Un service aussi sensible, où l’on connaît les problématiques d’illectronisme ou les difficultés particulières, ne peut être « sous-traité » à un ordinateur.

Que dire encore de la création d’un fichier des personnes vaccinées, alors qu’un fichier du nombre de vaccins disponibles et de leur utilisation aurait permis un meilleur contrôle de la politique vaccinale de l’État ?

Ainsi, il y a une chosification des gens, mais aussi la volonté de normer les comportements. Il ne s’agit plus de poser des interdits, mais bien d’imposer un comportement, celui que l’État définira comme adéquat. À cet égard, la volonté de ficher les manifestants et les syndicalistes relève moins de la lutte contre les inégalités que de la volonté de discipliner les fractions de la population les plus « indociles ».

Car se savoir fiché ou surveillé empêche l’action, la pensée, et donc l’expression de la démocratie.

C’est dans ce cadre que la multiplication des fichiers de police et de surveillance sociale à des fins « sécuritaires » nous interpelle et nous inquiète, d’autant que ces derniers peuvent être fondés sur des critères de suspicion de culpabilité et de dangerosité incertains. Ils sont de ce fait susceptibles de violer la présomption d’innocence, le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données personnelles.

Pire, ces fichiers sont souvent faux. Ainsi, par manque d’actualisation ou erreur de saisie, une personne disculpée peut continuer à être enregistrée comme « dangereuse » dans un fichier de police. Les données saisies peuvent aussi être mal enregistrées, une personne devenant auteur d’une infraction alors qu’elle en est la victime. La liste n’est pas exhaustive…

Ces erreurs peuvent difficilement être corrigées lorsqu’elles se propagent au travers d’interconnexions entre fichiers de police, cette interconnexion complexifiant le droit à la rectification.

Or, peu à peu, la sécurité a été érigée en droit en lieu et place de la sûreté. Il ne s’agit plus d’assurer la protection du citoyen, y compris contre l’État, mais de faire de la prédiction de menaces. Nous sommes bien loin du droit à la sûreté, défini par les articles II et VII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Pas un mois sans qu’une nouvelle idée de fichage sorte des bureaux du ministère de l’intérieur. En février dernier, c’était Gendnote, une application qui facilite la collecte de photos et d’informations sensibles – religion, politique, sexualité, prétendue origine raciale – et leur transfert dans des fichiers extérieurs tels que le TAJ (traitement d’antécédents judiciaires), qui permet la reconnaissance faciale.

Je pense aussi au détournement du fichier du Système de contrôle automatisé (SCA), qui a pour objet de conserver des informations relatives aux délits routiers et qui, depuis avril dernier, sert de base pour traquer les informations relatives au non-respect du confinement.

Que dire encore de l’utilisation illégale des drones et des possibilités de reconnaissance faciale des manifestants ?

Or cette multiplication des fichiers de police se fait dans la plus grande opacité et, surtout, brouille la séparation des pouvoirs et la répartition des compétences entre le Parlement et l’exécutif. Le constat fait en 2009 par la mission d’information présidée par Delphine Batho est toujours d’actualité : « L’exécutif, lorsqu’il entend donner une base juridique aux fichiers de police qu’il crée, peut toujours recourir soit à la voie réglementaire, sur le fondement de l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978, soit à la voie législative. » Ainsi, rien n’interdit au Gouvernement de créer un nouveau fichier de police par décret ou arrêté et, de facto, de se soustraire au contrôle du Parlement. Nous pensons que cela doit changer.

Ainsi, en 2009, près de 27 % des fichiers n’avaient fait l’objet ni d’une autorisation légale ou réglementaire ni d’une déclaration à la CNIL. En 2011, on en recensait 80, dont 45 % restaient dépourvus de base juridique. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Alors que la problématique est connue, c’est bien dans ce cadre que le Gouvernement a adopté plusieurs décrets pour autoriser l’identification automatique et massive des manifestants, voire la reconnaissance faciale. Cette autorisation s’est passée de tout débat démocratique, comme le souligne La Quadrature du Net.

C’est encore par voie réglementaire que, le 2 décembre dernier, trois décrets permettent d’étendre les informations recueillies par les services de police dans trois fichiers qui ont été créés sous la présidence de Nicolas Sarkozy : celui sur la prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP), celui sur la gestion de l’information et la prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP), et celui sur les enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP).

Dans ces fichiers, les services de police pourront recueillir des informations sur les opinions politiques des personnes surveillées, leurs convictions philosophiques ou religieuses, leur appartenance syndicale, mais aussi certaines de leurs données de santé ainsi que leurs activités sur les réseaux sociaux, le tout pour des finalités élargies qui dépassent la sécurité publique.

Les nouveaux décrets permettent d’aller au-delà de la notion de « menace à l’ordre public », qui a fondé le PASP et le GIPASP.

Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) nous alerte : « Le champ des personnes susceptibles d’être concernées est ainsi très large. Ce faisant, il conduit à stigmatiser la liberté d’opinion, l’action syndicale, le fait d’être adhérent à un syndicat, qui laisserait à penser qu’être adhérent d’un syndicat pourrait être associé d’une manière ou d’une autre à des impératifs de sécurité intérieure, de sûreté de l’État, de lutte contre le terrorisme et les violences urbaines. » En 2011, une personne sur dix était fichée. Qu’en est-il aujourd’hui ? Qu’en sera-t-il demain ?

Pire, et c’est une nouveauté, les fichiers pourront aussi concerner des personnes morales ou des « groupements ». On imagine qu’il s’agira d’associations, de groupes Facebook, de squats, de ZAD ou même de manifestations.

Enfin, il y a une extension du domaine de la fiche.

Jusqu’à présent, les fiches du PASP et du GIPASP ne pouvaient lister l’entourage des « personnes dangereuses » que de façon succincte, sur la fiche principale de ladite personne. Désormais, si la police le juge nécessaire, chaque membre de l’entourage pourra avoir une fiche presque aussi complète que celle des personnes dangereuses, y compris lorsqu’il s’agit d’enfants de moins de 13 ans.

En 1983, Mireille Delmas-Marty écrivait : « L’État autoritaire n’est pas nouveau, ce qui est nouveau, peut-être, c’est sa façon d’être autoritaire, d’une autorité grise et pénétrante qui envahit chaque repli de la vie, autorité indolore et invisible et pourtant confusément acceptée. » Pour reprendre ses mots, ne laissons pas l’exigence de sécurité briser le rêve de liberté !

 

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20 février 2021 6 20 /02 /février /2021 06:31

Alors que les États-Unis et l’Italie ont suspendu leurs livraisons d’armes à Riyad, Paris reste muet et fait la sourde oreille aux demandes d’arrêt de cette coopération. Comme si l’argent n’avait pas l’odeur des cadavres yéménites.

