Le Parisien - Christine Henry|07 septembre 2018
Pour lutter contre la pénurie du logement qui frappe la capitale, la Ville cherche des solutions. Ian Brossat, l’adjoint PC chargé du logement, propose des solutions radicales.
Première destination touristique mondiale, Paris est devenu aussi le premier marché des plateformes de location meublée de courte durée, avec 65 000 logements actifs à Paris sur les 12 derniers mois revendiqués par Airbnb.
Un record dont la ville se serait bien passé. Et pour cause. L’ampleur du phénomène a des conséquences non négligeables dans la capitale. La transformation de logements en hôtels clandestins par des professionnels de la location saisonnière renforce la pénurie de logements et contribue à la hausse des loyers.
40.000 habitants en moins en cinq ans
Des quartiers, comme l’île Saint-Louis (IVe), se vident. Plus grave encore, les classes moyennes ne peuvent plus se loger dans la capitale et sont contraintes de s’éloigner. Selon une étude de l’Insee publiée fin 2017, la capitale a perdu près de 40.000 habitants en cinq ans, passant de 2,27 millions en 2010 à 2,23 millions en 2015.
Face à ce constat, la Ville cherche des solutions. Profitant de la sortie de son livre « Airbnb ou la ville ubérisée », ce jeudi, Ian Brossat, adjoint communiste chargé du logement à la mairie de Paris, lance un pavé dans la mare en nous livrant en exclusivité les deux mesures phrares qu’il aimerait voir appliquées.
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Ces solutions sont radicales. L’adjoint d’Anne Hidalgo veut interdire la location saisonnière d’appartements dans les quatre arrondissements du centre de Paris, mais aussi les résidences secondaires, utilisées comme pied-à-terre dans la capitale. Celui que le Parti communiste a désigné comme tête de liste pour les élections européennes de mai 2019 n’y va pas par quatre chemins.
Objectif : remettre les pieds-à-terre sur le marché
Il n’y a rien d’illégal à posséder un pied-à-terre. La capitale en abriterait plus de 100 000. Mais face à la pénurie de logements, la ville estime qu’il faut remettre sur le marché ces logements occupés seulement quelques semaines par an.
Pour ce qui est des locations saisonnières, la mairie de Paris estime qu’au moins 20 000 logements parisiens sont loués par des investisseurs qui les transforment en toute illégalité en meublés touristiques bien plus rentables que la location classique…
Depuis la loi ALUR de 2014, seules les résidences principales peuvent être louées sur les plateformes, dans la limite de 120 nuitées par an.
Ces deux propositions que porte l’élu communiste se concrétiseront-elles ? Le débat est tout juste lancé. La Ville n’a pas la main. « Ces propositions relèvent du législateur et non des communes », précise l’entourage d’Anne Hidalgo. en soulignant qu’il s’agit d ‘une initiative prise à titre « personnel » par le « candidat aux européennes ».
Mais Paris ne serait pas la première ville à franchir le pas. Depuis ces dernières années, les capitales européennes et métropoles mondiales confrontées à l’explosion de la location de meublés touristiques de courte durée s’efforcent de réguler ce marché. Et certaines ont déjà pris des mesures radicales.
D’AUTRES METROPOLES MONDIALES TENTENT DE FREINER LE PHENOMENE
Paris n’est pas la seule capitale confrontée à l’explosion du marché de la location meublée de courte durée. D’autres métropoles mondiales, inquiètes de voir leurs logements transformés en hôtels illégaux, tentent elles aussi de réglementer ce secteur. Les législations varient d’une ville à une autre.
New York est l’une des toutes premières villes dans le monde à avoir adopté une législation stricte. Pour freiner l’expansion d’Airbnb jugée néfaste pour le secteur hôtelier et la régulation des prix de l’immobilier, la Grosse Pomme a décidé d’interdire la location d’appartement pour une durée inférieure à 30 jours, sauf si l’occupant des lieux est présent durant la totalité du séjour ou s’il se trouve dans un immeuble comptant moins de trois logements.
Le maire, Bill de Blasio, a complété ces textes de l’Etat en signant cet été un arrêté qui oblige les plates-formes de location de courte durée à fournir la liste de toutes les transactions effectuées pour des logements dans la ville. Tout manquement sera passible d’une amende d’au moins 1 500 dollars par mois et par logement.
En Europe, les capitales adoptent aussi des restrictions. Barcelone, qui voit déferler chaque été des flots de touristes, a décidé de ne plus attribuer de licence pour les appartements touristiques situés dans le centre historique. Seuls les appartements qui disposent d’une telle licence peuvent être mis en location. Madrid s’est contenté d’instaurer une durée minimum de séjour de 5 jours. Palma de Majorque interdit depuis le 1er juillet la location d’appartements particuliers aux touristes.
En 2014, Berlin, confrontée à une crise du logement et à une flambée des loyers, avait aussi interdit la location touristique d’appartements, n’autorisant que la location de chambres. Mais la capitale allemande a fini par lâcher du lest et, désormais, les Berlinois peuvent louer leur résidence principale à des touristes sans limite dans le temps, à condition d’avoir obtenu préalablement le feu vert de la ville. La location des résidences secondaires est en revanche limitée à 90 jours par an.
Aux Pays-Bas, enfin, Amsterdam a signé un accord en décembre 2016 avec Airbnb, rendant impossible la location d’un appartement plus de 60 jours par an (contre 120 nuits à Paris).