« Cette guerre doit cesser. » En évoquant le Yémen lors de son premier discours de politique étrangère prononcé le 4 février, le nouveau président états-unien, Joe Biden, n’y est pas allé par quatre chemins. « Nous renforçons nos efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre au Yémen, une guerre qui a créé une catastrophe humanitaire et stratégique », a-t-il déclaré. « Cette guerre doit cesser », a-t-il martelé. « Et pour souligner notre détermination, nous mettons fin à tout soutien américain aux opérations offensives dans la guerre au Yémen, y compris aux ventes d’armes. » L’onde de choc s’est rapidement propagée de Washington à Riyad, ébranlant très certainement quelques certitudes au palais du roi Salmane et plus encore dans celui du prince héritier à la morgue jusque-là affichée, Mohammed, plus connu sous le nom de MBS (pour Ben Salmane). Sur sa lancée, l’hôte de la Maison-Blanche annonçait qu’il retirait le mouvement des Houthis de la liste des organisations terroristes. La désignation sur la liste noire, décidée in extremis par l’administration Trump, était décriée par les organisations humanitaires car elle risquait d’entraver l’acheminement de l’aide dans les vastes territoires contrôlés par les Houthis.

 

« Créer les préconditions à la paix »

Quelques jours auparavant, l’Italie créait la surprise en révoquant les autorisations d’exportation de missiles et de bombes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Le ministre des Affaires étrangères d’alors, Luigi Di Maio, ajoutait même : « Nous considérons que c’est un devoir, un message clair de paix qui arrive de notre pays. » L’ONG italienne le Réseau pour la paix et le désarmement s’en félicitait. Cette décision du gouvernement italien « met un terme une fois pour toutes à la possibilité que des milliers d’engins explosifs fabriqués en Italie puissent toucher des structures civiles, faire des victimes parmi la population ou puissent contribuer à aggraver la situation humanitaire déjà grave dans ce pays ». Et d’ajouter : « Le seul arrêt de la fourniture de missiles et bombes aériennes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis ne peut pas faire cesser la guerre au Yémen et soulager les souffrances d’une population épuisée par le conflit, la famine et les maladies, mais constitue un pas nécessaire pour créer les préconditions à la paix. »

 

80 % de la population a un besoin urgent d’aide humanitaire

En France, en revanche, le gouvernement joue la grande muette. Des ONG auraient pourtant bien aimé s’exprimer et se féliciter, à l’instar de leurs homologues états-uniennes ou transalpines. Ainsi l’association Aser (Action sécurité éthique républicaines), membre du Réseau d’action international sur les armes légères et accréditée aux Nations unies, a, depuis longtemps, tiré le signal d’alarme.

En décembre dernier, elle a publié un rapport intitulé « Crimes contre l’humanité au Yémen » qui montre comment les pays de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis – comprenant également l’Égypte, dont le président Al Sissi a été reçu à Paris – n’ont cessé de cibler les civils et les biens à caractère civil depuis mars 2015. Et ce malgré les appels répétés du Conseil de sécurité des Nations unies.

Icon Quote Le fait que des armes de précision soient utilisées lors des raids aériens de la coalition indique que les décès de civils et la destruction de biens civils qui en ont découlé (...) étaient bel et bien volontaires.RAPPORT ASER

80 % de la population a un besoin urgent d’aide humanitaire, avec plus de 230 000 morts selon le rapport du programme national des Nations unies pour le développement, dont plus de 140 000 enfants, fin 2019. Vingt millions de Yéménites dépendent aujourd’hui de l’aide humanitaire au quotidien, soit les deux tiers de la population. Un Yéménite sur huit est réfugié dans son propre pays dans les conditions que l’on imagine. Selon Jean-Nicolas Beuze, responsable de l’agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR) à Sanaa, interrogé par France 24, « entre 80 et 90 % des denrées alimentaires de base telles que le riz et la farine sont importées. Or, cet acheminement est très fragile car le conflit est actif et plusieurs millions de personnes sont exposées au risque de famine. L’accès à la santé est très mauvais, 50 % des centres de soins ont été détruits dans les affrontements, avec des risques épidémiques, notamment de choléra. Enfin, l’embargo sur le fuel imposé par la coalition internationale dans le Nord génère d’énormes problèmes logistiques ». Une réalité terrible qui ne doit rien à une catastrophe naturelle. « Le fait que des armes de précision soient utilisées lors des raids aériens de la coalition indique que les décès de civils et la destruction de biens civils qui en ont découlé ne relèvent pas d’une simple négligence due à un manque de précaution, mais étaient bel et bien volontaires », souligne le rapport d’Aser.

 

Macron cherche à se faire une place sur la scène internationale

Ce qui ne semble toujours pas émouvoir les dirigeants français. Et pour cause. Selon l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (Sipri) le 9 mars 2020, la France a occupé la 3e position sur ce marché entre 2015 et 2019, représentant ainsi 7,9 % des parts du marché mondial de vente d’armement. Une place que, visiblement, Emmanuel Macron et ses ministres rêvent de renforcer en gagnant une place sur le podium de l’économie de la mort. Il est vrai que l’actuel ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, alors qu’il était ministre de la Défense sous François Hollande, se vantait d’avoir participé à l’augmentation du PIB de la France grâce aux contrats d’armement passés. Il faut croire que de l’armée à la diplomatie il n’y a qu’un pas. « Le secteur de l’industrie de défense est un secteur très important (…) pour la technologie française (…) et pour notre économie, pour nos emplois », expliquait benoîtement la ministre des Armées Florence Parly en juin 2019 sur RTL. Ce qui lui permettait d’asséner, tout en reconnaissant l’existence de victimes civiles : « Je n’ai aucune information me permettant d’assurer que ces victimes civiles le sont du fait des armes françaises. »

 

Pour Paris, les liens avec Riyad seraient donc à préserver et à développer envers et contre tous. Fût-ce au prix de vies humaines. Qu’il s’agisse du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, démembré par des sbires de MBS dans une arrière-salle de l’ambassade d’Arabie saoudite à Istanbul, ou de centaines de milliers de Yéménites dont personne ne saura jamais le nom ni même qu’ils ont eu une existence. Les raisons de cette noce sans fin entre la France et l’Arabie saoudite ont de multiples racines. Parmi elles, la promesse qui aurait été faite de confier à la France le développement d’un nouveau site touristique au nord-ouest de l’Arabie, sur un ancien site nabatéen, Al-Ula. Un projet estimé entre 50 et 100 milliards de dollars. Et puis bien sûr, il y a les considérations géostratégiques. La France possède aux Émirats arabes unis sa seule base militaire dans le Golfe, qui lui permet d’être aux avant-postes face à la « menace iranienne » et donc de pouvoir être considérée comme un acteur incontournable dans ces sables assez mouvants. Emmanuel Macron, qui cherche à se faire une place sur la scène internationale malgré un certain nombre d’échecs (Sahel, Liban, Libye, Méditerranée orientale), joue ainsi le poids des armes et le soutien sans faille à l’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole. À sa décharge, on peut penser que le geste fort de Joe Biden n’est certainement pas dépourvu de toute vision stratégique. Il vient ainsi d’approuver une vente d’armes de près de 200 millions de dollars à l’Égypte, pays membre de la coalition dirigée par les Saoudiens. On comprend mieux, cependant, pourquoi, contrairement à d’autres pays, les citoyens en France n’ont aucun droit de regard et encore moins de décision sur les contrats d’armement et sur le déploiement des troupes à l’étranger. Pendant la guerre, le business continue, dit le vieil adage. Et c’est encore plus juteux.

 

« La France viole ses engagements internationaux »

« Depuis quelques mois, des mesures spectaculaires de limitation ou de cessation de ventes d’armes à la coalition des pays du Golfe engagés dans la guerre au Yémen se multiplient », remarque Pascal Torre, en charge du Maghreb et du Moyen-Orient pour le PCF. « Ces initiatives laissent de marbre Paris. Cette posture est totalement assumée par Emmanuel Macron, qui affirme que ces armes ne servent pas à tuer des civils. Or, l’usage d’armes françaises dans les atrocités et les crimes de guerre commis contre les populations civiles yéménites est largement documenté. Les autorités accordent des licences d’exportation à des entreprises comme Dassault Aviatio n, MBDA France ou Thales, qui sont directement impliquées dans ces massacres. Ainsi, la France viole ses engagements internationaux et s’expose à des sanctions au titre du traité sur le commerce des armes, qu’elle a ratifié », dit-il. « Il serait temps que la France, troisième vendeur d’armes au monde derrière les États-Unis et la Russie, prenne des initiatives significatives en termes de désarmement, confortant ainsi les premières mesures restrictives déjà adoptées par quelques pays. » Et le dirigeant communiste d’enfoncer le clou : « Paris doit lever l’opacité qui prévaut sur le commerce des armes et cesser immédiatement ses livraisons à ces pays. »

 

 

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19 février 2021 5 19 /02 /février /2021 06:25

 

Notre classe politique dans son ensemble semble subitement touchée par la grâce : elle découvre, au détour d’une crise sanitaire majeure, qui va induire une crise économique dévastatrice, qu’il n’est pas inopportun pour un État de disposer d’une certaine souveraineté industrielle, qu’importer 90 % de nos médicaments de Chine ou dépendre pour la fourniture des masques des importations n’est pas une situation très recommandable en période de crise mondiale. Du coup, la « souveraineté industrielle » devient un passage obligé de la rhétorique politique de tous les horizons.

*Yves Bréchet, ancien haut-commissaire à l’énergie atomique, est membre de l’Académie des sciences.

Certes, un simple « retour en arrière » semble pour le moins illusoire. L’État purement colbertiste qui a présidé aux Trentes Glorieuses a vécu. Et la mondialisation a conduit à une structuration de l’économie (ce que Pierre Veltz appelle « l’économie des archipels et des réseaux ») qu’on peut peut-être amender mais dont il est difficile d’imaginer qu’on puisse la rayer d’un trait de plume.

Notre propos n’est pas d’imaginer un illusoire retour en arrière, mais de penser les conditions pour une reconstruction d’une souveraineté industrielle dans des secteurs ciblés, et avec des objectifs clairs.

Que ceux-là mêmes qui ont bradé la souveraineté industrielle, ou du moins contribué à la brader, la revendiquent aujourd’hui ne manque pas de piquant. Mais la question de la reconquête d’une souveraineté industrielle bradée à l’encan par des décennies d’absence de politique industrielle dépasse les lilliputiens politiques qui nous gouvernent. Elle apparaît dans sa cruelle nécessité, ne serait-ce que par la comparaison en ces temps de crise sanitaire entre l’Allemagne et la France. Et il importe que cette prise de conscience ne fasse pas feu de paille, et donc il est nécessaire de comprendre les conditions qui peuvent faire de la reconquête de la souveraineté industrielle un objectif réel, et non un énième artifice de communication. Avant de jeter les milliards à poignées, il importe de savoir quelle stratégie avoir. Sinon, il y a tout lieu de craindre que sous couvert de « réindustrialisation » on se contente une fois encore de servir les affidés.

 

LES RACINES DU MAL ET L’ÉNONCÉ DU PROBLÈME

La perte de souveraineté nationale dans le domaine de l’industrie, dans un pays traditionnellement colbertiste comme la France, ne peut être qu’une conséquence conjointe de la démission de l’État et de la compétition des pays concurrents. On ne peut, dans l’espace d’un article, que donner à grands traits, sans les nuances nécessaires, les grandes lignes des conditions indispensables pour que le discours sur la « souveraineté industrielle » ne soit pas un vain mot. En particulier, on ne peut se contenter d’agiter le mot « mondialisation » comme un épouvantail qui serait responsable de tous les maux.

Chaque item de ce texte mériterait tout un développement,et les exemples ne manquent pas pour appuyer les constatations un peu brutales qui y figurent. Mais on a tellement pris l’habitude de mentir et de se mentir, de se voiler la face sur l’état de la souveraineté de notre pays qu’on voit aujourd’hui dans le désastre sanitaire les conséquences de cette politique de l’autruche. Et comme si cela ne suffisait pas, au bord d’une crise économique majeure les décroissantistes sortent du bois, les profiteurs de subventions se jettent sur un pays exsangue pour le vampiriser de subventions (qui pour l’éolien, qui pour l’hydrogène…), sans compter les nouvelles occasions de fraudes massives (sur les certificats d’émission, sur les subventions à l’isolation…).

Je ne sais pas s’il y a encore une chance de redresser le pays dans le triple désastre qui se profile (sanitaire, économique et social,politique). Mais je suis certain que ce n’est pas en se payant d’une prose sub-khâgneuse que nous y arriverons. L’heure est grave, la franchise est plus que jamais indispensable. Je doute fortement que la classe politique actuelle ait l’envie et la capacité de l’écouter.

Pour redresser la barre, il faut tout d’abord faire un état des lieux sans complaisance, en identifiant bien ce qui est indispensable à la souveraineté et ce qui est un atout économique du pays. Les deux ne coïncident pas nécessairement, car on peut avoir des besoins industriels indispensables à la souveraineté qui ne sont pas nécessairement des secteurs où nous sommes compétitifs au niveau international. Ce qui est indispensable à la souveraineté doit être maintenu ou reconstitué si cela a disparu, ce qui est un atout industriel doit être développé.

Si on peut espérer reconstruire une souveraineté industrielle dans la durée, il est aussi urgent de mettre au jour les carences de notre système éducatif et les manques criants en termes de compétences. La difficulté endémique de notre système bancaire à soutenir des actions industrielles demande aussi à être questionnée. Enfin, l’évaporation des capacités de décision, au niveau de l’État vers l’Europe, au niveau des entreprises vers les multinationales, est certainement une question clé, qui mérite un traitement en pro-fondeur, mais que je n’aborderai pas dans cet article qui n’a d’autre objectif que de préciser ce qu’on peut entendre par « souveraineté industrielle ».

 

ÉTUDE DE CAS : LES TURBINES ARABELLE ET LA VENTE DE ALSTOM À GE

La vente de Alstom à GE dans un pays où 95 % de l’électricité (nucléaire ou hydraulique) dépend de turbines en a laissé pantois plus d’un. Le conflit ouvert entre le secrétaire général adjoint de l’Élysée d’alors et le ministre de l’Industrie et les interférences de la justice états-unienne ont fait du dossier de la vente d’Alstom à GE, avec toute la complexité de la situation financière de l’entreprise, un feuilleton politico-financier qui n’honore pas l’État et où flotte un désagréable parfum d’arbitraire. Sans entrer dans le détail des transactions, le cas de la turbine Arabelle est assez emblématique d’une absence de stratégie industrielle de l’État. Emblématique par l’absence de lucidité vis-à-vis des conséquences; emblématique par l’absence de prise de conscience de l’erreur faite ; emblématique par l’absence de réaction de l’État, de la haute administration des ministères, de la classe politique, de la Banque publique d’investissement pour corriger l’erreur. Les turbines Arabelle, parmi les plus puissantes du monde, équipent le palier N4, à savoir les 2 réacteurs nucléaires de Chooz et les 2 de Civaux, mais aussi les EPR : 2 à Taishan,1 à Olkiluoto, 1 à Flamanville, 2 à Hinkley Point, et elles doivent équiper les EPR2 à venir (?). Au total, on compte donc 8 machines installées, dont 6 en fonctionnement et 4 en cours d’installation. Le retour d’expérience du N4 (plus de vingt ans) et de Taishan est excellent. Si l’État ne fait rien pour les récupérer à Belfort, GE vendra l’usine ? la technologie ? l’activité aux Chinois? À moins que Siemens ne se mette sur les rangs. L’absence de réaction à ce jour laisse deux options : la crainte de déplaire au prince ou une réalisation de la sentence d’Euripide : « Les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre. »

 

 

LES FACETTES DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE

La souveraineté industrielle est un édifice à plusieurs étages. Il importe pour bien cibler les actions de les distinguer sans chercher à les opposer.

L’étage supérieur, ce sont les capacités industrielles permettant de maîtriser les domaines régaliens avec le maximum de degrés de liberté par rapport aux contraintes externes, que ces contraintes soient volontairement dirigées contre le pays ou qu’elles soient simplement le fruit d’évolutions spontanées. On peut citer la défense, la santé, l’énergie, les produits alimentaires de base, les technologies de l’information.

L’étage intermédiaire, ce sont les capacités industrielles qui portent sur des technologies duales ; il permet d’obtenir une masse critique de compétences et d’outils entretenue dans des conditions économiques soutenables. Il faut donc développer dans ce domaine ce qu’on peut baptiser « industries stratégiques », des fleurons industriels pour y être à la pointe de l’innovation et de la compétitivité. Les principaux secteurs concernés en France sont l’aéronautique, l’armement (en tant qu’industrie exportatrice), la mobilité terrestre, l’électronique, toutes les industries (turbines, industrie nucléaire) qui contribuent à notre souveraineté énergétique. Les fondations, enfin, c’est un écosystème soutenant l’en-semble : formation, sécurité juridique, réseaux de sous-traitants, économie de marché, capacité de financement de la réindustrialisation, etc. En particulier, la souveraineté ne peut se concevoir sans une maîtrise de matériaux critiques, comme les métaux ou les composites, et des ressources (limitées par nature) – sans lesquels il n’est point d’industrie matérielle.

La maîtrise de l’ensemble de cet édifice ne signifie pas que l’on est capable de fonctionner en autarcie, mais qu’on peut contrôler les briques technologiques clés de chaque domaine. Par exemple, la France a très peu de sources d’énergie locales, elle doit donc en importer. Mais si elle maîtrise un portefeuille de technologies diversifié, elle minimise le risque d’actions hostiles remettant en cause l’énergie dont elle dispose, car chaque technologie de production d’énergie fait appel à des sources différentes, réparties différemment dans le monde. Une brique technologique est l’assemblage de deux composants : le savoir-faire up to date et la capacité de production. S’il manque un des composants, la brique ne sert pas à grand-chose. Une espèce de fascination d’adolescents pour la multiplication d’applications pour leur iPhone a conduit toute une génération de dirigeants politiques à oublier le caractère « matériel » d’une activité industrielle (un industriel, dont par charité nous tairons le nom, disait rêver d’une « industrie sans usines »), soit qu’ils en ignorent jusqu’à l’existence, soit qu’ils l’englobent dans leur mépris souverain pour l’« ancien monde ».

Enfin, même dans le système capitaliste, même avec une dominance de la propriété privée, il ne peut y avoir de souveraineté industrielle ou, plus généralement, de souveraineté nationale sans un minimum de santé financière de l’État. L’industrie doit donc être rentable, et l’État efficace. D’où l’importance de secteurs non régaliens et non stratégiques, comme le luxe, qui permettent d’obtenir profitablement des devises grâce aux exportations. D’où aussi la nécessité d’assainir les finances publiques afin de disposer de capacité de « fléchage » des aides d’État vers des secteurs ciblés. On ne peut pas dire que l’État, drogué au clientélisme subventionné, ait été particulièrement performant dans l’assainissement des finances publiques, préférant rogner sur des dépenses essentielles plutôt que de toucher aux vaches sacrées. Sa participation dans la gestion des entreprises dont il est actionnaire (EDF, SNCF, ADP, FDJ…), ne brille en général pas par sa pertinence. On envoie dans les conseils d’administration des gens qui n’ont pas d’expérience et ne connaissent rien à l’industrie dont soi-disant ils assurent la tutelle.

Du point de vue strictement industriel, l’inconscience avec laquelle la France et ses gouvernements successifs ont détruit son avance dans les domaines de l’agroalimentaire, de l’énergie nucléaire, de la métallurgie, de l’industrie pharmaceutique sera sévèrement jugée par l’histoire.

Il ne peut y avoir de souveraineté en matière de défense si on n’a pas de systèmes électroniques fiabilisés quant à leur approvisionnement et vis-à-vis de la cybersécurité physique.

 

L’INDUSTRIE COMME PATRIMOINE

Que ce soit pour les secteurs industriels de souveraineté aussi bien que pour les secteurs industriels stratégiques, il faut absolument en évaluer les conditions de possibilités et les dépendances possibles, comprendre ce qui les rend possibles et ce qui les rend dépendants (en termes d’industrie manufacturière, d’industrie des matériaux, d’industrie électronique).

Les industries « classiques » qui ont été bradées sans état d’âme pour se ruer sur des secteurs certes importants (comme l’industrie des services, ou de la communication et de l’information) ou pour répondre à des effets d’annonce (comme les nanosystèmes, et maintenant l’intelligence artificielle) sont légion. Et ce massacre irresponsable s’est fait sans voir que ces « nouveaux domaines » nous seront inaccessibles si nous n’avons pas le socle de compétences et d’outils industriels qui nous protège d’éventuels oukases de concurrents internationaux.

Quel sens a la souveraineté en matière de défense si on n’a pas de systèmes électroniques fiabilisés quant à leur approvisionnement et vis-à-vis de la cybersécurité physique ? Comment penser une industrie aéronautique forte quand on n’a plus de fournisseurs en titane et que nous sommes passés fort près de n’avoir plus d’industrie de l’aluminium échappant à l’emprise états-unienne ? Quelle solidité de notre industrie auto-mobile si nous n’avons plus la maîtrise de nos aciéries ? Quel sens donner à la voiture auto-nome si nous ne savons plus fabriquer de voitures ? Pour ne rien dire de l’électrification du transport en dépendant de la Chine pour les batteries. Et de cet exemple de cécité stratégique de la production d’électricité après avoir bradé les turbines ? On pourrait accumuler les exemples jusqu’à la nausée.

Dans les vingt dernières années,on a réussi à combiner l’inefficacité de la gestion étatique avec la cupidité de la gestion « financière », qui exige des retours surinvestissement à très court terme. La question du propriétaire, public ou privé, de l’outil de production est secondaire, la vraie question est la vision qu’on a de l’outil industriel. Doit-on le considérer comme un patrimoine à développer et à renforcer ou comme un fruit dont on extrait le jus pour jeter l’écorce ? Cette perte du sens de l’outil industriel comme patrimoine est sous-jacente à la perte de souveraineté industrielle. Le tout couronné par une « stratégie industrielle » des gouvernements successifs qui ne se sont posé ni la question du caractère stratégique, ni la question des conditions de possibilités de leurs choix, ni celle de la pertinence de ces choix autrement que pour briller dans les salons. C’est comme si on se focalisait sur le dernier barreau d’une échelle sans se rendre compte qu’il n’est guère utile si tous les autres barreaux manquent. Mais il faut avoir une fois dans sa vie grimpé sur une échelle pour le savoir.

La crise économique majeure qui se profile dans le sillage de la crise sanitaire doit être l’occasion de consolider les secteurs aujourd’hui trop dispersés, afin de constituer des ensembles industriels solides et pérennes, capables d’investir dans les ressources humaines et les moyens. Cette vision, déjà développée lors des crises précédentes, ne s’est jamais concrétisée. On a aujourd’hui la dernière opportunité pour le faire. On peut penser en particulier à la supply chain aéronautique (de nombreux sous-traitants sont des faiseurs extrêmement spécialisés et compétents, mais sans réelle maîtrise de leur fonctionnement), à la métallurgie. L’émiettement dans les actions et l’éléphantisme dans les régulations est un mal bien français. La Fédération Forge Fonderie française a une centaine d’adhérents : a-t-on besoin d’autant d’acteurs, dispersés, morcelés, sans masse critique, pour faire de la R&D ou pour maintenir leurs capacités, se livrant à une compétition mortelle entre eux pendant que les acheteurs des grands donneurs d’ordres sourcent tout ce qu’ils peuvent dans les pays dits low-cost ?

La notion d’État de droit est un point clé pour l’industrie, qui a besoin de sécurité juridique car elle travaille sur des horizons de temps sans aucune mesure avec les mondes politique ou financier. Par exemple, on tolère depuis des dizaines d’années que les acheteurs des grands constructeurs automobiles bafouent quotidiennement le Code du commerce. Leurs acheteurs, pour gagner leur bonus de fin d’année, sont capables des pires décisions, qu’ils imposent à des fournisseurs dépendants en toute illégalité. Et que penser des conditions faites à notre industrie électronucléaire pour laquelle les réglementations évoluent sans cesse, au cours même des projets? Le régulateur ne perçoit pas même la nécessité de justifier ses exigences toujours renouvelées par une démonstration scientifique de leur efficacité à augmenter la sûreté des équipements. Quelle industrie peut vivre dans ces conditions ?

 

IDENTIFIER LES CARENCES DE NOTRE SYSTÈME ÉDUCATIF

La formation de la jeunesse (voir à ce sujet le rapport Boiteux de l’Académie des sciences morales et politiques, préfacé par Pierre Messmer et Raymond Barre, en2007, qui n’a pas pris une ride) est inadaptée, à tous les niveaux. La formation des enfants dans les écoles, collèges et lycées les laisse complètement ignorants de ce qu’est le monde technique ou industriel. Cela va de pair avec le manque criant de formation scientifique des maîtres quand ce n’est pas une défiance vis-à-vis de l’industrie, voire un engagement décroissantiste déplacé. Il en résulte, en plus de l’ignorance, une inappétence des élèves pour les techniques qu’ils ne connaissent pas et pour les métiers dont ils ne savent même pas qu’ils existent.

Il y a clairement une trop faible part de l’apprentissage pour le niveau technicien. On pourrait avoir le même regret en ce qui concerne la formation en alternance. Le contraste avec la Suisse et l’Allemagne est criant. Cette misère de l’apprentissage est la conséquence quasi automatique du mépris bien français de l’intellectuel pour le manuel.

Les ingénieurs sont de plus en plus formés au « bavardage PowerPoint », et vont parader dans les sphères décisionnelles sans être jamais passés par la case « usine », « recherche » ou« bureau d’études ». Plus les écoles sont prestigieuses, plus la dérive est forte. L’essaimage vers l’industrie de ces ersatz d’ingénieurs ne fait qu’amplifier ce constat dramatique : l’ordre du discours a pris le pas sur l’ordre de l’action et des résultats concrets.

Ajoutons à cela l’état désastreux de la formation continue, qui est à de rares exceptions près la chasse gardée de « profiteurs de subventions ». Là encore le contraste avec les autres pays occidentaux est éclairant… et effrayant : dans chaque amphi d’un département d’ingénierie d’une université anglo-saxonne, on trouve des étudiants en cours d’études initiales aussi bien que des professionnels venant renouveler leur formation. En France, le CNAM a vocation à cela, trop souvent en mode ségrégation d’avec le milieu universitaire « normal », mais au prix de quelles difficultés pour ceux qui prennent cette voie !

Pour couronner le tout – et c’est particulièrement dommageable dans un pays de tradition colbertiste où la porosité entre la haute administration et les sphères dirigeantes industrielles est une constante – on a vu se développer une haute administration inapte à analyser les problèmes industriels et incapable de prendre des décisions sur des bases solides : les énarques n’y sont pas préparés, les corps techniques de l’État n’ont plus rien de technique. La communauté de formation entre les élites publiques et industrielles,qui avait été un atout majeur à l’époque des Trente Glorieuses, est devenue une faiblesse dramatique de notre pays.

Une analyse comparative avec la Corée du Sud, le Canada, l’Allemagne s’impose. Il ne serait pas inutile de voir aussi le système chinois. On ne reconstruira durablement une souveraineté nationale dans le secteur industriel que si les faiblesses de notre système de formation sont analysées et corrigées.

 

RECHERCHE ACADÉMIQUE ET SECTEURS INDUSTRIELS STRATÉGIQUES

Dans le même temps où les instances ministérielles se peuplaient d’universitaires médiocres, sans vision stratégique, alors que les plus prestigieuses institutions de la recherche voyaient de dégrader avec constance le « pedigree scientifique » de leurs dirigeants, on a vu proliférer une programmation scientifique tissée de mots clés, d’exigence sociétale, d’impact sur les tissus économique et industriel, exigences dans les discours sans que jamais l’efficacité des actions soit sérieusement évaluée. La multiplication des organismes de « valorisation », avec des modèles économiques aussi peu viables les uns que les autres, et une réglementation qui fait tout pour leur rendre la coordination-coopération entre eux impossible, parachève le théâtre d’ombres d’une pseudo-politique de recherche industrielle dans l’état. Il en est résulté une forme de bavardage enfantin où la politique de l’État se limite à faire semblant, et la prospective scientifique à enfourcher le dernier dada à la mode. La définition de grands programmes en termes de « projets » est un désastre du point de vue de la science, et est totalement inefficace du point de vue de l’industrie.

On ne pourra sortir de cette ornière qu’en extirpant le primat de la communication dans le processus de décision, et en identifiant les besoins académiques non en termes de projets à finalité explicites mais en termes de compétences nécessaires et de moyens expérimentaux, y compris en termes de pilotes semi-industriels. L’illusion des ministères qui pensent avoir une politique de recherche parce qu’ils surfent sur le dernier buzz-word doit cesser. L’obsession de l’innovation qui conduit à abandonner des pans entiers de recherche parce que passés de mode est probablement ce qui a fait le plus de mal à notre pays.

Une fois encore, les exemples de la Corée du Sud, de la Chine, de la Suède, de l’Allemagne doivent être revisités en profondeur et ne pas se contenter, dans cette analyse, du pourcentage du PIB.

LE SECTEUR BANCAIRE CAPABLE DE FINANCER CES INDUSTRIES ?

Le secteur bancaire français, très puissant et très visible à l’étranger, ce qui est un atout,a par exemple grandement aidé au développement d’Airbus. Mais il a en général une incapacité quasi pathologique à aider le développement industriel. Les régulations mises en place avec quelque raison après la crise de 2008, qui ne facilitent pas les prises de risque, ainsi que l’absence de fonds d’investissements qui pourraient prendre ces risques – que les banques ne sont pas incitées à prendre – font de notre secteur financier un monde conservateur pour lequel la rentabilité à court terme des placements est plus rassurante, et qui encourage les tours de passe-passe financiers des fusions acquisitions plus que les investissements dans un outil industriel.

L’épargne des Français est elle-même peu mobilisée pour des actions industrielles et l’implication des salariés dans la possession de l’entreprise, actionnariat salarié ou stock-options largement généralisées, est médiocrement développé. En ce qui concerne les start-up, quand les États-Uniens font un tour de table à 10 millions de dollars en deux heures de réunion, nos grandes banques s’avèrent incapables de réactivité. La Banque publique d’investissement, faute de pouvoir faire des analyses techniques approfondies, en dehors du domaine des nouvelles technologies dématérialisées, se contente de surfer sur la vague des derniers sujets à la mode. « Je veux quelque chose de nouveau » est le mantra des instances de financement public.

 

LA QUESTION EUROPÉENNE

La question du rôle de l’Europe dans la souveraineté industrielle est complexe. Une fois débarrassé de la version irénique d’une Europe qui serait la solution à tous nos problèmes, et de l’Europe bouc émissaire de toutes les incuries gouverne-mentales, il est difficile de nier que la dimension européenne est la bonne échelle pour faire face aux grands blocs : Chine, États-Unis – Canada, reste de l’Asie et, un jour, Afrique et Amérique latine. Mais force est de constater qu’à ce jour, à de rares exceptions près, comme Airbus, la machine européenne a plus été un frein au développement de champions industriels européens, ce au nom de la libre concurrence. Une composante essentielle a structuré l’Europe de manière destructrice, et a été accentuée par le dogme de l’hyperlibéralisme anglo-saxon : c’est la toute-puissance du marché et la préférence systématiquement donnée au consommateur final qui a conduit à ouvrir nos marchés à des zones géographiques extérieures, et ainsi à fragiliser puis à détruire notre industrie, nous rendant dépendants à outrance des pays non européens. On ajuste oublié que le consommateur final n’est consommateur qu’à temps partiel, le reste du temps il doit bien gagner sa vie,donc produire, pour pouvoir ensuite consommer.

En détruisant les secteurs de production, les ressources des consommateurs s’en sont trouvées diminuées, les aides sociales ponctionnées chez ceux qui ont encore la chance de pouvoir travailler ne fournissant que des soins palliatifs à une économie malade. Un rééquilibrage du marché européen introduisant une notion de « préférence de production européenne » est indispensable si on veut relever l’Europe du champ de ruines actuel. Mais il est clair qu’une telle politique ne peut se mettre en œuvre avec les structures de gouvernance actuelle : il est trop facile à un des géants du globe de faire un accord bilatéral ciblé avec un des pays européens pour bloquer ensuite, par le jeu de l’unanimité, toute velléité de protection du marché européen. Développée à la sortie de la Seconde Guerre mondiale pour éviter le « protectionnisme interne » des États, l’Europe s’avère à ce jour incapable de se protéger des autres acteurs majeurs de la planète, et un obstacle à la création de « champions européens » à l’échelle mondiale. Faute d’avoir défini le champ d’action où elle était légitime, elle a préempté la capacité de décision des États dans leurs attributions stratégiques, comme celui de l’énergie, cachant derrière une prétendue politique commune une sujétion totale au plus puissant de ses membres.

UN MAL QUI NE SE SOIGNE PAS SEULEMENT À COUPS DE MILLIARDS

La perte de souveraineté industrielle du pays résulte malheureusement aussi d’une perte du sens de l’État chez ses dirigeants. La perméabilité des frontières entre la haute fonction publique et les directions industrielles fait que cette perte s’est généralisée, avec, même si on peut trouver d’heureuses exceptions, une tendance prévisible : ceux qui ne servaient plus l’État mais leur carrière quand ils étaient dans la haute administration se sentent autorisés, une fois de l’autre côté de la barrière, à en profiter.

La perte du sens de l’État s’accompagne d’une perte de compétences techniques, tant à l’ENA que dans les grands corps. Et la perte de compétence tech-nique résulte d’un système de formation inadapté et trop éloigné du monde de l’industrie. De cette perte du sens de l’État et de l’incompétence technique généralisée résulte une incapacité, aveuglement ou cynisme, à identifier sans ambiguïté ce qui est indispensable à la souveraineté nationale, ce qui constitue des atouts majeurs pour le pays et ce qui est simplement une activité parmi d’autres. Tout aussi absente est l’analyse des conditions de possibilités des choix stratégiques.

Pour couronner le tout, la perte de souveraineté monétaire, l’absence de politique industrielle en France, la démission de l’Europe en termes de politique industrielle et la lâche décision de s’en accommoder conduisent à des délires complets tels que l’actuel Green Deal, qui ne fait sens ni du point de vue économique ni du point de vue écologique et qui incarne la preuve évidente d’un pays qui a renoncé à sa souveraineté sur une question majeure telle que l’énergie, le climat servant de cache-misère à des luttes d’influence entre lobbies. Cette absence de politique industrielle de l’Europe a beau être d’une évidente stupidité, plus personne n’ose la dénoncer tant les vaches sacrées(écologique, européiste) ont réussi à décérébrer le débat public.

Un plan d’action pour recouvrer la souveraineté industrielle doit se fonder sur le recensement structuré des points évoqués dans cet article, l’élément de base étant le concept de brique technologique.

Pour chaque brique technologique il faut s’assurer qu’il y a un ou deux acteurs contrôlés par le pays, avec les moyens d’y maintenir une position de leadership mondial. Cela passera forcément par des consolidations industrielles, impliquant ou non une participation de l’État. À court terme, il faut que les acteurs publics repassent sous un contrôle strict afin d’assurer le retour à un État de droit agissant en fonction des priorités nationales.

À moyen terme, sans nécessairement rêver de reconstruire le Commissariat au plan de l’époque héroïque des Pierre Masse et des Louis Armand, il est urgent que l’État, colbertiste dans son ADN, l’assume pleinement et se donne une haute administration digne de sa mission, c’est-à-dire capable d’une analyse scientifique et technique des dossiers, non seulement par sa formation, mais aussi par une pratique de l’industrie comme étape d’apprentissage, et non comme zone de pantouflage. On n’ira nulle part en continuant à s’appuyer sur des conseillers sans expérience et dont la suffisance ne fait qu’amplifier l’incompétence.

Ces prérequis sont des conditions nécessaires pour reconstruire une souveraineté industrielle. Elles ne sont pas suffisantes. Il n’y aura de souveraineté industrielle que s’il y a une industrie, et la floraison post-covid-19 de toute une littérature illuminée sur le « monde d’après » est inquiétante. Il faudra dépasser sur les questions de « mondialisation » la vulgate néolibérale ou anticapitaliste. L’imbrication de nos États dans des structures supranationales demande une clarification des différents domaines dans lesquels la souveraineté s’exprime.

Comme le disait Clemenceau, « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire ». Si la reconquête de la souveraineté industrielle n’est qu’un artifice rhétorique de plus, si les objectifs ne sont pas convenablement déclinés, y compris dans ce qu’ils peuvent avoir de perturbant pour l’idéologie dominante, on peut être certain que les milliards d’euros couleront à flots, mais que les plans de réindustrialisation ressembleront aux bals que ces aristocrates ruinés donnaient dans leurs châteaux alors que la toiture faisait eau de toute part.

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19 février 2021 5 19 /02 /février /2021 06:19

 

Pendant que le gouvernement disserte sur le prétendu séparatisme des classes populaires, les grands riches cachent leur argent dans le coffre-fort que constitue le Luxembourg.

Un consortium de 17 journaux vient de mettre à jour, dans une enquête baptisée Open-Lux, la réalité d’un des cinq plus grands paradis fiscaux au monde. Celui-ci n’est situé ni aux Caraïbes, ni dans une île perdue du Pacifique, mais au cœur de l’Union européenne, dans un petit pays coincé entre ses deux principales puissances, le Luxembourg.

Ce séparatisme est avéré et il nous coûte un « pognon de dingue » par un détournement massif d’argent avec la bénédiction des institutions européennes. Ces révélations interviennent seulement six ans après la découverte du des« LuxLeaks » (scandale financier révélant le contenu d'accords fiscaux conclus par des cabinets d'audit avec l'administration fiscale luxembourgeoise pour le compte de nombreux clients internationaux).

Comme parlementaire européen, j’ai participé activement à deux commissions d’enquête sur ces pratiques : l’une portait sur les « PanamaPapers », l’autre justement sur l’évasion fiscale dans des pays européens dont le Luxembourg.

Ceci avait fait l’objet de nombreux débats tendus dans l’hémicycle du Parlement, et abouti à la 5ème directive « anti-blanchiment » d’argent qui impose la création de registres publics des propriétaires réels de société dans les États membres. C’était un petit pas, parmi la multitude des recommandations que nous avions faites à l’époque.

Le groupe communiste à l’Assemblée nationale avait déposé une proposition de loi il y a deux ans, fruit d’un travail colossal superbement ignoré par le pouvoir, dont le but était précisément de combattre ce que l’on feint de découvrir aujourd’hui. A savoir que le Luxembourg, pays pivot de l’actuelle construction européenne, abrite des magouilles financières sur lesquelles prospèrent les grands groupes du capitalisme français qui y tienne pavillon via des sociétés écrans.

Ces dernières, avec des particuliers qui font l’actualité de la société du spectacle et quelques criminels avérés, rivalisent d’ingéniosité pour éviter de contribuer au bien commun en France, via l’impôt, ce pays qui les accueille et grâce auquel ils ont pu fonder leurs fortunes.

L’enquête nous révèle ainsi que 15 000 Français posséderaient des sociétés basées au Luxembourg, pour 100 milliards d'euros d'actifs, soit 4% des richesses produite en France ! Les trois-quarts des groupes du CAC 40 y seraient présents… 100 milliards d’euros, c’est deux fois le budget de l’éducation nationale, une somme astronomique soustraite au bien commun par des procédures « d’optimisations » fiscales qui brouillent les frontières entre le légal et l’illégal. Pendant ce temps, les impôts indirects pèsent lourdement sur les foyers populaires laissés à l’abandon par ceux-là même qui autorisent cette sécession des plus riches.

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19 février 2021 5 19 /02 /février /2021 06:17

 

La loi dite « séparatisme » et intitulée « Loi confortant les principes républicains » est en passe d’être votée par l‘Assemblée nationale. Elle signe un basculement des principes qui jusqu’ici régissaient la relation entre la puissance publique et les cultes. Elle renoue avec une conception concordataire que la Loi de séparation des Églises et de l'État avait battue en brèche définissant ainsi le caractère laïque de la République.

Cette conception concordataire signifie que la loi en question vise à mettre les cultes sous tutelle de l'État et invente une laïcité applicable aux individus. Elle revient ainsi sur la séparation ferme entre les cultes et la puissance publique instituée en 1905.

L‘affaire est complexe en ce que cette loi prétend combattre un véritable fléau, l’intégrisme religieux et ses conséquences qui peuvent aller jusqu’au meurtre et au terrorisme. Celui-ci a déjà durement frappé notre peuple, tout comme d’autres. Cette loi a d’ailleurs été présentée comme une réponse à l’horrible assassinat du professeur Samuel Paty. Pour tout intégrisme religieux, elle ne cible en réalité que celui émanant de l’islam, comme l‘indique l’exposé des motifs, laissant en outre aux cultes la possibilité d’accroitre leurs financements par des dispositions fiscales avantageuses applicables à leur patrimoine immobilier.

Cette loi n’est pas laïque car, en prétendant s’en prendre à l’intégrisme, elle donne une place nouvelle aux cultes « républicanisés » dans la vie de la nation. Ceci est conforme à la ligne suivie par M. Macron qui regrettait devant la conférence évêques, comme Nicolas Sarkozy en son temps, que le lien fut « abimé » entre l'État et l’Église, dans la droite ligne de sa campagne présidentielle de 2017 où il célébrait le culte mystique à Jeanne d’Arc, avant de se rendre au Puy du Fou en compagnie d’un opposant farouche à la laïcité, Philippe de Villers.

Evitons tout mauvais procès : la lutte contre le terrorisme doit évidemment figurer parmi les priorités de toute action gouvernementale. Cette lutte est une affaire délicate qui a fait l’objet de 28 textes de loi en 30 ans, soit une moyenne d’une loi par an, avec les résultats que l’on connait…

Les ressorts du terrorisme, essentiellement djihadiste, sont divers et tortueux. Ils ne sauraient être neutralisés par le contrôle accru du culte musulman qui n’est souvent qu’un prétexte au passage à l’acte et fait l’objet d’une observation pacifique par l’écrasante majorité de ses adeptes.

La France a fait des efforts colossaux pour accroitre ses capacités de surveillance des filières terroristes, non sans résultats. Mais la menace rode toujours car la proie est difficile à saisir. Le terrorisme islamique n’est qu’une expression hideuse du désordre mondial et des impasses psychiques et sociales vers lesquelles conduisent nos sociétés. Il faut bien sûr le combattre par le renseignement et la police mais aussi et surtout, en éradiquer les causes par une redéfinition profonde de la République, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières, aux antipodes de celle que promeuvent inlassablement et verbeusement messieurs Darmanin et Macron et l’extrême droite: inégalitaire, impérialiste, sécuritaire.

La lutte contre l’obscurantisme religieux qui s’exprime notamment à travers l’islam, mais aussi, chose tue, dans les mouvements évangéliques, relève de l’absolue nécessité.

Là encore, est-ce par un renforcement considérable des pouvoirs administratifs que nous y parviendrons ? Et à quel prix ? Le pouvoir utilise de fait ces menaces pour rogner les libertés, sans offrir de nouveaux moyens aux institutions publiques pour remplir leurs missions.

Pour parvenir à ses fins, le gouvernement a imposé dans le débat le mot « séparatisme ». Mot très efficace pour exciter l’opinion mais bien encombrant dès qu’il s’agit de le graver dans la loi. C’est ainsi qu’il n’apparait dans aucun de ses articles, même pas dans celui qui prétend, à l’article 4, instaurer un « délit de séparatisme », expression vendue à la presse !

Il n’est utilisé qu’une seule fois dans un exposé des motifs d’un bavardage assourdissant, un curieux plaidoyer en faveur de l’action du gouvernement qui s’y proclame, en citant le président de la République, gardien de l’héritage républicain. Un tel verbiage n’a rien à faire dans un texte législatif. Cette nouveauté indique déjà les soubassements idéologiques de l’entreprise gouvernementale qui cherche à se légitimer par le poids des seuls mots. Celui de « séparatisme » n’avait donc pour seule fonction que de détourner les regards vers le contexte et non vers le texte.

Car le texte en lui-même est avant toute chose une compilation de mesures déjà existantes, ou concernant des délits graves mais résiduels dans la société française, déjà condamnés par la loi, comme l’octroi de certificats de virginité ou la polygamie. On en sauvera les mesures permettant un contrôle accru des comptes des associations cultuelles, tant il est vrai que des puissances comme la Turquie n’hésitent pas à influer, à grand renfort d’argent et des fins géopolitiques, sur la pratique des citoyens français de confession musulmane.

Le délit de séparatisme du fameux article 4, censé protéger les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions est particulièrement flou et aura le plus grand mal à être prouvé. Dans la largesse de son énoncé qui met sur un pied d’égalité « menaces », « violences » ou « tout autre acte d’intimidation », il condamne très lourdement (cinq ans d’emprisonnement) toute contestation « des règles qui régissent le fonctionnement dudit service ». N’y a-t-il pas meilleur moyen de faire vivre les missions de service public et de sécuriser les agents, qui du reste le sont déjà par la loi ?

Cet article est assorti d’une mesure scandaleuse qui rétablit la double peine en permettant l’expulsion des étrangers concernés par ce délit. Il permet en outre aux autorités hiérarchiques de se décharger de leurs responsabilités sur la police et la justice, quand il faudrait au contraire les renforcer en moyens humains et financiers.

Le « contrat d’engagement républicain » institué par l’article 6 a fait tousser les bancs les plus lucides de la représentation nationale, à juste titre. Il fait partie de ces « trouvailles » qui, sous couvert de défense des principes républicains, sont particulièrement dangereuses. Il exige par exemple des associations de s’abstenir de « prosélytisme abusif ». On se demande ce que le législateur entend par là… Nombre de religions fondent leur existence sur leur caractère prosélyte. Qui pourra défini le caractère « abusif » de celui-ci ? Personne. A moins d’un contrôle de tous les instants sur le monde associatif.

Il prétend aggraver les peines et condamner les associations et leurs dirigeants qui laisseraient des propos haineux prononcés en leur sein. Pourtant, des associations qui décideraient de prôner la haine ou de violer la loi peuvent être légalement dissoutes, selon l’article 212-1 du Code de la Sécurité Intérieure. Pourquoi donc ce « contrat » d’association qui ampute la loi de 1901 et fait peser le soupçon sur l’ensemble du monde associatif ?

Ajoutons que les associations qui ne sollicitent aucun fonds public n’auront pas à s’engager dans ce contrat. Cela leur vaudra-t-il l’opprobre et le soupçon de ne pas respecter les « valeurs républicaines » ?

Il est très étrange que la République veuille contractualiser ses « valeurs ». Quelles sont-elles et comment la loi s’en saisirait ? Pour notre part, nous accusons le gouvernement de contrevenir sans cesse et à la liberté et à l’égalité et à la fraternité. Cela le rendrait-il illégal ?

Le fond idéologique de cette loi réside dans la volonté d’asséner que la République dans laquelle nous vivons est un régime immuablement parfait auquel les citoyens devraient allégeance sous peine de poursuites. Elle ne permettra en rien de déjouer les entreprises sectaires ou intégristes mais renforcera à coups sûrs une vision étriquée et excluante de la République par laquelle fleurissent l’extrême droite et tous les obscurantismes. Cette conception restrictive de la République l’ampute du principe de responsabilité pour placer les citoyens sous contrôle de l’autorité administrative, à rebours des principes législatifs de 1901 et 1905.

Comme l’a si bien résumé le député communiste Pierre Dharréville, le gouvernement prétend que sa loi « frappe juste », alors que « juste, il frappe ». Cette loi complète les dispositifs législatifs amorcés sous le quinquennat de François Hollande et considérablement amplifiés sous la présidence de M. Macron, qui confèrent à l’État, placé au service des intérêts capitalistes, des pouvoirs considérables sur la société, par le biais des autorités administratives, dont les préfets.

Et, le pouvoir profite de cette loi pour recycler le très contesté article 24 de la Loi de sécurité globale qui vient de se métamorphoser en article 18 de la loi séparatisme ce mercredi 10 février.

Il y a fort à parier que les maux qu’il prétend combattre en sortiront renforcés. Du discours des Mureaux prononcé par M. Macron ne subsistent que les aspects répressifs. Aucune mesure sociale n’est jugée utile par ce gouvernement pour recoudre la République. C’est dire la vision qu’il en a …

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18 février 2021 4 18 /02 /février /2021 06:32

 

1883 postes d’enseignants seront supprimés à la rentrée prochaine en lycée et collège. La crise de la Covid-19 a mis en évidence l'impérieux besoin de moyens humains et matériels supplémentaires
pour permettre à tous les enfants de réussir à l’école et pour pallier les conséquences de plusieurs mois de chaos organisé. Mais le gouvernement, toujours aussi irresponsable, fait le choix de poursuivre sa politique d’austérité dans l’éducation, notamment dans le second degré.

 

 

Cette politique poursuit l’objectif de casse d’une école commune et émancipatrice. Avec moins d’enseignants, des effectifs par classe de plus en plus lourds et une offre de formation qui se réduit comme peau de chagrin, l’Education nationale est transformée en service minimal, destiné à accueillir ceux qui n’ont pas d’autres choix. Les familles qui le peuvent sont encouragées à se tourner vers le privé.

Pour le PCF, il n’est pas question de voir disparaître l’ambition d’une école commune à tous les enfants !
Il soutient les personnels, les parents et les élèves qui, dans bon nombre d'écoles et d'établissements se mobilisent pour garantir à chaque jeune des conditions d’enseignement dignes.

Il est à leurs côtés pour exiger des réponses à la hauteur de la crise que nous traversons. Depuis presque un an, le PCF a mis en débat un plan d’urgence pour l’école. Pour que tous les élèves puissent retrouver une scolarité sereine et à temps complet, il faut rapidement donner aux établissements des moyens humains et matériels supplémentaires. Au lieu de supprimer des heures d’enseignement, il faut engager immédiatement un plan de recrutement de grande ampleur.

Il est à leurs côtés, enfin, pour refuser la mise en concurrence des disciplines et des établissements. Partout, les communistes refusent de céder à la division et s'engagent en faveur de l'unité de toute
la communauté éducative face aux tenants du néomanagement et du néolibéralisme. C’est pourquoi nous appelons tous les acteurs de l’éducation à s’engager dans la démarche des états généraux de l’éducation pour construire ensemble le projet de progrès dont l’école a besoin.

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